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Menaces des États-Unis sur le Mexique
Par Salvador González Briceño
Mondialisation.ca, 24 février 2011
El Correo de la Diaspora latinoaméricaine 24 février 2011
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/menaces-des-tats-unis-sur-le-mexique/23358

À en juger par le flot de déclarations récentes sur le Mexique, venant de hauts fonctionnaires de la sécurité des États-Unis (Hillary Clinton, Janet Napolitano, Joseph Westphal et, récemment, James Clapper, le directeur du Renseignement National), ce pays a tourné son regard contre son voisin du sud. Reprenant la déjà vieille thèse du terrorisme international avec laquelle l’administration perverse de George Bush essaya naguère de justifier les deux invasions du Pentagone contre l’Afghanistan d’abord et contre l’Irak par la suite, maintenant la responsable de la Sécurité Intérieure, Janet Napolitano, lance une idée plus que téméraire, lourde de menaces : la possible alliance entre Los Zetas et Al Qaeda.

Ainsi, sous le prétexte de défendre sa « sécurité nationale », les États-Unis semblent être en train de préparer le terrain pour une offensive militaire —à coup sûr en usant de l’astuce des mesures préventives— avec des caractéristiques très interventionnistes sur le territoire mexicain, dans le plus pur style des faucons des Bush qui favorisèrent des guerres pour la défense de leurs intérêts énergétiques et géopolitiques au Proche et Moyen-Orient.

Profitant de la capitulation de l’actuelle administration du président Felipe Calderon —et plus généralement des deux administrations du Partido Acción Nacional— face aux volontés de Washington et tout ce qui vient des USA, mais surtout en s’appuyant sur la faiblesse du gouvernement mexicain lui-même, dévoilée jour après jour par la médiocrité de sa stratégie contre le crime organisé, notamment le narcotrafic, les gringos semblent moins disposés à aider le Mexique qu’à l’envahir.

Et s’il n’en est pas ainsi —cependant les États-Unis possèdent des services d’intelligence qui élaborent les analyses pertinentes pour sa politique extérieure, y compris pour des offensives militaires— que peut-on attendre de mieux ? Mais cette réflexion veut attirer l’attention des autorités mexicaines —la Présidence de la République, le Secrétariat de Gouvernement [1], les Affaires Étrangères mais surtout le Sénat et les Mexicains— pour qu’on porte une spéciale attention aux déclarations et dérapages que commettent les fonctionnaires en question. Parce que, entre les déclarations et l’action, la distance peut être très courte.

Surtout, pour répondre comme il se doit, tant au prétexte —revoir d’urgence la stratégie anti-narcotrafic, mieux vaut tard que jamais pour l’actuel gouvernement— qu’aux tentatives impérialistes-militaristes et invasives des gringos. Protester quand c’est nécessaire, demander
des explications de gouvernement à gouvernement (Calderon-Obama) et de Congrès à Congrès, et s’occuper avec attention de ce qui semble devenir très vite un problème grave de sécurité nationale pour le Mexique. Ce qu’il ne faut pas faire c’est de minimiser la question en demandant des excuses ou en faisant porter le chapeau de fonctionnaires de second ordre, mais bien plutôt d’évaluer la situation avec autant de lucidité qu’exige une question aussi sensible. Parce qu’avec de telles attitudes, la menace est aux portes du Mexique et de l’Amérique latine.

La succession des événements, comme les évaluations sur la narcoviolence que sont en train de réaliser les instances du renseignement et de la sécurité depuis les USA, qui inclut les représentations diplomatiques (cf les révélations d’hier dans La Jornada, « México, prioridad « 1 » para EU por la narcoviolencia » et « Tendenciosos, reportes de ex cónsul de EU… » les câbles envoyés par Wikileaks à ce journal mexicain qu’il a commencé à publier), servent de prétexte pour un changement d’approche dans les relations avec le Mexique. Changement qui se ferait au détriment de ce dernier. Il ne s’agit pas de mots mais de faits. Dans une espèce de substitution de la vieille politique de contrepoids opérée par le vieux Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), par une autre de déséquilibre et d’assujettissement que le PAN a tolérée.

