L’Irak entre trafiquants de drogue et escadrons de la mort

L’éducation, la stabilité et l’emploi ont été tragiquement remplacés par une soumission grandissante à l’alcool et aux drogues, avec la violence, le chômage et la pauvreté qui conduisent à une augmentation dramatique de l’abus d’alcool.

Après avoir nationalisé le pétrole, durant les années quatre-vingt, le gouvernement de Saddam Hussein avait mené des campagnes d’alphabétisation qui avaient fait descendre l’analphabétisme en dessous de 10 % de l’ensemble de la population d’Irak. L’UNESCO avait applaudi le fait que les Irakiens étaient en mesure d’accéder à un enseignement gratuit et d’en sortir avec des qualifications et un emploi.

Elle a déclaré en 1998 : « L’UNESCO dit que l’Irak est l’un des seuls pays au monde où, même si vous êtes né dans la pauvreté absolue, avec des parents illettrés, vous pouvez sortir du système éducatif comme chirurgien, archéologue, ou ce que vous avez voulu devenir  ».

Mais l’éducation, la stabilité et l’emploi ont été tragiquement remplacés par une soumission grandissante à l’alcool et aux drogues, avec « la violence, le chômage et la pauvreté » qui conduisent à une « augmentation dramatique de l’abus d’alcool  », selon Younis Obeidi, psychiatre à l’hôpital Ibn Rushd.

Kamel Ali, responsable du Programme de prévention contre la drogue et l’alcool du ministère de la Santé irakien, déclarait en 2007 « la consommation d’alcool en Irak a étonnamment augmenté », avec « chaque jour toujours plus de malades qui recherchent de l’aide, leur addiction commençant à affecter sérieusement leur vie personnelle. »

«  L’Irak a l’un des plus mauvais traitements et régimes de suivi des alcooliques au Moyen-Orient  », a déclaré Ali, avec une pénurie de personnels qui complique la situation et interdit l’accès des malades à un suivi médical régulier.

 

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L’Iraq est secoué en outre par une vagues d’attentats ces derniers jours.
photo : Reuters-Stringer-Iraq (Le Monde)

Cette même année, l’Association des psychologues irakiens illustrait comment une étude interne montrait que «  le nombre d’alcooliques pris en charge avait augmenté de 34 % par rapport à juin 2006  », mais qu’un manque de financement avait empêché l’étude d’être publiée.

Les drogues sont aussi devenues une alternative au caractère sordide de la pauvreté ; sous les trois premières années de l’occupation par les États-Unis et le Royaume uni, plus de deux millions de personnes « vivaient sous le seuil de pauvreté ». En mai 2005, les Nations-Unies annonçaient que l’Irak allait devenir une station de transit pour une héroïne « fabriquée en Afghanistan et dirigée ensuite vers l’Europe via l’Iran voisin  ».

Après avoir été un sans-abri pour cause de violence sectaire et de perte de son emploi, Abu Teif s’est tourné vers la vente de drogues pour « soutenir sa famille : trois enfants et une épouse handicapée  », une invalidité qui date du jour où des militants ont tiré sur elle parce qu’ « elle ne portait pas le voile ».

« Au début, cela a été comme un miracle. C’était un travail facile et j’avais beaucoup de clients, mais je ne connaissais pas les effets de la drogue. J’ai appris quels pouvaient être ces effets quand un toxicomane a essayé de me tuer pour avoir de l’héroïne ».

« La nourriture a recommencé à entrer dans ma maison. Mes petits-enfants aussi ont commencé à bien manger et mon épouse a pu obtenir un traitement approprié pour sa jambe. » Mais ces jours-là pour eux se sont vite terminés, quand les trafiquants de drogue ont commencé à lui extorquer plus d’argent et qu’ils ont alors menacé de tuer son épouse et sa famille s’il tentait de s’échapper du trafic de drogue.

« Je ne savais pas comment me sortir de cette vie » a dit Abu Teif, «  si j’essaie de m’enfuir avec ma famille, ils me retrouveront ». Ses propos font écho aux mêmes craintes qu’ont ceux qui fuient les escadrons de la mort, «  j’ai commencé à faire le mal en vendant de la drogue, et maintenant, j’en paie le prix ».

Dans un article de juillet de l’agence d’informations Al-Monitor, le journaliste Adnan Abu Zeed avertit : «  Les effets négatifs des drogues illégales en Irak deviennent de plus en plus manifestes  » alors que l’Irak «  est en train de se transformer en un pays qui exporte des drogues tout en en étant l’un des consommateurs ».

Zeed décrit une situation où partout dans les villes irakiennes, on voit un nombre grossissant de jeunes se défoncer à la drogue, où cette nouvelle génération d’enfants de la guerre trouve un réconfort dans les bras de ces substances.

Les drogues se sont aussi répandues comme une traînée de poudre là où on utilise le travail des enfants, comme dans les ateliers de réparation de voitures ou aux carrefours où l’on vend des produits bon marché. Asaad Yassin n’en est qu’un exemple, lui qui, à l’âge encore tendre de 14 ans, ne peut déjà plus se passer de drogue.

Abu Sami, dont le fils aîné est un accro de la drogue a déclaré : « Ce que je crains, ce n’est plus tant un explosif ou un attentat à la voiture piégée, c’est le terrorisme de l’addiction  ». Ahmad al-Jubouri, professeur au collège de Babel est incapable d’aider son frère héroïnomane, parce que la ville n’a aucun centre de désintoxication.

Fin 2012, une commission parlementaire irakienne a déclaré : « Les services de sécurité, de justice et de santé sont gênés par la propagation de la drogue », et des sources de la police indiquaient « enquêter (sur ces garçons) ne fait pas partie des tâches quotidiennes (de la police). »

Pendant ce temps, la réponse du ministère de l’Intérieur consistait à publier une déclaration stipulant simplement que la drogue « conduit une personne à commettre un crime  ».

Article original :  The Palestine Chronicle, 12 juillet 2013 –

Traduction : Info-Palestine/JPP
Hussein Al-Alak est membre de la Campagne Solidarité Irak. Il a écrit cet article pour PalestineChronicle.com



Articles Par : Hussein Al-Alak

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