Militarisation de l’Europe de l’Est: Menaces US/Otan à l’endroit de la Russie

Après avoir diabolisé la Russie et son président voilà que l’on vient tout naturellement les narguer à leur porte. Le projet militaire de l’OTAN visant le renforcement des membres de l’Alliance de l’Europe de l’Est a pris forme au cours des derniers mois. Augmentation des effectifs, multiplication de manœuvres militaires, fourniture de nouveaux armements, entraînement des forces armées ukrainiennes, demandes de financement accru aux pays membres de l’OTAN sont les indicateurs qui ne trompent pas d’un processus d’agression contre la Russie, laquelle est devenue l’ « ennemi » déclaré devant lequel il faut dresser un rempart en prévision d’une invasion possible de l’Europe de l’Est ou, en d’autres mots, d’une reprise du contrôle par la Russie des pays anciennement du Bloc soviétique devenus membres de l’OTAN au cours des deux dernières décennies.
La guerre froide version 2015 se prépare ainsi peu à peu dans l’ensemble géostratégique planétaire. Les ingrédients de sa renaissance sont mis en place par les grandes puissances de façon à s’assurer que le tout soit conforme aux velléités guerrières de l’OTAN, le bras armé de l’Occident, et de ses industries de guerre. Augmenter la capacité d’intervention des armées de l’Alliance, rendre cette capacité plus rapide en la positionnant sur le terrain à proximité des territoires ennemis et fournir les armements lourds nécessaires. Telle est la réalité que nous observons depuis quelques mois.
« Plus d’un an après le coup d’État ourdi par les États-Unis en Ukraine, l’Europe de l’Est est sur le bord de la guerre. Même s’il est bien documenté que les États-Unis ont déclenché le conflit en soutenant les néo-nazis dans le renversement du gouvernement élu de l’Ukraine, les grands médias occidentaux dépeignent toujours Poutine comme l’agresseur qui a envahi l’Ukraine et ce malgré le manque de preuves » (Global Research Bulletin, le 17 Juin, 2015).
Dans la perspective d’un isolement progressif de la Russie l’OTAN s’est engagée dans un processus de militarisation intense de l’Europe de l’Est et ce en prenant comme justificatif le conflit armé ukrainien et l’attitude dite agressive de Moscou vis-à-vis de l’Ukraine et de l’Occident. Tout ce processus se poursuit depuis l’annexion de la Crimée à la Russie et s’est intensifié au cours des derniers mois. En effet, l’OTAN a décidé, le 5 février dernier, « de renforcer la défense de son flanc oriental en créant une nouvelle force de 5000 hommes rapidement mobilisable et six centres de commandement en Europe de l’Est. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, l’Espagne et le Royaume-Uni ont accepté d’être les premiers pays à participer à cette nouvelle force baptisée Fer de lance et qui devrait être opérationnelle en 2016.
Nous proposons, dans cet essai, de décrire les opérations militaires entreprises par les forces de l’OTAN aux portes de la Russie ainsi que la riposte de cette dernière devant cette agression ainsi qu’une brève analyse des risques que cette escalade guerrière peut poser pour la paix mondiale.
Figure 1. La ruée de l’OTAN sur la Russie
Source : http://www.blackagendareport.com/
I. L’expansion de l’OTAN vers l’Est
Un rapide coup d’œil de la figure 2 permet de constater que l’étau se resserre sur la Russie sur son flanc ouest. Avec l’entrée de plusieurs pays de l’Europe de l’Est dans l’OTAN (figure 2) et avec celle annoncée de l’Ukraine la Russie a perdu une large partie de son aire d’influence dans cette région.
En effet, « en 1999, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie devenaient membres de l’OTAN. Elles ont été suivies en 2004 de trois anciennes républiques soviétiques (Lituanie, Lettonie et Estonie), de la Bulgarie, de la Roumanie, de l’ex-république yougoslave de Slovénie et de la Slovaquie. En 2009, la Croatie et l’Albanie rejoignaient l’alliance à leur tour » (Michel Roche, La propagande américano-européenne au sujet du conflit en Ukraine, 10 juin 2015) (figure 3).
