Massacre à Gaza

L’armée israélienne a massacré des dizaines de manifestants palestiniens non armés et en a blessé des milliers d’autres lundi à Gaza. Alors que cette atrocité était en cours, une cérémonie grotesque se déroulait à 80 kilomètres de là pour marquer l’ouverture officielle de l’ambassade américaine dans la ville divisée et occupée de Jérusalem.

Ces deux événements au 70e anniversaire de la déclaration d’indépendance d’Israël ont été juxtaposés par les médias, diffusés simultanément par les chaînes de télévision sur des écrans partagés. Ce qui n’a pu être caché fut le fait que l’ouverture de l’ambassade américaine était tout à fait conforme, une déclaration de soutien politique en fait, au massacre se déroulant à la barrière de sécurité séparant d’Israël de ce territoire occupé et misérable.

Le nombre de manifestants palestiniens non armés abattus par des tireurs de l’armée israélienne à la frontière est de Gaza était passé à au moins 59 lundi et à plus de 2 700 blessés, beaucoup souffrant de blessures graves par balles réelles, ce qui augmentera presque certainement le nombre des morts. Beaucoup de blessés perdront un ou plusieurs membres dû aux tirs israéliens. Les équipes d’ambulances palestiniennes auraient été incapables de récupérer certains des corps des manifestants abattus alors qu’ils atteignaient la clôture hautement fortifiée.

Parmi les morts se trouvaient au moins huit enfants de moins de 16 ans, dont une fillette de 12 ans et une jeune fille. Les blessés comprenaient 78 femmes et 203 enfants, a rapporté le ministère palestinien de la Santé à Gaza.

Ce massacre délibéré de réfugiés demandant le droit de retourner dans les maisons et villages d’où leurs familles furent expulsées avec violence il y a 70 ans, lors de la fondation de l’Etat d’Israël, est un acte criminel monstrueux.

La violence meurtrière déclenchée par l’armée israélienne comprenait des frappes aériennes, des tirs de chars et le largage de matériaux inflammables sur les campements de tentes où les familles palestiniennes s’étaient rassemblées.

Cette violence étatique débridée n’est motivée par aucune menace mortelle de la part des dizaines de milliers de manifestants non armés. L’armée israélienne, qui a tué plus de 100 Palestiniens depuis le début des manifestations de la « Grande marche de retour » à Gaza, le 30 mars, n’a subi aucune perte.

C’est le droit élémentaire revendiqué par les jeunes allant au-devant de la mitraille qui représente une menace existentielle pour tout le projet sioniste consistant à découper un État juif basé sur l’exclusivité raciale et religieuse au moyen de la spoliation du peuple palestinien.

Tous ceux qui sont impliqués dans ce massacre, du premier ministre Benjamin Netanyahu et son cabinet aux facilitateurs de Washington en passant par ceux qui font feu, sont collectivement et personnellement responsables de crimes de guerre. Comme l’ont établi les procès de Nuremberg contre les criminels de guerre nazis, les soldats peuvent et doivent refuser un ordre illégal de tuer sans motif des civils. C’est seulement sur une armée imbue d’idéologie raciste et fasciste qu’on peut compter pour commettre de tels crimes.

Le carnage de Gaza allait de pair avec l’atmosphère de criminalité et de réaction de la cérémonie de l’ambassade américaine, mise en scène devant un auditoire de politiciens israéliens et américains droitiers, de dirigeants de l’armée et de rabbins de haut rang.

Il y avait là Sheldon Adelson, magnat des casinos de Las Vegas dont les millions ont financé et les colonies sionistes dans les territoires occupés de Cisjordanie et la campagne présidentielle de Donald Trump. Il y avait encore Joseph Lieberman, ancien sénateur démocrate et candidat à la vice-présidence ayant rédigé la loi américaine de 1995 – soutenue par une écrasante majorité des deux partis – appelant au transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.

