Lettre d’une citoyenne syrienne : « Damas ne tombera pas ! La Syrie ne tombera pas ! »

Lettre d’une citoyenne syrienne à la journaliste suisse Silvia Cattori

Les tournants historiques nous mettent à l’épreuve, nous sommes à un tournant historique : aujourd’hui les rétrogrades arabes se sont déclarés du côté du plan occidentalo-sioniste, associés et exécutants en finances, en armes et en visées politiques.

Pour la population arabe, il est apparu que les libertés, la justice sociale et le droit aux ressources nationales ne sont pas des cadeaux coloniaux de l’extérieur, mais sont liés à la souveraineté nationale.

Sur le plan international, il est apparu que les Etats-Unis et leurs valets occidentaux ne sont plus la seule puissance.

Voilà la signification du double veto posé pour la troisième fois au Conseil de sécurité.

L’optimisme ou le pessimisme ne peuvent donc pas se fonder sur les mensonges et sur l’agitation des États occidentaux et des monarchies du Golfe, ni sur l’assassinat des dirigeants de l’armée syrienne, mais sur la base d’une vérité énoncée par Sayed Hassan Nasrallah : durant la dernière décennie, celle de Bachar el-Assad, la Syrie a changé sa stratégie militaire, elle est passée de l’ère des chars à l’ère des missiles, et elle s’est mise à les fabriquer (1).

Elle est devenue une force militaire qui compense l’équilibre perdu face à Israël, en s’appuyant :

 sur les traditions syriennes qui considèrent que le conflit central dans la région est un conflit arabo-israélo occidental ; conflits et traditions qui ont tissé des alliances internes et externes sur ce principe, et ont, mesuré les politiciens à cette aune.
 sur la société syrienne dans laquelle les confessions et les ethnies s’entremêlent, dans un projet national.

La Syrie n’a pas acheté son appellation « le cœur battant de l’arabité » ; elle l’a payé chèrement au prix du sang et des sacrifices de générations entières. Le sang et les sacrifices des martyrs de la révolution en Palestine en 1936, des martyrs de la défense de la Palestine en 1947, des dix mille martyrs pour la protection du Liban lors de l’invasion israélienne. Personne ne pourra dissimuler que la raison de l’actuelle guerre mondiale impérialiste contre la Syrie est due à son opposition au sionisme et à Israël (qui a annexé et occupe une partie du Golan syrien). Ce ne sont pas des paroles de politiciens celles-ci ; c’est ce que répètent les femmes, les hommes et les jeunes dans la rue syrienne à tous les journalistes.

Lorsque le pôle unique dépeçait le monde allègrement, et y vagabondait sauvagement, la résistance libanaise en l’an 2000 a vaincu Israël, elle l’a vaincu aussi en 2006. Mais la Syrie bénéficie aujourd’hui du changement dans l’équilibre mondial : la chance d’être à un tournant historique qui impose de reconnaître que le pôle unique ne décide plus du destin d’un pays membre des Nations Unies.

La transition de l’ère de la souveraineté nationale à celle de l’ingérence au nom de la guerre humanitaire, dont a parlé Kissinger, et que Jean Bricmont (2) a clarifié dans son intervention à l’Unesco, n’est plus un argument valable.

Car la nouvelle force, qui représente des peuples et des Etats de grandes civilisations, se dresse avec un grand potentiel humain et économique contre ce principe impérialiste, le principe de l’ère du pôle unique ! Nous sommes dans une bataille difficile et dure, mais cette bataille est également une épreuve pour le monde, qui démasque la scélératesse des dirigeants occidentaux, leur sauvagerie à sacrifier les peuples et la morale pour voler le pétrole et le gaz.

Elle démasque aussi les médias occidentaux qui ont trahi leurs principes fondateurs : dévoiler la vérité à leurs peuples ! Ces médias, à présent, sont devenus ceux qui falsifient la vérité et induisent en erreur les peuples les conduisant à des guerres que mènent leurs dirigeants impérialistes. Pour nous, c’est une guerre de défense nationale ; nous soutenons l’armée syrienne pour repousser un assaut sauvage utilisant des mercenaires. Nous ne voyons pas du tout les mercenaires tels qu’ils sont représentés par les médias occidentaux ; ils ne sont ni une armée, ni libres ; ce sont des gangs. Nous voyons leurs crimes, leurs aveux, leurs signatures avec le sang des victimes ; nous voyons les destructions qu’ils laissent sur leur passage.

