Navire turc Mavi Marmara : Des juges de la Cour Pénale Internationale accusent Israël de crimes de guerre

La Cour Pénale Internationale a demandé au procureur général de rouvrir l’enquête sur la saisie du navire turc Mavi Marmara sur lequel neuf militants des droits de l’homme avaient été tués, en 2010, lors de son arraisonnement par les Forces de défense israélienne (FDI) alors qu’il tentait de briser l’embargo imposé à la bande de Gaza.

Dans un rapport étonnant, publié dernièrement, les juges de la Cour Pénale Internationale ont condamné la décision du procureur général d’origine gambienne*, Fatou Bensouda, de ne pas entreprendre d’investigation dans cet incident mortel bien qu’il existât des « des éléments fondés » permettant de croire que des crimes de guerre ont été commis. Les juges pensent que la décision de Fatou Bensouda repose sur des conclusions « erronées » et « simplistes » contenant des erreurs factuelles. Ils concluent que le procureur « a fait des erreurs matérielles dans l’appréciation de la gravité de l’instance » et l’ont pressée de reconsidérer sa position « dès que possible ».

Les commandants des forces israéliennes et les dirigeants politiques peuvent, en définitive, être poursuivis pour cet acte commis dans les eaux internationales, le 31 mai 2010 et qui avait été condamné à l’échelon international. Pour les juges « le procureur aurait dû admettre que de vraies balles avaient été utilisées avant l’abordage et en tirer les justes conséquences. Ce fait seul …(…)… doit raisonnablement suggérer que les forces de défense israéliennes, à l’origine des crimes établis, avaient l’intention d’attaquer et si possible de tuer des passagers à bord ».

Le Mavi Marmara était le principal navire civil de la flotte de six bateaux de la « Gaza Freedom Flotilla » où se trouvaient quelque 500 militants, des produits humanitaires et du matériel de construction. Le mouvement pour briser l’embargo sur Gaza était organisé par la Flotilla et un groupe turc de militants de droits de l’homme dont huit furent tués, le neuvième était un Turco-Américain.

Le rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH/ONU) sur ce raid concluait que la plus jeune victime, Furkan Dogan âgé de 18 ans, avait reçu cinq balles dont une au visage alors qu’il était étendu sur le dos. Un dixième passager est mort l’an dernier après être resté quatre ans dans le coma. Près de 50 militants et plusieurs soldats furent blessés, certains sérieusement. La vidéo des FDI montre que certains soldats durent se défendre contre les activistes armés de barres de fer. Le rapport signale que « des preuves claires permettent des poursuites judiciaires » selon les dispositions de la Convention de Genève, à savoir crimes prémédités, torture ou traitement inhumain et volonté de causer des souffrances intolérables ou des blessures graves physiques ou à la santé. Il indique de plus qu’il n’existe aucun indice médical attestant que des soldats israéliens furent la cible de tirs et juge que « le blocus de Gaza est totalement intolérable et inacceptable au 21ème siècle. ». 

Le Mavi Marmara fut finalement amené au port d’Ashdod en Israël où les militants furent dénudés et fouillés et l’équipement où ils avaient enregistré le raid, corroborant leur version, fut confisqué.

Les juges à une majorité de 2 contre 1 concluent que « les faits qui sont difficiles à établir ou qui ne sont pas clairs… (…)… ne constituent pas une raison valable pour ne pas entamer un enquête mais, au contraire, appellent à une telle enquête. » Pour eux, le procureur a mal évalué « la possibilité de poursuivre ces personnes qui peuvent avoir la plus lourde responsabilité dans les crimes établis au cours de l’abordage du navire tout comme dans l’étendue, la nature, la manière dont les crimes furent commis et leur impact ». 

Fatou Bensouda a ouvert une enquête initiale après que les Comores, un petit archipel de l’Océan indien, eut envoyé un dossier à la Cour Pénale, en mai 2013, accusant Israël de crimes de guerre.

Netanyahou est furieux contre la position des juges, la qualifiant de «politique cynique» car il prétend que l’armée israélienne exerçait une mission de maintien du blocus et avait réagi en défense légitime. Paveen Yaqub, un des 34 militants britanniques à bord du navire s’insurge contre l’idée que « l’incident n’était pas suffisamment grave » pour entraîner une enquête et c’est une insulte à toutes les familles de ceux qui ont été tués. …(…)… La décision des juges permettrait aux militants britanniques du Mavi Marmara, de traduire devant les tribunaux les commandants israéliens si d’aventure ils se trouvaient en Grande Bretagne; Scotland Yard dispose des noms de cinq commandants coupables de crimes de guerre au moment de l’arraisonnement du bateau et se réserve, à cet effet, le droit d’opter pour « la juridiction universelle », utilisée pour arrêter le dictateur chilien Augusto Pinochet en1998.

Les avocats des parties civiles, – les Comores, les 13 militants britanniques et les centaines d’autres victimes – pensent que « si les juges ont mis le doigt sur les erreurs qui sont apparues, c’est qu’il existe une base raisonnable pour une enquête. C’est maintenant au procureur de décider ; les juges ne peuvent rien faire. Mais la manière dont ils se sont exprimés indique qu’il y a matière à une investigation approfondie ». 

Paul Callangher

 

Ndlr (AFI-Flash) : La Gambie, petit pays de 9 301 km2, à l’intérieur du Sénégal, le long du fleuve Gambie, fait partie du Commonwealth et a fortement amélioré ses relations avec Israël, dans le domaine de l’agriculture, du tourisme et de l’éducation, ces dernières années.

Photo : Retour du Mavi Marmara en Turquie, avec sur sa coque les photos des 9 militants tués par les Israéliens.

Version originale: Mavi Marmara: Judges call for new investigation into deaths of activists on Gaza blockade ship, The Independent on Sunday, 26 juillet 2015

Extraits – Traduction et Synthèse par Xavière Jardez,  franceirakactualite.com

Rappel – vidéo (14’46) : L’attaque du Mavi Marmara par Israël (31 mai 2010)



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