Figure 2. Les pays membres de l’OTAN hors Amériques
Source : http://www.statistiques-mondiales.com/otan.htm
Figure 3. Expansion de l’OTAN vers l’Europe de l’Est
II. L’OTAN et le plan de militarisation de l’Europe de l’Est
La nouvelle force « fer de lance »
« Pour le patron de l’OTAN, la force « fer de lance » est le plus important renforcement de la défense collective de l’Alliance depuis la fin de Guerre froide. « C’est une réponse aux actions agressives de la Russie, qui a violé la loi internationale et annexé la Crimée», a-t-il expliqué, en insistant sur le caractère défensif de ces décisions …
Les annonces faites…par l’OTAN font état d’une intensification du processus de militarisation de cette région : «L’OTAN doublera la taille de sa force de réaction rapide en portant sa capacité à « 30 000 à 40 000 hommes », soit plus du double de sa taille actuelle, a annoncé lundi (22 juin 2015) le secrétaire général de l’Alliance » (Le Devoir, 23 juin 2015, p. B5). Cette décision n’est pas surprenante, car elle s’inscrit dans la foulée des mesures prises au cours des derniers mois visant à renforcer la présence des forces de l’OTAN à l’intérieur des pays limitrophes de la Russie et, tout particulièrement, celle des forces de déploiement rapide.
« Il s’agit de décisions importantes qui font partie de l’adaptation de l’OTAN à un nouvel environnement sécuritaire, a estimé le Secrétaire général, en soulignant l’importance pour les pays membres de se conformer à leur engagement de septembre 2014 d’augmenter leurs dépenses militaires pour qu’elles atteignent 2% de leur produit intérieur brut (PIB) ».
Bref, ce renforcement avait été esquissé lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN au Pays de Galles en septembre dernier, dans la foulée de l’annexion de la Crimée par la Russie, suivie par son intervention dans l’est de l’Ukraine (ledevoir.com) (Jules Dufour, La conjoncture mondiale 2015: le risque d’une conflagration « nucléaire » pointe de nouveau à l’horizon, 18 février 2015).
Le territoire d’intervention
C’est l’Europe orientale qui devient le théâtre du déploiement de cette stratégie de confrontation avec la Russie. Elle sera l’une des zones les plus militarisées de la planète quand toutes les décisions prises par l’OTAN dans ce processus seront exécutées. Le champ opérationnel est défini par les territoires nationaux de la Pologne, des pays baltes et des pays de l’Europe centrale comme l’Albanie, l’Estonie, la Hongrie, la Lituanie au premier chef et en y ajoutant la Slovaquie, la Slovénie, la Roumanie, la Bulgarie et l’Ukraine. Tous ces pays sont invités à jouer un rôle dans cette opération militaire.
La Pologne au cœur des opérations – Six centres de commandements sous la coordination d’un quartier général situé à Szczecin dans l’ouest du pays
Selon l’OTAN, cette force exercera une présence permanente : « Nous sommes convenus d’établir immédiatement six centres multinationaux de commandement et de contrôle, a précisé M. Stoltenberg. Si une nouvelle crise survient, ils garantiront que les forces nationales et de l’OTAN en provenance de l’ensemble de l’Alliance seront capables d’agir de concert dès le début … Ces quartiers généraux serviront à faciliter le déploiement de la force le cas échéant. Ils soutiendront aussi la planification de la défense collective et aideront à coordonner des exercices, a expliqué M. Stoltenberg. L’Allemagne, le Danemark et la Pologne ont accepté de mettre sur pied à Szczecin, dans l’ouest de la Pologne, le quartier général qui coordonnera l’action des nouveaux centres de commandement » (Jules Dufour, La conjoncture mondiale 2015: le risque d’une conflagration « nucléaire » pointe de nouveau à l’horizon, 18 février 2015).