Les caméramans sont entrés dans le quartier de Midane encore fumant ; nous avons vu les destructions que les mercenaires ont commises, les armes qu’ils ont stockées dans les maisons des gens, les voitures qu’ils ont volées, les camions sur lesquels ils ont installé leurs canons, à la manière des mercenaires libyens. Nous avons vu que ce ne sont pas des habitants du quartier de Midane, connu pour son passé patriotique, mais que ce sont des mercenaires libyens, égyptiens, irakiens et tunisiens, infiltrés dans le quartier, ayant établi des cellules d’opérations, comme celle démantelée à Al-Mezzé. (3)

Des mercenaires semblables à des chiens dressés que leurs maîtres lâchent pour attaquer des civils ; comme le chien que les Israéliens avaient lâché sur une femme palestinienne, que la camera a montré, à l’époque où les reporters occidentaux s’intéressaient à la Palestine et aux vraies luttes. A l’époque où en Occident il se trouvait quelqu’un pour écrire et chanter « le déserteur » (4)

Dans cette bataille nous ne défendons pas seulement notre souveraineté nationale, mais le droit de choisir nos institutions, nos chefs, et notre mode de vie, notre cohésion sociale où s’entremêlent les religions et les confessions. Aujourd’hui lors des obsèques du chef des armées, le général Rajha, j’ai découvert, à l’église, qu’il était chrétien. Comment pourrions-nous nous défaire de cette unité nationale qui s’appuie sur la compétence et non sur l’appartenance religieuse, et opter pour ce que désire Clinton : un régime dirigé par des Frères musulmans ? Jamais !

Je répète ce qu’a dit la tante de l’enfant martyr Saoud, (chrétien aussi) (5) : FACHAROU ! (intraduisible, signifiant : ils peuvent rêver, jamais de la vie !)

Dans cette lutte la défaite est impossible, car c’est une bataille de tournant historique où il est indispensable de supprimer la domination unipolaire ; c’est donc une lutte pour la défense de la démocratie sur le plan international, le droit à l’altérité (d’avis et de vision). Cette bataille est celle du retour au droit international, pour limiter les institutions internationales dans leur exploitation de la fabrication des tragédies des peuples, de leur mise sous embargo, et de l’assassinat de leurs enfants !

Une bataille morale qui démasque le mensonge politique impérialiste et la soumission des médias mondiaux officiels.

Cette bataille démontre également la conscience éclatante qui défend les traditions démocratiques européennes, en soutenant le peuple syrien et en démasquant le mensonge médiatique impérialiste officiel.

C’est pourquoi cette bataille est difficile. Heureusement pour les Syriens, ils sont du côté moral de ce tournant historique.

Exemples des mensonges médiatiques de ce jour uniquement : « Des milliers de Syriens fuient vers le Liban », « La Russie ne s’oppose pas au départ d’el-Assad », « Asma el-Assad est à Moscou », « La Russie ne livre pas les hélicoptères à la Syrie suite aux circonstances actuelles ».Rien de véridique dans toutes ces informations !

Les Syriens partent comme chaque week-end au Liban, la Russie respecte ses contrats de livraisons d’armes, Al Assad est au palais présidentiel, et les Syriens respectent les consignes qui ont été données : restez chez vous ces quelques jours, pour ne pas être la cible des fous armés, ni être victime d’une poursuite. En outre, il fait plus de quarante degrés, et cela n’incite pas à sortir.

J’ai pleuré aujourd’hui en regardant les obsèques des dirigeants de l’armée syrienne.

De quelle bassesse font preuve ceux qui célèbrent leur assassinat, et quelle courte vue !

La colère exacerbe notre détermination et ranime notre courage. Je me souviens d’avoir veillé des nuits entières durant le siège de Beyrouth dans les années 80 du siècle dernier ; j’étais triste de la tristesse du vaincu. Je me souviens avoir veillé des nuits entières durant la guerre de juillet (2006), inquiète pour le Liban ; et aujourd’hui je contemple la décadence de ceux qui souhaitent la chute de la Syrie et de ceux qui ont embauché des mercenaires, des assassins et des rétrogrades.

J’observe cela avec le calme de celui qui est sûr que la Syrie ne succombera pas.

Madame la journaliste Silvia CATTORI, en vous lisant je comprends votre inquiétude pour le peuple de Syrie mais je vous assure : Damas ne tombera pas ! La Syrie ne tombera pas !

Pas le droit à la défaite dans cette bataille-là ! Pas le droit non seulement pour nous, mais pour ce que représente Mme CATTORI comme journaliste occidentale respectant la vérité et refusant le dévoiement des médias dans le mensonge. Pour tous les journalistes et penseurs occidentaux qui se battent pour rechercher la vérité, et qui se rangent de son côté.

Fayrouz
Damas, le 21 juillet 2012.

Notes

1) Un ingénieur syrien spécialiste des missiles Zghabi, assassiné le 21 juillet 2012 dans sa voiture avec sa famille.
2) Intervention de Jean Bricmont à l’UNESCO
Voir : http://www.silviacattori.net/article3336.html
3) Cellule démantelée :
Voir : http://www.silviacattori.net/article2992.html
4) Le déserteur, de Boris Vian.
5) Un des premiers enfants assassinés par les gangs a Homs, filmé par eux pour en faire porter la responsabilité au gouvernement syrien ; sa mère et sa tante sont parues publiquement pour démentir la version d’al-jazeera.



Articles Par : Fayrouz

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