Manifestation anti-G7 à Québec sous étroite surveillance policière

«On vit dans des États-policiers, mais les gens ne s'en rendent pas compte»

La marche anti-G7 qui a eu lieu samedi après-midi à Québec a subi le même sort que les manifestations organisées plus tôt dans la journée et vendredi, à Québec et à La Malbaie, 140 kilomètres plus à l’est, où les chefs des principales puissances impérialistes tenaient leur sommet annuel. Un petit nombre de manifestants a été accueilli par une mobilisation massive et intimidante des forces de sécurité de l’État, y compris des policiers armés de fusils d’assaut.

Les organisateurs de la manifestation de samedi après-midi à Québec avaient souligné leur opposition aux tactiques anarchistes de «perturbation». Pour se conformer à la loi anti-démocratique adoptée en réponse à la grève étudiante de 2012 au Québec, ils avaient soumis l’itinéraire de la marche à la police pour approbation longtemps d’avance.

Pourtant, du début à la fin, les quelques centaines de manifestants ont été contraints de marcher entre deux colonnes de policiers en tenue anti-émeute, avec casques et bâtons. La police cherchait visiblement un prétexte pour un affrontement, tandis que des hélicoptères de surveillance tournoyaient dans les airs.

Des manifestants se rassemblent pour la marche anti-G7 de samedi à Québec.

Pendant les deux jours du sommet, des milliers de policiers ont effectivement placé sous occupation le centre-ville de Québec, la capitale de la province et sa deuxième plus grande ville.

De plus, à l’approche du G-7 et dans le but évident d’intimider les manifestants et de justifier la répression de l’État, les médias et les autorités, en particulier le gouvernement libéral du Québec et le maire de droite de Québec, ont lancé une campagne de peur en parlant sans cesse de violence possible dans les rues. Des milliers de fonctionnaires ont reçu l’ordre de ne pas se présenter au travail vendredi et les médias ont demandé aux gens de rester loin des rues et de fermer leurs fenêtres afin d’éviter les gaz lacrymogènes.

Cette mobilisation massive de type militaire, et la campagne de peur du gouvernement et des médias qui l’accompagnait, montrent que l’élite dirigeante du Canada, comme ses alliés du G-7, a l’intention de criminaliser toute opposition sociale.

«On se sent intimidé par cette police qui est partout», a déclaré Claude Vaillancourt, président d’ATTAC-Québec et porte-parole de la Coalition pour un Forum Alternatif au G7, le regroupement d’organismes civils et de syndicats qui organisait la manifestation de samedi «contre les inégalités générées par le G7».

Vaillancourt a déploré le fait qu’«il y a des gens qui normalement seraient venus ici et qui ne sont pas là». Il ne fait aucun doute que la présence massive de la police a eu un impact, tout comme l’endroit choisi pour le sommet.

Mais ces facteurs n’expliquent pas à eux seuls le faible nombre de manifestants anti-G7.

Les centrales syndicales du Québec, qui par le passé ont fait venir en bus des dizaines de milliers de leurs membres de partout dans la province pour participer à des manifestations de masse à Montréal et à Québec, n’ont montré aucun intérêt à se mobiliser contre le G7 ou le gouvernement libéral de Justin Trudeau dont ils ont salué l’élection en 2015. À l’approche des élections générales de cet automne au Québec, la bureaucratie syndicale nationaliste et pro-capitaliste se concentre uniquement à détourner l’opposition de masse à l’austérité et à l’inégalité sociale derrière le Parti québécois (PQ), le parti de la grande entreprise auquel elle subordonne politiquement les travailleurs depuis des décennies.

La police anti-émeute se prépare à encercler la manifestation.

Des manifestants interviewés par le World Socialist Web Site ont dénoncé la mobilisation de la police contre la manifestation.

«Il y a pratiquement plus de policiers que de manifestants», a commenté Éloi. Il a critiqué le budget massif dédié à la sécurité du G7: «Ce sont des dépenses complètement inutiles, tout ça pour faire peur à la population». Mais il n’allait pas se laisser dissuader: «Je suis venu ici pour m’opposer aux politiques économiques des pays les plus puissants de la planète». Éloi était surpris d’apprendre des journalistes du WSWS que le gouvernement libéral de Justin Trudeau avait augmenté de 70% le budget militaire canadien pour la prochaine décennie. Il s’est déclaré «contre toute hausse des dépenses militaires».

Fabien, un autre manifestant, a également condamné les mesures de sécurité. «On vit dans des États-policiers, mais les gens ne s’en rendent pas compte. Là, on l’a en pleine face! On a un État-policier qui est capable de mettre entre 600 millions et 1 milliard de dollars pour la sécurité, pour rien! Pour seulement faire peur au monde. Dans le dernier mois, à entendre les médias, des barbares étaient aux portes de Québec, prêts à fondre sur la ville.»

Dans son bilan officiel, le Groupe intégré de la sécurité (GIS) – qui regroupait les Forces armées canadiennes, la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), la Sûreté du Québec (police provinciale) et la police municipale de la Ville de Québec – a fait savoir que le nombre total d’arrestations effectuées depuis le début des activités anti-G7 s’élève à 13.

À l’ouverture de la manifestation de samedi, La Ligue des droits et libertés et Amnistie internationale, qui avaient déployé des observateurs sur le terrain, ont dénoncé les «comportements inacceptables de la police envers les manifestants».

«Notre mission a observé deux souricières vraisemblablement injustifiées, une dans une ruelle et l’autre sur les Plaines», ont-elles écrit dans un communiqué. «Nous déplorons cette pratique policière qui, en restreignant la liberté de mouvement sans motif apparent, brime le droit de manifester». Elles ont condamné le fait qu’un policier ait pointé «une arme d’impact à projectile … sur des personnes qui ne semblaient poser aucun danger».

Une colonne de policiers se dirige vers la manifestation, tandis qu’une autre reste en retrait de l’autre côté de la rue.

Amnistie internationale a fait état de situations au cours desquelles des policiers ont bloqué l’accès aux observateurs. «Nous avons été surpris, voire choqués d’apprendre que certaines équipes d’observateurs ont été traitées de manière cavalière, à plusieurs reprises, par des membres du service de police de la ville de Québec», a déclaré sa directrice pour le Québec, Geneviève Paul. «Certains ont même été empêchés d’observer une arrestation à laquelle des journalistes ont eu accès».

Le Manoir Richelieu, où résidaient et se rencontraient les dirigeants du G-7, a été transformé en véritable forteresse pour le sommet, et La Malbaie en un camp armé. Une clôture en béton de 3,7 km de long entourait le Manoir; la route menant à la Malbaie était fermée à la circulation; et toute la ville était placée sous une zone d’exclusion aérienne et maritime d’un rayon de 20 km. Pendant ce temps, les manifestations à La Malbaie étaient restreintes à une «zone de libre expression» de style orwellien – le stationnement d’un musée entièrement clôturé et coupé du reste de la ville.

Comme l’écrivait le World Socialist Web Site la semaine dernière: «Le gouvernement veut utiliser le G7 pour habituer la population à des mesures répressives et peaufiner les techniques des corps policiers et militaires face à la colère sociale montante».

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[5 juin 2018]



Articles Par : Reporters de WSWS

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