Lexique pour stratèges en herbe

Dissuasion, subversion, persuasion sont les trois éléments constitutifs de la composante diplomatie-stratégie.
Stratèges, experts, analystes saturent les ondes et les écrans de leur théorie savante, d’un air convenu, à coups de sous-entendus, de sigles abscons, dont l’objectif prioritaire est de justifier la pulsion prédatrice de leurs commanditaires.

Revue de détails de ces grands prédateurs.

I – Sir Walter Raleigh (1554-1618), théoricien de la colonisation occidentale du Monde.

Sir Walter Raleigh [voir l’image en vedette] passera à la postérité pour avoir été le théoricien de la conquête occidentale du Monde. De sa colonisation, et, partant, à l’origine de six siècles d’hégémonie occidentale absolue sur le reste de la planète.

«Celui qui commande la mer commande le commerce; celui qui commande le commerce commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même”, prescrira-t-il, donnant le signal de la curée. Cf. Sir Walter Raleigh (1554-1618), History of the world.

Au rythme de 500 000 expatriés par an en moyenne pendant 40 ans, de 1881 à 1920, 28 millions d’Européens ont ainsi déserté l’Europe pour peupler l’Amérique, dont 20 millions aux États-Unis, huit millions en Amérique latine. Sans compter l’Océanie (Australie, Nouvelle Zélande), le Canada, le continent noir, le Maghreb et l’Afrique du sud notamment, ainsi que les confins de l’Asie, les comptoirs enclaves de Hong Kong, de Pondichéry et de Macao. 52 millions d’expatriés, soit le double de la totalité de la population étrangère résidant dans l’Union Européenne à la fin du XX me siècle, un chiffre sensiblement équivalent à la population française.

Principal pourvoyeur démographique de la planète pendant cent vingt ans, l’Europe réussira le tour de force de façonner à son image deux autres continents, l’Amérique dans ses deux versants ainsi que l’Océanie et d’imposer la marque de sa civilisation à l’Asie et l’Afrique.

«Maître du monde» jusqu’à la fin du XX me siècle, elle fera de la planète son polygone de tir permanent, sa propre soupape de sécurité, le tremplin de son rayonnement et de son expansion, le déversoir de tous ses maux, une décharge pour son surplus de population, un bagne idéal pour ses trublions, sans limitation que celle imposée par la rivalité intra européenne pour la conquête des matières premières.

Mais, paradoxalement, cet explorateur anglais, né dans le Devon en 1552, à l’origine de la puissance maritime de la Grande Bretagne et de son rayonnement mondial, sera décapité le 29 octobre 1618 à la tour de Londres, justifiant l’adageselon lequel «Nul n’est prophète en son pays».

Cinquante-trois mille (53.000) navires de commerce se croisent sur les routes de la mondialisation.
Ils transportent 8 milliards de tonnes de marchandises par an, 90% du commerce mondial. Ils battent pavillon du Panama, du Liberia, des Bahamas, des Îles Marshall, pour plus de la moitié de la flotte mondiale.

Au Pirée, à Marseille, à Hambourg, à Shanghai, à Rotterdam et New York, le flux océanique de marchandises est souvent le “flux sanguin” de l’économie mondiale. Ce système est fragile. Les artères de la mondialisation sont à la merci d’un infarctus, d’une embolie, d’une hypertension.

II- Rudyard Kipling: Le Fardeau de l’Homme Blanc

L’habillage moral de la prédation économique de la planète par les Occidentaux reviendra à l’écrivain britannique Rudyard Kipling et son célèbre poème «Le Fardeau de l’homme blanc (The White Man’s Burden)

Publié à l’origine en Février 1899 dans la revue populaire MC Clure’s, avec pour sous-titre «Les États-Unis et les îles Philippines (The United States and the Philippine Islands), ce poème a constitué un soutien à la colonisation des Philippines et plus généralement à la colonisation des anciennes colonies espagnoles par les États Unis. Mais aussi comme un avertissement adressé aux États-Unis au sujet des responsabilités morales et financières que leur politique impérialiste les amène à endosser.
La version française du «Fardeau de l’Homme blanc» prendra pour justificatif la «charge d’aînesse» de la France de conduire vers la civilisation les «peuples primitifs».

