Pour un Canada souverain et indépendant. Lettre au premier ministre du Canada et à son ministre des Affaires étrangères

C’est en tant que Canadien et citoyen du monde que je me permets cette correspondance relative au rôle du Canada dans l’avènement de la paix dans le monde.  Je vous sais, l’un et l’autre, suffisamment informés, pour savoir décoder les manipulations et les intérêts qui se cachent derrière les conflits  qui caractérisent notre époque. Les fonctions auxquelles vous avez accédé récemment vous placent sans doute devant un défi énorme : celui d’agir en fonction des intérêts du peuple canadien, dans le respect du droit international et conformément aux faits réels et non selon ces montages médiatiques qui ne servent qu’à tromper pour mieux couvrir  des ambitions de pouvoir et de conquête, souvent étrangères à ceux des canadiens.

En Ukraine, vous savez très bien que le coup d’État qui s’y est produit, au printemps de 2014, avait pour auteur intellectuel les Etats-Unis et l’OTAN, vos alliés institutionnels. L’objectif était d’en prendre le plein contrôle, y incluant la Crimée, et d’en faire un membre de l’OTAN. Poutine et les pro-russes ne l’ont pas vu du même œil. Ceux de Crimée décidèrent par référendum de s’affranchir du gouvernement central de Kiev. Poutine et la Douma s’empressèrent aussitôt d’en reconnaître l’indépendance. Tous les scénarios qui ont suivi n’avaient qu’une seule cible, celle de discréditer, autant faire se peut,  Poutine et la Russie. Ne les a-t-on pas accusés faussement et sans jamais présenter de preuves, d’être les auteurs de l’écrasement de l’avion Malaisien Air Line MH-17 ? Aujourd’hui, des documents pointent sans équivoque le gouvernement de Kiev avec une possible collaboration de l’OTAN. Pas surprenant que plus personne en parle en Occident.

En Syrie, le Canada, sous la gouverne du gouvernement Harper, véritable caniche des Etats-Unis, s’est vite empressé à entrer dans la bagarre sous de grandes considérations humanitaires. Pourtant, vous savez très bien, que toute cette guerre trouve ses origines dans la volonté des Etats-Unis et de l’Europe de prendre le plein contrôle de ce territoire pour des considérations géopolitiques et économiques.  Bachar Al Assad, en résistant à ces prétentions,  est devenu l’homme à abattre et rien n’est oublié  pour en faire un des pires tyrans qu’ait connu l’humanité. Pourtant cet homme est Président légitime de son pays, élu et soutenu, à ce jour, par son peuple et reconnu par les Nations Unies.  En 2012, il a fait voté une nouvelle constitution permettant la multiplicité des partis politiques. En 2013, conformément à la nouvelle Constitution, il y eut des élections à la présidence du pays et il fut de nouveau élu.

Tout comme moi, vous savez que le Canada est signataire de la Charte des Nations Unies, protégeant les droits des personnes et des peuples. Un de ces droits est le respect du droit des peuples à disposer eux-mêmes de leur État et de leurs élus. Lors du dernier débat parlementaire  portant sur le désengagement aérien du Canada dans sa lutte contre le terrorisme en Syrie et en Irak,  personne, à ma connaissance, n’a fait valoir ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.  Il semblerait que pour ces deux pays, ce droit n’existe pas. On y entre et on en sort sans prendre en compte les gouvernements qui y exercent de plein droit les pleins pouvoirs de l’État.  Sur ce point, la Russie donne une sérieuse leçon aux délinquants du droit international dont fait partie le Canada.

Je me souviens de Lester B. Pearson qui a dirigé, au début des années 1960, les destinés du Canada avec doigté et qui a su jouer un rôle de premier plan pour résoudre de nombreux problèmes qui se posaient alors au monde. Son apport a été reconnu par l’octroi qu’on lui a fait du Prix Nobel de la Paix. Son bras droit n’était autre que Pierre Elliot Trudeau qui allait lui succéder quelques années plus tard.

Au ministre des Affaires extérieures du Canada, l’Honorable Stéphane Dion, j’avouerai avoir toujours reconnu en son père, Léon Dion, dont je fus élève en Science politique, beaucoup de rigueur de pensée et une liberté à l’abri de toutes les influences allant à la rencontre de cette rigueur et des principes qui en étaient les fondements. Je ne doute pas que vous en soyez un fidèle héritier.

Je conclue en espérant que le P.E. Trudeau des années soixante qui a su résister aux pressions de Washington en maintenant, au lendemain  de la révolution cubaine, de bonnes relations avec Fidel Castro et Cuba, trouvera en son fils Justin autant d’indépendance pour maintenir de saines relations avec Poutine et la Russie.  C’est d’ailleurs ces derniers qui ont obtenu les meilleurs résultats dans cette lutte internationale contre les terroristes, ceux-là mêmes que le Canada  veut combattre.

Je pense que le Canada se doit de retrouver son identité internationale ainsi que le pouvoir d’en affirmer la réalité. Lester B. Pearson tout comme votre père, P.É Trudeau n’étaient pas du  genre à jouer le rôle de caniche de Washington. En ces années, le Canada avait une identité internationale et disposait d’une crédibilité respectée à travers le monde. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.

Je me permets de vous rappeler que ce sont les Canadiens et Canadiennes qui vous ont élus et non Washington. Vos décisions doivent répondre d’abord et avant tout aux intérêts du peuple canadien et doivent se concrétiser dans le respect du droit international.  Toute intervention en Syrie, sans l’accord du gouvernement légitime qui assument les fonctions d’État, va à l’encontre du droit international.

À l’avance, je vous remercie de m’avoir lu jusqu’à la fin. Pour moi, il s’agit tout autant d’un hommage au père de l’un et de l’autre, qu’à vous mêmes en qui je soupçonne cette même force de caractère et d’indépendance. Puisse le Canada retrouver, sur la scène internationale,  le lustre du temps des Lester Pearson et  P. É. Trudeau.

Oscar Fortin
Québec, le 17 février 2016


Articles Par : Oscar Fortin

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