Officier américain face à ses juges: héros ou traître?
Le lieutenant Ehren Watada, le premier et seul officier américain jusqu´ici à avoir refusé d´aller combattre en Irak. Photo: Keystone
Ehren Watada est jugé en Cour martiale pour avoir refusé de se rendre en Irak. Il se dit convaincu que cette guerre est «illégale et immorale». Il risque quatre ans d’emprisonnement.
Monsieur le président, je ne vais pas la faire, je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens…» Comme dans la chanson de Boris Vian, des milliers de jeunes Américains ont refusé d’aller servir sous les drapeaux dans la guerre menée au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais le cas d’Ehren Watada est particulier. Lundi, s’ouvrait la Cour martiale qui va le juger et pourra lui infliger jusqu’à 4 ans de prison.
Ehren Watada a le grade de premier lieutenant. Il est devenu le premier, et jusqu’ici le seul, officier à refuser d’aller combattre en Irak. L’histoire de cet homme de 28 ans est d’abord restée limitée à son Honolulu natal. Puis elle s’est propagée dans les Etats-Unis, au point de le convertir en symbole. Pour les uns, héros de la nouvelle ère qui s’ouvre. Pour les autres, le portrait type du traître.
A l’une des radios qui l’ont interviewé, Ehren Watada racontait: depuis qu’il était un tout jeune scout, il aimait les uniformes et rêvait de devenir soldat. Son envie de faire quelque chose pour le pays et de rejoindre le régiment n’a fait que redoubler après les attentats du 11 Septembre 2001.
En 2005, devenu officier, s’approche pour lui la date de son départ pour l’Irak. Il a une longue conversation avec un supérieur qui lui conseille d’en apprendre le plus possible sur sa future mission. De son propre aveu, Ehren Watada prend ce conseil à cœur: «Pour être mieux préparé, moi et mes soldats, j’ai commencé à faire des recherches sur l’Irak, y compris sur sa culture et son histoire, ainsi que sur les événements qui se passaient sur le terrain.» Ce qu’il comprend alors, dit-il, le choque. Il reprend ses lectures, de plus belle: «Je me suis progressivement convaincu que cette guerre est illégale et immorale, comme l’est la conduite des forces américaines et du gouvernement américain en Irak.»
A de nombreuses reprises, le jeune lieutenant l’a répété: il n’est pas un pacifiste. «Si notre pays a besoin d’être défendu, je serai le premier à prendre mon fusil. Mais je ne veux pas prendre part à cette guerre que je juge criminelle.» Exposant son «dilemme» à ses supérieurs, Ehren Watada demande à être libéré de ses obligations militaires. L’armée refuse. Il demande alors d’être envoyé en Afghanistan pour combattre les talibans ou les miliciens d’Al-Qaida. Nouveau refus de l’armée: un soldat ne choisit pas ses missions. L’officier ne cède pas. Ses supérieurs non plus. Il ne reste plus que la Cour martiale de Fort Lewis, dont le verdict devrait être rendu avant la fin de la semaine.
Les opposants à la guerre d’Irak, de plus en plus nombreux même si les activistes restent extrêmement minoritaires, ont pris le lieutenant sous leur aile. «Presque tous les jours, quelqu’un de l’armée ou d’ailleurs m’envoie une lettre ou me contacte en personne pour me montrer son soutien», explique-t-il. Ehren Watada s’est exprimé dans les médias contestataires. On l’a invité à venir parler aux manifestations et aux conférences. Les Vétérans d’Irak contre la guerre lui ont demandé de les accompagner. «En tant qu’officier des Etats-Unis, c’est mon devoir de m’insurger contre les graves injustices. C’est une obligation légale et morale inscrite dans la Constitution», disait-il.
Mais pour l’armée, il n’a fait qu’aggraver son cas. A la charge du refus d’obéir s’est ajoutée celle de comportement «indigne d’un officier et d’un gentleman». A mesure que sa notoriété grandissait, ses ennemis se faisaient aussi plus menaçants. Sur son site, la très conservatrice commentatrice Michelle Malkin a placé la photo du lieutenant avec cette légende: «Dissident?, non, déserteur.» «Tout cela sonne comme une manœuvre planifiée, note un militaire anonyme sur le site. S’il est prouvé qu’il a fait tout cela pour encourager les autres soldats à faire pareil, il sera jugé coupable de fomenter une mutinerie. Je ne crois pas que ce lieutenant sache vraiment dans quel pétrin il s’est mis
145 milliards de dollars pour financer la «guerre contre le terrorisme»
La part du budget dévolue au Pentagone augmente.
Le président Bush a lancé sa nouvelle bataille, qui devrait durer plusieurs mois. Lundi, il a présenté au Congrès un budget 2008 qui prévoit de consacrer l’année prochaine 145 milliards de dollars aux guerres menées en Irak et en Afghanistan. A cela s’ajoutent en outre quelque 94 milliards de rallonge supplémentaire pour l’année budgétaire en cours, qui s’achève le 30 septembre. «La guerre contre le terrorisme» est chère: depuis les attaques du 11 septembre 2001, elle aura ainsi coûté près de 662 milliards de dollars aux contribuables américains.
Au total, le budget soumis par l’administration s’élève à 2900 milliards de dollars. Si, hors dépenses militaires, il est pratiquement au même niveau que l’année précédente, la part dévolue au Pentagone et à la sécurité intérieure continue, elle, de grimper: un dollar sur cinq sera dépensé pour des questions liées à l’armement ou la sécurité. A lui seul, le Pentagone devrait bénéficier de 481 milliards de dollars, 11% de plus que l’année précédente. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, George Bush a augmenté de près de 50% le budget militaire. A présent, ce budget représente environ 4% du produit national brut.
Dans le même temps, le président n’a cessé de répéter sa volonté de prolonger les baisses d’impôts qu’il a décidées lors de son premier mandat. Sa politique a cependant conduit, en 2004, à un déficit fédéral record de 413 milliards de dollars. Depuis lors, le Congrès l’a rappelé à l’ordre, et le président est désormais tenu de revenir à l’équilibre budgétaire d’ici à 2012. Pour George Bush, cela reste toujours possible sans une hausse d’impôts.
Dans le projet de budget, les programmes sociaux paient le prix de ces contraintes. Les deux principaux programmes de santé, Medicare et Medicaid, qui fournissent des soins à des dizaines de millions d’Américains retraités ou pauvres, devraient ainsi voir leur budget coupé de quelque 78 milliards ces cinq prochaines années. Il en est de même pour tout une série d’autres programmes (141 au total) plus réduits.
Ce projet de budget promet de rencontrer de fortes oppositions au sein d’un Congrès qui, face à George Bush, est pour la première fois contrôlé par une majorité démocrate. Le sénateur Kent Conrad, président de la Commission du budget, ne mâchait pas ses mots, lundi. Ce budget «est empli de tromperies, il est déconnecté de la réalité et continue de faire avancer l’Amérique dans la mauvaise direction». Maintenir des baisses d’impôts qui profitent aux seuls bien portants, couper dans les priorités nationales: «Ce sont des mesures irresponsables», tonnait le sénateur.