ONU : La Syrie face à la prétendue « diplomatie humanitaire » des coalisés…
Hier, 25 février, s’est tenue une énième visioconférence sur la situation humanitaire en Syrie rapportée par M. Mark Lowcock, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires [1]. Un rapport intitulé par le site onu.org en langue française : « En Syrie, les parents mangent moins afin de pouvoir nourrir leurs enfants » [2]. Lequel site a rédigé le compte-rendu de la session sous le titre : « Syrie: M. Lowcock alerte le Conseil de sécurité du risque de voir la situation humanitaire passer d’effrayante à catastrophique » [3].
Compte-rendu à lire sans stupéfaction, si possible, devant un extrait de la déclaration du représentant des États-Unis :
« Chaque Syrien mérite une assistance », ont avancé les États-Unis en signalant à cet égard avoir accordé plus de 12,2 milliards de dollars d’aide humanitaire aux Syriens depuis 2012, « en fonction uniquement de leurs besoins ». La délégation a dénoncé les conditions dans le camp de Roukbane qui, depuis un an et demi, a été privé d’aide humanitaire et médicale « parce que le régime d’Assad et la Russie n’y autorisent pas l’accès des convois humanitaires de l’ONU ». « Une telle politisation et militarisation de l’aide devrait nous scandaliser », s’est indignée la délégation. Soulignant le caractère essentiel du mécanisme transfrontalier pour garantir que l’aide humanitaire continue d’atteindre les personnes dans le besoin, les États-Unis ont estimé qu’il est de la responsabilité du Conseil d’élargir l’accès humanitaire en juillet, lorsque le mandat de ce mécanisme sera renouvelé, et non de le restreindre davantage. Cela suppose la réautorisation pour l’ONU d’utiliser le point de passage de Bab el-Haoua en vue de pouvoir assurer la livraison cohérente de nourriture, d’abris et de fournitures médicales dans le nord-ouest de la Syrie ».
12,2 milliards de dollars d’aide humanitaire aux Syriens depuis 2012 « en fonction uniquement de leurs besoins » ! À bien y réfléchir, une telle aimable sollicitude de la part des États-Unis n’est finalement pas si extraordinaire, vu la diplomatie coûteuse de la terreur et des bombes reprise cette nuit par la nouvelle administration US ; Joe Biden ayant ordonné des frappes aériennes en Syrie, en représailles contre les milices pro-iraniennes « alors même qu’il poursuit une initiative diplomatique avec l’Iran pour relancer l’accord nucléaire de 2015 » [4]. Une opération purement défensive pour le porte-parole du ministère étasunien de la Défense John Kirby [5].
Par conséquent, honni soit qui oserait penser qu’en plus du message explosif destiné à l’Iran pour qu’il accepte de négocier ce qu’il déclare non négociable, il s’agit de couper le seul couloir terrestre Iran-Irak-Syrie-Liban qui reste ouvert au niveau d’Al-Boukamal à la frontière syro-irakienne, de soutenir à la fois les milices séparatistes et/ou terroristes en Syrie comme en Irak, tout en continuant de jouer une odieuse guerre inhumaine sous le masque de la diplomatie mensongèrement humanitaire en obligeant la Syrie à s’ouvrir aux « aides transfrontalières » des faux amis de son peuple.
Pour mémoire, ci-dessous la réponse de l’envoyé permanent de la Syrie auprès des Nations Unies, Monsieur Bassam Sabbagh. [NdT].
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Mesdames et Messieurs,
Je remercie mes collègues pour leur accueil et espère m’engager avec les membres du Conseil de sécurité dans des discussions constructives et objectives sur les sujets concernant la Syrie.
Monsieur le Président,
J’ai écouté attentivement l’exposé de M. Mark Lowcock, le Secrétaire général adjoint chargé de la mise en œuvre des décisions relatives à la situation humanitaire en Syrie, et ma délégation a examiné le 71ème rapport du Secrétariat général sur ce même sujet. Il en ressort un sentiment de déception devant la permanence d’un mépris systématique et délibéré de nombreux faits importants liés à la situation humanitaire en Syrie. Nous avions espéré que M. Lowcock dissiperait ce sentiment en cette occasion qui pourrait être la dernière.
