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L’OTAN annonce le plus grand déploiement de troupes contre la Russie depuis la guerre froide
Par Alex Lantier
Mondialisation.ca, 09 novembre 2016
wsws.org 8 novembre 2016
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L’OTAN mettra des centaines de milliers de soldats en état d’alerte pour une action militaire contre la Russie dans les prochains mois, ont déclaré les hauts responsables de l’OTAN au Times de Londres lundi.

Cette alliance militaire dirigée par les États-Unis prévoit d’accélérer la mobilisation des forces qui se comptent par dizaines de milliers et, finalement, des centaines de milliers et de millions qui doivent être mobilisés contre la Russie. Au-delà de sa force d’intervention d’urgence de 5000 hommes, l’OTAN triple sa « force d’intervention en place » à 40 000 et met des centaines de milliers de soldats aux niveaux d’alerte plus élevés.

Le Times a écrit : « Sir Adam West, représentant permanent sortant de la Grande-Bretagne à l’OTAN, a dit qu’il pensait que l’objectif était d’accélérer le temps de réponse de quelque 300 000 militaires à d’environ deux mois. À l’heure actuelle, une force de cette taille pourrait prendre jusqu’à 180 jours pour être déployée ».

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré : « Nous […] nous penchons sur la question de ce que nous appelons les forces de suite. Il y a un grand nombre de personnes dans les forces armées des alliés de l’OTAN. Nous sommes à la recherche de la façon dont un plus grand nombre d’entre elles peut être prêt en un délai plus court. « Selon le Times, M. Stoltenberg a expliqué que l’OTAN est dans une recherche générale sur les méthodes pour « l’amélioration de la préparation d’un grand nombre des trois millions de soldats, marins, aviateurs et soldats de l’infanterie de marine de l’alliance ».

La cible de ces déploiements, les plus importants depuis la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne et la fin de la guerre froide il y a un quart de siècle, est la Russie.

« Nous avons vu une Russie plus affirmée mettant en œuvre un important renforcement militaire depuis de nombreuses années, en triplant les dépenses militaires depuis 2000 en termes réels ; en développant de nouvelles capacités militaires ; en exerçant leurs forces et en utilisant la force militaire contre les voisins », a déclaré Stoltenberg. « Nous avons également vu la Russie utiliser la propagande en Europe parmi les alliés de l’OTAN et c’est exactement la raison pour laquelle l’OTAN réagi. Nous répondons avec le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide ».

Ces déclarations montrent comment la planification de l’OTAN pour une guerre horrible contre la Russie a continué dans le dos du peuple tout au long de la campagne électorale présidentielle américaine. Par ailleurs, les déploiements militaires et les préparatifs de guerre par le Pentagone et les états-majors des différents pays européens vont de l’avant, quels que soient les résultats de l’élection aux États-Unis et celles prévues dans les pays européens de l’OTAN en 2017.

L’attaque vague de Stoltenberg sur la « propagande » russe en Europe est une allusion à l’opposition instinctive à la guerre qui existe dans la classe ouvrière européenne et internationale et à la méfiance populaire envers la propagande anti-russe véhiculée par des responsables de l’OTAN comme Stoltenberg et West.

L’année dernière, un sondage réalisé par Pew a trouvé une large opposition internationale à la participation de l’OTAN à une guerre conventionnelle contre la Russie en Europe de l’Est, même dans un scénario qui supposerait que la Russie ait commencé le conflit. Dans ces conditions hypothétiques, 58 % des Allemands, 53 % des Français et 51 % des Italiens se sont opposés à toute action militaire contre la Russie. L’opposition à la guerre dans le sondage aurait sans doute été plus élevée si les sondeurs avaient mentionné que la décision de l’OTAN d’attaquer les forces russes en Europe de l’Est pourrait mener à une guerre nucléaire.

Cette opposition est ancrée dans une profonde désaffection à l’égard des guerres impérialistes au Moyen-Orient de la période post-soviétique et du souvenir de deux guerres mondiales en Europe au XXe siècle. Les arguments que Stoltenberg a employé pour la contrecarrer sont politiquement frauduleux.

La principale menace de l’agression militaire et de la guerre en Europe ne vient pas de la Russie, mais des pays de l’OTAN. Au cours des 25 dernières années, les puissances impérialistes de l’OTAN ont bombardé et envahi des pays d’Asie centrale, du Moyen-Orient et d’Afrique. En Europe, ils ont bombardé la Serbie et le Kosovo dans les guerres balkaniques des années 1990, repoussé les frontières de l’OTAN à des centaines de km vers l’Est et soutenu un putsch violent mené par les fascistes pour renverser un gouvernement pro-russe en Ukraine en 2014.

