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Les réductions des soins de santé au Royaume-Uni entraîneront 100 décès supplémentaires chaque jour
Par Margot Millar
Mondialisation.ca, 29 novembre 2017
wsws.org 28 novembre 2017
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Partout dans le monde, les gouvernements réduisent les dépenses de santé au nom de la promotion de « l’efficacité » et de la « réductions des coûts », au motif qu’il n’y a « pas d’argent ». La réalité, cependant, est que ces réductions ont pour conséquence directe les morts prématurées de masses de personnes – les dommages collatéraux découlant de l’enrichissement accru de l’oligarchie financière.

Une étude des conséquences terribles des réductions des dépenses de plus de 100 milliards de livres au seul Royaume-Uni, avec la perte de plus d’un million d’emplois, fournit une indication de l’effet mondial de la destruction continue des soins de santé et des services essentiels.

Un rapport conjoint des universités d’Oxford et de Cambridge et de l’Université de Londres (UCL) conclut que des coupes brutales dans les prestations du National Health Service (NHS, Service de Santé publique) et des services sociaux britanniques pourraient entraîner un « excédent » de près de 200 000 décès d’ici la fin de 2020 en Angleterre.

« Les effets des contraintes financières dans les domaines sanitaires et les services sociaux sur la mortalité en Angleterre : une analyse des tendances temporelles », publiée dans le British Medical Journal, BMJOpen, estime que 45 000 décès supplémentaires sont à déplorer sur la période entre 2009 et 2014 et prédit 152 141 décès supplémentaires entre 2015 et 2020 – un nombre stupéfiant de 100 par jour.

Cette recherche établit un lien entre les taux de mortalité croissants et les coupes budgétaires dans les dépenses sociales et sanitaires, commencées d’abord sous un gouvernement travailliste, puis poursuivies par les gouvernements conservateurs successifs pour financer le renflouement à 1000 milliards de livres des banques après l’effondrement financier mondial de 2008.

« De 2001 à 2010 », déclare le rapport, « le nombre absolu de décès en Angleterre a diminué en moyenne de 0,77 pour cent par an. De 2011 à 2014, le nombre de décès a augmenté en moyenne de 0,87 pour cent par an ».

Les personnes âgées représentent la plupart des décès supplémentaires. Bien que le nombre total de décès à l’hôpital ait diminué au cours de la période étudiée, cela cache le fait que les personnes âgées et fragiles sont éjectées des hôpitaux et vont, sans raisons objectives, mourir chez elles ou dans des maisons de retraite. Cela est dû à une combinaison de facteurs, notamment la réduction des dépenses en matière de protection sociale et la pénurie d’infirmières tant dans les hôpitaux qu’en exercice libéral.

Les dépenses totales des collectivités locales en matière de protection sociale pour les personnes âgées ont diminué de 1,57 milliard de livres sterling en seulement six ans jusqu’en 2016, entraînant la fermeture de 95 maisons de retraites. L’étude a associé chaque diminution de 10 £ par habitant pour la protection sociale aux cinq décès supplémentaires dans les maisons de retraites par 100 000 de la population.

Les dépenses en matière de protection sociale en Angleterre ont chuté de 1,19 % par an entre 2010 et 2014, malgré l’augmentation prévue du nombre de personnes atteignant l’âge de 85 ans dans la population – témoignage de l’héritage historique du NHS, qui pendant des décennies a fourni un accès aux soins médicaux gratuits.

Les patients dans les hôpitaux sont renvoyés chez eux avant d’avoir récupéré correctement à cause de la pression exercée pour libérer les lits. Les patients âgés souffrant de multiples problèmes de santé sont appelés des « bloqueurs de lits ». Le rapport indique que « Les urgences aux hôpitaux ont connu 900 000 (4,6 %) consultations de plus en 2015/2016 que l’année précédente et 4 % d’admissions en urgences à l’hôpital de plus. Au cours des deux dernières années, le nombre de patients âgés attendant une prise en charge pendant plus de 12 heures dans les urgences a triplé, et il y a eu une augmentation de 31 % des retards dans les sorties d’hôpital ».

