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Les USA veulent faire de l’Iran un «tigre de papier» en laissant tomber ses alliés et son programme de missiles
Par Elijah J. Magnier
Mondialisation.ca, 01 octobre 2019
ejmagnier.com 28 septembre 2019
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Il n’y aura pas d’accord entre l’Iran et les USA tant que le président Donald Trump refusera de lever ses sanctions brutales contre la « République islamique ». Les principaux dirigeants à Washington et à Riyad ont demandé au Pakistan et à l’Irak d’entamer une médiation avec Téhéran afin d’atténuer les tensions et de faire cesser les attaques qui mettent en danger la paix turbulente qui règne au Moyen-Orient. La réponse de l’Iran est claire : toutes les attaques sont réfutables et son unique demande reste la même. L’Iran demande la levée de toutes les sanctions et ce n’est qu’une fois cela fait qu’il retournera à la table de négociations et fera de nouvelles concessions aux dirigeants mondiaux pour s’assurer qu’aucune bombe nucléaire ne soit mise au point dans un ou l’autre des complexes nucléaires du pays.

Mais ce n’est pas ce que Trump et ses alliés israéliens souhaitent vraiment. L’accord sur le nucléaire n’est pas le véritable enjeu, car l’Agence internationale de l’énergie atomique a déjà obtenu l’accès nécessaire et a reconnu à maintes reprises que le programme iranien ne se dirige pas vers la fabrication d’armes nucléaires. Trump et Israël visent deux points essentiels : le programme de missiles de l’Iran et ses alliés au Liban, en Syrie, en Irak, en Palestine et en Afghanistan. Les USA reconnaissent implicitement que l’Iran est une puissance régionale avérée et reconnue, d’où leur volonté de lui arracher les dents.

Quand le président Barack Obama a signé l’accord sur le nucléaire iranien, connu sous le sigle JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action), c’était parce que ses sanctions contre l’Iran, tout comme celles de ses prédécesseurs, ne donnaient aucun résultat. L’accord qu’il avait négocié aurait retardé tout programme nucléaire militaire iranien éventuel de 15 à 20 ans. Il voulait aussi négocier le programme de missiles iraniens et la retenue des alliés de l’Iran au Moyen-Orient, mais s’est buté à un refus net de l’Iran. Les dirigeants de la « République islamique » tenaient à ce que seule la question nucléaire soit abordée, rien d’autre. L’accord a été négocié entre les deux parties qui se méfiaient l’un de l’autre, mais qui ont tout de même pu « régler » leurs divergences et leurs conflits.

Trump croit aujourd’hui qu’il peut « tordre le bras » de l’Iran en exerçant une « pression maximale » et en imposant de dures sanctions pour forcer ses dirigeants à s’asseoir à la table de négociation pour aborder les deux sujets tabous. L’Iran a informé les médiateurs qui cherchent à débloquer la situation qu’il était prêt à mettre fin à son programme de missiles si le monde désarmait Israël de toutes ses bombes nucléaires et si chaque pays de la région abandonnait son propre programme de missiles. Sinon, l’Iran n’abandonnera jamais son programme de missiles perfectionnés, qui permet au pays de se défendre contre toute attaque et violation de son espace aérien, comme ce fut le cas, par exemple, avec le drone américain abattu cet été. Il n’est pas question non plus pour l’Iran d’abandonner à leur sort ses alliés en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak et en Afghanistan. L’appui qu’il leur procure fait partie intégrante de son idéologie, de sa constitution et de son existence même.

Des décideurs iraniens ont affirmé ceci : « Si nous cessons de soutenir la Palestine, Israël va annexer la Cisjordanie et rayer Gaza de la carte au vu et au su de la communauté mondiale, qui invoquera le droit d’Israël à se défendre! Si nous cessons de soutenir le Hezbollah au Liban, Israël va confisquer les eaux et les territoires frontaliers contestés et fera des incursions au Liban comme bon lui semble. L’armée libanaise n’est pas autorisée à se procurer des armes dissuasives pour mettre fin aux centaines de violations par mois de la souveraineté libanaise par Israël. Si nous ne soutenons pas la Syrie, les hauteurs du Golan seront perdues à jamais et Israël et les USA auront pour de bon un pied-à-terre au nord-est de la Syrie. Si l’Irak est laissé à lui-même, il sera divisé en trois parties, comme ce fut le cas en 2014 lorsque Daech occupait le tiers du pays. Tous ces pays seront écrasés sous le poids de l’hégémonie des USA et soumis à la volonté et à l’arrogance d’Israël. »

Ce que Trump ne veut pas comprendre, c’est que le programme de missiles de l’Iran représente le bras droit de l’Iran, ses alliés étant son bras gauche. Comme le corps au complet ne peut survivre s’il est amputé, il est tout naturel qu’il refuse toute négociation s’y rapportant. L’Iran ne veut pas devenir le « tigre de papier » que les USA et Israël cherchent à faire de lui.

La méfiance mutuelle entre l’Iran et les USA est envahissante. Trump a changé d’avis sur de nombreux accords et s’est montré très agressif depuis son entrée en fonctions. Parmi ses alliés et ses ennemis, nombreux sont ceux qui songent sérieusement – certains ayant même pris des mesures en ce sens – à se détacher de toute relation avec les USA, en n’utilisant plus leur devise ou en ne transigeant plus avec eux. Les USA ne peuvent plus être perçus comme un partenaire fiable pour la paix, pour les raisons suivantes : ils offrent ce qui ne leur appartient pas (les hauteurs du Golan et Jérusalem) et leur politique étrangère est instable, en ayant à leur tête un président inexpérimenté et des conseillers tout aussi inadaptés qui dirigent le pays. Ce sont les USA qui ont révoqué l’accord sur le nucléaire et qui ont imposé de dures sanctions contre l’Iran, ce qui a eu pour effet d’attiser les tensions au Moyen-Orient et d’entraîner la région au bord de l’abîme.

L’Iran fait ressortir aussi toute l’incompétence de Trump et de son équipe, ainsi que sa réticence à défendre les pays arabes. Tout ce qui l’intéresse, c’est de pomper leur argent et leurs ressources.

Les dirigeants des USA ne pourront calmer le jeu au Moyen-Orient et rencontrer les responsables iraniens tant que les sanctions ne seront pas levées, à moins que la France et d’autres membres de l’UE soient autorisés à ouvrir des marges de crédit pour l’Iran (ce qui mènera là encore à la levée des sanctions américaines).

Il est difficile pour Trump de lever les sanctions, car cela sera perçu comme une victoire visible pour l’Iran et une défaite pour les USA et leurs alliés au Moyen-Orient. Cela signifiera aussi que tout ce qu’il a fait contre l’Iran au cours de la dernière année n’a rien donné. Ses ennemis politiques en profiteront pour le mettre dans l’embarras alors qu’il cherchera à se faire réélire pour un second mandat. L’Iran ne lui donnera pas la satisfaction d’être pris en photo en train de serrer la main au président Hassan Rouhani pour rien. L’Iran n’abandonnera pas son programme de missiles, pas plus que ses alliés, dans lesquels il investit massivement depuis 1982.

La situation ne changera pas et la pression continuera de monter au Moyen-Orient, à moins que Trump retire son doigt de la gâchette et permette à l’Iran d’exporter son pétrole. L’initiative qui permettrait à Trump de descendre de l’arbre sur lequel il est monté n’existe tout simplement pas! L’Iran ne sera pas contraint d’abandonner son programme de missiles et ses alliés. Trump et ses alliés se sont fait couper l’herbe sous le pied.

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