Mali : ingérence humanitaire ou nouveau Sahelistan ?(Troisième partie)

Quatre mouvements fantoches et un manipulateur

Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) est créé le 16 octobre 2011, avec comme objectif la création d’un Etat indépendant dans la région nord du Mali ! Comme par hasard, le 26 août 2011, l’ancien et véritable leader du mouvement dit de l’Azawad, Ibrahim Ag Bahanga, est tué dans un mystérieux accident de voiture dans le désert… Cette mort permettra l’usurpation de la «cause Azawad» par les valets de la France et du Qatar. Ibrahim Ag Bahanga était l’un des trois leaders du mouvement de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC) créé en mai 2006, aux côtés de Hassan Fagaga (un ex-officier de l’armée libyenne) et Iyad Ag Ghali. Le premier ex-secrétaire général du MNLA, Mohamed Ag Najem, n’est autre que le neveu d’Iyad Ag Ghali.

En 1990, il rejoint la rébellion du Mouvement populaire de libération de l’Azawad (MPLA) créé par son oncle en 1988. Après les accords avec l’Etat malien en 1992, il dépose les armes et retourne en Libye où il obtient le grade de colonel. Il déserte en 2011, avant la chute de Kadhafi et revient au Mali où il fonde le MNLA à l’instigation de l’Otan et de la France, selon des officiers maliens. Nous donnerons plus loin des indices de cette manipulation. Grâce à la France, le MNLA avait de gros moyens, et les agents qui ont entraîné ses éléments sont Français, dont deux sont actuellement des otages d’Aqmi. Le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, est l’oncle du fondateur du MNLA, lui aussi dissident de l’ADC. Lyad Ag Ghali créé Ansar Dine en 2010… Cet ancien «bon vivant» a un long parcours de baroudeur et de trafiquant derrière lui. Après maints attentats commis par le MPLA, qu’il avait créé auparavant, il signera les accords de 1992 avant de créer un autre mouvement, le MPA, qu’il dissout en 1996. En mai 2006, il fonde le mouvement de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC) aux côtés de Hassan Fagaga (un ex-officier de l’armée libyenne) et d’Ibrahim Ag Bahanga (cité plus haut). En 2006, l’ADC signe les accords d’Alger : Iyad Ag Ghali est alors nommé en qualité de conseiller consulaire du Mali à Djeddah. Le bon vivant, habitués aux bars du désert, se retrouve à fréquenter des barbus : suspecté d’activités avec des extrémistes, il est déclaré persona non grata par les Saoudiens, alors il se retrouve à Paris à fréquenter les mosquées. Bizarrement, à la veille de la «révolution» libyenne, il revient au Mali en 2010 où il crée Ansar Dine aux côtés d’une poignée d’anciennes recrues pseudo-indépendantistes qui, comme lui, passeront sans transition des revendications pseudo-ethniques à des revendications «djihadistes». En fait, il s’agissait d’une dizaine de Touareg de la fraction des Irayakane qui passent de la «cause azawad» à un autre fonds de commerce, celui de l’Islam. Les membres de l’ADC, quant à eux, ne suivront ni Ansar Dine ni le MNLA : ils savent qu’un même manipulateur occidental est derrière ces nouveaux sigles sortis de nulle part. Ansar Dine comptait «seulement 14 Touareg, pas un de plus», avait dit, ironique, un responsable du MNLA, qui lui disposait de plusieurs véhicules apparemment achetés avec l’argent français alors qu’Ansar Dine n’avait rien. Mais les dollars de l’émir Hamad finiront par arriver dans les 4×4 du Croissant-Rouge qatari, et Iyad Ag Ghaly pourra prendre sa revanche sur son petit neveu Bilal Ag Acherif qui a osé le narguer. Il pourra enfin avoir ses jolis véhicules, des tenues kaki, des gants, les plus jolis de tous, probablement sortis de chez le même grand-couturier qui fabrique les coûteux treillis des soldats qataris. Mais tout «islamiste» qu’il est, il suivra son «laïc» de neveu ; il suivra la meute quand elle partira à l’assaut du Nord-Mali, il fera partie de cette multinationale terroriste patronnée par la France et Qatar, avec des Etats-Unis qui ne donnent pas l’impression d’exister. Une fois au Nord-Mali, Ansar Dine pourra recruter des centaines de djihadistes maliens et africains et même des enfants pour pallier le manque de combattants autochtones, car les Touareg ont de la dignité et ne servent pas d’appât aux anciens colonialistes. Le groupe de mercenaires nigérian, Boko Haram, sera aussi appelé au festin pour attaquer des casernes et occuper le Mali dont l’armée est sans ressources, avec des fusils sans balles, car la misère a touché même le déjà malingre budget de la défense.

