Liban : La ligne bleue maritime au service de l’ambition israélienne !
La guerre pour le gaz ne concerne pas que la Syrie…
Malgré la force dont ils disposent pour faire respecter leurs droits face à Israël, une force morale fondée sur la vérité et la légitimité et une force physique représentée par l’armée et la Résistance, lesquelles sont soutenues par un peuple conscient de ses droits et qui n’est pas prêt à les abandonner, il semble que certains libanais soient disposés à offrir gratuitement à Israël les moyens de se dépêtrer de problèmes dans lesquels il s’est lui-même embourbé, quitte à porter atteinte aux droits de leur propre pays. Leur dernière hérésie consiste en la proposition d’une « ligne bleue maritime » qui permettrait à ses inventeurs de déroger aux droits légitimes du Liban à l’intérieur des frontières de sa « zone économique exclusive ». Pour que nul ne puisse se disculper par une quelconque excuse, nous commencerons par rappeler l’histoire de la « ligne bleue terrestre » qu’il ne faudrait pas mesurer à la même aune.
En 2000, lorsque nous discutions avec l’ONU de la question du retrait effectif d’Israël du Sud Liban, la délégation onusienne nous avait proposé le projet d’une « ligne de retrait » que nous avions catégoriquement refusé, parce qu’hier comme aujourd’hui nous affirmons que la seule ligne qui tienne entre le Liban et la Palestine occupée est la frontière internationalement reconnue par la convention franco-britannique Paulet-Newcombe de 1923, ligne conforme à celle authentifiée par l’accord d’armistice de 1949 entre Israël et nous-mêmes, mais remise en cause par Israël en dépit de sa consécration par une résolution du Conseil de sécurité prise en vertu du Chapitre VII. Le Liban s’en tient, du moins en théorie, au texte de cette résolution qui précise que la ligne d’armistice est en conformité avec la frontière internationale. Il n’empêche qu’en 2000, l’ONU sous pressions israélienne et américaine a tenté une manœuvre pour sauter par-dessus la frontière internationale et d’armistice en proposant un tracé amputant le territoire libanais au niveau de plusieurs régions d’un total de 18 millions de mètres carrés, offrant à Israël les positions dont elle aurait besoin lors de ses agressions ultérieures
Le Liban a donc rejeté l’offre de la communauté internationale et s’en est tenu à sa frontière reconnue tout au long de la ligne de démarcation Liban-Palestine occupée, suite à quoi l’ONU a fait marche arrière sauf sur trois segments non occupés par des positions militaires israéliennes. Méfiant, le Liban a fait préciser que la ligne n’était là que pour vérifier le retrait israélien, qu’elle ne pouvait être prétexte à violation de sa frontière internationale, qu’en aucun cas elle ne devrait permettre à Israël de pénétrer l’une de ces zones, et que la mission de l’ONU ne consistait donc ni à délimiter des frontières, ni à faire don d’une terre libanaise à Israël. L’ONU a accédé à cette demande et, en conséquence, a tracé une ligne bleue, couleur de l’ONU, à distinguer des lignes frontalières internationales habituellement noires [1, NdT].
Carte de la ligne bleue terrestre (voir référence [1]) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:BlueLine.jpg
Après vérification du retrait israélien en août 2000, cette expression de « ligne bleue » était censée disparaitre du langage des circulaires officielles et nous ne manquions aucune occasion d’avertir que s’en tenir à cette ligne, différente de la frontière internationale et objet des réserves libanaises, reviendrait si elle était adoptée à modifier cette frontière reconnue par la SDN puis par l’ONU et serait prétexte à de nouvelles négociations entre le Liban et Israël qui vise à récupérer des morceaux de notre territoire. Tout le monde sait comment finissent les négociations lorsqu’Israël est partie prenante !
Mais, malheureusement, la courte vue de certaines personnalités et médias libanais fait qu’ils continuent à user de cette expression exactement comme le souhaite Israël, qui prétend que cette ligne est désormais reconnue comme une frontière de facto, autrement dit un fait accompli qui détermine sa nouvelle frontière [2 ; NdT]. Ceux-là sont tous aussi inconscients du fait qu’ils occultent le droit du Liban à sa frontière internationale indiscutable pour la remplacer par une ligne controversée au niveau de trois segments dont la violation limitée est en sursis, étant donné qu’Israël est physiquement absent de ces territoires frontaliers et interdit d’y pénétrer. C’est pourquoi l’armée libanaise est intervenue par des tirs dans la région d’al-Adyssa [3 ; NdT] lorsque les forces israéliennes ont tenté une progression à l’intérieur de ce territoire, libanais, prétextant qu’il se situait au sud de la ligne bleue. À l’époque, notre argument légitime était que le Liban ne reconnait que les frontières internationales et n’accorde aucune valeur à la ligne bleue lorsqu’elle s’éloigne de ces frontières. Ceci, une fois de plus, parce qu’il n’est pas question de redéfinir nos frontières ni même d’abandonner un pouce de notre terre pour quelque considération que ce soit !