« Concrètement, si la décision est bien confirmée.., ces centres de commandement seront composés de 40 à 50 militaires par pays, pour moitié étrangers et pour moitié relevant de chacune des armées nationales sur place. Ces centres seront situés en Pologne, en Lituanie, en Lettonie, en Estonie, en Roumanie et en Bulgarie. Ce qui permet à l’Alliance atlantique de dénier les accusations russes d’escalade: l’engagement n’est pas si important pour inquiéter la Russie » (Céline Bayou, L’Otan prête à créer des forces de réaction rapide en Europe centrale et orientale, 3 février 2015).
Le Secrétaire général de l’OTAN ajoute : « Si une nouvelle crise survient, ils garantiront que les forces nationales et de l’OTAN en provenance de l’ensemble de l’Alliance seront capables d’agir de concert dès le début … Ces quartiers généraux serviront à faciliter le déploiement de la force le cas échéant. Ils soutiendront aussi la planification de la défense collective et aideront à coordonner des exercices, a expliqué M. Stoltenberg ».
Selon le journal Le Figaro, les États-Unis sont en passe d’entreposer des armes lourdes, y compris des chars, pour jusqu’à 5.000 hommes, dans plusieurs pays baltes et d’Europe de l’Est et ce afin de contrer une éventuelle agression russe. «Nous oeuvrons depuis déjà un certain temps en faveur d’une présence militaire américaine maximale en Pologne et sur tout le flanc est de l’Otan. Les États-Unis préparent un paquet de différentes mesures. Parmi elles, le stationnement de matériel lourd en Pologne et dans d’autres pays sera très important», a déclaré Siemoniak (La Pologne veut des armes lourdes américaines sur son sol, Le Figaro, le 14 juin 2015).
Cette annonce a été faite sur fond d’aggravation des tensions entre la Russie et les États-Unis, dont les projets de déploiement d’armes lourdes en Europe dévoilés par le New York Times ont provoqué la colère de Moscou. Le Pentagone prévoit d’entreposer des armes lourdes, notamment des chars de combat, en Europe de l’Est et dans les pays Baltes – Lituanie, Estonie et Lettonie. Ces derniers craignent de devenir la cible de la Russie à l’activité aérienne et navale accrue dans la région (La Russie renforce son arsenal nucléaire avec 40 missiles intercontinentaux, le Monde, 16 juin 2015).
L’OTAN. Des manœuvres militaires d’une grande ampleur se multiplient
Plusieurs manœuvres militaires se sont déroulées ou auront lieu dans les pays qui sont le théâtre de ce processus de militarisation accrue : « Les pays baltes sont le théâtre de plusieurs exercices militaires: les plus grandes manœuvres de l’armée de l’air de l’Otan avec la participation d’avions de combat de l’Alliance, ainsi que de la Suède et de la Finlande, se sont terminées le 22 avril selon le quotidien Nezavissimaïa gazeta. Ces exercices s’accompagnent de manœuvres de la 15e escadrille navale balte (Baltic Naval Squadron, BALTRON) en mer Baltique et le polygone estonien de Tapa accueille les exercices Tornado, auxquels participent 2 000 fantassins américains en plus des militaires estoniens » (Reuters/ Ints Kalnins).
« Tous les commandements et les bases USA/Otan sont en pleine activité pour préparer le « Trident Juncture 2015 » (TJ15), « le plus grand exercice Otan depuis la fin de la guerre froide ». Il se déroulera en Italie, Espagne et Portugal du 28 septembre au 6 novembre, avec des unités terrestres, aériennes et navales et avec des forces spéciales de 33 pays (28 Otan plus 5 alliés) : plus de 35 mille militaires, 200 avions, 50 navires de guerre. Y participeront aussi les industries militaires de 15 pays pour évaluer de quelles autres armes a besoin l’Otan ».
« Objectif de cet exercice « à haute visibilité et crédibilité » : tester la « Force de riposte » (30 mille effectifs), surtout sa « Force de pointe » à très haute rapidité opérationnelle (5 mille effectifs) » (Manlio Dinucci, L’Otan lance le Trident, son plus grand exercice militaire depuis la fin de la guerre froide, 16 juin 2015.
