Main basse sur Anticosti, Québec : L’étrange nouveau partenaire de Pétrolia
Maurel & Prom, ou le « faux-nez » de Total et de l’Empire Desmarais
Il y a un peu plus de deux ans, alors que je cherchais à comprendre ce qui se passait dans le dossier Pétrolia à Anticosti, j’étais tombé sur une série d’informations qui permettaient de comprendre que l’Empire Desmarais s’était caché derrière une multitude de paravents pour prendre une position financière dans l’affaire, et j’avais fait part de mes découvertes aux lecteurs de Vigile dans un texte intitulé« Anticosti : les traces de Power Corp sont partout ».
Parmi les actionnaires de Petrolia, on retrouvait une mystérieuse entreprise, Pilatus Energy AG, une société suisse formée pour la circonstance par Loïk LeFloch-Prigent, un ancien président d’Elf-Aquitaine alors que Paul Desmarais père y siégeait au conseil d’administration, et dont la fusion avec la Compagnie française des pétroles (CFP) allait donner naissance à TOTAL, fortement implantée en Alberta dans les sables bitumineux et qui a choisi ces dernières années de privilégier le développement des hydrocarbures non conventionnels, soit le pétrole et le gaz de schiste.
Les difficultés financières d’un des actionnaires de Pilatus, Abbas Youssef, le père de Saaed Youssef qui est président de sa filiale canadienne, vont conduire à l’emprisonnement de Le Floch-Prigent dans une geôle togolaise pendant six mois à l’issue d’une série de péripéties politico-rocambolesques qu’il raconte lui-même dans une entrevue accordée le 29 mai dernier à la chaîne télévisuelle du gouvernement français, France 24, et que je vous présente ici. Il commente les activités de Pilatus au Canada à compter de 2:43.
Photo : Jean-François Hénin, président de Maurel & Prom
Le 13 juillet dernier, dans une entrevue accordée au site d’information « Le Télégramme », basé en Bretagne, sous le titre « Explorer, une nécessité », Loïk Le Floch-Prigent énonce son credo, en rupture avec la position du gouvernement de François Hollande, sur la nécessité d’explorer le sous-sol à la recherche de pétrole non conventionnel dans des termes qui rappellent étrangement ceux d’André Caillé, de Lucien Bouchard, et du Gouvernement Marois :
« Tant que nous n’avons pas expérimenté, nous n’en savons rien. Il faut commencer par explorer et donc forer. Le refus de l’expérimentation, c’est l’obscurantisme. Cette première étape exige des règles strictes. Il suffit de les fixer comme c’est le cas depuis plus de cent ans avec des milliers de forages effectués sans incidents majeurs, y compris les forages à fracturation hydraulique qui existent dans notre pays depuis au moins cinquante ans. Je suis donc, comme tout Français éclairé, favorable à l’expérimentation sous réserve qu’elle suive les règles. »
On se souviendra que le 8 juin dernier, notre ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet avait tenu des propos au même effet dans une pirouette d’une désinvolture consternante :
« Et les forages exploratoires réalisés par les entreprises privées auront cette utilité, soutient-il. « On va coller des gens du ministère lors des forages », dit le ministre. Il ne croit pas qu’il aurait été préférable de permettre seulement les forages réalisés à des fins scientifiques. « On va faire un deux pour un », lance-t-il. Grâce aux entreprises, Québec connaîtra aussi le potentiel commercial du pétrole à Anticosti. »
Sauf qu’il s’était bien gardé d’évoquer le nombre de forages qui seraient nécessaires pour identifier le potentiel pétrolier commercial d’Anticosti. Ce n’est pourtant pas un détail. On parle en effet de 12 000 à 15 000 puits, selon l’expert indépendant Marc Durand :
« Si on regroupe les puits à raison de six par plateforme de forage, il faudrait 2000 plateformes. Selon ce que j’ai constaté, le rayon d’action d’un forage est en moyenne de 1000 mètres. Il faut donc implanter une plateforme tous les deux kilomètres sur toute la surface de l’île pour exploiter au maximum le gisement, d’après les chiffres avancés par les promoteurs. »
Outre le fait qu’un exercice de ce genre aurait pour effet de transformer ce joyau de la biosphère qu’est l’Île d’Anticosti en fromage gruyère, le potentiel d’accidents avec la fracturation hydraulique est beaucoup trop élevé tant pour la nappe phréatique de l’Île que pour les fonds sous-marins environnants, et c’est sans parler de la perturbation de la faune.