Monsieur le Président,
Tout au long de ces dernières années de crise, la Syrie s’est engagée dans une coopération sérieuse et constructive avec l’Organisation des Nations Unies, les pays amis et les partenaires humanitaires ; notamment, le Croissant-Rouge arabe syrien, le Comité international de la Croix-Rouge et plus de cinquante organisations non gouvernementales étrangères autorisées à travailler en Syrie. Une coopération dont les résultats sont indéniables, malgré les énormes défis imposés au gouvernement syrien, à commencer par le combat contre le terrorisme, les mesures coercitives unilatérales, les attaques militaires et les occupations.
D’où, en dépit de toutes les tentatives de dissimulation, une première vérité incontestable qui affirme que ni l’ONU ni ses diverses agences n’auraient obtenu un quelconque résultat dans le domaine humanitaire en Syrie sans le soutien et les énormes facilités accordées par le Gouvernement syrien. La deuxième vérité étant que l’extrême politisation des questions humanitaires en Syrie a accru la souffrance humaine des Syriens. Et cela, car les rapports non conformes aux normes de travail censées être respectées par l’ONU ont permis à certains États membres de ce Conseil de les utiliser pour politiser la question humanitaire et ainsi détourner son attention des facteurs à l’origine de la détérioration de la situation humanitaire et des moyens d’y remédier d’une manière sérieuse et objective.
Monsieur le Président,
Tous les exposés ou rapports soumis à votre respecté Conseil resteront tendancieux et entachés de graves défauts tant qu’ils ignoreront les principaux défis que je résumerai comme suit :
Premièrement : Les crimes commis par les organisations terroristes au premier rang desquelles Daech, Hay’at tahrir al-Cham, alias le Front al-Nosra, et les autres entités qui leur sont associées. Auxquels crimes il faut ajouter la négligence délibérée du détournement de l’aide humanitaire à leur profit, notamment de l’aide transfrontalière, pour financer leurs activités terroristes, recruter de nouveaux membres dans leurs rangs et utiliser les civils qu’elles détiennent afin de leur servir de boucliers humains dans les zones sous leur contrôle.
Ainsi, depuis plusieurs jours, les groupes terroristes sévissant à Idleb empêchent la population d’emprunter le couloir de Saraqeb-Tarnaba ouvert par l’État syrien pour faciliter la sortie des civils assiégés et alléger leurs souffrances. Pour cela, ils n’ont pas hésité à tirer des obus depuis la ville voisine d’Al-Neyrab. De plus, ils détiennent toujours 3300 lycéens qui n’ont pas été autorisés à se rendre dans les centres des examens officiels du Ministère syrien de l’Éducation.
Deuxièmement : Les effets désastreux des mesures coercitives unilatérales imposées au peuple syrien, lesquelles constituent une violation flagrante du droit international et un châtiment collectif des peuples de l’avis même de l’ONU. Des mesures qui privent le peuple syrien de ses besoins essentiels en nourriture, médicaments, équipements médicaux, électricité, carburants et limitent les capacités des institutions étatiques syriennes à répondre aux défis supplémentaires consécutifs à la pandémie Covid-19, ainsi que les efforts des organisations internationales opérant en Syrie.
Troisièmement : L’occupation militaire turque de vastes étendues de terres syriennes au nord et au nord-ouest du pays, où le régime turc procède à la turquification du nom des villes et des villages ainsi que des programmes d’enseignement, impose la monnaie turque, réquisitionne les terres des agriculteurs syriens pour construire ce qu’il désigne par son « mur de séparation », accorde sa protection aux organisations terroristes, y compris celles figurant sur la liste des entités reconnues terroristes par le Conseil de sécurité, pour s’approprier les biens publics et privés, piller le pétrole, les biens culturels et les cultures agricoles. Le tout en plus d’utiliser l’eau potable comme arme contre les civils, en arrêtant dix-huit fois de suite le pompage de l’eau de la station d’Alouk alimentant la ville de Hassaké et ses environs. De graves violations qui justifient la condamnation et non les éloges de certains !
