L’UE peine à formellement autoriser l’utilisation des armes occidentales en profondeur en Russie

Analyses:

Hier [le 29 août], les ministres des Affaires étrangères des pays de l’UE, sous la baguette de Borrell se sont réunis non pas à Budapest comme cela devait avoir lieu la Hongrie exerçant la présidence tournante, mais à Bruxelles – c’est quand même plus sûr. Le menu est un peu fade à force d’être répétitif : l’Ukraine, les fonds, les armes. Et l’on sent bien que ça bloque : malgré le fanatisme de Borrell et la pression de certains pays comme la France et la Grande-Bretagne, les pays européens ont du mal à formellement entrer en guerre contre la Russie en Ukraine. Combien de temps pourront-ils résister, avant que le maître ne frappe du poing sur la table et qu’ils s’exécutent ?

 

Il semblerait que rien d’autre n’ait d’importance dans les pays européens, que le soutien à l’Ukraine. Et donc son financement par les pays et les contribuables européens, car l’UE en tant que tel, ne génère aucune richesse. Elle est en fait un parasite. Ici, la décision a bien été prise de l’utilisation du fruit des avoirs russes gelés, mais l’UE n’arrive pas à débloquer les milliards pour l’Ukraine.

Ce n’est pas faute d’avoir des soutiens. Joe Borrell, comme certains ministres européens des Affaires étrangères, semble avoir bien compris que le temps n’est plus à diplomatie et s’est transformé en chef de guerre. Il a en ce sens le plein appuie de la ministre belge, qui déclare :

Face à la presse, ce jeudi, la cheffe de la Diplomatie belge a déclaré que « ces cinq milliards destinés à soutenir l’Ukraine doivent être débloqués immédiatement », soulignant que « le temps presse sur le terrain ! ».

Cette fuite en avant s’accompagne de la demande de levée des restrictions de l’utilisation des armes livrées par les pays occidentaux pour des frappes en profondeur en Russie. Comme le déclare Borrell :

« Nous devons lever les restrictions sur l’utilisation des armes contre les cibles militaires russes, conformément au droit international (…). Les armes que nous fournissons à l’Ukraine doivent pouvoir être utilisées pleinement et les restrictions doivent être levées pour que les Ukrainiens puissent cibler les endroits où la Russie les bombarde. Sinon, ces armes sont inutiles », a-t-il ajouté.

Passons sur la conformité au droit international, dont l’évidence est sans conteste. Puisque le ministre ukrainien le déclare.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, participant également à cette réunion, a appuyé les propos de Borrell, en insistant sur l’importance de permettre à l’Ukraine de frapper « des cibles militaires légitimes » en Russie, notamment des bases aériennes utilisées pour lancer des attaques contre les forces ukrainiennes.

L’on ne peut que le croire. Ce n’est pas de sa faute, si les militaires se battant dans l’armée atlantico-ukrainienne ne sont pas bien formés et frappent des sites civils, des lieux où il n’y a strictement aucune cible militaire. Ce n’est pas de sa faute s’ils utilisent aussi des armes interdites par les conventions internationales.

Ne nous attardons pas sur cette évidence. L’intérêt est ailleurs : ces armes, livrées par l’Occident sont déjà utilisées en profondeur en Russie. Ce ne sont pas des chars et des blindés ukrainiens, qui ont violé la frontière étatique russe à Koursk et ont pénétré sur le territoire national. Ce sont bien des Himars et des Shadows, qui sont utilisés contre la Russie à Koursk et ailleurs sur le territoire justement russe.

Donc, de facto, les armes des pays de l’OTAN sont déjà utilisées, formellement par l’Ukraine, contre la Russie. Et c’est bien cette fiction – de la responsabilité ukrainienne – que Borrell veut faire tomber avant de quitter son poste. Il est en cela soutenu par certains pays, mais pas par tous.

Les alliés de l’Ukraine sont divisés sur la question. Des pays comme la France et le Royaume-Uni veulent autoriser des attaques jusque profondément en Russie, tandis que les États-Unis et l’Allemagne sont réticents, par crainte d’une escalade.

Traduction : les Etats-Unis et leur bras droit l’Allemagne poussent les pays européens à franchir le pas fatal de l’entrée en guerre directe et officielle contre la Russie et dans ce jeu, la France et la Grande-Bretagne (qui est sortie de l’UE) jouent le rôle de locomotive. Il est vrai que l’arrivée des chars allemands sur le front n’est pas passée inaperçue et a ravivé la mémoire nationale … Mais la mémoire est courte en Europe occidentale.

Le suicide collectif n’a pas eu lieu et Borrell l’a déploré lors de la conférence de presse ayant suivi cette réunion :

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, lors d’une réunion informelle à Bruxelles, ne se sont pas mis d’accord sur le déblocage de 6 milliards d’euros via le Fonds européen pour la paix pour compenser les livraisons d’armes à l’Ukraine, et n’ont pas non plus pris de décision générale sur la levée des restrictions sur les frappes contre la Russie avec les pays européens. les armes ; chaque pays prendra ces décisions de manière indépendante.

Tout n’est pas perdu pour les va-t-en-guerre, une réunion des ministres de la Défense est prévue aujourd’hui, où il sera question de l’envoi officiel des « instructeurs » en Ukraine, autrement dit de l’envoi de militaires des armées régulières des pays de l’OTAN.

Chacun reconnaissant que la Russie ne présente strictement aucun danger réel pour les pays européens à l’intérieur de leurs frontières nationales, personne n’est capable de véritablement expliquer pourquoi les pays occidentaux doivent entrer en guerre contre la Russie. Il n’est décemment pas possible de leur dire ouvertement que les vassaux doivent se plier aux désirs du suzerain et qu’ils doivent mettre ses hommes et ses étendards à sa disposition pour défendre ses intérêts. Comme cela n’est pas dicible, les discussions tournent en rond autour de faux arguments et de quelques slogans, qui n’arrivent – heureusement – pas à convaincre – pour l’instant – les pays européens de prendre le risque d’une confrontation directe avec la Russie.

Karine Bechet-Golovko



Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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