«Les scandales financiers généralisés qui touchent la plupart des secteurs d’activité nationale menacent les fondements de l’État algérien»

Entretien réalisé pour American Herald Tribune par Mohsen Abdelmoumen

Mohsen Abdelmoumen : Quelle lecture faites-vous de la situation économique actuelle de l’Algérie ?

Prof. A. Mebtoul : Pour comprendre la situation économique , il est intéressant de se référer au   classement annuel du The Global Competitiveness Report, du World Economic Forum (WEF), qui concerne les contraintes du milieu des affaires et l’efficacité économique dans le monde, établi sur la base d’une centaine d’indicateurs quantitatifs émanant des États membres et des organisations internationales (Banque mondiale, FMI, UIT, CCI, Unesco…) ainsi que d’enquêtes qualitatives réalisées par le WEF lui-même. Pour rendre possible l’agrégation de données hétérogènes, tous les résultats sont convertis sur une échelle de notes de 1 à 7. Ces 110 notes sont ensuite regroupées en 12 catégories appelées « piliers », eux-mêmes répartis entre grands « sous-indices ». Dans son rapport de 2018, l’étude du WEF, réalisée auprès de 14 000 chefs d’entreprise de 137 pays, fournit un classement mondial des pays les plus compétitifs. Pour établir le classement de compétitivité de l’Algérie, le Forum s’est basé sur 114 indicateurs regroupés dans les 12 catégories suivantes : l’Algérie est classée  88e, loin derrière le Maroc (49e position) et la Tunisie (80e position). Quant au niveau de corruption, (85e place), l’Algérie est très mal classée, la corruption étant le deuxième plus grand écueil qui se dresse sur le chemin des investisseurs. Pour la performance du secteur public, le pays arrive au 81e rang et en matière de sécurité, il se trouve à la 54e place. Concernant l’indice de l’ouverture de l’économie algérienne à l’investissement privé, le classement est la 128e place, l’économie étant jugée trop peu diversifiée et l’initiative privée est l’une des moins compétitives du monde arabe. Concernant les infrastructures, malgré d’importantes dépenses, l’Algérie est classée à la 93e place. Brièvement, nous avons le classement suivant : institutions : 88e rang ; infrastructures : 93e rang ; environnement macroéconomique : 71e rang ; santé/éducation : 71e rang ; enseignement supérieur et formation : 92e rang ; marchandises et efficacité du marché : 129e rang ; efficacité du marché du travail : 133e rang ; développement du marché financier : 125e rang ; état de préparation technologique : 98e rang ; taille du marché : 36e rang  ; sophistication des affaires : 122e rang ; innovation : 104e rang. S’agissant des mesures incitatives à l’investissement, le pays se situe à la 98e position sur les 137 pays évalués, ce qui est une performance qui se situe dans la moyenne. Selon Bloomberg, l’Algérie, pour remonter son déficit budgétaire au titre de l’exercice 2019, « aurait besoin d’un baril de pétrole à 116,40 dollars, contre 95/100 dollars en 2017/2018 », soulignant que « la production algérienne est restée relativement stable à environ 1 million de barils par jour ». Au vu des importantes dépenses, la croissance tirée essentiellement par la dépense publique a été faible : de 1,4% en 2018, contre 1,3% en 2017, selon le rapport de l’Office national des statistiques (ONS) et en valeur courante, le PIB est passé de 18 575,8 milliards de dinars en 2017 à 20259 milliards de dinars. En 2018, le déflateur du PIB a connu une hausse de 7,6% contre 4,7% en 2017 et par tête d’habitant, le Produit intérieur brut a atteint 4 080,7 dollars en 2018 contre 4 011,2 dollars en 2017. Selon le rapport de la banque mondiale et le dossier consacré aux perspectives économiques mondiales, la croissance en Algérie devrait être de 1,7 % en 2020, l’assainissement des finances publiques pesant sur l’activité non pétrolière, alors que l’édition de janvier 2019 du rapport prévoyait une croissance de 1,8% en 2020 et 2021, cette projection ayant été  abaissée de -0,1 point pour 2020 et de -0,4 points pour l’année 2021. Ce qui, forcément, entraînera un accroissement du taux de chômage souvent gonflé par les officiels incluant les emplois rentes et  les emplois temporaires non productifs. La situation politique actuelle avec l’emprisonnement des oligarques accentue ce taux à la hausse alors que la population active est estimée à environ 12,463 millions fin 2018 pour une population totale au 01 janvier 2019 de plus de 43 millions d’habitants. Le chômage touche près de 29/30% des jeunes et, données importantes, des diplômés de l’enseignement supérieur qui avaient  atteint 17,6% au mois d’avril 2017, ont atteint 27,9% en septembre 2018, selon les  statistiques de l’ONS.

Les déficits budgétaires et commerciaux ne cessent de se creuser ces dernières années, quelles solutions, autre que le recours à l’endettement extérieur, préconisez-vous pour y  faire face ?

Toute augmentation ou baisse du cours des hydrocarbures a eu des incidences à la fois économiques et politiques comme en témoignent les impacts politiques de la crise de la baisse du cours entre 1986/1990. Le cours du pétrole a subi une baisse brutale depuis le troisième trimestre 2019, étant coté  entre 59/61 dollars avant de remonter, suite à l’attentat en Arabie Saoudite, à plus de 67 dollars mais ayant connu une stabilisation par la suite, étant coté le 21 septembre 2019 à 64,32 dollars et celui de WTI, de 1,13% à 58,67 dollars. Le cours sur le marché libre du gaz naturel, qui  représente 33% des recettes de Sonatrach entre 2018/2019, a été coté le 21/08/2019 à 2,53  dollars le MBTU ayant fluctué ces 12 derniers mois entre 4,93 et 2,06 le MBTU, où, à ce cours, l’Algérie peinera à couvrir les frais de production.

Concernant la structure de la balance commerciale pour 2018,  les importations ont été de 46,19 milliards de dollars US soit une très légère hausse de 0,30 % par rapport aux résultats de l’année 2017. Les exportations ont été de 41,17 milliards de dollars US, en augmentation de 16,98% par rapport aux résultats de l’année 2017 grâce à un cours moyen de 70 dollars le baril. Cela s’est traduit par un déficit de la balance commerciale durant la période de l’année 2018 de l’ordre de 5,03 milliards de dollars US et un taux de couverture des importations par les exportations de 89% durant l’année 2018, contre un taux de 76% au cours de l’année 2017. Les hydrocarbures ont représenté l’essentiel des exportations à l’étranger durant l’année 2018 avec une part de 93,13% du volume global des exportations, les exportations hors hydrocarbures ayant été évaluées à 2,83 milliards de dollars USPour le premier semestre 2019, les tendances profondes n’ont pas changé dans leurs structures. La balance commerciale de l’Algérie a enregistré un déficit de 3,18 milliards de dollars durant le 1er semestre 2019, contre un déficit de 2,84 milliards de dollars à la même période en 2018, selon les douanes algériennes. Pour les importations, elles ont atteint 22,14 mds USD, contre 23,14 mds USD, enregistrant une faible baisse malgré toutes les mesures bureaucratiques prises, avec, notons-le, une baisse de la facture carburant mais qui pose avec la forte consommation intérieure la problématique des subventions généralisées nécessitant un ciblage et un nouveau modèle de consommation énergétique. Les exportations algériennes ont atteint 18,96 milliards de dollars (mds USD) durant le 1er semestre de 2019, contre 20,29 mds USD à la même période de 2018, soit une baisse de -6,57% ayant  assuré la couverture des importations à hauteur de 86%, contre 88% à la même période de l’année 2018. Pour les exportations hors hydrocarbures, y compris les dérivés d’hydrocarbures, elles restent toujours marginales, avec près de 1,31 mds USD le 1er semestre 2019  contre 1,45 mds USD à la même période en 2018, c’est-à-dire moins de 350 millions de dollars si l’on soustrait les dérivées d’hydrocarbures. Les hydrocarbures représentent toujours l’essentiel des ventes algériennes à l’étranger au cours du 1er semestre 2019  (93,10% du volume global des exportations et plus de 98% avec les dérivées, en s’établissant à 17,65 mds USD, contre 18,84 mds USD à la même période 2018, en baisse de -6,31%).

