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Les menteurs de l’administration Bush vont embraser le monde entier si on les laisse faire
Par Daniel Patrick Welch
Mondialisation.ca, 24 janvier 2006
Bellaciao (texte original en anglais) 20 janvier 2006
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Sam Alito n’est que le dernier menteur en date à monter sur scène pour permettre à Bush d’arriver à son but : la domination complète de l’échiquier politique. Mais ces audiences de procès à grand spectacle où on se demande si cet idéologue proto-fasciste doit être autorisé à décider des évolutions sociales et politiques des Etats-Unis pendant une génération nous fournissent un aperçu de la façon dont les menteurs pathologiques qui constituent cette junte corrompue fonctionnent réellement.

Une première source d’étonnement est le fait que ce processus puisse avoir lieu. Ne devrait-on pas donner la priorité à des audiences qui serviraient à destituer et emprisonner les mafieux qui nous fourré dans une guerre à coup de mensonges ? La phrase « Tout continue comme avant », s’avère être, comme d’habitude, l’arme la plus efficace de l’arsenal de la bande de criminels qui a pris le contrôle des Etat-Unis.

Si ça ressemble à un gouvernement, si ça se tient derrière un pupitre marqué du sceau du gouvernement, si ça porte un costume et parle d’une voix pleine d’autorité, alors tout doit aller pour le mieux. Il suffit de demander à n’importe quel voleur ou terroriste à la carrière couronnée de succès à quoi sert la phase d’approche : à se fondre dans le paysage. Pendant un voyage en Europe dans les années 80, les douaniers s’acharnaient parfois sur mes amis et moi parce que nous avions « la gueule de l’emploi » : un peu dépenaillés, avec une voiture déglinguée, des cheveux longs, etc… Et un ami allemand de se moquer : « Les types avec des bombes dans le coffre sont certainement en costume, au volant d’une Mercedes. »

Mais une couverture ne dure jamais éternellement, et même si nombre d’entre nous disent depuis le début qu’elle n’a jamais été très convaincante, la peinture semble bel et bien aujourd’hui être en train de s’écailler du visage des pantins jacassants et réactionnaires de l’administration Bush.

Bien entendu, la simple présence d’Alito témoigne du fait que les masques tombent.Quand Baby Doc Bush a essayé de nommer sa propre avocate à la Cour Suprême, ses employeurs christiano-fascistes, furieux, lui ont répondu d’une seule voix : « Ferme-la, espèce d’idiot, et rappelle-toi pourquoi nous t’avons porté au pouvoir. » Le cowboy bidon a obéi bien gentiment, et Harriet Myers a cédé la place à Raymond, alias Sam Alito.

Et voilà ce dernier, assis là tandis que les feux de la rampe font fondre son image de juge droit et intègre soigneusement fabriquée de toutes pièces par des émules de Karl Rove. Le premier argument qu’il utilise pour se défendre est, comme toujours, un mensonge éhonté. Et-quoiqu’on puisse difficilement mettre ça à leur crédit-les démocrates qui siègent à la Commission Juridique de s’exclamer tous en choeur-à peu de choses près-« Il ment comme un arracheur de dents ! » Pourquoi Alito s’est-il montré aussi fier d’avoir été membre de l’organisation raciste Concerned Alumni of Princeton (Elèves de Princeton Inquiets), dont le but originel était d’empêcher les noirs et les femmes de rentrer dans les grandes universités américaines ? Parce qu’il n’avait pas de « souvenir précis » de ces faits. Merci bien, cher Monsieur Haldeman-North-Dean-McNamara.

Pourquoi a-t-il débouté une famille ayant été expulsée de sa ferme sous la menace des armes ? Parce qu’ils en avaient peut-être eux aussi. Et quid de ses déclarations, bien établies, selon lesquelles la constitution n’offre aucune protection légale au droit à l’avortement? Bah, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Son adulation éhontée de Robert Bork, qui était, selon lui, le candidat le plus qualifié au poste de juge de la Cour Suprême du vingtième siècle ? Une simple phrase que l’on a sortie de son contexte.

Malgré son impuissance, l’opposition démocrate a réussi à se concentrer sur les dangers qu’impliquerait une modification de l’équilibre à la Cour Suprême : ce serait la fin des libertés sexuelles et reproductives et la mise en place d’une présidence toute puissante s’appuyant sur un pouvoir exécutif dénué de contre-pouvoirs. Une fois encore, il est évidemment difficile de mettre ça à leur crédit. Il faudrait vraiment être dans le coma pour ne pas avoir été réveillé par le scandale des écoutes illégales de la NSA. Et quant à ceux qui se cachent derrière l’arrêt « Roe contre Wade » en le présentant comme la pierre de touche de la protection des droits de la femme, ils ont quelques années de retard. Le cas « Casey » n’est pas une super-jurisprudence qui rendrait la décision de 1972 intouchable : c’est au contraire la porte ouverte qui a permis aux Etats d’imposer des restrictions au droit à l’avortement, de sorte qu’à ce jour, 87% des comtés des Etats-Unis n’ont pas de clinique pratiquant l’avortement. Alito n’est que la cerise sur le gateau. La bataille est presque terminée, et la droite a gagné. Quiconque en doute devrait regarder le documentaire effrayant de Frontline « The Last Abortion Clinic » (« La dernière clinique où se pratique l’avortement »).