Soulignant ce soutien bipartite de la politique criminelle d’Israël aux Etats-Unis, le chef de la minorité démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer, a salué l’ouverture de l’ambassade à Jérusalem comme « attendue de longue date » ajoutant: « J’en félicite le président Trump.»

Le prédicateur baptiste droitier de Dallas, Robert Jeffress, qui avait déclaré que « tous les Juifs iraient en enfer » et dit que l’islam était « une hérésie issue de l’antre du diable» a fourni une invocation d’ouverture. Il a parlé aux côtés d’un rabbin israélien qui a qualifié les noirs de « singes ». Était présent également un éminent « sioniste chrétien», John Hagee, qui a déclaré que Hitler était « un chasseur » envoyé par Dieu pour accomplir la prophétie biblique en chassant les Juifs en Israël. Tels sont les amis de l’État israélien.

Trump est intervenu par vidéo mais le discours principal a été prononcé par son gendre Jared Kushner. « Nous sommes avec Israël parce que nous croyons tous les deux aux droits de l’homme, à ce que la démocratie mérite d’être défendue et parce que nous pensons savoir que c’est la bonne chose à faire» a-t-il déclaré. Rien ne pourrait mieux démasquer les « droits de l’homme » et la « démocratie » promus par Washington que le soutien américain au meurtre en masse de manifestants civils par l’armée israélienne.

Kushner a ensuite blâmé les Palestiniens pour leur propre mort, déclarant, applaudi par le public, que « ceux qui provoquent la violence font partie du problème et non de la solution. » Cette position a été précisée lundi après-midi par le porte-parole de la Maison Blanche qui a répliqué aux questions répétées pour savoir si Washington appelait Israël à la retenue en insistant que c’étaient les «actions cyniques» du Hamas, le parti islamiste bourgeois administrant le territoire de Gaza, qui portaient l’entière responsabilité du massacre.

Les médias capitalistes ont fait de leur mieux pour dissimuler l’ampleur du crime perpétré à Gaza. Les réseaux de télévision américains ont fait peu de cas du bain de sang, tout en ne critiquant pas la répression brutale d’Israël. On peut facilement imaginer la réaction si de tels assassinats avaient été perpétrés par le gouvernement en Russie, en Iran, au Venezuela ou dans tout autre pays visé par les impérialistes hypocrites des « droits de l’homme».

Les puissances européennes ont fait des déclarations faussement éplorées sur le bain de sang de Gaza qui ne font que souligner leur propre complicité. La chef de la politique étrangère de l’Union européenne Federica Mogherini a appelé Israël à respecter le « principe de proportionnalité dans l’usage de la force » – ce que, clairement, il ne fera jamais – tout en exigeant que le Hamas fasse que les manifestations « restent strictement non-violentes ».

Quant aux régimes bourgeois arabes qui avaient prétendu qu’il défendaient le peuple palestinien, ils ont tourné le dos au carnage de Gaza. La monarchie saoudienne, qui s’est alignée fermement sur les Etats-Unis et Israël dans la préparation d’une guerre régionale avec l’Iran, se félicite de la répression.

Le régime égyptien du général Abdel-Fateh al-Sisi a publié une déclaration hypocrite déclarant qu’il « rejette l’usage de la force contre des marches pacifiques qui revendiquent des droits légitimes et justes. » Cela vient d’un gouvernement qui a consolidé son pouvoir en massacrant 1600 partisans du président élu, soutenu par les Frères musulmans, Mohamed Mursi, renversé par un coup d’Etat en 2013. Le régime égyptien a exigé que les manifestations de Gaza cessent, craignant que la contagion de la résistance de masse puisse toucher son propre territoire.

En échange de la répression des manifestants, le Caire a offert d’ouvrir sa frontière à Gaza pour permettre le passage de nourriture, de carburant, médicaments et autres approvisionnements vitaux arrêtés par Israël. Tel-Aviv a fermé son unique passage frontalier ouvert en représailles aux manifestations, menaçant de faire s’effondrer complètement l’infrastructure fragile du territoire.

