L’histoire du novichok est une autre escroquerie du calibre des ADM de l’Irak

Il y a seulement deux ans, en 2016, le Dr Robin Black, ancien collègue du Dr David Kelly et chef du laboratoire de détection de la seule installation d’armes chimiques de Grande-Bretagne, Porton Down, a publié dans une revue scientifique de premier plan que les preuves de l’existence des agents dit « Novichok » étaient rares et leur composition, inconnue.

Au cours de ces dernières années, nous avons entendu beaucoup de spéculations sur une quatrième génération d’agents innervants, les ‘Novichoks’ (nouveaux venus), développés en Russie au début des années 70 dans le cadre du programme ‘Foliant’, dans le but de trouver des agents capables de compromettre les mesures défensives. Les informations sur ces composés ont été rares dans le domaine public, et émanent pour la plupart d’un chimiste militaire russe dissident, Vil Mirzayanov. Aucune confirmation indépendante sur les structures ou les propriétés de ces composés n’a été publiée. (Black, 2016)

Robin Black. (2016) Development, Historical Use and Properties of Chemical Warfare Agents. Royal Society of Chemistry (Développement, usage historique et propriétés des agents de combat chimiques, Société Royale de Chimie)

Et pourtant, le gouvernement britannique affirme être capable d’identifier une substance dont son seul centre de recherches sur les armes biologiques dit qu’il ne l’a jamais vu et qu’il n’est même pas sûr de son existence. Pire, il affirme être capable non seulement de l’identifier, mais d’en localiser l’origine. Étant donnée la publication du Dr Black, il est évident que cette affirmation ne peut pas être vraie.

Les experts internationaux en armes chimiques partagent l’opinion du Dr Black. L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) est une entité de l’ONU basée à La Haye. En 2013, elle a publié le rapport de son Conseil consultatif scientifique, qui comprend des représentants des gouvernements américain, français, allemand et russe, et dont le Dr Black était le représentant du Royaume-Uni.

[Le CCS] a souligné que la définition des produits chimiques toxiques de la Convention doit couvrir tous les produits chimiques candidats potentiels à une utilisation comme arme chimique. A propos des nouveaux produits chimiques toxiques non catalogués dans l’annexe sur les produits chimiques, mais qui pourraient néanmoins poser un risque à la Convention, le CCS fait référence à des « Novichoks ». Le nom « Novichok » est utilisé dans la publication d’un ancien scientifique soviétique qui aurait conduit des recherches sur une nouvelle classe d’agents innervants possibles à utiliser comme armes chimiques binaires. Le CCS déclare ne pas avoir suffisamment d’informations pour discuter de l’existence ou des propriétés des « Novichoks ». (OIAC, 2013)

OPCW: Report of the Scientific Advisory Board on developments in science and technology for the Third Review Conference 27 March 2013 (OIAC : Rapport du Conseil consultatif scientifique sur les développements en science et technologie pour la troisième Conférence de révision, 27 mars 2013)

De fait, l’OIAC était si sceptique sur la viabilité des « Novichoks » qu’elle a décidé – avec l’accord des USA et du Royaume-Uni – de ne pas les ajouter, non plus que leurs précurseurs allégués, à sa liste de produits interdits. Pour résumer, la communauté scientifique admet que Mirzayanov ait travaillé sur des « novichoks » mais doute de sa réussite.

Étant donné que selon l’OIAC, l’existence des « Novichoks » est douteuse, si le Royaume-Uni a un échantillon de l’un de ces agents, il est très important que le Royaume-Uni le présente à l’OIAC. De fait, par traité, le Royaume-Uni a l’obligation contraignante de présenter cet échantillon à l’OIAC. La Russie – mais cela n’a pas été rapporté par les médias grand public – a envoyé une demande légale à l’OIAC de présentation d’un échantillon du matériel de Salisbury de la part du Royaume-Uni, pour une analyse internationale.

Or, le Royaume-Uni refuse de présenter cet échantillon à l’OIAC.

Pourquoi ?