III – La théorie de la Sea Power: La version américaine de la théorie du britannique Sir Walter Raleigh

La version américaine de la théorie du britannique Sir Walter Raleigh sera formulée par l’amiral américain Alfred T. Mahan (1840-1914], pionnier de la géopolitique et de la stratégie navale américaine, érigeant en doctrine la prééminence de la force navale, le Sea Power, condition de toute action en politique extérieure.
L’amiral Alfred T. Mahan donne en fait une formulation militaire à la théorie énoncée trois siècles plus tôt par Sir Walter Raleigh, en l’adaptant aux besoins stratégiques des États Unis, puissance planétaire en devenir.

Conseiller du président Théodore Roosevelt, il connut une notoriété internationale et influença la politique maritime de plusieurs pays. Il est considéré comme l’un des artisans de la politique impériale des États-Unis. Le «Sea Power» est une donnée toujours essentielle de la géostratégie des nations, et assurément un élément majeur de la politique extérieure des États-Unis.

Depuis la fin de la bipolarité soviéto-américaine, «La mondialisation, c’est la mer ! Oui, la mondialisation, bien avant Christophe Colomb et les Vikings –avec les migrations des tribus du bout de l’Asie-, la mondialisation c’est d’abord la mer et les océans.

Ce constat se fonde sur trois raisons principales: 1) mers et océans constituent le vecteur structurant de l’économie globalisée; 2) plus de 65% de la population mondiale vit dans les zones portuaires et côtières; 3) enfin, la plupart des crises internationales se déversent, aujourd’hui dans l’eau: détroits, canaux et nombres d’îles sont devenus des enjeux stratégiques de premier plan». Parole d’expert, précisément de Richard Labévière auteur notamment de «Reconquérir par la mer – La France face à la nouvelle géopolitique des océans». Editions Temporis, janvier 2020

IV- La théorie des «anneaux maritimes» des États-Unis de l’Amiral William Harrison

Variante de la précédente, elle constitue la première théorie stratégique de la seconde moitié du XX me siècle, visant déjà à contenir la Chine et la Russie, perçues déjà comme les deux grands concurrents des États Unis du XXI me siècle.

En application de la «théorie des anneaux maritimes», les États Unis ont procédé, dès la fin de la 2me Guerre mondiale, à leur déploiement géostratégique selon la configuration de la carte de l’Amiral William Harrison, conçue en 1942 par la marine américaine, en vue de prendre en tenaille la totalité du monde eurasiatique, articulant leur présence sur un axe reposant sur trois positions charnières: Le détroit de Behring, le Golfe arabo-persique et le détroit de Gibraltar.

Avec pour objectif de provoquer une marginalisation totale de l’Afrique, une marginalisation relative de l’Europe et à confiner dans un cordon de sécurité un «périmètre insalubre» constitué par Moscou-Pékin-Delhi-Islamabad, contenant la moitié de l’humanité, trois milliards de personnes, mais aussi la plus forte densité de misère humaine et la plus forte concentration de drogue de la planète

Les grands bouleversements de l’histoire ont rarement une date d’anniversaire exacte. Ce n’est qu’arbitrairement que l’on peut fixer à la fin de la deuxième Guerre mondiale (1939-1945) le début du déploiement planétaire de l’empire américain et de sa compétition feutrée avec la Chine, dont le point de percussion majeur aura pour théâtre l’Afrique à l’entame du XXI me siècle, particulièrement le Maghreb, le Ponant du Monde arabe, le flanc méridional de l’Europe et son point de jonction vers l’Afrique et, au-delà, l’Amérique latine.