Au vu de la  tendance du premier semestre 2019, dans l’hypothèse d’une moyenne  annuelle d’environ 60/65 dollars le baril pour le pétrole et 3/5 dollars le MBTU pour le gaz, Sonatrach ferait une recette avoisinant les 30/35 milliards de dollars. Mais le document de référence est la balance de paiement, la balance commerciale ayant  une signification limitée. Selon la banque d’Algérie, au cours des 9 dernières années, les importations de services ont fluctué entre un bas de 10,776 milliards de dollars (2013) et un haut de 11,696 milliards (2014) dont la facture fluctue entre 2010/2018 entre 10/11 milliards de dollars annuellement qui impacte négativement la balance des paiements dont le  transport maritime (2,95 milliards de dollars en 2018), le BTP (2,65 milliards de dollars en 2018) et l’assistance technique (3,22 milliards de dollars en 2018). Cela renvoie à l’urgence d’une nouvelle orientation gouvernementale et d’une mobilisation générale citoyenne pour éviter de vives tensions budgétaires en 2021/2022 avec des incidences dramatiques à la fois économiques, sociales, politiques, voire sécuritaires, sauf miracle d’un cours de baril de 100 dollars. Le  retour au FMI dans le courant 2022 aurait six conséquences : premier impact, une dévaluation du dinar avec comme conséquence la diminution du pouvoir d’achat des revenus fixes ; deuxième impact, dégraissement de la fonction publique avec notamment une diminution des fonctionnaires, une réduction du budget défense nationale/services de sécurité dont la DGSN ; troisième impact, flexibilité du marché du travail ; quatrième impact, subventions ciblées notamment du carburant et des produits de première nécessité ; cinquième impact,  privatisation, démonopolisation et réduction du secteur d’État y compris le secteur financier, et liquidation des entreprises déficitaires ; sixième impact,  conséquences diplomatiques vis-à-vis des prises de position traditionnelles de l’Algérie au niveau international, sans compter d’éventuels impacts géostratégiques.

Les réserves de change du pays fondent comme neige au soleil. Quelles seront les retombées significatives de cette tendance baissière sur la situation du pays dans un proche avenir ?

Bien que la dette extérieure soit d’environ 1/2% du PIB, nous assistons à la baisse drastique des réserves de change. Rappelons que la loi des finances 2019 qui fonctionne sur la base d’un cours  de pétrole  supérieur à 105 dollars le baril, prévoyait, pour la période 2019/2021, une baisse des réserves de change à 62 milliards USD en 2019, puis à 47,8 milliards USD en 2020 pour atteindre 33.8 milliards USD en 2021. Or, avec la crise politique non résolue qui paralyse l’économie, ces prévisions risquent de ne pas être concrétisées. En effet, nous avons eu une baisse d’environ 7 milliards de dollars entre janvier et avril  2019, soit en quatre mois, et, à ce rythme, la baisse fin 2019 serait de 21 milliards de dollars. Les investissements directs étrangers fléchissant à cause de la crise politique et au rythme de la dépense publique qui tire à plus de 80% la croissance, les réserves de change  risquent de fondre début de l’année 2022. En effet nous avons l’évolution suivante : -2012 :190,6 milliards de dollars 2013 :194,0 milliard de dollars -2014 :178,9 milliards de dollars -2015 :144,1 milliards de dollars -2016 : -114,1 milliards de dollars -2017 : 97,3 milliards -2018 : 79,88  milliards de dollars -fin avril 2019 : 72,6 milliards de dollars -fin 2019 : 58/60 milliards de dollars au rythme d’une sortie de devises de 21 milliards de dollars/an (prévision), -fin 2020 : 36/38 milliards de dollars (prévision) -fin 2021 : 16/18 milliards de dollars (prévision) -premier semestre 2022 –hypothèse de cessation de paiement (prévision).

Quel est l’impact de la baisse des réserves de change sur la cotation du dinar ?

Contrairement à certaines déclarations hasardeuses récentes comparant le non comparable (pays développés), le cours du dinar officiel 1990/2019, est corrélé aux réserves de change, via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%. Pour toute comparaison, l’on devra se référer non aux pays développés (réserves de change faible, mais une structure productive) mais à l’expérience vénézuélienne. C’est que de 70 à 80% des besoins des entreprises publiques et privées ainsi que des besoins des ménages proviennent de l’extérieur, le taux de croissance, le taux d’emploi dépendant de la dépense publique via les hydrocarburesLa période antérieure n’étant pas significative (cotation administrative en 1970 avec 5 dinars pour un dollar), récemment, de 2001 à juillet 2019, la cotation est la suivante : -2001 : 69,20 dinars pour un euro et 77,26 dinars pour un dollar ; -2002 : 75,35 dinars pour un euro et 69,20 dinars pour un dollar ; -2008 : 94,85 dinars pour un euro et 64,58 dinars pour un dollar ; -2014 :106,70 dinars pour un euro et 80,06 dinars pour un dollar ; -2019 (21 septembre) : une cotation cours achat de 132,62 dinars pour un euro et de 119,96 dinars pour un dollar, et sur le marché parallèle, l’écart avec le cours officiel est d’environ 50% dépendant de l’équilibre offre/demande.

Sur le plan budgétaire, s’offrent trois solutions en cas de non recours au financement non conventionnel : une plus grande rigueur budgétaire avec la lutte contre le fléau de la corruption, l’endettement extérieur ciblé et le dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro qui permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures et la fiscalité ordinaire, cette dernière accentuant l’inflation supportée par le consommateur final comme un impôt indirect. En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars pour un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d’inflation entre 300/400 dinars pour un euro, ce qui accélérera le processus inflationniste. Il s’ensuit que la croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l’Algérie. Comme je l’ai souligné dès sa mise en œuvre, après des discours euphoriques sur le bienfait du financement non conventionnel de certains experts organiques, ce mode de financement risque de conduire le pays vers une dérive inflationniste à la vénézuélienne (il faut comparer le comparable) avec des incidences économiques, politiques et sociales négatives, les slogans politiques étant insensibles aux lois économiques applicables dans tous les pays et l’Algérie ne fait pas exception. Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme tout en favorisant, contrairement à certains discours, la baisse des réserves de change puisqu’elle met des dinars à la disposition de certaines entreprises, (70% des matières premières et des équipements des entreprises publiques et privées étant importées, le taux d’intégration ne dépassant pas 15/20%), ces dernières se porteront impératrices, la poussée inflationniste n’étant pas encore perceptible entre 2018 et septembre 2019. Pour le FMI et l’Union européenne, le gouvernement algérien se limite aux  mesures conjoncturelles sans vision stratégique, le financement non conventionnel représentant 23% du PIB.  Mais ce mode de financement aura aussi atteint ses limites à partir de 2020 avec des taux d’inflation élevés. Les mêmes projections sont reprises par la note de conjoncture de la Coface ainsi que plusieurs institutions internationales.

