Macron : simple produit marketing ou dangereuse arnaque ?

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Si certains sont séduits par les dents bien blanches du candidat Macron, d’autres les trouvent un peu trop longues. Pourtant la question n’est pas de savoir si Macron raye le parquet ou si, au contraire, il nettoie tout du sol au plafond. Elle est de savoir qui se cache derrière celui qu’on nous vend comme le Kennedy français.

Poli, bien coiffé, bien habillé, le candidat Macron a tout pour séduire la ménagère de moins de 50 ans. Sa mine de premier communiant attire la sympathie et reflète la jeunesse, donc le dynamisme. En même temps, sa compagne de 24 ans son aînée rassure. Emmanuel Macron ne serait donc pas superficiel mais au contraire sérieux et tendre… Bref, il incarne le gendre idéal. Si on ajoute une exposition médiatique aussi intense que bienveillante et un discours des plus consensuels, on a donc le candidat parfait. Celui qui incarne le changement sans rupture. Celui qui promet des lendemains qui chantent. Du coup, peu importe qu’il ait un programme ou pas, il est vendu comme le nettoyant universel du télé-achat politique.

Là où le FN surfe sur le « on les a pas essayés et puis de toute façon ça peut pas être pire », Macron recycle le vieux slogan « m’essayer, c’est m’adopter ». Avec, dans les deux cas, la virginité de celui ou celle qui ne se réclame ni de la droite ni du PS. Or, si l’idéologie du clan Le Pen s’assume désormais en prenant Trump pour modèle, celle de l’ancien Ministre est volontairement floutée. Ses positions affichées au sein du Gouvernement Valls ne laissent pourtant guère de doutes. Macron y a milité pour une très forte déréglementation du droit du travail, c’est-à-dire détruire les droits des salariés pour donner tous pouvoirs aux grands patrons. Evidemment, il ne l’exprime pas comme cela, noyant le poison sous des eaux plus que troubles qui ressemblent, presque au mot près, aux discours de Sarkozy en 2007 et 2012.

Paroles, paroles…

Et ce flou, ce trouble, cet embobinage, on les a retrouvés cette semaine lors de trois déclarations plus ou moins commentées. Lundi, Macron affirmait que la colonisation avait été un « crime contre l’Humanité ». Mardi, il se réjouissait sans pudeur de la ratification par le Parlement Européen du traité de libre-échange avec le Canada (le Ceta). Mercredi, il estimait que le « mariage pour tous » était une « humiliation » pour bon nombre de Français. Vous l’avez compris, chacune des phrases s’adresse à un public différent. Celle sur la colonisation à la gauche et aux Français d’origine africaine. Celle sur le Ceta à la droite classique, et celle sur le mariage pour tous à l’extrême droite. Telle est la stratégie du candidat Macron, cirer les pompes de chacun en espérant qu’on ne retiendra que ce qui nous plaît. Et dans tout ça, toujours pas une once de proposition, juste de simples postures… Mais sortons de l’émotion créée par ces effets d’annonce. Emmanuel Macron ne sait-il pas que la colonisation et l’esclavage ont été des conséquences directes du libre-échange totalement dérégulé, celui-là même qu’il cautionne avec tant d’ardeur quand il applaudit le Ceta ? Car oui, la colonisation n’avait pas d’autre but que de faire commerce au plus bas prix de marchandises produites dans des pays facilement conquis. Et que pour produire au prix le plus bas, l’esclavage était bien sûr le moyen le plus aisé… D’ailleurs si la colonisation politique a presque disparu, elle est désormais économique. Combien de pays d’Afrique profitent réellement des formidables ressources qu’ils produisent, alors que ces mêmes ressources appartiennent à des multinationales comme Total, Bouygues ou le groupe Bolloré (pour ne parler que des grandes entreprises françaises) ? Tout cela sans parler des salaires dérisoires alloués aux travailleurs locaux et, vous le savez, à une déréglementation telle que des enfants de mois de 10 ans travaillent en Afrique ou en Asie. Voilà à quoi mènent des accords tels que le Ceta, à quoi mène ce libre-échange qu’on vend comme salvateur. Et je ne parle même pas des normes sanitaires, sociales, écologiques ou de sécurité que ce genre de traité abat. Nous forçant ainsi à acheter ce qu’il y a de moins cher et donc de plus nocif dans tous les domaines. Alors oui, le « crime contre l’Humanité » est « en marche » et Macron en est l’un des exécutants. Lui qui prétend retenir les leçons de l’Histoire aime portant la déformer à sa guise. Premier point, le but est bien sûr de tromper les électeurs. Car quand il parle d’une France humiliée par le mariage pour tous alors qu’il affirme que la loi Veil sur la légalisation de l’avortement fut un exemple de consensus politique qui justifierait son positionnement « ni de gauche ni de droite »; il oublie que ceux qui défilèrent alors contre la loi Veil étaient les mêmes qui ont défilé contre le mariage pour tous… Pardonnons-lui, il n’était pas né lors des débats houleux qui accompagnèrent cette loi… Alors pourquoi dire tout et son contraire ? Pourquoi tant d’approximations, de mensonges par omission voire de mensonges tout court. C’est là qu’intervient le deuxième point : qui est réellement derrière ce jeune à la mémoire courte ?

