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Obama et les « Amis de la Syrie » font pression pour une intervention contre Damas
Par Alex Lantier
Mondialisation.ca, 26 février 2012
wsws.org 26 février 2012
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Le président américain Barack Obama et les diplomates internationaux rassemblés pour la réunion des « Amis de la Syrie » à Tunis ont publié hier un communiqué faisant pression pour une intervention militaire en Syrie. Ils ont cité comme prétexte l’intensification de la guerre entre les forces « rebelles » syriennes soutenues par les Etats-Unis et le régime du président Bachar al-Assad.

Obama s’était exprimé à Washington peu de temps après la fin de la réunion en disant qu’il était « impératif » de stopper les combats en Syrie. « L’heure est venue de faire cesser les assassinats de Syriens par leur propre gouvernement, » a-t-il déclaré. Il n’a pas précisé quelle action le gouvernement des Etats-Unis envisagerait de prendre.

Après la réunion à Tunis, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a dénoncé le veto opposé par la Russie et la Chine à une résolution présentée par la Ligue arabe pour réclamer le retrait d’Assad. Elle a dit : « Il est très affligeant de voir que deux membres permanents du Conseil de sécurité utilisent leur droit de veto dans des situations où des gens sont assassinés – des femmes, des enfants, de courageux jeunes gens – des maisons sont détruites. C’est tout simplement odieux et je me demande avec qui ils sont ? Il est évident qu’ils ne sont pas du côté du peuple syrien. »

L’indignation jouée par Clinton est un méprisable stratagème. Son but est de se servir de rapports faisant état de combats entre l’armée et les forces « rebelles » pour justifier ce qui serait une intervention militaire plus sanglante encore dirigée par les Etats-Unis et suivant le modèle de la guerre menée contre la Libye par l’OTAN l’année dernière.

Il n’est possible de préconiser une telle politique qu’en recourant à des mensonges éhontés. D’un côté, les responsables américains affirment n’envisager qu’une aide « humanitaire » pour le peuple syrien, alors que de l’autre ils attisent les flammes de la guerre – en soutenant militairement une insurrection droitière menée par les Islamistes. Leur objectif est un nouvel assujettissement colonial de la Syrie, soit par une conquête militaire directe soit en fomentant une révolution de palais provoquée par des membres du régime qui craignent de perdre le soutien russe ou chinois.

Les porte-parole de l’opposition syrienne présents à la réunion à Tunis ont dit à Reuters : « Nous faisons rentrer des armes défensives et offensives … Elles viennent de partout, y compris des pays occidentaux et il n’est pas difficile de faire passer n’importe quoi par les frontières. »

D’autres diplomates s’exprimant à Tunis ont aussi soutenu l’intervention militaire en choisissant leurs mots pour éviter de confirmer qu’elle avait déjà débuté. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saud al-Faisal, a jugé que l’envoi d’armes et de munitions aux forces pro américaines en Syrie, était « une excellente idée. » Les responsables français et qataris se sont déclarés en faveur d’un déploiement de forces en Syrie pour ouvrir la voie aux « couloirs humanitaires » – c’est-à-dire conquérir des parties de la Syrie par lesquelles des approvisionnements peuvent être acheminés aux « rebelles. »

Des communiqués américains officiels montrent clairement que bien qu’ils ne le reconnaissent pas ouvertement, ils soutiennent militairement les « rebelles » syriens. S’exprimant jeudi à Londres lors de la réunion avec les diplomates britanniques, français, allemands et arabes, et avant la réunion de Tunis, Clinton a dit qu’Assad aurait à faire face « à des forces d’opposition de plus en plus capables. » Elle a ajouté, « Ils trouveront d’une manière ou d’une autre quelque part le moyen de se défendre et de passer à des mesures offensives. »

De tels commentaires exposent le caractère foncièrement mensonger de la position des Etats-Unis et de leurs alliés. Leurs mains dégoulinantes du sang des centaines de milliers d’Irakiens et d’Afghans tués ou blessés dans des campagnes de contre-insurrection menés par les forces d’occupation américaines, le gouvernement américain est en train de préparer une nouvelle guerre sur la base d’affirmations hypocrites selon lesquelles il considère la répression par Assad d’une insurrection soutenue par l’étranger comme un fait intolérable. La responsabilité des combats qui se poursuivent en Syrie incombe principalement aux Etats-Unis et à leurs alliés.

La pose prise par Clinton et ses complices de ceux qui s’inquiètent pour des « raisons humanitaires » n’est qu’une des armes de l’arsenal diplomatique américain, aux côtés des sanctions, des assassinats ciblés, des frappes de drones et des meurtres de masse.

Hier, les grands journaux ont étalé au grand jour les projets qui sont élaborés par les diplomates impérialistes et les services secrets pour la conquête de la Syrie par les Etats-Unis et de leurs alliés.

