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Menace de poursuites pénales contre la France
Par Faycal Metaoui
Mondialisation.ca, 09 janvier 2007
El Watan 9 janvier 2007
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/menace-de-poursuites-p-nales-contre-la-france/4388

Le fait est inédit : l’Algérie entend porter devant les juridictions internationales l’affaire des Algériens exécutés par l’armée coloniale française durant la guerre de Libération.

L’annonce a été faite, hier à l’agence officielle APS, par Mustapha Boudina, président de l’Association nationale des anciens condamnés à mort. Appel a été lancé aux avocats pour constituer un dossier sur 360 Algériens exécutés par les tribunaux militaires coloniaux. Mustapha Boudina a parlé d’un recours au Tribunal pénal international (TPI), jugé légitime, en ce sens que « la France reconnaît, désormais, que ce qui s’est passé en Algérie était une guerre et non pas des événements (…) » Apartir de cette reconnaissance, elle a adopté des lois au profit des harkis sans pour autant reconnaître (les) victimes de la guerre en Algérie ». Selon lui, il est du devoir des Algériens de demander réparation à la France, « pour avoir exécuté à la guillotine 202 Algériens condamnés à mort et fusillé le reste au terme d’une parodie de justice ». C’est la première fois depuis l’indépendance qu’une telle demande est formulée à un niveau important puisque Mustapha Boudina est membre du Conseil de la nation. En juin 2006, il avait annoncé que les anciens condamnés à mort exigeront que les bourreaux français soient mis devant « la réalité de leurs crimes ». L’exécution le 19 juin 1956 de Ahmed Zabana et de Abdelkader Ferradj, les premiers à être guillotinés, reste, à ses yeux, un assassinat « judiciaire et politique ». « L’amitié entre la France et l’Algérie se fera grâce au sang des Algériens versé durant les deux guerres mondiales pour la libération de la France et celui des Français qui ont soutenu la guerre de libération », avait-il déclaré. Les autorités coloniales avaient, selon Boudina, violé les conventions de Genève de 1949 qui protègent les prisonniers de guerre des exactions. A la proclamation de l’indépendance, en juillet 1962, il y avait 1800 nationalistes condamnés à la peine capitale. Une bonne partie d’entre eux est toujours en vie. Le processus de réparation auprès des juridictions internationales sera difficile. Puisque, en pratique, les TPI n’existent que pour juger les auteurs de génocides au Rwanda et en ex-Yougoslavie. La Cour pénale internationale (CPI), créée en vertu des statuts de Rome de 1998, a compétence plus large pour juger les crimes de guerre dont les infractions aux conventions de Genève mais elle ne peut pas intervenir pour juger des faits précédant sa création. L’Association algérienne des anciens condamnés à mort aura à trouver des mécanismes de réparation dans le droit international. A charge aux historiens d’éplucher les fameux accords d’Evian et les éventuels « interdits » qui y sont prévus. La demande de Boudina intervient à quelques jours de l’organisation, en Algérie — c’est une première — d’un colloque international sur les essais nucléaires français à Reggane et In Ikker en 1960 et 1961 dont la célèbre opération Gerboise bleue. Colloque co-organisé par le ministère des Moudjahidine et l’Association française des vétérans des essais nucléaires avec le parrainage du président de la République. Des vétérans, certains font partie de l’association polynésienne Mururoa e Tatou, qui ont, en 2004, déposé plainte contre le ministère français de la Défense. Les victimes algériennes, dont les voix sont éteintes depuis longtemps, aspirent, à titre individuel ou collectif, à exiger un statut auprès des autorités françaises. Officiellement, l’Algérie a demandé à la France de demander pardon pour les crimes commis en Algérie durant la colonisation. Demande exprimée par Bouteflika après le vote par le Parlement français, en février 2005, d’une loi glorifiant « les bienfaits de la présence coloniale ». La polémique qui s’est engagée depuis, et qui complique la question de la mémoire, a pulvérisé le projet, évoqué par les chefs d’Etat des deux pays, d’établir un traité d’amitié entre l’Algérie et la France.

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