Quelle est votre lecture de l’avant-projet de loi de finances 2020 ?

La PLF 2020 prévoit une baisse de 9,2% des dépenses avec une coupe sévère dans les dépenses d’équipements (-20,1%) et une légère baisse des dépenses de fonctionnement (1,2%) et une baisse de 8,3% des recettes fiscales globales. Ces dernières, malgré une hausse prévue de 5,3% de la fiscalité ordinaire, seront impactées par un recul de la fiscalité pétrolière qui atteindra 2.200,3 milliards de dinars en 2020. Malgré ces prévisions pessimistes, le projet de Loi de finances 2020 serait élaboré sur la base d’un financement conventionnel en s’appuyant essentiellement sur les recettes budgétaires ordinaires par le renforcement des impôts et taxes sur la fortune et les biens, en fonction des signes de richesse mobilière et immobilière. L’imposition d’un impôt, allant de 1% à 3,5%, sur tout patrimoine d’une valeur supérieure à 50 millions de dinars avait été introduite dans le projet de loi de finances (PLF) 2018, avant sa suppression, sur proposition de la commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN). Le PLF 2020 propose dans son article 95 d’amender l’article 109 de la Loi de Finances 2018 qui porte sur la contribution de solidarité. Selon le texte, cette dernière va passer de 1% à 2%,  s’agissant  d’une taxe applicable aux opérations d’importation de marchandises mises à la consommation. Elle est perçue et recouvrée comme en matière de droit en douanes et est destinée à alimenter la Caisse Nationale des retraites (CNR). Les mesures visant à imposer les propriétaires des quatre roues concernent l’acquittement du droit de la traditionnelle vignette automobile, une nouvelle taxe sera instaurée sur les véhicules et les engins mobiles, la taxe variant  entre 1500 Da et 3000 Da, payée par les automobilistes lors du renouvellement ou de l’établissement du contrat d’assurance de leurs véhicules. Cette taxe permettra à l’administration fiscale de récolter l’équivalent de 12 milliards de dinars, en puisant dans un parc automobile national qui connait une sensible hausse ces dernières années, en dépassant légèrement le seuil des 6 millions de véhicules : 70% des revenus de cette taxe, soit plus de 840 milliards de centimes, seront destinés au budget de l’Etat, tandis que 30% des recettes, soit plus de 360 milliards de centimes, iront à la Caisse de Solidarité et de Garantie des Collectivités locales.

Pour les touristes non résidents, il y aura l’instauration d’une taxe de 6000 dinars sur tout véhicule qui entre dans le territoire algérien au titre d’un séjour touristique. Cette taxe sera directement prélevée au niveau des Douanes lors de la délivrance du permis de circuler. Le motif de cette taxe est justifié par la volonté de compenser la consommation du carburant subventionné, ainsi que l’utilisation des infrastructures de base telles que les routes. Avec un trafic de près de 150.000 véhicules, cette proposition devrait générer annuellement près d’un milliard de dinars pour le Trésor public. Enfin il est prévu des taxes sur les déchets dangereux, produits pétroliers qui seront versées au Fonds national de l’environnement, ainsi qu’au fonds des collectivités locales et au Trésor public,  l’opération devant se faire progressivement, car moins de 3% de différents types de plastique sont recyclés quotidiennement, soit 200 tonnes par jour et 73.000 tonnes par an. Le PLF2020  prévoit d’alléger la règle dite 51/49 sur l’investissement étranger avec une levée des restrictions qui concernent les « secteurs non-stratégiques », mais  l’exécutif ne fournit pas de précisions sur les secteurs considérés comme étant « stratégiques » qui resteront soumis à cette règle. Par ailleurs, le PLF2020  n’écarte pas la possibilité de recours à l’endettement extérieur pour financer les projets économiques structurants. L’avant-projet évoque également un retour à l’importation des véhicules d’occasion de moins de 3 ans pour les résidents algériens, les modalités de cette mesure n’ayant  pas été précisées. Il est à noter également qu’il est prévu d’exonérer les start-up et les investissements des jeunes porteurs de projets « du paiement des différents impôts et taxes » ainsi que de leur octroi de « mesures incitatives », à même de leur faciliter l’accès au foncier aux fins d’extension de leurs projets.

Y a-t-il réellement un risque d’effondrement économique, comme l’avancent certains observateurs, si la situation de vacuité politique que vit actuellement le pays persiste ?

Entre 2019 et 2021, je ne pense pas  qu’il y aura implosion mais de vives tensions budgétaires et sociales. Au-delà, sans réformes profondes, tout peut arriver. En effet, la situation financière de l’Algérie aujourd’hui est de loin moins dramatique qu’à à la veille du soulèvement d’octobre 1988. Entre 2020 et 2021, il y a quatre raisons de penser que les revenus de l’État peuvent encore servir de tampon social de façon temporaire afin d’éviter l’implosion sociale à l’horizon 2022.

Premièrement, l’Algérie n’est pas dans la situation de 1986, où les réserves de change étaient presque inexistantes avec un endettement qui commençait à devenir pesant. Cependant, en cas de non résolution de la crise politique, bien que la dette extérieure varie entre ½% du PIB, extrêmement faible, nous aurons comme impacts une très grave crise économique, sociale et politique avec la perte de l’indépendance politique, sécuritaire et économique. Ces niveaux de réserves de change, si elles sont bien utilisées, peuvent à la fois servir de tampon social et permettre la dynamisation du tissu productif, à condition de changer de politique économique et de  résoudre la crise politique pour attirer des investisseurs potentiels.  

Deuxièmement, avec l’importance de la sphère informelle qui joue comme tampon social, étant donné qu’entre 30 et 40% de la population active occupée et vu la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global. Mais il faut faire attention : résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l’explosion sociale.

Troisièmement, grâce à leur travail mais également aux subventions étatiques, les familles algériennes ont accumulé une épargne sous différentes formes. Cependant, il suffit de visiter les endroits officiels de vente de bijoux pour voir qu’il y a « déthésaurisation » et que cette épargne est, malheureusement, en train d’être dépensée face à la détérioration de leur pouvoir d’achat. Cela peut tenir encore deux ans. À la fin de cette période tout peut arriver. Car pour qu’un ménage vivant seul avec deux ou trois enfants puisse subvenir à ses besoins, il lui faut un revenu minimum net entre 50.000/60.000 dinars/mois, à condition que ce ménage n’ait  pas contracté de prêts voitures ou de logements ou qu’il ne paye pas un loyer exorbitant.

Quatrièmement, l’État, dans toutes les lois de finances de 2019, et certainement celle de 2020, continue à subventionner les principaux produits de première nécessité, encore que cela soit injuste, puisque celui qui perçoit 30.000 dinars/mois bénéficie des mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse 300.000 dinars. Il faut aller, comme je le préconise depuis 2008,  vers des subventions ciblées budgétisées par le Parlement. Pour 2019, une enveloppe budgétaire de 1.763 milliards de DA a été allouée aux transferts sociaux (contre 1.760 milliards de DA en 2018), soit près de 21% de la totalité du budget de l’État de l’année 2019. Les crédits budgétisés pour les transferts sociaux couvriront notamment plus de 445 mds DA destinés au soutien aux familles, tandis que près de 290 mds DA seront attribués aux retraites, et auxquels s’ajoutera une dotation d’appui de 500 mds DA à la Caisse Nationale des Retraites (CNR). Ces transferts sociaux comportent également près de 336 mds DA pour la politique publique de santé et plus de 350 mds DA pour la politique publique de l’habitat auxquels s’ajouteront près de 300 mds DA mobilisés pour ce secteur par le Fonds National d’Investissement (FNI). En revanche, moins de 40% de la population algérienne possède un véhicule et le relèvement du prix du gasoil et de l’essence est relativement faible comparé au prix international.

