Un récent documentaire de Max van der Werff, le principal enquêteur indépendant sur la catastrophe du vol MH17 de Malaysia Airlines, a révélé des preuves de falsification et de contrefaçon des documents utilisés par l’accusation, d’élimination des enregistrements radar de l’Armée de l’air ukrainienne, ainsi que de mensonge des gouvernements néerlandais, ukrainien, américain et australien. Et pour la première fois, un représentant du Conseil de sécurité nationale de Malaisie a révélé que des agents du FBI avaient tenté de s’emparer des boîtes noires de l’avion abattu.

Les sources de ces révélations sont malaisiennes : le Premier ministre, Mohamad Mahathir, le colonel Mohamad Sakri, officier responsable de l’enquête sur le MH17 pour le Département du Premier ministre et le Conseil national de sécurité de Malaisie nommé à la suite à la catastrophe du 17 juillet 2014, ainsi qu’une analyse par OG IT Forensic Services (enquêteur privé malaisien) des enregistrements téléphoniques du Service de sécurité ukrainien (SBU) que les procureurs néerlandais avaient déclarés authentiques.

Les 298 victimes du MH17 comprenaient 192 Néerlandais, 44 Malaisiens, 27 Australiens et 15 Indonésiens. Le nombre de nationalités varie parce que le communiqué de la compagnie aérienne n’identifie pas les personnes ayant la double nationalité avec l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Le documentaire jette tout le poids du gouvernement malaisien, l’un des cinq membres de l’équipe conjointe d’enquête (JIT), contre les conclusions qui ont été publiées et l’inculpation récente de suspects russes menée par les fonctionnaires néerlandais en charge du JIT. En plus de la Malaisie et des Pays-Bas, les autres membres du JIT sont l’Australie, l’Ukraine et la Belgique. L’exclusion initiale de la Malaisie du JIT et l’inclusion de la Belgique (4 ressortissants belges inscrits sur le manifeste des passagers MH17) n’ont jamais été expliquées.

Le film révèle les preuves qui permettent au gouvernement malaisien d’estimer que les dépositions de témoins au JIT, les photographies, les vidéos et des enregistrements téléphoniques ont été manipulés par le SBU et sont irrecevables dans une poursuite judiciaire devant un tribunal malaisien et tout autre tribunal national ou international.

Pour la première fois également, le gouvernement malaisien révèle comment il s’est mis en travers des tentatives organisées par les États-Unis pendant la première semaine qui a suivi le crash pour lancer une attaque militaire de l’OTAN sur l’est de l’Ukraine. Le prétexte pour cela était de sauver l’avion, les corps des passagers, et les preuves de ce qui avait causé l’accident. En fait, l’opération visait à vaincre les mouvements séparatistes du Donbass et à lutter contre la Crimée reprise par la Russie.

Le nouveau documentaire révèle qu’une opération militaire secrète malaisienne a été organisée pour assurer la garde des boites noires du MH17 le 22 juillet [2014] et empêcher les États-Unis et l’Ukraine de les saisir. L’opération malaisienne, révélée par le colonel de l’armée malaisienne qui la dirigeait, a subtilisé les objets du prétexte, étayant ainsi l’opposition du gouvernement allemand à une attaque militaire, et forçant les Hollandais à annuler celle-ci le 27 juillet.

Le documentaire de 28 minutes de Max van der Werff et Yana Yerlashova vient de sortir. Celle-ci était la réalisatrice et coproductrice du film avec Max van der Werff et Ahmed Rifazal. Vitaly Biryaukov a réalisé la photographie. Voir le film complet ici. L’entretien complet avec le Premier Ministre Mahathir a été publié à l’avance. Il peut être visionné et lu ici.

M. Mahathir révèle pourquoi les gouvernements des États-Unis, des Pays-Bas et de l’Australie ont tenté d’exclure la Malaisie de l’enquête du JIT dans les premiers mois de l’enquête : au cours de cette période, des représentants des États-Unis, des Pays-Bas, de l’Australie et de l’OTAN ont lancé un plan pour que 9 000 soldats entrent dans l’est de l’Ukraine, sous prétexte de sécuriser la scène de l’accident, l’avion et les restes de passagers, en réponse au rôle présumé de la Russie dans la destruction du MH17 le 17 juillet. Pour les détails de ce plan, lisez ceci.

Bien que l’opposition allemande à l’intervention militaire ait forcé son annulation, les Australiens ont envoyé une unité des forces spéciales de 200 hommes aux Pays-Bas, puis à Kiev. L’Union européenne et les États-Unis ont suivi avec des sanctions économiques contre la Russie le 29 juillet. La résistance malaisienne aux tentatives des États-Unis pour accuser Moscou de la destruction de l’avion a été clairement exprimée dans les premières heures après l’accident au Président Barack Obama par Najib Razak, Premier ministre de la Malaisie à l’époque. Cette information peut être trouvée ici et ici.

Assumant la décision inhabituelle de prendre la parole dans ce documentaire, le successeur de M. Razak, le Premier ministre Mahathir, a déclaré :

Depuis le début, ils n’ont jamais autorisé notre implication. C’est injuste et inhabituel. Nous pouvons donc voir qu’ils ne se penchent pas vraiment sur les causes de l’accident et qui en était responsable. Mais ils avaient déjà décidé que ce devait être la Russie. Donc nous ne pouvons pas accepter ce genre d’attitude. Nous sommes intéressés par l’état de droit, la justice pour tous, et peu importe qui est impliqué. Nous devons savoir qui a réellement tiré le missile, et c’est seulement à ce moment-là que nous pourrons accepter le rapport en tant que vérité complète.

Le 18 juillet, lors de la première conférence de presse du gouvernement malaisien après que l’avion ait été abattu, M. Razak [ci-dessous] a annoncé qu’il avait déjà conclu des accords par téléphone avec Obama et Petro Porochenko, le Président ukrainien : « Obama et moi sommes convenus que l’enquête ne sera pas cachée et que les équipes internationales doivent avoir accès à la scène de l’accident. »

M. Razak a déclaré que le président ukrainien avait promis une enquête complète, approfondie et indépendante à laquelle les enquêteurs malaisiens seraient invités à participer :

« [M. Porochenko] a également confirmé que son gouvernement négocierait avec les rebelles dans l’est du pays afin d’établir un couloir humanitaire vers le site de l’accident, a ainsi ajouté M. Razak. [M. Porochenko] a ajouté que personne ne devrait retirer les débris ou les boîtes noires de la scène. Le gouvernement malaisien envoie un vol spécial à Kiev, avec une équipe spéciale de sauvetage et d’aide aux sinistrés, ainsi qu’une équipe médicale à bord. Mais nous devons découvrir précisément ce qui est arrivé à ce vol, et nous le ferons. Nous ne devons négliger aucun détail. »

Le documentaire révèle ce qui s’est passé ensuite, dans une interview avec le colonel Mohamad Sakri, chef de l’équipe malaisienne. Le témoignage de Sakri, qui est filmé dans son bureau à Putrajaya, est le premier à être rapporté par la presse en dehors de la Malaisie depuis cinq ans. Il y a un an, Sakri a donné un compte rendu partiel de sa mission à un journal malaisien, le New Strait Times.

« J’ai parlé à mon Premier ministre [Najib Razak], explique le colonel Sakri. Il m’a ordonné d’aller immédiatement sur le lieu de l’accident. » À l’époque, Sakri était un haut responsable de la sécurité à la Division de la gestion des catastrophes dans les services du Premier ministre. Sakri ajoute qu’une fois arrivés à Kiev, les Malaisiens ont été bloqués par les fonctionnaires de Porochenko. « Nous n’étions pas autorisés à y aller […] alors j’ai choisi une petite équipe pour quitter Kiev et aller secrètement à Donetsk. » Sakri a visité le lieu du crash et a rencontré des représentants de l’administration séparatiste de Donetsk dirigée par Alexander Borodai.

Avec onze hommes, dont deux médecins spécialistes, un aiguilleur et des commandos de l’armée malaisienne, le colonel Sakri n’a pas attendu pour rejoindre le site avant un convoi armé d’hommes des gouvernements australien, néerlandais et ukrainien. Ces derniers étaient bloqués par des unités séparatistes de Donetsk. L’agence de presse australienne ABC a rapporté que leur convoi militaire, parti de Kiev sur l’intervention des ministres des Affaires étrangères australiens et néerlandais, Julie Bishop et Frans Timmermans, avait été contraint d’abandonner sa mission. C’était alors que le colonel Sakri a pris possession des boites noires du MH17, à l’occasion d’une cérémonie de remise filmée au bureau de M. Borodai à Donetsk, le 22 juillet.

Des sources étatsuniennes ont déclaré au Wall Street Journal de l’époque que « le succès de la mission [Sakri] a[vait] offert une victoire politique au gouvernement de M. Najib. […] Il a également fait un cadeau aux rebelles sous la forme d’un accord, signé par le haut fonctionnaire malaisien présent à Donetsk, qui appelle le site du crash le « territoire de la République populaire de Donetsk. » […] Cette reconnaissance pourrait contrarier Kiev et Washington, qui se sont efforcés de ne pas donner de crédibilité aux rebelles, dont les principaux dirigeants sont des citoyens russes ayant peu de liens avec la région. La porte-parole adjointe du département d’État, Marie Harf, a déclaré lors d’une séance d’information lundi que la négociation « ne légitim[ait] en aucune manière » les séparatistes. »

La radio d’État australienne a ensuite relayé l’information du gouvernement ukrainien affirmant que les données de la boîte noire montraient que « la destruction et de la chute de l’avion était causées par une décompression explosive massive causée par de multiples perforations dues à des éclats de roquette. » Il s’agissait d’une invention : les données des boîtes noires, de l’enregistreur vocal dans le poste de pilotage et de l’enregistreur de données de vol, rapportées pour la première fois en septembre, six semaines plus tard, par le Bureau de la sécurité des Pays-Bas, n’ont rien montré de tel. Lisez ici ce que leur témoignage a révélé.

Le 24 juillet [2014] à Kiev, Julie Bishop, Ministre des affaires étrangères, a affirmé qu’elle négociait avec les Ukrainiens pour que l’équipe australienne dans le pays puisse porter des armes. « Je ne prévois pas que nous [y] aurons un jour recours, a-t-elle déclaré à son agence de presse nationale, mais il s’agit d’un plan d’urgence, et il serait imprudent de ne pas l’inclure dans ce genre d’accord. Mais je souligne que notre mission n’est pas armée parce qu’il s’agit d’une mission humanitaire. »

Or, au moment où elle s’adressait à sa radio nationale, Mme Bishop cachait que le plan d’intervention armée, qui comprenait 3 000 militaires australiens, avait déjà été annulé. Elle cachait aussi que les boîtes noires étaient en la possession du colonel Sakri. Car le document signé par Sakri en contrepartie des boîtes noires est visible dans le documentaire : le colonel a signé lui-même et y a apposé le cachet du Conseil national de sécurité de Malaisie.

 

Le militaire poursuit en expliquant que la mission de surveillance spéciale de l’OSCEpour l’Ukraine lui a demandé de remettre les boîtes noires, ce qu’il a refusé de faire. Il a ensuite eu un entretien avec des agents du FBI (6’56). « Ils m’ont approché pour que je leur montre les boîtes noires. J’ai dit non. » Il raconte également qu’à Kiev, les agents du gouvernement ukrainien a essayé de « [le] forcer à laisser les boîtes noires entre leurs mains. Nous avons dit non. Nous ne pouvons pas. Nous ne pouvons pas accepter ça. »

La permission de parler à la presse a été donnée au colonel Sakri par ses supérieurs dans les services du Premier ministre à Putrajaya, et ses divulgations ont été convenu avec eux.

Les communiqués ultérieurs du gouvernement de Kiev pour étayer l’accusation d’implication russe dans l’incident comprenaient des enregistrements sur bandes téléphoniques. Ceux-ci ont été présentés le mois dernier par le JIT comme preuve pour la mise en accusation de quatre Russes. Pour plus de détails, lisez ceci.

Les deux réalisateurs ont alors conclu un contrat avec OG IT Forensic Services, une entreprise malaisienne spécialisée dans l’analyse technique de matériel audio, vidéo et numérique pour les procédures judiciaires, afin d’examiner les enregistrements téléphoniques. Cette entreprise de Kuala Lumpur a été validée par le barreau malaisien. Le rapport technique complet, qui fait 143 pages, peut être lu ici.

Les conclusions rapportées par M. Akash Rosen [d’OG IT] devant la caméra sont que les enregistrements téléphoniques ont été coupés, modifiés et fabriqués. Selon la conférence de presse du JIT du 19 juin [2019] donnée par l’officier de police néerlandais Paulissen, chef du Service national des enquêtes criminelles des Pays-Bas, la source des bandes était le SBU. Un analyste allemand, Norman Ritter, parvient à des conclusions similaires sur la contrefaçon des bandes et la falsification des preuves dans le documentaire.

Par ailleurs, les deux réalisateurs sont allés tourner sur le site du crash, dans l’est de l’Ukraine. Ils ont interrogé plusieurs témoins locaux, dont un homme nommé Alexandre, de la ville de Torez [au sud de la zone, NdT.], et Valentina Kovalenko, une femme de la commune rurale Octobre rouge. L’homme a dit que la batterie de missile, que le JIT présume avoir été transportée depuis l’autre côté de la frontière russe le 17 juillet [2014], était à Torez au moins un, peut-être deux jours avant le tir du 17 juillet. Mais il n’a pas confirmé les détails que le JIT a identifiés comme ceux d’un système Buk.

Mme Kovalenko avait été présentée pour la première fois il y a trois ans comme un témoin oculaire « unique » du lancement du missile dans un documentaire de la BBC (à partir de 26’50). Sur l’endroit d’où, selon elle, le missile a été tiré, elle livre des indications beaucoup plus explicites que celles données par la BBC.

Et ce n’était pas l’endroit indiqué dans les déclarations de presse de JIT. M. Van der Werff précise :

Nous avons spécifiquement demandé à [Mme Kovalenko] d’indiquer exactement la direction d’où venait le missile. Je lui ai alors demandé à deux reprises si c’était éventuellement à partir de la direction du site de lancement indiqué par le JIT. Or, elle n’a vu ni flamme de départ ni panache à partir de cet endroit. Remarquez que le « site de lancement » du JIT se trouve à moins de deux kilomètres de sa maison et de son jardin. La BBC a omis cet élément crucial de son témoignage.

Selon Mme Kovolenko, dans le documentaire, « à ce moment, c’est l’armée ukrainienne qui se trouvait là », sur le lieu du tir qu’elle a maintenant identifié précisément. Elle se souvient également que les jours précédant le tir de missile du 17 juillet dont elle a été témoin, des avions militaires ukrainiens avaient opéré au-dessus de son village. Elle ajoute qu’ils employaient des techniques de camouflage, comme voler dans l’ombre portée d’un avion civil qu’elle a pu également voir alors.

Trois autres villageois ont dit à Max van der Werff que le 17 juillet, ils avaient vu un avion militaire ukrainien dans les environs et au même moment que le crash du vol MH17.

En conclusion du documentaire, les réalisateurs présentent une interview antérieure, filmée à Donetsk par le journaliste indépendant néerlandais Stefan Beck, que les responsables du JIT avaient tenté de dissuader de visiter la région. Beck y interrogeait Yevgeny Volkov, contrôleur aérien de l’Armée de l’air ukrainienne en juillet 2014. M. Volkov est invité à commenter les déclarations du gouvernement ukrainien, soutenues dans le rapport du Bureau de la sécurité des Pays-Bas et dans les rapports ultérieurs du JIT, qui affirment qu’il n’existe aucun enregistrement radar de l’espace aérien au moment du tir, parce que les radars militaires ukrainiens n’étaient pas opérationnels à ce moment

M.Volkov explique que le 17 juillet [2014], il y avait à Chuguev trois unités radar en « alerte totale » parce que « les avions de chasse décollaient de là ». Or Chuguev est à 200 kilomètres au nord-ouest du lieu de l’accident. Il conteste l’affirmation que les réparations sur une unité impliquent l’arrêt des deux autres. Des enregistrements radar ukrainiens au lieu et à l’heure de l’attaque sur le MH17 ont été faits et conservés, affirme M. Volkov. « Ils les ont, là-bas. Ils les ont en Ukraine. »

Le mois dernier, le 19 juin, lors de la conférence de presse du JIT aux Pays-Bas, le représentant malaisien présent, Mohammed Hanafiah Bin Al Zakaria, l’un des trois procureurs généraux du Ministère du procureur général de la Malaisie, a refusé de valider au nom du gouvernement malaisien les conclusions du JIT et ses accusations contre la Russie. « La Malaisie souhaite répéter sa confiance envers le JIT dans sa quête de justice pour les victimes », a déclaré M. Hanafiah. Et il a poursuivi :

Le JIT a pour objectif de terminer les enquêtes et la collecte de preuves de tous les témoins en vue de poursuivre les auteurs d’actes répréhensibles, et la Malaisie respecte la primauté du droit et l’application des règles.

Question d’un journaliste : validez-vous les conclusions ?

Réponse partiellement inaudible : […] ne changent pas nos positions.

John Helmer

 

Article original en anglais :

The Malaysian Airlines MH17 Tragedy, Suppression and Tampering of the Evidence. New Documentary

johnhelmer.net, le 17 juillet 2019

Traduit par Stünzi, relu par Hervé pour le Saker francophone

 

Pour aller plus loin, en anglais :

Flight MH17

The Downing of Malaysian Airlines MH17: The Quest for Truth and Justice. Review of the Evidence, le 14 août 2019.

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Le Royaume-Uni a reconnu sa première défaite que lui a fait subir l’Iran en relâchant le superpétrolier iranien « Grace 1 », que 30 membres d’un commando de la Royal Navy avaient saisi la première semaine de juillet à la demande des USA,  comme l’a révélé le ministre des Affaires étrangères espagnol Josep Borrell. En réponse, l’Iran relâchera le pétrolier battant pavillon britannique « Stena Impero » saisi par les forces spéciales du « Corps des gardiens de la Révolution iranienne », d’ici samedi en mi-journée. Cette réponse du tac au tac de l’Iran démontre sa détermination à faire respecter sa politique de dissuasion envers l’Occident et à accepter toutes les conséquences, y compris la guerre s’il le faut.

L’Iran se prépare aussi à un nouveau retrait partiel de l’accord sur le nucléaire dans trois semaines, devant l’impuissance des pays occidentaux signataires de l’accord à contrecarrer les actions illégales du président des USA Donald Trump. Les USA ont décidé de révoquer l’accord unilatéralement en s’étant laissé convaincre par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, même si son chef de cabinet a reconnu que l’accord fonctionnait. Le bras de fer entre l’Iran et l’Occident est en train de transformer le Moyen-Orient en un baril de poudre prêt à exploser à la moindre décision hardie.

Ce qui réduit la possibilité d’une guerre dans le golfe Persique, ce sont les élections présidentielles aux USA en 2020. En effet, Trump ne semble plus prêt à affronter l’Iran directement ou à pousser le conflit à un niveau dangereux. Il veut éviter de mettre les USA sur la ligne de front contre l’Iran pendant encore un an, jusqu’à ce que les résultats du scrutin présidentiel se tournent en sa faveur à la fin de 2020. Dans l’intervalle, l’administration étasunienne augmente les sanctions contre l’Iran et tente de réunir une force navale qui naviguerait dans le golfe Persique, ce qui ne ferait qu’augmenter la tension. Israël a répondu présent ouvertement, narguant ainsi son ennemi juré iranien en s’offrant de participer directement à la mission navale dans le golfe Persique proposée par les USA. Israël participe déjà aux plans des USA dans le golfe. Des sources bien au fait de la dynamique de la tension entre les pays du Golfe et l’Iran ont affirmé qu’« Israël déploie des drones dans le secteur et est présent dans bien des pays autour de l’Iran en fournissant un soutien militaire et logistique ».

« L’offre » israélienne est perçue comme une provocation claire contre l’Iran. Les Israéliens envoient un message sans détour à « l’Axe de la résistance » qui menace d’attaquer Israël en cas de guerre totale contre l’Iran. Cela démontre qu’Israël est prêt à se joindre à une coalition dirigée par les USA pour faire la guerre à l’Iran au moment voulu par les USA, fort probablement après les élections présidentielles de l’an prochain. Israël mesure les avantages et les conséquences de toute décision d’aller en guerre. Sauf que cette fois-ci, les dirigeants israéliens devront expliquer à leurs concitoyens le bien-fondé d’une guerre contre l’Iran qui causera une destruction majeure de l’infrastructure et des pertes de vie en Israël. Le Hezbollah s’est promis d’attaquer Israël en cas de guerre et le chef de sa délégation parlementaire a affirmé que l’acteur quasi étatique croit qu’une guerre se prépare contre le Liban. Une guerre au Moyen-Orient n’est certes pas à l’avantage du continent européen tout proche, qui fait bien peu pour influencer Trump ou réduire le niveau de tension qu’il crée au Moyen-Orient.

Parmi les pays européens, seul le R.-U. a accepté de se joindre aux USA pour patrouiller et protéger les pétroliers naviguant dans le golfe. Le R.-U. s’éloigne de la position européenne envers l’Iran et semble disposé à assumer le rôle de bouclier des USA pour gagner la faveur de celui-ci, comme l’a démontré la capture du « Grace 1 ». L’administration Trump fait preuve de plus de sagesse que le R.-U. en laissant son porte-avions USS Abraham Lincolnvet ses autres navires de guerre au Bahreïn, loin du golfe Persique.

L’Iran montre aussi sa détermination à veiller à ses intérêts en rejetant les dures sanctions étasuniennes et en perturbant l’exportation pétrolière si son propre pétrole ne peut être vendu sur le marché mondial. Il n’en demeure pas moins que l’Europe est consciente du danger et de la possibilité d’un affrontement militaire qui ne fera que des perdants.  L’insistance du R.-U. à rester en première ligne contre l’Iran, en envoyant un troisième navire de guerre dans le golfe, ne tient pas compte du fait que le Corps des gardiens de la Révolution iranienne considère tous les navires occidentaux qui se regroupent dans le secteur comme des cibles immédiates et des tombeaux flottants en cas de guerre. L’Iran dispose de missiles de croisière, de missiles de précision antinavires et de drones armés en quantité suffisante pour endommager et détruire n’importe quel navire, même s’il se cache derrière une île,  Bahreïn, dans le golfe Persique.

L’Irak a joué un rôle important pour désamorcer la tension entre l’Iran et le R.-U. et permettre la libération des pétroliers « Grace 1 » et « Stena Impero ». L’administration étasunienne cherche des moyens d’augmenter sa pression maximale sur l’Iran, dans l’espoir de mettre ses dirigeants à genoux, un objectif qui ne se réalisera pas de sitôt. Bagdad ne sera pas tenu à l’écart en cas de guerre. Les alliés de l’Iran en Irak, au Liban, en Syrie et au Yémen ne resteront pas les bras croisés et se préparent au pire. Loin d’être terminée, la guerre des pétroliers ne fait que commencer.

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«Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils remplissent leur âme. Chacun d’eux retiré à l’écart est comme étranger à la destinée de tous les autres ; ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine…»  Alexis de Tocqueville, (De la démocratie en Amérique)

Il m’a été donné de visiter encore une fois l’Amérique du Nord dans à la fois un tourisme culturel mais aussi un tourisme scientifique. Tout commence début juillet par un retour à Montréal où j’ai pu visiter en famille ce qu’il y a de mieux dans la capitale du Québec notamment , les fameuses universités de Montréal, de Mc Gill mais aussi trois autres temples du savoir l’Ecole Polytechnique, l’Ecole des Technologies Supérieures considéré comme le MIT canadien , et naturellement l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales Mon pèlerinage vers la science s’est poursuivi aux Etats Unis sur la Cote est ( MIT de Boston, Harvard, en passant brièvement à New York, Washington et Philadelphie considérée avec la cote ouest ( Stanford, Berkeley, Caltechn et UCLA que j’avais visitées précédemment ) comme le creuset de l’intelligence américaine.

Avant de décrire justement la puissance scientifique des institutions il m’est apparu important de décrire brièvement la puissance américaine à la fois sur le plan scientifique et technologique, sur le modèle social, mais aussi sa face discutable, celle d’une prospérité basée en partie sur la ruine des autres pays selon la fameuse méthode graduelle du soft power qui donne invariablement lieu en cas de réticence au hard power voire à ce qu’on appelle l’offre- que l’on ne peut pas refuser- d’une démocratie aéroportée pour provoquer un chaos réorganisateur selon le mot de Candy Rice le mot de Margareth Allbright à propos de la mort de 500.000 enfants morts des suites de l’embargo sur l’Irak : « Ce n’est pas cher payé pour faire partir Saddam Hussein . Ce même Saddam Hussein à qui on a collé les ADM introuvables et d’avoir provoqué le chaos réorganisateur selon les mots de Condolezza Rice ancienne secrétaire d’Etat de Georges Bush avec en prime la pendaison de Saddam , un pays en miettes mais ou les robinets du pétrole sont ouverts H24.

Cette Amérique trépidante donne une impression de démesure mais aussi de fragilité. Déambuler sur la cinquième avenue par 40e n’est pas évident. On se sent pris par le vertige de la puissance en regardant la hauteur des buildings nous permet de mesurer la puissance scientifique du génie humain. Monter 102 étages (540m) du plus haut gratte ciel de l’hémisphère nord à New York en 47 secondes donne aussi une impression de grandeur quand on regarde tout en bas à partir de la plateforme circulaire. Que les hommes paraissent petits et leurs agitations vaines et pourtant chacun vaque à ses occupations.