Cet ami qui vous veut du bien…

Ses détracteurs le surnomment souvent « le candidat des banques ». Ils ont raison (et pas uniquement pour son passé à la banque Rothschild) mais il est surtout le candidat de quelques milliardaires prêts à tout pour achever enfin la prise de pouvoir qu’ils ont déjà largement entamée. Pour le comprendre, il suffit de s’intéresser à son parcours. Bon élève dans un lycée privé géré par des Jésuites (où il rencontrera une certaine Brigitte, sa prof de Français et héritière d’une grande chocolaterie, qu’il épousera quelques années plus tard). Il poursuit des études de lettres avant d’échouer au concours de Normale Sup, mais continue ses études et intègre l’ENA à 25 ans, en 2002.

C’est cette même année, alors qu’il est stagiaire à la Préfecture de l’Oise, qu’il fait la connaissance d’un certain Henry Hermand. Peu connu du grand public, Hermand (décédé en novembre dernier à l’âge de 92 ans) est un homme d’affaire puissant, l’un des pionniers de l’implantation des supermarchés en France et dans quelques pays d’Afrique. Mais il est surtout l’une des têtes pensantes du PS dont il va influencer le programme économique pendant une quarantaine d’années. Il est aussi implanté dans le monde de la presse, dirigeant le journal Le Matin de Paris (disparu depuis mais qui fut l’un des grands quotidiens français) avec Max Théret, lui aussi très impliqué dans les choix économiques du PS. Hermand est également très proche de Jacques Juillard (Le Nouvel ObservateurMarianne…). L’amitié entre Macron et Hermand est si profonde que ce dernier prête 550.000 euros au jeune Emmanuel pour qu’il s’achète un appartement et sera aussi son témoin de mariage.

Si on connait mal les relations exactes liant Hermand à Macron, il est évident que le mentor a ouvert bien des portes au jeune Emmanuel. Notamment celles qui mènent à deux des personnes les plus influentes en France : Alain Minc et Jacques Attali.

Difficile de dire ce que Macron doit exactement à ces deux personnalités. Pour Attali, le lien est pourtant facile à faire. Lorsque Jacques Attali était conseiller de Mitterrand, il lui conseilla fortement quelques individus dont François Hollande, Ségolène Royal et… l’écrivain Erik Orsenna ! Sachant cela, on comprend comment Hollande ait pu avoir l’idée de prendre Macron dans son gouvernement. Tout comme on comprend les soutiens affichés par Ségolène Royal et Erik Orsenna aujourd’hui. Plus troublant, C’est bien Jacques Attali qui a fait rentrer Macron à la banque Rothschild en 2008, un an après l’avoir pris dans la fameuse commission Attali dont le but était de conseiller… le Président Sarkozy ! Au passage, la loi Macron adoptée sous Hollande (casse d’aspects importants du droit du travail, facilitation des licenciements et plafonnement des indemnités, entre autres) est l’une des dispositions prônées par cette commission Attali… Jacques Attali est également une personne particulièrement influente dans les médias. Actuellement éditorialiste de L’Express, il est aussi l’un des patrons du site d’information Slate (co-fondé avec un… ami de Macron !) et on ne compte plus ses interventions médiatiques… Enfin, c’est un proche de François Pinault (patron de l’hebdomadaire Le Point et l’un des 10 milliardaires français les plus riches).