« L’Otan poursuit ses tentatives d’organiser une guerre hybride contre la Russie. Selon les structures officielles de l’Alliance, cette semaine en Estonie commenceront « les plus grands cyberexercices du monde », Locked Shields 2015, avec la participation de 400 représentants de 16 États. On souligne « l’utilisation de technologies réelles, de réseaux informatiques et de méthodes pour contrer les cyberattaques ». Ils seront organisés par le Centre de coopération cybernétique de l’Otan de Tallinn. Ce centre est connu pour la formation de cybercombattants pour les unités de soutien médiatico-psychologique de l’armée ukrainienne, qui ont déployé une véritable guerre médiatique pour discréditer les autorités militaires et politiques russes ».
« Les actions de l’Otan vis-à-vis de la Russie peuvent donc être considérées comme une provocation. Prenez l’exemple des manœuvres Siil: pendant que la Russie célébrera la Grande Victoire, 13 000 militaires de l’Alliance se concentreront près de ses frontières. C’est beaucoup étant donné que Siil a pour objectif de parer les menaces réelles émanant de Russie, comme l’a déclaré le général Ben Hodges, commandant des forces de l’Otan en Europe. Il a été soutenu par le ministre lituanien de la Défense Juozas Olekas, qui a appelé l’UE à reconnaître la Russie comme pays agresseur et a demandé à l’Otan de développer des forces de dissuasion et de défense. Le Pentagone a déjà répondu présent. Des unités blindées et aéroportées américaines sont arrivées en Estonie, en Lettonie et en Lituanie mi-mars » (AFP 2015. Claus Fisker / Scanpix Denmark) (Exercices militaires intenses dans les pays baltes, Sputnik News).
Les programmes d’entraînement et d’exercice
Maintenant, le Canada et les États-Unis, qui aiment se présenter eux-mêmes comme les champions de la paix, de la démocratie et des droits humains sont à l’œuvre dans le travail de formation des troupes néo-nazies ukrainiennes et mettent en place des armements près de la frontière de la Russie. (Bulletin Global Research, le 17 Juin, 2015).
Le premier ministre Stephen Harper a annoncé vendredi (1er mai) que des soldats canadiens prendraient part à des exercices militaires en Pologne, en raison de l’instabilité en Ukraine : « La persistance de l’agression militaire et de l’occupation illégale du régime (du président Vladimir) Poutine en Ukraine menace la stabilité et la sécurité de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est », a dit M. Harper. Ces exercices militaires s’inscrivent dans le cadre de l’opération de stabilisation mise en branle par l’OTAN, a précisé M. Harper lors d’une allocution à London, en Ontario. Une cinquantaine de soldats devaient partir vendredi, a dit le premier ministre, en vue d’exercices de l’OTAN qui se dérouleront à Swidwin, en Pologne, du 5 au 9 mai (Ukraine: des soldats canadiens déployés en Pologne, La Presse, 2 mai 2014)
En somme, l’Europe de l’est deviendra l’une des zones les plus militarisées de la planète. Elle sera le théâtre du plus grand déploiement d’armements et d’effectifs militaires depuis la fin de la guerre froide. Il est facile de conclure que ce processus est de nature à causer un climat de grande insécurité dans tout le territoire affecté et fait l’objet de vives inquiétudes un peu partout dans le monde.
Figure 4. Les bases militaires des États-Unis et de l’OTAN entourent la Russie
Source : http://www.cubadebate.cu/noticias/2014/09/07/la-imagen-del-dia-las-bases-militares-de-occidente-ya-rodean-rusi
III. La riposte de la Russie
La Russie ajoutera cette année plus de 40 missiles balistiques intercontinentaux à son arsenal nucléaire, a annoncé mardi Vladimir Poutine. Moscou a vivement réagi lundi à une information du New York Times selon laquelle les États-Unis veulent stocker du matériel militaire en Europe de l’Est et dans les États baltes pour rassurer leurs alliés face à Moscou. « Plus de 40 nouveaux missiles balistiques intercontinentaux capables de déjouer les systèmes de défense antimissile les plus sophistiqués seront ajoutés cette année à l’arsenal nucléaire», a déclaré, mardi le président russe lors d’une foire aux armes » (figure 5).