Les phrases de Toqueville il y a plus de 170 ans citées plus haut trouvent leurs significations et n’ont pas pris une ride. A croire que le capitalisme n’a pas dégénéré au fil du temps et qu’il est originellement contre la valeur humaine. Je voudrais m’interroger sur ce qu’il me semble important de décrire comme dérives dues, en tout état de cause, à l’insatiabilité des hommes qui font tout pour s’enrichir quel qu’en soit le prix matériel ou moral. Parmi les indicateurs de l’intolérable injustice alimentaire, climatique, énergétique ,le niveau de vie des Américains ne se négocie pas disait Georges Bush.  

Il vient que l’économie américaine continue à gouverner le monde, peut-être pas pour longtemps dit on et on annonce régulièrement sa chute alors qu’elle est toujours là brisant toute résistance externe à la fois des vassaux européens mais aussi déclenchant une guerre sans fin avec la Chine la puissance économique à abattre concomitamment avec un autre guerre pour moment à fleurets mochetés avec la Russie, par pays interposés ( Syrie.. Moyen Orient) en attendant la lutte finale qui est celle d’une hégémonie définitive au moyen Orient avec Israël comme poste avancé Cela a été rendu possible grâce au système mondial reposant sur le dollar, qui a permis aux Etats-Unis d’avoir une dette toujours plus élevée envers le reste du monde, de délocaliser sa production à l’étranger et d’encourager une consommation fondée sur l’endettement. Un célèbre secrétaire d’Etat américain s’adressant aux Européens leur asséna cette vérité : «Le dollar est notre monnaie, c’est aussi votre problème ».

Tout au long de l’aventure du capitalisme, des vies ont été broyées au nom de l’intérêt, des guerres ont été faites, un colonialisme le plus abject a été imposé aux nations fragiles par les patries des droits de l’homme européen. Ces droits de l’homme blanc – un héritage du siècle des Lumières –participent du complot. Alors qu’ils devraient être «l’armature de la communauté internationale» et le «langage commun de l’humanité», ils sont instrumentalisés par les Occidentaux au gré de leurs intérêts.

Une société à deux vitesses  

On aura tout dit du racisme suprématiste blanc qui est structurel même au plus haut degré de la gouvernance. On a beau accuser Trump d’attiser les tensions et de ne rien faire contre les suprématistes blancs , les gens oublient trop souvent que Reagan président  dans les années 80 traitaient les dirigeants africains de singe. Mais il est un autre racisme de classe  où se côtoient la misère la plus noire avec l’opulence la plus scandaleuse  Quel meilleur exemple en effet ,  que la richesse insolente de 200 familles. 

« Le classement Bloomberg des familles les plus riches du monde met à l’honneur des dynasties qui dirigent en famille des grands groupes industriels ou commerciaux.  Ainsi à titre d’exemple  la famille Walton c’est  70 000 dollars par minute, 4 millions par heure et 100 millions par jour. Voici ce qu’ont empoché les Walton en 2018, la fortune cumulée des membres de la famille a effectivement progressé de manière stupéfiante, gonflant de 39 milliards de dollars pour atteindre 191 milliards. . 11 dollars de l’heure pour leurs employés (…) Quant à Mark Zuckerberg et à ses acolytes, l’hégémonie des GAFAM est telle qu’aucune entreprise ne peut plus les égaler aujourd’hui. Elles sont en situation de monopole les fondateurs de ces entreprises sont reçus comme des chefs d’État par nos gouvernants. La fortune des héritiers de Wal-Mart équivaut au patrimoine des 30% des Américains les plus pauvres Les six enfants Walton sont l’illustration même de l’accroissement des inégalités aux États-Unis. Ils sont devenus le symbole des «1%» d’Américains ultra-riches dénoncés par le mouvement Occupy Wall-Street » (1)

Le système éducatif nord-américain  

C’est un fait indéniable. Le body shopping des compétences bat son plein en Amérique du nord. L’université américaine attire les meilleurs talents, quelle que soit leur origine sociale, grâce à un important système de bourses. C’est une université d’excellence ouverte aux plus talentueux et accessible aux plus riches. Jusqu’aux années 70, l’investissement massif du gouvernement fédéral et des autorités locales sous une forme financière (octroi de bourses, prêts à taux faible) ou juridique (programmes de discrimination positive) a permis d’élargir la représentation sociale au sein des universités La force principale du modèle américain est d’avoir forgé une élite scientifique qui garantit le succès économique du pays. Cependant, dans les 146 meilleures universités du pays, qui représentent 10 % de l’ensemble des étudiants, 74 % viennent des portions les plus riches de la société, alors que 3 % seulement sont issus des milieux défavorisés (2).

Le classement de la performance scientifique  

Dans ce monde où périssent les faibles ,  il n’y a que le savoir et la connaissance qui sont les ascenseurs de la réussite sociale. Il existe  plus de 300 universités parmi les plus connues. Il n’est pas étonnant de ce fait que les meilleurs universités soient classées en tête Pour établir son classement, l’Academic Ranking of World Universities (ARWU), de Shanghaï se fonde sur des indicateurs centrés sur la recherche, avec une approche quantitative : le nombre d’anciens et de professeurs ayant obtenu un prix Nobel ou une médaille Fields (mathématiques), le nombre de publications dans des revues scientifiques de référence (Nature, Science), le nombre de citations dans certaines revues répertoriées Comme chaque année, les universités anglo-saxonnes dominent. Et comme en 2018, seuls trois établissements français sont dans les 100 premiers. Dans le top 100 des meilleures universités, 45 sont américaines.

Chaque année, c’est Harvard qui gagne ! Pour la 17e fois .Une fois de plus, Ce classement établit le palmarès de 1 000 universités dans lequel la plupart des établissements du monde aspirent à figurer, et où les Anglo-Saxons ont l’habitude de se tailler la part du lion. Stanford occupe la deuxième place, tandis que la britannique Cambridge reste sur la troisième marche du podium qu’elle occupait déjà il y a un an. Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) (4e), Berkeley (5e) et Princeton (6e).  

Le top 10 est identique à l’an dernier, avec huit universités américaines et deux britanniques occupant le haut du classement. Au Canada, l’Université de Toronto arrive en tête, en 24e position, suivie par l’Université de Colombie-Britannique (35e) et l’Université McGill à Montréal (90e). Comme en 2018, seules quatre universités non-américaines atteignent le top 20: les Britanniques Cambridge, Oxford (7e place) et University College de Londres (15e, +2 places), Il faut descendre à la 19e place pour trouver un établissement d’Europe continentale : il s’agit de l’Ecole Polytechnique de Zurich. 3 universités françaises apparaissent à partir de la 37e place.. Dans l’édition 2019 figurent 15 universités africaines de quatre pays dont l’Afrique du Sud, (8) l’Egypte (5) , la Tunisie (1) et le Nigéria (1). Le Moyen-Orient s’est offert une distinction parmi les 1000 meilleures universités au monde, avec 4 universités saoudiennes, 12 turques, l’université omanaise Sultan Qaboos, l’université américaine de Beyrouth et Khalifa University (Emirats arabes unis), alors que l’Iran y figure avec 13 universités. On l’aura compris, l’Algérie ne figure pas dans ces 1000 universités.

4 universités canadiennes sont dans les 100 premières dont Toronto 23e et Mc Gill ( 90e) du classement mondial Le Canada possède 19 universités Parmi elles L’université de Montréal (UdeM) fondé en 1878 Pour 70.000 étudiants le budget est de 1 milliard de $ canadiens soit environ 15000 $/étudiants ou encore 1,5 million de Da /an A titre de comparaison et sans que cela ne soit le seul critère expliquant le classement des universités algériennes, il est évident que le financement joue un rôle. L’Université algérienne c’est 300 milliards de Da pour 1,5 million d’étudiants soit 200.000 Da/étudiant soit 7,5 fois moins C’est cette vérité qu’il nous faut admettre. Nous trichons et nous ne formons pas des diplômés de qualité. Trois établissements à Montréal se détachent L’École Polytechnique de Montréal qui est un établissement d’enseignement supérieur HEC les Hautes Etudes Commerciales L’École de Technologie Supérieure (ÉTS) dépend l’Université du Québec. Elle est spécialisée dans l’enseignement et la recherche en génie et le transfert technologique.

Pour garder son poste d’enseignant il faut être performant  et « produire » en permanence

Comme aux Etats-Unis il existe des universités et des Ecoles de prestiges. Au Canada leurs particularités est la sélection aussi bien des élèves que des professeurs. Il n’y a pas de contrat à vie ; le professeur est évalué chaque année selon plusieurs critères, inventivité dans l’enseignement, production scientifique, didactique, et appréciation des étudiants ; En règle générale en moyenne les dix premières années le professeur est toujours en CDD, il peut être remercié ou reconduit pour une année. Au bout d’au moins dix ans, s’il a fait ses preuves, publié son cours, fait des publications des communications, fait soutenir des mémoires de Maitrises et de PHD voire représenter dignement l’institution il peut devenir permanant. Comparons avec nos enseignants qui ont tendance à décrocher aussitôt titularisés allant pour certains faire des carrières administratives plus valorisantes.

Comment se construit l’excellence ? Université Harvard  

Nous avons eu le privilège de visiter même rapidement Harvard et MIT pour la deuxième fois après l’avoir visité précédemment avec l’UCLA et Berkeley dans les années 80 En l’occurrence il n’y a pas de miracles seules les meilleurs émergent. L’université Harvard (Harvard University), est une université privée américaine située à Cambridge, ville de l’agglomération de Boston, dans le Massachusetts. Fondée en 1636 , c’est le plus ancien établissement d’enseignement supérieur des États-Unis . Plus de 70 de ses étudiants ont reçu.  un prix Nobel . Le corps enseignant est constitué de 2 497 professeurs, pour 6 715 étudiants de premier cycle (undergraduate, en anglais) et 12 424 étudiants de cycle supérieur (graduate en anglais). Harvard attire des étudiants du monde entier (132 nationalités représentées en 2004 ). En 1639, le vrai collège, est baptisé « Harvard » en hommage à John Harvard, de Charlestown, jeune pasteur puritain qui C’est à Harvard le 5 juin 1947, que le secrétaire d’État George Marshall a prononcé son fameux discours lançant le Programme de rétablissement européen (European Recovery Program ou ERP), Dans les années 1960, Harvard a fait partie des premières universités, parmi les business schools américaines, à enseigner la stratégie d’entreprise . Harvard comprend aujourd’hui neuf facultés parmi elles la Harvard Law School (1817) (droit) ; la Harvard Business School (1908) (école de commerce) ; la John F. Kennedy School of Government ou Harvard Kennedy School of Government (1936). Aujourd’hui, 23 000 étudiants passent un diplôme à Harvard. En 2003, 8,3 % des étudiants « undergraduates » étaient étrangers,66 % venaient de lycées publics ;L’université emploie 14 000 personnes ». (3)

Harvard  arrive en tête du classement de Shanghai pour la 17e fois . C’est l’un des établissements qui publie le plus grand nombre d’articles dans la revue Nature . Harvard a été l’un des pionniers dans la création des MOOCS (cours accessibles en ligne au plus grand nombre). C’est ainsi que son cours d’informatique CS50 « Introduction to computer science », dispensé par David J. Malan est devenu le cours le plus suivi du web sur la plateforme EdX.

Les élites  les plus connues « sorties » de Harvard 

Une caractéristique constatée est la présence en masse d’étudiants d’origine chinoise ! Plusieurs personnalités dont huit présidents américains :Franklin Delano Roosevelt 32e président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy Barack Obama Bill Gates Fondateur de Microsoft Mark Zuckerberg Fondateur de Facebook Ban Ki-moon8e secrétaire général des Nations unies Benazir Bhutto 13e Premier ministre du Pakistan Abdiweli Mohamed Ali Premier ministre de la Somalie et actuel président du Puntland » (3)

On a eu l’occasion de visiter des bâtiments qui ont tous hébergé des personnes célèbres comme Theodore Roosevelt John Kennedy , Nathalie Portman ou encore Bill Gates, et Mark Zuckerberg Ce dernier a créé avec des camarades étudiants Facebook en 2004 Sa fortune personnelle est évaluée à 74 milliards de dollars En 2012 il a versé près d’un milliard de dollars à une fondation. En 2012 il est l’un des fondateurs de 2 des 3 prix Breakthrough Prize qui récompense chaque année une dizaine de lauréats à hauteur de 3 millions de dollars chacun dans les sciences et dans les mathématiques En 2017 il revient à Harvard pour recevoir le Doctorat Honoris Causa 12 ans après en être sorti .Avec sa femme Priscilla Chan il ont promis de donner 99 % de leur actions dans facebook d’une valeur de 45 milliards de dollars à une compagnie philanthropique qui se concentre sur l’éducation et la santé » (3)

La faculté de droit de Harvard a comme devise un verset du Coran  

Harvard, l’université par excellence en matière de droit, surprend en affichant un verset du Coran dans sa bibliothèque. Pour justement témoigner de  la rigueur de son enseignement et de sa philosophie du droit , Harvard s’inspire de référence : L’établissement décrit la Sourate Al Nisa (Les femmes) verset 135 comme étant une des plus grandes expressions de la justice dans l’histoire. : « Ô les croyants ! Observez strictement la justice et soyez des témoins (véridiques) comme Allah l’ordonne, fût-ce contre vous mêmes, contre vos père et mère ou proches parents. Qu’il s’agisse d’un riche ou d’un besogneux, Allah a priorité sur eux deux (et Il est plus connaisseur de leur intérêt que vous). Ne suivez donc pas les passions, afin de ne pas dévier de la justice. Si vous portez un faux témoignage ou si vous le refusez, [sachez qu’] Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. » Ce verset du Coran figure parmi les trois citations les plus visibles de la bibliothèque, au côté des citations de Saint Augustin et de la Magna Carta « Ces citations témoignent de l’aspiration de l’être humain à l’équité et la dignité au travers de la justice » (4)

Le Massachusetts Institute of Technology (MIT)  

Un autre monument est non des moindre dans le gotha mondial du savoir est le MIT une université, spécialisé dans les domaines de la science et de la technologie. Situé à Cambridge, dans l’État du Massachusetts, à proximité immédiate de Boston, le MIT est considéré comme une des meilleures universités mondiales. Au XXIe siècle, le MIT est un chef de file mondial pour l’enseignement et la recherche en science et en technologie, mais il est aussi réputé dans d’autres domaines comme le management, l’économie, la linguistique, les sciences politiques et la philosophie. Le cursus le plus suivi est celui d’ingénieur, avec 2 000 étudiants, puis celui des sciences. Ce qui caractérise le MIT est sa proximité avec le monde industriel et sa très forte implication dans la recherche scientifique et technologique, à laquelle les étudiants participent dès leur première année de cursus. En 2002, elle a été la première université à mettre l’intégralité de ses cours en ligne sur Internet, le MIT OpenCourseWare. » (5)

La performance du MIT : Le baromètre des Prix Nobel 

Les étudiants du MIT ont été les lauréats de 78 prix Nobel parmi 813 lauréats, dont William Bradford Shockley, inventeur du transistor, Georges Lemaître un des pères du Big Bang Margaret Hamilton qui conçut le programme informatique qui a permit l’alunissage du lem d’Apollo 11 Raymond C. Kurzweil ingénieur, futurologue américain. Il est l’auteur de nombreux ouvrages l’intelligence artificielle, et la futurologie . Professeur au MIT il est depuis 2012 directeur de l’ingénierie chez Google. Ajoutons la réussite d’une start up en intelligence artificielle grâce à Tang Xiaoou docteur en computer vision diplômé du MIT (1996). Sense Time spécialisée dans la reconnaissance faciale et la conduite autonome Créée en 2014 par Cette startup de l’intelligence artificielle investit massivement dans la R&D et recrute des talents formés, aux Etats-Unis.  On sait par exemple qu’il  y a Environ 500 000 étudiants étrangers fréquentent les universités américaines et la plupart restent aux États-Unis après l’obtention de leur diplôme. C’est le constat que nous avons fait en visitant Harvard, la plupart des étudiants étrangers étaient chinois ! 

Le MIT se décompose en 5 écoles avec 27 départements : notamment l’école d’ingénierie (School of Engineering, créée le 9 mars 1932) : le département d’aéronautique et d’aérospatiale, le département de génie biologique, le département de génie chimique, le département des sciences et du génie nucléaires , la faculté des sciences humaines, des arts et des sciences sociales Il compte près de 1 000 enseignants pour 10 000 étudiants. Le MIT est une université où sont nées certaines des plus grandes inventions de notre époque… Le Rasoir jetable, Internet, l’email, et de nombreuses recherches sur le cancer viennent du Massachusetts Institute of Technology. L’alunissage réussi d’Apollo 11 est due à une génie de l’informatique Margareth Hamilton » (6)

Les universités s’autofinancent et les études sont payantes  

En 2009, les revenus s’élevaient à 3,8 milliards de dollars environ. Les recettes proviennent de différentes sources. Le revenu des placements vient en première place avec plus de 40 % du total. Ceux-ci proviennent essentiellement de l’Endowment, capital placé et géré pour le compte de l’université . Sa valeur était estimée à 26 milliards de dollars en juin 2009, ce qui en fait l’université la plus riche du monde devant Yale Les dons provenant d’anciens étudiants peuvent porter sur des montants importants (ainsi, pour l’année 2005, la Harvard Business School a récolté quelque 579 millions de dollars).  

Les frais de scolarité sont comparables à ceux des autres grandes universités américaines. les doctorants de la faculté des arts et des sciences paient environ 34 000 dollars s’ils sont dans leur première ou deuxième année. L’année universitaire coûte 50 723 $ (avec l’hébergement sur le campus — obligatoire la première année etc.) . 70 % des étudiants reçoivent une forme d’aide, environ 60 % bénéficient d’une bourse l’admission est basée sur les résultats des élèves et ne tient pas compte des ressources des étudiants, des solutions de financement sont trouvées pour tous les élèves admis . Au Canada aussi les études sont payantes. Cependant des prêts sont disponibles Rien n’est gratuit ce qui fait que les étudiants travaillent pour payer leurs études.

Photo prise devant le lieu emblématique des regroupements hebdomadaires des Algéro-Canadiens en soutien à la Révolution tranquille du 22 février 2019 

Ma conférence à HEC Montréal avec la Diaspora :  

Invités par les universitaires et cadres algéro canadiens notamment le think Thanks Lecodev J’ai donné une conférence sur les grandes contraintes du pays et comment garder le contact avec la diaspora ? Au préalable j’ai tenu à décrire quelques jalons d’un récit national vieux de 3000 ans Mon intervention a porté à la fois sur la dimension Hirak replacée dans une brève histoire de l’Algérie où j’ai avancé que la résilience de l’Algérie était due aussi au rôle important de la femme à travers les âges. En citant sans être exhaustif quelques héroïnes qui devraient constituer la trame d’un récit national comme le font toutes les nations grandes ou petites. En France ce sera le mythe de Jeanne d’Arc, aux Etats Unis c’est la « destinée manifeste » en Israël c’est le peuple élu…

Le professeur Chitour lors de la conférence au HEC à Montréal, le 27 juillet 2019.

Photo par Micheline Ladouceur pour Mondialisation.ca

Ensuite j’ai tenu à planter le décor en parlant de la magnifique révolution tranquille  du 22 février et de ses espérances, j’ai même participé à un rassemblement un Dimanche à Montréal. J’ai ensuite abordé la situation économique délicate du pays et la nécessité d’n sortir rapidement par le haut en organisant les élections. La stratégie énergétique algérienne est à inventer car nous continuons à pomper d’une façon frénétique une ressource qui appartient aux générations futures .La nécessité d’une transition vers le développement durable a été soulignée.

Photo par Micheline Ladouceur pour Mondialisation.ca

J’ai terminé la conférence en parlant des difficultés du système éducatif algérien qui a fait des avancées remarquables du point de vue quantitatif ; 10 millions d’élèves, 1,5 millions d’étudiants et 500.000 élèves en formation professionnelle Du point de vue qualitatif il est admis qu’à peine 10 % de diplômés (environ 35000) auraient un niveau acceptable. Quant à la recherche les 600 laboratoires ne sont pas branchés à la réalité du pays malgré des tentatives louables. La deuxième partie de la conférence a été consacrée justement à un débat qui fut très intéressant et on ne peut que se féliciter d’entendre de jeunes algéro- canadiens qui ont en commun l’amour du pays faire un constat du manque de réactivité de la part de l’Algérie quand des offres de coopération sont faites.

Un projet d’école pour le XXIe siècle  

Nous avons débattu du système éducatif et de ce que pourrais faire la diaspora pour contribuer à la refondation d’un système éducatif tourné vers la modernité dans le siècle du Web 3.0 et de la 5.G ; de l’intelligence artificielle des NBIC Il est hors de doute que le système éducatif étant un système temps de réponse long, on ne peut changer brutalement de cap. Cela fait 57 ans en effet,  qu’une lutte sourde existe entre ceux qui veulent importer une laïcité prêt à porter alors que le corps social n’a pas évolué fondamentalement du fait que la langue arabe la place de l’éducation religieuse sont vus comme constitutifs de l’identité à l’exclusion de toute ouverture qui remettrait en cause cette chasse gardée des gardiens du Temple.

Nous devons nous convaincre que le monde a profondément changé, nous sommes au XXIe siècle, les espérances religieuses mal défendues et s’accrochant à un dogme ne font plus illusion.La nécessité d’Etats généraux sur le projet d’école que nous voulons pour nos enfants ne peut pas faire l’économie d’un débat sur le projet de société consubstantiel du projet d’école. Il nous faut inventer alors un nouveau vivre ensemble qui serait un subtil équilibre avec un référent religieux tolérant, qui accepte l’autre et surtout nous devons laisser l’Ecole loin des convulsions partisanes et idéologiques. Si tel était le cas, il nous faut intelligemment aller vers la science pour rattraper à marche forcée le temps perdu.

Justement dans ce cadre, il est connu que les mathématiques et l’informatique vont structurer de plus en plus le futur. Il nous faut un choc informatique qui devrait démarrer dès l’école primaire. Des pays et non des moindres, Inde Turquie Iran, Brésil ont mis en place des Plans Marshall informatique .Ainsi d’après des chercheurs du MIT il est possible de produire des laptop à moins de 50$ le projet OLPC avait pour objectif de réduire la « brèche digitale » à l’échelle de la planète. Les pouvoirs publics des pays du Sud devant investir dans des ordinateurs portables (laptops) très bon marché à l’usage pédagogique (baptisés XO), puis de les distribuer gratuitement à leurs élèves Il en est ainsi ou les portables sont à moins de 20$ Pour ce projet la diaspora outre le fait qu’elle peut y contribuer financièrement 100.000 laptop qui pourraient être financé à raison de 50$ par membre de la diaspora. Parallèlement les programmes d’études et la formation devraient profiter de l’expertise de notre diaspora. C’est l’une des voies royales pour sortir notre système éducatif de l’ornière du sous développement.

Comment valoriser notre présence scientifique et culturelle à l’étranger ?

C’est bien connu et sans faire de procès , nos ambassades ne sont pas suffisamment impliquées dans la recherche d’opportunité scientifiques dans les pays où existe une diaspora qui semble totalement déconnectée d’avec les services diplomatiques Nécessité d’une révision totale de la présence diplomatique. Le prochain ambassadeur doit être un 4X4 et entretenir l’illusion que seuls les sortants de l’ENA algériens sont les plus performants est une erreur .L’ambassadeur doit être rompu au mouvement du monde non pas sous forme de vœux pieux mais sur la base de connaissances réelles qui ne s’apprennent pas à l’ENA de plus les positions sont fluctuantes l’ambassadeur doit connaitre le Nasdaq le Dow Jones connaitre les grandes lignes des politiques pétrolières mondiales et surtout doit être un visiteur assidu des universités du pays où il est accrédité . Mon expérience m’a appris que rares sont les diplomatiques qui gardent le contact avec la diaspora. Combien d’ambassadeurs de consuls d’attachés culturels font le siège des universités et grandes écoles pour placer recommander arracher des accords scientifiques pour l’Algérie ?.

