Les États-Unis et l’Union européenne imposent d’autres sanctions à l’Iran
Les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) ont intensifié le pression sur l’Iran et ses programmes nucléaires en imposant cette semaine d’autres sanctions en plus de celles qui avaient été adoptées la semaine dernière dans une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Ces derniers gestes pavent la voie à un affrontement encore plus sérieux avec l’Iran, qui a dénoncé la dernière résolution de l’ONU comme étant illégale.
L’administration Obama insiste depuis des mois pour obtenir l’appui de la Chine et de la Russie, tous deux des membres permanents ayant droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, dans une quatrième résolution onusienne contre l’Iran. Moscou et Pékin ont finalement accepté après amendements pour faire en sorte que leurs propres intérêts économiques en Iran n’allaient pas être affectés. La résolution a été adoptée le 9 juin à 12 votes contre 2, le Brésil et la Turquie s’y opposant et le Liban choisissant l’abstention.
Du point de vue de la Maison-Blanche, le vote de l’ONU n’était qu’une première étape dans la campagne de sanctions unilatérales imposées à l’Iran par les Etats-Unis et ses alliés. En coulisses, les Etats-Unis ont déjà rencontré plusieurs pays d’Europe et d’ailleurs, dont l’Australie et le Japon, pour élaborer une stratégie. La dernière résolution était cruciale car plusieurs membres de l’UE auraient exigé son adoption pour justifier l’imposition de nouvelles sanctions.
L’appui de l’UE, plus important partenaire commercial de l’Iran, était essentiel à l’administration Obama pour pouvoir resserrer l’étau économique autour de l’Iran. A un sommet de l’UE jeudi, les dirigeants européens se sont mis d’accord pour établir de nouvelles et âpres mesures, dont l’interdiction d’importation de technologie de raffinage et de liquéfaction du gaz naturel. Les mesures vont aussi s’en prendre au commerce, à la finance, au transport, au banques iraniennes et aux membres des Gardiens de la révolution islamique en Iran (IRGC). Les détails finaux des sanctions seront déterminés d’ici le 26 juillet.
Les embargos sur les technologies du pétrole et du gaz sont particulièrement sévères, considérant que l’économie iranienne et les finances gouvernementales dépendent beaucoup des exportations d’énergie. L’Iran est forcé d’importer environ le tiers de ses besoins en essence en raison de sa faible capacité de raffinage. De plus, les infrastructures du réseau énergétique du pays ont un besoin criant d’investissements et les sanctions de l’UE vont rendre ces améliorations pressantes encore plus difficile à effectuer.
L’administration Obama soutient ne pas vouloir s’en prendre à la population iranienne, mais les dernières sanctions, dirigées contre les secteurs financiers, bancaires et énergétiques, ne feront qu’aggraver les problèmes économiques du pays et auront un impact majeur sur les travailleurs ordinaires. Le taux de croissance économique de l’Iran n’était qu’à 1,8 pour cent l’an dernier. Le taux de chômage se situait à 11,9 pour cent en mars et l’inflation, à 9,8 pour cent. Selon le service de la statistique iranien, plus de 10 millions de personnes, sur une population de 73 millions, vivent dans la « pauvreté absolue » et 30 millions, dans la « pauvreté relative ».
Les Etats-Unis ont annoncé d’autres sanctions contre l’Iran mercredi, mettant à l’index des sociétés comme la Banque postale d’Iran, la firme d’ingénierie Javedan Mehr Toos et cinq entités qui seraient supposément des façades pour les plus importantes sociétés de marine marchande d’Iran. De hauts commandants de l’IRGC et de la force paramilitaire Basij Resistance Force ont aussi été la cible de sanctions. Les compagnies américaines ont l’interdiction de faire affaire avec les compagnies et les individus désignés, et les actifs de ceux-ci se trouvant aux Etats-Unis sont gelés.
Le Congrès américain prépare cependant des mesures encore plus sévères pour stopper complètement toute exportation d’essence. La nouvelle loi pénaliserait toute compagnie, américaine ou étrangère, qui vendrait de l’essence à l’Iran. La plupart des grandes sociétés de l’énergie seront forcées de s’y conformer, considérant que leurs intérêts d’affaires sont beaucoup plus développés aux Etats-Unis. Même la menace de sanctions sur l’essence a incité de grandes sociétés et commerçants de pétrole, tels que BP, Royal Dutch Shell, Reliance Industries, Vitol Group et Glencore International, à se retirer du marché iranien dans les derniers mois.