Mouvements fantoches et manipulateurs de l’ombre

Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) est également né avec les «printemps arabes» (fin 2011) : il s’attaque d’abord aux intérêts et aux citoyens algériens et sahraouis, apparemment afin de perturber les relations algéro-marocaines. Narcotrafiquant comme tous les groupes de brigands mercenaires, il brandit la charia comme fonds de commerce. Tous ces groupes s’inscrivent dans un scénario identique à celui écrit par Zbigniew Brzezinski pour Jimmy Carter afin de précipiter l’ex-URSS dans le piège afghan : une guerre d’usure, un bourbier, qui a eu raison de l’économie russe, causé la chute du communisme et détruit l’Afghanistan et son voisin pakistanais. L’analyste français indépendant, David S. J. Borrelli, écrit : «Pendant ce temps, le Qatar & la France (à l’œuvre en coulisses) passent la vitesse supérieure, et le nom du MNLA a commencé à se faire plus gênant, la France lui apporte tout le soutien nécessaire à l’élaboration d’un miniprojet politique préfigurant la scission du Mali, en mettant notamment à sa disposition de nombreux conseillers ainsi qu’un bureau à Paris. Pendant ce temps, le Qatar s’occupe de la formation d’Ansar Dine, dont le nom est cité pour la première fois en décembre 2011, regroupant des djihadistes du Mujao, d’Aqmi et des islamistes du FIIA au sein même et sous couvert de l’entité nationaliste-indépendantiste MNLA, complétant leur rangs par l’envoi de ‘‘takfiristes’’ des quatre coins du monde et de leur armement.»(1) David S. J. Borrelli laisse supposer que les groupes séparatistes et islamistes bénéficiaient de complicité au sein de l’armée : «Certains ordres se sont perdus, laissant croître et œuvrer tranquillement les bandes de fanatiques de ce qui deviendra Ansar Dine et le MNLA ; ce dernier n’étant qu’un cheval de Troie dans lequel a pris place le premier.» Car depuis que les Américains ont commencé à former des soldats maliens dans le cadre d’un plan d’Africom, des traîtres sont apparus… Pour cet auteur, Ansar Dine ne serait donc qu’un faux nom, un libellé factice pour des groupes déjà existant, et ce, afin de leurrer l’assistance pour faire croire qu’il s’agit d’autres factions, alors qu’elles sont sponsorisées par les mêmes commanditaires. Il semble qu’il ait raison, car les noms n’ont de sens que pour des entités ayant un sens de l’honneur comme la mafia, pas pour des mercenaires qui n’agissent pas pour leur propre compte ni pour des principes, aussi bas soient-ils. En Syrie, il y a plus d’une vingtaine de sigles «islamistes» qui opèrent, dont le fameux An-Nousra. L’enregistrement téléphonique du député libanais Okab Sakr avec un mercenaire en Syrie, le suppliant d’envoyer des armes en urgence pour faire face à l’armée syrienne, atteste que ces «islamistes» ne sont que des mercenaires qui opèrent dans le cadre d’un réseau transnational qui inclue des personnalités de haut rang, traîtres à la nation musulmane, et même quelques chefs d’Etat (dont ceux d’Arabie Saoudite, de Turquie et du Qatar sont ouvertement impliqués) et dont les Etats-Unis sont les principaux manipulateurs. Pour créer cette situation, le MNLA et le mythe d’une rébellion de «l’Azawad» – lui-même basé sur un mythe territorial – ont été utilisés comme cheval de Troie pour grossir la nébuleuse terroriste, justifiant ainsi une lutte pour sécuriser au profit de l’Occident un immense corridor qui va de l’Atlantique à la Méditerranée et la mer Rouge et qui fait l’objet de toutes les convoitises. Certains éléments dits de l’Azawad utilisent les faux prétextes d’injustices, de marginalisation et d’exclusion pour mener une énième fronde, en dépit des postes ministériels qu’ils ont occupés et des accords qu’ils ont signés. L’accord d’Alger de 2006 a donné de l’espoir d’une stabilité d’autant qu’après chaque rébellion, le gouvernement malien s’engageait à la décentralisation et à un programme de développement du Nord, en y consacrant parfois jusqu’à 48% de son budget. En 2006, certains rebelles et opposants ont été intégrés au sein des structures de l’Etat malien, qui fait l’objet avec le Niger de rebellions dites «touareg». Parmi les nombreux bénéficiaires des largesses de l’Etat malien figurent l’actuel chef d’Ansar Dine et deux membres du MNLA qui étaient ministres dans le précédent gouvernement qui comptait trois ministres touareg, alors que cette ethnie ne représente pas plus de 200 000 personnes sur une population de 15 millions d’âmes. Depuis, le Mali a aussi enrôlé plus de 3 000 rebelles dans l’armée, en plus de la nomination de milliers d’hommes bleus dans les administrations.