De manière générale, quel est l’impact de la prédation et de la corruption et ont-elles un effet néfaste sur la croissance économique, le climat des affaires et la redistribution des richesses ?

Selon le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, « Le Devoir », qui surveille les télé-virements de fonds de plus de 10 000 $ en provenance de l’étranger, les chiffres des transferts effectués depuis l’Algérie uniquement vers le Canada  entre janvier et juillet 2019, ont été de plus de 78,6 millions dollars. Selon le quotidien québécois et les analystes, du fait de la crise politique en Algérie, il s’agit de l’argent des « dirigeants, de compagnies ou de particuliers » qui, craignant la chute de la devise nationale « cherchent à protéger la valeur de leurs avoirs dans une monnaie plus forte et plus stable ». Qu’en est-il des transferts vers d’autres pays démontrant que la crise actuelle porte un coup fatal à l’économie et que les règles économiques sont insensibles aux slogans politiques ? Selon la plupart des experts internationaux, la majorité des institutions administratives et économiques sont concernées par le cancer de la corruption. L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. La sphère informelle produit des dysfonctionnements du système, qui ne peut pas la limiter par des décrets et des lois mais par des mécanismes de régulation transparents, des alliances existant entre le pouvoir bureaucratique et cette sphère contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, alliances qui favorisent cette corruption qui tend à se socialiser. Selon le classement de Transparency International, de 2003 à 2018, l’Algérie connait une corruption élevée  où, en 2018, elle a eu la note de 3,5 en figurant à la 105ème place sur 168 pays.  Ces indicateurs renvoient à l’urgence de lutter contre les transferts illicites de capitaux à travers les surfacturations

Qu’en est-il justement du transfert illégal de devises ?

Il faut différencier les actes de gestion et les pratiques normales par rapport à la corruption, afin d’éviter la démobilisation des managers, les services de sécurité et les différents organisâmes de contrôle devant vérifier l’origine de ces montants de transferts illicites de devises. L’objectif stratégique est d’établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur soit légalement ou  à travers les surfacturations et les montants provenant essentiellement d’agents possédant légalement ou illégalement des sommes en dinars au niveau local, non connectés aux réseaux internationaux. Il s’agira, par une analyse objective, de quantifier sérieusement ces transferts illicites de devises qui portent atteinte à la sécurité nationale, d’où l’urgence d’une nouvelle régulation de l’économie nationale pour quantifier objectivement l’impact de l’écart d’environ 50% entre le cours du dinar sur le marché parallèle et la cotation officielle du dinar algérien. Les subventions généralisées et sans ciblages permettent le trafic des marchandises aux frontières, ayant des connexions avec le terrorisme via la drogue.  Il ne faut pas se tromper de cibles, il faut différencier stratégie et tactiques pour paraphraser le langage des stratèges militaires,  une confusion existant souvent entre les sorties de devises résultant des importations de biens et services d’environ 700 milliards de dollars entre 2000/2018 selon les statistiques du gouvernement et le total des dépenses d’environ 1100 milliards de dollars (document officiel du FMI, budget équipement et fonctionnement constitué en grande partie de salaires). Il s‘agit de différencier les surfacturations en dinars (pour des projets ne nécessitant pas ou peu de devises) des surfacturations en devises, deux sphères d’agents existant : ceux reliés uniquement au marché interne (dinars) et ceux opérant dans le commerce extérieur (devises). Ce processus se fait en complicité avec les étrangers, bien que certains agents économiques opèrent sur ces deux sphères.

Prenons l’hypothèse d’un taux de 15% de surfacturation, ce n’est qu’une hypothèse étant plus facile pour les services où certaines surfacturations peuvent atteindre plus de 20%. Les  sorties de devises de biens et services entre 2000/2018 étant estimées à environ 700  milliards de dollars, cela donnerait un montant total de sorties de devises de 105 milliards de dollars sans compter la période 1970/1999 où bon nombre d’estimations contradictoires ont été données avec des montants faramineux ramenés au pouvoir d’achat 2019. Ces transferts illégaux de devises ne datent pas d’aujourd’hui et pour des comparaisons sérieuses, il faut prendre en compte la valeur du dinar qui est cotée en septembre 2019 à 119 dinars pour un dollar alors qu’en 1974, nous avions 5 dinars pour un dollar (fixation administrative), et 45 dinars pour un dollar vers les années 1974/1975. Ce montant serait plus important si les surfacturations étaient d’environ de 20/25% par rapport aux normes internationales. Malheureusement nous avons assisté à des discours creux populistes de ceux qui devaient donner l’exemple et dont les actions de justice actuelles ont montré qu’ils étaient guidés par leurs propres intérêts et ceux leurs familles et non par les intérêts supérieurs du pays, tous ayant contribué à la dilapidation de l’Algérie. Des actions urgentes pour récupérer ces biens mal acquis tant au niveau national qu’international sont nécessaires et peuvent également jouer comme tampon social. Mais il faut être réaliste. Si les transferts illicites de capitaux sont dans des paradis fiscaux ou en actions ou obligations anonymes, il sera difficile  de les récupérer, ces actions concernant uniquement des biens ou placements réels tangibles tant en Algérie qu’à l’étranger en cas où l’Algérie a des accords internationaux avec certains pays où les procédures risquent d’être longues.

Comment lutter contre la corruption ?

Il faut se demander le pourquoi du faible impact de la dépense publique entre 2000 et 2018 : plus de 1100 milliards de dollars (part dinars et devises) sur la sphère économique et donc sur la sphère sociale. Les études internationales montrent que les autres pays de la région MENA ont des résultats supérieurs avec trois fois moins de dépenses que l’Algérie avec ces dépenses dues à la corruption, la surfacturation ou la mauvaise gestion des projets. L’Algérie a les meilleurs textes du monde mais l’expérience  montre clairement que les pratiques sociales quotidiennement contredisent le juridisme, renvoyant à la démocratisation des décisions politiques et économiquesComment mobiliser les citoyens au moment où certains responsables au plus haut niveau ou leurs proches sont impliqués ou supposés impliqués dans les scandales financiers et peuvent-ils encore avoir l’autorité morale auprès de leurs collaborateurs tant que de la population algérienne ?  J’ai eu à diriger le dossier du bilan de l’industrialisation entre 1965 et 1978 pour le gouvernement de l’époque et j’ai quantifié d’importants surcoûts par rapport aux normes internationales, j’ai aussi été en charge du dossier des surestaries en 1983 en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat comme premier Conseiller à la Cour des comptes pour la présidence de l’époque au moment du programme anti-pénurie, et donc au vu des importants montants illégaux détectés à travers des échantillons, j’avais conseillé à la présidence de l’époque d’établir un tableau de la valeur en temps réel, reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité), tableau qui malheureusement n’a jamais vu le jour du fait que la  transparence des comptes s’attaquait à de puissants intérêts occultes. Car si la corruption existe dans tous les pays du monde, comme en témoignent les scandales financiers, s’il y a des corrompus, des corrupteurs existent forcément, ce qui  implique autant une moralisation des gouvernants internes que l’urgence d’une moralisation des relations internationales. Pour les pays développés, la corruption est relativement faible en rapport de la richesse globale créée, ce qui n’est pas le cas pour des pays ayant un faible PIB, comme l’Algérie où la corruption s’est socialisée, remettant en cause la sécurité nationale du pays. La lutte efficace contre la corruption passe par l’impérieuse réforme des institutions et du système financier, lieu de distribution de la rente impliquant de saisir les liens dialectiques entre la production de la rente Sonatrach et sa distribution à travers le système financier, notamment les banques publiques qui canalisent plus de 85% des crédits octroyés expliquant que la réforme profonde du ministère des Finances doit être couplé  avec celui du ministère du Commerce, une seule DG suffirait pour plus de cohérence, en étant responsable de nombreuses licences d’importation et autres autorisations de complaisance.

