Pacifistes irakiens : nous sommes pris entre deux feux

Rome. « Nous, les pacifistes, nous sommes pris entre deux feux, deux fondamentalismes qui n’ont qu’un objectif : transformer l’Irak en un pays islamique ». Ismaël M. Dawood est membre de l’Association irakienne pour la défense des droits humains et de Justice network for prisoners in Irak, le Réseau pour la justice des prisonniers, partenaire de Un ponte per… . Il répond aux questions  du manifesto, en participant au Colloque Medlink-Intrecci (Villa Piccolomini, via Aurelia Antica, voir http://www.medlinknet.org/index.php, NDT), jusqu’au 26 novembre. Une initiative qui rassemble des associations, mouvements, syndicats de 31 pays des rives nord et sud de la Méditerranée, dans une tentative de conjuguer la lutte pour les droits humains et pour la démocratie avec l’opposition au « néocolonialisme, à la guerre et aux occupations militaires ». La Méditerranée – dit Fabio Alberti, de Un ponte per… – est un berceau de civilisation, mais aussi  un champ de bataille de guerres âpres pour son contrôle. Le séisme qui peut en dériver pourrait faire trembler la terre ». Dawood arrive de ce séisme.

En Irak les massacres se succèdent. Le pays est-il en proie à la guerre civile ?

Une guerre civile permanente entre deux types de fondamentalismes, qu’ils soient de matrice chiite ou sunnite, mais avec le même objectif : transformer l’Irak en un pays islamique dans lequel les droits humains n’auraient plus de place. Si l’Irak, pays traditionnellement laïc, tombait dans les mains  de ces deux fondamentalismes, ce serait un désastre. D’un autre côté la stratégie de souffler sur les braises ou de rester spectateur, utilisée par Bush, produit une situation d’instabilité constante et de conflits. Comme au Liban. Pourquoi les troupes USA n’empêchent-elles  pas les homicides, les disparitions continuelles, les rafles ?

Quelles sont les forces qui peuvent  conduire à une renaissance de l’Irak ?

Dans les années 70-80, il y avait une forte orientation socialiste en Irak, une empreinte qui résiste dans la société civile, dans le travail de certaines associations non gouvernementales.  Mouvements, cependant, qui se trouvent pris entre deux feux : entre celui d’un intérêt interne –celui des fondamentalismes religieux- et un autre, extérieur – celui des objectifs étasuniens et d’états, comme l’Iran, qui ont une influence sur l’islamisme radical. Si le soutien international n’appuie pas  le dialogue démocratique, rien ne sauvera l’Irak du chaos.

Que pensez-vous de la résistance irakienne ?

Je ne crois pas que la violence soit une solution, mais dons un conflit de ce genre la rue  ne suffit pas pour résister à l’occupant. La situation à l’intérieur est confuse, cependant, et certaines actions  violentes divisent le pays qui, pour se libérer, aurait au contraire besoin de son unité. C’est pour cela que j’ai voté pour le parti Irakia, en choisissant le moins pire. Mais on ne voit pas encore d’éclaircie : Condoleezza Rice a dit : malgré les erreurs, nous continuons. Mais les erreurs ce sont des millions de victimes.

Quelle est la situation des droits de l’homme dans les prisons irakiennes ?

En Irak il y a deux types de prison : celles sous autorité irakienne, l’autre de compétence étasunienne. Notre association ne peut entrer que dans les prisons irakiennes. Je reviens de Arbil, dans le nord de l’Irak. Là comme ailleurs, les plus gros problèmes sont dus au fait que personne ne sait pourquoi il a été arrêté ; les rafles se succèdent sur fond d’urgences continues et d’alarmes constantes. Le gros de notre travail consiste à informer  les prisonniers de leurs droits. On pense qu’il y a 30 mille détenus, mais il est difficile de faire une estimation exacte.

Que pensez-vous du procès de Saddam Hussein ?

Je connais les crimes de Saddam Hussein mais il n’a pas été traité avec justice pendant son procès. De mon point d’observation – celui d’un militant des droits humains-  il y a  eu une double emphase, doublement spéculaire et délétère : du côté étasunien on a mené un procès politique qui n’avait rien de régulier, fonctionnant selon une situation interne étasunienne. De l’autre côté, on a transformé Saddam Hussein de bourreau en victime d’un procès injuste. Le procès, au contraire, aurait du faire la lumière –et de façon claire- sur les éléments de compétence exclusivement juridique.

Edition de samedi 25 novembre de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/25-Novembre-2006/art24.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



Articles Par : Geraldina Colotti

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