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L’intolérance des bien-pensants
Par Maryse Laurence Lewis
Mondialisation.ca, 21 octobre 2021

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https://www.mondialisation.ca/lintolerance-des-bien-pensants/5661619

C’est un article rédigé par Mathieu Bock-Côté, envoyé par un ami, avec la mention « à lire absolument » qui m’a incité à entreprendre celui-ci. On évoque le congédiement de musiciens d’un orchestre, apparemment parce qu’ils seraient « blancs » et que l’on ne veut pas offenser les « Noirs » moins représentés dans l’ensemble. Le pays promouvant cette équité étant l’Angleterre, il est opportun de ne pas oublier que c’est précisément l’île qui vit surgir le mouvement des Skinheads. Lors d’une réunion, un jeune homme, dont la voix et les manières n’exsudaient rien de provoquant, se réclamait d’idéologie néo-nazie. Je lui ai demandé s’il accepterait de me donner ses arguments ou me décrire comment s’est effectuée son adhésion à cette orientation. Il m’expliqua donc, encore une fois sans brusquerie, qu’on lui avait raconté l’histoire des débardeurs d’un port anglais. Déjà assez mal rémunérés, pour un travail épuisant, tous furent congédiés. Leur patron s’empressa d’embaucher des immigrants, arrivés nombreux, affamés, prêts à accepter un emploi encore moins payé et des conditions de travail plus dures. En entendant son récit, cet étrange néo-nazi ne se doutait pas qu’il me servait le meilleur argument possible, contre les partisans de cette dérive xénophobe. ¹

Faire des doubles victimes au lieu de cibler les vrais responsables

Quel que soit le niveau intellectuel des individus, tous réfléchissent, mais certains s’arrêtent trop vite. Leur interprétation n’englobe alors qu’une parcelle de ce qu’il est possible de comprendre. Si les débardeurs n’avaient pas opté pour une conclusion hâtive, ils se seraient aperçus que l’unique responsable de leur malheur s’avérait leur patron. Les immigrants, déjà en situation précaire, devenaient doublement victimes : de l’avarice de l’employeur et de la xénophobie des chômeurs. S’ils s’étaient groupés, pour dénoncer la cupidité et la mesquinerie de l’employeur, l’État aurait peut-être révisé ses lois concernant le travail. 

La mentalité de s’en prendre aux plus victimes que soi est récurrente. Lors d’une grève des conducteurs de véhicules publics, par exemple, si l’on restreint les départs ou qu’un métro passe sans s’arrêter, ces mesures n’atteignent en rien les dirigeants. Seuls les voyageurs en sont lésés… et on réduit la possibilité d’obtenir leur appui! Laisser les gens entrer sans payer leur vaudrait le soutien des utilisateurs. Et la direction négocierait promptement! Dans le cas de certains pompiers, coller des affiches sur les camions est anodin. Mais trouer les boyaux d’arrosage, c’est mettre en péril la vie des citoyens qui, eux, ne sont pas responsables des conditions de travail ou salaires des sapeurs. Dans un exemple plus extrême, lequel nous ramènera au sujet principal, l’action la plus horrible des terroristes est de faire des doubles victimes : la majorité des attentats touchent des civils, des gens dont ils ne connaissent pas les options politiques et qui sont aussi assujettis qu’eux au gouvernement qu’eux prétendent attaquer. Encore une fois, ce ne sont pas les responsables de la politique nationale ou internationale qui souffrent dans leur bunker, escortés par leurs gardes du corps. 

Ne confondons pas les responsables avec les victimes au second degré!

En France, une série d’albums de bandes dessinées étalaient les aventures de Robert Surcouf. Les enfants ne connaissant pas la politique ou l’histoire y voyait un jeune héros, blond, élancé, intrépide, intègre. Mais lorsqu’on sait que le véritable Robert Surcouf s’avérait un corsaire au service du roi, dont le physique arrondi ne lui permettait pas de grimper à la hune, et que cet armateur ne dédaignait pas le négoce des esclaves, il est difficile de croire à l’innocence de cette série. Et lorsqu’on forme une « Association des fiers descendants de corsaires », c’est à mon avis plus qu’une aberration, puisque ses membres ne peuvent ignorer les crimes commis par leurs ancêtres. Par contre, à l’autre extrémité, n’exagérons pas autant qu’eux! J’aurais bien voulu naître avec la peau plus foncé, mais lorsque le Soleil change de position dans le ciel, je suis ce qu’on appelle une blanche, mais comme la plupart des autres, je ne suis pas responsable de l’esclavage des Africains noirs, ni du colonialisme en Amérique, pas plus que de l’obligation des femmes à porter le niqab et ne pas sortir seules. De même, la majorité des hommes non fondamentalistes religieux ne sont pas sexistes, xénophobes, racistes. 