On ose espérer que l’expérience de la tragédie de Lac-Mégantic aura amené le ministre Blanchet et le gouvernement Marois à une plus juste appréciation des effets dévastateurs d’une catastrophe environnementale. Même un chien sait qu’il ne doit pas souiller sa niche.
Mais pour en revenir à Loïk Le Floch Prigent et à son intérêt et à celui de l’Empire Desmarais pour la manne pétrolière d’Anticosti, il a fallu l’annonce soudaine par Petrolia ces jours derniers de la conclusion d’un « accord de partenariat » avec les entreprises françaises Maurel et Prom et MPI pour le développement de treize permis de recherche d’hydrocarbures en Gaspésie, péninsule située au sud-est du Québec, pour qu’on découvre le pot-aux-roses.
« Maurel & Prom et MPI réalisent cette opération par le biais de Saint-Aubin Énergie S.A.S., véhicule commun d’investissement détenu aux deux tiers par MPI et un tiers par Maurel & Prom. L’accord couvre une surface de 1.892 km2. »
Le communiqué de Pétrolia précise pour sa part que « Les [nouveaux] partenaires poursuivent également des discussions afin d’étendre leur collaboration sur d’autres territoires au Québec où Pétrolia possède par ailleurs des intérêts. Les recherches s’adresseront à des réservoirs de nature non conventionnelle, sans exclure la présence de dépôts classiques ». Or l’autre territoire où Pétrolia détient des intérêts dans des réservoirs de nature non conventionnelle est justement l’Île d’Anticosti.
Après une prise de participation dans le capital de Pétrolia, la deuxième phase de l’intéressement masqué de l’Empire Desmarais dans ses activités est une participation à ses activités de développement.
Quelques recherches sur Google nous permettent de découvrir qui sont les deux entreprises partenaires de Pétrolia, quel est leur historique, et quel est le passé de leur principal dirigeant. Et ces informations nous ramènent tout droit à Loïk Le Floch-Prigent et aux réseaux de contacts et d’influence qu’il a développés alors qu’il était à la tête d’Elf-Aquitaine.
Maurel et Prom et MPI sont toutes deux dirigées par Jean-François Hénin, un homme d’affaires français surtout connu dans les cercles internationaux pour avoir été à l’origine de l’un des pires scandales financiers de l’histoire alors qu’il dirigeait dans les années 1990 une filiale du Crédit Lyonnais, Altus Finance.
Voici ce que l’on trouve sur Wikipédia à son sujet :
« Altus Finance était une filiale du Crédit Lyonnais dirigée par Jean-François Hénin. Initialement filiale de Thomson-CSF (branche défense de Thomson) sous le nom de Thomson CSF Finances, elle a été acquise en février 1990 par le Crédit Lyonnais. Son président, Jean-François Hénin était alors auréolé du succès de sa fructueuse gestion de 1983 à 1989 au sein du groupe d’armement.
Alors banque nationalisée, le Crédit Lyonnais devait renforcer ses fonds propres pour satisfaire à une nouvelle norme internationale, connue sous le nom de ratio Cooke. Pour éviter d’injecter des fonds dans la banque, l’État imagina un « meccano industriel » consistant à apporter à la banque la filiale de Thomson, alors également dans le giron public, en échange Thomson devint actionnaire du Crédit Lyonnais enrichi de la valeur d’Altus.
