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Libye, Afghanistan… La guerre à tout prix
Par Pierre Duquesne
Mondialisation.ca, 28 avril 2011
L'Humanité 28 avril 2011
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/libye-afghanistan-la-guerre-tout-prix/24533

Le surcoût entraîné par les engagements militaires de la France risque de dépasser 
le milliard d’euros. Des chiffres que le gouvernement se garde bien de communiquer.

Chasser le Kadhafi en Tripolitaine et guerroyer en Cyrénaïque n’entraînent, à en croire Gérard Longuet, aucune dépense supplémentaire pour la France. L’intervention en Libye « reste à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire des opérations extérieures (Opex) », dont le budget 2011 « est estimé à 900 millions d’euros », a claironné le ministre de la Défense ce week-end dans les colonnes du Parisien. Une rengaine qu’il dégaine chaque semaine depuis le début de l’opération, le 19 mars.

Général de réserve de l’armée de l’air et chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), Jean-Vincent Brisset opine du chef :« La France n’engage en Libye que vingt-cinq avions assurant leurs missions depuis leurs bases françaises. Cette intervention est relativement peu coûteuse. » Un feu de paille qui aurait tout de même coûté 4 millions de dollars par jour à l’US Air Force jusqu’au retrait de ses avions. Soit une facture totale dépassant les 608 millions de dollars au 4 avril.

Côté français, la grande muette refuse de présenter l’addition. Ne reste donc qu’à résoudre un bon vieux problème de mathématique. Combien va-t-on payer l’enlisement libyen sachant que l’heure de vol d’un Rafale et d’un Mirage 2 000 est évalué entre 11 000 et 13 000 euros et que la France assure, selon le ministre, 20 à 25 % des 150 sorties aériennes effectuées chaque jour d’une durée minimale de deux heures ?

La centaine de sorties des chasseurs français n’est pourtant pas le plus onéreux. « Le déploiement dans la zone du porte-avions Charles-de-Gaulle s’évalue en millions par semaine », raconte Jean-Vincent Brisset ; 45 000 euros par heure, disent d’autres experts. Et chaque tir de missile de croisière Scalp, dont le nombre n’a pas été communiqué, est évalué à 750 000 euros. À cela s’ajoutent les 50 000 euros qui partent en fumée dès qu’explose une bombe à guidage laser, indispensable pour limiter les dommages collatéraux.

Ces dépenses s’ajoutent aux opérations extérieures existantes, qui ont coûté 866 millions d’euros en 2010. Le retrait progressif des Balkans, l’an dernier, a été compensé par le renforcement de troupes sur le théâtre afghan en 2010 (4 545 soldats), qui avale à lui seul un demi milliard d’euros. La question n’est donc pas de savoir si l’enveloppe des 900 millions d’euros prévue pour les Opex en 2011 sera dépassée, mais quand elle le sera.

De plus, ce budget ne représente pas l’ensemble des frais engagés par les 10 000 soldats français opérationnels sur la planète. Comme l’indique un rapport parlementaire datant de 2009, il ne recouvre que les surcoûts, à savoir les primes qui s’ajoutent aux soldes, l’installation de matériels supplémentaires, ou les réparations compte tenu de l’usure accélérée des véhicules. En Libye, le coût des munitions en sera décompté, mais pas le coût « normal » des unités mobilisées pour cette opération.

Pour alléger la note, Gérard Longuet ne refusera donc pas les 50 millions d’euros promis par l’ONU pour l’application de la résolution 1973. Une goutte d’eau qui n’infirme pas le constat d’ensemble : la France va payer très cher les ambitions guerrières de ses dirigeants.

Pierre Duquesne

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