Macron : le vrai (et vilain) visage du PS
« Comment pouvez-vous titrer ça alors que c’est Hamon qui a gagné la primaire socialiste ? N’avez vous pas entendu Macron lui-même affirmer qu’il n’était ni de droite ni de gauche ? La preuve, il a même le soutien de Bayrou« … On souffle, on se détend… Mais ça pourrait piquer un peu quand même.
Vendredi dernier, sur France Inter, était reçu Richard Ferrand. Peu de gens le connaissent alors petit rappel : Richard Ferrand est secrétaire général d’En Marche !, le mouvement d’Emmanuel Macron, depuis octobre dernier. Autrement dit, il est le « chef » désigné de ce mouvement. Et il est aussi… membre du PS et député du Finistère. Vous allez me dire : « ok, bon, il partira du PS… » Et bien non ! Car il a été investi par le PS pour être candidat aux prochaines législatives ! Oui, tout comme tout plein d’autres socialistes qui lâchent Hamon les uns après les autres pour afficher leur soutien à Macron tout en continuant à s’afficher PS : Gérard Collomb, le très influent maire de Lyon, Ségolène Royal, Stéphane Travers (un fervent défenseur de la casse du droit du travail), le très en vue Jean-Marie Le Guen qui ne cachait pas sa préférence pour le programme de Macron avant même que ce programme n’ait été dévoilé, ou encore Manuel Valls qui brandit la menace de rejoindre son ancien ministre… Et je pourrais en citer beaucoup d’autres comme mon propre député Jacques Cresta qui a passé le dernier quinquennat à genoux devant Hollande… A ce rythme-là, c’est tout le PS, à part Hamon et deux ou trois lieutenants impopulaires (Myriam El Khomri par exemple) qui rejoindront Macron plus ou moins officiellement.
Une stratégie de longue date
Cela fait au moins un an que le PS sait qu’il ne peut pas, sous sa propre étiquette, garder le pouvoir. Hollande ayant perdu toute crédibilité, il était impératif de trouver un candidat qui ne soit pas directement associé au PS. A ce titre, Macron est idéal. Il n’est plus membre du PS (nb : il l’a été de 2006 à 2009) et, aux yeux du grand public, il est trop neuf en politique pour être catalogué dans tel ou tel parti. De fait, même sa participation au gouvernement de Manuel Valls à un poste pourtant clé (Ministre de l’économie et des finances) est minimisée pour ne pas alerter l’opinion publique…
Il ne faudrait pourtant pas oublier que Macron était dans l’entourage de Hollande dès 2012 en tant que secrétaire général adjoint de l’Elysée. A ce titre, il est l’un des artisans principaux du CICE (crédits d’impôt alloués aux entreprises, sans contrepartie, et proportionnels au nombre de salariés. Les très grandes entreprises étant donc fortement favorisées) et du Pacte de responsabilité qui contient lui aussi des mesures avant tout favorables aux très grandes entreprises, non pas pour encourager les embauches mais, là encore, pour leur permettre d’engranger davantage de bénéfices (dont 80% vont dans la poche des actionnaires). Bref, il est l’un des principaux inspirateurs de la politique économique menée par Hollande pendant 5 ans. Politique dont on connaît le résultat social désastreux : hausse constante du chômage et de la pauvreté, augmentation inquiétante du travail précaire (CDD et temps partiels, aux dépens des CDI qui ne représentent plus que 20% des embauches), conditions de travail dégradées dans les services publics (notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation et la sécurité).
Ainsi, Emmanuel Macron n’incarne pas le moindre changement (encore moins une « révolution », malgré le titre de son livre…), mais au contraire la continuité des politiques d’austérité menées par Sarkozy puis Hollande, sous l’autorité de l’Union Européenne. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si son programme (enfin dévoilé mais rendu volontairement incompréhensible pour la plupart des gens) vante les bienfaits de l’Europe actuelle, et par conséquent des Traités qui nous astreignent à ces politiques d’austérité.
