Liban : la responsabilité de la communauté internationale
Aujourd’hui, la communauté internationale assiste dans la plus totale indifférence au massacre du Liban. Le problème n’est pas de savoir qui est responsable des événements, mais bien de constater qu’il s’agit d’une guerre globale, préparée depuis longtemps, et répondant à des calculs non libanais. Le Liban est, une fois de plus, pris en otage et victime d’opérations israéliennes qui visent d’autres objectifs que le prétexte allégué et sont manifestement disproportionnées, et en totale violation du droit international. En effet, le droit international humanitaire exige que toute attaque soit soumise au principe de proportionnalité, et soit limitée à l’usage de moyens et méthodes de combat adéquats au regard de l’objectif militaire visé. Tel n’est évidemment pas le cas, puisque les bombardements visent indistinctement des camions transportant des vivres et des médicaments, des ambulances, des maisons, des centres abritant des réfugiés (par exemple, l’église du village de Aita al Fakhar, bombardée le 18 juillet), des sociétés de produits alimentaires (par exemple, Liban-lait dans la Békaa), des quartiers populaires, des infrastructures civiles situées dans des régions où l’on n’a jamais vu un seul militant du Hezbollah, etc.
Ainsi, l’Etat israélien détruit méthodiquement tout un pays, en bafouant la légalité internationale et en frappant aveuglément toute une population menacée de catastrophe humanitaire. Dans ce contexte, la complicité des grandes puissances est évidente. Ce ne sont pas quelques gesticulations pharisaïques qui donneront le change, car l’heure n’est pas à une pseudo-action « humanitaire », mais bien à imposer d’urgence un cessez-le-feu et le respect de la souveraineté du Liban, dont certains prétendaient se poser en défenseurs et en garants lorsqu’il s’agissait d’obtenir le retrait des troupes syriennes, mais semblent s’accommoder de l’invasion et de la destruction du pays par Israël. Il est clair que toutes les grandes capitales ferment les yeux sur le massacre du Liban. Ce que voient les Libanais, comme les Palestiniens à Gaza, c’est le blanc-seing donné à la force brute d’un véritable terrorisme d’Etat par ceux qui ne manquent pourtant pas dans d’autres situations de donner des leçons. Ce que voient les peuples du monde, c’est qu’il est possible de piétiner toutes les valeurs humaines et le droit humanitaire, sans que l’Occident daigne froncer les sourcils. Ce que nous voyons tous, c’est qu’il y a toujours deux poids et deux mesures entre un Etat, Israël, qui n’a pas respecté trente-deux résolutions du Conseil de sécurité, et les autres, que l’on peut tuer sans discernement.
Après l’invasion illégale de l’Irak, les événements tragiques du Liban marquent un nouveau recul de l’Etat de droit dans la société internationale. Ceux qui prônent la démocratisation des pays en développement expriment un extraordinaire cynisme en se montrant peu soucieux de démocratiser et d’humaniser un nouvel ordre mondial, où s’imposent de plus en plus la loi du plus fort et le mépris des peuples. Dans ce contexte, la responsabilité de la communauté internationale est considérable. On en aura les conséquences : la montée en puissance de nouveaux extrémismes, et l’élargissement du fossé entre les civilisations. Il est d’ailleurs significatif que cette dérive dangereuse se manifeste aux dépens d’un pays qui est par essence le symbole du trait d’union entre les religions et les cultures. En massacrant le Liban, c’est une certaine idée de l’humanité qu’on assassine !
Zeina el Tibi: journaliste franco-libanaise, codirectrice de la revue Etudes géopolitiques