« Ce qui préoccupe forcément la Russie. En particulier le général Valeri Guerassimov, chef d’état-major des forces armées russes, a déclaré que « les défis modernes à la sécurité de notre État ne resteront pas sans réaction adéquate. Les mesures entreprises en ce sens permettent d’assurer une défense sûre des intérêts de la Russie ». Selon le général, il s’agit avant tout d’un travail pour construire, développer et former l’armée et la flotte. Les forces nucléaires stratégiques sont maintenues à un niveau permettant de remplir les tâches de dissuasion nucléaire. De nouveaux missiles capables de franchir une défense antimissile échelonnée entrent en service. Le parc de bombardiers stratégiques se renouvelle. De nouveaux sous-marins nucléaires sont mis en service. La défense aérienne et spatiale se perfectionne. Un groupe autonome de forces armées a été déployé en Crimée pour protéger l’intégrité territoriale de la Russie » (Exercices militaires intenses dans les pays baltes, Sputnik News).
Figure 5. Annonce du déploiement de 40 missiles balistiques intercontinentaux additionnels
Source : http://allainjules.com/2015/06/16/alerte-info-riposte-russe-vladimir-poutine-la-russie-va-renforcer-son-arsenal-nucleaire/
III. La militarisation de l’Europe de l’Est et la paix mondiale
Une stratégie militaire qui ne tient pas la route à première vue
Nous assistons à un processus majeur de militarisation d’une région et le Secrétaire général de l’OTAN cherche à le minimiser en utilisant un vocabulaire vague voire même parfois incohérent. En effet, comment peut-on concevoir, en se basant sur les déclarations du Secrétaire général, une intervention rapide, dotée d’effectifs réduits, avec armements lourds (des chars d’assaut) de façon défensive et ce sur un laps de temps temporaire? Ce vocabulaire semble choisi pour minimiser, de façon officielle, l’importance de cette entreprise guerrière qui s’inscrit dans le plan d’expansion de l’OTAN vers l’Est. L’escalade des hostilités avec la Russie est l’élément parfait pour assurer l’essor des industries de la mort dans les 28 pays membres de l’Alliance. Au début du siècle, a été utile le 9/11 qui a justifié, dans l’esprit des Occidentaux, la guerre mondiale contre la terreur de même que les guerres d’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak. Maintenant, ces guerres ne sont plus rentables ayant terminé leur durée de vie utile dans le processus du réarmement planétaire. Nous sommes d’avis qu’il a fallu trouver un stratagème pour mousser la production des armements. Une guerre froide avec la Russie pouvait s’avérer une stratégie en or dans ce contexte. Et cette stratégie a été longuement préparée avec, comme premier pas éclatant, le coup d’État qui a renversé le Président Yanukovych, reconnu comme tel par le Président ukrainien Poroshenko (Eric Zuesse, Ukraine’s President Poroshenko Says Overthrow of Yanukovych Was a Coup, Global Research, le 23 juin 2015). De plus, l’utilisation d’armements lourds n’est plus pertinente aujourd’hui. C’est l’armée de l’air qui conduit l’essentiel des combats. Ces équipements sont là pour les parades militaires. À cette supercherie s’ajoute le désir soudain de la Pologne pour des armements lourds. L’idée lui serait venue tout d’un coup.
Les États membres de l’OTAN doivent payer la note
Selon le SIPRI, les dépenses militaires de l’Europe de l’Est sont passées de 371 milliards de dollars en 1988 à 102,1 milliards de dollars en 2014 (SIPRI MILEX DATA 1988-2014). Cette diminution s’est avérée inquiétante pour l’OTAN et explique cette invitation réitérée adressée aux membres de l’Alliance de consacrer 2% de leur PIB.
Les « jeux de muscles » de l’Otan risquent d’échapper à tout contrôle
Si on reprend l’essentiel des déclarations de l’OTAN et des annonces faires par la Russie l’on décèle facilement un théâtre de confrontation directe entre l’OTAN et la Russie.