Premier continent au Monde pendant six siècles, l’Europe de la seconde moitié du XXe siècle, a subi, sanction de son bellicisme, la division en deux blocs, hermétiquement verrouillés par un rideau de fer. Saignée et ruinée par deux guerres mondiales, son volet occidental placé sous perfusion financière américaine du Plan Marshall, menant un combat d’arrière-garde face à la révolte des peuples coloniaux d’Asie, du Monde arabe et d’Afrique.

Ce combat d’arrière-garde face à la Chine, l’Inde et le Pakistan, -les futures puissances nucléaires d’Asie-, le Monde arabe, le principal réservoir énergétique de la planète, le continent africain, vaste gisement minier, ont signé sa relégation de la magistrature suprême de la gestion des affaires du Monde.

Une conjoncture idéale pour les États Unis, qui s’engouffreront dans la brèche, sur les débris du colonialisme anglais et français en Asie occidentale et en Afrique, à la faveur de l’ostracisme de la Chine continentale communiste de Mao Tsé Toung au bénéfice de la Chine insulaire capitaliste de Taïwan de Tchang Kaï Chek, le vaincu du Komintern.

Héritiers de l’Europe et témoins privilégiés de ses déboires, les États-Unis se sont certes portés à deux reprises au XX me siècle au cours des deux guerres mondiales (1914-1918/1939-1945), au secours des grandes démocraties européennes avant de les supplanter en tant que puissance planétaire, sans toutefois- là réside le Hic- tirer profit des égarements coloniaux de leurs ancêtres européens.

Sur les débris du colonialisme français et anglais, l’Amérique, soutenant les indépendances du Maroc et de l’Algérie dans la foulée de la folle équipée tripartite (anglo-franco-israélienne) de Suez, en 1956, a été accueillie en héros par les peuples arabes.

Mais, au mépris des enseignements de l’Histoire, elle va fonder son hégémonie sur une collusion avec les forces arabes les plus conservatrices et des alliances contre nature avec les principaux ennemis du monde arabe, dilapidant ainsi son capital de sympathie par une politique erratique illustrée par le combat implacable qu’elle a menée contre le nationalisme arabe renaissant.

Deuxième erreur fatale qui permettra à la Chine, dans la décennie 1960, d’en tirer profit en y prenant pied, en Asie occidentale et en Afrique du Nord, notamment l’Algérie, son plus ancien et plus loyal allié dans la zone.

V – La théorie du Chaos et son corollaire la théorie du fou

La théorie du Chaos a été inspirée par Leo Strauss (1899-1973). Elle se fonde sur un postulat: «C’est par la destruction de toute résistance plutôt qu’en construisant que le pouvoir s’exerce», ou «c’est en plongeant les masses (les pays vulnérables) dans le chaos que les élites (les pays dominants) peuvent aspirer à la stabilité de leur position».
«C’est dans cette violence que les intérêts impériaux des États-Unis se confondent avec ceux de l’État juif», soutient ce philosophe juif allemand dont les principes adoptés par tous les stratèges, donneront naissance à la pensée néoconservatrice par la symbiose historique entre sionisme et calvinisme.

La doctrine prend corps au début de la décennie 1980, lorsque le chantre du néolibéralisme sauvage, Ronald Reagan (1981-1989), met un terme à la détente pour revenir à l’endiguement (les Soviétiques en Afghanistan) et au «double endiguement» (l’Irak de Saddam Hussein contre l’Iran de Khomeiny).

Les néo-conservateurs, souvent de double nationalité israélo-américaine, étaleront leurs plans tordus visant au remodelage du Grand Moyen-Orient conformément aux obsessions de Washington et de Tel-Aviv: le contrôle des zones riches en hydrocarbures suppose une redéfinition des frontières, des États et des régimes politiques.