Entre 2010 et 2012, « le nombre d’infirmières a diminué d’environ 6000, ce qui […] représente environ 10 % des décès prévus pour cette période ». Il y a actuellement 24 000 postes vacants en raison des années de gel salarial et de réductions dans les places de formation. Depuis la suppression des bourses, les demandes d’embauche pour les postes d’infirmières sont en baisse de 20 %. La sortie prévue par la Grande-Bretagne de l’Union européenne va encore aggraver les choses, car un tiers des infirmiers candidats viennent de l’UE. »

Pour réduire le taux de mortalité, le rapport conclut que le budget du NHS devrait être augmenté de 6,3 milliards de livre chaque année jusqu’en 2021, soit un total de 25,2 milliards de livre. Au lieu de cela, dans le budget de la semaine dernière, le ministre des finances Phillip Hammond a annoncé une augmentation dérisoire de 2,8 milliards de livres pour le NHS. Dans son analyse post-budgétaire, l’Institut des Études fiscales prévoit une baisse de la productivité, de la croissance et des revenus jusqu’en 2022. Il affirme que le NHS fait face aux « contraintes de financement les plus strictes depuis les années 1980 ». Avec une augmentation annuelle des dépenses qui est passée de 4 pour cent avant la crise financière à 1 pour cent actuellement, et une population vieillissante, le NHS est arrivé au point de rupture.

Le rapport BMJOpen ne se penche pas sur les différences de taux de mortalité suivant les régions ou la classe sociale. Cependant, il souligne que « la protection sociale dépend de conditions de ressources et de prestations privées ; des facteurs qui peuvent influencer l’accessibilité et la qualité. »

Depuis 2010, le NHS a été délibérément laissé à l’abandon, subissant des réductions de 20 milliards de livres prévues par le gouvernement travailliste sous Gordon Brown et mises en œuvre alors par la nouvelle coalition entre conservateurs et libéraux-démocrates. D’ici à 2021, 26 milliards de livres « d’économies » supplémentaires seront imposés, la Croix-Rouge britannique a annoncé une « crise humanitaire ».

Le Parti travailliste et ses alliés au sein de la bureaucratie syndicale continuent d’être impliqués dans la destruction des services sociaux et de santé dans les collectivités locales du Royaume-Uni. Quelques semaines après l’élection de Jeremy Corbyn comme chef du parti en 2015, lui et le ministre fantôme des finances John McDonnell ont ordonné aux conseils municipaux travaillistes de continuer à imposer l’austérité et de s’abstenir d’établir des budgets « illégaux ».

L’un des coauteurs de l’étude BMJOpen, le professeur Lawrence King de l’Unité de recherche appliquée en santé de l’Université de Cambridge, a déclaré : « Il est maintenant clair que l’austérité ne favorise pas la croissance ni ne réduit les déficits – c’est une mauvaise politique économique, mais une politique de classe. Cette étude démontre qu’il s’agit également d’une catastrophe de santé publique. Ce n’est pas une exagération de qualifier cela de meurtre économique. »

Le terme fait écho à ce que Friedrich Engels, le cofondateur du socialisme scientifique, a décrit dans son ouvrage de 1845, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, condamnant la classe dirigeante britannique pour « assassinat social » en raison de l’approvisionnement en eau croupie, des logements exigus et des maladies qui affligeaient les quartiers populaires.

Face à l’étude accablant par des universitaires réputés de certaines des meilleures universités du Royaume-Uni, le gouvernement a répondu par l’habituelle fin de non-recevoir citant un préjugé politique – la même réponse fournie à l’occasion d’un rapport précédent de chercheurs de l’Université d’Oxford publié par le Journal of the Royal Society of Medicine montrant qu’il y a eu un « surplus » de 30 000 décès en 2015 par rapport à l’année précédente – la plus grande augmentation en plus de 70 ans.

Margot Millar

Article paru en anglais, WSWS, le 28 novembre 2017

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