OMC : le projet de texte de Pascal Lamy soulève une vague de critiques

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es organisations non gouvernementales (ONG) ont fraîchement accueilli, mardi, le projet de texte du directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, destiné à servir de base à la réunion ministérielle de l’institution internationale à Hongkong.

Pour Coordination Sud, organisation française qui fédère plus d’une centaine d’ONG de développement, le rapport « évacue les questions vitales pour les 3 milliards de personnes qui vivent avec moins de deux dollars par jour », en « proposant, au nom du développement, une seule solution : la libéralisation des marchés agricoles, des services et des biens industriels ». En revanche « aucune solution n’est envisagée » pour « protéger les marchés agricoles », « assainir les marchés mondiaux » ou « prendre en considération la baisse structurelle des prix des matières premières agricoles qui font vivre près de la moitié de l’humanité », déplore l’organisation qui évoque sa « consternation » dans un communiqué.

De son côté, Oxfam International juge « extrêmement décevant de voir à quel point les pays membres sont loin d’un accord qui aiderait les pays pauvres ». Le développement, censé être au cœur du cycle de Doha lancé en 2001, « n’est pas suffisamment au centre des négociations », estime l’ONG. Oxfam reproche notamment à l’Union européenne (UE) de subordonner ses concessions en matière de réduction des soutiens à l’exportation à des progrès dans les autres secteurs de la négociation, la libéralisation des échanges de services et de produits manufacturés.

Il apparaît « clairement » dans le texte de M. Lamy « que les négociations ont largement marginalisé les demandes et questions prioritaires pour les pays les plus pauvres », estime quant à elle Véronique Rioufol, de l’ONG française Agir ici, membre observateur d’Oxfam, dans un communiqué séparé. Cette dernière pointe l’absence de date pour l’élimination des subventions aux exportations agricoles ou le peu d’avancées sur la mise en place de mécanismes de sauvegarde permettant aux pays les plus pauvres de protéger leurs marchés. Le projet de M. Lamy « consacre la trahison des promesses (du cycle de négociations) de Doha », censé se concentrer sur le développement, estime Agir ici, pour qui « aucun aménagement de dernière minute, ‘paquet du développement’ ou autres, ne pourra voiler cet échec ».

« PARTICULIÈREMENT DÉCEVANT »

Lundi déjà, plusieurs voix s’étaient élevées contre le projet de M. Lamy. Plusieurs pays africains se sont dits déçus lundi par les propositions de M. Lamy, à qui ils reprochent de ne pas reprendre l’idée d’un fonds de compensation destiné à aider les producteurs africains lésés par les subventions que les pays riches, principalement les Etats-Unis, versent à leurs producteurs de coton. « Ce texte n’a aucun contenu », a déploré l’ambassadeur du Bénin auprès de l’OMC, Samuel Amehou. Les Africains exigent que les pays riches abolissent dès la fin de cette année leurs subventions à l’exportation du coton et 80 % des subventions directes aux producteurs d’ici à la fin de 2006, avant leur élimination totale en 2009.

Neuf pays ont aussi dénoncé lundi la « menace » qui pèse selon eux sur le développement des pays pauvres dans les négociations en cours à l’OMC. Avec huit autres pays (Argentine, Brésil, Inde, Indonésie, Namibie, Pakistan, Philippines, Venezuela), l’Afrique du Sud a remis à l’OMC un texte demandant aux pays riches d’ouvrir davantage leur marché aux produits agricoles des pays pauvres et à réformer leurs politiques agricoles. « Les pays développés insistent pour mettre la charge de l’ajustement (de leur agriculture) sur les pays en développement », a dénoncé l’ambassadeur d’Afrique du Sud à l’OMC, Faizel Ismail. « Ils ne sont prêts à faire aucun ajustement eux-mêmes », a-t-il ajouté, en critiquant particulièrement  la dernière offre de l’Union européenne en matière agricole.

Pascal Lamy, avait remis samedi aux 148 pays membres son projet de texte pour la conférence ministérielle se tenant du 13 au 18 décembre à Hongkong. Il y fait le bilan des progrès auxquels sont parvenus les Etats depuis le lancement du cycle de négociations, sur la baisse des barrières douanières dans le monde à Doha (Qatar) en 2001. Faute de convergence entre les Etats membres sur l’agriculture, point le plus épineux des tractations, M. Lamy a renoncé au début du mois à son objectif de conclure à Hongkong les deux-tiers des négociations de Doha.

Sur l’agriculture et sur l’accès au marché des produits non agricoles, le texte qu’il a présenté se contente de reprendre les rapports des présidents des groupes de négociations. En ce qui concerne les produits industriels, les Etats pourraient aussi se mettre d’accord sur une formule de réduction des droits de douane dite « suisse » qui obligerait tous les participants à amener leurs tarifs douaniers sous un certain seuil, selon la même source. Sur les services, le texte de 40 pages préparé par le patron de l’OMC prévoit que les pays s’engagent à fixer les niveaux d’accès existants à la concurrence étrangère. Il prévoit aussi la suppression de l’obligation d’avoir une présence commerciale permanente dans un pays lors de la fourniture d’un service trans-frontière.

Jeudi, le commissaire européen au commerce, M. Mandelson, avait jugé « particulièrement décevant » le rapport du groupe de négociation de l’OMC sur les services, estimant que « nous n’irons nulle part » si ce secteur ne fait pas l’objet d' »objectifs ciblés » comme l’agriculture ou les tarifs industriels.

La coordination « OMC : 10 ans ça suffit ! » demande à être reçue par M. Chirac

Vingt-quatre organisations, dont Attac, Greenpeace et la Confédération paysanne, réunies au sein de la coordination « OMC : 10 ans ça suffit! », ont demandé mardi à être reçues par Jacques Chirac pour faire part de « leurs préoccupations » avant la réunion de Hongkong.

« En dépit des récentes déclarations des représentants du gouvernement et derrière un discours de solidarité avec les pays en développement, la France n’oppose aucune résistance aux logiques de libéralisation défendues par la Commission européenne », déplorent ces organisations dans une lettre adressée au chef de l’Etat. « Le gouvernement français prétend défendre les paysans et veut nous convaincre de sa résistance énergique à la mondialisation néolibérale, mais il apparaît surtout préoccupé par les intérêts commerciaux des pouvoirs économiques français à l’international, sans considération des menaces qu’ils constituent pour les populations du Sud comme du Nord », estiment les signataires.

Ceux-ci réclament « la suspension des présentes négociations parallèlement au lancement d’évaluations publiques et indépendantes des accords de l’OMC sur l’évolution de l’emploi, des revenus et de l’environnement ». « Les règles du commerce international, qui pourraient transformer les conditions de vie de milliards de personnes, doivent être discutées de façon transparente sous le contrôle démocratique des institutions compétentes et des populations », relèvent les organisations. Les signataires demandent également à M. Chirac « d’assurer, notamment par l’intermédiaire du Parlement, une information régulière et précise des enjeux liés aux négociations en cours à l’OMC ». Outre la Confédération paysanne, Greenpeace et Attac, la Ligue des droits de l’Homme, l’Unef, la FSU, Solidaires et l’Unef ont notamment signé cette lettre à M. Chirac.-(Avec AFP)



Articles Par : Global Research

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