OMC: ça passe ou ça casse

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 A une semaine du sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce, les grandes puissances manœuvrent pour éviter un échec, mais ne sont pas prêtes à faire des concessions notoires sur les volets de l’agriculture et l’industrie. Dossier. 
 

Aune semaine du sommet de Hongkong, les grandes puissances commerciales et la direction de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) font des pieds et des mains pour éviter au processus de libéralisation de commerce tout « dérapage ». Les 148 membres de l’OMC se pencheront du 13 au 18, à Hongkong, lors de la sixième conférence ministérielle, sur les dernières retouches des formules selon lesquelles ils diminueront davantage leurs barrières au commerce, dans le but d’augmenter leurs échanges.

En fait, les réalisations en matière de développement sont si minimes qu’il est difficile de convaincre les populations des bienfaits du cycle actuel des négociations de commerce.

La ministérielle de Hongkong vient quatre ans après la déclaration de Doha, en 2001. Cette déclaration finale de la quatrième ministérielle, tenue à Qatar, a souligné que le cycle actuel de négociations est un cycle dédié au développement.

Deux ans après cette déclaration, en septembre 2003, la ministérielle suivante a d’ailleurs échoué. C’était à Cancun au Mexique. L’échec a été interprété par une fracture Nord/Sud. Les grandes puissances commerciales ont refusé d’ouvrir leurs marchés aux produits agricoles des pays en développement. Coup dur pour l’OMC, cet échec n’est pas sans rappeler celui de Seattle en 1999, aux Etats-Unis. Plusieurs estiment en fait qu’un troisième échec à Hongkong serait fatal pour l’organisation, créée en 1995. C’est pourquoi les grandes puissances commerciales veulent à tout prix faire réussir cette conférence.

Marché contre marché

Or, malgré un ballet diplomatique intense, durant les deux mois passés, aucune avancée, ou presque, n’a été enregistrée sur le plus grand dossier des négociations, à savoir l’agriculture (voir encadré). Alors, au lieu d’exercer plus de pressions sur les grands producteurs et exportateurs agricoles, avec en tête les Etats-Unis et l’Union Européenne (UE), afin d’ouvrir leurs marchés aux produits agricoles provenant du Sud, la direction de l’OMC, appuyée par les grandes puissances commerciales, a décidé que 2005 n’est plus une date butoir pour la signature d’un accord.

Pour Rob Portman, le représentant au commerce américain, ainsi que pour Peter Mandelson, commissaire européen pour le commerce, chacun estime avoir fait une offre forte sur l’agriculture. Mais les offres sont toutes conditionnées. A savoir, les Européens, tout comme les Américains, ont demandé aux grands pays émergents une véritable ouverture sur leur point fort : les services (voir encadré). Donnant donnant. Ce que les pays émergents, comme le Brésil, l’Argentine et l’Inde, n’ont pas apprécié lors des entretiens de Londres et de Genève, en octobre-novembre derniers. Résultat, un véritable accord ne peut plus sortir en décembre. « Ce ne sera pas la fin du cycle de Doha, on reprendra simplement plus tard », prédit déjà un haut fonctionnaire européen. Portman, lui, estime qu’il y a encore trop de temps d’ici jusqu’à avril 2007, le deadline qui lui est offert par le Congrès pour une ratification rapide des accords internationaux de commerce. Le ministre chinois du Commerce a, pour sa part, souligné l’importance de « conclure ce cycle de négociations à temps », c’est-à-dire à la mi-2006 (le cycle devait être conclu en décembre 2005). Pascal Lamy, président de l’organisation, en revanche, a averti que si « les offres de l’agriculture, si faibles soient-elles, sont rejetées, les subventions européennes, américaines et nippones à leur agriculture vont augmenter ».

Opération séduction

Donc, pour ne pas se fracturer en s’attaquant à la muraille du dossier agricole, pendant la 6e ministérielle, on en est arrivé à revoir les ambitions à la baisse lors de la prochaine ministérielle. « Il y a deux mois, je disais un accord ou la mort. Maintenant, je suis plus convaincu que se mettre d’accord, lors de Hongkong, sur un agenda réduit vaut mieux qu’un blocus », confie à Al-Ahram Hebdo Bernard Hoekman, conseiller auprès de la Banque mondiale. C’est ce que Lamy appelle « recalibrer les objectifs ». Et ce, toujours selon Lamy, en signalant seulement la trajectoire espérée des dossiers agricoles et industriels, sans pourtant préciser les modalités des baisses tarifaires qui devraient être entreprises par les membres de l’organisation.

En revanche, la déclaration finale, dont il a déjà publié le projet, renfermera un « développement package », afin d’assurer l’aspect « développement » des accords multilatéraux de commerce.

Il s’agit d’un ensemble de mesures, dont une aide financière et technique qui devrait être allouée au développement des capacités de l’offre dans les pays en développement. En outre, le document qui sera présenté aux ministres des pays membres lors du sommet assure « un Traitement Spécial et Différentiel (TSD) » des Pays Moins Avancés (PMA). Les détails de ce traitement ne sont cependant pas encore définis. Le Financial Times juge pourtant que, vu l’agenda qui sera présenté à Hongkong, les résultats seront bien en deçà des demandes des PMA.

N’empêche, Lamy et Mandelson, ainsi qu’un haut officiel du commerce américain, ont essayé de « vendre » leur proposition aux Africains, quand ils ont rencontré, via une téléconférence, les ministres du Commerce du continent, lors de leur réunion de coordination en Tanzanie, le 24 novembre dernier. Les Africains craignent que les promesses faites par ces deux hauts responsables ne soient qu’un acte de « relations publiques », pour prévenir un blocus lors des négociations. Mandelson a promis de soutenir leurs demandes, s’ils font l’effort de se limiter à deux ou trois demandes principales seulement. Ce qui a été refusé par un bon nombre des ministres présents, selon un observateur à la réunion d’Arusha, Martin Khor, président de Third World Network, une ONG qui suit de près le dossier.

Une des tentatives de dernière minute a eu lieu à Bruxelles, les 30 novembre et 1er décembre, quand les ministres du groupe G90, qui rassemble les pays d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique (ACP), de l’Union africaine et les Pays les Moins Avancés (PMA), ont fait état de leurs préoccupations lors d’une réunion en présence du commissaire européen Peter Mandelson et des représentants du Brésil, de l’Inde et du Japon. Leurs inquiétudes se concentrent autour du sucre, de la banane, du coton et du système de préférences généralisées pour l’accès de leurs produits aux pays développés. « Nous ne voulons pas d’échec, nous voulons des progrès à Hongkong. Nous pouvons concilier les intérêts de toutes les parties. Chacun doit ramener quelque chose à la maison », a déclaré le ministre mauricien des Relations extérieures, Madun Dulloo, président en exercice du groupe.

Lors du débat, plusieurs pays du G90, dont l’Afrique du Sud, le Sénégal, la République dominicaine et la Zambie, ont exprimé leurs craintes que les négociations du cycle de Doha, en décembre à Hongkong, oublient les économies fragiles au profit des grands acteurs comme le Brésil, l’UE et l’Australie. « Le problème est que l’on a perdu le point d’équilibre entre développement et libéralisation commerciale », a expliqué le ministre adjoint sud-africain du Commerce, Rod Davies. Il est fort probable que ce point d’équilibre ne sera pas trouvé à Hongkong.



Articles Par : Global Research

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