Le président Obama doit encore donner son accord à la législation, ce qui aurait des répercussions d’une portée considérable. Cela viendrait non seulement intensifier la crise économique et sociale en Iran, mais exacerberait en plus les tensions entre les grandes puissances, tout particulièrement celles entre les Etats-Unis et la Chine. Comme l’a indiqué un article paru dans le Wall Street Journal, même si les grandes sociétés cessaient de vendre, l’Iran serait probablement en mesure de s’approvisionner en essence à travers un réseau de petites compagnies n’ayant aucune attache avec les Etats-Unis. De tels achats seraient toutefois à prix beaucoup plus élevés, entraînant des pénuries et accélérant l’inflation au pays.
Si la législation était utilisée dans le but de pénaliser les entreprises chinoises qui vendent du pétrole à l’Iran, les relations entre les États-Unis et la Chine se détérioreraient rapidement. Pékin n’a supporté qu’à contrecœur les dernières résolutions de l’ONU, après s’être fait assurer que ses intérêts économiques en Iran seraient protégés. La Chine est présentement le partenaire commercial le plus important de l’Iran, devant lAllemagne, et dépend fortement de l’importation du pétrole iranien. Bien au courant que Washington et ses alliés préparent des sanctions supplémentaires, Pékin n’acceptera pas nécessairement leur légitimité.
En réalité, ladministration Obama utilise la dernière résolution de l’ONU comme un écran de fumée pour masquer des actes d’agression. Bien que des actions militaires ne soient pas encore ouvertement en préparation contre l’Iran, l’imposition de sanctions unilatérales par Obama, par l’entremise d’une nouvelle « coalition des volontaires », est certainement une étape de provocation qui pourrait résulté en un conflit. Il mérite de rappeler que la guerre du Pacifique a éclaté en 1941 après que les États-Unis ont imposé au Japon un embargo sur les réserves de carburant.
Les tensions des États-unis avec la Chine pourraient aussi s’intensifier si Pékin va de l’avant avec d’importants plans d’investissement dans les champs pétrolifères iraniens. Déjà, les compagnies européennes craignent que la Chine tire avantage de toute sanction de l’Union européenne sur les transferts ou investissements de technologie. Comme un diplomate anonyme a déclaré au Washington Post : « La Chine est la question cruciale que l’on refuse d’aborder, mais il y a espoir que la Chine subisse des pressions politiques pour ne pas profiter d’un retrait international ».
Les calculs qui entourent les dernières sanctions soulignent le fait que la campagne américaine contre l’Iran n’a rien à voir avec ses programmes nucléaires. L’Iran a toujours nié fabriquer des armes nucléaires. Il est signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et permet à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) d’inspecter et de surveiller ses installations nucléaires. Cependant, Téhéran continue d’insister sur son droit, sous le TNP, d’enrichir de l’uranium et de fabriquer un réacteur à eau lourde – des activités dont Washington demande l’arrêt.
Comme l’ancien président Bush, Obama exploite la question nucléaire comme moyen de remodeler un régime à Téhéran plus aligné avec les ambitions américaines de dominer les régions du Moyen-Orient et de l’Asie centrale riches en énergie. Washington a maintenu des sanctions contre le régime islamique pendant les trois dernières décennies, permettant à ses rivaux européens et asiatiques de forger des liens économiques plus étroits avec l’Iran. Les États-Unis sont la seule grande puissance dont les intérêts économiques ne soient pas affectés par les sanctions internationales plus strictes.
Tout en imposant de nouvelles pénalités, l’administration Obama continue de soutenir le soi-disant Mouvement Vert dirigé par le candidat défait à la présidence Mir Hossein Mousavi, qui a plaidé pour de meilleures relations avec les États-Unis et les autres puissances occidentales, et pour un programm pro-marché. À la suite de l’élection présidentielle de l’année dernière, les Américains et leurs alliés ont monté une campagne internationale pour supporter Mousavi et ses allégations voulant que les résultats du scrutin avaient été truqués. Tentant de se distancer des États-Unis, Mousavi s’est « opposé » cette semaine aux nouvelles sanctions, car elles affectent la vie des gens, mais a encore critiqué « les politiques extérieures aventureuses et sans tact » du président Mahmoud Ahmadinejad. Pour sa part, le régime d’Ahmadinejad a exploité la question nucléaire afin d’attiser le sentiment nationaliste et consolider son appui alors qu’il impose de nouveaux fardeaux économiques aux travailleurs et supprime l’opposition politique.
Les sanctions et le soutien du Mouvement Vert ne sont pas les seuls éléments de la stratégie d’Obama. Son administration n’a pas exclu l’utilisation de la force militaire – soit directement ou en donnant le feu vert à Israël pour attaquer les installations nucléaires de l’Iran. limposition de nouvelles sanctions contre l’Iran, particulièrement si une interdiction sur les importations de pétrole est adoptée, ne fait qu’augmenter le danger d’un violent affrontement.