La réforme du système financier, intimement liée à la démocratisation de la société et à la liberté d’entreprendre sans contraintes bureaucratiques, ne saurait se limiter à la rapidité de l’intermédiation à travers l’informatisation, pourtant nécessaire, qui n’a jamais eu lieu depuis l’indépendance politique, car étant un enjeu crucial de luttes de pouvoir et de redistribution de la rente à travers des relations de clientèles diffuses. Sans sa réforme profonde autant que celle des institutions (l’administration centrale et locale) et de la justice, il serait utopique de s’attaquer à l’essence de la corruption, se limitant à des actions conjoncturelles où demain les mêmes causes produiront les mêmes effets de corruption si l’on maintient les mêmes mécanismes de régulation. La  réforme doit toucher toutes les structures du Ministère des finances : toutes les banques publiques et privées, notamment les directions et sous-directions de crédit avec leurs annexes régionales, les caisses de garanties octroyant parfois des garanties de complaisance comme cela a été constaté récemment, la Direction Générale de la fiscalité avec ses annexes et ses antennes régionales, avec des non-recouvrements faramineux inexplicables – les seuls pénalisés étant les salariés et fonctionnaires dont la retenue est à la source -, les domaines avec leurs annexes et antennes régionales incapables d’avoir un registre du cadastre transparent pour éviter le bradage du patrimoine national, la douane avec ses annexes régionales, avec des tableaux de la valeur reliés aux réseaux tant nationaux qu’internationaux. La pleine réussite de cette entreprise qui dépasse largement le cadre strictement technique, restera largement tributaire d’un certain nombre de conditions dont le fondement est la refonte de l’État au sein d’une économie mondiale de plus en plus globalisée. Alors que nous assistons à la léthargie du conseil économique et social dont la composante n’a pas changé depuis des décennies alors que la société a évolué, il s’agit à l’avenir de favoriser le dialogue productif, d’encourager des contre-pouvoirs, d’insuffler plus de dynamisme dans les institutions de contrôle tant politiques que techniques dont, notamment, le Conseil national de l’Énergie et la Cour des Comptes, les autres organes qui se télescopent dépendant de l’Exécutif et étant donc juge et partie, l’action des services de sécurité ne pouvant être que ponctuelle. En fait, la lutte contre la corruption gangrénant le corps social implique un véritable État de Droit et une nouvelle gouvernance, si l’on veut la combattre efficacement, car elle constitue le plus grand danger, pire que le terrorisme qu’a connu l’Algérie entre 1990 et 2000.

Quelles leçons tirer du divorce État-citoyens?

Selon les données du Ministère de l’Intérieur, le  taux de participation global aux élections législatives du 4 mai 2017 au niveau national et au sein de la communauté nationale à l’étranger s`est établi à 37,09%. Les bulletins nuls qui se sont chiffrés à 2.098.324, représentent 24,60% rapportés sur le nombre de votants. Par rapport aux inscrits, nous avons le taux de 9,02%, donc 28,07% qui ont voté pour les partis ou indépendants, donnant 71,93% des inscrits qui ne font pas confiance à la classe politique contre 64,70% en 2012. Le taux de participation faible doit tenir compte également  de la population réelle en âge de voter, donc de ceux qui ne se sont pas inscrits. On doit en tirer toutes les conséquences et surtout agir pour remédier au divorce entre l’État et les citoyens par l’implication de la société civileIl y va de la crédibilité nationale et internationale de l’Algérie et l’avenir du pays est en jeu. Un changement de trajectoire s’impose en urgence car le statut quo serait suicidaireAussi, face à cette situation – tout en rappelant que le discrédit qui frappe le système partisan n’est pas spécifique à l’Algérie, car la révolution mondiale des systèmes de communications produit partout à l’émergence de nouveaux comportements – il y a urgence à adapter les partis politiques, souvent déconnectés de la société et présentant pour la majorité d’entre eux la spécificité d’être liés à des intérêts de rente.  Il s’agit donc d’introduire d’avantage de rigueur dans la procédure relative à la création des partis, sans pour cela verser dans l’excès qu’induit inévitablement toute approche bureaucratique de la chose politique. Il est sans doute utile, voire nécessaire, de s’intéresser à la représentativité des partis avant de décider de leur avenir. En tout état de cause, il nous semble plus équitable, et plus juste politiquement, de raisonner en termes de marché électoral et de laisser, dès lors, les règles du jeu politique et le nombre d’acteurs qui s’y adonnent, se fixer de manière concurrentielle. Le rôle des pouvoirs publics consistera alors à mettre en place les garde-fous indispensables et à veiller au respect strict des lois et des règles qui régissent le fonctionnement de ce marché.

Quant à la société civile, force est de constater qu’elle est impotente. La confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. L’implication de la société civile dans les affaires de la cité est un acte éminemment civilisationnel, qui intègre les changements d’une société en pleine mutation, et une manière d’aboutir à un projet de progrès. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l’État ajoutent à cette confusion, rendant impérative une réflexion collective. En raison de la très grande jeunesse de la société civile, des conditions historiques qui ont présidé à sa naissance et des événements tragiques qu’a connus notre pays et auxquels elle a été directement ou indirectement associée, la question qui touche à sa mobilisation doit être traitée avec une attention et une vigilance soutenues. Constituée dans la foulée des luttes politiques qui ont dominé les premières années de l’ouverture démocratique, elle reflète les grandes fractures survenues dans le système politique national. Sollicitée à maintes reprises et à l’occasion d’échéances parfois cruciales, cette dernière manifeste souvent sa présence d’une manière formelle et ostentatoire, impuissante presque toujours à peser sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Il est ainsi urgent d’engager une action vigoureuse de réorganisation et de redynamisation qui ne pourra être que salutaire pour elle. Cette action permettra, entre autres, d’offrir un cadre adéquat d’expression collective à des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes qui ne sont pas structurés et qui ne demandent qu’à être utiles et à mettre au service de la communauté leur bonne volonté et leur générosité. Dans cet ordre d’idées, la création d’associations dans des secteurs qui sont porteurs mais qui restent vierges et complètement ignorés du mouvement associatif contribuerait à un encadrement des forces vives qui agissent dans la société de manière dispersée et constituerait un levier puissant de leur mobilisation en vue de leur implication active dans l’œuvre de redressement national. Mais cette politique n’a de chance de réussir que si le mouvement associatif est assaini et si les associations qui le composent ne sont pas au service d’ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses. D’où l’urgence de profondes réformes.

Le développement ne passe t-il pas avant tout par la résolution de la crise politique ?

