Mondialisation des marchés financiers : Libye, un petit butin pour des appétits insatiables.

« Tant qu’il y a du butin il y a de l’espoir », titrait hier matin (lundi 22 août 2011, NdT)  un site pour expliquer le cours des bourses à la nouvelle de la conquête (très rapidement annoncée, NdT) de Tripoli. Et le butin libyen, en effet, est riche. Cette journée qui, une fois de plus, avait mal commencé sur les places asiatiques et sur celles européennes, changeait maintenant de signe grâce aux photos des rebelles en fête. Et dire que les nouvelles économiques étaient plutôt déprimantes. L’Osce signalait que dans le second trimestre 2011 le PIL des 30 pays les plus industrialisés -une tranche majeure de la production globale- n’a augmenté que de 0,2% contre 0,3% des trois premiers mois. C’est le quatrième trimestre consécutif de ralentissement de la croissance, le plus drastique ; une année de freinage qui n’annonce pas de « rebonds » à cour terme. Déprimant.

Mais il suffit de parcourir la liste des titres en hausse pour comprendre. Les énergétiques volaient (Eni, +6%) sur la vague des contrats pétrolifères (et de gaz) qu’on allait pouvoir signer avec ceux qui devront dire «merci » d’avoir été portés au pouvoir au son des bombardements. Les entreprises spécialisées en infrastructures (Ansaldo +5%) savaient qu’elles pourraient faire pareil pour reconstruire un pays détruit mais qui peut payer cash, ou éventuellement en barils sonnants et trébuchants. Hausse aussi chez les télécommunications, maintenant qu’on a mis au piquet le « vilain » qui était arrivé à doter l’Afrique de son propre satellite pour la téléphonie, en arrêtant ainsi de payer aux Français un prix anormal. Même Finmeccanica[1] était en hausse, « certaine qu’allaient être maintenus les contrats open interest[2] », mais un peu moins (1,38) parce que ce seront les armes français et les anglais qui se tailleront la part du lion dans la prochaine armée libyenne, « en réorganisation ».

Et voilà le véritable sujet. Dans le match de la « reconstruction » et des contrats, l’Italie se place dans une bande périphérique. Viennent d’abord, bien sûr, la France et la Grande-Bretagne, qui ont voulu l’intervention au point de « plier » les Etats-Unis et l’ONU. Puis il y aura les pétromonarchies du Golfe, enfin délivrées du « chien fou », et sponsors du premier jour des « rebelles de Benghazi » (c’est au Qatar qu’est parti le premier bateau  qui apportait du pétrole brut libyen). Voilà aussi pourquoi, cet après-midi, les gains généraux dégonflaient, mais pas seulement en Italie.

La proie libyenne, dans le fond, ne peut pas suffire à tous les charognards qui tournent sous nos cieux. Notre bourse, dans le fond, est une bourse périphérique. Très « spéculative », parce que dominée par des titres bancaires, d’assurances, « à participation d’Etat ». Les autres réagissaient -mal- aux très mauvaises nouvelles arrivant des Usa.  Comme l’augmentation des crédits immobiliers impayés (signe de crise du revenu, entre licenciements et impossibilités de trouver un nouvel emploi à la hauteur du premier). Mais surtout devant le grand coup de froid qui s’est abattu sur les espoirs d’une quantitative easing 3. Expliquons-nous. Vendredi prochain, à Jackson Hole, vont se rencontrer les présidents des banques centrales d’Occident. L’an dernier, au même endroit, Ben Bernanke -président de la Federal Reserve, la banque centrale étasunienne- annonça une phase de quantitative easing 2 : c’est-à-dire une seconde vague de financements publics du système financier privé. Le malheur veut qu’hier justement aient été publiés les montants des « deux -premières- phases » : 1.200 milliards de dollars (8% du PIB étasunien). Morgan Stanley -si prodigue d’études et « conseils » aux gouvernements- a reçu 107,3 milliards ; Citigroup (obscène ensemble d’intérêts étasuniens et saoudiens) 99,5 ; Bank of America (le nom se suffit à lui-même) 91,4. Mais les Anglo-saxons européens non plus n’ont pas eu à se plaindre : Royal Bank of Scotland, 84,5 milliards, et la Suisse UBS, 77,2.

Il résulte d’une étude du FMI (dont on est arrivé à débarquer le directeur pour le remplacer par cette bonne Lagarde, NdT) -donc « impartial »- que « certaines banques aient utilisé les fonds de la Fed non pas pour éviter la faillite mais pour maximaliser leurs profits ».

Quand on vous dit que vous devez partir à la retraite après votre mort, vous comprenez ?

Edition de mardi 23 août de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110823/manip2pg/05/manip2pz/308716/  

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio 

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Finmeccanica  

[2] « Position ouverte » : L’indicateur de position ouverte suit sur un graphique le nombre de contrats ouverts sur un marché de matières premières donné. http://fr.mimi.hu/economie/open_interest.html



Articles Par : Alberto Piccioni

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]