C’est pourquoi, non plus sournoisement mais de façon éhontée et menaçante, des personnalités comme Napolitano elle-même n’hésitent plus à lancer des hypothèses justificatives et interventionnistes de l’éventuelle alliance : « Parce qu’à un certain moment nous avons pensé [2] (la responsable de Sécurité Intérieure des États-Unis fait allusion à tout son appareil d’espionnage et de Sécurité Intérieure) à ce qui pourrait se passer si, par exemple, Al Qaeda s’allie à Los Zetas » [sic].

Une posture, d’ailleurs, adoptée par Napolitano en audience au Comité de Sécurité Intérieure de la Chambre basse, en réponse à un questionnement sur « la menace potentielle que des terroristes puissent utiliser les réseaux du narcotrafic mexicain aux USA ». Cette dame provoqua une certaine curiosité lorsqu’elle dit vouloir « s’arrêter là » et ne plus parler de la question. « Alors que le Congrès peut convoquer des séances à huis-clos pour aborder des questions délicates relatives au renseignement et la sécurité nationale ». On ne saurait être plus clair.

Il s’agit, ni plus ni moins, d’une hypothèse avec une vue à long terme, dans l’analyse étatsunienne de la défense de sa sécurité nationale. Justifier une intervention par une soi-disant union Zetas-Al Qaeda à des fins terroristes, bien qu’il s’agisse d’organisations aux buts complètement différents. Mais c’est la thèse impérialiste qui est à l’origine, qui a justifié les guerres en Afghanistan et en Irak, pays signalés comme refuge de terroristes, l’un et l’autre accusés de détenir des « armes de destruction massive », accusations jamais démontrées.

Deux autres considérations :

 1) Dans la vision contre le monde, c’est la stratégie des faucons de la droite républicaine, étant donné que ceux-ci ont pris le dessus sur les démocrates et que le président Obama pense à sa réélection et est donc amené à faire des concessions.

 2) Dans la faiblesse du Mexique et de ses institutions devant un problème de violence d’une ampleur créée par le crime organisé, engagé dans des querelles électoralistes par la volonté du PAN de se maintenir à la présidence et parce qu’on ne voit pas quand il reconsidérera en profondeur sa stratégie contre la délinquance [phrase incomplète dans le texte original] ; c’est pourquoi les États-Unis sont en train de devenir la principale menace pour le Mexique. Ceci, j’insiste, est une mise en garde, pour que s’allument les voyants d’alerte.

Finalement. On peut penser que Napolitano, Hillary, Obama, d’autres fonctionnaires et les membres du Congrès des États-Unis n’ont que faire des déclarations comme celles de l’ambassadeur Carlos Pascual, l’espion principal au Mexique avec le statut de « diplomate », selon lesquelles « aucune organisation terroriste internationale connue n’est en place au Mexique et aucun incident terroriste dirigé contre du personnel ou des intérêts étatsuniens n’a eu lieu en territoire mexicain ou n’y a été préparé » (10/I/2010) ; câbles révélés par Wikileaks, au journal déjà cité.

Alai-Amlatina. Equateur, 11 février 2011.-

Traduction pour El Correo d’Antonio Lopez

El Correo. Paris, 23février 2011

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Notes

[1] La Secretaría de Gobernación correspond plus ou moins au Ministère de l’Intérieur.

[2] La responsable de la Sécurité Intérieure des États-Unis fait allusion à tout son appareil d’espionnage et de Sécurité Nationale ; et, à ce propos, où est donc l’équipe de renseignement mexicain comme s’interrogeait déjà Elena Jannetti Davila, en 2007, dans son livre Institutionnalisation d’un nouveau système de renseignement pour la sécurité nationale au Mexique (de sa thèse doctorale en 2005), avec la création d’un Institut d’Études Stratégiques dans la Sécurité Nationale ?

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