L’Algérie sera ce que les Algériennes et les Algériens voudront qu’elle soit, loin de toutes immiscions étrangères. Car avec la corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d’une véritable relance économique. L’Algérie souffre avant tout  d’une crise de gouvernance et non d’une crise financière. Mais cette crise de gouvernance risque de se transformer dans deux  années en crise financière, économique et politique avec l’épuisement des réserves de change.  Si l’Algérie veut dépasser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée au sein d’un monde turbulent et instable préfigurant d’importants bouleversements géostratégique, son futur défi, et elle a les potentialités de sortie de crise qui sont énormes, sera d’avoir une visibilité dans la démarche des reformes structurelles indispensables conciliant efficacité économique et une très profonde justice sociale, avec une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur de véritables contre-pouvoirs démocratiques. L’élection présidentielle devra être transparente et reposer sur  trois axes : une commission de surveillance des élections totalement transparente et indépendante de l’exécutif et des actuels élus centraux et locaux, la révision du fichier et du code électoral afin que les pratiques du passé (fraude massive) ne se renouvellent pas. Il s’agit impérativement d’aller rapidement vers une élection présidentielle dans des délais raisonnables mais avec comme condition qu’elle soit transparente, loin des pratiques occultes du passé où l’on a vu la majorité de la population bouder les urnes à plus de 70-75% lors des dernières élections législatives en tenant compte des bulletins nuls, traduisant le divorce État-citoyens. Cela implique forcément, comme cela a été retenu en conseil des ministres du 9/09/2019, la révision du fichier et du code électoral, la création d’une instance indépendante de supervision des élections où ni l’exécutif (gouvernement – surtout le ministère de l’Intérieur et les Walis), ni les députés/sénateurs et représentants des APC actuels dénoncés par Al Hirak, ne seront parties prenantes, étant donné qu’il appartient aux candidats et à la société civile de désigner ses représentants. On devra être attentif à sa composante nationale ainsi qu’à travers ses réseaux des 48 wilayas, avec des personnalités morales et neutres. L’administration centrale et locale n’a jamais été neutre du fait de ses pratiques occultes datant depuis l’indépendance politique, et non pas seulement depuis la période actuelle. L’actuel gouvernement composé en majorité d’anciens hauts fonctionnaires impliqués directement dans la gestion du passé et donc responsables de la situation actuelle, dont s’est fait l’écho la presse, et qui seraient compromis pour certains dans des malversations ou du trafic dans les élections passées, est rejeté massivement par la population, qui l’assimile à tort ou à raison à la fraude, du fait de sa composante.

Un nouveau gouvernement de techniciens « neutres » est nécessaire, compromis entre le pouvoir, l’opposition et Al Hirak, tant pour crédibiliser l’action  de la justice que pour favoriser la réussite du dialogue, le président par intérim actuel de l’État continuant à assurer le fonctionnement de l’État sans s’immiscer dans les élections afin d’éviter la déstabilisation de l’institution suprême du pays. Seul un président légitime élu sur la base d’un programme transparent, incluant les revendications légitimes d’Al Hirak, peut amender la Constitution et mener les profondes réformes tant politiques qu’économiques pour arrimer l’Algérie au nouveau monde, en faire un pays émergent – et elle en a les potentialités. Les axes directeurs devraient être la refondation des institutions et du système politique (reconnaissance de l’opposition), la restructuration du système partisan et de la société civile loin de toute injonction administrative, l’État de droit et la bonne gouvernance centrale et locale (décentralisation avec cinq pôles régionaux voir propositions concrètes A. Mebtoul http://www.google.2004), la lutte contre la corruption, la dé-bureaucratisation, la bonne gestion des institutions (grands ministères homogènes), des entreprises, la valorisation du savoir, une nouvelle politique économique tant énergétique (subventions ciblées et Mix énergétique) qu’hors hydrocarbures par la refonte de tout le système financier (douane, fiscalité, domaine, banques et aussi revoir la règle des 49/51%), de l’école du primaire au supérieur se fondant sur les  nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, du couple eau et foncier/agricole/industriel, de la santé, une nouvelle politique de l’emploi pour éviter l’implosion des caisses de retraite, une nouvelle politique des affaires  étrangères et de la sécurité en réseaux, tenant compte  des nouveaux enjeux du monde.

Quels sont les axes du redressement économique de l’Algérie ?

J’émets quatorze propositions, en précisant que toute politique économique est forcément portée par des forces sociales, politiques et économiques, tout en n’oubliant pas les facteurs  géostratégiques, sachant que nous sommes à l’ère de l’interdépendance mondiale des économies.

Premièrement, la condition fondamentale, c’est un lien dialectique entre la sécurité et le développement, condition de la stabilisation de l’Algérie qui d’ailleurs détermine la stabilité des régions méditerranéenne et africaine. Nous devons éviter le retour au drame qu’a connu l’Algérie entre 1990 et 1999 et, récemment, les drames irakien, syrien ou libyen, ce qui implique la mise en place d’un minimum de revenu social.  Il faut aussi que les différentes sensibilités puissent dialoguer dans un cadre organisé se basant sur la tolérance et le droit à la différence, et s’adaptant à la quatrième révolution mondiale fondée sur l’intelligence artificielle et le digital.

Deuxièmement., il y a lieu de se poser la question centrale de la mise en place d’un État de droit et de véritables contrepoids politiques. En effet, les partis actuels et leurs satellites suscitent une méfiance généralisée auprès de la population algérienne. Ils sont incapables de mobiliser et de susciter l’adhésion, ce qui influe négativement sur l’économie et favorise la corruption socialisée.

Troisièmement, sachant qu’elle a un impact tant sur le fonctionnement du système politique qu’économique, il faut poser la question concernant la place de la sphère informelle sur la bureaucratie en fonctionnant dans un espace qui est le sien avec des organisations informelles (une société civile informelle dominante) et expliquer la dualité institutionnelle drainant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, et plus de 50% de la valeur ajoutée et de l’emploi total : comment donc l’intégrer par des mécanismes transparents loin des mesures administratives autoritaires de peu d’effets ? Ces objectifs doivent se fonder sur une société plurielle plus participative, avec des partis politiques, avec la promotion de la femme signe de la vitalité de toute société,  permettre la responsabilisation pleine et entière de l’ensemble de la société civile, conciliant la modernité et la préservation de notre authenticité, contrairement à la léthargie, l’activisme et le populisme qui conduisent à la régression, car en ce nouveau monde n’existe pas de statut quo, toute Nation qui n’avance pas recule forcément.

Quatrièmement, la nouvelle politique économique devra s’inscrire, comme je l’ai démontré dans plusieurs contributions internationales, dans le cadre de l’espace Europe/Maghreb/Afrique et plus globalement de l’espace économique Méditerranée/Afrique.

Cinquièmement, améliorer le fonctionnement des marchés et poser la problématique du futur rôle de l’État dans le développement économique et social, et poser forcément les relations dialectiques des rôles respectifs et complémentaires État-marché. Loin des discours, il faut avoir une nette volonté politique d’aller vers une économie de marché à finalité sociale, conciliant l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, en évitant que les relations marchandes ne détruisent les liens de solidarité.

Sixièmement, il est indispensable d’éviter la politique économique utopique du passé, notamment la politique industrielle. La nouvelle politique économique devra être caractérisée par l’adaptation à l’universalisation de l’économie de marché, en tenant compte des spécificités sociales, où la dominance sera le consommateur et l’arbitre, les marchés financiers. Le véritable patriotisme, à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste étroit, source d’intolérance, se mesurera par la capacité des Algériens à améliorer leur niveau de vie grâce à leur contribution à la valeur ajoutée locale et mondiale.

