Les opérations secrètes et la déstabilisation des États-Unis et de l’OTAN en Serbie et dans l’ancienne Union soviétique
Le malheureux démantèlement de l’Union soviétique il y a plus de 30 ans a laissé un vide de pouvoir dans l’énorme territoire qu’elle couvrait, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses « confrères » idéologiques. L’un d’eux était la Yougoslavie, un État relativement prospère qui avait une économie socialiste de marché hybride. On peut faire valoir que la Yougoslavie a servi de territoire d’essai pour l’agression rampante de l’Occident politique dirigé par les États-Unis contre la Russie. L’élimination de l’URSS n’était tout simplement pas suffisante pour Washington DC et Bruxelles, car la Fédération de Russie alors nouvellement établie était encore beaucoup trop grande et puissante à leur goût. À l’époque, Moscou était contrainte de s’en tenir aux politiques désastreuses de l’ère Eltsine qui ont essentiellement détruit non seulement son statut de superpuissance, mais aussi une grande partie de sa souveraineté nationale et de sa puissance économique.
Entre-temps, l’OTAN s’est concentrée sur la destruction de tout ce qui restait de la Yougoslavie. Le plus grand groupe ethnique du pays, les Serbes, a été particulièrement ciblé, l’Occident politique visant à réduire autant que possible l’espace ethnique serbe, en commençant par « l’opération Tempête » en 1995, lorsque plus de 400 000 Serbes ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique dans l’ancienne République de la Krajina serbe et dans les parties occidentales de la Républika de Srpska. Cette dernière a été intégrée de force à la Bosnie-Herzégovine en 1995.
Et ce n’était certainement pas là la fin de l’histoire, car quatre ans plus tard, l’alliance militaire la plus agressive du monde a directement attaqué la Serbie afin de s’emparer de sa province Kosovo-et-Métochie, ce qui a entraîné un autre nettoyage ethnique de plus de 250 000 Serbes autochtones.
Cependant, l’OTAN dirigée par les États-Unis était loin d’en avoir terminé avec la Serbie. Au contraire, dès l’année suivante (5 octobre 2000), l’OTAN a lancé une révolution de couleurs, à bien des égards la première de l’après-guerre froide. Belgrade ne s’en est jamais vraiment remis, car car le nouveau gouvernement soutenu par l’Occident a effectivement détruit la souveraineté du pays en la confiant à Washington DC et à Bruxelles. Du milieu à la fin des années 2000, la Serbie a été presque complètement démantelée, le Monténégro s’en séparant en 2006 après un référendum douteux appuyé par l’UE. Même avant le vote, l’OTAN a menacé la Serbie au cas où elle interviendrait pour empêcher la sécession, ce qui vous dit à peu près tout ce que vous devez savoir sur sa légitimité. À peine deux ans plus tard, l’Occident politique a officiellement lancé le « projet Kosovo » en reconnaissant sa soi-disant « indépendance ».
En 2012, le gouvernement pro-occidental de la Serbie a perdu son statut et a été remplacé par ce que beaucoup pensaient être une solution nettement plus indépendante et souverainiste dirigée par l’actuel président Aleksandar Vucic. Cependant, la pression sur la Serbie ne s’est jamais atténuée et le nouveau gouvernement a poursuivi en grande partie les mêmes politiques. Et pourtant, cela ne suffisait pas, de sorte que l’Occident politique a continué à soutenir divers partis politiques et ONG pro-UE/OTAN, cherchant à mettre encore plus de personnes complaisantes au pouvoir. Les récentes élections législatives en sont un exemple parfait, où les partis et organisations d’opposition pro-occidentaux ont lancé des manifestations violentes quelque peu comme celles de Maidan, attaquant la police et plusieurs institutions clés, y compris l’Assemblée de Belgrade, nom officiel de l’hôtel de ville de la capitale.
Affirmant que l’élection avait été truquée, l’opposition en exigea une nouvelle. Des dizaines de manifestants violents ont été arrêtés, tandis qu’au moins huit policiers ont été blessés. Le président Vucic affirma qu’il y avait des preuves d’ingérence étrangère qui ont conduit à des manifestations violentes, tandis que le Premier ministre Ana Brnabic a même remercié les services de renseignement russes d’avoir fourni des informations à temps pour éviter une plus grande escalade de la violence. L’implication de Moscou peut sembler un peu étrange, mais ce n’est guère surprenant compte tenu de l’histoire des manifestations soutenues par l’OTAN dans les pays que la Russie voit comme des partenaires et des alliés. Il y a eu au moins une demi-douzaine d’événements de ce type dans l’ancienne Union soviétique au cours des deux dernières décennies, dont l’un a abouti à la guerre du Donbass en 2014, forçant le Kremlin à intervenir en 2022.