Sait on à titre d’exemple que les Tunisiens ont un maillage remarquable des universités nord américaines, ils avaient créé dans les années 80 le Bureau Universitaire Tunisien  (B.U.T.) qui avait compétence pour placer et suivre les universitaires tunisiens dans les universités nord américaines. Sait on par exemple que les grandes écoles font l’objet d’une attention particulière du roi du Maroc. Ce pays a arraché la possibilité que les classes préparatoires se fassent au Maroc et les candidats  bien encadrés dans un environnement adéquat sont pris en charge, et partent concourir chaque année pour les grandes écoles en France. Résultat des courses le Maroc possède un vivier de 500 Polytechniciens tous maillés qui ont généralement une double carrière chez eux avec la considération voulue. Il y aurait moins de 20 polytechniciens algériens  qui sont  tout de l’autre côté principalement en France

Notre élite parle honnêtement d’une dette envers le pays, elle attend que l’Algérie s’organise à demeure et affiche ses ambitions.  Elle a choisi de faire carrière à l’étranger elle est prête à a donner le meilleur d’elle-même en accompagnant à distance avec les prodiges de l’internet le pays. En fait nous n’avons pas besoin de leur présence physique ne permanence, nous avons besoin de leur expertise aussi bien dans l’encadrement scientifique à distance mais aussi dans le domaine économique, culturel en nommant des personnes compétences à même de dialoguer avec cette diaspora de l’intelligence,. Dans ce cadre , la nomination d’universitaires de haut rang  pour justement   en tirer le meilleur service serait une action porteur pour l’avenir C’est à nous de nous organiser au pays pour en tirer le meilleur

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Photo en vedette : Le Biodome de Montréal

Notes :

1. https://www.atlantico.fr/decryptage/3577771/classement-bloomberg-des-familles-les-plus-fortunees—pourquoi-les-dynasties-regnent-plus-que-jamais-sur-le-capitalisme-mondial-michel-ruimy 

2. Romain Huret https://www.liberation.fr/tribune/2007/12/07/l-universite-americaine-un-modele_108009 

3.https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Harvard 

4.https://www.meltycampus.fr/harvard-inscrit-un-verset-du-coran-dans-sa-bibliotheque-a152930.html 

5.https://fr.wikipedia.org/wiki/Massachusetts_Institute_of_Technology 

6.https://www.passionamerique.com/visiter-harvard-mit-boston/ 

Article de référence : http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5280369

 

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Lettre ouverte au président français: « Parole de Macron »

août 23rd, 2019 by Jean-Yves Jézéquel

Emmanuel Macron se considère comme légitime à la présidence de la République Française et il estime tellement qu’il est à la hauteur de sa tâche, qu’il ne veut en rien dévier de son objectif, comme si les Français l’avaient mandaté pour procéder au saccage du patrimoine commun, intellectuel et matériel, saccage qu’il considère comme le bien indiscutable de la France et des Français… Il déclarait le soir de son triomphe, suite à la fausse élection présidentielle: « Merci mes amis, merci d’être là, de vous être battus avec courage et bienveillance, parce que oui ce soir vous l’avez emporté, la France l’a emporté ! »

Le fait d’avoir été « élu » avec 28% des voix des inscrits sur les listes électorales, signifiait que « la France l’avait emporté »: c’était le triomphe de la France, la victoire de la France! La victoire de 28% des français votants sur 72% des Français ne voulant plus entendre parler des magouilleurs et charlatans politiques qui tous, sans exception, trompent le peuple, pillent son patrimoine et abusent des privilèges exorbitants qu’ils se donnent, signifiait pour Macron la « victoire de la France ». Autant dire que la majorité des Français était, pour l’esprit délirant de ce parachuté dans la comédie politique, le véritable ennemi de la France! Peut-être s’identifiait-il à Jeanne d’Arc et qu’il pensait devoir sauver la France des mains ennemies de ce peuple qui avait osé tuer son Roi?! 

Mon cher Manu, Macron, sa Majesté, tu t’es installé dans un mensonge sur toi-même, assez énorme et assez déconcertant, il faut le dire, pour des personnes normalement constituées. En relevant un certain nombre de tes déclarations, chacun pourra comprendre que, de toute évidence, il y a un problème chez toi qui est relativement grave, sur le plan psychique. A partir des paroles que tu as prononcées avec un aplomb déconcertant, on peut avancer que tu sembles ignorer l’essentiel sur toi-même, puisque tu te situes dans une colossale inconscience à propos de ce qui perturbe ton sous-sol mental. Ce que l’on peut constater, c’est que tu pratiques un mensonge spectaculaire sur la France et sur les Français que tu considères comme des retardés, puisque tu t’imagines être une lumière venue éclairer les ténèbres de ce pays archaïque, à la limite, quasi constitué d’une majorité d’illettrés.

Imbu de ta personne marquée par ce complexe de supériorité et de ta certitude infaillible arrogante sur ce qui est le bien et sur ce qui est le mal de la France, tu déclares aux Français que tu ne changeras rien et resteras inflexible, imposant ta vision éclairée des choses à une population aveugle, qui se « cabre » dès que l’on veut la faire évoluer dans la lumière de la vérité indiscutable ultra libérale!

Un relevé indicatif de tes déclarations va nous donner le ton de ce qui devrait tous nous faire penser à ton passage nécessaire par un institut psychiatrique et non pas de te trouver anachroniquement à l’Élysée pour gouverner la France, alors que tu es visiblement dans l’incapacité réelle de te gouverner toi-même…

Parole de Macron:

« Je suis pour une société sans statut! » « Je n’aime pas ce terme de modèle social »…

On peut se dire beaucoup de choses à partir de cette déclaration assez vague! On peut penser, par exemple, que tu ne veux pas qu’il y ait une différence entre la personne adulte et l’enfant. On peut imaginer que un enfant puisse prendre des décisions « responsables », puisque le statut définissant l’autorité parentale ne devrait pas exister dans « une société sans statut », et ainsi se marier avec son professeur adulte s’il en avait l’envie ou la fantaisie transformée en « légitimité ». On peut aussi se dire que tu ne veux pas faire de différence entre le féminin et le masculin, entre l’homosexualité et l’hétérosexualité, entre les couples fondateurs de familles et ceux dont l’objectif d’un vivre ensemble est tout autre. S’il n’y a plus de statut dans la société, il n’y a plus de distinctions, plus de cadre, ni de discernement, ni de « limite », il n’y a plus de « règles » qui tiennent, il ne peut plus non plus y avoir une Constitution. Manu, explique-toi là-dessus: si notre société devient une « société sans statut », qu’est-ce qui va définir « la communauté de destin » qui nous réunit pour le « bien vivre ensemble »? Même un « communal collaboratif », la société de base, a un statut, celui que se donnent des gens qui se promettent de se soutenir mutuellement, et cela n’a rien à voir avec la notion d’État qu’il faudrait, en effet, abolir… Où et comment les plus faibles seront-ils protégés, notamment les enfants? Même la société la plus libertaire, comme celle qui serait inspirée par la pensée de Lucrèce et d’Épicure, aurait des principes philosophiques qui inspireraient sa conduite et des principes politiques qui la guideraient dans le souci du bien commun. Ta société « sans statut », n’est pas une société libre, ni libertaire, mais sans doute libérale, si je te comprends bien: c’est-à-dire une société dans laquelle la loi du plus fort domine les plus faibles et les exploite sans qu’aucune règle ne vienne limiter la perversion des dominants et des prédominants. « Ta société sans statut », ne serait-elle pas aussitôt le paradis des salauds et des pervers, des abuseurs et des esclavagistes? « Ta société sans statut » ne serait-elle pas celle dans laquelle triompherait enfin le principe de la liberté pour le chasseur et non pour le chassé? Mon cher Manu, si tu ne l’as pas encore compris, les Français ne veulent pas de cette société psychotique qui confond l’ordre intérieur et l’ordre extérieur de la vie et de la personne.

Parole de Macron: 

« J’ai toujours assumé la dimension de verticalité, de transcendance, mais en même temps elle doit s’ancrer dans l’immanence complète de la matérialité! »

Tu veux dire par là que tu es profondément croyant et que ta croyance dans le transcendant s’incarne dans l’ici et le maintenant des conditions de la vie sur Terre que tu as l’objectif d’accorder avec cette croyance. En d’autres termes, la transcendance qui t’inspire est sans doute comme une mission « divine » qui t’habite, à l’image de celle qui animait Jeanne D’Arc, et qui consistait à devoir redonner un roi à la France, puisque tu déclarais également dans ta brillante campagne électorale que: « La France était en deuil d’un Roi! » te proposant sans doute de le remplacer toi-même!

Dans le même sens, tu déclarais : « L’espérance c’est le premier risque, c’est le risque des risques! »

Mon cher Manu, le terme « d’espérance » est un terme qui définit la vertu théologale, dans le cadre de la croyance chrétienne. Il aurait été plus normal, en tant que prétendant à être président de la Monarchie Républicaine laïque Française, de parler « d’espoir » et non pas « d’espérance ». Quand bien même tu aurais adopté ce point de vue laïc qui veut parler « d’espoir », cela n’aurait pas pour autant écarté le problème. 

L’attente d’un ‘ailleurs’ qu’on nomme espoir ou espérance, engendre l’angoisse qui pousse l’humanité au crime.  Ne serais-tu pas enfermé dans la logique de cette impasse? Comment peut-on qualifier ton comportement avec tes propres concitoyens que tu as livrés aux violences policières ayant engendré une hécatombe de blessés graves et de morts? Comment peut-on qualifier ton engagement en Syrie dont tu n’hésites pas à martyriser le peuple via tes mercenaires djihadistes (Cf., déclarations de Hollande et de Fabius, in « Le djihad et le management de la terreur », Vérone éditions, 2017) au nom d’une formidable illusion sur la « conscience du bien » que tu crois incarner en allant faire des guerres illégales dans le sillage des USA, se prenant pour « l’axe du bien », sans l’avis du peuple que tu prétends gouverner?

Mon cher Manu, ta référence à la transcendance implique un devoir de ressemblance à une perfection de l’ailleurs et cela ne peut que produire la terreur, car cette ressemblance est impossible étant donné qu’elle est ‘d’ailleurs’. La référence à l’espoir ou à l’espérance renvoie obligatoirement à l’attente d’un ailleurs sur lequel nous n’avons aucune maîtrise. L’attente de cet ailleurs, en soi jamais présent pour qu’il ait justement du sens, et qui définit le contenu même de l’espoir, génère l’angoisse qui annule la liberté. Ta croyance ne peut être qu’un désespoir qui s’ignore. La sagesse au contraire n’a que faire de l’attente d’une absence qui restera éternellement absente puisque c’est cela qu’implique en soi la notion même d’espoir ou d’espérance à laquelle tu te réfères. Puisque nous ne pouvons espérer que ce qui est perpétuellement absent, on peut donc tout de suite se rendre compte qu’une telle vision des choses, à travers ton idée que « l’espérance est le risque des risques », garantit l’enfer sur Terre, puisqu’il est alors question d’un ailleurs et non pas de l’ici et du maintenant. On peut aussi comprendre le principe du dressage à la soumission qui est inclus dans ta référence à « l’espérance »… En courant le « risque des risques » d’un ailleurs, objet de « l’espérance » selon toi, Manu le théologien, on a toutes les chances de basculer dans l’illusion permanente de la croyance que présuppose cette « espérance » qui est dans un ailleurs. Cette « espérance » à la Macron est précisément le principe même qui permet à ta classe de dominants d’exercer un pouvoir, justifié par une « transcendance », sur des dominés qui n’ont plus qu’à basculer eux-mêmes dans la « croyance » en un pouvoir innocent, puisque justifié par le transcendant. Il est donc possible de comprendre à quel point ce principe justifié par une théocratie ne peut tolérer l’idée démocratique qui se situe à ses antipodes… « Il n’est pas question d’affaiblir le régime parlementaire représentatif », disais-tu à propos des revendications citoyennes sur le RIC…

Parole de Macron: 

« Je dis et je fais ce que je veux, même si on peut trouver ça choquant! »

Franchement, Manu, ne sais-tu pas que celui qui prétend détenir une toute-puissance capable d’affirmer: « je dis et fais ce que je veux », est un individu qui n’a pas le sens de la limite et ne peut en aucun cas comprendre le principe de la liberté qui est en soi une conscience impliquant ce sens de la limite permettant à la liberté des autres d’exister? C’est, en effet, choquant, car on peut se dire que cet égocentrisme narcissique relève d’une pathologie, signifiée par un trouble de la personnalité, qui nécessite un gros travail, surtout à partir d’un certain âge. Bien entendu, nous pouvons tous constater que tu es tout à fait inconscient de cette situation anachronique te concernant: mais c’est justement cela la pathologie, elle ne peut exister que grâce à l’inconscience. En effet, dans l’affaire des Gilets jaunes, avoue que tu as déjà démontré largement ta totale incompétence et ta totale inconscience. C’est le thérapeute qui parle et te conseille: mon cher Manu, tu devrais être en soins intensifs et non pas à l’Élysée. Il suffirait pour toi d’accepter de passer un test TAT ou un Rorschach pour poser un diagnostic précis et te conseiller la thérapie appropriée…

Parole de Macron: 

« Je serai d’une détermination absolue et je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. »

Sa Majesté considère très sérieusement, dans son monde tout à fait coupé de la réalité, que les revendications des Gilets jaunes sont fantaisistes, que ces manifestants sont des « fainéants », des « cyniques » et des « extrémistes » et qu’ils manifestent pour le plaisir de manifester, parce que ce sont des emmerdeurs de « Gaulois réfractaires »! Manu, Macron, le Sauveur de la France égarée, l’hyper privilégié, provenant du milieu social des bobos BCBG,  tu ne sais rien de ce que sont les conditions de vie et de travail des plus modestes en France! Tu n’as pas l’expérience de ce que cette majorité doit vivre; même si tu sais théoriquement un certain nombre de choses, tu n’en as pas l’expérience et donc tu n’as pas la connaissance nécessaire pour avoir un avis éclairé sur la question concernant les conditions d’existence de la majorité de tes concitoyens. Il faut bien que quelqu’un te le dise: moi, je te le dis…

Si tu savais quelque chose de valable, aurais-tu pu débiter de telles insanités? Je reconnais que tu es le champion du cynisme et de l’arrogance! Sa Majesté est incontestablement le roi de la radicalisation ultra libérale: un extrémiste du fascisme ultra libéral, qui tient un discours, à l’image de celui de ton prédécesseur le malheureux Louis XVI, erroné et ignorant de la condition d’une majorité de gens qui peinent et qui souffrent réellement. Mon cher Manu, tu connais l’histoire de sa fin tragique. Il est donc encore temps pour toi de rebrousser chemin!

Tu accuses donc et accables des gens de tares dont toi-même es en tout premier lieu affublé. Tu regardes la paille qui est dans l’œil de tes concitoyens et ne vois toujours pas la poutre qui est dans le tien. Aucune remise en cause ne te semble envisageable! Tu te complais dans ton monde de riches, de nantis, de profiteurs d’en haut qui jouissent de la vie en regardant les autres souffrir… 

Parole de Macron: 

« Je compte sur vous pour engager plus d’apprentis. C’est désormais gratuit quand ils sont mineurs. » Peut-on être plus cynique? Manu, te rends-tu compte que tu fais ouvertement l’apologie de l’exploitation!? C’est là un système qui permet d’abuser au maximum d’une main-d’œuvre gratuite: quel pied!

« Je suis très indifférent à tous les commentaires et aux critiques, » disais-tu sans broncher! Alors pourquoi as-tu déclenché une perquisition illégale dans les locaux de la France Insoumise et au domicile des cadres de ce mouvement d’opposition, si ce n’est pour te venger, pour casser, briser une critique trop importante de ta politique de destruction? Alors, pourquoi as-tu exercé la pression de la toute-puissance Élyséenne pour sanctionner arbitrairement l’ami du peuple, Michel Onfray, en le chassant de partout et en lui barrant la route de ses initiatives citoyennes, afin de le réduire au silence? Les « pourquoi » pourraient continuer encore longtemps, tellement tu n’as pas été indifférent aux commentaires et aux critiques nombreuses sur tes agissements coupables et condamnables…

Parole de Macron :

« L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste. Le libéralisme est une valeur de gauche! »

Tu n’es « pas socialiste » mais le libéralisme que tu imposes par la force « est une valeur de gauche ». Cette contradiction est impossible à réconcilier, sauf si on se dit, mon cher Manu, que tu es quand même de gauche. De quelle gauche serais-tu: celle de Hamon, celle de Nathalie Arthaud, celle de Poutou, celle de la France Insoumise ou celle d’une gauche encore inédite? Chacun sait que le libéralisme tel qu’il est devenu, n’est plus depuis longtemps une valeur de « gauche », sauf pour les ignares ou les bonimenteurs comme Manu le Grand. Ce qui, en revanche est certain, c’est que sa Majesté est un authentique ultra libéral, donc fasciste par nature, puisque l’ultra libéralisme est un fascisme par essence. (Cf., article sur ce thème dans www.mondialisation.ca)

Poursuivons notre exégèse des paroles « révélatrices » de sa Majesté Macron le Grand.

L’idée que tu te fais du travail et de tout ce que les conditions du travail entrainent avec elles, est réellement sidérante. En ce domaine, tu ne taris pas d’arrogance, de raccourcis fantaisistes, de flagornerie même, d’un culot qui relève en réalité du comportement psychotique et tout cela dans une inconscience spectaculaire et disons-le pitoyable.

Tu disais même dans cette catégorie :

« Les salariés Français sont trop payés. Les salariés doivent pouvoir travailler plus sans être payés plus, si les syndicats majoritaires sont d’accords! »

Mon cher Manu, cela t’arrive-t-il d’être sérieux? Les syndicats dont la raison d’être et la mission sont de défendre les intérêts des travailleurs, vont-ils tout à coup « être d’accords » pour que les travailleurs soient ouvertement exploités en les faisant travailler plus sans les payer plus?! Mais, dans quel monde vis-tu, Manu? Qui pourrait t’indiquer gentiment l’ineptie de ces propos déplacés?

Mais j’ai trouvé encore mieux, une déclaration quasi confidentielle sur un ton même amical: « Je traverse la rue, je vous trouve du travail! »

Manu, tu es génial: la voilà la solution, la potion magique pour 6 millions de Français! Tu as trouvé ta vocation, ta mission divine nous est enfin révélée! Pourquoi n’y as-tu pas pensé plus tôt: Au lieu d’être à l’Élysée « pour foutre le bordel en France », saccager les acquis sociaux, brader le patrimoine des Français, signer des traités qui assurent le pillage de ce qui nous reste, maltraiter les pauvres, les étudiants et les plus démunis au LBD 40 et autres tortures, solder la sécu, étrangler les vieux, la voilà ta vocation de nouvelle Jeanne d’Arc que nous attendions depuis si longtemps: Manu, toi qui « traverses la rue et nous trouves du boulot », c’est à Pôle Emploi que tu devais t’engager et non pas à l’Élysée! Avec ton charisme extraordinaire, tu aurais pris avec toi les 6 millions de chômeurs et tu aurais traversé avec eux les rues de France et de Navarre pour leur trouver un travail! Le temps d’accomplir cette tâche salutaire en quelques jours et le chômage de masse était éradiqué; tu boutais cet ennemi sournois hors de France!

Manu, pardonne-nous d’être des rustres et des gueux qui mettent du temps à comprendre ton extraordinaire subtilité! Tu avais pourtant dit, en effet si clairement, que « D’une certaine manière, on est comme une prostituée: le boulot c’est de séduire! » Ta subtilité était trop grande pour nous, les gueux: nous n’avions pas compris que ta solution géniale c’était d’inviter les 6 millions de chômeurs à traverser la rue pour faire le trottoir! Faire les putes, la voilà la solution; mais bien sûr, Manu, il fallait y penser: « Le boulot c’est de séduire ! » Il y a 61 millions de Français qui font la queue pour jouir de leur prestation et n’attendaient que ça! 

Le culot monstre fait partie du baratin spécialisé, il est un outil du manipulateur qui n’hésite pas à balancer tranquillement sa supercherie tellement grosse que l’interlocuteur se retrouve sidéré et donc rendu muet, cloué sur place sous le choc du procédé réellement odieux. Pôle emploi disait encore récemment qu’il y avait 300.000 postes au grand maximum à pourvoir en France et en même temps, il déclarait 6 millions de chômeurs. 

S’il y avait du travail à tous les coins de rue et qu’il suffisait de « traverser la rue pour trouver du boulot », cela se saurait Manu, toi qui nous prends pour des idiots en nous regardant droit dans les yeux! Ton comportement est celui d’un pervers narcissique… Moi, je suis brillant, performant et tout-puissant: je te trouve un boulot rien qu’en traversant la rue; sous entendu: toi tu n’es qu’une merde, si tu n’en fais pas autant!

Parole de Macron:

« Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord! » Mais, mon cher Manu, monsieur Macron, sa Majesté, dans les ors rutilants du palais de l’Élysée, vous ne voyez pas vraiment la réalité de ces gens. L’immense majorité des chômeurs ne bénéficie plus des indemnités chômage depuis longtemps! Ces gens souffrent cruellement parce qu’ils ont été marginalisés et privés des moyens de vivre décemment leur condition humaine et leur citoyenneté. Vous pensez sérieusement qu’ils ne se battent pas pour survivre? Mais ils ne font que cela, votre Majesté, et cette lutte acharnée a commencé il y a déjà 40 ans, lorsque la liberté pour « le renard lâché dans le poulailler » a été décrétée au nom de l’idéologie ultra libérale que vous défendez, et déclarée « seule alternative » pour les humains! 

Nous connaissons tous des centaines de victimes de cette hécatombe. Accepteriez-vous que l’on conduise sa Majesté chez quelques uns de ces chômeurs afin qu’elle vive une semaine en leur compagnie, juste pour se rendre compte de ce qu’ils doivent galérer pour ne pas sombrer dans la mort sociale?! Je suis certain que sa Majesté changerait de ton sur l’immense majorité des chômeurs qui se battent héroïquement pour contourner les obstacles dressés par ses amis les ultra-riches sabordant en permanence l’économie réelle par leur comportement égocentrique! Vous diriez à votre tour étonné, comme votre malheureux prédécesseur Louis XVI: « Ils n’ont plus de pain! » Mais « qu’ils mangent de la brioche! » pourrait bien suggérer Brigitte, votre dépensière impénitente du palais Élyséen…

Parole de Macron:

« Bien souvent la vie d’un entrepreneur est bien plus dure que celle d’un salarié, il ne faut pas l’oublier: il peut tout perdre lui et il a moins de garanties (que le salarié)! » 

Selon vous, le salarié ne peut pas tout perdre, lui? Mais dans quel monde vivez-vous, monsieur Macron, sa Majesté, Jupiter? Tous les patrons ont leurs biens personnels séparés des biens de leur entreprise. Si le patron perd tout, c’est son entreprise qui peut éventuellement faire faillite et disparaître, mais pas ses biens personnels qui sont toujours et obligatoirement séparés de la société PME/PMI, COOPÉRATIVE et autres SARL… Lorsque le salarié, lui, perd tout, c’est vraiment tout: il n’a plus rien votre Majesté; il se retrouve SDF sur le trottoir et n’a plus qu’à faire la pute selon votre conseil avisé…

Parole de Macron:

« Vous n’allez pas me faire peur avec votre Tee Shirt, la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler! » 

A la limite, cette phrase est du style de celle qu’un célèbre publicitaire ami de Sarkozy avait sortie sans complexe sur un plateau de TV: « Celui qui n’a pas encore une Rolex à 50 ans, a raté sa vie! » Écoute Manu, les gens humbles travaillent eux sans arrêt, même lorsqu’ils rentrent chez eux, car ils n’ont pas de domestiques, contrairement à toi, pour faire le boulot à la maison! Une fois la journée terminée dans l’entreprise, commence le travail à la maison et la charge des enfants. Mon cher Manu, dis-moi honnêtement, est-ce le cas pour toi? C’est sans arrêt que les pauvres galèrent, et pourtant ils ne peuvent pas se payer un costard, alors qu’ils travaillent objectivement plus que n’importe qui! Les statistiques démontrent d’ailleurs que ce sont eux qui ont l’espérance de vie la plus courte: donc ne viens pas me sortir une nouvelle insanité sur le sujet, s’il te plaît! Eux ne peuvent pas changer la vaisselle ou la déco quand l’envie les prend soudain. Ils ne peuvent pas non plus aller faire du ski gratuitement à la Mongie dans les Pyrénées quand l’envie les prend au beau milieu de leurs problèmes ou de s’offrir une villégiature au frais de la princesse dans le confort absolu du fort de Brégançon sur la côte méditerranéenne! Ce genre de chose, Manu, tu ne parviens pas à l’entendre, parce que tu ne sais rien de la condition des pauvres et des travailleurs, et c’est pour cela que tu peux sortir sans complexe des insanités aussi énormes que celle qui a été citée ci-dessus! Redescends de ton trône et vois la réalité!

Parole de Macron:

« Je dis aux jeunes, ne cherchez plus un patron, cherchez des clients! » Mais évidemment, puisqu’ils ont « traversé la rue » qui sépare l’université du monde du travail et se retrouvent donc sur le trottoir d’en face: qu’ils « cherchent des clients », CQFD: qu’ils fassent les putes, puisqu’il « s’agit de séduire »!

Mais, au juste, quels clients vont-ils trouver tout à coup sur le trottoir d’en face? Pour quelle activité exactement? Dans quelles conditions? Dans les conditions de l’hubérisation? C’est toi-même Manu qui disais : « Je ne vais pas interdire Huber et les VTC, ce serait les renvoyer vendre de la drogue à Stains! » 

Dis-donc Manu, ne serais-tu pas entrain de nous dire qu’il y aurait un sérieux problème avec la question du travail? Cela commence à faire beaucoup de contradictions dans ton discours décousu! Puisqu’il n’y a pas objectivement de boulot, l’argent des ultra-riches ne revenant pas dans l’économie réelle, l’organisation de l’exploitation par hubérisation est une solution, selon toi. Si l’exploitation n’est pas organisée, alors il ne reste plus que l’activité de dealer de drogue! C’est quoi le pire, interroge Manu le décomplexé? Être spolié par l’hubérisation qui n’assure aucune protection sociale des exploités ou dealer de la drogue? Jusqu’où as-tu l’intention de pousser le bouchon du foutage de gueule?

 Parole de Macron :

« Le chômage de masse en France, c’est parce que les travailleurs sont trop protégés! » 

Faut-il donner une leçon d’économie politique à sa Majesté qui prétend gouverner la France et qui ignore encore la raison connue par n’importe quel étudiant de première année en économie, concernant le chômage de masse? Je renvoie le lecteur à l’article du 5 août 2019, dans www.mondialisation.ca, « La chute de la macronie avec la chute de l’ultra libéralisme », article dans lequel cette question est examinée.

