Non à la guerre contre la Syrie : Le choix n’est pas « bombarder ou ne rien faire »

Montréal, mercredi 4 septembre 2013 – Le conflit syrien perdure depuis deux ans et demi, avec des conséquences horribles. Il aurait déjà fait plus de 100 000 morts, près de deux millions de réfugié-es et encore plus de déplacés internes. Les frappes militaires des États-Unis et de quelques pays alliés ne feront que jeter de l’huile sur un feu dont ils sont déjà en grande partie responsables. Bien loin d’être protégés, d’autres civils mourront inévitablement et le conflit n’en deviendra que plus complexe et plus profond.

Le dilemme moral qu’on nous présente, à savoir de « bombarder ou de ne rien faire face à un dictateur qui utilise des armes chimiques contre son peuple » n’est qu’un nouveau prétexte de guerre préfabriqué, tout comme la « légitime défense » des États-Unis et de l’OTAN pour leur guerre en Afghanistan et les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein pour la guerre d’agression contre l’Irak.

Les États-Unis tentent de justifier leur agression par des prétendues preuves irréfutables, qu’ils refusent de révéler au grand jour, et par l’obligation d’agir en tant que garants ultimes d’une norme internationale, primant, semble-t-il, sur toute autre. Or de telles actions de justicier sont elles-mêmes totalement « hors la loi » au regard du droit international. Sous couvert d’une soi-disant « responsabilité de protéger », elles ne visent que l’avancement des intérêts stratégiques des puissances « protectrices » et entraînent un effritement inquiétant de l’ordre international. Prétendre détenir des preuves ne donne aucune légitimité à des actions « punitives ». Au minimum, les responsables doivent être mis en accusation et les preuves présentées devant la Cour pénale internationale, une juridiction à laquelle les États-Unis refusent par ailleurs farouchement d’être soumis eux-mêmes.

Le « blocage » résultant des vétos russe et chinois au Conseil de sécurité de l’ONU sert peut-être de rempart temporaire contre le risque d’un embrasement plus vaste et plus destructeur encore. En effet, bien loin d’être neutres, les États-Unis et leurs alliés dans cette région du monde – en particulier l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie – sont profondément impliqués dans le conflit en Syrie, notamment en armant et en entraînant des forces d’opposition au régime Assad, qui sont en bonne partie des « djihadistes » étrangers. De l’autre côté, la Russie, principal fournisseur militaire et soutien politique du régime syrien, tient beaucoup à conserver ce pays dans sa sphère d’influence. Le Hezbollah libanais et l’Iran, également impliqués du côté du régime syrien, se voient comme les prochaines cibles de l’empire étasunien. Dans de telles circonstances, il n’est pas impensable qu’ils répliquent aux frappes étasuniennes en visant Israël ou des intérêts occidentaux dans la région. Les risques d’une conflagration régionale, voire même mondiale, sont donc bien réels.

Pour la communauté internationale – la vraie, et non le petit groupe de dirigeants occidentaux va-t-en-guerre qui se désignent sans cesse ainsi – le choix qui s’offre n’est pas de bombarder ou de ne rien faire. Tous les efforts doivent, au contraire, être déployés pour désamorcer les affrontements armés et favoriser la construction progressive d’une solution politique, authentiquement syrienne, au conflit.

Pour cela, il faut exiger un cessez-le-feu immédiat, l’arrêt de toutes les livraisons d’armes aux belligérants et l’amorce de négociations, sans condition. Outre le régime et les oppositions syriennes armées, ces négociations doivent également inclure des représentants des mouvements syriens d’opposition non armés, des organismes qui œuvrent sur le terrain pour favoriser la désescalade du conflit et la réconciliation, des organisations de femmes, etc. Et elles doivent être placées sous l’égide de l’ONU, mais hors du contrôle des grandes puissances.

Une telle solution ne risque pas de venir du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle ne peut venir, en premier lieu, que des Syriens et des Syriennes qui luttent déjà en ce sens depuis longtemps. Et, en second lieu, des mouvements progressistes de partout dans le monde qui doivent appuyer leurs efforts, en s’opposant non seulement aux menaces actuelles de frappes étrangères mais aussi à l’ingérence de plus longue date, directe et indirecte, de plusieurs pays occidentaux et de leur alliés régionaux dans le conflit syrien.

Le Collectif Échec à la guerre abhorre, évidemment, tout recours aux armes chimiques par quiconque, dans le conflit syrien ou ailleurs. Mais nous dénonçons également les frappes « punitives » annoncées par les États-Unis et le soutien du gouvernement Harper à ces frappes. Même si le Premier Ministre a déclaré que le Canada n’y participerait pas – faute de missiles de croisière et de drones de combat – nous soupçonnons que, comme pour l’agression contre Irak, le Canada y participera de diverses façons, dans l’ombre.

Les dirigeants des pays occidentaux ont donné, depuis plusieurs mois, de nombreux signes de vouloir s’impliquer directement dans le renversement du régime syrien. Une vaste mise en scène est en train d’être déployée pour tenter de justifier à nouveau l’injustifiable. Le Collectif Échec à la guerre dénonce ces tractations et exige que nos « représentants » contribuent enfin à la recherche d’une solution politique au conflit syrien au lieu de l’alimenter.



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