Loi sur le renseignement : Gloire et honneur au valeureux Barreau de Paris
Pour tout observateur honnête de l’évolution des droits et libertés en France, il est clair que la Gauche molle de notre président casqué est allé beaucoup plus loin que ne l’avait fait Sarkozy dans l’atteinte aux libertés. Et ce ne sont pas les enfants qui se sont trouvés au commissariat pour avoir refusé de faire allégeance au fécal Charlie qui vont me démentir.
Le fait le plus marquant restera le vote, rendu possible par l’instrumentalisation de l’émotion post-Charlie, de la loi sur le renseignement. Sarko et Guéant en avait rêvé, mais n’avaient pas osé. Hollande l’a fait, et ça c’est une pièce qui pèsera dans le dossier de l’accusation lors du procès de Hollande.
Cette loi ne présente pas le moindre intérêt dans la lutte contre le terrorisme international. L’Etat, parfaitement visé des risques du terrorisme international, dispose de longue date du cadre juridique et des moyens techniques pour prévenir et agir. Il est parfaitement désolant de voir Hollande amplifier la méthode Sarkozy : à chaque événement malheureux, on annonce une réforme de la loi, comme si chaque événement montrait que l’État est pris au dépourvu… Excellent pour gagner des voix dans le match de la politique de la peur, mais totalement consternant en termes de responsabilité.
En revanche, cette loi est parfaitement efficace pour contrôler les populations, et donner aux pouvoirs politiques les moyens de s’immiscer dans votre vie privée, pour lui permettre de conduire ses misérables actions répressives et de contrôle de l’opinion. Je me rappelle trop la réflexion d’une amie qui au lendemain des assassinats des journalistes de Charlie m’annonçait : « Maintenant, Hollande a tout pour voter les lois de Sarko».
Écoutons – sans écoutes – Pierre-Olivier Sûr, mon pote le bâtonnier de Paris :
« La loi sur le renseignement est un texte qui représente à nos yeux un double mensonge d’État. En faisant croire qu’il s’agit de protéger la nation contre le terrorisme, alors que son spectre est infiniment plus large. Et ensuite, en garantissant son contrôle par un juge alors que le seul juge des libertés est le juge judiciaire et qu’en l’espèce, c’est le juge administratif qui a été choisi. Non pas le tribunal administratif, ou la cour d’appel, mais le Conseil d’État dont la saisine apparait inaccessible, y compris aux professionnels du droit ».
Le Conseil d’Etat toussera, mais on lui produira s’il le faut les décisions rendues par la juridiction administrative pour les notes blanches et autres, laissant les citoyens à l’arbitraire de l’exécutif avec un juge qui refuse l’obstacle.
Notre facétieux Conseil constitutionnel avait jugé le 24 juillet que « le législateur avait prévu des garanties suffisantes pour qu’il ne résulte pas du texte de loi une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, au droit de la défense et au droit à un procès équitable, y compris pour les avocats et les journalistes ». Ils sont trop mignons… « Aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes ». Parfait, les amis. On en parlera devant la Cour européenne des droits de l’homme, au regard de l’interprétation de l’article 8.
Une rédaction parfaite : le principe, et les limites:
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.»
« 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.»
Tout est donc dans proportionnalité des atteintes, et le sérieux des garanties offertes, lesquelles doivent être suffisamment efficaces pour que le droit soit effectivement protégé.
Or, la loi Hollande, c’est d’abord, le flou, clé de l’arbitraire. La loi donne pouvoir à la police de contrôler outre la lutte contre le terrorisme, la défense ou la promotion de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, des intérêts majeurs de la politique étrangère, des intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France, la prévention de toute forme d’ingérence étrangère, la prévention aux atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique… On va jouer avec le terrorisme, pour contrôler l’économie et le social. Petits malins…
Ensuite, le problème aigu est la faiblesse des contrôles. La loi institue toute une série d’outils techniques, à partir de ses terribles algorithmes qui vont vous faire entrer dans des catégories du simple fait de votre curiosité informatique, sans aucune évaluation de vos intérêts réels. Ma vie gérée par un algorithme prédictif… Quelle poisse… Quand je pense que j’ai voté Hollande pour faire barrage à Sarko…
Enfin, les avocats rejoignent les inquiétudes de la presse, à propos du secret professionnel. Le service écoute quelqu’un, dans un cadre administratif, et si cette personne s’adresse à un journaliste ou un avocat, toutes ces communications protégées par le précieux secret professionnel, garantie de notre vie privée, passent à la trappe. Le bâtonnier de Paris explique :
« Le secret professionnel ne place pas l’avocat au-dessus des lois mais on doit prendre en compte la spécificité de son travail, ne pas aller chercher, en fracturant le secret, des renseignements sur des actes qu’il aurait pu commettre et qui, par capillarité, risquent de nuire à la défense de son client. Il faut donc que les premiers actes d’investigation soient particulièrement contrôlés, notamment par le président du tribunal de grande instance. Ce texte ne garantissant pas le secret professionnel des avocats, il devrait être purement et simplement censuré. Il y a une grande jurisprudence sur les libertés publiques à la CEDH qui aujourd’hui est créatrice de droits, exemplaire au point de révéler que notre droit français a un temps de retard. »
Le système étant totalement bloqué en interne du fait de la décision du Conseil Constitutionnel, ce sera donc à la Cour Européenne des Droits de l’Homme de trancher. A prévoir une nouvelle humiliation de l’Etat, sanctionné par le juge européen. Mais Hollande s’en fout : la seule chose qui l’intéresse c’est d’être au deuxième tour face à Le Pen.
Maître Gilles Devers