Au sein du Groupe Crédit Lyonnais, Altus était chargée, selon une formule ambiguë attribuée à Jean-Yves Haberer, alors président du Crédit lyonnais, de faire « ce que le Crédit Lyonnais ne sait pas, ne peut pas ou ne veut pas faire ».
Jean-François Hénin y a mis en œuvre ses théories de l’achat à contre-cycle, consistant à acheter des actifs en bas de cycle, lorsque les autres investisseurs les boudent, pour les revendre ultérieurement (en « haut de cycle ») lorsque ces actifs sont redevenus attractifs.
Essayant de combiner les avantages de l’appartenance à un grand groupe puissant et ceux d’une petite structure agile, Altus a engagé de nombreux investissements dans le début des années 1990, aboutissant à un portefeuille hétéroclite comprenant, entre autres […] la compagnie d’assurance américaine Executive Life qui a défrayé la chronique il y a quelques années.
Lors de la reprise en main de la banque publique au milieu des années 1990, ces investissements ont été transférés au CDR, puis cédés, pour la plupart avec de fortes pertes, pour un déficit de plusieurs milliards de Francs entraînant la liquidation d’Altus.
Compte tenu des conditions de cession de cette structure, qui n’étaient pas de nature à optimiser la valeur des actifs, ainsi que la spécificité de l’achat à contre-cycle, il est difficile de chiffrer avec exactitude le solde de la gestion d’Altus – le consensus s’établit toutefois sur un montant en perte, même si l’ampleur est discutable.
Dans une interview accordée aux reporters du documentaire Série noire au Crédit Lyonnais, Jean-François Hénin estime que les gains réalisés pendant la période où la structure appartenait au groupe Thomson sont de l’ordre des pertes creusées pendant son passage dans le giron du Lyonnais – Ceci situerait le montant à environ 10 milliards de francs (environ 1,5 milliard d’euros).
Parfois baptisée Astuce Finance par ses détracteurs, l’établissement a fait l’objet en 1995 d’un rapport très critique de la Cour des comptes sur la gestion des années 1990 à 1993, estimant alors les pertes à environ 20 milliards de francs. » [ ! ]
Vous aurez remarqué qu’avant de se retrouver dans le giron du Crédit Lyonnais, Jean-François Hénin oeuvrait dans le secteur de l’armement et de la défense, une branche dans laquelle il se trouvait parfaitement à l’aise vu son passé militaire comme parachutiste. Hénin appartient à la caste assez spéciale des « baroudeurs » ou des « affreux », comme on qualifie en argot français les « paras » spécialisés dans les opérations clandestines, et il a adapté son savoir-faire militaire au secteur financier.
Dans le cadre des choses « que le Crédit Lyonnais ne [savait] pas, ne [pouvait] pas ou ne [voulait] pas faire », il y avait la prise de contrôle de l’assureur américain Executive Life.
Voici comment Wikipédia décrit l’opération :
L’affaire Executive Life concerne Executive Life Insurance Company, la plus grosse compagnie d’assurance-vie de Californie, États-Unis, au moment où elle fit faillite en avril 1991, à cause de ses investissements en obligations risquées (junk bonds). À cette époque, c’est la plus grosse faillite d’une compagnie d’assurance.
Le Crédit Lyonnais, alors banque publique française, a contourné la loi américaine en rachetant cette société via une société écran offshore et l’affaire qui a suivi a coûté 750 millions de dollars d’amende à l’État français qui a couvert les dettes du Crédit Lyonnais après la faillite de cette banque.
L’affaire
Après que l’État de Californie a pris le contrôle d’Executive Life, il vend en novembre 1991 le portefeuille de produits financiers toxiques à Altus Finance, une filiale du Crédit Lyonnais, pour un montant de 3,25 milliards de dollars.
Or, en vertu du Glass-Steagall Act qui interdit aux banques de posséder des compagnies d’assurance, le Crédit Lyonnais organise un montage avec différents investisseurs, pour créer une société écran nommée Aurora National Life Assurance Co.