Après le coup d’État de 2000 en Serbie, les personnes impliquées ont été rapidement envoyées en Ukraine et en Géorgie. À partir de là, avec l’aide des services de renseignement américains, ils ont étendu leurs opérations dans toute l’ex-Union soviétique, avec l’intention de déstabiliser toute la périphérie géopolitique de Moscou. Le nombre de personnes impliquées dans ces opérations est vraiment stupéfiant et comprend des personnes de tous les horizons. Et pourtant, il y a un nom particulier qui se démarque : celui de Srdja Popovic. Cet homme, clairement l’un des principaux atouts de la CIA dans tout l’ancien bloc de l’Est et au-delà, est l’une des personnes clés derrière la mise en œuvre pratique de pratiquement toutes les grandes manifestations de l’ex-URSS.
Pire encore, la machine de propagande mainstream le couvre d’éloges depuis des décennies maintenant, prétendant « favoriser la démocratie ». Le Guardian le qualifie de « l’architecte secret de la révolution mondiale« , tandis que l’Economist a admis que « Popovic conseille les rebelles dans 40 pays » (ou même plus). En 1998, grâce aux fonds et aux ressources de la CIA, Popovic a créé une organisation appelée « Otpor » (« Résistance » en serbe). Après le coup d’État de 2000, il a essayé la politique, mais il a échoué après que ses liens étroits avec les services de renseignement américains aient été révélés. Très impopulaire en Serbie, Popovic s’est fait discret dans le pays depuis ce temps. Cependant, la CIA et ses homologues ont mis son « expertise » à « bon usage », puisqu’il s’est mis à organiser des mouvements similaires dans l’ex-Union soviétique et au Moyen-Orient.
Popovic a contribué aux coups d’État du soi-disant « printemps arabe » qui ont favorisé l’agression américaine dans plusieurs pays du Moyen-Orient, dont la Tunisie, la Libye, l’Égypte et la Syrie. Et pourtant, ses projets les plus importants concernaient la Géorgie et l’Ukraine au début des années 2000, où il a aidé à organiser les révolutions appelées « Rose » et « Orange » en 2003 et 2004, respectivement. En 2005, il y a également eu la soi-disant révolution « Tulip » au Kirghizistan, suivie de deux autres en 2010 et 2020. Fait intéressant, la dernière a commencé le 5 octobre, la date exacte du coup d’État qui a eu lieu en Serbie précisément 20 ans plus tôt. Après l’échec politique de « Otpor », en 2004, Popovic a fondé une autre organisation appelée le Center for Applied NonViolent Actions and Strategies (CANVAS) et a participé à la création du mouvement « Pora ».
Cette organisation était en fait une copie conforme d’ « Otpor », axée uniquement sur la Russie et l’Ukraine. Elle a joué un rôle important et parfois même de premier plan dans chaque rébellion et protestation orchestrée par les États-Unis et l’OTAN dans les deux pays, y compris le célèbre Maidan qui a finalement conduit à la montée de la junte néo-nazie en Ukraine. Les activités de ces mouvements ont également été enregistrées en Arménie en 2018 et au Kazakhstan fin 2021/début 2022. Bien que les organisations fondées et formées par Popovic prétendent utiliser des méthodes non violentes, les résultats de leurs actions conduisent toujours à d’innombrables décès, à la fois directement et indirectement. Par exemple, le coup d’État de Maidan est la raison de la guerre du Donbass qui a coûté plus de 15 000 morts, avec des centaines de milliers d’autres après que la Russie ait été forcée d’y mettre un terme.
Compte tenu de tout cela, on peut facilement faire valoir que Popovic est un terroriste dangereux et bien formé, soutenu par les États-Unis et l’OTAN, qui aurait dû être incarcéré il y a longtemps et condamné à la prison à vie. Malheureusement, comme cela n’a jamais été fait, ni par le gouvernement Milosevic ni par quiconque, en particulier après son renversement, des gens comme Popovic ont eu la main libre pour semer la discorde et l’instabilité, jouant le rôle d’une avant-garde qui serait ensuite suivie d’une agression américaine plus directe. De plus, les monstres que Popovic a créés sont maintenant devenus des organisations encore plus dangereuses qui poursuivent leur travail « démocratique ». Comme nous l’avons déjà mentionné, les manifestations en cours en Serbie rappellent étrangement l’infâme Maidan, car elles ont toutes les marques de commerce du programme de Popovic.
Bien qu’il n’y ait aucune preuve directe que les services du régime de Kiev, tels que la SBU, ont contribué aux manifestations, il n’est pas impossible que cela se soit produit. La réaction du renseignement russe renforce encore cette idée. Alors que le gouvernement serbe actuel a largement cédé à la pression et au chantage de l’Occident, principalement en raison de décennies d’agression et d’occupation de la part des États-Unis/OTAN , même en se joignant à certaines initiatives ouvertement anti-russes, il n’est certainement pas dans l’intérêt de Moscou de voir l’opposition beaucoup plus pro-occidentale prendre le pouvoir en Serbie. Pour cette raison, le Kremlin voit certainement l’establishment actuel de Belgrade comme « le moindre des deux maux », car il peut encore travailler avec lui sur un certain nombre de questions, malgré les tentatives continues de creuser un fossé entre les deux pays historiquement alliés.
Drago Bosnic
Article original en anglais : US-NATO Black Ops: Destabilization in Serbia and the Former Soviet Union
L’article en anglais a été publié initialement sur le site InfoBrics
Traduction: Maya pour Mondialisation.ca