Les Touareg, peuple fier et nationaliste

Les Touareg sont essentiellement des nomades du Nord-Mali, une région qui compte aussi des Maures, des Peulhs, des Sonrhaïs et des Kountas. Le MNLA ose revendiquer les 2/3 du territoire alors qu’il ne représente même pas les Touareg et même pas la fratrie à laquelle il appartient. Aucun chef traditionnel, aucun amenokal n’a rejoint ce mouvement ou ses prédécesseurs, le peuple touareg étant de tradition pacifique. André Bourgeot, chercheur au CNRS français, dit dans une vidéo : «La notion d’Azawad est une construction politique. Sur le plan historique, il n’y a eu ni royaume de l’Azawad, ni empire de l’Azawad, ni chefferie de l’Azawad, donc, il s’agit bien d’une construction politique qui est animée par un groupe, je dis bien un groupe, touareg ultra-minoritaire.» Quant à Y. Togora, membre fondateur du Collectif pour la paix et le développement du Mali, il écrit qu’il existe «à Tombouctou un endroit appelé Azawad, mais qui n’est connu que de quelques autochtones. C’est une bande de terre désertique, située au nord-est de Tombouctou et au sud d’Arawane. Sa superficie ne dépasse guère les 350 km2. C’est la seule Azawad reconnue par la mémoire collective et peut-être les Archives nationales». Aucune encyclopédie ancienne ne mentionne ce nom qui fait florès dans les années 1980, avec les politiques Françafrique de Mitterrand et de Chirac. On a souvent accusé, à raison, Kadhafi d’avoir fomenté ces mouvements «séparatistes». Le «guide» libyen manipulait quelques groupes pour faire pression sur le gouvernement malien et nigérien pour les faire sortir de la tutelle française et celle de la zone Franc et les amener à son camp. Il faut rappeler qu’il faisait l’objet de complots beaucoup plus graves de la part de la France, notamment à travers son voisin tchadien, lorsque Hissène Habré était au pouvoir. Il y a des Touareg en Libye, et si l’on peut manipuler quelques brebis galeuses, nul ne peut manipuler les Touareg dans leur totalité, car ils sont attachés à leurs pays respectifs, l’Algérie, la Libye, le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Il faut être fou pour croire que Kadhafi voulait créer un Etat touareg et perdre le désert qui lui donne du pétrole. Il a utilisé la carte touareg pour faire pression sur ses voisins et finira par réussir à les fédérer, en offrant des centaines de milliers d’emplois à leurs ressortissants. Mais le «printemps arabe» aura raison de son projet panafricain. Comme toutes les communautés africaines, les Touareg comprennent des gens modérés et de modernistes mais aussi de quelques trublions séparatistes et d’islamistes, bien que leur majorité se conforme à l’Islam ancestral et se montre très réservée vis-à-vis de l’extrémisme, préférant les solidarités interethniques et claniques qui garantissent la vie dans le désert. Depuis que Kadhafi a obtenu un soutien des chefs d’Etats de la région de se rallier à sa politique africaine et de se débarrasser des bases françaises, les rebellions touareg instrumentalisées se sont tues. Puis le «printemps arabe» est subitement venu créer une génération spontanée de formations maliennes. Depuis que la Libyafrique a sérieusement menacé la Françafrique, les problèmes malien et libyen ont commencé. Le MNLA fait sa déclaration d’indépendance sur la chaîne d’Al Jazeera, la télé du manipulateur d’une simple marionnette. En ressuscitant les vieux démons séparatistes, l’Occident a créé une situation de chaos. Les velléités d’une «République de l’Azawad» ne sont pas sérieuses car elles ne sont articulées sur aucune donnée sociologique, mais une partition n’a pas besoin de cela, comme vient de le montrer la division du Soudan. Il suffit que l’impérialisme le veuille et que la victime ne prenne garde.

A. E. T.

mali guerreMali : ingérence humanitaire ou nouveau Sahelistan ? (Première partie), 08 février 2013

mali guerreMali : Ingérence humanitaire ou nouveau Sahelistan ? (Deuxième partie), 12 février 2013



Articles Par : Ali El Hadj Tahar

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