OTAN : Un sommet en trompe-l’œil

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L’Alliance atlantique avance vers son objectif de « sécurité » globale militarisée. La transition en Afghanistan commence par l’envoi de chars américians et Nicolas Sarkozy cible l’Iran.

Au sommet de Lisbonne, l’Otan s’est trouvé un ennemi, l’Iran ; un chef d’orchestre, Barack Obama ; un nouveau partenaire, la Russie, et une stratégie de militarisation via un nouveau « concept stratégique » qui ouvre la voie à toutes possibilités d’intervention dans le monde au nom de la sécurité des intérêts occidentaux.

Dès vendredi soir, un accord est intervenu sur le principe d’un bouclier antimissile implanté sur le territoire européen « en complément de la dissuasion nucléaire, qui restera l’élément central de la stratégie de sécurité de l’Alliance atlantique », se félicitait Nicolas Sarkozy. Ce dispositif, proposé par les États-Unis, comprendra des missiles intercepteurs américains déployés en Europe en quatre étapes, d’abord sur des navires, puis également sur terre, au cours des dix prochaines années.

Le futur bouclier antimissile « offre un rôle à tous nos alliés », a souligné Barack Obama. « Il répond aux menaces de notre temps », sous-entendant le risque de voir des « États voyous », comme l’Iran ou la Corée du Nord, ou des organisations extrémistes être un jour en mesure de lancer des attaques balistiques contre le territoire européen.

Un système en grande majorité américain

Pour obtenir le soutien de la Turquie, qui devrait héberger sur son territoire un radar avancé mais qui tient à conserver de bonnes relations avec Téhéran, aucun pays n’est expressément nommé dans l’accord. Ce qui n’empêche pas les dirigeants de ne penser qu’à eux, comme l’a rappelé Nicolas Sarkozy qui a tenu à remettre les points sur les i. « Aucun nom ne figure dans les documents publics de l’Otan mais la France appelle un chat un chat, la menace des missiles aujourd’hui, c’est l’Iran… Donc, si un jour, l’Iran tire un missile vers l’Europe, il est certainement souhaitable qu’on puisse l’intercepter », a lancé le président français, samedi, moins explicite en revanche sur la mise en application d’un système en grande majorité américain. Ce qui confirme l’expansion à l’est de l’Otan et de son principal actionnaire. Dès lors, la question du commandement en est-elle réellement une ?

D’autre part, en ces temps de crise, la machine industrielle américaine se verra relancer par les commandes militaires. Une opération rentable en direct, mais aussi pour ses retombées : la vente de matériel américain de « produits dérivés », dans le cadre de l’ « harmonisation » des armements dans l’Otan. Selon la présidence française, les Européens participeront au financement des systèmes de contrôle et de commandement, d’un coût de 80 à 150 millions d’euros, dont 12 % pour la France. Paris mettra aussi à disposition son futur satellite d’alerte avancé qui pourra être « articulé » avec le système antimissile de l’Otan, a annoncé Nicolas Sarkozy. Des entreprises françaises, dont Thales, bénéficieront d’une « partie des contrats », assure l’Élysée.

Quant à la question du désarmement nucléaire, elle est devenue l’Arlésienne du sommet. Dans son nouveau concept stratégique adopté à Lisbonne, l’Otan affirme qu’elle restera une alliance nucléaire « aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires », tout en affirmant vouloir créer les conditions d’un monde sans arme atomique.

Le second gros sujet de réjouissance pour les alliés, la stratégie de sortie, d’ici à quatre ans, d’une majorité des troupes des forces internationales d’Afghanistan, en transférant progressivement la responsabilité en matière de sécurité à la police et à l’armée afghanes, est aussi lourd d’hypothèques. L’Otan est en train d’atteindre son « objectif de briser l’élan des talibans », indiquait samedi Barack Obama, un résultat bien mince après plus de neuf années d’intervention militaire. Or, la stratégie américaine en Afghanistan fait actuellement l’objet d’une réévaluation de la part de la Maison-Blanche seule. Sans remettre en question ce calendrier de l’Alliance, un haut responsable américain a indiqué à la presse que « Washington n’avait pas encore pris sa décision et qu’il était trop tôt pour fixer son propre calendrier ». « Nous ne disons pas que nous n’allons pas mettre fin à notre mission de combat (d’ici à la fin de 2014). Ce que nous disons, c’est que nous prendrons une décision à l’approche de cette date. Cette décision sera fondée sur les conditions sur le terrain », a-t-il ajouté. « La transition ne veut pas dire qu’on parte immédiatement », a fait valoir Nicolas Sarkozy, qui n’a même pas évoqué un quelconque retrait de soldats français dans une prochaine période. Parallèlement, l’armée américaine a annoncé le déploiement, en décembre, de chars lourds en Afghanistan, pour la première fois depuis le début de la guerre. Une compagnie de chars Abrams M1A1, appuyés par 115 marines, sera ainsi dépêchée dans la province méridionale du Helmand. Qui a parlé de transition et de désengagement ?

Dominique Bari : Lisbonne (Portugal), envoyée spéciale.



Articles Par : Dominique Bari

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