Le plan Oded Yinon, rendu public en 1982, concocté par un stratège israélien pour le gouvernement du Likoud de Menahem Begin, définit ainsi «la stratégie pour Israël dans les années 1980». Il propose sans ambiguïté de «déconstruire tous les États arabes existants et de remodeler l’ensemble de la région en petites entités fragiles, malléables et incapables d’affronter les Israéliens».

  • Pour aller plus loin avec le plan Oded Yinon qui définit la «stratégie pour Israël dans la décennie 1980», paru en 1982, dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban, de la destruction de la centrale nucléaire irakienne de Tammouz et de l’annexion du Golan, cf ce lien: https://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982/

Le complément opérationnel du chaos créateur est la «théorie du fou» de Richard Nixon, préconisant de suggérer que l’Amérique est dirigée par «des cinglés au comportement imprévisible, disposant d’une énorme capacité de destruction, afin de créer ou renforcer les craintes des adversaires».

VI – Heartland, Rimland and Muslim Green Belt

Pour la stratégie américaine la planète est divisée en trois zones Heartland, Rimland et la Muslim Green Belt:
Heartland, autrement dit le bloc eurasiatique, s’étend du Nil (Égypte) à l’Indus (Inde), d’Ouest en Est, et des steppes de Russie à l’Océan indien, du Nord au Sud, englobant le fameux croissant fertile. Il est considéré comme «la clé du contrôle absolu de la planète», selon l’auteur de cette thèse, Halford John Mackinder. Cette thèse a été reprise par Zbigniew Brzezinski, dans son ouvrage «Le Grand Échiquier-1997).
Le contrôle du Heartland est une garantie de continuité de l’hégémonie politique, militaire, culturelle et économique des États Unis, estime l’ancien conseiller à la Sécurité nationale du Président Jimmy Carter.

A la périphérie, les terres off-shore où les empires de la mer guignant l’hégémonie ont édifié leurs bases. Entre les deux, un «Rimland», dont une bonne partie est occupée par une «ceinture verte musulmane» qui constitue un espace riche et stratégique qu’il faut contrôler. Le cocktail des deux théories, le chaos et le fou, va s’avérer détonnant pour les peuples de cette «Muslim Green Belt». La logique du chaos ne relève pas du droit, mais d’un choix stratégique dicté par la géopolitique.

VII – La doctrine de la domination à spectre total, corollaire de la subdivision de la planète en trois zones (Heartland, Rimland, Muslim Green Belt).

L’objectif final est d’étouffer l’émergence de toute puissance susceptible de contrarier leurs ambitions, conformément à la «doctrine de la domination à spectre total» élaborée par le Pentagone.

VIII – La doctrine du choc et de l’effroi (Shock and Awe) ou la doctrine de la «domination rapide»

Doctrine de la guerre post soviétique formulée par Harlan Ullman et James Wade, en 1996 pour le compte de la Défense nationale des États-Unis, «Choc et effroi» est une doctrine militaire basée sur l’utilisation de la puissance écrasante et des manifestations spectaculaires de la force pour paralyser l’adversaire de la perception d’un champ de bataille et de détruire sa volonté de se battre. La doctrine «Choc et effroi» a été utilisée notamment en Afghanistan (2001), en Irak (2003) et en Libye (2011).

Par un curieux retournement de tendance, les mots utilisés par le Pentagone lorsqu’il jouissait du monopole du recours à la force et qu’il était sur le point d’écraser Saddam Hussein reviennent le hanter deux présidents plus tard.

Ainsi en 2019, lors de la dernière épreuve de force entre Washington et Téhéran, l’Iran fait connaître le choc et l’effroi au président américain Donald Trump et à son secrétaire d’État Mike Pompeo. C’est Téhéran – et non Washington – qui est doué pour les démonstrations de domination rapide visant à désorienter son ennemi. Il n’y aurait pu avoir de meilleure démonstration de «choc et effroi» que celle qui a frappé deux des plus grands terminaux pétroliers d’Arabie saoudite samedi.

