Macron méprise le peuple, les jeunes se mobilisent

Le jeudi 16 mars, Emmanuel Macron et son gouvernement ont piétiné le peuple français en utilisant l’article 49-3, permettant de se passer du vote de l’Assemblée nationale pour adopter la contre-réforme des retraites. Face au mépris de ses dirigeant·es, le peuple français a réagi de manière exceptionnelle en intensifiant les grèves, en multipliant les manifestations et les rassemblements – celle du jeudi 23 mars fut la plus massive depuis le début du mouvement social – en bloquant les lycées et les universités…

L’utilisation de l’article 49-3 a marqué l’entrée massive des jeunes dans la lutte. Depuis le 16 mars et l’intensification du mouvement, la répression policière s’est abattue de façon terrible sur les manifestant·es. Ce fut le cas lors les manifestations spontanées, dans celles organisées par les syndicats, à Sainte-Soline (France) contre les militant·es opposé·es au projet de méga-bassine. Deux militants sont actuellement entre la vie et la mort. Maxime Perriot, Robin Delobel, Berenger Tourné et Yorgos Mitralias analysent ce mouvement social et la répression qu’il subit.

CADTM

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Une semaine après l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution pour passer la contre-réforme des retraites en force – sans vote de l’Assemblée nationale – la mobilisation populaire a redoublé d’intensité grâce à l’entrée de la jeunesse dans le mouvement. La situation est électrique, et les revendications dépassent le seul cadre des retraites.

Depuis le 49-3, le mouvement se durcit, la détermination grandit malgré les violences policières

Après deux mois d’un mouvement social exceptionnel contre une réforme des retraites rejetée par 70% du peuple français et 90% des actif·ves, Emmanuel Macron et son gouvernement ont choisi le mépris en utilisant l’article 49-3 de la Constitution. Cet article permet de contourner le vote de l’Assemblée nationale sur le texte en engageant la responsabilité du gouvernement sous la forme d’un vote de confiance. Confronté à une motion de censure déposée par l’opposition, le gouvernement minoritaire s’est maintenu à 9 voix près, grâce aux votes d’une majorité de député·es Les Républicains, parti de droite profondément divisé (19 députés Les Républicains ont voté en faveur de la motion de censure et 42 ont voté contre) provoquant du même coup l’adoption de la contre-réforme des retraites. Le texte doit maintenant être examiné par le Conseil constitutionnel, qui pourrait le censurer pour non-respect de la « sincérité des débats ».

Compter sur un Conseil constitutionnel très politique et orienté à droite n’est pas la solution. La réponse doit venir de la rue et c’est ce qu’il se passe. Depuis le déclenchement du 49-3, face au mépris, le mouvement social s’est durci. Il a changé de forme. Depuis le jeudi 16 mars, plusieurs actions de blocage ont eu lieu dans toute la France (routes, incinérateurs, raffineries) et plusieurs lycées et universités ont été bloqués. Ce fut notamment le cas de l’université de droit Assas, un blocage remarquable tant cet établissement est réputé à droite, et très peu accoutumé aux blocages et à la mobilisation. À Paris, tous les soirs de la semaine ont été marqués par des rassemblements spontanés réprimés par des violences policières inacceptables, rappelant le mouvement des Gilets jaunes. Plusieurs centaines de personnes ont été placées en garde à vue, dont des joggers, des personnes qui sortaient de chez elles, de leur travail, qui ne participaient même pas aux rassemblements. De toute évidence, le gouvernement et Macron ont décidé de faire peur aux manifestant-es afin de convaincre un maximum d’entre eux de rester chez eux plutôt que d’exercer leurs droits de citoyen-nes. De nombreux journalistes ont été victimes de la brutalité policière. Ces violences et ces arrestations arbitraires ont été dénoncées par Amnesty International et par la Défenseure des droits. Macron mise également sur l’augmentation des dégradations de biens privés ou publics afin de réussir à stigmatiser les protestations.

 

Le jeudi 23 mars, mobilisation exceptionnelle, entrée massive de la jeunesse dans le mouvement

La première journée de mobilisation à l’appel de l’intersyndicale depuis l’utilisation du 49-3 se tenait ce jeudi 23 mars. Elle fut la plus massive, la plus déterminée et la plus jeune depuis le début du mouvement.

Selon la CGT, 3,5 millions de personnes se sont mobilisées en France, autant que la journée du 7 mars, qui étaient la plus importante depuis le début du mouvement. Selon le ministère de l’Intérieur, 1,03 million de manifestant·es ont défilé dans toute la France.

À Paris, la mobilisation fut exceptionnelle, de loin la plus forte depuis le 19 janvier avec 800 000 personnes selon la CGT et 119 000 selon le ministère de l’Intérieur. La mobilisation a également connu un net regain à Lyon (55 000 manifestant·es selon la CGT), Brest (40 000), Montpellier (40 000) ou encore Rouen (14 800).

À Paris, le nombre de jeunes manifestant·es présent·es dans le cortège était sans commune mesure avec les précédentes mobilisations. Les syndicats étudiants ont compté 500 000 jeunes manifestant·es ce jeudi 23 mars. Cette nouvelle impulsion donnée par la jeunesse se ressentait dans un cortège parisien, où l’ambiance est montée de plusieurs crans par rapport aux précédentes mobilisations. De nombreux cortèges de lycéen·nes et d’étudiant·es étaient présents, bruyants, festifs et déterminés. La mobilisation de la jeunesse, depuis l’utilisation de l’article 49-3, donne donc un nouveau souffle au mouvement social. La colère provoquée par le mépris d’Emmanuel Macron envers la démocratie et sa population lui donne des teintes insurrectionnelles, rappelant parfois les scènes vues pendant le mouvement des Gilets jaunes (bien que les deux mouvements soient très différents). La situation est en train d’échapper totalement à Emmanuel Macron, au gouvernement et aux forces de l’ordre, qui réagissent par un niveau de violence inouï.

La prochaine journée de mobilisation à l’appel de l’intersyndicale est prévue le mardi 28 mars, un pas de plus vers un recul du gouvernement, et vers la construction d’un moment politique populaire qui dépasse largement le simple cadre de la réforme des retraites.

Entretemps le samedi 25 mars a lieu une importante manifestation contre les bassines en Charente Maritime. Les manifestant-es dénoncent ce projet de grands réservoirs d’eau qui favorisent l’agriculture intensive au détriment de la protection de l’environnement.

Maxime Perriot

L’auteur remercie Christine Pagnoulle, Pablo Laixhay et Éric Toussaint pour leur relecture

 

Maxime Perriot, CADTM Belgique



Articles Par : Maxime Perriot

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