L’Ukraine liquide la diversité linguistique

L’Ukraine a adopté sa réforme de l’éducation, qui conduit à la fin de sa richesse linguistique et donc culturelle. Ce qui a mis très en colère ses voisins russe, polonais, hongrois et roumain, dont les populations largement présentes dans le pays ne pourront plus apprendre leur langue natale. Les institutions européennes mises au pied du mur, sont dans un impasse : condamner la violation des principes européens par l’Ukraine revient à défendre les minorités russophones …

La nouvelle réforme de l’enseignement en Ukraine touche de nombreux domaines, notamment l’aspect linguistique. Rappelons que l’Ukraine, sur le modèle des pays multiéthniques comme la Suisse ou la Belgique, préservait et garantissait le droit des ethnies importantes, notamment russes, hongroises, roumaines et polonaises, à donner à leur enfant un enseignement scolaire dans leur langue maternelle.

La diversité linguistique prend brutalement fin avec la nouvelle loi sur l’éducation. A partir de 2018, la diversité des langues ne sera maintenue que dans les écoles primaires, ensuite toutes les matières seront enseignées uniquement en ukrainien. A partir de 2020, l’intégralité de l’enseignement dans toutes les classes se fera en ukrainien.

De fortes réactions ont eu lieu dans les pays voisins, allant de la condamnation diplomatique à l’annulation de visite officielle. Les institutions européennes, pourtant si pro-ukrainiennes, se trouvent dans une situation délicate. Alors que l’accord d’association avec l’Ukraine vient d’entrer en vigueur le 1er septembre, l’Ukraine viole délibérément la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. La Hongrie peut demander la révision de cet accord :

«  Nous ne pouvons pas le permettre, le gouvernement hongrois prendra la position la plus ferme sur cette question. Il est inacceptable que l’UE ferme ses écoles auXXIème siècle, uniquement parce qu’on y enseigne en langues minoritaires  »

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, organe à la pointe de la russophobie condamne la loi ukrainienne :

Des « accords plus consensuels » auraient dû tenir compte de trois principes : la légitimité pour un État de faire la promotion de l’apprentissage de la langue officielle, la prise en parallèle de mesures visant à protéger et à promouvoir les langues des minorités nationales, et le principe de la non-discrimination.

Selon les parlementaires, au regard de ces principes, « la nouvelle législation ne semble pas trouver un équilibre approprié entre la langue officielle et les langues des minorités nationales ». En particulier, la nouvelle loi entraîne une réduction trop forte des droits jusque-là reconnus aux « minorités nationales » pour ce qui est de l’instruction dans leur propre langue.

Mais l’APCE estime qu’il est encore trop tôt pour prendre position … N’allons pas trop loin quand même. Il s’agit essentiellement des minorités russes … donc presque des intérêts de la Russie. C’est un bémol fondamental. Finalement, la Commission de Venise va devoir réécrire le texte … le Président ukrainien ayant promit de ne pas signer la loi avant l’avis de la Commission de Venise, qui est déjà critique face au texte.

Le bon vieux temps de colonies revient à grands pas. La culture juridico-politique des dirgieants pro-Maïdan est très éloignée de ce que l’on peut attendre d’un pays européen. Si le projet-Ukraine est toujours d’actualité pour les structures européennes, elles devront faire le travail à la place des instances internes, plus douées pour marcher au flambeau que pour réformer le pays.

Karine Bechet-Golovko



Articles Par : Karine Bechet-Golovko

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