Par conséquent, il est clair que la ligne bleue ne peut légitimement se substituer à notre frontière internationale, et Israël n’a aucun droit de s’avancer à l’intérieur des régions libanaises contournées par cette ligne. Ainsi, si jamais Israël avait réussi sa manœuvre, elle aurait pu s’annexer l’entrée est de la ville d’al-Adyssa et donc les 800 mètres de la voie publique qui y conduit. Si Israël ne l’a pas fait, ce n’est pas en vertu de son éthique mais plutôt parce que le Liban l’en empêche, se basant sur le fait que les frontières internationales ne peuvent être modifiées que par un nouvel accord entre les parties prenantes, accord qui n’a jamais existé et qui n’est mentionné nulle part.
C’est en partant de là que certains, par ignorance ou indulgence, en sont arrivés à vouloir tracer une « ligne bleue maritime » comme solution au différend sur la frontière de la « zone économique exclusive » du Liban, et c’est parce que nous voyons le danger d’une telle approche qu’il est de notre devoir de réitérer nos mises en garde, d’autant plus qu’il n’y pas matière à comparaison entre frontières maritimes et frontières terrestres.
Les frontières terrestres internationales sont fixes et certifiées par les Nations Unies. Israël ne peut donc les outrepasser sous aucun prétexte, et ceci pour deux raisons : la première est juridique du fait de l’absence de tout argument acceptable à cet égard, la seconde est civile et relève des forces de l’armée libanaise et des forces de la Résistance prêtes à la riposte, laquelle serait du domaine de la légitime défense. En mer, le nouveau concept de « zone économique exclusive » est basé sur une Convention internationale [la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, dite de Montego bay ; NdT], à laquelle le Liban a adhéré et qui n’a pas été signée par Israël [4]. Par conséquent, si une ligne bleue qui ne respecte pas cette convention était adoptée, Israël pourra s‘approprier les 860 km2 de la zone exclusivement libanaise qu’elle prétend lui revenir ; ce qui signifie que le Liban devra respecter un fait accompli consacré par une nouvelle ligne bleue censée le faire renoncer à son droit à la résistance contre l’intrusion israélienne dans ses eaux territoriales et l’obliger, pour s’en sortir, à entrer dans un processus de négociation avec Israël, lequel, et c’est de notoriété publique, ne peut se concrétiser actuellement ni probablement jamais tant qu’Israël persistera à violer la Palestine. En d’autres termes, adhérer à cette tentative d’une deuxième ligne bleue qui n’intégrerait pas la zone maritime disputée équivaudrait à renoncer au droit du Liban sur 860 km2 en mer et s’abandonner à l’inconnu.
Il nous faut donc revenir en arrière pour constater que bien que la ligne bleue terrestre l’ait amputé de sa souveraineté sur certaines régions de son territoire, le Liban n’a jamais cessé de défendre cette souveraineté à l’intérieur de ses frontières terrestres légitimes. Il en sera autrement pour la ligne bleue maritime car il ne pourra que s’incliner et s’interdire une zone qui lui revient de droit selon la convention internationale sur la mer [5].
Carte de la zone économique exclusive (voir carte donnée par la référence [5] : http://www.lecommercedulevant.com/node/19336
Pour tout ce qui précède, nous disons attention à ne pas confondre ligne bleue maritime et ligne bleue terrestre. Attention aux conséquences de l’usage même de l’expression « ligne bleue terrestre » qui n’a plus lieu d’être depuis que le retrait israélien du Liban Sud a été vérifié en 2000. Certes, Israël sera reconnaissante au Liban si jamais il lui prenait l’idée de réclamer une ligne bleue maritime qui, soi-disant, ne le priverait que momentanément de son droit à 860 Km2 en mer, ligne maritime qui ne tardera pas à se transformer en frontière définitive car avec Israël, le provisoire est toujours permanent. Finalement, tel ce qui s’est passé lorsque la commission tripartite de Naqoura [Liban, Israël, FINUL ; NdT] s’est substituée par un fait accompli à la Commission d’armistice, nous craignons qu’une quelconque ligne bleue ne se substitue de facto à nos frontières maritimes internationales !
Dr Amin Hoteit
11/05/2012
Article original en arabe : Al-Tayyar
http://www.tayyar.org/Tayyar/News/PoliticalNews/ar-LB/amine-hoteit-hh-6074.htm
Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca
Le Docteur Amin Hoteit est libanais, analyste politique, expert en stratégie militaire, et Général de brigade à la retraite.
[1] Liban : Ligne bleue / Wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:BlueLine.jpg
[2] Ligne bleue selon Israël
http://blogtsahal.wordpress.com/glossaire/ligne-bleue/
[3] Un plan israélien pour anéantir l’armée libanaise en 4 heures
[4] Les frontières maritimes / wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fronti%C3%A8re
[5] Les dessous du nouveau litige frontalier entre le Liban et Israël (par Sibylle Rizk)