En juillet 1998, un Français dénonce de manière anonyme le montage au California Insurance Department, en précisant que le Crédit Lyonnais est le propriétaire effectif d’Executive Life, et qu’il prend toutes les décisions via des accords secrets.
Au début 1999, le California Insurance Department intente un procès au Crédit Lyonnais et aux autres parties prenantes ; il leur demande deux milliards de dollars de dommages et intérêts.
En 2003, le Crédit Lyonnais, le Consortium de réalisation, structure qui a repris les dettes du Crédit Lyonnais en faillite, et ses partenaires, acceptent de payer 771 millions de dollars pour les faux rapports remis aux autorités de contrôles pour l’acquisition de produits toxiques et de la compagnie d’assurance (dont 600 millions de dollars pour le CDR).
En 2006, Jean Peyrelevade, qui a reconnu avoir menti, a écopé de 500 000 dollars d’amende et cinq ans de mise à l’épreuve. Jean-François Hénin qui a reconnu avoir menti a été condamné à payer 1 million de dollars d’amende.
En 2011, Le Crédit Lyonnais et le Consortium de réalisation (CDR) acceptent de payer 150 millions de dollars d’indemnités à l’assureur américain AIG3.
Artémis, le holding de François Pinault, est condamné en 2006 par la justice américaine à payer 241 millions de dollars d’amende et 700 millions de dollars d’indemnités, mais cette condamnation est annulée en appel en 2008 et renvoyée à un jury populaire qui le relaxe en 2012. »
Le nouveau partenaire de Pétrolia est donc un « baroudeur » recyclé dans les opérations financières clandestines, spécialiste de la mise sur pied de sociétés-écrans ayant pour but de confondre et d’abuser les autorités compétentes sur la véritable identité des parties intéressées, et un menteur avéré qui s’est même déjà vu condamné à une amende de 1 million de $ pour un délit de cette nature par un tribunal américain, et à cinq ans de probation et cinq ans d’interdiction du territoire américain.
Tout un personnage qui a déjà été également mis en examen en France pour abus de biens sociaux, un délit en droit français qui consiste à
« faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage que le dirigeant sait contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement. »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Pétrolia n’a pas froid aux yeux pour s’associer avec un personnage aussi sulfureux. Il est vrai que l’argent n’a pas d’odeur… Mais on peut se se demander s’ils ont même fait une vérification diligente ! Si j’étais actionnaire de Pétrolia, j’aurais de sérieuses questions à adresser à ses dirigeants.
Quand aux entreprises Maurel & Prom et MPI, il faut savoir que si la première a presque deux siècles d’histoire, ce n’est qu’en 1999 que Jean-François Hénin en devient d’abord le gérant. Voici comment Le Figaro racontait, en 2007, sa montée en puissance :
« En 1999, sous l’impulsion de son nouveau gérant Jean-François Henin, la société Maurel&Prom se sépare de EEM. A l’époque, ce diplômé en droit et en sciences économiques traine une réputation sulfureuse. Pour beaucoup, il porte une lourde responsabilité dans les investissements hasardeux – ordures ménagères de Sater Parachini, bateaux défiscalisés de Stardust, supermarchés de François Marland- qui ont conduit la banque publique à la déconfiture (10 milliards de francs de pertes). Son image sera surtout ternie par l’affaire Executive Life, acquise « normalement par la mutuelle MAAF », selon Hénin, et « illégalement par le Crédit Lyonnais », selon les Américains, alors que la loi américaine interdit à une banque d’acquérir un assureur.
Menacé d’une amende de 700 millions de dollars et 20 ans de prison, ce dernier négocie une réduction de la peine à un millions de dollars et cinq ans d’interdiction de territoire. Licencié d’Altus en 1993, il récupère EEM. Il investit au Vietnam dans une chaine d’hôtels. Il monte une télévision locale. Il exploite une ferme au Congo et devient même chercheur d’or au Mali.