Petites affaires entre amis…

Pinault est d’ailleurs l’un des points communs entre Attali et Alain Minc. Ce dernier est en effet conseiller de Pinault mais aussi de Lagardère, autre très grosse fortune française, marchand d’armes et l’un des premiers patrons de presse en France puisqu’il possède 11 chaînes de télévision, 3 radios (dont Europe1) et 37 journaux (dont Paris Matchet VSD qui, sans doute par hasard, font régulièrement des couvertures sur Macron…). Autre intérêt d’Alain Minc, il est membre des conseils d’administration de Vinci et d’Yves-Saint-Laurent (YSL). Et cela n’a rien d’anecdotique. Car YSL, c’est aujourd’hui Pierre Bergé, soutien affiché de Macron mais surtout personnage très implanté dans les médias depuis les années 80 et, surtout, depuis 2010 lorsqu’il rachète le groupe Le Monde avec Matthieu Pigasse (homme d’affaires qui détient, entre autres, la version française du site Huffington Post) et Xavier Niel (soutien de Macron, patron de Free et beau-fils de Bernard Arnault, ce dernier possédant entre autres le quotidien Le Parisien-Aujourd’hui en France). Or qui a orchestré cette vente ? Emmanuel Macron !

Et puisque l’on parle de ventes orchestrées par Macron, on ne peut pas passer à côté de l’affaire Alcatel-Lucent, fleuron de l’industrie française vendu au finlandais Nokia avec l’aide d’Emmanuel Macron, alors Ministre de l’économie et des finances… Autre fait troublant, Michel Combes (alors PDG d’Alcatel-Lucent) profite de cette vente pour partir avec une indemnité de 14 millions d’euros avant de prendre 49% des parts du groupe RMC/BFMTV…

D’autres soutiens embarrassants…

A ce stade-là, on est déjà en droit de se poser beaucoup de questions concernant la collusion entre quelques milliardaires, les médias influents qu’ils possèdent et le candidat Macron. Et pourtant ce n’est pas fini! Aujourd’hui, la communication de la campagne électorale de Macron a été confiée à Sylvain Fort qui occupa ce type de fonction auparavant pour Bernard Arnault (le monde est petit) ainsi que pour… Vincent Bolloré (qui ne cache d’ailleurs pas son soutien à Macron). Bolloré, vous vous souvenez ? Le patron d’un des groupes français qui exploite le plus le continent africain… Mais Bolloré c’est aussi le patron de l’énorme groupe audiovisuel Canal+ dont fait partie la chaîne d’information iTélé.

Mais parmi les soutiens à Macron affichés, on trouve aussi Yves de Kerdrel (directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles et éditorialiste au Figaro), Claude Bébéar (ancien patron d’Axa, et dont il se dit qu’il aurait financé les manifestations contre le mariage pour tous. Quel hasard…), Pierre Gattaz (patron du Medef, lui-même militant de la casse du droit du travail), Alexandre Bompard (ancien dirigeant de Canal+ et Europe1, et ancien conseiller de… Fillon !), ou encore du méconnu Renaud Dutreil, pourtant créateur du controversé RSI…

La politique du pire

Au final, il est évident que la candidat qui se définit « anti-système » est la marionnette d’une poignée des plus riches milliardaires français (Bolloré, Arnault, Pinaut, notamment) qui détiennent une très large part des grands médias français. Ce qui explique bien sûr la bienveillance dont ces médias font preuve à son égard. Tout cela étant orchestré par deux des personnalités les plus influentes dans les hautes sphères de France : Minc et Attali. Sur le plan politique, l’absence de programme du candidat Macron se comprend ainsi aisément. On l’imagine mal avouer que la motivation de ceux qui le financent et font sa promotion est de mettre en place une politique qui servirait leurs propres intérêts, au détriment de ceux du reste de la population… Dans ces conditions, oui, on peut parler de la tentative de quelques puissants de s’emparer du pouvoir dans une sorte de coup d’Etat télégénique… En ce sens, une éventuelle victoire d’Emmanuel Macron serait un véritable danger pour notre démocratie déjà mise à mal depuis trop d’années, autant qu’un facteur aggravant de l’appauvrissement général de notre pays (salariés, agriculteurs, petits patrons, chômeurs, retraités étant tous grandement menacés dans un contexte où le libre-échangisme serait roi).

A ce stade-là, mes recherches ne m’ont pas encore permis d’établir de liens avérés avec Bouygues (groupe TF1, 11 chaînes dont TF1 et LCI) même si Macron vient de débaucher le DG de Bouygues Télécom. Ni avec Bruno Ledoux et Patrick Drahi (propriétaires de LibérationL’ExpressL’ExpansionL’EtudiantLe Nouvel Économiste ou encore i24news…), même si leurs dernières déclarations collent parfaitement au discours du « révolutionnaire » en culotte courte… Affaire à suivre donc.

Axel Bader



Articles Par : Axel Bader

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