Septièmement, soutenir le développement par une administration centrale et locale rénovée (e-administration) et une lutte contre la bureaucratisation centrale et locale par une rationalisation des choix budgétaires des entreprises (réévaluation permanente, surcoûts) notamment au niveau administratif, et les services collectifs dont les modes de gestion datent encore du début des années 1970, et établir un tableau de la valeur relié aux réseaux internationaux pour lutter contre les surfacturations. Donc, muter progressivement les services collectifs, qui deviennent de plus en plus créateurs de valeur ajoutée (éducation, santé, télécommunication, transport, infrastructure) en introduisant les paramètres marchands pour tester de leur efficacité, tout en encourageant la mixité pour améliorer les prestations fournies aux consommateurs.

Huitièmement, sous réserve d’objectifs socio-économiques précis datés dans le temps, une réelle décentralisation doit avoir lieu autour de cinq pôles régionaux, ainsi que revoir le fonctionnement des wilayas et des APC en mutant les collectivités locales providences en collectivités locales managers créatrices de richesses et citoyennes afin de rapprocher l’État du citoyen à travers une véritable décentralisation.

Neuvièmement, établir une nouvelle organisation institutionnelle gouvernementale par la création de grands Ministères, surtout ceux de l’Économie et de l’Éducation, avec des Secrétaires d’État techniques, et ce afin d’éviter les télescopages. Ensuite, dynamiser les secteurs santé, travaux publics-transport, énergie, agriculture-eau, tourisme, nouvelles technologies où l’Algérie peut avoir des  avantages comparatifs.

Dixièmement, revoir les politiques industrielles globales dépassées et imaginer une nouvelle politique, non de l’industrie globale, mais de l’entreprise qui ne soit pas calquée sur les anciennes organisations hiérarchiques bureaucratiques et qui soit fondée sur la souplesse des organisations basées sur la décentralisation des décisions économiques, la gestion  prévisionnelle des compétences, le travail en groupes, tout en tenant compte des nouvelles technologies.

Onzièmement, réformer le système financier dont les banques (cœur des réformes) et dynamiser la bourse des valeurs, booster d’une manière cohérente le partenariat public/privé, les ouvertures de capital  et la privatisation, en évitant le bradage du patrimoine national.

Douzièmement, définir une nouvelle politique de l’emploi en fonction du développement des entreprises créatrices de richesses si l’on veut éviter l’implosion des caisses de retraite dont le fonctionnement doit être revu en levant toutes les contraintes de bureaucratie, du système financier, du système socio-éducatif non adapté, du foncier, en cessant de créer des emplois par décrets, en renvoyant à une nouvelle politique de formation adaptée aux nouvelles technologies, en conciliant flexibilité et sécurité, enfin en faisant un bilan sans complaisance de tous organismes chargés de l’emploi et en les regroupant en un centre unique pour plus de cohérence.

Treizièmement, réduire les inégalités sociales par une nouvelle politique des subventions ciblées intra- socioprofessionnelles et intra-régionales et revoir le système fiscal par la combinaison de l’équité verticale, et réaliser une lutte contre la corruption, à ne pas confondre avec l’acte de gestion pour ne pas pénaliser les managers et les initiatives créatrices.

Quatorzièmement, ne jamais oublier la diaspora qui possède d’importants moyens financiers mais surtout intellectuels dans le management stratégique et qui, à l’instar d’autres pays, peut permettre de contribuer au développement national pour peu que les entraves bureaucratiques soient levées.

Quelle est votre conclusion concernant l’avenir de l’Algérie ?

Après plusieurs décennies d’indépendance politique, c’est toujours le cours du pétrole qui détermine l’évolution des réserves de change. Vu la pression démographique (plus de 50 millions d’habitants en 2030), il faudrait créer minimum 300.000 à 400.000 postes de travail nouveaux par an, ce qui nécessite sur plusieurs années un taux de croissance annuel de 8 à 9% en termes réels. Il faut être réaliste : en ce mois de septembre 2019, Sonatrach, c’est l’Algérie, et l’Algérie, c’est Sonatrach. Avec une plus grande rigueur budgétaire, une meilleure gouvernance, un changement de cap de la politique économique actuelle, même avec un baril à 60 dollars, l’Algérie peut s’en sortir. Pour paraphraser les militaires, on devra s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire. Il existe une loi en sciences politiques : 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80%, mais 80% d’actions mal ciblées ont un impact seulement de 20%. Les décennies qui ont marqué la vie politique et économique de bon nombre de pays du Tiers monde et qui, malgré des ressources naturelles considérables, n’arrivent pas à asseoir une économie diversifiée dans le cadre des valeurs internationales, dont l’Algérie, me confortent aujourd’hui dans ma conviction. Le développement n’est pas une affaire de quincaillerie industrielle ou de signes monétaires.  Quelle que soit l’importance des réserves de change et des dépenses monétaires, le développement ne peut avoir lieu sans se soucier de la bonne gestion, sans la démocratisation, et en dépensant sans compter. L’Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et si les critères de compétence, de loyauté et d’innovation sont réinstaurés comme passerelles de réussite et de promotion sociale. L’Algérie n’a pas d’autre choix que d’accélérer les réformes structurelles, microéconomiques et institutionnelles, conditions de la stabilité macroéconomique, sociale et politique et donc de rétablir le travail et l’intelligence comme symboles de la réussite. L’Algérie, avec des détournements qui dépassent l’imagination humaine par leur ampleur et qui conduisaient le pays droit au mur, a besoin d’une nouvelle stratégie loin des slogans creux populistes, et doit s’adapter au nouveau monde qui sera dominé par le savoir (l’intelligence artificielle). L’Algérie a besoin d’un retour à la confiance pour sécuriser son avenir.

Impérativement, il faut s’éloigner des aléas de la mentalité rentière en réhabilitant la bonne gouvernance. En cette période difficile de tensions budgétaires, personne n’a le monopole de la vérité et du patriotisme. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différence et de trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble afin de construire le destin exceptionnel que nos  glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu pour eux. Comme l’a souligné le grand sociologue Ibn Khaldoun il y a de cela plusieurs siècles, «lorsque le pouvoir est atteint d’immoralité, c’est la décadence de toute la société». Les scandales financiers généralisés touchant la majorité des secteurs de l’activité nationale menacent les fondements de l’État algérien. Avec la situation géostratégique de la région, la menace est encore plus grande. Les dernières élections législatives et locales ont déjà montré un taux de non-participation très élevé. D’où l’urgence d’un renouveau de la gouvernance centrale et locale, de plus de moralité dans la gestion de la Cité, et d’instaurer un État de Droit qui s’impose pour des raisons de sécurité nationale. Il ne peut y avoir un État de droit si l’État n’est pas droit, c’est-à-dire immoral. L’après-hydrocarbure est à ce prix avec l’épuisement inéluctable des réserves du pétrole et du gaz conventionnel à l’horizon 2030 et d’un bas prix pendant de longues années. Or, la population algérienne qui est de 43 millions d’habitants au 1er janvier 2019 sera d’environ 50 millions en 2030 avec une demande d’emplois additionnelle qui varierait entre 300.000 à 400.000 personnes par an, nombre d’ailleurs sous-estimé puisque le calcul de l’ONS applique un taux largement inférieur pour les taux d’activité à la population féminine, représentant la moitié de la population active et dont la scolarisation est en forte hausse, qui s’ajouteront au stock de chômage.