Il n’y a pas de différence fondamentale entre ce que le gouvernement israélien fait à Gaza et les actions des régimes les plus réactionnaires de l’histoire, depuis le meurtre de masse des Indiens à Amritsar par le colonialisme britannique en 1919 jusqu’au massacre du régime d’apartheid sud-africain à Sharpeville en 1960, en passant par les crimes du régime nazi.

Les tentatives d’Israël de justifier le massacre de Palestiniens par des références à l’Holocauste sont moralement obscènes, tout comme ses efforts pour intimider ceux qui dénoncent ces crimes en les traitant d’antisémites. Cela a été illustré de façon grotesque par Gilad Erdan le ministre israélien de la Sécurité qui a dit lundi que l’échelle du nombre de morts à la frontière de Gaza «n’indique rien, tout comme le nombre de nazis morts dans la guerre mondiale ne fait pas que le nazisme soit quelque chose qu’on peut expliquer ou comprendre. »

Seule une société profondément malade et démoralisée pourrait produire une telle comparaison entre les jeunes désespérés de Gaza, emprisonnés par l’armée israélienne dans un territoire où ils font face à un taux de chômage de 60%, à une pauvreté et des privations massives, et des nazis. La réalité est que l’occupation et la répression israélienne ont produit des conditions qui ressemblent tout à fait au ghetto de Varsovie, rempli de snipers prêts à tuer quiconque tente de sortir.

Israël se dirige vers l’abîme en tant que société et en tant que pays. Malgré le soutien que lui apporte Washington et les autres puissances impérialistes, il est perçu par des millions de gens dans le monde comme un État criminel ayant perdu toute légitimité morale et politique. Aucun gouvernement se prétendant démocratique n’a jamais commis de telles atrocités. Les crimes de Gaza sont le résultat des méthodes par lesquelles cet État fut fondé il y a 70 ans et de toutes ses conséquences depuis.

Derrière le mythe sioniste d’Israël représentant un « refuge sûr » pour le peuple juif, l’assaut contre Gaza et la poussée de Tel-Aviv vers une guerre plus large au Moyen-Orient sont dans une large mesure produits par les efforts désespérés de la classe dirigeante capitaliste du pays pour diriger les tensions sociales et sociales vers l’extérieur en promouvant la peur, le chauvinisme anti-arabe et le militarisme. Israël est le deuxième pays pour l’inégalité sociale des pays de l’OCDE, avec un taux de pauvreté de 22% et l’une des plus fortes concentrations de milliardaires par habitant au monde.

Les événements sanglants de Gaza posent avec la plus grande urgence la nécessité d’unir la classe ouvrière arabe et juive au-delà des clivages nationaux, religieux et sectaires, dans une lutte commune contre l’impérialisme, le sionisme et la bourgeoisie arabe, sur la base d’un programme socialiste et internationaliste .

Il n’y a pas de sortie nationale de l’impasse sanglante actuelle, que ce soit dans une poursuite du projet sioniste en crise ou dans la chimère d’une « solution à deux États » basée sur la création d’un Etat palestinien de type bantoustan sous la domination d’une bourgeoisie arabe corrompue.

Le massacre à Gaza est en même temps un avertissement urgent pour les travailleurs du monde entier. Le passage de l’État israélien à la répression barbare fait partie du virage à droite des gouvernements capitalistes partout dans le monde. L’indifférence des médias et des gouvernements bourgeois à l’hécatombe de manifestants palestiniens non armés montre qu’ils sont prêts à commettre et à justifier des crimes plus grands encore dans tous les pays où ils sont confrontés à une résistance massive.

Bill Van Auken

Article paru en anglais, WSWS, le 15 mai 2018



Articles Par : Bill Van Auken

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