Macron fait appel à l’Église catholique pour construire un régime autoritaire

Le discours de plus d‘une heure prononcé par le président Emmanuel Macron devant la haute hiérarchie catholique réunie à Paris le 9 avril est une claire indication que l‘aristocratie financière envisage l‘installation d‘un régime autoritaire en France.

Quelques jours avant une attaque contre la Syrie avec pour cible la Russie, au risque d‘une Troisième Guerre mondiale et devant l‘émergence du premier grand mouvement de la classe ouvrière contre son gouvernement, Macron a adressé comme premier chef d’État français de l‘histoire, un discours à l’Église catholique. Il y a appelé ce rempart de la réaction à forger à nouveau, 75 ans après le régime collaborationniste de Vichy, une alliance étroite avec l’État.

En prononçant ce discours, Macron a enfreint délibérément son obligation constitutionnelle, inscrite dans la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État. «La sécularisation ne saurait éliminer la longue tradition chrétienne», a-t-il déclaré.

Dans un discours flagorneur, plein d’envolées lyriques en faveur du catholicisme, truffé de falsifications historiques, de références ultra-nationalistes dignes de l’extrême droite, de citations de théologiens jésuites, d‘écrivains et de philosophes réactionnaires, il a déclaré vouloir «réparer le lien entre l‘Église catholique et l’État», qu’il décrivit comme «indestructible» parce qu‘il «s‘était forgé» dans des moments comme «l‘Union sacrée de 1914».

En évoquant l’Union sacrée et la politique visant à écraser l’opposition ouvrière à la Première Guerre mondiale, Macron a attiré l’attention sur les causes qui impulsent le regain d’intérêt actuel pour le catholicisme politique dans la classe dominante. Alors que sous Macron, la France se prépare à de nouvelles guerres de grande envergure, Macron tente de ranimer les principales traditions de la réaction sociale en France.

Il a lancé un appel vibrant pour que l’Église intervienne résolument dans la situation politique et influence les décisions législatives. «Je suis ici ce soir pour vous demander solennellement de ne pas vous sentir aux marches de la République mais de retrouver le goût et le sel du rôle que vous avez toujours joué», a-t-il déclaré. Macron voulait qu’ils «s’engagent politiquement dans notre débat…parce que, historiquement, vous l’avez toujours nourri».

Il prévoit pour l’Église un rôle idéologique majeur dans la société et une mission moralisatrice. L’Église contribuait à maintenir l‘unité de la nation dans une période ou «l’étoffe même de la nation menace de se déchirer». «Je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation», a-t-il dit.

Érigeant l‘obscurantisme catholique en véritable guide intellectuel de l‘humanité, il dit aux évêques rassemblés: « Nous écoutons une voix qui tire sa force du réel et sa clarté d’une pensée où la raison dialogue avec une conception transcendante de l’homme».

Il a invoqué des situations «de grande intensité» comme 1914, où l’Église avait envoyé avec l‘Etat des millions de travailleurs dans la boucherie de la Première Guerre mondiale. «Lorsque l’épreuve commande de rassembler toutes les ressources qu’on a en soi au service de la France, la part du citoyen et la part du catholique brûlent, chez le croyant véritable, d’une même flamme», a-t-il dit avec pathos.

L‘Eglise catholique devait aider à faire accepter les sacrifices, faire accepter l‘Union européenne et ses attaques à la population. «Et cet engagement que vous portez, j’en ai besoin pour notre pays comme j’en ai besoin pour notre Europe», dit-il. Reprenant devant le clergé sous une forme légèrement modifiée sa thèse selon laquelle les travailleurs hostiles envers ses réformes sont des «fainéants», il dit: «Nous avons trop de nos concitoyens qui pensent que ce qui est acquis, est devenu naturel.»

La conférence des évêques applaudit Macron. «J’ai bu du petit-lait, déclara ensuite l‘aumônier des parlementaires, Laurent Stalla-Bourdillon. «C’était absolument remarquable,» s’enthousiasma l’évêque aux armées Antoine de Romanet.

Ce discours de Macron doit constituer une sérieuse mis en garde. La bourgeoisie française comme européenne sait que les travailleurs n’accepteront pas la misère et la dévastation militaire qu’elle leur prépare. La confrontation actuelle entre la classe ouvrière et les jeunes et le gouvernement Macron a des implications révolutionnaires. Elle ne sera pas résolue par un compromis que la situation d’énorme crise économique, politique et militaire internationale ne permet pas.

Macron a déjà imposé sa Loi travail II par des ordonnances fin 2017, il compte imposer la privatisation de la SNCF de la même manière. Il n‘acceptera pas de négocier sa destruction des acquis sociaux par laquelle il veut financer ses 300 milliards d‘euros de dépenses sur les armées et ses préparatifs de guerre. Trois jours après son appel à l’Église, il disait dans une interview ne pas vouloir se préoccuper de l‘opinion publique face aux manifestations des cheminots et des étudiants alors qu‘il préparait en même temps une attaque illégale contre la Syrie.

Son gouvernement essaiera de contrer l‘opposition grandissante de la classe ouvrière en abandonnant les formes démocratiques traditionnelles et en installant un régime autoritaire.

Un tel régime reposera sur une large couche de la classe dirigeante et de la petite bourgeoisie qui a évolué vers l’extrême droite. Le geste de Macron a été salué par les partisans avérés de Vichy comme Eric Zemmour, qui le qualifie de «jeu élégant de Macron avec les Catholiques». Zemmour s’est enthousiasmé que Macron ait fait «l’éloge de l’oeuvre des chrétiens dans la République, sans ajouter son petit couplet repentant sur les accointances de l’Église avec Vichy ou la contre-Révolution.»

Le même son de cloche se faisait entendre parmi des post-soixante-huitards réactionnaires proches de la pseudo gauche. Bernard Henry-Levy a présenté l‘église catholique comme une «minorité persécutée», pour lui, le chef de l‘Etat «a fait son boulot … en faisant tout ce qu‘il peut pour la réintégrer dans l‘espace public.»

Mais cette évolution n‘est pas limitée aux ex-maoïstes comme Henry-Levy. Elle concerne aussi toute une frange de la petite-bourgeoisie radicalisée en 1968 et dont des universitaires tels que Marcel Gauchet sont exemplaires. D‘abord influencé par le groupe anti-trotskyste Socialisme et barbarie, il se dirigea constamment vers la droite aboutissant à des conceptions, similaires à celles de Macron, que le christianisme était «le facteur décisif de l’essor occidental». Une de ses thèses est que l’immigration a provoqué «une blessure au sentiment populaire de souveraineté».

Cette évolution de Macron souligne la faillite politique de ceux qui ont prétendu qu’on pourrait voter Macron au second tour des présidentielles de 2017 en tant que moindre mal, pour stopper l’ascension de l’extrême-droite et de la candidate frontiste, Marine Le Pen. En fait, la montée des traditions de l’extrême-droite catholique ou chrétienne n’est pas le propre de Le Pen; Macron y fait appel régulièrement et ouvertement à présent.

Francis Dubois



Articles Par : Francis Dubois

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