Liban: La guerre multidimensionnelle de Juillet 2006

Le 12 juillet 2006, deux soldats israéliens ont été enlevés par le Hezbollah dans les fermes de Chebaa au sud Liban, localité encore de nos jours sous occupation israélienne. Cette opération n’était pas unique dans son genre, elle visait à échanger les deux soldats de «Tsahal» contre des prisonniers libanais et arabes qui croupissaient injustement dans les geôles israéliennes. À l’issue de l’opération de la résistance, «Israël» a lancé prématurément une offensive d’envergure contre le Liban, accusant le gouvernement libanais de cautionner ce type d’opération, sous prétexte d’avoir deux ministres en son sein affilés au Hezbollah. «Israël» a décidé d’infliger un châtiment collectif au peuple libanais. Toutefois, il convient de préciser que le Hezbollah avait et a toujours l’aval des gouvernements au Liban au sujet de sa lutte contre l’occupation, et la défense du Liban face aux ambitions israéliennes. Par conséquent, le Hezbollah n’opérait pas de façon autonome et indépendante de l’État libanais.

Pour comprendre les raisons de l’offensive lancée au mois de juillet 2006, il est nécessaire de revenir sur les conditions du retrait d’«Israël» du sud Liban, le 23 mai 2000. La résistance libanaise a contraint manu militari «Israël» à quitter le Liban, après plus de 25 ans d’occupation. La réaction disproportionnée d’«Israël» envers le Liban expliquait sa soif de revanche, qui a tourné encore une fois au fiasco, à l’instar de toutes les guerres qu’il a menées contre le Liban.

Toutefois, l’offensive israélienne contre le Liban servait d’autres intérêts, notamment américains. La secrétaire d’État américaine de l’époque Condoleezza Rice a évoqué lors de l’attaque d’«Israël» contre le Liban en juillet 2006, le projet du «Nouveau Moyen-Orient». De quoi s’agit-il?

Il s’agit d’une feuille de route israélo-américaine planifiée depuis plusieurs années, afin de créer des champs d’instabilité au Moyen-Orient, pour pouvoir remodeler ce dernier géographiquement, économiquement et politiquement. Condoleezza Rice voyait dans l’offensive contre le Liban les douleurs d’enfantement de ce projet israélo-américain, ou ce qu’elle nommait exactement «le chaos constructif» nécessaire à la réalisation du projet. Cette balkanisation du Moyen-Orient au profit de la sécurité d’«Israël» avait comme étape primordial la guerre de juillet 2006 et la tentative de décapiter la résistance libanaise représentée par le Hezbollah, et à travers elle toute culture résistante. Dans ce contexte, la capture des deux soldats de Tsahal par le Hezbollah devient un prétexte, permettant à la ligue israélo-américano-anglaise d’espérer de parvenir à ses fins, mettant le Moyen-Orient sous domination complète de l’OTAN, donc de la ligue évoquée.

L’offensive israélienne contre le Liban avait d’autres objectifs, comme celui de déloger les populations du sud Liban, à majorité musulmans chiites vers l’intérieur du pays, dans l’intention de pousser vers une guerre civile. Toutefois, l’ironie du sort a mené le peuple libanais à se souder face à l’agression. Le châtiment collectif n’a pas fonctionné. La guerre de juillet 2006 a permis également la métamorphose de la résistance civile au Liban. Cette dernière était riche de sa diversité politique et confessionnelle, contribuant à son tour l’émergence de l’équation de l’armée, le peuple et la résistance, le verrou de sécurité par excellence du Liban, même encore de nos jours. L’émergence de la résistance civile a été également favorisée par la signature du document d’entente quelques mois auparavant entre le général Michel Aoun, président du Courant patriotique libre, et le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. Le soutien de la majorité des chrétiens libanais ralliés au général Michel Aoun à leurs coreligionnaires chiites et à la résistance était un élément primordial dans l’avortement des ambitions américano-israéliennes au Liban.

Certes «Israël» a obtenu par la résolution 1701 que la frontière nord de la Palestine occupée soit protégée par les forces militaires de l’ONU, toutefois elle n’a pas pu obtenir ni le désarmement du Hezbollah, ni l’empêchement de ses livraisons d’armes. «Israël» n’a pas rempli ses objectifs lors de la guerre de 2006, et en même temps elle a raté cette guerre, entamant son déclin, auquel nous assistons de nos jours. Le mythe d’«Israël» invincible n’est plus possible, après la guerre de 2006. De ce fait, un doute existentiel ronge depuis la guerre de juillet 2006 le peuple israélien, perdant toute confiance en ses dirigeants, posant de plus en plus la question de la légitimité et la viabilité de cette entité. C’est pourquoi nous observons depuis la guerre de juillet 2006 une succession de crises internes qui empirent et compliquent la perpétuité d’«Israël». Par conséquent, l’avenir de ce dernier est sombre, et menacé par l’étau qu’impose l’axe de la résistance autour de lui, mais également par les récessions qu’il est en train de vivre. Depuis juillet 2006, «Israël» vit réellement et malgré encore sa capacité de nuisance, une faillite unique dans son histoire qui pèsera très lourd sur son avenir.

Antoine Charpentier



Articles Par : Antoine Charpentier

A propos :

Antoine-Noura Charpentier, né au Liban et installé en France depuis plusieurs années, détenant un Master d’Histoire Contemporaine, de l’université de Besançon, terminant actuellement un Master de science des religions à l’université de Strasbourg. Analyste politique spécialisé des questions du Moyen-Orient. Son blog : https://deschosesaprecise.wordpress.com/

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