Lettre ouverte d’un simple Irakien
1er janvier 2006
Alors que l’inquiétude totale règne à propos de la possibilité d’une guerre civile, le sujet de conversation habituel entre tous les groupes, aujourd’hui, en Irak, n’est autre que les déficiences des infrastructures, de l’électricité, le manque de carburant et de combustible, la mauvaise qualité de l’eau potable, la pauvreté des services de soins de santé et de l’enseignement et le chômage, absolument généralisé.
Le chômage ne signifie pas que les jeunes hommes n’ont pas de boulot, parce que vous pouvez difficilement trouver un jeune homme assis chez lui. En lieu et place, ils vendront des cigarettes, par exemple, ou ils travailleront comme chauffeurs de taxi ou encore dans le commerce des armes, etc. Cette façon de vivre ne va sûrement pas améliorer la situation de l’Irak.
Je voudrais poser une question à M. Bush. Pensez-vous que l’Iran soit un pays démocratique ? Doté de liberté ? Vous le pensez ?
Si votre réponse est oui, alors, nous pouvons comprendre ce qui se passe dans notre pays.
Mais si votre réponse est non, alors, permettez-moi de vous poser une autre question… Êtes-vous fou ? (Pardonnez-moi.)
Parce que, maintenant, vous permettez à ces gens et à leurs disciples d’accéder au pouvoir et de nous replonger des centaines d’années en arrière.
Savez-vous, M. Bush, que les étudiants chiites des universités irakiennes organisent des autopunitions de masse : des marches de larmes et de lamentations sur les campus des universités, au lieu de se livrer à des recherches utiles ? Êtes-vous satisfait de cela, M. Bush ? Eh bien, nous, nous ne le sommes pas.
Je ne suis pas contre les chiites, puisqu’ils sont mes amis et mes voisins. Mais je suis contre cette idéologie arriérée amenée dans ce 21e siècle, provenant de très lointaines époques et soutenue par les principaux islamistes intégristes qui veulent que les gens continuent à les suivre pour de bon, ceux-là même qui veulent découper le corps de l’Irak en morceaux de façon à pouvoir le gouverner à leur guise, ou devrais-je dire à l’iranienne ? C’est la même chose.
Eh bien, M. Bush, je vous dirai que vos troupes ont envahi l’Irak en trois semaines. Mais ce fut facile pour vous, parce que de nombreux Irakiens, y compris moi-même, vous ont cru. Disons que nous avions fait un rêve. Nous croyions que vous alliez nous emmener vers la véritable liberté.
Et comme j’écris ceci, une vision a jailli dans mon esprit, me ramenant ces jolis rêves pleins d’espérance. Je regrette ce rêve que j’ai fait la première fois que j’ai vu un soldat américain de mes propres yeux et que j’ai su que l’ère de Saddam, l’ère de la guerre, l’ère des sanctions et l’ère de la souffrance étaient révolues.
Maintenant, en ce moment précis, je souhaiterais que votre ère ne fût pas venue. À cause de vous, nous avons vécu des jours horribles et l’avenir va l’être tout autant.
M. Bush, sachez que la police irakienne et l’armée irakienne ne traitent pas les citoyens irakiens comme ils devraient l’être. Elles les humilient, les insultent à coups de mots obscènes et elles pointent leurs armes sur les gens sans la moindre raison. Elles ont restreint tout dans notre vie, elles ont limité nos allées et venues, elles ont réduit notre liberté d’aller dans les rues après 8 heures du soir, elles ont limité notre sentiment de sécurité, elles ont limité nos espoirs, nos rêves et notre vie sociale.
Savez-vous que le gouvernement que vous avez installé à multiplié par cinq le prix du carburant ? Il n’est pas parvenu à assurer un minimum d’énergie aux gens ni à rétablir la distribution d’eau (même si elle n’est pas potable. En outre, il n’y a plus d’eau disponible, ces derniers jours, à Bagdad, la capitale de l’Irak.).
M. Bush, vous avez tout lieu d’être fier de votre nouveau symbole de la démocratie au Moyen-Orient. Laissez-moi vous certifier qu’aujourd’hui, il n’y a personne au monde qui ait envie de se trouver dans ce fameux symbole. Aucun pays ne voudrait être comme l’Irak. Vous savez pourquoi ? Parce que vous avez transformé nos existences en une série apparemment interminable de crises et que notre souffrance se poursuit jour et nuit.
Finalement, rien ne semble positif, aujourd’hui, après les scrutins truqués des dernières élections. Après tout, le principal vainqueur, ce sont l’Iran et les Kurdes. Allez donc et dormez bien cette nuit.
Signé :
Un citoyen irakien qui croit en la liberté et la démocratie et qui les désire ardemment.
Traduction : J-M Flémal
Les dépêches irakiennes de Dahr Jamail
http://dahrjamailiraq.com