IX- La théorie de l’amiral Arthur Cebrowski: la guerre sans fin

Variante de la théorie du choc et effroi, la théorie de la guerre sans fin a été formulée par l’amiral Arthur Cebrowski. Elle a connu ses premières applications en Irak et en Afghanistan avec le succès que l’on sait.
A noter la prépondérance des amiraux dans la formulation de la stratégie militaire américaine: l’Amiral Alfred Matham sea power); l’Amiral William Harrisson anneaux maritimes), et l’Amiral Arthur Cebrowski (La guerre sans fin: USA and The ROW).

Élaborée en tandem avec Donald Rumsfeld, à l’époque secrétaire à la défense, cette théorie divise le monde en deux: The USA and The ROW ( the rest of the world), autrement dit les États globalisés et tous les autres. Ces derniers sont condamnés à n’être que des réservoirs de richesses naturelles et de main d’œuvre. La mission du Pentagone post-11-Septembre n’est plus de gagner des guerres, mais de priver les régions non-globalisées de structures étatiques et d’y installer le chaos.

Une stratégie élaborée en fonction des nouveaux outils informatiques visant à détruire les États en tant qu’organisations politiques et permettre aux grandes entreprises informatiques de diriger le monde globalisé à leur place. Le lendemain même du 11-Septembre, la revue de l’armée de Terre, Parameters, expose le projet de remodelage du «Moyen-Orient élargi”.

X – Barack Obama et la militarisation du cyberespace

Affligé par les lourds déficits hérités de son prédécesseur George Bush jr, (Guerre d’Afghanistan, Guerre d’Irak, Guerre contre le Terrorisme), Barack Obama (2008-20016) s’engagera dans la militarisation du cyberspace comme réplique à la montée en puissance de la Chine et son positionnement en tant que sérieux concurrent des États Unis.
L’accélération et l’institutionnalisation de la militarisation du cyber space, cinquième domaine militaire (Air, Mer, Terre, Balistique, Cyberspace), découlent toutes deux du pivot vers l’Asie, élément central de la grande stratégie d’engagement sélectif adoptée par Barack Obama à l’endroit de la Chine. Elle participe à la préservation de la «stabilité et en Asie-Pacifique», autrement dit le statu quo, objectif considéré indispensable à la protection à long terme des intérêts vitaux américains.

XI- Vietnam, Cuba, Iran, Venezuela: Les Limites de la superpuissance et de la technologie de pointe

La superpuissance et la technologie de pointe si elles mettent en mesure un état de mener une bataille décisive au sens stratégique de Clausewitz, en ce qu’elle provoque une modification radicale des rapports de forces régionaux et la création d’une nouvelle réalité sur le terrain peuvent parfois été mise en échec par le patriotisme et le professionnalisme.

Les cas de Cuba et du Vietnam sont les plus illustres. A l’époque contemporaine, celui du Venezuela retient l’attention

A – Le cas du Venezuela: La ruse d’Hugo Chavez: Le SEBIN inflige une humiliation à la CIA

Pour déstabiliser Hugo Chavez, le siège du Pentagone (USSOUTHCOM) en charge de l’Amérique centrale et du sud avait mis en place des moyens de l’Espionnage technologique (TECHINT- intelligence technique) afin d’évaluer, d’analyser et d’interpréter les informations relatives au matériel de combat de l’armée vénézuélienne.

Il s’agit de moyens de type MASINT (Measurement and signature intelligence) qui reçoivent à distance, les vibrations, la pression, l’énergie calorique produite par les systèmes de combat. Il y a également d’autres moyens (ELINT) concernant les émissions électroniques des systèmes de radar et de radionavigation qui équipent les systèmes de missiles sol-air, les avions et les navires militaires du Venezuela.
Mais la plupart des moyens d’espionnage ont été utilisés pour intercepter les réseaux de communication (COMINT). L’Agence nationale de renseignement électronique (NSA) a un réseau appelé ECHELON, conçu pour l’interception et l’enregistrement des communications par téléphone, fax, radio et le trafic de données grâce aux satellites espions américains.