Dans toutes les nations, toutes les ethnies, toutes les « races » chaque individu exprime ses préférences. Va-t-on dire qu’un homme noir en couple avec une femme blanche est raciste? Des humains sont attirés par les maigres, d’autres par les dodus, les cheveux roux, bruns, noirs, blonds, gris, blancs ou teints. Certains pays nous attirent davantage, sans xénophobie. Si nous entrons dans les détails des penchants individuels, l’existence deviendra insupportable, par excès d’intolérance envers les goûts et les particularités de chacun.

Les autodafés des bien-pensants

Il est certain que les aventures de Tintin reflétaient l’idéologie suprématiste et eurocentriste allant de la fin du Moyen-Âge jusqu’au milieu du XXe siècle. Les Portugais et les Hollandais ne faisaient pas que cingler les mers… L’amiral chinois Zheng He, dès l’an 1405, commanda une flotte qui comporta jusqu’à 70 bateaux. Il n’a planté aucun drapeau, au nom d’aucun roi ni empereur, se contentant d’offrir des cadeaux typiquement chinois aux autorités des pays visités. Il atteignit les îles d’Asie du Sud-Est, cabota sur les côtes d’Afrique, de l’Égypte au Mozambique, établit en 1414 des liens diplomatiques avec les habitants du futur Kenya. Alors que les Espagnols, les Anglais, les Français et, dans une moindre mesure, les Allemands et les Italiens, ont colonisé et exploité l’Amérique et l’Afrique, après que les premiers aient dépouillé l’Asie du Sud-Est, l’Inde et l’Afrique du Sud. ²

Comme les humains sont souvent partisans d’une justice unilatérale, certains s’insurgent contre Bécassine, Tintin au Congo, les manuels diffamant les autochtones d’Amérique, etc. Mais ils affirment que leur pays fit avancer les territoires soumis et nient le droit à l’autonomie des îles où travaillaient des esclaves. Après que des fanatiques religieux aient rayé des phrases de livres, tel que « Le magicien d’Oz », parce qu’on y parle de libre-arbitre, alors qu’eux soutiennent la prédestination sous dictat d’un dieu, ce sont des adeptes du politiquement correct qui demandèrent à ce que Lucky Luke ne fume plus la cigarette et que le capitaine Haddock n’avale plus d’alcool, dans leurs bandes dessinées respectives. Toutes ces décisions partent de bonnes intentions, selon des critères dont les conséquences sont les mêmes : l’intolérance des bien-pensants. Si l’on devait supprimer toutes les mentions de tous les romans faisant allusion aux Juifs comme aimant l’argent ou usuriers; toutes les mentions sur le goût du whisky des Irlandais; du vin chez les Français; de la bière chez les Allemands; de la vodka chez les Polonais et les Russes, pour ne donner que ces exemples, alors il ne serait plus possible de plaisanter avec des caractéristiques, évoquer des stéréotypes, réaliser des caricatures ou des monologues comiques. 

Choisir la créativité plutôt que la censure

Bien que les pensionnats pour enfants autochtones ont été le fait des religieux et que les cas de pédophilie furent multiples envers eux ou des élèves blancs, c’est le Conseil scolaire catholique d’Ontario, au Canada, qui purifie ses péchés en brûlant ou enterrant des livres jugés offensants pour les Premières Nations. Au lieu de procéder à des autodafés, mieux vaudrait attiser l’esprit critique des jeunes. En leur présentant des ouvrages particuliers, il serait passionnant de les inciter à découvrir eux-mêmes ce qui les étonnent, leur paraît sexiste, raciste ou xénophobe. Recueillir leurs commentaires et les attitudes qu’ils préconisent pour modifier ces aberrations. Sans oublier les contes. Car la plupart des récits pour enfants ont une morale exécrable. L’image du père imbécile qui voit sa fille maltraitée, dormir sur le plancher, sans protester. Des parents qui sacrifient leurs enfants suite à une promesse faite à un monstre. Le prince Charmant qui s’éprend d’une fille richement vêtue et la dédaigne lorsqu’elle porte ses haillons habituels. Le mot « marâtre » pour désigner une belle-mère est devenu synonyme de tortionnaire. Les femmes y sont jalouses, envieuses, veulent empoisonner ou éliminer des jeunes-filles dociles. On ne cesse d’obnubiler l’imagination des enfants avec des histoires de princesses et de royaume. Il serait plus adéquat d’en discuter, entre adultes et jeunes, que de procéder à des autodafés qui n’altèrent pas la mentalité de qui que ce soit. La preuve en est que la plupart des extrémistes bien-pensants qui s’auto flagellent ou accusent tous les hommes blancs, quinquagénaires, d’être colonialistes, racistes, xénophobes, sexistes, binaires, sont souvent en couple mono-ethnique. Pour faire plaisir à ceux qui se sentent coupables de ce qu’ils n’ont jamais commis, on veut faire disparaître certains choix. Être hétérosexuel n’est pas plus rétrograde qu’être homosexuel n’est avant-gardiste et ne garanti aucunement d’être vierge de préjugés. ³