Dans un commentaire du Financial Times, l’ancien responsable de la CIA, Emile Nakhleh, a écrit : « L’aide devrait débuter par la mise en place d’un refuge pour l’opposition et les militaires qui font défection du régime, comme en 1991 en Irak du Nord. La nourriture, l’eau, les vêtements et les fournitures médicales ainsi que le matériel technique devraient être largués dans une zone de sécurité. Ankara [le gouvernement turc] aurait à jouer un rôle crucial dans la planification et finalement dans le maintien et l’approvisionnement de cette zone, vu que celle-ci devrait très certainement être limitrophe de la Turquie. Si les forces syriennes violaient le sanctuaire, l’Occident devrait armer l’opposition et collaborer avec les transfuges pour organiser une résistance plus effective. »

Des projets identiques furent exposés dans le New York Times par l’ancienne responsable du Département d’Etat américain, Anne-Marie Slaughter. Appelant à la fourniture « d’armes anti chars, de tireurs d’élite et d’armes portables anti-aériens » aux forces soutenues par les Etats-Unis, elle a réclamé l’établissement de « zones sanctuaires » dans lesquelles les forces syriennes soutenues par les Etats-Unis pourraient trouver un refuge. Les forces gouvernementales, une fois « tuées, capturées ou autorisées à faire défection sans représailles, » dans ces zones faussement nommées « zones sanctuaires », « l’attention se porterait sur la défense et l’expansion des zones sanctuaires ».

De tels projets ne décrivent pas une opération « humanitaire » mais une guerre d’extermination menée par les Etats-Unis contre les forces syriennes qui refusent de se soumettre à l’assujettissement de style colonial du pays.

Une part substantielle de la réunion de Tunis fut consacrée à tenter d’unifier les forces disparates de l’opposition syrienne en une armée de guérilla viable et agissant par délégation pour l’impérialisme américain, analogue à celle du Conseil national de Transition dans la guerre en Libye. Ceci se révéla difficile dans un contexte de tensions intenses entre les trois factions de l’opposition : le Comité de coordination national (CCN), le Conseil national syrien (CNS) et l’Armée syrienne libre (ASL) qui consiste en grande partie de transfuges de l’armée syrienne qui ont fuit vers la Turquie.

Les responsables américains ont également fait état de liens entre Al Qaïda et des éléments islamistes de l’opposition syrienne soutenue par les Etats-Unis. (Voir, International tensions mount over Syria conflict )

Les négociations avec les factions « rebelles » ont souligné le fait qu’aucun des mandataires américains en Syrie ne jouit d’un soutien populaire de masse. Le Financial Times lui-même s’est plaint que l’opposition syrienne est « fragmentée le long de lignes ethniques et sociales. »

Le CCN, qui est composé en grande partie de partis nationalistes staliniens et kurdes, n’a pas participé à la réunion de Tunis où des diplomates ont déclaré que le CNS – qui est dominé par des forces islamistes de l’entourage des Frères musulmans – était un « interlocuteur légitime. »

La réunion avait toutefois refusé d’appeler le CNS un « représentant du soulèvement syrien, » comme certains l’avaient initialement proposé. Ceci semble refléter l’espoir que des négociations supplémentaires peuvent assurer une pleine participation du CCN aux projets de Washington. Les responsables britanniques ont dit aux médias qu’ils espéraient convaincre l’opposition « d’énoncer un ensemble commun de principes qui soit aussi un fort message de rassemblement à l’adresse de tous les groupes ethniques en Syrie. »

Le caractère de l’opposition souligne le caractère politique criminel de l’intervention impérialiste en Syrie. Censée être effectuée pour protéger des protestataires syriens, l’intervention est aussi représentée comme l’extension des luttes révolutionnaires qui ont balayé le Moyen-Orient. En fait, la politique américaine est une réaction contre révolutionnaire contre les luttes de la classe ouvrière qui ont renversé l’hiver dernier en Tunisie et en Egypte les dictateurs soutenus par les Etats-Unis.

En Tunisie et en Egypte, les luttes de masse de la classe ouvrière s’étaient propagées sur l’ensemble du pays, affaiblissant la loyauté des forces armées envers le régime et obligeant des chefs d’Etat haïs à démissionner. Washington avait soutenu Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte et avait travaillé d’arrache-pied pour les maintenir au pouvoir.

En Syrie, les Etats-Unis et leurs alliés ont agi avec rapidité pour transformer les protestations régionales, localisées dans les parties sunnites du pays et dirigées par des organisations ne disposant d’aucune base parmi les masses, en une insurrection droitière n’ayant de soutien dans aucune des deux grandes villes de Syrie, Damas et Alep. Ce n’est pas une révolution, mais une campagne sous direction américaine pour évincer un régime allié à l’Iran dans le but d’isoler davantage ce pays et de renforcer l’hégémonie américaine dans un Moyen-Orient riche en pétrole.

Article original, WSWS, paru le 25 février 2012

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