Toutefois, le SEBIN, le petit service de contre-espionnage vénézuélien (SEBIN: Servicio Boliviariano de Intellicia Nacional) a infligé une humiliation à la CIA en infiltrant tous les groupes d’opposition par des agents fidèles au régime de Caracas, doublée d’une opération d’intoxication psychologique, notamment des «fuites» en direction de la CIA, concernant l’intention de plusieurs généraux du premier cercle de trahir le président Nicolas Maduro.
La «désertion» du général Manuel Figueira, chef du SEBIN, la libération de Leopoldo Lopez de son assignation à résidence, et la mise à disposition, pour Juan Guaido, d’un peloton de soldats appartenant au SEBIN, pour prendre la garnison Carlota à Caracas, plus de 1 000 militaires, faisaient partie de l’opération d’intoxication des agents de la CIA afin de convaincre Washington du succès du coup d’État.

Même pour un pays sud-américain sous embargo, lutter avec patriotisme et professionnalisme peut briser les plans de la CIA. Que serait-ce alors dans le cas de l’Iran rodé, lui, depuis 40 ans, aux démonstrations de force des États Unis, d’Israël, des pétromonarchies du golfe, soutenus en sous mains par leurs alliés européens, la France et le Royaume Uni en tête.

XII – La «stratégie du collier de perles» de la Chine, lointaine réplique chinoise à la théorie américaine des anneaux maritimes

Pris en tenaille entre l’Inde, sa grande rivale en Asie, le Japon, le géant économique de l’Asie, et les États-Unis, maître d’œuvre du blocus de la Chine maoïste, la Chine a cherché à se dégager de ce nœud coulant en développant «la stratégie dite du collier de perles».
Le terme a été utilisé pour la première fois au début de 2005 dans un rapport interne du Département d’État titré «Energy Futures in Asia».

Cette stratégie a été mise au point dans le but de garantir la sécurité de ses voies d’approvisionnement maritimes jusqu’au Moyen-Orient, ainsi que sa liberté d’action commerciale et militaire.

Elle a consisté dans le rachat ou la location pour une durée limitée d’installations portuaires et aériennes échelonnées des ports de Gwadar (Pakistan), Hambantota (Sri Lanka), Chittagong (Bangladesh), jusqu’à Port Soudan, via l’Iran et le périmètre du golfe d’Aden pour escorter ses navires à travers cette zone infestée de pirates, ainsi que dans la zone sahélo-saharienne, l’Algérie et la Libye, à tout le moins sous le régime du Colonel Mouammar Kadhafi (1969-2012), enfin en Syrie et au Pirée, la grande plate-forme commerciale de la Chine sur le flanc méridional de l’Europe Occidentale.

XII Bis – Le Projet Obor: La nouvelle route de la soie

Traduction économique de la stratégie du collier des perles, le projet OBOR est communément désigné sous le vocable de «nouvelle route de la soie» ou la Ceinture et la Route. Cette stratégie aussi appelée OBOR en anglais pour One Belt, One Road) consiste en un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires entre la Chine et l’Europe passant par le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne etc.

Le nouveau nom de projet grandiose est «Initiative route et ceinture» (Belt and Road Initiative, B&R selon l’acronyme anglais) afin de marquer le fait que ce projet ne se limite pas à une seule route.

Outre l’amélioration de la connectivité ferroviaire, il s’agit aussi d’une stratégie de développement pour promouvoir la coopération entre les pays sur une vaste bande s’étendant à travers l’Eurasie et pour renforcer la position de la Chine sur le plan mondial, par exemple en préservant la connexion de la Chine avec le reste du monde en cas de tensions militaires sur ses zones côtières.