La religion condamne à nouveau la laïcité

Au Québec, on se réjouit d’avoir évincé l’influence du clergé, lequel prévalut de la colonisation jusqu’aux années 1960. Et maintenant, des « gauchistes » et certains groupes féministes confondent la volonté d’un État laïc avec la xénophobie. Elles promeuvent même la prostitution sous le nom de « travailleuses du sexe », mais crient au harcèlement si un homme les regarde ou ose un geste d’affection. Le niqab est interdit hors du domicile personnel, en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en Autriche, en Norvège, au Danemark et même au Maroc! Au Québec, nous finançons les écoles juives et coraniques, nous acceptons le voilement du visage à titre privé. Mais on nous traite de xénophobes, parce que, à l’égal de nombreux pays d’Europe, nous voulons un gouvernement laïc, avec des lois non soumises aux croyances religieuses, lesquelles devraient demeurer personnelles et non s’introduire dans les fonctions publiques. 4

Qu’est-ce que la parité?

Si nous n’étions pas racistes, xénophobes, sexistes, nous n’aurions aucun besoin de groupes réservés aux femmes, aux hommes, aux diverses variantes de genres, ni d’euphémismes comme « minorités visibles ». Pour plus de justice en emploi, je propose que les candidats envoient leur curriculum vitae sans y mentionner leurs noms et leur sexe. S’ils obtiennent une entrevue, qu’ils sont immigrants ou Noirs et qu’ils soupçonnent un refus par xénophobie, alors une instance pourrait examiner leur plainte et voir si le lieu de travail est toujours vide d’immigrants. Vous me direz que cette loi serait facile à contourner. Mais oui, autant que l’obligation de mentionner «  homme ou femme » pour tout offre de travail. On éviterait tout de même un certain nombre d’injustices. Car il ne peut y avoir de discrimination positive, pas plus que de guerre humanitaire. 

En politique aussi, les aptitudes devraient prévaloir, et supplanter les nominations par favoritisme. Émettre des quotas de femmes, de « minorités visibles », d’autochtones ou de transgenres ne devrait pas prévaloir sur les compétences des candidats. Barack Obama a pratiqué exactement la même politique impérialiste et belliqueuse que ses prédécesseurs et son successeur. C’était avant tout un politicien qui devrait être jugé en politicien et non comme homme « noir ». 

Tout le monde voilé! Les « xénophobes blancs » s’agenouillent encore devant les religieux

Si le gouvernement du Canada soustraie les fonctionnaires fédéraux, adeptes d’une religion, de l’obligation d’être vacciné contre la Covid, alors que celui du Québec se permet de congédier le personnel soignant qui refuse cette obligation, alors on pourra dire que tous les membres des partis politiques élus actuellement sont des promoteurs de dictature, s’ils ne protestent pas, tout comme les syndicalistes… Belle cohérence! Promulguer le droit d’accepter ou refuser un vaccin, pour des motifs religieux dont rien ne valide les croyances, et interdire ce droit au personnel de la santé ayant des arguments valables pour refuser un vaccin peu testé, plus insidieux qu’une grippe sévère. C’est à la fois aplaventriste et dictatorial. Seuls les Témoins de Jehovah rejettent les transfusions sanguines par conviction pieuse. Et comme toute cette panique grippale est absurde, ils admettent la vaccination! Cependant, Bouddha, Yahvé, Jésus et Allah n’ont rien à voir avec les décrets étatiques du Canada. 5

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre la vaccination, mais d’avoir la liberté de l’accepter ou la refuser. Répétons-le encore une fois : si les vaccins sont efficaces, ceux qui en ont reçu deux doses ne devraient pas craindre d’être infectés. Comme ce n’est pas le cas, il est justifié de refuser une intrusion de substances chimiques dont on ne connaît ni les effets à courts et longs termes ni la validité médicale.

Maryse Laurence Lewis

 

Notes :

1. https://www.journaldemontreal.com/2021/09/29/la-ou-on-vire-les-blancs-parce-quils-sont-blancs

2.1 Vie et prodiges du grand amiral Zheng He, de Pierre Gamarra, aux Éditions Mazarine, 2000.

2.2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Zheng_He

2.3 N.B. Je parle de l’Italie unie, non de l’époque des Romains ou des Génois…

3. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1817537/livres-autochtones-bibliotheques-ecoles-tintin-asterix-ontario-canada

4.1 https://maroc-canada.ca/?p=5070

4.2https://www.lapresse.ca/international/afrique/201701/10/01-5058070-le-maroc-interdit-la-fabrication-et-la-vente-de-burqas.php

5. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1830119/covid19-fonctionnaires-canada-tribunal-justice-droits

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