L’audace de parier sur le baril. Début 2000, sur les conseils de son ami d’enfance, l’ingénieur pétrolier Michel Perret, il se lance dans la quête de l’or noir, alors que le baril de pétrole vaut 12 dollars. Il quitte EEM et prend la gérance de sa filiale Maurel & Prom. Le pari semble fou : « Mon équation de base était simple : j’étais convaincu qu’à long terme les cours du pétrole se stabiliseraient à 25-30 dollars le baril et que dans ces conditions, on ne pouvait que gagner de l’argent en exploitant des champs à faibles coûts ».
Il se lance alors à corps perdu dans l’aventure. À Singapour, il achète Clémentine, un bateau de forage, puis passe rapidement à l’exploration-production. Après un épisode à Cuba, il se rend ensuite au Congo, où il achète le champ M’ Boundi, abandonné par Total. Il dépose son assurance-vie et ses dernières actions en gage chez sa tante, pour payer les 9 millions de dollars de forage. En 2001, le pétrole jaillit de son premier puits africain. En 2005, il reprend la société Knightsbridge Petroleum, ancienne propriété de Ben Laden, pour doter Maurel & Prom de champs pétroliers au Venezuela et en Colombie.
Le pari semble gagné. Le groupe Maurel & Prom a cédé en février à l’italien ENI pour 1.43 milliard de dollars, le gisement pétrolier de M’Boundi au Congo (plus de la moitié de son chiffres d’affaires), qu’il avait acquis pour quelques dizaines de millions de dollars sept ans auparavant et le gisement de Kouakouala à Eni Congo SA. Il représente plus de la moitié de son chiffre d’affaires. D’où l’annonce le 15 mai dernier d’une chute de 63% de son chiffre d’affaires au premier trimestre à 60,1 millions d’euros, contre 160,5 millions un an plus tôt. Hors cession au Congo, les revenus diminuent de 36%.
Désormais, le groupe entend diminuer la part de chance dans la future réussite du groupe. « On ne dépend plus d’un seul pays et on s’est donné les moyens de lancer en même temps de très nombreux projets d’explorations ». Le groupe espère même retrouver dès 2009 son niveau antérieur à la cession, grâce à son champ d’Onal au Gabon, ainsi que ses actifs colombiens. »
Quant à MPI, c’est une « spin-off » de la première à partir de ses activités nigérianes. Elle est entièrement privée et n’a donc de compte à rendre à personne, ce qui la rend complètement opaque et lui permet de servir de masque à des intérêts désireux de demeurer « en retrait », pour dire les choses élégamment.
Vous aurez remarqué que Hénin doit à un ami d’enfance, « l’ingénieur pétrolier Michel Perret », son engagement dans le secteur pétrolier. Or Michel Perret est un ancien d’Elf-Aquitaine, que dirigeait Loïk Le Floch-Prigent et au conseil d’administration de laquelle siégeait Paul Desmarais.
Voici ce qu’en dit le site de Maurel & Prom :
« Michel Perret – Directeur forage Diplômé de l’Institut Français du Pétrole (IFP) Ingénieur pour Forex, Forex Neptune et ELF Aquitaine, consultant indépendant de Shell, ELF, ENI, BHP Petroleum, participation à la création de BHP Petroleum en Australie, de Joint Oil en Libye, participation à la transformation de Maurel & Prom en compagnie de recherche et de production pétrolière. Directeur forage de Maurel & Prom depuis octobre 2001. »
En fouillant un peu, vous découvrirez que Maurel & Prom a également une participation financière dans une entreprise canadienne de forage pétrolier établie à Calgary, Tuscany International Drilling, et que Michel Perret siège justement au conseil d’administration de cette entreprise. Il ne faudrait pas se surprendre de la voir apparaître au Québec lorsque les permis d’exploration seront accordés.
