L’Europe politique muselée par Washington commence à se réveiller
Après que l’avion de la Malaysian Airline s’est écrasé en Ukraine, les médias occidentaux se sont laissés guider par Washington, et ils ont manipulé les rapports de façon à faire croire aux Européens que la Russie et les séparatistes pro-Russes à l’Est de l’Ukraine étaient responsables de ce drame. En Allemagne, la presse a fonctionné comme une extension de la machine de propagande de Washington, en dépit du manque de preuves apportées par le pouvoir étatsunien et Kiev pour soutenir leurs affirmations irresponsables.
Il ne fallut pas longtemps cependant, avant que l’humeur de l’opinion publique en Europe ne commence à changer. Un des facteurs clé de ce changement a été la menace étatsunienne ouverte constituée par une loi votée, tant à la chambre des députés de ce pays qu’au Sénat, et qui pourrait éventuellement aboutir à l’invasion des Pays-Bas par les forces armées des États-Unis [1].
Lorsque cela fut connu, ce fut non seulement le gouvernement néerlandais, mais aussi la population de cette nation qui exprima son indignation. Selon cette loi, s’il devait arriver que des citoyens étasuniens soient traduits devant la Cour pénale internationale (CPI) et mis en accusation à La Haye, Washington pourrait exercer un droit préemptif d’envahir le pays, de façon à empêcher les poursuites judiciaires.
Rappelons-nous que le gouvernement malaysien avait autorisé la tenue d’un tribunal en 2011, et que les juges, dans la tradition des procédures des Cours britanniques, avaient condamné tant George W. Bush que Tony Blair, comme coupables de crimes de guerre [2].
Certains Européens se demandent s’il n’y aurait pas un lien entre les décisions de ce tribunal et la perte de deux avions de lignes malaisiens.
De plus, des Européens à l’esprit éveillé, et intelligents, ont bien compris la campagne organisée par Washington afin de diaboliser la Russie. Un groupe de professeurs hollandais a écrit une lettre ouverte au président russe Vladimir Poutine le 12 août, dans laquelle les signataires ont officiellement demandé pardon pour les mensonges de propagande répandus par les médias occidentaux [3].
Les anciens « médias de référence » en Europe ont perdu la confiance de leurs lecteurs. Un nombre sans cesse croissant d’Européens se réfèrent à des sites Internet tels que www.paulcraigroberts.org, et sont parfaitement informés de la nature propagandiste des médias de masse occidentaux.
Le graphique récemment publié par un des principaux journaux allemands, le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), montre que pour une raison ou une autre, les Allemands se sont détournés de la presse allemande. Les ventes cumulées des journaux allemands ont atteint leur record en 1983, avec une circulation de 30,1 millions d’exemplaires.
Évolution du tirage des quotidiens allemands de 1950 à 2013 (millions d’unités)
Les choses n’ont cessé de se détériorer depuis lors. En 2013, les ventes ont chuté pour atteindre le chiffre de 17,3 millions d’exemplaires vendus, ce qui représente un déclin significatif de 42,5 %, particulièrement douloureux pour les maisons d’édition. Les programmes persistants de réduction des coûts, les suppressions massives d’emplois et la disparition de quotidiens comme le Financial Times Deutschland, sont la conséquence de cette vassalisation de la presse à l’égard de Washington. On cherche de nombreuses excuses pour expliquer ce déclin, mais la véritable raison est que les journaux allemands ne prennent plus leurs lecteurs au sérieux.
Les Allemands se demandent pourquoi leur pays réunifié est toujours occupé par les troupes étasuniennes, soixante-neuf années après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, pourquoi leur pays n’a pas une politique étrangère indépendante de celle de Washington et pourquoi les médias allemands ne permettent aucune discussion publique au sujet de ces caractéristiques très inhabituelles pour un État prétendument souverain.
Ces dernières années, l’aspect propagandiste des médias a conduit à une résistance massive parmi les lecteurs des journaux, particulièrement en Allemagne. Il suffit de regarder les commentaires publiés sur les sites internet des médias de masse pour voir la colère et le dépit des lecteurs, qui se détournent de ce qui étaient leurs journaux favoris, qu’ils accusent à présent de participer activement à la campagne de propagande de Washington. Ce que voient les lecteurs, ce sont des insinuations et des accusations ridicules, en lieu et place d’un journalisme d’investigation honnête. Le journal allemand Die Welt a même accusé la Russie d’être responsable de l’irruption du virus Ebola ! [4]
Etant donné le danger posé par Washington, qui pousse l’Europe à la guerre contre la Russie, on peut se réjouir de ce que de nombreux Européens ne soient pas dupes des mensonges de propagande perfides disséminés par les médias grand public. Les sites internet tiennent désormais le rôle abandonné par les journaux. Ces médias internet, indépendants pour la plupart, se qualifient de médias alternatifs, se donnant pour objectif de fournir une information objective et véridique, là où il n’y a que propagande.