« On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas! » Manu, entre nous, c’est donc simple à comprendre, si tu as un peu de cervelle! Excuse-moi, mais je commence à en douter sérieusement. Les minima dont le RSA est le plus connu, ne peuvent en aucun cas sortirent les gens de la pauvreté, et les placer dans la condition des nantis ou des bobos BCBG, puisque les minima sont fait exclusivement pour empêcher les pauvres de couler; les minima jouent le rôle de la bouée de sauvetage. Mais il reste ensuite à les sortir de là pour leur éviter la noyade ou l’hypothermie! Et comment les sortir de là? En leur disant qu’ils doivent « apprendre à séduire », puisque c’est cela le travail, c’est se vendre, c’est jouer à la péripatéticienne sur le « marché de l’emploi »?! Tu l’avoues toi-même, Manu : « Les gens pauvres restent pauvres et ceux qui tombent dans la pauvreté restent pauvres à leur tour. »

Alors, Manu, Macron, sa Majesté a eu une autre idée de génie: « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires! » Quelle déclaration époustouflante! Car, une vie de Crésus, une vie de nanti, de riche, de milliardaire, ne sachant que faire de sa richesse impossible à dépenser égoïstement, est absolument enviable, c’est un idéal à poursuivre, c’est un objectif de vie, sachant que ce fantasme ne se conçoit pas dans la perspective de prendre ensuite le risque de replacer cette richesse dans l’économie réelle au service de tous… 

Mais rassurons-nous, car, dit Manu : « Avec la relance des autocars, les pauvres voyageront plus facilement! » Et c’est bien connu : « Une gare c’est un lieu où l’on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien! » « On ne peut pas créer d’emplois sans entrepreneurs. L’État ne peut pas créer des postes par ordonnances! » 

Enfin, sa Majesté daigne avouer in extremis: « Vue, la situation économique, ne plus payer les heures supplémentaires c’est une nécessité! » « 35 heures pour un jeune ce n’est pas assez! » « Une Start Up nation, est une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une Start Up. Je veux que la France en soit une! » 

Mais enfin, il avoue qu’il n’y a pas de boulot! Et voilà une autre solution ajoutée à celle de la prostitution: être une Start Up! Quelle différence au fond entre être une « Start Up » et une « Pin-Up » de la condition ouvrière?

« La France n’est pas un pays qui se réforme; il ne se réforme pas parce qu’on se cabre, on résiste, on contourne! » C’est lui, Manu, qui détient la lumière de la vérité sur ce que doit faire la France et sur ce que doit être la France… Il a reçu cette révélation de la « transcendance ». Tous ceux qui « se cabrent » sont les « Gaulois réfractaires » qui résistent à César! On ne peut pas se refaire! Alors les Gilets jaunes sont dans la rue ou sur les ronds-points pour un bon bout de temps, rejoints prochainement par les agriculteurs, puis par les routiers, puis par les urgentistes, puis par le reste de la nation qui n’en peut plus d’égrener le chapelet des insanités et de l’inconscience des paroles de Macron… 

Jean-Yves Jézéquel

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A partir de la fin avril 2015, sous la pression des dirigeants européens, Tsipras met de côté Varoufakis, sans lui retirer son portefeuille de ministre des finances, pour les négociations à Bruxelles. Il le remplace par Euclide Tsakalotos et donne de plus en plus de poids à Georges Chouliarakis qui agissait objectivement dans l’intérêt des créanciers depuis février 2015. Dijsselbloem et Juncker avaient insisté auprès de Tsipras pour que Chouliarakis soit au centre des négociations car c’était le représentant grec avec lequel ils se sentaient le plus en confiance [1].

Tsipras accepte de faire de nouvelles concessions à la Troïka avec laquelle il multiplie les contacts et les discussions. Selon Varoufakis, Tsipras a envoyé un courrier fin avril 2015 à la Troïka dans lequel il signifiait son acceptation de dégager un surplus budgétaire primaire de 3,5 % chaque année pour la période 2018-2028. Cette nouvelle reculade rendait impossible la fin de l’austérité car cela nécessitait des coupes supplémentaires dans les budgets sociaux et une accélération des privatisations. Cela n’a pas suffi à la Troïka qui voulait d’autres concessions et un accord n’a pas été trouvé.

Selon Varoufakis, Tsipras a envoyé un courrier fin avril 2015 à la Troïka dans lequel il signifiait son acceptation de dégager un surplus budgétaire primaire de 3,5 % chaque année pour la période 2018-2028

Pendant ce temps, la Commission pour la vérité sur la dette grecque instituée par la présidente du parlement grec travaillait d’arrache-pied pour produire son rapport et ses recommandations avant la fin du deuxième mémorandum qui avait été prolongé jusqu’au 30 juin 2015. L’objectif était de présenter le rapport lors d’une séance publique au parlement les 17 et 18 juin 2015 afin de peser sur l’issue du mémorandum et des négociations. Selon le mandat reçu par la commission, il fallait identifier la proportion de la dette qui peut être définie comme illégitime, illégale, odieuse ou insoutenable.

La commission était composée de 30 personnes, 15 provenant de Grèce et 15 provenant de l’étranger dont plusieurs professeurs de droit dans différentes universités (en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne et en Zambie), un ex-rapporteur des Nations unies en matière de dette et de respect des droits de l’homme, des experts en finance internationale, des auditeurs des comptes publics, des personnes ayant participé antérieurement à des audits de la dette publique, un ex-président d’une banque centrale et ex-ministre de l’économie, des spécialistes des banques ayant acquis une connaissance approfondie du secteur bancaire au cours de leur vie professionnelle. Parmi les 15 personnes provenant de Grèce, plusieurs avaient une expérience dans le monde bancaire, dans le domaine de la finance internationale, du droit, du journalisme, de la santé.

Les membres de la commission dont je coordonnais les travaux s’étaient mis d’accord sur les définitions correspondant aux dettes illégitimes, odieuses, illégales et insoutenables ainsi que sur une méthodologie de travail. Ils s’étaient répartis en six groupes de travail dont trois analysaient les dettes réclamées par les différents créanciers : un groupe auditait les dettes réclamées par le FMI, un deuxième groupe celles réclamées par la BCE, un troisième celles réclamées par les 14 pays de la zone euro qui avaient octroyé des prêts bilatéraux en 2010 ainsi que celles dues aux deux organismes créés par la commission européenne pour octroyer des crédits à la Grèce, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES) qui lui avait succédé. Ces différents créanciers qui étaient représentés par la Troïka détenaient plus de 85 % de la dette grecque en 2015. Trois autres groupes de travail fonctionnaient. L’un devait produire une analyse du processus d’endettement public avant 2010. Le deuxième devait fournir une évaluation rigoureuse des mesures dictées par la Troïka (et acceptées par les gouvernements qui s’étaient succédé depuis 2010) et de leur impact sur l’exercice des droits humains fondamentaux. Le dernier groupe de travail réunissait plusieurs juristes et élaborait des conclusions en termes juridiques et des recommandations aux autorités grecques.

Ces différents créanciers (FMI, BCE et 14 pays de la zone euro) qui étaient représentés par la Troïka détenaient plus de 85 % de la dette grecque en 2015

Une partie importante des travaux de la commission était publique. Les séances se déroulaient dans le parlement et étaient retransmises en direct par la chaîne parlementaire. Celle-ci gagnait au fil des semaines de plus en plus d’audience dans un public qui commençait à se détourner des chaînes de télévision qui étaient privées et étaient opposées au gouvernement Tsipras. La chaîne publique ERT fermée à partir de juin 2013 à la demande de la Troïka n’a repris ses activités qu’à partir du 11 juin 2015, une semaine avant que la commission d’audit ne remette ses conclusions.

La commission a procédé à des séances d’audition de témoins qui étaient, elles aussi, retransmises en direct par la chaîne parlementaire. Philippe Legrain, ex-conseiller direct du président de la Commission européenne pendant le premier mémorandum, est venu de Londres pour témoigner [2], de même que Panagiotis Roumeliotis, ex-représentant de la Grèce au FMI au début du premier mémorandum [3]. Ces séances ont permis de montrer à un large public les véritables raisons de l’intervention de la Commission européenne, de la BCE et du FMI.

Malgré des demandes répétées qui lui ont été adressées, Yanis Varoufakis n’a pas aidé la commission à réaliser sa mission. Son désintérêt pour la commission est patent car il ne mentionne pas une seule fois celle-ci dans le livre qu’il consacre à son explication des évènements de 2015. Il n’a pas du tout compris que cette commission et les conclusions qu’elle allait produire pouvaient grandement aider la Grèce à se libérer des créanciers avec des arguments très forts tant par rapport à l’opinion publique en Grèce que par rapport à l’opinion internationale. Bien sûr, pour que les propositions de la Commission trouvent un débouché concret, il aurait fallu que des membres du gouvernement fassent du bruit autour des enjeux et des travaux de cette commission. Qui était la personne la mieux placée du gouvernement pour faire écho à l’audit de la dette si ce n’est le ministre des finances ?

Le refus de Varoufakis et de Tsipras de mentionner à l’étranger les travaux de la commission est en relation directe avec leur stratégie funeste […] Le mandat attribué à la commission par la présidente du Parlement grec les dérangeait profondément

Quant à Tsipras, son soutien à la commission était purement formel et il s’est bien gardé de s’y référer lors de ses déclarations publiques à l’étranger.

Du côté de l’aile gauche de Syriza, une partie n’a pas saisi l’importance des travaux de la commission. Son leader principal, Panagiotis Lafazanis, n’est pas venu une seule fois aux séances publiques de la commission tandis que d’autres ministres membres de la Plateforme de gauche l’ont activement soutenue. C’est le cas de Dimitris Stratoulis, en charge des pensions, de Costas Isychos, vice-ministre de la défense et de Nadia Valavani, vice-ministre des finances.

Le refus de Varoufakis et de Tsipras de mentionner à l’étranger les travaux de la commission est en relation directe avec la stratégie funeste qu’ils mettaient en pratique. Cette stratégie consistait à chercher une solution en matière d’allègement du paiement de la dette sans remettre en cause sa nature, sans accepter de reconnaître son caractère illégitime et odieux. Leur stratégie consistait également à pratiquer la diplomatie secrète et à faire croire que la Troïka avait disparu.

Le mandat attribué à la commission par la présidente du Parlement grec les dérangeait profondément.

Le fait de recourir à une participation active des citoyens à l’audit de la dette ne faisait pas partie de leur pratique. Pour eux, tout passait par des négociations au sommet sans mener la moindre campagne de communication internationale pour délégitimer la Troïka. Varoufakis communiquait avec les médias mais uniquement sur la base de propositions qui supposaient qu’un consensus était possible avec les dirigeants européens. Il déclare lui-même dans son livre qu’il leur demandait conseil de manière régulière, notamment quand il rencontrait Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, ou Angela Merkel, la chancelière.

Le fameux plan X auquel Varoufakis s’est référé constamment après son départ du gouvernement, lorsque que tout était joué, n’a jamais été communiqué au gouvernement au complet ni au groupe parlementaire et au Comité central de Syriza. Il n’en a parlé qu’au cercle très étroit autour de Tsipras et à quelques-uns de ses collaborateurs qui travaillaient dans le secret. Sa mise en œuvre éventuelle dépendait uniquement de la décision de Tsipras. Or, Tsipras lui a montré à plusieurs reprises qu’il n’était pas prêt à l’appliquer. Les quelques fois où, selon les propres dires de Varoufakis, Tsipras et d’autres membres du cercle ont voulu prendre des mesures fortes, par exemple à l’encontre du gouverneur de la banque nationale ou les 21-22 février en refusant de confirmer certains termes de l’accord du 20 février, Varoufakis affirme qu’il les a convaincus d’y renoncer.

La décision clé qui signala le point de non-retour est le décret-loi du 20 avril qui ordonnait à tous les organismes publics (municipalités, universités, hôpitaux, parlement, bibliothèques publiques etc. sauf les caisses de sécurité sociale et de retraite) de transférer les réserves de liquidités à la Banque de Grèce pour payer à temps le versement de juin, lequel comme tous les versements des premiers mois du gouvernement Syriza était destiné au seul FMI. Ce fut le signal que le gouvernement était bel et bien pieds et poings liés à l’accord du 20 février et refusait toute éventualité de plan B, toute rupture avec les créanciers. Or, Varoufakis n’a jamais émis la moindre réserve sur cette décision fatale, qui rendait sans objet toute discussion sur des plans alternatifs. Il n’en dit pas un mot dans son livre.

La décision clé qui signala le point de non-retour est le décret-loi du 20 avril qui ordonnait à tous les organismes publics de transférer les réserves de liquidités à la Banque de Grèce pour payer à temps le versement de juin

Suite à cette décision la position de la Plate-forme de gauche devenait intenable. La question s’est posée par exemple de savoir que devaient faire les maires et le président de la région des îles ioniennes membres ou proches de la Plate-forme de gauche face à cette injonction ? En général ils ont plié. Lors d’une réunion nationale du courant Lafazanis, qui s’est tenu vers le 24 avril, la décision fut prise de façon unanime de charger Lapavitsas et ses collaborateurs de mettre au point un plan alternatif, que la Plateforme de gauche aurait rendu public. Mais Lafazanis laissait traîner les choses.

Pourquoi un tel atermoiement ? Probablement, Lafazanis et les autres dirigeants étaient conscients que si un tel plan était rendu public, les ministres de la Plate-forme de gauche auraient dû mettre leur fauteuil de ministre dans la balance, et ils ne voulaient pas prendre le risque. Ce fut l’erreur fatale de la Plate-forme de gauche, qui annonçait le manque de punch qui s’est publiquement manifesté lors des semaines décisives de juillet-août 2015.

Revenons aux moments marquants des mois de mai et de juin.

Le 12 mai 2015, la Grèce devait faire pour la septième fois depuis février un remboursement au FMI. Les caisses publiques avaient été quasiment entièrement vidées pour effectuer les paiements précédents et la Troïka se refusait toujours à verser ce qu’elle devait à la Grèce, notamment les 1,9 milliards € de bénéfices réalisés par la BCE sur les titres grecs.

Or le FMI voulait éviter que la Grèce ne suspende le paiement, ce qui montre qu’il craignait une telle mesure. En conséquence, le FMI avec ses complices en Grèce, notamment le gouverneur de la banque de Grèce et Chouliarakis, a trouvé une astuce. Il a prétendu avoir découvert un compte oublié ouvert dans le passé par la Grèce au FMI sur lequel subsistait un solde. En réalité, le FMI a versé près de 650 millions € sous forme d’un nouveau prêt sur le compte en question, ce qui a permis ensuite à la Grèce de rembourser le montant dû, soit 765 millions € selon Varoufakis [4] (747,7 millions € si l’on en croit le Wall Street Journal), en y ajoutant le reliquat à partir de ce qui restait disponible dans les fonds de tiroir des caisses publiques.

Le FMI voulait éviter que la Grèce ne suspende le paiement, ce qui montre qu’il craignait une telle mesure

Personnellement, j’avais été mis au courant de ce subterfuge par une source bien informée à Washington et j’avais prévenu la présidente du Parlement grec qui n’était jusque-là au courant de rien.

À la même époque, la présidente du Parlement m’a informé qu’elle avait refusé d’accéder à une demande de Tsipras qui lui demandait de verser les liquidités disponibles dans les caisses du Parlement grec. Pour convaincre la présidente, il lui avait dit que cela allait servir à payer les retraites. Avant de refuser la demande de Tsipras, elle avait téléphoné à Dimitris Stratoulis, le ministre en charge des retraites, qui lui avait dit qu’il n’avait pas introduit une telle demande auprès de Tsipras car il avait pris ses précautions : il restait suffisamment d’argent dans le système des pensions pour payer les retraites. Lui-même faisait de la résistance afin d’empêcher que l’argent tant nécessaire aux retraités ne quitte le pays pour aller remplir les coffres du FMI. Zoe Konstantopoulou a donc refusé de transférer la somme que lui demandait Tsipras.

Néanmoins, elle gardait de bons rapports avec lui et chaque fois que je m’inquiétais de l’orientation adoptée par le premier ministre, elle tentait de me rassurer en me disant qu’il finirait par stopper les concessions et par adopter les décisions radicales qui permettraient de trouver une issue à l’impasse. Je n’étais pas convaincu mais nous continuions activement le travail au sein de la commission d’audit.

Je cherchais également à manifester mon soutien aux ministres de gauche, comme Dimitris Stratoulis, qui essayaient de pousser le gouvernement à suspendre le paiement de la dette. La situation de millions de retraités grecs était intenable et la Troïka n’arrêtait pas d’exiger de nouvelles réductions de dépenses dans le secteur des pensions. C’est pour cela que le 15 mai 2015, je me suis rendu à son ministère afin de dialoguer sur ce qu’il convenait de faire et pour le mettre au courant des travaux de la commission. Stratoulis était très heureux de ma visite et a décidé d’en rendre compte publiquement. Il a envoyé à la presse un compte-rendu de cette rencontre et de mon côté j’ai rédigé un communiqué de presse que voici :

  • « Après une visite le vendredi 15 mai au ministère grec des pensions et une rencontre avec le ministre Stratoulis, voici ma déclaration concernant le contenu de notre échange fructueux.
  • Il est clair qu’il y a une relation directe entre les conditions imposées par la Troïka et l’augmentation de la dette publique depuis 2010. La Commission pour la vérité sur la dette grecque va produire en juin 2015 un rapport préliminaire dans lequel le caractère illégitime et illégal de la dette réclamée à la Grèce sera évalué. Il y a des preuves évidentes de violations de la constitution grecque et des traités internationaux garantissant les droits humains.
  • La Commission considère qu’il y a une relation directe entre les politiques imposées par les créanciers et l’appauvrissement d’une majorité de la population ainsi que la baisse de 25 % du PIB depuis 2010. Par exemple, les fonds de pension publics ont subi d’énormes pertes suite à la restructuration de la dette grecque organisée en 2012 par la Troïka. Celle-ci a imposé une perte de 16 à 17 milliards d’euros par rapport à leur valeur originale de 31 milliards €. Les revenus du système de sécurité sociale ont aussi souffert directement à cause de l’augmentation du chômage et de la réduction des salaires comme conséquence des mesures imposées par la Troïka.
  • La dette grecque n’est pas soutenable, pas seulement d’un point de vue financier, puisque c’est clair que la Grèce est par essence incapable de la rembourser, mais elle est aussi insoutenable du point de vue des droits humains. Plusieurs juristes spécialistes en matière de droit international considèrent que la Grèce peut se déclarer en état de nécessité. Selon le droit international, quand un pays est en état de nécessité il a la possibilité de suspendre le remboursement de sa dette de manière unilatérale (sans accumuler des arriérés d’intérêt) en vue de garantir à ses citoyens les droits humains fondamentaux, tels que l’éducation, la santé, la nourriture, des retraites décentes, des emplois, etc.
  • L’objectif du rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette est de renforcer la position de la Grèce, lui donnant des arguments supplémentaires dans les négociations avec les créanciers. La Commission pour la vérité sur la dette aimerait organiser une visite publique avec des journalistes pour permettre au ministre de rendre public la relation directe entre les politiques imposées par la Troïka et les dégradations des conditions de vie de la majorité de la population et spécifiquement pour les pensionnés, qui ont vu leur pension réduite de 40 % en moyenne depuis que la Troïka est active en Grèce.
  • Comme le ministre nous l’a déclaré, 66 % des pensionnés reçoivent une retraite mensuelle de moins de 700 euros et 45 % des pensionnés reçoivent une retraite inférieure au seuil de pauvreté qui est fixé à 660 euros par mois.
  • Je réprouve totalement les nouvelles exigences du FMI et de l’Eurogroupe qui veulent imposer de nouvelles réductions des pensions, alors qu’il est clair que les politiques précédentes et actuelles imposées par les créanciers violent le droit des pensionnés à une retraite décente. Les pensions doivent être restaurées.
  • Éric Toussaint, coordinateur scientifique de la Commission pour la Vérité sur la dette, Athènes le 15 mai 2015 » [5]

Fin du communiqué

La veille de cette rencontre avec Dimitris Stratoulis, j’étais allé écouter Varoufakis prendre la parole lors d’une grande conférence organisée par le Financial Times et dédiée à l’avenir des banques grecques. Varoufakis y avait déclaré que les négociations avec « les institutions » (rappelons-nous qu’à l’époque, selon le discours officiel, la Troïka était abolie) étaient en bonne voie. Selon lui, il fallait arriver à un double accord, un qui permettrait de terminer le 2e mémorandum comme prévu le 30 juin et un second qui constituerait un nouvel arrangement.

Varoufakis cherchait comme Tsipras un nouvel accord pour remplacer celui en cours et, qu’il le veuille ou non, cela signifiait un 3e mémorandum

Cette déclaration a fait écho à ce que j’avais appris de la bouche d’un de ses collaborateurs directs : Varoufakis cherchait comme Tsipras un nouvel accord pour remplacer celui en cours et, qu’il le veuille ou non, cela signifiait un 3e mémorandum. Lors de la conférence organisée par le Financial Times devant un parterre de membres de l’establishment et des représentants d’entreprises étrangères, il avait déclaré : « Il est impossible de sortir de la zone euro sans que cela entraîne une catastrophe pour le pays qui quitte ». Parmi les autres conférenciers, il y avait Kyriakos Mitsotakis qui est devenu premier ministre quatre ans plus tard, en juillet 2019. Le représentant de la banque Piraeus, une des quatre grandes banques du pays, annonçait qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter si 27 milliards € avaient été retirés des banques grecques depuis fin décembre 2014. Régnait dans cette conférence une atmosphère irréelle, les participants triés sur le volet semblaient vivre à des années lumières de la population grecque. J’avais eu accès à cet événement grâce à un ministre qui m’avait remis l’invitation personnelle qui lui était destinée. J’y avais rencontré Dragasakis qui n’était pas du tout heureux de devoir m’adresser la parole. Sa gêne a augmenté quand un de ses jeunes collaborateurs m’a déclaré qu’il avait lu avec un grand intérêt et enthousiasme l’édition grecque du livre 65 questions/65 réponses sur la dette, la Banque mondiale et le FMI [6] que j’avais écrit avec Damien Millet. Dragasakis, visiblement, n’était pas du tout satisfait de cette déclaration intempestive de son collaborateur.

Dans le gouvernement, un malaise et des frustrations étaient perceptibles mais cela ne filtrait pas vers le public. Je me souviens très bien de ma deuxième rencontre avec la ministre Rania Antonopoulos qui avait en charge la création de 300 000 emplois, une des priorités du programme de Syriza. Au cours de la première rencontre qui avait eu lieu en février 2015, elle m’avait déclaré qu’elle voulait dans la mesure du possible prêter son concours au lancement de l’audit de la dette comme je le proposais. Lors de notre deuxième rencontre en mai 2019, elle a exprimé sa frustration comme ministre. Elle m’a confié qu’elle pensait avoir fait une erreur en acceptant d’entrer au gouvernement car son département manquait de moyens et parce qu’elle ne se sentait pas libre de dire ce qu’elle pensait. Elle m’a déclaré qu’elle aurait dû donner la priorité à son rôle de députée du parlement. Elle m’a expliqué qu’il n’y avait pas de réunion du gouvernement au complet, pas de discussion collective. Elle considérait que Tsipras laissait conduire sa politique par les sondages.

Dans Syriza, un profond malaise était en train de se développer. Mais pour les militants du parti, y compris au plus haut niveau sauf dans le cercle étroit autour de Tsipras, il était très difficile de percevoir ce qui se passait réellement. Tsipras, qui présidait le parti tout en étant premier ministre, communiquait très peu de choses à ses camarades. Il n’informait pas sur les concessions qu’il était en train de faire à la Troïka et laissait entendre qu’il allait prendre un tournant radical car les dirigeants européens ne répondaient pas positivement aux demandes du gouvernement. Il utilisait au maximum les attaques des ennemis de Syriza pour demander que tous à l’intérieur du parti se serrent les coudes et fassent confiance au gouvernement.

Dans Syriza, un profond malaise était en train de se développer. Mais pour les militants du parti, y compris au plus haut niveau sauf dans le cercle étroit autour de Tsipras, il était très difficile de percevoir ce qui se passait réellement

Pourtant le 24 mai 2015, lors de la réunion du comité central de Syriza, un amendement déposé par la Plateforme de gauche qui critiquait le cours des négociations et la stratégie du gouvernement, appelant à des mesures unilatérales en vue de la mise en œuvre effective du programme de Thessalonique, avait obtenu 44 % des voix [7].

Au sein de la Plateforme de gauche dès avril 2015, Costas Lapavitsas, qui avait été élu député de Syriza en janvier 2015, avait diffusé une proposition d’orientation alternative à celle mise en pratique par Tsipras. Cette proposition détaillée proposait d’agir pour une annulation de la plus grande partie de la dette publique, soutenait l’audit à participation citoyenne, refusait l’obligation de dégager un surplus du budget primaire, mettait en avant la nécessité de nationaliser les banques et d’annuler une partie importante de la dette des ménages à l’égard des banques, et proposait de restaurer le salaire minimum et les retraites en revenant à la situation d’avant le mémorandum de 2010. La proposition avancée par Costas Lapavitsas se fondait sur des travaux préparatoires rédigés avec l’économiste allemand Heiner Flassbeck qui a occupé des fonctions ministérielles dans un gouvernement social-démocrate allemand dans les années 1990. Elle incluait la perspective de la sortie de la zone euro en envisageant deux options, celle d’une sortie négociée et celle d’une sortie conflictuelle [8]. Ce programme qui constituait une proposition tout à fait intéressante n’a malheureusement pas été diffusé par la Plateforme de gauche qui a cherché jusqu’au bout un compromis avec Tsipras. Stathis Kouvelakis, qui était membre du Comité central de Syriza jusqu’à l’été 2015 et adhérent à la Plateforme de gauche, considère que la direction de celle-ci porte la responsabilité de la non-publication de cette orientation alternative. Kouvelakis considère que la direction de la Plateforme de gauche, dont plusieurs membres avaient des responsabilités ministérielles, est restée soumise à tort aux contraintes de la participation gouvernementale [9]. Je partage cette analyse.

