Obama à l’Onu relance la « guerre mondiale au terrorisme »

L'art de la guerre

A la 69ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui s’ouvre aujourd’hui à New York sous sa présidence, le président des Etats-Unis Obama demain 24 septembre «battra le rappel du monde entier contre la menace de l’EI ». Immédiatement après le même Obama présidera une réunion spéciale du Conseil de sécurité, qui devrait approuver une résolution présentée par les Etats-Unis.

D’après ce qu’on peut lire dans l’ébauche qui a circulé il y a quelques jours grâce à l’agence de presse Reuters, la résolution se centre sur un aspect spécifique de la campagne contre l’ « Etat islamique de l’Irak et de la Syrie » : obliger tous les pays à « prévenir et supprimer le recrutement, l’organisation, le transport et l’équipement d’individus qui se rendent dans d’autres Etats pour planifier, préparer ou effectuer des actes terroristes, ou pour fournir ou recevoir un entraînement terroriste et des financements pour ces activités ». Sur la base du chapitre 7 du Statut des Nations Unies, le Conseil de sécurité aurait l’autorité d’adopter des mesures pour obliger les Etats à suivre ce qui est établi par la résolution.

La résolution serait partageable, si elle ne constituait pas le passe-partout avec lequel les Etats-Unis essaient d’obtenir le cachet de l’Onu pour leur plan stratégique, formellement centré sur la lutte contre l’ « Etat islamique de l’Irak et de la Syrie ». Si la résolution était réellement appliquée, les premiers contre qui le Conseil de sécurité devrait adopter des sanctions et autres mesures seraient justement les Etats-Unis.

Comme il a déjà été amplement documenté, ce sont les Etats-Unis et leurs alliés majeurs dans l’Otan, qui ont financé, armé et entraîné en Libye en 2011 les groupes islamistes définis jusque peu de temps auparavant comme terroristes, parmi lesquels les premiers noyaux du futur EI ; qui les ont approvisionnés en armes à travers un réseau organisé par la Cia (documenté par une enquête du New York Times, voir il manifesto du 27 mars 2013[1]) quand, après avoir contribué à renverser Kadhafi, ils sont passés en Syrie pour renverser Assad ; ce sont encore les Etats-Unis et l’Otan qui ont facilité l’offensive de l’EI en Irak (au moment où le gouvernement al-Maliki s’éloignait de Washington, et se rapprochait de Pékin et de Moscou), en leur fournissant, sur la base d’un plan certainement coordonné par la CIA, des financements, armes et voies de transit à travers l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït, la Turquie et la Jordanie. Selon des fonctionnaires du renseignement interviewés par le New York Times, il y a en Syrie et Irak environ 15mille combattants étrangers provenant de 80 pays, parmi lesquels plus de 2mille Etasuniens et Européens.

Si la résolution était réellement appliquée, le premier homme politique contre qui le Conseil de sécurité devrait prendre des dispositions serait le sénateur étasunien John McCain qui, à la demande de l’administration Obama, a rencontré en Syrie en mai 2013 le chef de l’Isis, Ibrahim al-Badri, aujourd’hui connu sous le nom de bataille d’Abu Bakr al-Baghdadi (voir photo sur Réseau Voltaire septembre 2014[2]).

Comme la résolution laisse chaque Etat libre d’établir quels sont les groupes terroristes à combattre, son approbation à l’unanimité, y compris par la Russie et la Chine, est donnée comme probable. De cette façon, cependant, les Etats-Unis auraient de fait les mains libres pour lancer la « guerre mondiale contre le terrorisme  version 2.0 » qui, apparemment centrée sur l’EI, vise à la destruction complète de la Syrie, jusqu’ici empêchée par la médiation russe en échange du désarmement chimique de Damas, et à la réoccupation de l’Irak. Par exemple, en invoquant la résolution du Conseil de sécurité, les USA pourraient bombarder une base gouvernementale en Syrie, en assertant avoir les preuves que c’est un centre d’entraînement de terroristes.

Tout ceci entre dans la stratégie de l’ « empire américain d’Occident » qui, perdant du terrain sur le plan économique et politique face à la Chine et à d’autres puissances émergentes ou ré-émergentes –avant tout la Russie, contre qui Usa et Otan ont lancé en Europe une nouvelle guerre froide- jette sur le plateau de la balance l’épée de la supériorité militaire, en visant au-delà : l’Iran et, dans la région Asie/Pacifique, la Chine même. Source de profits utile pour les multinationales étasuniennes et européennes, mais en même temps redoutée parce que, en s’accordant avec la Russie, elle peut créer une puissance eurasiatique en mesure de contrecarrer la superpuissance étasunienne et, en général, le rôle dominant de l’Occident.

Manlio Dinucci

Géographe et journaliste

Edition de mardi 23 septembre 2014 de il manifesto

Publié sous le titre Contro l’Isis Obama cerca il timbro dell’Onu

http://ilmanifesto.info/contro-lisis-obama-cerca-il-timbro-dellonu/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 



[1] Voir « Pont aérien de la CIA pour armer les « rebelles«  » sur les sites publiant la rubrique L’art de la guerre.



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste, ex-directeur exécutif pour l'Italie de l'International Physicians for the prevention of Nuclear War, association qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1985. Porte-parole du Comitato no Guerra no Nato (Italie) et chercheur associé de Global Research (Canada). Prix international de journalisme 2019 pour Analyse géostratégique du Club de Periodistas de México.

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