Certains grands journaux allemands ont détruit le peu de crédibilité qu’il leur restait, lorsqu’ils ont utilisé les médias sociaux pour répandre l’affirmation que les commentaires négatifs postés sur leurs sites en ligne étaient écrits par des personnes payées par Vladimir Poutine. On se demande s’il faut en rire ou en pleurer, tellement l’accusation est grotesque.
La question de savoir pourquoi les médias de masse allemands sont au service de Washington plutôt que de l’Allemagne reste sans réponse. Washington rémunère-t-il bien les services rendus en matière de propagande ?
Si nous en venons maintenant aux évènements récents qui ont eu Ferguson pour cadre, ils nous ont fait prendre conscience de ce que l’état policier étatsunien n’en est pas seulement à un stade avancé, mais qu’il est déjà entièrement en place ! Les scènes vues à la télévision ou sur les vidéos postées sur internet, d’une police militarisée et brutale, équipée pour le champ de bataille, et appliquant, aussi bien envers les protestataires qu’envers les journalistes, une violence extrême, ont soulevé en Europe la question de savoir si les États-Unis étaient une démocratie ou un état policier. Le massacre que l’Amérique poursuit au Moyen-Orient, couplé au soutien apporté par Washington au massacre des Palestiniens perpétré par Israël, ainsi, maintenant, qu’au massacre de Russes dans l’est et le sud de l’Ukraine par le gouvernement que Washington a installé à Kiev, ont radicalement inversé l’image des États-Unis. Les États-Unis ne nous rassurent plus, ils nous effrayent.
Dans un article récent du journal Die Welt, le journaliste Ansgar Graw a écrit « Le jour où la police étatsunienne est devenu mon ennemie».
Même ces vassaux de Washington au sein des médias allemands qui écrivent pour Die Welt ont maintenant fait l’expérience personnelle de la violence exercée à plein par la police étatsunienne ([5] et [6])
Des journalistes allemands qui vivent aux États-Unis depuis 15 ans disent à leur lecteurs qu’ils en sont venus à décider de quitter ce pays. Ils rapportent que les choses ont changé en pire au « pays de la liberté » depuis le 11 septembre 2001, et qu’ils ont été menacés, menottés et arrêtés pour avoir couvert les manifestations de Ferguson.
Le policier qui a tué le jeune homme noir de 18 ans a déclenché les manifestations, et la réponse qui y a été apportée a ouvert les yeux du monde sur la transformation des États-Unis en un état policier. Un pays dont les bases militaires occupent la majeure partie du monde au nom des droits de l’homme et de la liberté, un pays qui interfère violemment dans les affaires intérieures de nations souveraines et qui mène des guerres à sa convenance est maintenant perçu comme menant une guerre contre sa propre population opprimée. En s’exemptant eux-même des standards qu’ils appliquent à toutes les nations, les États-Unis ont détruit leur crédibilité.
Les Hollandais n’ont plus maintenant qu’à attendre de voir apparaître des troupes étatsuniennes à la cour de La Haye, si la loi internationale vient à être appliquée aux criminels de guerre de Washington. Ainsi que l’a écrit un magazine allemand récemment, « avec des amis comme les États-Unis, nous n’avons pas besoin d’ennemis ».
Roman Baudzus
Article original en anglais :
“America Frightens Us”: Europeans are Waking Up. The US is No Longer an Ally of the European Union?, publié le 25 août 2014
Cashkurs et PaulCraigRoberts.org
Traduit par Lionel pour vineyardsaker.fr
http://www.vineyardsaker.fr/2014/08/28/leurope-politique-muselee-washington-commence-se-reveiller/
Notes
[1] Internationales Strafgericht: US-Kongress droht Niederlanden mit Invasion (spiegel.de, allemand, 12-06-2002)
[2] Kuala Lumpur tribunal: Bush and Blair guilty (aljazeera.com, anglais, 28-11-2011)
[3] An open letter from the Netherlands to Putin… We are sorry! (futuristrendcast.wordpress.com, anglais, 05-08-2014)
[4] Russland hat Ebola zur Waffe gemacht (welt.de, allemand, 21-08-2014)
[5] Der Tag, an dem die US-Polizei mein Feind wurde (welt.de, allemand, 28-08-2014)
[6] Panzer gegen Protestler (handelsblatt.com, allemand, 20-08-2014)
Source : Political Europe Suppressed Under Washington´s Thumb Is Waking Up (paulcraigroberts.org, anglais, 25-08-2014)
Roman Baudzus est le co-fondateur du blog allemand « wirtschafscraft », consacré à la finance et à l’économie.