En fait, plus on examine le cas de Maurel & Prom et de ses collaborateurs, plus on se rend compte que l’entreprise n’a pu réussir qu’avec la complicité de joueurs importants de l’industrie française du pétrole tels que Loïk Le Floch-Prigent qui, en plus d’avoir dirigé Elf-Aquitaine de 1989 à 1993, fut également président de GDF (Gaz de France) de 1993 à 1996 avant sa privatisation et sa fusion avec Suez (l’Empire Desmarais détient également une participation dans GDF-Suez), ou Christophe de Margerie, l’actuel président de Total.
Le monde français du pétrole est très petit, tout le monde connaît tout le monde, et l’importance de la présence française en Afrique et les vicissitudes politiques de la colonisation, puis de la décolonisation, ont forgé des liens très étroits entre tous les acteurs, peu importe l’étendard sous lequel ils interviennent à un moment ou un autre.
De plus, les antécédents de Jean-François Hénin chez Altus et le rôle que lui avait alors confié le Crédit Lyonnais de faire ce « que le Crédit Lyonnais ne [savait] pas, ne [pouvait] pas ou ne [voulait] pas faire » amènent n’importe quel observateur un tant soit peu perspicace à se demander s’il n’est pas en train de jouer le même rôle dans l’industrie pétrolière pour le bénéfice de Total, de l’Empire Desmarais, et le sien propre, en usant des moyens clandestins qu’il maîtrise si bien.
Hydro Québec
Cette question ne revêt pas pour les Québécois un caractère théorique. Ils ne savent toujours pas à quelles conditions Hydro-Québec a cédé à Pétrolia ses droits sur l’Île d’Anticosti, et à voir le secret qui entoure toute cette affaire et les grandes manoeuvres de dissimulation auxquelles elle donne lieu, on n’est guère rassuré.
On comprend dès lors beaucoup mieux l’hostilité manifestée par l’Empire Desmarais à la nomination de Pierre-Karl Péladeau à la présidence du conseil d’administration d’Hydro-Québec l’an dernier. L’idée de voir cet adversaire mettre le nez dans ses petits (et ses grands) secrets ne lui souriait pas du tout. Reste à voir maintenant jusqu’où il poussera la curiosité, dans un contexte où Hydro-Québec est déjà dans la mire de l’UPAC.
Avec la quantité de contrats qu’elle accorde et pour avoir eu un temps comme membre de son conseil d’administration le gangster présumé Gilles Vaillancourt, ci-devant maire de Laval, il ne serait guère surprenant que l’UPAC fasse des découvertes intéressantes.
Mais ce qui devrait faire l’objet d’une enquête approfondie, c’est la « filiale » TM4 Inc, une entité au statut ambigu qui sert de courroie de transmission vers le secteur privé pour les technologies développées par les experts de l’Hydro-Québec à des conditions particulièrement opaques qui soulèvent de nombreuses questions.
Ainsi, c’est cette nébuleuse qui a « avalé » le moteur-roue développé au début des années 1990 par le Dr Pierre Couture. « Comme par hasard », cette technologie s’est retrouvée entre les mains du Groupe Industriel Marcel Dassault, représenté au conseil d’administration de Power Corporation par Laurent Dassault, alors que le vice-président du conseil de Power Corporation, Michel Plessis-Bélair, siège pour sa part au conseil d’Hydro-Québec, comme je l’ai d’ailleurs mis en relief dans mon livre intitulé « Desmarais, La Dépossession tranquille », paru aux Éditions Michel Brûlé en avril 2012.
Le « hasard » fait si bien les choses, comme je suis en train de le démontrer une fois de plus dans mon prochain ouvrage à paraître chez le même éditeur à l’occasion du Salon du livre de Montréal cet automne, intitulé « Henri-Paul Rousseau, Le siphonneur de la Caisse de dépôt ». Et devinez à qui ce siphonnage a profité ?
Richard Le Hir