Le dimanche 31 mai, alors que j’étais extrêmement pris par la coordination de la rédaction finale du rapport d’audit de la dette qui allait être présenté le 17 juin au parlement, j’ai reçu un appel de Daniel Munevar [10], collaborateur de Varoufakis depuis le mois de mars. Il me proposait de déjeuner avec James K. Galbraith. J’ai d’abord hésité car le travail qui restait à accomplir était considérable et chaque heure comptait. Puis j’ai pensé qu’une discussion avec Galbraith pourrait être utile au travail de la commission et j’ai quitté pendant quelques heures le studio de 18 m2 qui m’avait été gracieusement prêté par une personne convaincue que l’audit réalisé par la commission servait les intérêts du peuple grec. Galbraith était un des plus proches conseillers de Varoufakis durant ses fonctions ministérielles. Je le connaissais bien depuis une dizaine d’années car nous avions participé en Amérique latine à plusieurs conférences sur la mondialisation financière. En mars 2015, alors que Daniel Munevar avait accepté de collaborer à la commission d’audit, Galbraith l’avait finalement convaincu de faire partie de l’équipe internationale qui travaillerait directement avec Varoufakis, et en conséquence Munevar n’avait pas pu renforcer les rangs de la commission. Depuis mars, nous nous voyions assez régulièrement à Athènes pour faire le point et j’avais essayé, sans succès, de faire en sorte que Varoufakis accepte qu’il puisse aider à la commission malgré ses tâches comme conseiller au ministère des finances.

Le dimanche 31 mai, Galbraith, Munevar et moi avons déjeuné à une terrasse d’un restaurant populaire du centre d’Athènes à quelques centaines de mètres de la place Syntagma. Galbraith avait effectué peu avant un voyage à Berlin et était très inquiet parce que les dirigeants allemands campaient sur leurs positions. Son moral était bas. Même s’il ne l’a pas dit ouvertement, il se posait des questions sur l’efficacité de l’orientation suivie jusque-là par le gouvernement. Je lui ai exprimé mes critiques quant au refus du gouvernement de suspendre le paiement de la dette. Il a défendu l’orientation de Varoufakis et de Tsipras tout en reconnaissant qu’une suspension aurait peut-être donné des résultats positifs alors que la modération adoptée par le gouvernement ne donnait rien. Par contre quand je lui ai dit que j’étais tout à fait en désaccord avec la décision de ne pas exercer de contrôle sur les mouvements des capitaux, il m’a répondu que le gouvernement avait raison et qu’il ne fallait pas s’en faire sur ce point. Peut-être parce qu’il n’était pas convaincu lui-même de la politique suivie par son ami Varoufakis sur ce point, il n’a pas cherché à donner un argument convaincant. On s’est retrouvé en accord sur un point : la nécessité de mettre en circulation le plus vite possible une monnaie complémentaire. Il m’a dit qu’il essayait de convaincre Tispras et son entourage à ce propos mais que cela ne donnait aucun résultat. Une fois de plus, j’ai constaté l’abîme qui me séparait de l’orientation tant de Tsipras que celle de Varoufakis sur les questions centrales. J’ai expliqué l’importance des travaux de la commission et j’ai invité Galbraith à assister aux séances d’audition de Philippe Legrain et de Panagiotis Roumeliotis qui étaient programmées pour le 11 et le 15 juin respectivement. Galbraith a assisté à au moins une des deux auditions.

Roumeliotis a reconnu que le 1er mémorandum avait été conçu pour venir en aide aux banques privées françaises et allemandes principalement, ainsi qu’aux banques privées grecques […] Il a également reconnu que la crise trouvait son origine d’abord dans la dette privée et que la crise de la dette publique en résultait

Les 2 et 3 juin 2015, j’étais invité à une réunion tenue à Athènes par le groupe de la Gauche unitaire au parlement européen afin de présenter le travail de la commission. J’ai constaté que l’écrasante majorité des parlementaires ne se rendait pas du tout compte de ce qui se passait réellement en Grèce et des dangers que représentait l’orientation conciliatrice adoptée par le gouvernement Tsipras. Un parlementaire européen membre de l’aile droite de Syriza, qui était un des organisateurs de cette réunion à laquelle participait une quarantaine d’eurodéputés, avait mis son veto à ce que la présidente du Parlement grec soit invitée à prendre la parole à cette réunion. Manifestement à ses yeux, elle était trop radicale. Elle est quand même venue et y a pris la parole.

Le 3 juin, j’ai quitté un moment cette réunion de parlementaires européens, pour rencontrer en tête-à-tête Panagiotis Roumeliotis, l’ancien représentant de la Grèce au FMI au début du premier mémorandum. À l’époque du premier mémorandum, le FMI était dirigé par Dominique Strauss-Kahn avec qui il avait fait ses études à Paris. Roumeliotis avait une longue expérience des institutions internationales, il faisait partie de l’establishment. Il avait été successivement ministre du Commerce en 1987 puis ministre de l’économie en 1988-1989. En 2015, il était vice-président de la banque Piraeus. Roumeliotis avait accompagné Varoufakis lors de son déplacement à Washington le 5 avril 2015 pour rencontrer Christine Lagarde. Je lui avais donné rendez-vous le 3 juin afin de préparer son audition prévue pour le 15 juin. Notre conversation a été instructive car il a reconnu que le premier mémorandum avait été conçu pour venir en aide aux banques privées françaises et allemandes principalement, ainsi qu’aux banques privées grecques. Plus important encore en ce que cela contredit la narration dominante, il a reconnu que la situation des banques grecques en 2009-2010 était bien plus préoccupante que celle des finances publiques. Il a également reconnu que la crise trouvait son origine d’abord dans la dette privée et que la crise de la dette publique en résultait. Il n’est pas allé aussi loin dans ses déclarations publiques lors de son audition – qui a duré plus de six heures – le 15 juin au Parlement grec par la Commission d’audit. Mais ce qu’il y a déclaré était quand même fort intéressant. Au début de son intervention, il a précisé qu’il venait de recevoir une missive de Christine Lagarde lui rappelant son devoir de réserve comme ancien membre de la direction du FMI, ce qui montre bien que les dirigeants de la Troïka étaient inquiets de l’aboutissement des travaux de la commission.

Si Varoufakis et d’autres auteurs ne mentionnent pas les travaux de la commission, ce n’est pas parce qu’elle était insignifiante, c’est parce que son existence en elle-même dérangeait leurs plans et mettait en danger, selon eux, l’aboutissement des négociations avec les créanciers. Je suis persuadé que Draghi, Lagarde, Juncker se tenaient informés des travaux de la commission et mettaient la pression sur Varoufakis et Tsipras pour qu’ils n’en parlent pas en public et pour qu’ils ne s’appuient pas sur nos travaux.

La violence avec laquelle les grands médias grecs se référaient aux travaux de la commission constituait un signe évident des dangers qu’elle représentait pour l’ordre établi. La présidente du parlement était la cible principale des attaques puisqu’elle avait créé la commission. J’étais la cible numéro 2. Plusieurs articles publiés par d’importants médias de droite visaient à me discréditer et recouraient à des attaques personnelles sur ma tenue vestimentaire ainsi que sur le fait que j’avais participé à des audits de dettes dans des pays dits en développement. On nous présentait comme un danger pour la Grèce. Au sein du parlement, le président du groupe parlementaire du parti néolibéral To Potami (La Rivière) était également très remonté contre mon rôle de coordinateur scientifique des travaux de la commission. Il a officiellement protesté contre ma présence au parlement lors d’une réunion des chefs des groupes parlementaires.

Si Varoufakis et d’autres auteurs ne mentionnent pas les travaux de la commission […] c’est parce que son existence en elle-même dérangeait leurs plans et mettait en danger, selon eux, l’aboutissement des négociations avec les créanciers

J’ai pu constater en mai-juin 2015 que la campagne médiatique contre la commission et contre ma personne produisait auprès de la population grecque un effet contraire à celui recherché. Lors de mes déplacements dans Athènes, dans la rue ou dans les transports en commun, à de nombreuses reprises des personnes m’ont arrêté pour me saluer, me serrer la main chaleureusement, ont demandé à prendre un selfie avec moi, m’ont remercié pour le travail en cours de réalisation, m’ont dit de bien prendre soin de ma sécurité, etc. Pas une seule fois, quelqu’un n’a manifesté un geste ou une parole de réprobation. Cela a été le cas y compris la fois où je me suis rendu sur la place Syntagma à une manifestation antigouvernementale convoquée par des partis d’opposition de droite. Je voulais me rendre compte de la situation, voir quel type de public participait à une telle manifestation. J’ai traversé tranquillement les rangs des manifestants qui étaient environ dix mille. J’ai vu qu’un certain nombre me reconnaissait mais aucun n’a exprimé un rejet. J’en ai tiré l’impression que les travaux de la commission pour établir la vérité sur la dette n’étaient pas considérés comme contraires aux intérêts de la Grèce par les personnes des milieux populaires et des classes moyennes qui se mobilisaient à droite. De même, dans les restaurants populaires ou dans des cafés que j’ai fréquentés, il n’était pas rare que le patron ou des membres du personnel marquent leur sympathie pour le travail de la commission.

Sur le plan international, les soutiens au travail de la commission étaient nombreux, un site spécifique avait été ouvert et un appel international largement soutenu attirait constamment des signatures des quatre coins de la planète. De nombreux journalistes étrangers marquaient aussi leur intérêt. Il faut préciser également que tous les documents publics de la commission étaient publiés sur le site du parlement grec, ce qui contrastait avec la diplomatie du secret pratiquée par Tsipras et Varoufakis.

Le 4 juin 2019, alors que la Grèce devait effectuer un nouveau remboursement au FMI de 305 millions € et que les caisses publiques étaient vides, celui-ci propose que tous les paiements dus en juin, pour un montant total de 1 532,9 millions €, soient payés en une seule fois le 30 juin 2015. Cela permettait à la Troïka de mettre la pression maximum sur le gouvernement pour qu’il accepte de signer une nouvelle capitulation avant la fin du 2e mémorandum dont l’échéance était le 30 juin 2015.

Le 3 juin 2019, Tsipras s’était rendu à Bruxelles pour une réunion avec Juncker et Dijsselbloem qui étaient en contact direct avec Merkel, Hollande et Lagarde. Varoufakis avait été mis hors-jeu une fois de plus, Tsipras ne lui avait pas demandé de l’accompagner. Pour la Troïka, il s’agissait de mettre la pression maximale sur le premier ministre qui avait déjà montré qu’il était prêt à d’importantes concessions. Mais les énormes concessions de Tsipras ne suffisaient pas à la Troïka qui voulait le contraindre à une capitulation sur toute la ligne. Elle espérait pouvoir y arriver pour le 6 juin.

Les énormes concessions de Tsipras ne suffisaient pas à la Troïka qui voulait le contraindre à une capitulation sur toute la ligne. Elle espérait pouvoir y arriver pour le 6 juin

Finalement, Tsipras décide de rentrer à Athènes le 4 juin. Le lendemain, il critique devant le parlement grec l’attitude intransigeante de la Troïka sans expliquer les nouvelles concessions qu’il avait déjà faites et qui n’étaient pas suffisantes. Il donnait donc au public et aux parlementaires l’impression de résister fortement en affirmant qu’il ne franchirait pas les lignes rouges fixées par son gouvernement et le groupe parlementaire de Syriza.

Les négociations se poursuivent à Bruxelles avec, du côté grec, Chouliarakis à la tête des tractations, faisant tout son possible pour contenter la Troïka mais sans résultat substantiel.

Les 11 et 15 juin, la Commission pour la vérité sur la dette organise deux séances publiques d’audition de témoin. Philippe Legrain, ex-conseiller de José Manuel Barroso qui a présidé la Commission européenne entre novembre 2004 et novembre 2014, témoigne le 11 juin, et Panagiotis Roumeliotis le fait le 15 juin. L’audience de la commission auprès du public grec augmente.

Le 17 juin, au parlement grec, la commission présente son rapport en présence de la présidente du parlement grec, du premier ministre et d’une dizaine de membres du gouvernement. Le rapport principal m’incombe et il est retransmis en direct par la chaîne TV du parlement [11]. Une dizaine de parlementaires d’autres pays sont présents. Ils sont venus de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Espagne, d’Argentine, de Tunisie, etc., pour apporter leur soutien au travail de la commission et à la demande d’annulation des dettes illégitimes. Le rapport conclut que l’entièreté de la dette réclamée par la Troïka est illégitime, odieuse, illégale et insoutenable. Tsipras qui est venu saluer la commission en début de séance est reparti sans faire de déclaration publique. La présentation publique des différentes parties du rapport prend deux journées entières. Le rapport d’une petite centaine de pages est distribué en grec et en anglais, il est immédiatement publié sur le site du parlement grec. Dans les semaines qui suivent, il est traduit et publié en français, en allemand, en italien, en espagnol et en slovène.

Pendant ce temps, le 18 juin lors de la réunion de l’Eurogroupe à Bruxelles, la Troïka fait monter la pression sur le gouvernement grec. Benoît Coeuré, de la BCE, annonce que les banques grecques devront peut-être fermer leurs portes le 22 juin [12]. Christine Lagarde, pour le FMI, est également très agressive.

Le 18 juin lors de la réunion de l’Eurogroupe à Bruxelles, la Troïka fait monter la pression sur le gouvernement grec. Benoît Coeuré, de la BCE, annonce que les banques grecques devront peut-être fermer leurs portes le 22 juin. Christine Lagarde, pour le FMI, est également très agressive.

Le 20 juin, selon Varoufakis, Tsipras est très abattu et il lui soumet le projet d’un texte d’un discours à tenir devant la Nation afin d’expliquer la nécessité de capituler devant les exigences de la Troïka. Varoufakis affirme lui avoir déclaré : « Si tu veux capituler, capitule, mais fais-le convenablement – et je lui ai remis une feuille sur laquelle j’avais rédigé l’esquisse d’un discours, un discours à la nation, qu’il devrait lire à la télévision :

  • « Mes chers compatriotes, Nous nous sommes battus courageusement contre une troïka de créanciers impitoyables. Nous avons tout donné. Hélas, il n’y a pas de discussion possible avec des créanciers qui ne veulent pas récupérer leur argent.
  • « Nous avons essayé de tenir bon face à des institutions parmi les plus puissantes au monde et face à notre propre oligarchie, lesquelles ont bien plus de pouvoir que nous. Personne ne nous a porté secours. Certains, comme le président Obama, se sont montrés compréhensifs à notre égard. D’autres, comme la Chine, nous ont fait part de leur sympathie. Mais personne n’a proposé de nous aider concrètement face à ceux qui ont décidé de nous briser. Nous n’abandonnons pas, mais je dois vous annoncer que nous avons décidé de renoncer aujourd’hui pour pouvoir nous battre à l’avenir.
  • « Dès demain matin, j’accèderai aux demandes de la Troïka. Mais seulement parce qu’il reste de nombreuses batailles à livrer. Dès demain, après avoir accepté les exigences de la Troïka, mes ministres et moi-même entreprendrons une grande tournée en Europe pour expliquer aux peuples le sort qui nous a été réservé, pour les appeler à se mobiliser et à se joindre à notre combat commun, qui est de mettre fin au pourrissement et de redonner vie aux principes et aux traditions démocratiques de notre continent. » [13]

Dès demain matin, j’accèderai aux demandes de la Troïka. Mais seulement parce qu’il reste de nombreuses batailles à livrer

Fin de citation du texte rédigé par Varoufakis.

La stratégie présentée ici correspond bien à une des faiblesses fondamentales de l’orientation du Ministre des finances : elle débouchait sur la capitulation. Si l’on suit le raisonnement tenu par Varoufakis et les recommandations faites à Tsipras et son gouvernement, ce n’est qu’après avoir capitulé qu’ils auraient réalisé une grande tournée pour demander aux peuples de se mobiliser. Se mobiliser pour quoi ? Pour se solidariser d’un gouvernement qui capitule ? C’est dès février qu’il aurait fallu organiser systématiquement une campagne de mobilisation nationale et internationale pour soutenir les actions que le gouvernement aurait dû résolument entreprendre au lieu de capituler une première fois le 20 février. Ensuite, à plusieurs moments clés, Tsipras et Varoufakis auraient dû prendre le virage pour éviter la capitulation. Mais aucun des deux ne l’a fait.

Varoufakis commente : « Alexis l’a lu, puis a dit avec son air abattu habituel : « Je ne peux pas dire au peuple que nous allons déposer les armes ». C’était on ne peut plus clair : il avait effectivement décidé de céder, mais il ne pouvait se résoudre à l’annoncer. [14] »

De toute manière, les concessions systématiques que Tsipras faisait dans les pourparlers avec la Troïka permettent de comprendre le dénouement de début juillet 2015.

Face à la Troïka qui voulait une capitulation humiliante à laquelle Tsipras n’était pas prêt, il a fini par convoquer un référendum. Il a pris cette décision le 26 juin, à l’issue d’un sommet tenu à Bruxelles le 25 juin au cours duquel, une fois de plus, la présidence de la Commission européenne, celle de l’Eurogroupe, les chefs de gouvernement de la zone euro, la BCE et le FMI avaient exercé une pression maximum sur lui.

Tsipras quitte Bruxelles le 26 juin et annonce la convocation d’un référendum pour le 5 juillet 2015.

Dans les jours qui suivirent, du côté de tous ceux et celles qui attendaient que Tsipras prenne enfin un tournant et stoppe les concessions faites à la Troïka, la convocation du référendum a représenté un extraordinaire signal de renaissance de l’espoir. Cet espoir était d’autant plus fort que le gouvernement demandait au peuple de se prononcer sur les exigences de la Troïka et appelait à les rejeter.

La question sur laquelle les Grecs étaient invités à se prononcer se présentait de la manière suivante :

« Acceptez-vous le projet d’accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l’Eurogroupe du 25 juin 2015 et composé de deux parties, qui constituent leur proposition unifiée ? Le premier document est intitulé « Réformes pour la réussite du programme actuel et au-delà », le second « Analyse préliminaire de la soutenabilité de la dette ».

Les deux documents en question étaient rendus publics par le gouvernement et pouvaient être lus ou téléchargés sur le site créé pour le référendum.

Il s’agissait ni plus ni moins de faire vivre la démocratie face aux diktats des créanciers. C’était tard mais il était encore temps pour le gouvernement de se ressaisir et de mettre enfin en pratique une série de mesures alternatives en cas de rejet des exigences de la Troïka sur la base d’un mandat donné par le peuple.

Ce que Tsipras avait réellement en tête en convoquant le référendum n’est pas clair. Plusieurs interprétations circulent.

Varoufakis donne sa version qui mérite d’être prise en compte. Selon lui, Tsipras a annoncé sa décision le 26 juin au noyau qui l’entourait à Bruxelles. Il s’agissait de Dragasakis (vice-premier ministre), Sagias (le conseiller juridique), Tsakalotos (qui remplaçait officiellement Varoufakis dans les contacts avec la Troïka), Pappas (l’alter ego de Tsipras), Stathakis, Chouliarakis et lui-même. Varoufakis déclare avoir demandé aux présents :

  • « Ce référendum, on le convoque pour le gagner ou pour le perdre ? ».

Il relate la suite :

  • « La seule réponse que j’ai obtenue, et je pense qu’elle était sincère, m’a été donnée par Dragasakis : « Nous avons besoin d’une sortie de secours. »
  • Comme lui, j’étais persuadé que nous allions perdre le référendum. En janvier, le total des voix en faveur du gouvernement n’avait été que de 40 pour cent, et à présent nous devrions faire face à une semaine entière de fermeture des banques et de rumeurs affolantes dans les médias avant le 5 juillet. Mais à l’inverse de moi, Dragasakis souhaitait perdre pour légitimer notre acceptation des conditions de la Troïka. [15] »

Plus loin, il réaffirme que l’objectif du noyau autour de Tsipras (dont il s’exclut sur ce point), en convoquant le référendum, était d’avoir la légitimité pour capituler. Il écrit qu’il a proposé le 27 juin à Tsipras et aux membres du cabinet de guerre qui l’entourait d’annoncer certaines mesures fortes comme l’intention de reporter de deux ans le remboursement à la BCE [16], ce que Tsipras, Dragasakis et Tsakalotos ont refusé. Il ajoute : « C’est après la réunion, en me dirigeant vers la sortie, que j’ai soudain compris ce qui se passait : le but était bien de perdre le référendum » [17].

Est-ce que Tsipras pensait dès le moment où il a convoqué le référendum que le gouvernement allait le perdre, comme l’affirme Varoufakis ? Ce n’est pas clair. Selon Stathis Kouvelakis, le 26 juin, Tsipras pensait que le « Non » l’emporterait et dépasserait 70 % [18]. Selon Varoufakis, Tsipras considérait que le « Oui » l’emporterait et lui donnerait la légitimité pour capituler.

Ce qui est certain c’est que pour Tsipras, comme le souligne Kouvelakis [19], la convocation du référendum ne constituait pas le signal de la rupture avec la Troïka, c’était un mouvement tactique afin de reprendre l’initiative pour sortir de l’impasse de manière à poursuivre la négociation dans de meilleures conditions.

D’ailleurs, Tsipras a essayé de poursuivre les négociations pendant la semaine qui a précédé le référendum [20].

Dragasakis, qui était aussi tout à fait favorable à poursuivre les négociations et à faire des concessions, s’est prononcé publiquement pour l’annulation de la convocation du référendum car il pensait que celui-ci rendait plus difficiles les pourparlers avec la Troïka.

Varoufakis souligne qu’il n’y a eu aucune volonté des membres du cabinet de guerre d’organiser une campagne de mobilisation en faveur du « Non ». C’est ainsi que les ministres n’ont pas été encouragés à se déplacer dans le pays pour tenir des meetings en faveur du « Non » [21]. Seul un grand rassemblement a été convoqué pour le 3 juillet, c’est-à-dire deux jours avant le référendum.

Le fait que Varoufakis était persuadé que le « Oui » allait l’emporter montre qu’il était déconnecté de l’état d’esprit de la majorité du peuple grec.

La victoire du « Non » sans qu’une véritable campagne ait été organisée par le gouvernement montre à quel point une grande partie du peuple était prête à résister aux créanciers.

Du côté de la Troïka, la réaction a été violente : la BCE a fait en sorte que le gouvernement doive fermer les banques pendant la semaine qui a précédé le référendum.

Le lundi 29 juin, Juncker dénonce la convocation du référendum – c’est du jamais-vu de la part d’un président de la Commission européenne – et appelle les Grecs dans des termes à peine voilés à voter « Oui » afin de ne « pas commettre un suicide ». Cette intervention a peut-être eu l’effet contraire à celui recherché.

Le 30 juin, Benoît Coeuré, vice-président de la BCE, annonce que si les Grecs votent en majorité pour le « Non », l’expulsion de la zone euro est probable tandis que si les Grecs votent pour le « Oui », la Troïka viendra en aide à la Grèce. François Hollande fait une déclaration dans le même sens.

Les médias dominants en Grèce appellent tous à voter pour le « Oui » et expliquent que si le « Non » l’emporte, ce sera une catastrophe.

Durant les jours qui précèdent le référendum une série de personnalités au niveau international, notamment aux États-Unis, soutiennent le « Non ». Parmi elles, le sénateur Bernie Sanders et les économistes prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz et Paul Krugman.

Le 3 juillet, une marée humaine se rend à la place Syntagma pour aller écouter Tsipras et exprimer la ferveur populaire pour le « Non ». De nombreux témoignages soulignent que Tsipras était mal à l’aise alors que la foule l’ovationnait pour son courage face aux créanciers. Il a abrégé son discours.

Le rassemblement en faveur du « Oui » est nettement moins fourni que celui en faveur du « Non ».

Le 5 juillet, le résultat est sans appel : un taux de participation élevé (62,5 %) et 61,31 % en faveur du « Non ». Dans les quartiers « ouvriers », le « Non » l’a emporté à plus de 70 %. Selon un sondage, 85 % des jeunes entre 18 et 24 ans ont voté pour le « Non » [22].

Le 5 juillet, le résultat du référendum est sans appel : un taux de participation élevé (62,5 %) et 61,31 % en faveur du « Non ». […] Les dirigeants européens sont complètement désarçonnés : leurs menaces n’ont pas provoqué l’effet recherché sur le peuple grec

Pourtant le 6 juillet, Tsipras se réunit avec les partis qui ont appelé à voter pour le « Oui » et, en 24 heures, élabore avec eux une position conforme aux demandes de la Troïka alors que celles-ci ont été rejetées lors du référendum. C’est une trahison du verdict populaire d’autant plus manifeste qu’il avait juré publiquement de respecter le résultat du référendum, quel qu’il soit.

Tsipras reprend immédiatement le contact avec Bruxelles et constate que la Commission européenne et les dirigeants de l’Eurogroupe, très remontés contre lui, veulent lui faire payer son insolence et infliger une humiliation au peuple grec.