Le secrétaire général de l’Otan a annoncé que l’Alliance a décidé de déployer six centres de commandement en Europe orientale — dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie — pour déployer la Force de réaction rapide de l’Alliance. Cette dernière sera représentée par trois brigades de 30 000 hommes. Il s’agit de « la plus grande extension des capacités militaires de l’Otan depuis la Guerre froide », souligne Stoltenberg. Ici, il ne faut pas oublier que les États-Unis possèdent ou utilisent huit bases militaires dans cette région, soit en Estonie, en Bulgarie, en Bosnie-Herzégovine, en Lettonie, en Lituanie, en Norvège, en Pologne et en Roumanie (figure 5).
Vladimir Poutine a annoncé mardi 16 juin que la Russie allait renforcer son arsenal nucléaire avec le déploiement de plus de quarante nouveaux missiles intercontinentaux d’ici à la fin de l’année. Ils devraient être « capables de déjouer les systèmes de défense antimissile les plus sophistiqués », a précisé le président russe à l’occasion du Salon militaire armée 2015. Un déploiement qualifié de « déstabilisant » et « dangereux » par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.
« La déclaration de M. Poutine aujourd’hui confirme (…) le comportement de la Russie depuis un moment déjà. Nous avons vu que la Russie investit davantage dans la défense en général, et en particulier dans les capacités nucléaires », a observé M. Stoltenberg, ajoutant : « Ils s’entraînent plus, ils développent de nouvelles capacités nucléaires et utilisent davantage une rhétorique nucléaire. »
Comme on peut le constater, à l’Ouest comme à l’Est le déploiement des armements stratégiques est entré dans une phase d’une plus grande intensité. Quand les États-Unis proposent de doter la Pologne d’armements lourds on pourrait voir dans ce vocabulaire vague le profil d’armes stratégiques même si on se réfère à des chars d’assaut. À l’Est, la Russie parle ouvertement du déploiement de ces armes. Quand les États-Unis déclarent qu’ils n’hésiteront pas à utiliser des armes nucléaires dans le théâtre d’un affrontement avec la Russie il faut y voir une rhétorique qui amplifie les tensions et laissent entrevoir que rien ne sera épargné pour faire face à une attaque avec armements classiques ou nucléaires. Le vieux principe de la dissuasion refait surface.
« Encourager la peur »
« Les États-Unis encouragent soigneusement la peur de la Russie chez leurs alliés européens afin de tirer avantage de ce moment difficile et d’étendre davantage leur présence militaire et donc leur influence en Europe », avait dénoncé lundi soir le ministère des affaires étrangères russe dans un communiqué. Moscou espère que « le bon sens l’emportera et [que] l’on réussira à empêcher que la situation en Europe ne dégénère en une nouvelle confrontation militaire qui pourrait avoir des conséquences dangereuses », avait souligné le ministère.
« Si la proposition du Pentagone est acceptée par l’exécutif américain, les États-Unis entreposeront pour la première fois des armes lourdes dans ces pays qui ont adhéré à l’OTAN et qui, avant la chute du mur de Berlin, appartenaient à la sphère d’influence de l’Union soviétique. Washington explique vouloir ainsi rassurer les pays Baltes et d’autres pays d’Europe de l’Est qui sont très inquiets depuis l’annexion de la Crimée et le déclenchement du conflit en Ukraine, où des séparatistes prorusses contestent l’autorité de Kiev. Kiev et les Occidentaux accusent la Russie d’armer les séparatistes et d’avoir déployé des troupes régulières pour les aider ; ce que Moscou dément farouchement. Le conflit a fait plus de 6 400 morts depuis avril 2014 ». (La Russie renforce son arsenal nucléaire avec 40 missiles intercontinentaux, le Monde, 16 juin 2015).