La Nouvelle route de la soie a été dévoilée à l’automne 2013 par le gouvernement chinois en tant que pendant terrestre du collier des perles. Selon CNN, ce projet englobera 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 62 % du PIB mondial.

XIII – La stratégie de la grenouille, illustration tangentielle de la «stratégie de l’effacement»

La paternité du terme revient à John Feffer, auteur américain, spécialiste du Monde communiste, auteur du livre «zones de divergences» qu’il définit comme «un état proche de la tectonique des plaques, de la séparation des continents».

Chaque pays peut être vu comme un diamant, qui peut se subdiviser en éclats. Ainsi la France peut se comparer à un diamant avec plusieurs facettes, la Bretagne, la Provence, la Corse. Un diamant parfait, sans conflits, mais avec des clivages à l’œuvre dans le pays.

Les États sont comme des boules de billard, qui se heurtent les unes aux autres. En fait, tous les États “ont explosé», selon John Feffer.

Illustration tangentielle d’une diplomatie de l’effacement, dont elle constitue le corollaire, la «stratégie de la grenouille» est la marque caractéristique des États atteints d’une «nostalgie de grandeur». A l’image de la grenouille assise dans une eau qui devient de plus en plus chaude, lentement, sans que le batracien ne se doute un seul instant qu’il est entrain de cuire doucement pour être consommé en cuisses de grenouille.

Cas typique de la France, dont la communication racoleuse vise à masquer une diplomatie aux abois du fait de ses grossières erreurs au Proche et Moyen orient, sur fond de stagnation économique. Un pays contraint à suivre une politique réduite à ses moyens déjà très réduits, faute de s’être doté des moyens de sa politique.

Avec un passif de quatre capitulations en deux siècles (Waterloo 1815, Sedan-1870, Montoire-1940, Dien Bien Phu-1954), fait unique dans les annales militaires des grandes démocraties occidentales. Plus la France tardera à en prendre acte, plus la marmite de la grenouille chauffera, plus le festin s’approchera.

Cinquante quatre (54) milliards d’euros en 2017 en superposition à 100 milliards d’euros d’évasion fiscale, en dépit de la suppression de l’ISF, avec en parallèle, un endettement publique en 2018 de l’ordre de 2299,8 milliards d’euros, frôlant le seuil symbolique des 100% et au sein de l’Union Européenne sous la coupe de l’Allemagne, le grand vaincu de la 2me guerre mondiale, avec en prime, le gel des retraites, la suppression de 5 euros au titre de l’APL etc… De quoi expliquer amplement cette explosion de colère sans pareille depuis la révolte étudiante de Mai 1968.

Reléguée au 7me rang des puissances économiques mondiales, supplantée désormais par l’Inde, une ancienne colonie britannique, le Japon et l’Allemagne, les deux grands vaincus de la II me Guerre Mondiale, la sanction symbolique de ce grenouillage pourrait être, à moyen terme, le transfert à l’Union Européenne du statut de la France de membre permanent du Conseil de Sécurité disposant d’un droit de veto.

Un statut jugé désormais «exorbitant» par bon nombre de ses concurrents tant en Europe, l’Allemagne notamment, qu’en Asie, particulièrement l’Inde, un état continent de 1,6 milliards d’habitants, puissance atomique et 6 ème puissance économique du Monde, supplantant la France à ce classement en 2018.
L’histoire est impitoyable avec les perdants. L’Histoire se venge de ceux qui l’insultent. «L’histoire finit toujours par punir la frivolité stratégique» (Henry Kissinger) – L’ordre du monde, Fayard.

René Naba

 

Image en vedette : Capture d’écran. Sir Walter Raleigh plaçant sa cape sur une flaque d’eau pour que la reine Elizabeth I puisse garder ses pieds au sec.

Pour aller plus loin



Articles Par : René Naba

A propos :

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de “L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres” (Golias), “Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français” (Harmattan), “Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), “Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David” (Bachari), “Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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