Le caractère agressif de la politique de l’OTAN a émergé une fois de plus vendredi dernier, lorsque NBC News a rapporté que les unités américaines de cyberguerre avaient piraté les réseaux clés russes d’électricité, d’Internet et militaires. Ceux-ci sont maintenant « vulnérables à l’attaque par des armes informatiques américaines secrètes si les États-Unis le jugent nécessaire », a déclaré NBC.

Des responsables russes ont dénoncé les activités mises en avant dans le reportage et le silence de la Maison-Blanche sur la question. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré : « Si aucune réaction officielle du gouvernement américain ne suit, cela signifierait que le cyberterrorisme étatique existe aux États-Unis. Si les menaces de l’attaque, qui ont été publiées par les médias américains, sont effectuées, Moscou aura raison d’en accuser Washington ».

Les conséquences géo stratégiquement désastreuses de la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne et la restauration du capitalisme en Europe de l’Est sont de plus en plus apparentes. Avec des troupes de l’OTAN ou des forces par procuration stationnées dans une ceinture géographique s’étendant des républiques baltes à la Pologne, l’Ukraine et la Roumanie – soit à une courte distance ou à proximité des frontières russes – l’OTAN est maintenant prête pour une guerre majeure contre la Russie qui pourrait dégénérer en une conflagration nucléaire.

Un examen des remarques de Stoltenberg montre que les plans de l’OTAN ne sont pas des préparatifs de défense pour contrer une invasion conventionnelle de l’Europe par l’armée russe. Dans un tel scénario, les colonnes de chars russes déborderaient les quelques milliers ou dizaines de milliers de soldats des différentes forces d’intervention d’urgence de l’OTAN, privant les plus larges « forces d’appui » de l’OTAN des 60 à 180 jours dont elles auraient besoin pour se mobiliser.

Le plan visant à mobiliser des couches successives de « forces d’appui » a plutôt pour but de permettre à l’OTAN de menacer la Russie dans une situation de crise en faisant peser progressivement sa force militaire collective qui, bien que divisée entre 28 États membres, dépasse celle de la Russie. La population russe de 145 millions est beaucoup plus petite que celle des pays de l’OTAN, à 906 millions.

Le caractère agressif de l’agenda de l’OTAN est illustré par un rapport publié le mois dernier par le groupe de réflexion Rand Corporation lié à la CIA sur la situation militaire dans les républiques baltes de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie. Les petites forces militaires que l’OTAN a affectées dans les républiques baltes, selon Rand, « invitent à une guerre dévastatrice plutôt qu’à la dissuader ». Il a calculé que les forces russes, si elles devaient en effet envahir, pourraient envahir ces pays en environ 60 heures.

Sur cette base, le groupe de réflexion a appelé à lancer un vaste renforcement militaire de l’OTAN dans les républiques baltes, pratiquement aux portes de Saint-Pétersbourg. Il a écrit qu’il faudrait « une force d’environ sept brigades, dont trois brigades d’armement lourd, avec un appui aérien suffisant, les feux terrestres, et d’autres facilitateurs sur le terrain et prêts à combattre au début des hostilités […] pour empêcher l’invasion rapide des États baltes. » Cela coûterait 2,7 milliards de dollars par an aux pays de l’OTAN.

Alors que les pays de l’OTAN intensifient leurs menaces contre la Russie, de vifs conflits entre les puissances impérialistes de l’OTAN émergent. Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, s’est opposé sans ambages à de nouvelles sanctions contre la Russie par Washington lors du sommet de l’Union européenne du mois dernier à Bruxelles et les tensions entre l’Allemagne et les États-Unis sont de plus en plus fortes alors que les responsables de Paris et Berlin appellent à la création d’une armée européenne indépendante.

Les perspectives d’une augmentation des provocations militaires dirigées par les États-Unis contre la Russie accentuent les tensions au sein de l’Europe. Dans un article intitulé « Que Clinton ou Trump gagne, pour l’Allemagne les choses iront mal », le magazine allemand Der Spiegel a lancé une mise en garde sur les conséquences à long terme d’une politique agressive menée par les USA contre la Russie, que Der Spiegel suppose devoir continuer quel que soit le candidat élu à la Maison-Blanche.

Le magazine a écrit : « La devise sera : Si vous voulez une protection (nucléaire) américaine contre Poutine, vous devez soit nous payer plus d’argent soit vous réarmer ».

Alex Lantier

Article paru en anglai, WSWS, le 8 novembre 2016

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