Une autre des accusations de May est que les « Novichoks » peuvent uniquement être produits dans certaines installations militaires. Mais ceci est également manifestement faux. S’ils existent, les Novichoks ont été conçus pour être produits dans n’importe quelle installation commerciale – c’en était même l’une des caractéristiques majeures. Le seul véritable indice de l’existence des Novichoks était le témoignage de l’ex-scientifique soviétique Mizayanov, qui les a développés. Et ce qui suit est ce qu’en avait écrit Mirzayanov lui-même.

Il faut garder à l’esprit que les composants chimiques ou les précurseurs du A-232 ou de sa version binaire novichok-5 sont des organophosphates ordinaires qui peuvent être produits par une compagnie commerciale de chimie, comme celles qui produisent des engrais et des pesticides.

Vil S. Mirzayanov, “Dismantling the Soviet/Russian Chemical Weapons Complex: An Insider’s View,” in Amy E. Smithson, Dr. Vil S. Mirzayanov, Gen Roland Lajoie, and Michael Krepon, Chemical Weapons Disarmament in Russia: Problems and Prospects, Stimson Report No. 17, October 1995, p. 21. (Vil S. Mirzayanov, « Démentèlement du complexe d’armes chimiques soviétique/russe : la vision d’un initié » cité dans Amy E. Smithson, Dr. Vil S. Mirzayanov, Gen Roland Lajoie et Michael Krepon, Désarmement chimique en Russie : problèmes et perspectives, Rapport Stimson No. 17, octobre 1995).

Il est scientifiquement impossible que Porton Down ait testé les novichoks sans en avoir obtenu au préalable un échantillon à tester. Comme le Dr Black l’a écrit, Porton Down n’a jamais vu de novichok russe, et ne peut donc pas l’avoir testé sauf s’il en a lui-même synthétisé pour pouvoir le tester. Et si l’équipe de scientifiques de Porton Down peut le synthétiser, elle peut le produire et d’autres aussi, pas seulement les Russes.

Et pour finir, Mirzayanov est un nom ouzbèke et le programme novichok, pour autant qu’il ait existé, était basé dans l’Union Soviétique mais loin de la Russie moderne, à Noukous en Ouzbékistan. J’ai personnellement visité le site des armes chimiques de Noukous. Il a été démantelé et assaini, tous ses stocks ont été détruits et son équipement a été enlevé par le gouvernement des USA, dans mes souvenirs lors de mes derniers jours en tant qu’ambassadeur là-bas. En fait, il n’y a jamais eu la moindre preuve de « novichok » en Russie elle-même.

Pour résumer :

1 – Porton Down a admis dans des publications qu’il n’a jamais vu de « novichoks » russes. Le gouvernement du Royaume-Uni n’a absolument aucune information sur une « empreinte » qui puisse attribuer cette substance à la Russie.

2 – A ce jour, ni Porton Down, ni les experts mondiaux de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ne sont même convaincus de l’existence des « Novichoks ».

3 – Le Royaume-Uni refuse d’en présenter un échantillon à l’OIAC.

4 – Les « Novichoks » étaient spécifiquement conçus pour être produits à partir d’ingrédients communs dans n’importe quel laboratoire. Les Américains ont démantelé et étudié l’installation qui les avait censément développés. Il est complètement faux de dire que seuls les Russes peuvent en produire, pour autant que quiconque le puisse.

5 – Le programme « Novichok » était basé en Ouzbékistan et non en Russie. Ce qu’il en reste a été légué aux Américains durant leur alliance avec Karimov, et non aux Russes.

Avec tous mes remerciements à des sources qui ne peuvent pas être nommées en ce moment.

Craig Murray

 

Article original en anglais :

The Novichok Nerve Agent Story Is Indeed Another Iraqi WMD Scam

craigmurray.org

Traduction Entelekheia

Craig Murray, un proche collaborateur de Wikileaks, est historien et activiste des droits de l’homme. Il a été ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan.



Articles Par : Craig Murray

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