En marche… arrière !
Et là, vous me dîtes : « Mais si ce que tu écris est vrai, alors pourquoi Bayrou qui est centre-droit a rejoint Macron ? Et pourquoi Hamon est présenté comme le candidat du PS ?« . Revenons donc à l’élection présidentielle de 2007, lorsque Macron est adhérent du PS. Le jeune Emmanuel est alors proche des « Gracques », un lobby mené par Jean-Pierre Jouyet, un énarque qui a travaillé entre autres avec François Fillon et François Hollande ! Jouyet est également un proche de Macron. En 2007 donc, les « Gracques » font campagne pour une alliance François Bayrou-Ségolène Royal. S’il est difficile de connaître avec précision qui composait ce lobby, on connaît tout de même quelques noms :
– Denis Olivennes : aujourd’hui Président de Lagardère Active, pôle médias du groupe Lagardère : 11 chaînes de télévision, 3 radios (dont Europe1) et 37 journaux (dont Paris Match et le Journal du Dimanche), après une carrière aussi remplie qu’agitée : Cour des Comptes, conseiller de Pierre Bérégovoy (lorsque ce dernier fut Ministre de l’économie et des finances puis Premier ministre avant d’être lourdement mis en cause dans une grosse affaire de corruption et retrouvé mort, tué par l’arme à feu de son garde du corps. L’enquête conclura à un suicide), dirigeant successivement de Air France, Numéricable, Canal+, la Fnac, le Nouvel Observateur, Europe1…
– Matthieu Pigasse : homme d’affaires proche de DSK, Fabius, Royal ou encore Valls ; actionnaire, entre autres, du groupe Le Monde (la vente avait d’ailleurs été orchestrée par Macron) et du Huffington Post. Il est aussi l’un des dirigeants de la grande banque d’affaires franco-américaine Lazard. Banque privée qui, malgré un évident conflit d’intérêts, a supervisé la création de la Banque publique d’investissement (qui n’est en fait pas une vraie banque, elle emprunte aux banques privées et son « étrange » fonctionnement pourrait faire l’objet d’une longue analyse critique – que je ne ferai pas, parce que j’ai pas envie !).
– Bernard Spitz : président de la Fédération Française de l’Assurance qui regroupe la Fédération française des sociétés d’assurances et le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance. Il préside aussi le pôle international et Europe du MEDEF (lui-même dirigé par Pierre Gattaz, soutien affiché de Macron). Avec un tel CV, on comprend pourquoi le programme de Macron insiste autant sur la baisse des cotisations sociales ou la retraite par points qui délèguent une large partie de notre protection sociale (santé, retraites…) aux assurances privées…
– François Villeroy de Galhau : gouverneur de la Banque de France (nommé par François Hollande), il siège aussi (entre autres) au conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne et à la « commission pour la libération de la croissance française » dirigée par… Jacques Attali ! Oui, le fameux Jacques Attali, conseiller des Présidents Mitterrand, Sarkozy et Hollande. Jacques Attali qui fit entrer Macron dans le « grand monde ». D’abord en le recrutant dans la triste « commission Attali » qui inspira la politique de Sarkozy, puis en le faisant entrer à la banque Rothschild (qui fera de Macron un millionnaire)…