Nous ne pouvons pas ne pas reconnaître le décalage qui existe entre les potentialités que recèle l’Algérie, et elles sont énormes, et le niveau de développement proprement dérisoire que le pays a atteint après plusieurs décennies d’indépendance, malgré des dépenses monétaires colossales.  Les réformes indispensables nécessiteront des stratégies d’adaptation tenant compte de la projection de notre environnement qui est un bien commun, où le dialogue des cultures fondée sur la tolérance sera déterminant, pour éviter le sous-développement, la misère et des conflits préjudiciables à l’avenir de l’humanité.  Il s‘agira impérativement d’éviter de différer les réformes de structures, de prendre en compte ce désir de changement des deux tiers de la population, de combattre la corruption qui devient une menace pour la sécurité nationale et un facteur de démobilisation des citoyens,  et également de lutter contre  toute forme de xénophobie et d’intolérance. Méditons Voltaire : « Monsieur je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez le dire ». Du fait des importants bouleversements géostratégiques mondiaux qui s’annoncent entre 2020 et 2030, l’Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit encore d’accomplir au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance.   

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

 

Qui est le Professeur Abderrahmane Mebtoul ?

Le Professeur Abderrahmane Mebtoul est docteur d’État en sciences économiques et membre de plusieurs organisations internationales. Il est l’auteur de 20 ouvrages sur les relations internationales et sur l’économie algérienne et de plus de 700 contributions nationales et internationales. Il a été directeur d’études au Ministère de l’Énergie – Sonatrach (de 1974 à 1979 – de 1990 à 1995 – de 2000 à 2007) et a dirigé le premier audit sur Sonatrach. Il a été Directeur général et haut magistrat à la Cour des comptes (premier Conseiller) de 1980 à 1983,  expert indépendant au Conseil économique et social de 1997 à 2008, président du Conseil national des privatisations de 1996 à 1999 au rang de Ministre Délégué, expert indépendant auprès de la présidence de la République de 2007 à 2008, et expert indépendant non rémunéré auprès du Premier ministre de 2013 à 2016. Le Professeur Mebtoul a été en charge de plusieurs importants dossiers pour le compte des  gouvernements successifs algériens de 1974 à 2019 et des institutions de l’État et a dernièrement été le chef de file de la délégation algérienne pour le forum de la société civile des 5+5 en 2019.

Le Pr. Mebtoul a dirigé le premier Audit sur Sonatrach entre 1974 et 1976,  le bilan de l’industrialisation 1977 à 1978, le premier audit pour le comité central du FLN  sur le secteur privé entre 1979 et 1980. Il a dirigé les audits sur les surestaries et les surcoûts au niveau BTPH en relation avec le Ministère de l’Intérieur, les 31 Walis et le Ministère de l’Habitat en 1982, a réalisé au sein de la Cour des Comptes, l’audit sur l’emploi et les salaires pour le compte de la présidence de la République en 2008, l’audit face aux mutations mondiales et les axes de la relance socio-économique de l’Algérie à l’horizon 2020/2030 pour le Premier ministère en février 2014, l’audit assisté des cadres de Sonatrach, d’experts indépendants et du Bureau d‘études Ernest Young « le prix des carburants dans un cadre concurrentiel »  pour le Ministère de l’Énergie à Alger en 2008, et l’audit « pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques » pour le Premier ministère à Alger en janvier 2015.

Annexe

Évolution des exportations et importations de 2012 à 2018, prévision 2019

Nous avons les évolutions suivantes.

Pour les exportations : -2012 : 71,7 milliards de dollars ; -2013 : 64,8 milliards de dollars ; -2014 : 60,1 milliards de dollars ; -2015 : 34,5 milliards de dollars ; -2016 : 29,3 milliards de dollars ; -2017 : 32,9 milliards de dollars ; -2018 : 41,17 milliards de dollars ; -2019 : entre 30 et 32 milliards de dollars, hypothèse cours moyen 60/62 dollars et gaz 4/5 dollars le MBTU (prévision).

Pour les importations : -2012 : 51,5 milliards de dollars ; -2013 : 54,9 milliards de dollars ; -2014 : 59,6 milliards de dollars ; -2015 : 52,6 milliards de dollars ; -2016 : 49,7 milliards de dollars ; -2017 : 48,7 milliards de dollars ; -2018 : 46,19 milliards de dollars US ; -2019 : 45 milliards de dollars (prévision, montant incompressible).

Mais pour une appréciation objective, pour 2018, il y a lieu d’analyser la structure ou les hydrocarbures qui, avec les dérivés, représentent plus de 98% des recettes en devises. En effet, selon les statistiques officielles, les engrais minéraux ou chimiques azotés représentent 917 millions de dollars soit 32,42% ; 613 millions de dollars pour les huiles et autres produits provenant de la distillation des goudrons soit 21,68%, 446 millions de dollars pour les ammoniacs anhydres soit 15,79%, 51 millions de dollars pour le phosphate de calcium soit  1,80% et 38 millions de dollars pour l’hydrogène, les gaz rares soit 1,34%, soit au total 73,03%, moins de 27% pour les autres produits nobles soit 764 millions de dollars en 2018, dont le ciment pour 25 millions de dollars soit 0,96%. C’est la même tendance pour le premier semestre 2019. Nous sommes loin de l’euphorie des déclarations du ministère du commerce. Concernant la période du premier semestre 2019, elle a été caractérisée par un cours moyen du baril entre 65 et 67 dollars et un cours du gaz qui représente 33% des recettes de Sonatrach  entre 4 et 5 dollars le MBTU.

Indice de corruption 2003/2018

Selon le classement de Transparency International de 2003 à 2018, l’Algérie connaît une corruption élevée : en 2003 : 2,6 sur 10 et 88e place sur 133 pays ; en 2004 : 2,7 sur 10 et 97e place sur 146 pays ; en 2005 : 2,8 sur 10 et 97e place sur 159 pays ; en 2006 : 3,1 sur 10 et 84e place sur 163 pays ; en 2007 : 3 sur 10 et la 99e place sur 179 pays ; en 2008 : 3,2 sur 10 et 92e place sur 180 pays ; en 2009 : 2,8 sur 10 et 111e place sur 180 pays ; en 2010 : 2,9 sur 10 et 105ème place sur 178 pays ; en 2011 : 2,9 sur 10 et 112ème place 183 pays ; en 2012 : 3,4 sur 10 et 105e place sur 176 pays ; en 2013 : 105e place sur 107 pays ; en 2014 : note 3,6 et 100e place sur 115 pays ; en 2015 : note 3,6 et 88e place sur 168 pays ; en 2016 : note 3,4 et 108e place sur 168 pays ; en 2017 : note 3,3 et 112e place sur 168 pays ; en 2018 : note 3,5 et 105e place sur 168 pays.

Texte original en anglais:  Prof. Abderrahmane Mebtoul: “The Widespread Financial Scandals Affecting most Sectors of National Activity Threaten the Foundations of the Algerian State”, American Herald Tribune, le 19 octobre 2019

Publié en français en Algerie1: https://www.algerie1.com/eclairage/laquo-les-scandales-financiers-generalises-qui-touchent-la-plupart-des-secteurs-dactivite-nationale-menacent-les-fondements-de-letat-algerien-raquo

Via le site Algérie Résistance



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