Tsipras se rend néanmoins à Bruxelles pour remettre la proposition qu’il a concoctée avec les partis qui ont appelé à voter pour le « Oui ». Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à la proposition qui a été rejetée deux jours plus tôt par 61,31 % des Grecs qui ont participé au référendum. Mais les dirigeants européens déclarent à Tsipras qu’ils ne peuvent pas lui faire confiance et exigent un vote du parlement grec sur des propositions crédibles de leur point de vue comme condition préalable à la reprise officielle des négociations. Tsipras s’exécute et obtient le 10 juillet un appui massif au parlement grec pour soumettre son nouveau plan à la Troïka. Les trois partis qui ont perdu le référendum votent en faveur du nouveau plan de Tsipras tandis que la présidente du parlement grec, 6 ministres et vice-ministres membres de la Plateforme de gauche et d’autres députés Syriza refusent de l’approuver (Varoufakis est absent, il a choisi d’être avec sa fille dans sa résidence à l’extérieur d’Athènes). Sur 300 parlementaires, 251 votent en faveur du plan de capitulation proposé par Tsipras. Syriza est en pleine crise.

Le 11 juillet, à Bruxelles, alors que le FMI et la BCE sont d’accord avec la proposition grecque, plusieurs ministres et chefs d’État européens veulent imposer de plus lourds sacrifices.

Le 13 juillet, suite à une réunion d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro, le gouvernement grec accepte de rentrer dans un processus conduisant à un troisième mémorandum, avec des conditions plus dures que celles rejetées lors du référendum du 5 juillet. À propos de la dette, le texte dit clairement qu’il n’y aura pas de réduction du montant de la dette grecque : « Le sommet de la zone euro souligne que l’on ne peut pas opérer de décote nominale de la dette. Les autorités grecques réaffirment leur attachement sans équivoque au respect de leurs obligations financières vis-à-vis de l’ensemble de leurs créanciers, intégralement et en temps voulu » [23].

Le 13 juillet, […] le gouvernement grec accepte de rentrer dans un processus conduisant à un troisième mémorandum, avec des conditions plus dures que celles rejetées lors du référendum du 5 juillet

La pression exercée par les dirigeants européens provoque des réactions de rejet autour de la planète. Le 13 juillet, le hashtag #THISISACOUP est twitté 377 000 fois et fait le tour du monde.

Le 15 juillet, la crise dans Syriza s’approfondit. Une lettre signée par 109 membres (sur 201) du comité central de Syriza rejette l’accord du 13 juillet en le qualifiant de coup d’État et demande une réunion d’urgence du Comité central. Malgré cela, Tsipras, président de Syriza, ne réunira le Comité central que deux semaines plus tard.

Les 15 et 16 juillet, le Parlement, avec les voix de Nouvelle Démocratie, Pasok et To Potami, mais sans les voix de 39 députés de Syriza sur 149 (32 contre dont Varoufakis, 6 abstentions, 1 absence), approuve un premier paquet de mesures d’austérités, concernant la TVA et les retraites, exigées par l’accord du 13 juillet.

Le 17 juillet, suite à l’accord du 13 juillet, la Commission européenne annonce le déblocage d’un nouveau prêt de 7 milliards d’euros. Alexis Tsipras remanie son gouvernement, en congédiant notamment deux ministres de la Plateforme de gauche, Panagiotis Lafazanis et Dimitris Stratoulis. Varoufakis avait démissionné le 6 juillet et Nadia Valavani, vice-ministre des finances, le 15 juillet.

Le 20 juillet, la Grèce rembourse 3,5 milliards € à la Banque centrale européenne et 2 milliards € au Fonds monétaire international.

Les 22 et 23 juillet, le Parlement adopte un second volet de mesures immédiates exigées par la Troïka. Parmi les députés de Syriza, 31 votent contre et 5 s’abstiennent. Varoufakis vote pour.

Le 14 août, le Parlement grec adopte le troisième mémorandum par 222 voix contre 64 voix (dont 32 députés de Syriza sur un total de 149). Il y a 11 abstentions (dont 10 Syriza).

Le 20 août, la Grèce rembourse 3,2 milliards € à la BCE.

Le 26 septembre, Tsipras fait élire comme président du parlement Nikos Voutsis qui décide une dissolution de facto de la Commission d’audit de la dette et fait disparaître du site internet du parlement tous les documents relatifs à ses travaux

Ensuite Tsipras convoque des élections anticipées pour le 20 septembre. Il les gagne car bon nombre d’électeurs de Syriza ne voient pas d’autre issue que de continuer à voter pour Tsipras afin d’éviter le retour de la droite au gouvernement. C’est le vote en faveur du moindre mal car ils savent que la droite ferait pire en termes d’austérité. La liste Unité populaire créée par une grande partie des membres et des députés de Syriza qui ont rejeté le 3e mémorandum n’obtient pas le score nécessaire pour entrer au parlement (elle obtient 2,86 % alors que le seuil minimal est de 3 %). Elle a eu trop peu de temps pour se faire connaître et elle n’a pas su présenter une alternative crédible.

Le 23 septembre, la Commission pour la vérité sur la dette se réunit au parlement grec sur convocation de Zoe Konstantopoulou, qui est encore présidente du parlement car la nouvelle législature n’a pas encore débuté. La Commission adopte deux nouveaux rapports et considère que la nouvelle dette contractée au travers du 3e mémorandum est elle aussi odieuse [24]. Trois jours plus tard, Tsipras fait élire comme président du parlement Nikos Voutsis qui décide une dissolution de facto de la Commission d’audit de la dette et fait disparaître du site internet du parlement tous les documents relatifs à ses travaux.


Conclusion

Au cours des deux mois qui mènent à la trahison du verdict populaire du 5 juillet, Tsipras a pratiqué une orientation qui conduisait au désastre. À plusieurs reprises, il aurait pu prendre un tournant mais s’y est refusé. L’enthousiasme soulevé par le référendum du 5 juillet a fait long feu et a débouché sur une énorme déception.

Au cours des deux mois qui mènent à la trahison du verdict populaire du 5 juillet, Tsipras a pratiqué une orientation qui conduisait au désastre

Est-ce que Varoufakis a défendu de manière cohérente une alternative crédible, comme il le prétend ? La réponse est clairement négative. Il a accompagné Tsipras et le noyau qui l’entourait et il n’en a jamais pris publiquement ses distances quand il en était encore temps. Et lorsqu’il a démissionné, il l’a fait dans des termes qui ont prolongé la confusion. Dans l’explication publique de sa démission, il écrit le 6 juillet :

  • « Peu après la proclamation des résultats du référendum, on m’a fait savoir que certains membres de l’Eurogroupe ainsi que d’autres « partenaires » auraient vu d’un bon œil mon « absence » lors des réunions, idée que le Premier Ministre juge potentiellement utile pour parvenir à un accord. C’est pour cette raison que je quitte aujourd’hui le ministère des Finances. (…) Je considère qu’il est de mon devoir d’aider Alexis Tsipras à exploiter de la manière qu’il jugera utile, le capital que le peuple grec nous a confié lors du référendum de dimanche. (…) Je soutiendrai donc sans hésitation le Premier Ministre, le nouveau ministre des Finances et notre gouvernement. [25] »

Quant à son plan B, il a fallu attendre la décision de fermeture des banques pour que Varoufakis découvre, selon ses propres déclarations, que la banque de Grèce disposait d’une réserve de billets en euros pour un montant de 16 milliards € qui, si le gouvernement l’avait décidé, auraient pu être remis dans le circuit, par exemple en les estampillant pour qu’ils fonctionnent comme une monnaie complémentaire non convertible et qu’ils puissent être mis en circulation via les distributeurs de billets. Et à ce moment-là il reconnaît lui-même qu’il s’est opposé à ce qu’on utilise cette manne alors que le leader de la plateforme de gauche essayait de convaincre Tsipras de s’en servir.

Heureusement, Varoufakis a ajouté sa voix au camp du refus du 3e mémorandum dans la nuit du 15 au 16 juillet, votant « Non » avec les députés de la Plateforme de gauche et avec Zoe Konstantopoulou.

En ce qui concerne la Plateforme de gauche, il faut aussi reconnaître qu’elle a commis l’erreur grave de ne pas exprimer publiquement ses désaccords à partir de la première capitulation du 20 février et par après. Elle n’a pas mis dans le débat public le plan B élaboré notamment par Costas Lapavitsas. Après la trahison du résultat du référendum, elle s’est largement cantonnée à la dénonciation de la politique de Tsipras sans être capable de mettre en avant de manière offensive et crédible une proposition alternative.

Il n’y a pas eu de grandes mobilisations spontanées car une majorité du peuple de gauche qui avait mené le combat principalement entre 2010 et 2012 faisait confiance à Tsipras et celui-ci n’appelait pas le peuple à se mobiliser. Les forces de gauche hors du parlement qui appelaient à la mobilisation étaient quant à elles trop faibles.

Les facteurs qui ont conduit au désastre sont bien identifiés : le refus de la confrontation avec les institutions européennes et avec la classe dominante grecque, le maintien de la diplomatie secrète, l’annonce à répétition que les négociations allaient finir par donner de bons résultats, le refus de prendre les mesures fortes qui étaient nécessaires (il aurait fallu suspendre le paiement de la dette, contrôler les mouvements de capitaux, reprendre le contrôle des banques et les assainir, mettre en circulation une monnaie complémentaire, augmenter les salaires, les retraites, baisser le taux de TVA sur certains produits et services, annuler les dettes privées illégitimes…), le refus de faire payer les riches, le refus d’appeler à la mobilisation internationale et nationale,… Pourtant comme nous le verrons dans la partie qui suit, le dénouement tragique n’était pas inéluctable, il était possible de mettre en œuvre une alternative crédible, cohérente et efficace au service de la population.

Eric Toussaint

 

Lire les autres articles de la série :

1 – Les propositions de Varoufakis qui menaient à l’échec
2 – Le récit discutable de Varoufakis des origines de la crise grecque et ses étonnantes relations avec la classe politique
3 – Comment Tsipras, avec le concours de Varoufakis, a tourné le dos au programme de Syriza
4 – Varoufakis s’est entouré de tenants de l’ordre dominant comme conseillers
5 – Dès le début, Varoufakis-Tsipras mettent en pratique une orientation vouée à l’échec
6 – Varoufakis-Tsipras vers l’accord funeste avec l’Eurogroupe du 20 février 2015
7 – La première capitulation de Varoufakis-Tsipras fin février 2015
8 – Les négociations secrètes et les espoirs déçus de Varoufakis avec la Chine, Obama et le FMI

Notes :

[1Y. Varoufakis, Conversations entre adultes, chapitre 14, p. 383-384. Voir également Viktoria Dendrinou and Eleni Varvitsioti, The Last Bluff. How Greece came face-to-face with financial catastrophe & the secret plan for its euro exit, Papadopoulos publisher, Athens, 2019, 195 pages, page 84.

[2Audition de Philippe Legrain, ex-conseiller de Barroso, au Parlement grec (11 juin 2015) : « le gouvernement grec a tout intérêt à ne pas céder aux créanciers » http://www.cadtm.org/Audition-de-Philippe-Legrain-ex

[3Audition de Panagiotis Roumeliotis (15 juin 2015), ex-représentant de la Grèce au FMI de mars 2010 à décembre 2011 : « Il faut que les créanciers reconnaissent leurs responsabilités » http://www.cadtm.org/Audition-de-Panagiotis-Roumeliotis

[4Y. Varoufakis, chapitre 14, p. 399.

[5Communiqué d’Éric Toussaint suite à la rencontre avec le ministre Dimitris Stratoulis qui a en charge les retraites, le 15 mai 2015, http://www.cadtm.org/Communique-d-Eric-Toussaint-suite, consulté le 28 juillet 2019

[6L’édition grecque a été publiée en 2013 par la maison d’édition Alexandria à Athènes. J’en ai offert un exemplaire à Alexis Tsipras en octobre 2013.

[7A la suite de l’accord du 20 février, les amendements de la Plate-forme de gauche recueillaient plus de 40 % des voix au comité central, au-delà des 30 % des membres élus de la Plateforme de gauche. Un bloc « rupturiste » s’était formé dans Syriza qui incluait, outre la Plateforme de gauche (c’est-à-dire le courant Lafazanis et l’organisation trotskyste DEA), Zoé Konstantopoulou, les ex-maoistes du courant KOE, un groupe issu du PASOK, auxquels s’ajoutaient Manolis Glezos et Yanis Milios.

[8Costas Lapavitsas, Heiner Flassbeck, Cédric Durand, Guillaume Elevant, Frédéric Lordon, Euro, plan B. Sortir de la crise en Grèce, en France et en Europe, Editions du Croquant, Paris, 2016, p. 25 à 114.

[9Voir l’avant-propos de Stathis Kouvelakis et d’Alexis Cukier à Costas Lapavitsas, Heiner Flassbeck, Cédric Durand, Guillaume Elevant, Frédéric Lordon, Euro, plan B. Sortir de la crise en Grèce, en France et en Europe, Editions du Croquant, Paris, 2016, p. 14.

[10J’ai présenté Daniel Munevar dans le chapitre 4.

[11Voir la vidéo : Intervention d’Éric Toussaint à la présentation du rapport préliminaire de la Commission de la vérité le 17 juin 2015, publié le 11 août 2015, http://www.cadtm.org/Intervention-d-Eric-Toussaint-a-la-presentation-du-rapport-preliminaire-de-la, consulté le 3 août 2019

[12Voir Viktoria Dendrinou and Eleni Varvitsioti, The Last Bluff. How Greece came face-to-face with financial catastrophe & the secret plan for its euro exit, Papadopoulos publisher, Athens, 2019, 195 pages, page 112.

[13Y. Varoufakis, chapitre 16, p. 426.

[14Y. Varoufakis, chapitre 16, p. 426.

[15Y. Varoufakis, chapitre 16, p. 437.

[16Remarquons que « annoncer l’intention » de ne pas rembourser pendant deux ans la BCE est ambigu car ce n’est pas la même chose que mettre en pratique la suspension de paiement. Annoncer l’intention, cela peut vouloir dire « Retenez-nous avant que nous ne procédions à la suspension, faites-nous une nouvelle proposition ». D’ailleurs, Varoufakis écrit « Inutile de se précipiter, ai-je poursuivi. Pour le moment il suffit de signaler notre intention. » p. 442.

[17Y. Varoufakis, chapitre 17, p. 443.

[18Stathis Kouvelakis, La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale, Entretiens avec Alexis Cukier, La Dispute, Paris, 2015, p. 145.

[19Kouvelakis, op. cit. , p. 145.

[20Voir Viktoria Dendrinou and Eleni Varvitsioti, The Last Bluff, page 139-140.

[21Y. Varoufakis, chapitre 17, p. 446.

[22Stathis Kouvelakis, La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale, Entretiens avec Alexis Cukier, La Dispute, Paris, 2015, p. 148. À noter que le parti communiste (KKE) avait appelé à voter nul, prenant le risque de faire gagner le « Oui » (Voir Kouvelakis, p. 165).

[23Voir la Déclaration du sommet de la zone euro Bruxelles, le 12juillet 2015, GEN – 20150712-eurosummit-statement-greece_fr.pdf accessible sur le site officiel du Conseil de l’UE : https://www.consilium.europa.eu/media/20339/20150712-eurosummit-statement-greece_fr.pdf

[24Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international » publié le 5 octobre 2015, http://www.cadtm.org/Analyse-de-la-legalite-du-memorandum-d-aout-2015-et-de-l-accord-de-pret-en consulté le 8 août 2019. Voir également : « Le troisième mémorandum est aussi insoutenable que les deux précédents », publié le 1 octobre 2015, http://www.cadtm.org/Le-troisieme-memorandum-est-aussiconsulté le 8 août 2019

[25Y. Varoufakis, chapitre 17, p. 467-468.

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Au début du mois, Abou Mohammed al-Golani, l’ex-commandant de Daech aujourd’hui à la tête de Hay’at Tahrir al-Cham (l’ancien front al-Nosra), a tenu un point de presse dans la ville occupée d’Idlib au nord de la Syrie. Il a alors déclaré que le cessez-le-feu établi après treize réunions entre la Turquie et la Russie à Astana ne le concernait pas et qu’il ne s’attendait pas à une attaque à court terme par l’armée syrienne, car elle était faible et qu’il lui faudrait bien du temps pour reprendre son souffle. Il rejetait d’emblée le dénouement de la réunion de Sotchi (prévoyant un retrait de 12 à 20 km de la ligne de démarcation démilitarisée) et refusait de retirer le moindre djihadiste et la moindre arme du secteur, même à la demande d’amis (la Turquie). Quelques jours plus tard, l’armée syrienne a lancé une attaque en vue de libérer le nord de la région rurale de Hama, notamment la ville de Khan Shaykhoun et ses environs. La route M5 passe par Khan Sheikhoun, qui fait donc partie de l’accord sur la zone démilitarisée signée par la Turquie et la Russie.

L’accord d’Astana entre la Turquie et la Russie, avec la bénédiction de l’Iran et de la Syrie, prévoyait aussi l’établissement d’un poste d’observation turc à Morek, au sud de Khan Sheikhoun (aujourd’hui le théâtre des opérations militaires de l’armée syrienne). La Turquie fait preuve d’une timidité inhabituelle dans son opposition à l’opération militaire en cours contre le groupe d’al-Golani et d’autres rebelles et djihadistes. Des sources proches des décideurs en Syrie affirment que « la Turquie n’a pas du tout été prise de court par l’opération et ses objectifs et l’accord d’Astana s’impose par le feu contre ceux qui s’y opposent ».

Le chef djihadiste al-Golani était de toute évidence mal informé au sujet des capacités de l’armée syrienne, en croyant que Damas était à genoux et non disposé à livrer bataille. Il a aussi mal calculé sa propre force en défiant la Turquie et en croyant qu’il pouvait tout simplement rejeter un accord accepté par Ankara et s’y opposer sans conséquence. Son refus de retirer ses djihadistes de la ligne de démarcation lui a fait perdre une ville stratégique, Khan Sheikhoun, et gagner la colère de milliers d’habitants civils qui ont fui vers Idlib. Ankara a levé la protection qu’il assurait à al-Golani pour qu’il sache qui mène le bal au nord-ouest de la Syrie, même s’il est à la tête de milliers de djihadistes. En sous-estimant l’armée syrienne, Al-Golani a perdu une ville stratégique.

Ce genre de renversement d’alliances et de redistribution des cartes entre amis et ennemis n’a pas de quoi étonner au Moyen-Orient, oùl’art de l’impossible est pratique courante. En effet, des agents du renseignement d’Ankara et de Damas continuent d se réunir pour discuter et maintenir les circuits de communication officieux ouverts entre les deux pays. Des réunions entre des responsables turcs et syriens ont eu lieu à Moscou, Téhéran et Kesseb à de nombreuses reprises et dans bien des circonstances. Les alliés de la Syrie que sont l’Iran et la Russie favorisent le dialogue entre la Turquie et la Syrie dans la mesure du possible.

La Russie et l’Iran sont des alliés de la Turquie contre la présence des USA en Syrie et son hégémonie au Moyen-Orient. Téhéran et Moscou sont toutefois en désaccord avec le rôle que poursuit Ankara, c’est-à-dire son occupation du nord-ouest et son intention de créer une zone de sécurité au nord-est en coordination avec les USA.

Cela ne dérange pas la Turquie que les forces djihadistes d’al-Golani, le groupe en provenance du Turkistan et les loyalistes d’al-Qaeda demeurent à Idlib et dans sa région rurale de pair avec Jaych al-Izzah, fidèle aux USA, et d’autres rebelles sous les ordres d’Ankara. Ces accommodements ont cours malgré la lutte interne pour la domination de cette ville occupée au nord de la Syrie. La Turquie permet à Hay’at Tahrir al-Cham de contrôler la frontière et d’imposer des taxes sur les biens et les marchandises pour se financer et assurer sa survie. Cela ne dérange pas non plus Ankara de voir la Russie bombarder ses alliés et amis à Idlib lorsqu’ils s’en prennent à la base russe de Hmeimim et violent le cessez-le-feu convenu à Astana. La Turquie cherche toutefois à maintenir un statu quo et n’acceptera pas que les djihadistes mettent en péril sa présence au nord-ouest de la Syrie en refusant de se plier à son accord avec la Russie. Tout déséquilibre qui menace ce statu quo pousse l’armée syrienne à se rapprocher d’Idlib, Damas étant déterminé à reprendre l’ensemble de son territoire.

Sur le terrain, l’armée syrienne contrôle maintenant les deux tiers de Khan Sheikhoun et sa victoire dans la ville est imminente. Le départ de la plupart des civils a mis les djihadistes à découvert et démoralise ceux qui sont restés dans la ville et les villages avoisinants de Latamnah, Kfarzita et Morek.

Après de nombreuses années de guerre, l’armée syrienne s’est montrée capable de libérer son territoire sans l’aide militaire du Hezbollah, de prendre l’initiative militaire et d’avancer rapidement sous un feu intense contre les djihadistes, qui occupent et fortifient des villes depuis des années (Khan Sheikhoun est occupée depuis 2014).

Al-Golani a peut-être oublié ce qui s’est passé dans la Ghouta (Damas) lorsque l’Arabie saoudite et la Turquie ont cessé d’assurer la protection de milliers de djihadistes et rebelles, qui ont subi la défaite peu après. Dans le bourbier syrien, des petits joueurs comme Golani ne peuvent imposer leurs conditions aux plus gros joueurs.

En Syrie, la Turquie et les USA sont présents au nord, tandis que la Russie, l’Iran et Damas se trouvent dans le reste du pays. La Turquie a conclu un accord avec la Russie et l’Iran et un autre avec les USA qui va à l’encontre des intérêts russo-iraniens et de leur objectif de libérer toute la Syrie. Mais la libération de l’ensemble de la Syrie n’est pas encore la grande priorité : il faudra peut-être attendre après les prochaines élections aux USA en 2020 pour qu’elle le devienne.

Elijah J. Magnier

 

Traduction de l’anglais : Daniel G.

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Le groupe terroriste le plus notoire au monde a revendiqué un attentat-suicide à la bombe au Pakistan qui a tué le frère cadet du chef taliban et menacé de faire dérailler les pourparlers de paix de l’organisation avec les États-Unis, qui s’inscrivent curieusement dans le même objectif stratégique que l’Inde poursuit en Afghanistan.

Daech a revendiqué un attentat-suicide à la bombe perpétré samedi dans une mosquée pakistanaise qui a tué le frère cadet du chef taliban, faisant brièvement craindre en conséquence que l’organisation ne se retire de ses pourparlers de paix en cours avec les États-Unis. Ces inquiétudes ont été rapidement balayées du revers de la main après qu’un des représentants anonymes du groupe eut déclaré à Reuters que « si quelqu’un pense que martyriser nos dirigeants nous empêcherait d’atteindre notre objectif, c’est qu’il vit dans un paradis de fous« , ce qui a été accueilli avec un grand soulagement par pratiquement tout le monde, sauf l’Inde.

L’État d’Asie du Sud n’appuie pas la décision des États-Unis d’entamer des pourparlers de paix avec les Talibans, comme l’auteur l’a expliqué plus tôt cette année dans son article intitulé « Lire entre les lignes : L’Inde est amère face aux pourparlers de paix afghans« , qui explique que New Delhi veut que Washington reste indéfiniment en Afghanistan puisque la présence militaire de son partenaire garantit que le pays enclavé pourrait être utilisé pour étendre sa « profondeur stratégique » en servant de terrain de guerre hybride contre l’État pivot mondial, le Pakistan.

Il est donc curieux que le dernier attentat suicide de Daech au Pakistan ait pu réaliser le fantasme politique de l’Inde de saboter les pourparlers de paix entre les États-Unis et les Talibans et de maintenir ainsi indéfiniment le Pentagone en Afghanistan. On aurait tendance à croire que Daech préférerait que les États-Unis quittent le pays dès que possible, mais le groupe terroriste le plus notoire au monde a défié les attentes par son action effrontée qui pourrait aboutir à l’inverse.

Bien que la rivalité entre Daech et les talibans soit bien connue, il est difficile de croire qu’il ferait ce qu’il a fait à ce moment précis étant donné le contexte ultra-sensible lié au retrait possible des États-Unis d’Afghanistan si les pourparlers de paix réussissaient, alors on peut certainement se demander si le renseignement indien aurait pu, à tout le moins, avoir une influence sur les événements. Ce ne serait pas sans précédent non plus puisque l’agent de guerre hybride Kulbhushan Jadav a admis avoir organisé des attentats terroristes dans la région pakistanaise du Baloutchistan, où s’est produite le dernier attentat de Daech.

Il n’y a aucun moyen de savoir avec certitude si cela a été le cas ou non, mais c’est néanmoins une théorie plausible si l’on considère les variables stratégiques en jeu mentionnées ci-dessus. Les services de renseignements indiens ont des liens avec des groupes terroristes et les utilisent comme mandataires pour mener une guerre hybride contre le Pakistan qui, jusqu’à présent, avait surtout pour but de saboter le Corridor Économique Chine-Pakistan, il n’est donc pas inconcevable que certains de ces mêmes moyens puissent être utilisés pour cibler le jeune frère des talibans dans le but de provoquer le groupe à se retirer de ses négociations avec les États-Unis.

Si tel avait été le cas, cette opération aurait certainement échoué, mais elle révélerait à quel point l’Inde est désespérée de garder l’armée américaine en Afghanistan et de recourir à l’orchestration d’une attaque terroriste soigneusement calibrée qui aurait pu changer la donne à l’échelle mondiale. Cela montrerait aussi à quel point l’Inde se méfie de son nouvel allié stratégico-militaire américain et représenterait une escalade de la guerre hybride naissante qu’ils mènent l’un contre l’autre, bien que l’Inde ait pris des mesures pour la rendre cinétique alors que les États-Unis l’avaient maintenue strictement au niveau économique et diplomatique pour le moment.

