Montréal : Les Algériens réduits à jalouser la révolution tunisienne !

Une bonne partie de la diaspora algérienne du Canada appartient à la génération qui a vécu les événements d’Octobre 1988, l’ouverture démocratique vite avortée et la crise qui s’en est suivie.

Ironie de l’Histoire, vingt-deux ans après, là voilà aujourd’hui réduite à… jalouser la révolution tunisienne. Au café Safir, au cœur du quartier maghrébin de Montréal,  Ahmed, d’origine algérienne, disserte sur l’actualité, entre deux gorgées de café en face d’un écran géant où défilent en continu les informations du jour. «On a fait la révolution de Novembre 1954 et même le 5 Octobre 1988, mais il faut reconnaître que le centre de gravité révolutionnaire s’est déplacé vers l’Est au Maghreb. Habituellement, nous Algériens, on niaise (taquiner, en français canadien, ndlr) les Tunisiens pour avoir subi le protectorat français, Bourguiba et le duo Leïla-Zine El Abidine. ça frôle parfois l’arrogance.

Là, on est en train d’avoir la preuve qu’on est à côté de la plaque !», lance-t-il, déçu par la tournure des événements en Algérie, où la dernière révolte des jeunes a été réduite à une question de prix d’huile et de sucre. Sur RDI, le réseau francophone de l’information en continu de la télévision publique canadienne, une Algérienne, qui participait samedi à une marche pour soutenir la révolte des jeunes en Algérie, va dans le même sens. «Nous sommes jaloux de ce qui se passe en Tunisie», affirme-t-elle au micro de la journaliste qui l’interviewe en face du consulat d’Algérie à Montréal.

Villa de 2,5 millions de dollars

La fuite de la fille de Ben Ali à Montréal, deux jours avant la chute de son père et la villa de 2,5 millions de dollars que possède son mari sur les hauteurs du Mont Royal, à Montréal, alimentent les discussions. Des membres de la diaspora tunisienne ont rapidement envahi l’aéroport Trudeau après qu’une rumeur insistante les donnait sur le point d’atterrir. La vox populi dit que la fille de l’ex-président tunisien a pris une sortie pour VIP. La grande manifestation de samedi dernier pour soutenir la Révolution de jasmin a drainé près de 5000 personnes au centre-ville de Montréal. Les Tunisiens sont près de 17 000 au Canada. C’est dire le degré de mobilisation. On pouvait clairement voir les drapeaux algériens dans la vague rouge des couleurs tunisiennes.

Un régal pour les photographes qui avaient l’habitude d’immortaliser ce genre d’événements au Petit Maghreb, moins «photogénique» pour le moment que le centre-ville de la métropole. Peu avant cette manifestation qui a fait la une de tous les médias locaux, une autre moins importante en nombre avait eu lieu sur une rue plus au nord et s’est terminée en face du consulat d’Algérie à Montréal. Les organisateurs d’origine algérienne ont appelé à soutenir la révolte des jeunes en Algérie et à ne pas la réduire à une émeute de la faim.

Emission spéciales

Pour Zehira Houfani, écrivaine qui s’est fait connaître au Canada à travers son essai publié en 2002 avant l’invasion américaine de l’Irak, Lettre d’une musulmane aux Nord-Américaines, et une des initiatrices de la marche des Algériens de Montréal, «le peuple tunisien a ouvert la voie de la révolte populaire pour la conquête de la démocratie. Nous, Algériens, qui luttons pour la même cause, lui rendons hommage et saluons son courage d’avoir vaincu un des grands dictateurs de la région, jouissant du soutien inconditionnel de l’Occident». Même son de cloche du côté de Omar Aktouf, professeur aux HEC de Montréal et grand pourfendeur de la finance mondiale.

Pour lui, «même si les situations en Algérie et en Tunisie sont comparables sur le plan de la misère et du chômage, l’Etat algérien a des moyens de répression plus importants que ceux de l’Etat tunisien». Il affirme que dans tout pays, si plus de 25% de la population n’a rien à perdre, la révolution n’est jamais loin. A noter aussi que les émissions maghrébines et algériennes des radios communautaires montréalaises, à l’image de Radio centre-ville, ou Radio Moyen-Orient, ont consacré plusieurs émissions «spéciales» aux événements du Maghreb.



Articles Par : Samir Ben

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