Quatrièmement : L’occupation militaire américaine de territoires situés au nord-est de la Syrie et le pillage systématique par ses forces et celles de ses milices séparatistes locales du pétrole, des récoltes agricoles et des biens culturels ensuite acheminés vers l’étranger via des passages illégaux sous son contrôle. Des milices séparatistes inféodées qui ont récemment imposé un siège étouffant à la ville de Hassaké, entraînant une importante pénurie en nourriture et carburants et allant jusqu’à tirer sur des civils sans armes pour avoir manifesté contre leur siège et exigé le retour des institutions de l’État syrien.
Tandis que dans le sud-est du pays, les forces d’occupation américaines de la région d’Al-Tanf entravent l’accès de l’aide humanitaire au camp d’Al-Roukbane tout en empêchant ceux qui s’y trouvent de rentrer chez eux et ainsi mettre fin à leur souffrance.
Cinquièmement : Les atermoiements face aux conditions de détention dans le camp d’Al-Hol [sous contrôle des milices séparatistes dans le nord-est de la Syrie ; NdT], alors qu’il faudrait faire pression sur les gouvernements de certains pays occidentaux, qui refusent de rapatrier leurs ressortissants terroristes et leurs familles [6], afin qu’ils cessent de se soustraire à leurs responsabilités et obligations légales à cet égard.
Monsieur le Président,
L’amélioration de la situation humanitaire en Syrie nécessite aussi le respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne, comme l’affirment toutes les résolutions adoptées par votre Conseil. Ce qui implique, entre autres, d’arrêter l’envoi illégal de délégations étrangères qui franchissent nos frontières pour tenir des réunions avec des organisations terroristes ou des milices séparatistes et autres entités illégitimes.
La République arabe syrienne appelle de nouveau à cesser la politisation du travail humanitaire et à mettre fin à la malveillance diplomatique, aux diktats et aux négations permanentes de ses efforts afin d’empêcher ses institutions étatiques de les poursuivre dans les deux domaines de l’humanitaire et du développement ; notamment, le programme de réhabilitation des écoles et le retour volontaire des réfugiés à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Pour conclure, Monsieur le Président, ma délégation réaffirme que le centre de l’action humanitaire pour la Syrie se situe dans sa capitale, Damas, et nulle part ailleurs. Quant aux réunions qui se tiennent ici ou là, dont les Conférences de Bruxelles des dits donateurs, elles ne sont que pures exhibitions inefficaces.
Merci, Monsieur le Président
Bassam Sabbagh
Envoyé permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
25/02/2021
Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca
Sources : Vidéo originale / Al-Akhbariya Tv :
https://www.facebook.com/Alikhbaria.Sy/videos/144566877506621
Notes :
[1] Mark Lowcock (OCHA) on the situation in the Middle East (Syria) – Security Council Open VTC
[2] En Syrie, « les parents mangent moins afin de pouvoir nourrir leurs enfants »
https://news.un.org/fr/story/2021/02/1090322
[3] Syrie: M. Lowcock alerte le Conseil de sécurité du risque de voir la situation humanitaire passer d’« effrayante » à « catastrophique »
https://www.un.org/press/fr/2021/sc14448.doc.htm
[4] Biden orders airstrikes in Syria, retaliating against Iran-backed militias
[5] Les Etats-Unis frappent plusieurs cibles en Syrie, première opération militaire sous Joe Biden
https://francais.rt.com/international/84222-etats-unis-frappent-syrie
[6] Syrie : des experts de l’ONU exhortent 57 pays à rapatrier des femmes et enfants bloqués dans les camps
https://news.un.org/fr/story/2021/02/1088882
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