Andrew Korybko

 

 

Source originale en anglais : Daesh Is Curiously Pursuing The Same Strategic Goal As India In Afghanistan, Eurasia Future, le 18 août 2019.

traduction Réseau International

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Le premier ministre Boris Johnson était hier en Allemagne pour des entretiens avec la chancelière Angela Merkel. Aujourd’hui, il doit rencontrer le président français Emmanuel Macron à Paris.

Johnson s’est engagé à sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne (EU) le 31 octobre, avec ou sans accord avec l’UE. La recrudescence des tensions avant son déplacement montre de plus en plus qu’il sera impossible de parvenir à un accord. Donald Tusk, président du Conseil européen, et le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, ont rejeté catégoriquement sa demande que le backstop, une garantie destiné à empêcher une frontière dure entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, soit abandonné, faute de quoi aucun accord ne serait envisageable. Johnson a décrit le backstop comme « anti-démocratique et incompatible avec la souveraineté du Royaume-Uni ».

La crise qui frappe l’élite dirigeante à propos du Brexit est la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. En réaction, le gouvernement anti-UE de Johnson prépare un assaut féroce de la classe ouvrière afin d’imposer son programme «Rule Britannia» (la Grande-Bretagne d’abord).

Le Sunday Times de cette semaine a publié de nouveaux détails sur l’Opération ‘Yellowhammer’, des documents censés révéler « la planification secrète réalisée par le gouvernement pour éviter un effondrement catastrophique de l’infrastructure du pays » après le Brexit.

Le Sunday Times a confirmé que les documents avaient été rédigés ce mois-ci par le Cabinet Office. Portant la mention «officiel sensible», ils auraient été divulgués par un haut représentant conservateur favorable au maintien du pays dans l’UE, un des anciens ministres du groupe dirigé par l’ex-ministre des Finances Philip Hammond et David Gauke.

Le journal souligne que «les documents [de Yellowhammer] […] décrivent les retombées les plus probables d’un Brexit sans accord plutôt que les pires scénarios…»

Dans un article de une, intitulé «Operation Chaos», le Sunday Times avertit que «la Grande-Bretagne sera confrontée à des pénuries de carburant, de nourriture et de médicaments, à un effondrement d’activité de trois mois dans ses ports, à des contrôles douaniers à sa frontière avec l’Irlande et à la hausse des coûts de l’aide sociale en cas de Brexit sans accord… »

L’existence d’une stratégie de planification du Brexit de la part des conservateurs fut révélée pour la première fois en septembre dernier, quand un photographe de presse a pu prendre un instantané d’un document révélant certaines dispositions en cas de «non accord» et le nom de code. Les détails de son contenu général sont ensuite apparus au cours de la dernière année.

Le plan d’urgence «commandement et contrôle» de Yellowhammer devait d’abord être mis en œuvre en mars dernier – l’ancien délai de sortie du Royaume-Uni avant sa prolongation jusqu’en octobre par l’ex-première ministre Theresa May et Bruxelles. En vertu de ses dispositions, le comité gouvernemental Cobra, qui n’est généralement convoqué que dans des conditions d’urgence nationale, est habilité à prendre en charge tous les préparatifs en vue d’un non-accord, notamment la mise en stand-by d’au moins 3 500 soldats.

Les dispositions de ‘Yellowhammer’ ont des implications sociales désastreuses car elles partent de la répression des grèves et manifestations de la part de travailleurs et de la suppression des droits démocratiques. Elles incluent l’application des pouvoirs d’état-policier inscrits dans la loi de 2004 sur les ‘contingences civiles’, introduite par le gouvernement travailliste de Tony Blair.

En janvier, le Times a révélé que des scénarios de loi martiale étaient à l’étude et que «le couvre-feu, l’interdiction de voyager, la confiscation de biens [et] le déploiement des forces armées pour réprimer les émeutes font partie des mesures à la disposition des ministres».

Ces derniers documents montrent que chaque secteur de l’économie sera bouleversé dans un petit pays insulaire tributaire des importations pour la quasi-totalité des besoins de la vie quotidienne, y compris les produits alimentaires de base et les médicaments.

Il faudra prévoir des perturbations importantes dans les ports qui dureront jusqu’à trois mois avant que le flux de trafic ne soit censé « s’améliorer », pour atteindre 50 à 70 pour cent du rythme actuel. Yellowhammer avertit que «certains types d’approvisionnement en aliments frais vont…. diminuer, ce qui renforce le « risque que des ruées sur les magasins perturbent l’approvisionnement en nourriture ».

Les «couches à faible revenu» et les «groupes vulnérables» seront «affectés de manière disproportionnée par toute hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant». Dans ces conditions, des plans de rationnement des aliments sont en cours.

Yellowhammer remarque qu’il y aura « probablement une hausse marquée des prix pour les clients de l’électricité, accompagnée d’effets économiques et politiques plus larges ».

L’approvisionnement en médicaments devrait être sujet à des « délais prolongés sévères», car les trois quarts des médicaments du Royaume-Uni y entrent par les principaux points de passage de la Manche.

Même l’accès de la population à l’eau potable est menacé en raison d’une éventuelle défaillance de l’approvisionnement en produits chimiques de purification. Cela pourrait «affecter jusqu’à 100 000 personnes».

Parmi les sections les plus détaillées de Yellowhammer figurent celles qui traitent des troubles sociaux généralisés attendus. On y indique que les «manifestations et contre-manifestations» résultant de pénuries de denrées alimentaires, de médicaments et d’essence épuiseront les ressources de la police et entraîneront «une augmentation des désordre publics et des tensions dans la communauté».

Le document reconnaît l’impact de la crise en Irlande du Nord car la frontière actuelle de libre passage serait insoutenable dans le cadre d’un Brexit sans accord, privilégié par Johnson, et pourrait entraîner «des perturbations dans des secteurs clés et des pertes d’emplois susceptibles d’entraîner des manifestations et des actions directes avec barrages routiers ».

Le recours à l’appareil d’État pour réprimer la classe ouvrière est au cœur de la planification des conservateurs. Il est décrit dans la section traitant des implications de la décision du gouvernement de fixer les tarifs d’importation de l’essence à zéro pour cent. On y prévient que cela entraînera « par inadvertance » des « pertes financières importantes » pour les exploitants de raffineries et la fermeture de deux des six principales raffineries britanniques ainsi que la perte de 2 000 emplois, « provoquant des grèves » et des perturbations dans la disponibilité du carburant.

Face à de telles menaces, les pouvoirs du gouvernement en vertu de la ‘Loi sur les contingences civiles’ sont dictatoriaux et pratiquement illimités. La loi autorise «toute disposition jugée appropriée par le responsable de la réglementation» pour protéger la vie, la santé et la sécurité des personnes, et pour protéger ou restaurer les biens et l’approvisionnement en argent, nourriture, eau, énergie et carburant.

Écrivant sur la planification des mesures pour affronter l’agitation publique, le Sunday Times fait remarquer que « les chefs de la police ont passé des mois à élaborer des plans d’urgence pour faire face à des troubles civils généralisés aux frontières et dans les ports en cas de non-accord ». Un document avait été préparé par le Centre de coordination de la police nationale (NPCC) l’an dernier, qui lui avait été divulgué. Le NPCC avait déclaré que la préoccupation «prédominante» de la police était que les pénuries d’aliments et de marchandises, comme les fournitures destinées aux services de santé, entraîneraient «des troubles civils menant à une agitation généralisée». Il avertissait que « le besoin de faire appel à l’aide militaire » était « une réelle possibilité » dans les semaines suivant une sortie britannique de l’UE.

Dès janvier dernier, des ministres du gouvernement de Theresa May furent informés à une réunion sur le planning d’un Brexit sans accord par le ministre délégué de la Défense, Tobias Elwood, que 30 000 soldats et 20 000 réservistes devraient être prêts à être déployés au moment où le Royaume-Uni quitterait l’UE. Il fallait mettre cela en place «en cas de troubles civils, pour assister dans les aéroports britanniques et assurer l’approvisionnement en carburant et en fournitures médicales».

En avril, il a été révélé que plus de 10 000 policiers anti-émeute viendraient renforcer les soldats, qui seraient prêts à se mobiliser dans les 24 heures requises. La première vague de 1000 policiers anti-émeute sera disponible pour une mobilisation n’importe où en une heure à peine.

Vu que le Royaume-Uni est déjà de fait dans une récession et que les tensions économiques et sociales s’intensifient à l’international dans un contexte d’escalade des conflits commerciaux et militaires, de nombreux scénarios peuvent déboucher sur une catastrophe majeure.

Le document note qu’au jour du Brexit, «jusqu’à 282 navires de pêche des pays de l’UE et de l’Espace économique européen pourraient entrer illégalement ou pêcheraient déjà dans les eaux britanniques. Cela risquait de provoquer colère et frustration dans les zones de pêche britanniques, pouvant entraîner des affrontements entre navires de pêche et une augmentation du non-respect des obligations dans la flotte nationale.

Robert Stevens

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 21 août 2019

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En avril 2019, l’étude de la Fondation Osvaldo Cruz (Fiocruz) avait été censurée par le Ministère de la Justice. Au même moment, le président d’extrême droite signée le nouvelle politique nationale contre les drogues. Une action juridique est engagée et les résultats sont finalement publiés au début du mois d’août : ils vont à l’encontre des mesures établies par le nouveau PNAD visant à durcir le traitement des toxicodépendants.

Selon les données, 9,9% de la population brésilienne a consommé une substance illicite une fois dans sa vie, 3,2% l’année dernière et 1,7% au cours des 30 derniers jours.

En avril 2019, le Président Jair Bolsonaro (PSL) a signé le décret établissant la nouvelle Politique Nationale des Drogues (PNAD), révoquant l’ancien PNAD, signé en 2002 par Fernando Henrique Cardoso, alors Président. Le document paraît un peu plus d’un an après les clôture et archivage de la 3ème enquête nationale sur la consommation de drogues par la population brésilienne, commandée par le ministère de la Justice en 2014 à la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz).

Pour Cristiano Maronna, secrétaire exécutif de la Plateforme brésilienne sur les drogues (PBPD), « la politique nationale en matière de drogues doit être fondée sur des preuves scientifiques et non l’inverse. En l’espèce, les données scientifiques [de l’enquête] réfutent la thèse sur laquelle repose le nouveau PNAD ».

Que dit l’enquête ?

En dépit de l’interdiction de divulgation de la recherche, avant que l’enquête ne soit libérée par le ministre de la Justice et de la Sécurité publique Sergio Moro, l’Institut Casa da Democracia et The Intercept Brasil ont eu accès en exclusivité au document intégral révélant les données sur la consommation de substances licites et illicites au Brésil. [1] Au total, ce sont 500 chercheurs et techniciens et 7 millions de réaux qui ont été affectés à la réalisation de l’étude menée à partir de 16 273 entretiens réalisés dans 351 villes réparties à travers le pays. Le taux de fiabilité de la recherche est de 95%.

Selon les données, 9,9% de la population brésilienne a consommé une substance illicite une fois dans sa vie, 3,2% l’année dernière et 1,7% au cours des 30 derniers jours. Quant à la marijuana, la drogue la plus consommée au Brésil, 7,7% en ont consommé une fois, 2,5% au cours de la dernière année et 1,5% au cours des 30 derniers jours. La cocaïne a été consommée par 3,1% de la population une fois dans la vie, 0,9% l’année dernière et 0,3% au cours des 30 derniers jours. Le crack (et les produits similaires), moins expressifs dans les données, a été consommé par 0,9 % de la population une fois dans la vie, 0,3 % au cours de la dernière année et 0,1 % au cours des 30 derniers jours. Dans la liste des drogues licites, la consommation d’alcool a présenté des résultats expressifs : 66,4% ont déjà consommé de l’alcool dans la vie, 43,1% l’année dernière et 30,1% dans les 30 derniers jours.

Pourquoi l’étude contredit-elle la PNAD et le gouvernement ?

Les résultats vont à l’encontre des mesures établies par le nouveau PNAD visant à durcir le traitement des personnes chimiquement dépendantes. Et, contrairement à ce que préconise le ministre de la Citoyenneté, Osmar Terra [2], l’enquête montre qu’il n’y a pas d’épidémie de drogue au Brésil, comme l’a dit le ministre dans une interview avec O Globo. « A mon avis, les enquêtes Fiocruz sont menées pour prouver qu’il n’y a pas d’épidémie. Aujourd’hui à Rio de Janeiro, juste en marchant dans la rue, on voit le nombre croissant de gens qui se droguent dans les rues. Si cela n’est pas une épidémie, je ne comprends plus rien à ce qu’est une épidémie », a dit le ministre, pour qui la Fiocruz  » a un parti pris idéologique en faveur de la libération des drogues.

Pour lui, la situation de la consommation de drogues au Brésil est une « tragédie ». Dans un projet de loi de 2010 (PLC 37), alors qu’il était député fédéral (MDB-RS), Terra a proposé de modifier la loi sur les drogues pour établir l’internement forcé des toxicomanes, l’intégration des communautés thérapeutiques et des sanctions plus sévères pour le trafic de drogues. Son projet de loi, approuvé par le Sénat fédéral, doit être entériné par le président avant le 5 juin.

Selon Maronna, « les recherches de la Fiocruz démentent l’idée d’épidémie de drogue au Brésil, la thèse du gouvernement et notamment celle d’Osmar Terra. L’étude révèle que le principal problème au Brésil c’est la consommation d’alcool. Selon l’enquête, l’âge moyen de consommation d’alcool au Brésil est de 17 ans pour les filles et de 15 ans pour les garçons. Maronna estime que c’est « inquiétant, car cela montre que les adolescents ont accès à une boisson dangereuse nuisant à la santé avant l’âge autorisé, légalement parlant.

En ce qui concerne le crack, la thèse de l’épidémie, défendue par le ministre pour argumenter en faveur de l’PNAD, n’a pas été confirmée. « Les données démontrent que l’épidémie de crack au Brésil est un mythe, déconstruit par des preuves scientifiques. Sur la base de ces fausses informations, la politique antidrogue élaborée est fondée sur l’abstinence, sur des préjugés et sur une vision surannée en matière de drogue.

Pour le secrétaire exécutif du PBPD, la situation fait apparaître clairement la différence entre une politique publique fondée sur des preuves scientifiques, c’est-à-dire, sur des faits réels, et une politique publique qui « méprise la science pour prendre en compte des préjugés, des tabous moraux et des convictions religieuses ».
Ce n’est qu’en mai 2019, et sans la signature du gouvernement, que Moro a rendu publique la recherche, comme prévu dans le contrat de partenariat. Selon celui-ci, l’étude ne pouvait être publiée qu’avec l’autorisation du Secrétariat national à la politique en matière de drogues, désormais sous tutelle.

Selon le décret de Bolsonaro, la mise en œuvre de la PNAD doit précisément être coordonnée par les ministres Osmar Terra et Sergio Moro, respectivement par le Secrétariat national à la protection et à la prévention des drogues du ministère de la Citoyenneté et par le Secrétariat national à la politique des drogues du ministère de la Justice et de la sécurité publique.

Qu’est-ce que la PNAD établit ?

Dans le cadre de la nouvelle politique, la réduction des risques est abolie. Il s’agit d’une façon de traiter les toxicomanes sans recourir au sevrage, qui, en ajustant les besoins physiques et psychologiques de l’utilisateur, est moins violent et plus progressif. Selon le texte, désormais les actions et les politiques « viseront à maintenir l’abstinence en matière de consommation de drogue ».

L’autre changement touche à la valorisation des communautés thérapeutiques, généralement liées à des groupes religieux, ainsi que des hôpitaux psychiatriques dans le traitement, le rétablissement et la réinsertion sociale des toxicomanes, ce qui n’était pas explicitement prévu dans la PNAD précédente. Une résolution du ministère de la Santé, adoptée en 2011, prévoyait même l’élimination au fil du temps des hôpitaux psychiatriques, conformément à la loi de 2001 sur la réforme psychiatrique. Cependant, dès 2017, sous le gouvernement de Michel Temer, ces institutions ont à nouveau été incluses dans la stratégie brésilienne en matière de drogue. Et récemment, le ministre Osmar Terra a annoncé un investissement de 60,3 millions de R$ dans 280 communautés thérapeutiques.

La nouvelle PNAD défend également que la différenciation entre utilisateur et trafiquant doit se faire en fonction de la situation du flagrant délit.

« La politique antidrogue représente un recul. Le Brésil est l’un des seuls pays qui criminalise encore la consommation de drogues. Pratiquement tous nos voisins ont déjà fait des progrès dans ce domaine. L’Uruguay a déjà réglementé la production, la distribution et le commerce du cannabis. Le Mexique va dans le même sens en ce qui concerne toutes les drogues. Les États-Unis comptent plus de 30 états où la marijuana est disponible à des fins thérapeutiques et pour adultes. Le Canada, le Portugal, l’Espagne, la République tchèque, Israël, l’Italie, l’Autriche, de nombreux pays expérimentent ainsi de nouvelles approches. Nous sommes à la traîne, aux côtés des Philippines, de la Thaïlande, de l’Iran… », déclare Maronna.

Que disent le gouvernement et la Fiocruz ?

Pour le gouvernement, l’étude n’a pas respecté les exigences de l’appel à projet et, par conséquent, ne permet pas la comparaison avec les résultats des sondages précédents. Toutefois, le rapport publié par The Intercept comprend des tableaux comparatifs.

En avril 2019, interrogée par des représentants gouvernementaux, la Fiocruz a publié une note défendant la méthodologie adoptée dans l’enquête. L’enquête « est plus robuste et plus complète que les deux précédentes, puisqu’elle comprend, en plus des quelque 100 grandes municipalités présentes dans les précédentes, les moyennes et petites municipalités, les zones rurales et les zones frontalières. (…) Cette exhaustivité n’a été possible que grâce à l’utilisation, requise dans l’appel à projet lui-même, du même plan d’échantillonnage adopté par l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE). Le plan d’échantillonnage adopté permet donc un recoupement de ces résultats avec les données officielles du pays. Il convient de mentionner que la couverture de l’échantillon a été demandée par l’appel à projet lui-même et que tous les critères requis ont été dûment remplis ».

Face à l’archivage de son travail de recherche, la Fiocruz a saisi la Advocacia Geral da União (AGU), institution chargée d’arbitrer les contentieux entre organismes publics et de décider si l’enquête devait être publiée ou non. En cas de rejet, cette institution devra restituer au gouvernement fédéral les 7 millions de réaux investis.

Décriminalisation des drogues par la Cour Suprême Fédérale (STF)

Au milieu des manifestations en faveur de la décriminalisation de la marijuana dans les villes brésiliennes, le président de la Cour suprême fédérale, Dias Toffoli, a décidé de retirer de l’agenda de la fin mai le procès sur la décriminalisation des drogues. La mesure a été annoncée deux jours après que Toffoli eut rencontré le président Jair Bolsonaro et les présidents du Congrès national Rodrigo Maia et du Sénat, Davi Alcolumbre, pour négocier un pacte en faveur des réformes économiques.

La plénière de la Cour Suprême fédérale devait se prononcer à nouveau, mercredi 5 juin, sur la criminalisation de la drogue. À la suite de la décision du Président de la Chambre, ce vote reste en suspens, sans nouvelle date fixée.

L’action avait fait l’objet d’un vote pour la première fois en 2015 et fait suite à un recours extraordinaire (no 635 659) déposé en 2011 par le Bureau du Défenseur public de São Paulo, demandant à la Cour Suprême fédérale de reconnaître l’inconstitutionnalité de l’article 28 de la loi sur les drogues. À ce jour, trois juges ont voté sur l’action. Gilmar Mendes était en faveur du recours et des sanctions administratives et non plus en faveur de sanctions pénales, comme c’est le cas actuellement, pour les consommateurs de drogues illicites. Luís Roberto Barroso était également en faveur de cette proposition. Toutefois, il pense que la décriminalisation devrait être progressive, à commencer par la marijuana. Edson Fachin, du même avis, s’est positionné en faveur du maintien de l’interdiction de la possession et de l’usage de drogues illicites à l’exception de la marijuana. Il a ensuite demandé l’avis des participants.

Le même jour, Toffoli a retiré le vote de l’agenda, la Fédération de l’amour exigeant (FEAE), liée aux communautés thérapeutiques, ayant déposé une pétition à la Cour Suprême fédérale demandant le report du vote jusqu’à ce que le projet de loi de la Chambre 37 (PLC 37) approuvée par le Sénat, soit approuvée par le Président.
Selon la loi, « quiconque acquiert, conserve, entrepose, transporte ou apporte avec lui, pour sa consommation personnelle, des drogues sans autorisation ou contrevenant à une décision légale ou réglementaire, sera passible de sanctions ». Si la Cour Suprême fédérale décide que l’article n’est pas fondé, il décriminalisera l’utilisation de substances considérées comme illégales.

Actuellement, la possession de stupéfiants est considérée comme un crime. Cependant, selon la loi, les utilisateurs ne peuvent pas être punis d’emprisonnement. Néanmoins, le critère permettant de différencier un utilisateur d’un trafiquant est de la responsabilité de la police. Selon les données du ministère de la Justice, après l’approbation de la loi sur les drogues, entre 2006 et 2017, la population carcérale a augmenté de plus de 80 %, atteignant les 727 000. En 2016, 200 000 personnes ont été incarcérées en vertu de la seule loi sur les drogues.

Caroline Oliveira

Voir en ligne : Por que o estudo censurado da Fiocruz desmente a política de drogas do governo Bolsonaro?, Justificando, le 3 juin 2019.

Traduction : Philippe ALDON pour Autres Brésils
Relecture : Du Duffles

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La journaliste française Angèle Savino a vécu treize années au Venezuela, période au cours de laquelle elle a suivit de très près le conflit qui oppose les Yukpa à de grands propriétaires terriens. « Après que Chavez ait décidé de remettre les terres aux Yukpa, les assassinats se sont enchaînés » – me confie-t-elle. Persuadée qu’au Venezuela, la lutte des Indiens pour la terre est aussi celle des paysans, Angèle Savino a longuement mûri l’idée de réaliser un documentaire qui rende hommage à ces hommes et femmes assassinés en toute impunité. Ce documentaire salutaire a pour titre Hau Yuru. Elle nous en raconte davantage dans cette interview.

Alex Anfruns : Pour faire votre film vous avez choisi comme personnages principaux la Sierra de Perijá – dans la frontière colombo-vénézuélienne – et la communauté indienne des Yukpa qui y habitent depuis toujours. Quel est votre rapport avec cette géographie et ses habitants?

Angèle Savino : C’est presque une histoire d’amour avec cette communauté Yukpa, de Chaktapa dans la Sierra de Perijá. Je les ai rencontrés il y a tout juste dix ans lors d’un voyage de découverte que je faisais avec des étudiants de l’Université Bolivarienne dans cette région. J’étais journaliste de radio, j’avais juste un petit enregistreur audio et un appareil photo, et je voulais comprendre un petit peu la complexité du conflit dans la région. J’avais beaucoup travaillé comme correspondante de presse sur la médiation d’Hugo Chávez pour la paix en Colombie. Du coup, je voulais connaître plus en profondeur le conflit colombien et ses débordements à la frontière. Cela faisait déjà plusieurs années que je travaillais avec les Indiens, d’abord au Chili avec les mapuches, après avec les Indiens du Mexique à Oaxaca qui avaient un projet de radio communautaire et qui, par la suite, ont été emprisonnés…Pour essayer d’obtenir leur libération j’avais accompagné des militants au Parlement Européen à Bruxelles, etc. J’étais déjà très impliquée déjà dans la lutte des Indiens pour leur territoire et leurs droits.

Je me suis donc rendue avec un groupe dans la région de Sierra de Perijá, après avoir été très marquée par une conférence à l’Université Bolivarienne; le titre était « Le conflit raconté par des femmes ». A l’époque j’avais été très impressionnée par le témoignage de la femme de Sabino Romero, de sa fille, d’autres femmes leaders de cette communauté…et j’ai décidé de faire ce voyage.

Là-bas, j’ai fait leur rencontre, et quelque chose de magique s’est produit : mon nom de famille est Savino et j’ai découvert qu’un chef indien rebelle s’appelait Sabino. Quelque chose de très fort s’est passé à ce moment-là. Je les ai accompagnés dans leur activité militante jusqu’à l’emprisonnement de Sabino Romero. J’avais fait un reportage pour Radio France Internationale car j’y travaillais à ce moment-là.

Angèle Savino a fait une rencontre « magique » avec le chef rebelle Yukpa Sabino Romero en 2009, dans la Sierra de Perijá.

On sait qu’en 1999 la constitution vénézuélienne a pour la première fois accordé des droits aux communautés indiennes. Sur la base de votre expérience aux côtés des Yukpa, diriez-vous qu’ils sont respectés?

En cherchant à comprendre cette problématique, j’ai remarqué qu’au Venezuela on parlait beaucoup des droits des Indiens reconnus; Chávez avait été une voix pour la reconnaissance de leurs droits, cela a aidé à leur accorder une visibilité… mais j’ai eu l’impression que cela n’était pas si simple que cela. J’avais déjà été dans la région des Pémons et je m’étais rendue compte que la question de la démarcation des terres indiennes était complexe.