Et voilà comment, en tirant fil par fil, on met à nu le réseau de Macron : les grandes banques privées, les médias, les grandes sociétés d’assurances, le MEDEF, la BCE, les hommes d’influence qui ont conseillé nos dirigeants politiques ces 30 dernières années, et la plupart des plus riches hommes d’affaires français… Car il ne faut pas oublier que le réseau de Macron comprend aussi des gens comme François Pinault (multimilliardaire et propriétaire du groupe Artemis qui contrôle, entre autres, l’hebdomadaire Le Point et de nombreuses marques de luxe comme Yves Saint-Laurent), Vincent Bolloré (patron notamment de Vivendi, du groupe Canal+ ou encore de l’institut de sondages CSA et… fossoyeur de I-Télé devenue CNews), Bernard Arnault (deuxième fortune française, patron de LVMH, propriétaire du journal Les Echos, ami proche de Martin Bouygues lui-même patron entre autres de TF1 et LCI…), Xavier Niel (propriétaire de Free), Patrick Drahi (propriétaire entre autres de SFR ; des journaux Libération, L’Express, L’Expansion, L’Etudiant ; de BFMTV et RMC), Claude Bébéar (fondateur d’Axa, banque et surtout plus gros groupe d’assurances au monde)… N’en jetez plus, la coupe est pleine ! Bon ok, un petit dernier pour la route, juste histoire de sourire un peu. L’avocat Jean-Pierre Mignard a également rejoint Macron. Vous ne le connaissez pas ? Mais si… L’affaire des « écoutes de l’Elysée », le naufrage du pétrolier Erika, le procès Clearstream ou encore l’affaire Cahuzac sont quelques-uns des nombreux très gros dossiers dans lesquels il est intervenu. Il est également parrain de deux des enfants de François Hollande et avocat « officiel » de Mediapart…
Au secours !
Vous l’aurez compris, les soutiens d’Emmanuel Macron ont un tel poids financier, politique et médiatique qu’ils sont à même de faire plier n’importe qui (y compris Bayrou…) et nous avec…
Voici donc l’histoire « en marche »… Hamon (dont l’épouse est certes une des dirigeantes de LVMH mais qui reste l’employée de Bernard Arnault !) est censé faire diversion, piquer des voix à Mélenchon et perdre dès le premier tour (comme n’importe quel candidat labélisé PS). Pour y parvenir, le PS (dont vous aurez désormais compris que le champion est Macron) met au point une stratégie à tiroirs. D’abord, mettre en scène la déconfiture de Hollande et du PS. Hollande abdique. Valls s’avoue vaincu (peu importe que les urnes de la primaire aient été bourrées, les médias comme les cadres du PS l’ont constaté mais personne ne s’en est inquiété…) et on présente le vainqueur comme un « frondeur » à la gauche du PS, un peu écolo, soi-disant proche des idées de Mélenchon. « Frondeur » qui pourtant n’a jamais voté contre les 49.3 de Valls ou contre la loi travail… Ensuite, on invente une polémique : JLM ne voudrait pas d’alliance et serait donc le responsable d’une éventuelle et terrifiante victoire du FN. Enfin, on négocie discrètement des postes aux législatives avec les dirigeants Verts et Communistes. L’idée est donc d’isoler Mélenchon. Coïncidence ou non, Fillon s’embourbe dans le « Penelope-gate ». Les médias ne parlent que de cette affaire, ce qui permet d’éviter de s’intéresser aux programmes des candidats. Cela tombe bien, celui de Macron tombe sur le tard, reste flou, complexe et brouillon. C’est purement volontaire, pour éviter qu’on le comprenne. Car quand on s’y attarde, on en voit toutes les incohérences et les injustices sociales. Derrière ses airs de jeune paroissien, Macron défend une politique des plus féroces. Tu es malade ? Paye ta mutuelle. Tu veux une bonne retraite ? T’avais qu’à épargner. Tu veux une école correcte pour tes enfants ? Va dans le privé. Ton logement est cher ou pas adapté ? Déménage ! Tu as du boulot ? Consomme et tais-toi. Tu es au chômage ? Tais-toi et meurs…
Voilà, vous êtes prévenus… En 2012, François Hollande disait « Mon ennemi n’a pas de nom, il n’a pas de visage. Mon ennemi c’est la finance« . Il avait tort. L’ennemi a de multiples noms, je vous en ai livré un paquet. Et il a un visage, celui d’Emmanuel Macron.
Axel Bader