Et les démocrates, en jouant leurs rôles écrits à l’avance, sont en train de donner à leurs adversaires des verges pour se faire battre. Puisque les partis s’abstiennent de toute activité non directement électorale-ni grèves, ni grands rassemblements, ni mobilisations-ils n’ont pas grand-chose à faire entre les périodes electorales, sinon jouer leur rôle habituel. Les procédures particulières au Sénat leur permettraient bien l’usage du « filibuster » , mais leur complicité dans le déclenchement de la guerre et leur obéissance maladive aux règles de la bienséance les empêchent probablement de le faire. Et leur embarras face à cette situation peut être résumé en une simple expression : « Pas de filibuster, pas d’avenir. »

Faire sortir en pleurs la femme d’Alito (le grand feuilleton du moment sur Fox News) ne suffit pas. Quant à Sammy et Martha, je préfère plaindre de vraies victimes, et en premier lieu les enfants mutilés et assassinés dans le monde, victimes de l’autorité sans limite des présidents américains à travers l’histoire. Sous le masque perce l’horreur du programme de ces cinglés, à travers leurs propres paroles-dans leurs rares moments de clarté–and à travers celles de leurs héros. Robert Bork, cet extrémiste timbré dont la candidature à la Cour Suprême fut, à raison, rejetée par le Sénat, a dit un jour, à propos d’un procès important portant sur la légalité de la contraception, qu’il n’y a dans la constitution aucune protection, explicite ou implicite, des libertés sexuelles. Aïe. Cela colle bien avec la théocratie que la base électorale de Bush voudrait établir, mais c’est à des lieues des idées de la majorité de la population.

Voilà pourquoi tout cela doit être masqué par des mensonges et une hypocrisie si profonde et tordue qu’elle en donnerait la migraine. Le pays qui a inondé l’Asie du Sud-Est de dioxine a le culot de faire la morale au monde sur les armes chimiques-le pire crime de Saddam, pour mémoire, est d’avoir « gazé son propre peuple, » alors que les bébés déformés par l’agent orange au Vietnam ne méritent de toute évidence pas la même considération. Des bombes nucléaires « propres » nous aideront, par un procédé qui reste un peu flou, à empêcher la prolifération nucléaire-dans le même temps, d’autres pays, terrifiés, sont en train de tout faire pour obtenir l’arme nucléaire, de façon à ne pas être la prochaine victime des Etats-Unis. Entretemps, la guerre nucléaire n’est plus loin : le Golfe Persique a été saturé de munitions à l’uranium appauvri, non pas une mais deux fois, avec tout l’enthousiasme de privilégiés dont les enfants ne sont jamais envoyés au front. Plus de la moitié des soldats de la première Guerre du Golfe souffrent d’un handicap, et la crise imminente de l’uranium appauvri va tôt ou tard, après l’Irak, atteindre les Etats-Unis. Le recours systématique à la torture assurera notre sécurité, et, d’une manière là encore non élucidée, matera la révolte de ceux qui s’opposent à notre politique. Espionner des groupes pacifistes protègera nos libertés individuelles. On espionne jusqu’aux Quakers ! Je pensais que tout le monde savait que le seul Quaker dangereux était Richard Nixon. Pas étonnant qu’on puisse voir, sur une caricature récemment publiée sur Internet, l’association des héritiers de George Orwell intentant un procès à l’administration Bush pour plagiat.

Mais, bien entendu, un mensonge ne peut faire grand mal sans complices dans l’assistance. Les démocrates qui se comportent en collaborateurs ne rendent service ni au pays ni à aux-mêmes en faisant semblant de croire qu’avec cette bande de malfrats corrompus qui s’accrochent au pouvoir, « Tout continue comme d’habitude ».

Le timide débat lancé sur les horreurs de la guerre en Irak ne sonnera juste aux oreilles du reste du monde que s’il amène des procès pour crimes de guerre, le paiement de réparations aux victimes de l’invasion, et une restructuration complète du processus politique qui a rendu cette hystérie guerrière possible.

A la place, les roulements de tambour se font déjà entendre dès qu’on parle de l’Iran-ça vous rappelle quelque chose, non ?-sans que l’on voit la réaction instinctive qu’on pourrait attendre face à une telle suggestion, si dangereuse que ni les Etats-Unis, ni le monde ne pourraient s’en relever.

Et on peut compter sur les médias, toujours en quête d’audimat, pour continuer leur propagande orwellienne : le Pape Jean-Paul II est regretté pour son réformisme et son progressisme, le scandale Abramoff devient une affaire qui éclabousse tous les partis, et Ariel Sharon prend des allures de pacifiste acharné.

Pendant ce temps, on ne peut trop insister sur le fait que nous allons à la catastrophe à un rythme de plus en plus soutenu. Bush est peut-être un pantin ignorant, mais ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre ne sont ni stupides, ni bienveillants. Et étant donné qu’ils contrôlent l’organisme boursouflé qu’est l’armée, ils ont vraiment entre les mains la capacité d’amener le monde au bord d’une guerre nucléaire et d’un désastre écologique. Pour leur résister il faudrait commencer par dénoncer publiquement leurs mensonges. Les flammes, sinon, pourraient bien nous atteindre.


Traduit de l’anglais par Francois Devoto

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