Conclusion
Les risques du déclenchement d’une guerre nucléaire sont toujours présents
Terminons en citant les propos de Chems Eddine Chitour, professeur de l’École nationale polytechnique d’Alger, qui écrivait en novembre 2014 : « Le monde est à un tournant et Mikhaïl Gorbatchev a raison de nous prévenir de l’imminence d’une troisième guerre mondiale qui est programmée et qui sera d’autant plus probable au fur et à mesure de la rareté de l’énergie des matières premières et des dégâts des changements climatiques… » (http://www.mondialisation.ca/la-faute-morale-de-loccident-une-troisieme-guerre-mondiale-a-nos-portes/5415212). Selon David North et Alex Lanthier, « Il n’y a aucun moyen d’arrêter ce mouvement vers la guerre si ce n’est par une intervention politique consciente de la classe ouvrière. Quiconque croit qu’une guerre nucléaire est impossible parce que les gouvernements modernes, à l’opposé de ceux au pouvoir en 1914, ne prendraient pas le risque d’une catastrophe, se fait des illusions. Les régimes existant aujourd’hui sont peut-être encore plus irresponsables que ceux de l’époque. Assaillis par des problèmes économiques et sociaux pour lesquels ils n’ont pas de solution progressiste, ils sont de plus en plus enclins à voir la guerre comme un risque valant la peine d’être encouru » (Jules Dufour, La conjoncture mondiale 2015: le risque d’une conflagration « nucléaire » pointe de nouveau à l’horizon, 18 février 2015).
Selon Joseph Kishore, « la crise ukrainienne fait partie de la stratégie d’ensemble de l’impérialisme américain. Les États-Unis sont en guerre de façon quasiment continuelle depuis plus d’un quart de siècle. La classe dirigeante américaine a tiré de la dissolution de l’Union soviétique la conclusion que les États-Unis pouvaient établir « un nouvel ordre mondial » fondé sur la suprématie militaire américaine. Celle-ci serait utilisée pour contrer le long déclin de la position économique de l’impérialisme américain. Tant sous les démocrates que sous les républicains, la classe dirigeante a poursuivi cette politique de façon systématique, cherchant à conquérir et à contrôler l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Asie orientale, l’Afrique, l’Amérique latine et l’Europe orientale ».
« À présent ces actions ont mis la question d’un conflit mondial impliquant des puissances nucléaires à l’ordre du jour du capitalisme mondial. Quelle que soit la résolution de cette dernière crise au sujet de l’Ukraine, l’impérialisme a pris un cours qui, sans l’intervention indépendante des travailleurs, conduit inexorablement à la guerre mondiale » (Joseph Kishore, Les Etats-Unis poussent à l’escalade militaire contre la Russie, 10 février 2015).
Jules Dufour
Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Canada
Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe. Professeur émérite. Membre de la Commission mondiale des Aires protégées de l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN), Gland, Suisse. Membre, Cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, Paris. Membre. Groupe canadien du PUGWASS, Toronto
Références
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AFP. 2015. Défense. L’OTAN doublera la taille de sa force de réaction rapide. Journal Le Devoir, le 23 juin 2015, p. B5.
ALLAIN JULES. 2015. ALERTE INFO ! RIPOSTE RUSSE. Vladimir Poutine: la Russie va renforcer son arsenal nucléaire. Le 16 juin 2015. En ligne : http://allainjules.com/2015/06/16/alerte-info-riposte-russe-vladimir-poutine-la-russie-va-renforcer-son-arsenal-nucleaire/
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COLLIER, Mike et Laetitia Peron. 2015. Les États-Unis déploieront des armements lourds en Europe. AFP. Le 23 juin 2015. En ligne : http://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201506/23/01-4880375-les-etats-unis-deploieront-des-armements-lourds-en-europe.php
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DUFOUR, Jules. 2015. La conjoncture mondiale 2015: le risque d’une conflagration « nucléaire » pointe de nouveau à l’horizon. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 18 février 2015. En ligne : http://www.mondialisation.ca/la-conjoncture-mondiale-2015-le-risque-dune-conflagration-nucleaire-pointe-de-nouveau-a-lhorizon/5431693
EURONEWS. 2015. Vidéo : Les États-Unis vont déployer des armements lourds sur le flanc Est de l’OTAN. Le 24 juin 2015. En ligne : http://www.mondialisation.ca/video-les-etats-unis-vont-deployer-des-armements-lourds-sur-le-flanc-est-de-lotan/5457972
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KISHORE, Joseph. 2015. Les États-Unis poussent à l’escalade militaire contre la Russie. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 10 février 2015. En ligne : http://www.mondialisation.ca/les-etats-unis-poussent-a-lescalade-militaire-contre-la-russie/5430509
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