Quand Sabino Romero est sorti de prison, Chávez s’est rendu compte qu’il avait lui aussi un peu les mains liées par rapport à ce problème des terres, car il y a beaucoup d’intérêts pour les ressources minières dans cette région, particulièrement le charbon. Chávez, qui était déjà malade en 2011, a décidé de remettre les terres aux Yukpa. C’est à partir de ce moment-là que les assassinats se sont enchaînés. Sabino Romero était le premier visé évidemment. En avril 2012, il avait échappé à une tentative d’assassinat, ensuite il est venu à Caracas et là, je l’ai interviewé. J’ai décidé de faire un film sur lui, il a été d’accord.

Fin 2012, un autre événement s’est produit : après la réélection de Chávez, la remise des terres n’avait pas avancé. Chávez avait beau l’avoir ordonné, il y avait des alliances entre l’ancienne ministre des peuples indigènes et les bureaucrates liés au pouvoir des propriétaires terriens et des multinationales minières, ce qui bloquait la situation. Sabino Romero est descendu à nouveau à Caracas, accompagné d’une cinquantaine de Yukpas. On a essayé de les empêcher de parler mais tous les mouvements sociaux se sont mobilisés et finalement il est passé à la télévision nationale, le 9 novembre 2012.

Il a été reçu par William Castillo, le journaliste qui était président de VTV à ce moment-là. Il a exprimé les contradictions de la Révolution mais aussi son soutien à Chávez, et sa force de volonté. Il a dit cette phrase dont je me souviens parfaitement : « je suis là pour révolutionner le pays et moi-même ». Il insistait qu’il était un rebelle et aussi un chaviste, mais qu’il voulait absolument dénoncer toutes ces manipulations, qu’il y avait derrière des faux caciques, instrumentalisés par certaines branches du pouvoir, y compris certains militaires, des bureaucrates, des propriétaires terriens… sans oublier de rajouter la complexité de la frontière avec la Colombie et les paramilitaires.

Pouvez-vous revenir sur cet événement que vous évoquiez tout à l’heure ?

Oui, c’est le discours de Chávez connu sous le nom de « golpe de timón », avec la consigne « comuna o nada », le 20 octobre 2012. Pendant ses quatorze ans au pouvoir, Chávez a beaucoup parlé de la problématique des Indiens, mais lors de cette auto-critique il est revenu sur ce sujet. Son discours a eu lieu juste après un affrontement entre les propriétaires et les Yukpa, sur des terres qui devaient leur être remises. Zenaida, une des filles de Sabino, avait été blessée.

Après, la maladie de Chávez a donné une opportunité inimaginable aux assassins de Sabino pour agir très facilement, car il avait reçu la protection de l’État, mais en même temps beaucoup de décisions se concentraient sur Chávez. Quand Sabino est passé à la télé, alors qu’il avait été censuré pendant des années, il a peut-être senti qu’avec cette médiatisation il avait enfin été écouté et qu’il avait moins besoin de se protéger.

Il a été assassiné peu après, lors de l’élection des nouveaux caciques. Il s’opposait à l’élection de l’un de ces groupes de caciques, qui était justement lié à des propriétaires terriens pour défendre leurs intérêts. C’était le 3 mars 2013, donc deux jours avant la mort de Chávez … (l’émotion interrompt momentanément cette conversation, NdR)

On comprend que cette disparition vous a poussé dans l’envie de poursuivre la documentation de ce conflit…

Exactement. Après ce moment très dur, j’ai décidé de retourner là-bas. Alors, il y a quelque chose d’assez fort qui s’est produit: je me suis rendue compte que ces femmes, qui m’avaient toujours accompagné, étaient les protagonistes de ce silence. Elles avaient toujours été présentes. Puisque Sabino n’allait plus pouvoir parler, je me suis donc adressé aux femmes. Je m’y suis rendue dans la Sierra, j’ai réalisé quelques interviews en mai 2013 et petit à petit a surgi cette idée de faire un film pour raconter le voyage des femmes Yukpa et qui vont se rappeler des moments-clés de leur vie.

« Sabino vit, sa lutte continue », peut-on lire sur le t-shirt d’Angèle Savino, qui accompagne toujours la lutte des femmes Yukpa, dix ans après cette rencontre.

Ce voyage va commencer dans la Sierra de Perijá, à l’endroit où est née Lucia Romero, la femme de Sabino Romero. C’est à la fois un retour aux sources, mais si le film commence là, c’est aussi parce que ces montagnes ne sont pas l’endroit où les Yukpa habitaient au départ, mais le lieu où ils ont été repoussés par les propriétaires terriens qui se sont appropriés des terres fertiles du piedmont.

Cette femme va raconter son enfance, sa rencontre avec Sabino, son histoire d’amour et après la descente sur les terres basses. Elle va voyager là-bas avec quatre autres femmes: Carmen, surnommée « Anita », est la cousine de Sabino Romero, elle aussi s’est beaucoup battue pour les droits des Yukpa. Elle est la cacique d’une autre communauté; Kuse. On a assassiné quatre de ses fils dont un avant la mort de Sabino, et qui avait été en prison avec lui. Il y a aussi Ana Maria, qui est la fille d’Anita. Et puis Guillermina, la fille de Sabino Romero, qui a été témoin de l’assassinat de son grand-père en 2008, l’Atancha José Manuel Romero. Un dernier personnage a été rajouté récemment, Marys, qui est aussi la fille d’Anita. Au départ, elle n’était pas prévue dans le scénario et puis elle s’est imposée, car elle a été victime d’un enlèvement en novembre 2018. Elle a été torturée pendant une semaine, et sauvée in extremis de la mort.

C’est-à-dire que les persécutions contre cette communauté se poursuivent actuellement?

Oui, la situation actuelle liée à la crise économique fait qu’il y a eu une augmentation du trafic des bovins vers la Colombie. C’est un lieu de passage et le conflit demeure très fort. Cela rend la situation assez complexe si on veut comprendre ce qui s’est passé plus récemment…

Les entreprises d’extraction minière sont présentes dans cette région frontalière, à la fois en Colombie et au Venezuela. Pouvez-vous approfondir sur leur impact dans la région ?

La Sierra de Perijá est une zone géographique qui se situe à la fin du Cerrejón colombien, qui est la plus grande mine de charbon à ciel ouvert de l’Amérique Latine et l’une des plus grandes du monde. Cette zone contient particulièrement un charbon d’une grande qualité, qui se vend plus cher, mais il n’y a pas uniquement du charbon. Comme Sabino l’expliquait, il y a aussi de l’or, de l’uranium, de la chaux, du pétrole bien sûr. Évidemment, il y a beaucoup d’intérêts en jeu.

On dit que Chávez est né du « Caracazo ». Et bien, Sabino Romero est né de la rencontre avec un militant écologiste qui s’appelle Lusbi Portillo qui a fondé l’ONG Homo et Natura qui a été criminalisée par une partie du gouvernement pendant des années. Elle a été accusé d’être un paravent de la CIA, etc. C’était du n’importe quoi. Cette rencontre entre Sabino et Portillo a été un moment très fort, Portillo était un professeur à l’université et il a aidé à la lutte contre l’exploitation du charbon, qui avait commencé avec les Wayuu du Nord de la Sierra de Perijá. Dans la partie qui est proche de la Guajira, il y a deux mines de charbon à ciel ouvert qui ont complètement détruit la région et les Wayuu ont été décimés. Il y a eu énormément de maladies liées à l’exploitation du charbon, avec évidemment le déplacement des populations. Cela a marqué Sabino Romero, qui s’est dit « je ne veux pas que cela arrive à ma communauté ». Cette histoire, c’est aussi une prise de conscience des Indiens et particulièrement de Sabino Romero, qui était un cas exceptionnel.

C’est une région très riche en ressources minières et, en plus de cela, qui fait partie de l’axe de l’IIRSA (infrastructure pour l’intégration de l’Amérique Latine en espagnol, NdR). C’est un énorme projet de la Banque Mondiale et de la Banque Interaméricaine de Développement, qui prévoit de construire des autoroutes et des autoroutes fluviales partout en Amérique Latine. C’est l’une des raisons du conflit du TIPNIS (Territoire Indien et Parc National Isiboro-Secure en espagnol, NdR) en Bolivie. Chávez avait signé cette convention l’année 2000 au Canada, lors du sommet des Amériques. Il venait juste d’être élu président, il n’avait pas le choix car de toute façon c’était une chose tellement énorme qu’il n’avait pas les moyens de s’y opposer, il n’était pas accompagné par d’autres présidents, l’ALBA n’existait pas ! Il y a cette axe de l’IIRSA qui touche à la fois la Colombie et le Venezuela.

Et justement, comment se passe la relation de ces entreprises extractivistes avec l’État vénézuélien ?

Quand j’ai découvert ce conflit en 2009, il y avait quelque chose de très particulier. Les Indiens avaient réussi à trouver un accord avec les propriétaires terriens. L’association d’éleveurs de bovins avait dit « ok, pour que vous gardiez une part de vos terres, mais nous avons besoin que nous vous payiez des indemnités : pendant des années on a produit sur cette terre, etc. » Donc cela a mis à mal le pouvoir d’une certaine manière.

J’ai même posé la question à Chávez : « Est-ce que la démarcation des terres et le paiement des indemnités pourront-elles résoudre le conflit dans la Sierra de Perija? » Et il m’avait répondu, très justement d’ailleurs : « S’il faut qu’on paie des indemnités on le fera dans certains cas, mais il ne faut pas oublier que les propriétaires terriens doivent partir, parce que ce sont eux qui se sont appropriés les terres des Indiens, ce n’est pas nous ». Cela a l’air juste dans les mots, mais dans les faits c’est plus compliqué. Chávez disait toujours « Los Indios primero » (les Indiens d’abord, NdR). Le deuxième, c’est l’État et le troisième ceux qui sont arrivés après : les éleveurs de bovins, les paysans déplacés de la Colombie, des Wayuu aussi… Et donc c’est une situation complexe.

L’une des possibilités pour démarquer la terre des Indiens et du coup pour empêcher la future exploitation des ressources minières, c’était de payer ces indemnités aux éleveurs dans le cadre de la démarcation des terres. C’est là où s’est produit le conflit. Il y avait déjà une « bourgeoisie révolutionnaire », qui est d’ailleurs de plus en plus visible en ce moment au Venezuela malheureusement. Le ministre de l’agriculture lui-même utilise ce terme, et cela met en rage les paysans qui se font expulser de leur terre par les propriétaires terriens en complicité avec certains gouverneurs. Parce que le conflit des Indiens et celui des paysans, c’est le même. Il y a quelques jours, il y a eu l’anniversaire de la Marche Paysanne Admirable de 2018, et la situation est la même, voire pire : 25 paysans ont été assassinés en un an, et plus de 300 depuis 2001. Deux mois après l’assassinat de Sabino Romero, l’État a finalement payé les indemnités des terres de Chaktapa. Mais celles de Kuse n’ont toujours pas été démarquées à ce jour. Les propriétaires terriens se considèrent comme les légitimes propriétaires de ces terres, persécutent et assassinent impunément les Yukpa. Par rapport à la question des ressources minières, il y a une complicité entre certains membres du gouvernement, des militaires, des propriétaires terriens, des paramilitaires évidemment. C’est une zone de non-droit. Ces ressources sont très attirantes.

Pour revenir sur la question de ce conflit et notamment le cas de Marys, elle a été séquestrée et torturée par un propriétaire terrien qui voulait récupérer sa terre. Sa mère avait reçu en 2008 un crédit de Chávez pour élever des vaches et fabriquer du fromage. La propriétaire terrienne a payé des Yukpas pour qu’il y ait un conflit à l’intérieur de cette ethnie, ainsi que des guérilleros. Après son enlèvement, Marys a été reçue par la vice-fiscal du pays, le ministère de l’Éducation, la ministre des Communes, l’ancien Vice-Président Elias Jaua l’a reçue aussi… Elle a été très soutenue par des institutions de la Révolution qui veulent que l’impunité cesse; mais la question la plus urgente aujourd’hui, c’est de mettre en place un dialogue de paix entre les Yukpa eux-mêmes. Ceux qui profitent de ce conflit, ce sont les propriétaires terriens, et ils aiment les voir se tuer entre eux. Et les Yukpa sont des caribes, ce sont des guerriers, ils sont très conflictuels. Il faut mettre en place cette table de négociation, comme pour la guerre en Colombie, et qu’il puisse y avoir une démarcation des terres indiennes pour qu’on ne puisse pas exploiter les ressources naturelles. Cela dépend de la bonne volonté du président Nicolas Maduro.

Depuis le 30 juillet 2017, il y a une Assemblée Constituante, dont le but est d’améliorer la Constitution de 1999. Il y a aussi une ministre chargée du pouvoir populaire pour les peuples autochtones, Aloha Nuñez. Quelle est votre impression sur les débats qui ont lieu dans le cadre de ce processus constituant ?

C’est assez compliqué, Aloha Nuñez a reçu Marys Fernandez, la dernière victime de ce conflit. Mais les institutions ne sont pas présentes sur le terrain. Le message ne passe pas. A chaque fois que le fils de Sabino Romero et sa mère reviennent à la Gobernacion de Maracaibo, ils sont ignorés. Les militants de Caracas ont un réseau de soutien dans les institutions, pour qu’on accueille ces femmes organisées dans l’association Oripanto Oayapo Tuonde (femmes pour la défense du territoire) et c’est dans ce cadre-là qu’elles arrivent à être reçues. La dernière fois, elle est venue avec tous les témoins de son enlèvement pour déclarer devant le Ministère Public, à Caracas, parce que la fiscalia de Machiques est complètement corrompu par les propriétaires terriens qui ont un vrai pouvoir dans cette région. A Maracaibo, il existe également ces liens. C’est compliqué, il faut constamment bouger pour obtenir justice.

Ce qu’on demande aujourd’hui à Aloha Nuñez, c’est de faciliter ce dialogue. Parce qu’aujourd’hui il y a des divisions entre les Yukpa. Et ces divisions elles sont liées au fait que les propriétaires terriens forment leurs groupes d’Indiens qui vont défendre leurs oppresseurs.

Pour construire l’histoire de votre film, vous vous laissez guider par ces femmes Yukpa. Selon vous la transmission d’une voix collective et féminine est en mesure d’apporter quelque chose qui n’a pas été vue ni entendue jusqu’ici?

Tout à fait, c’est tout à fait cela. Lucia est une femme incroyable, c’est une combattante. Le film pourrait être sur elle, j’ai choisi un collectif de femmes parce que je pense qu’elle n’est pas la seule à se battre. Bien qu’elle ait été la femme de Sabino, Lucia n’a jamais été en retrait par rapport à lui, c’est une femme au caractère très fort et qui d’ailleurs ne parle pas très bien l’espagnol. Dans mon tournage je vais lui demander de raconter son expérience en langue yukpa, parce qu’il est évident que ce n’est pas la même manière de la raconter. La voix des femmes est essentielle: elles ont une manière différente de raconter le conflit, parce qu’en tant que femmes qui ont des enfants, elles portent la vie en elles. C’est aussi leurs enfants qui vont pouvoir continuer la lutte de Sabino Romero.

Aussi, si on parle dans le cadre plus général de la Révolution Bolivarienne, où les femmes blanches, noires, indiennes, paysannes, ouvrières, se sont appropriés du pouvoir… Je pense qu’elles ont appris à se dire « Nous aussi, on peut parler. Nous aussi on peut se battre pour nos terres ». Lucia et Anita sont des femmes époustouflantes de force. On a assassiné des fils d’Anita et le mari de Lucia, et elles continuent d’être debout ! Elles ont un regard féminin qui est spécial : elles sont mères, elles sont filles, elles sont veuves, elles sont orphelines. Guillermina est une femme qui a perdu deux maris assassinés. L’époux de Marys a aussi été tué. Ana Maria et Marys on eu quatre frères assassinés. Ce sont elles qui continuent la lutte, il n’y a plus d’hommes dans ces terres. Leur parole est très importante.

 

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Dans une interview accordée le 16 août à la station de radio communautaire de Melbourne 3CR, le père de Julian Assange, John Shipton, a déclaré que la santé du fondateur de WikiLeaks continuait de se détériorer dans la prison à sécurité maximale de Belmarsh, au Royaume-Uni.

Shipton a dit qu’Assange avait reçu la visite de son frère Gabriel quelques jours auparavant. «Julian est émacié et son état de santé laisse à désirer, a dit Shipton. Il souffre d’anxiété. Il est certes toujours dans un état d’esprit combatif, mais sa santé décline rapidement.»

Shipton a révélé qu’il y avait un danger que «nous perdions Julian» si aucune mesure n’est prise pour mettre fin à son incarcération. Cette mise en garde fait suite à une déclaration du journaliste d’investigation de renommée mondiale John Pilger sur Twitter au début du mois, qui a écrit: «N’oubliez pas Julian Assange. Ou vous le perdrez. Je l’ai vu à la prison de Belmarsh et sa santé s’est détériorée…»

Le père d’Assange a décrit les conditions draconiennes dans la prison de Belmarsh, où Assange est détenu depuis qu’il a été sorti de l’ambassade de l’Équateur à Londres par la police britannique le 11 avril.

«Vous rendez-vous compte que Julian, un gars gentil et intellectuel, est enfermé dans une prison à sécurité maximale?» a-t-il demandé à l’intervieweur, Jacob Grech, un partisan de WikiLeaks.

Assange a été jeté dans cette prison alors qu’il n’a été reconnu coupable que d’une infraction mineure à la loi britannique sur la mise en liberté sous caution, à la suite de sa demande d’asile politique à l’ambassade de l’Équateur en 2012.

Shipton a expliqué qu’Assange était «dans une cellule 20 heures par jour et avait droit à deux visites sociales par mois. Les avocats sont autorisés à s’y rendre à d’autres moments. Les visites sociales peuvent toutefois être arbitrairement annulées ou leurs durées réduites.»

Il a ainsi raconté comment lorsqu’il est arrivé à Londres d’Australie il y a deux mois et demi de cela, «on nous a fait attendre puis on nous a dit que nous ne pouvions pas le voir» à la prison pour une visite préétablie avec lui.

«Aucune raison ne nous a été donnée, dit Shipton, sinon que des rendez-vous avaient été pris avec des médecins de la prison pour venir le voir. Ils utilisent donc ses heures de visite pour que leurs médecins légistes l’examinent, signifiant du coup l’annulation d’une visite sociale».

Shipton, accompagné d’un membre du personnel de WikiLeaks et de l’artiste chinois Ai Weiwei, est revenu la semaine suivante pour une autre visite organisée. «Nous avons attendu 46 minutes que Julian arrive,» dit-il. Les autorités de la prison ont prétendu qu’elles avaient «oublié» d’informer Assange de la visite, «alors elles ont dû aller le chercher pour le faire descendre».

La visite de deux heures, à laquelle Assange avait droit, a alors été réduite à une heure seulement. «Voyager depuis l’Australie pour ne voir Julian qu’une heure, cela me semble bien cruel», a dit Shipton.

Interrogé par Grech sur le fait de savoir s’il pensait que c’était le résultat d’une incompétence ou d’une attaque délibérée contre les droits d’Assange, Shipton a répondu: «On me dit que cela se fait souvent avec les prisonniers connus afin d’affirmer leur autorité sur eux et leurs visiteurs.»

Shipton a révélé que l’étendue des problèmes médicaux d’Assange et les conditions de son incarcération avaient contraint son frère Gabriel à écrire «une lettre au premier ministre [australien] Scott Morrison décrivant la situation et la santé de Julian. Il demandait dans sa lettre à Scott Morrison de faire quelque chose d’urgent, sinon on perdrait Julian.»

Le père d’Assange a condamné le refus des gouvernements australiens successifs d’agir pour défendre le fondateur de WikiLeaks, un citoyen et journaliste australien, ce qui contraste fortement avec les sentiments des gens ordinaires, dit-il.

Shipton a déclaré: «Julian, selon moi, dépend beaucoup du soutien des Australiens, et leur soutien n’a cessé de croître au fil des ans. Le gouvernement, bien sûr, ne prête pas attention, et ne semble se préoccuper que des États-Unis et du Royaume-Uni. Le gouvernement préfère sacrifier le bien-être de Julian et satisfaire aux exigences des États-Unis et du Royaume-Uni.»

John Shipton

Le mois dernier, le leader de l’opposition travailliste Anthony Albanese – ministre du gouvernement travailliste qui avait dénoncé WikiLeaks comme «illégal» en 2010 et soutenu sa persécution – a accepté de rencontrer Shipton pendant 10 minutes. Albanese n’a rien dit depuis. Tant la Coalition que les travaillistes ont traité avec mépris les appels de la famille et des amis d’Assange pour une intervention australienne, continuant plutôt de soutenir pendant neuf ans les efforts menés par les États-Unis pour le poursuivre et détruire WikiLeaks.

Shipton a noté que cette persécution était le résultat des activités de publication de WikiLeaks, qui «nous a donné un aperçu de tous les crimes odieux qui se sont déroulés devant nos yeux au cours des 20 dernières années, qu’il s’agisse des nombreux pays détruits, des assassinats ou de l’implantation d’espions et de politiciens de second rang entretenant des liens avec l’ambassadeur des États-Unis.»

Les derniers avertissements sur la santé d’Assange coïncident avec la publication de deux lettres qu’il a envoyées à ses partisans depuis son emprisonnement à Belmarsh.

Dans l’une d’elles, publiée sur Twitter par Ariyana Love le 16 août, Assange écrit: «Merci Mme Love, ce sont des gens comme vous, grands et petits, qui luttent pour sauver ma vie qui me font avancer. On peut gagner! Ne laissez pas ces salauds sacrifier la liberté d’expression, la démocratie européenne et ma vie sur l’autel du Brexit.»

Dans une autre lettre, écrite en mai, mais publiée seulement la semaine dernière, Assange a souligné l’importance des manifestations pour sa défense. Il a suggéré que les manifestations qui réclament sa liberté soient organisées devant les bureaux d’organisations «qui ne sont pas habituées à être la cible de protestations ou qui auraient des difficultés à se défendre idéologiquement contre elles» et a cité comme objectifs possibles plusieurs médias comme la BBC et Le Monde.

Assange a écrit: «Les manifestations ont un effet très puissant pour une organisation qui n’y est pas habitué, même si tout le monde prétend le contraire.»

Oscar Grenfell

 

Article paru en anglais, WSWS, le 20 août 2019

L’auteur recommande :

Pour une campagne mondiale contre la restitution de Julian Assange aux États-Unis!

Pour la formation d’un Comité de défense global pour assurer sa liberté!
[Déclaration du Comité éditorial international du World Socialist Web Site, 21 juin 2019]

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Les USA ressuscitent les missiles de Comiso

août 21st, 2019 by Manlio Dinucci

Le Pentagone a annoncé avoir effectué le 18 août, dans le Pacifique, le test d’un missile de croisière (Cruise) avec base au sol. Lancé d’une plate-forme mobile sur l’île San Nicolas en Californie, il a frappé son objectif à plus de 500 km de distance. Les données recueillies dans le test -informe le Pentagone- serviront au “développement de futures capacités de missiles à moyenne portée”. S’étant retirés du Traité FNI de 1987 -qui avait éliminé tous les missiles nucléaires étasuniens et soviétiques à portée intermédiaire (entre 500 et 5500 km) avec base au sol, y compris les Cruise basés à Comiso (Sicile)- les USA donnent le feu vert à une nouvelle et dangereuse course aux armements nucléaires.

Le lancement du premier missile de la catégorie auparavant interdite par le Trait FNI a été effectué à peine 16 jours après le retrait définitif des États-Unis du Traité, annoncé par le secrétaire d’état Mike Pompeo le 2 août. Ceci confirme que, tandis que le Traité FNI était encore en vigueur, les États-Unis réalisaient un premier missile de la catégorie interdite par le Traité. 

En 2014, l’administration Obama accusait la Russie, sans apporter aucune preuve, d’avoir expérimenté un missile de croisière (sigle 9M729) de la catégorie interdite par le Traité et, en 2015, elle annonçait que “face à la violation du Traité FNI de la part de la Russie, les États-Unis sont en train de considérer le déploiement en Europe de missiles avec base au sol”. Le plan a été confirmé par l’administration Trump : en 2018 le Congrès a autorisé le financement d’un “programme de recherche et développement d’un missile de croisière lancé du sol depuis une plate-forme mobile sur route”. 

 Les images du test diffusées par le Pentagone montrent que le missile sort d’un lanceur vertical, du type de ceux utilisés par le système étasunien Aegis de “défense de missiles”, déjà installés dans le site de missiles OTAN de Deveselu en Roumanie  (et l’an prochain en Pologne) et sur quatre navires de la US Navy qui, déployés dans la base espagnole de Rota, croisent en Méditerranée, Mer Noire et Mer Baltique. C’est l’industrie guerrière même qui a réalisé le système Aegis, Lockheed Martin, qui documente que le système “est projeté pour installer n’importe quel missile dans n’importe quelle rampe de lancement”, donc adapté à “n’importe quelle mission de guerre”, y compris “l’attaque contre des objectifs terrestres”.

Ne pouvant pas vérifier quels missiles sont installés dans les rampes verticales à proximité de son territoire, la Russie tient pour sûr qu’il y ait aussi des missiles nucléaires et opère en conséquence.

Une fois réalisés de nouveaux missiles nucléaires (aussi bien de croisière que balistiques) de la catégorie interdite par le Traité FNI, les USA demanderont aux alliés européens de les “héberger”, et ainsi d’être en première ligne dans la confrontation nucléaire avec la Russie.

Quelle sera la réponse du prochain gouvernement italien ? 

Manlio Dinucci

 

 

Édition de mercredi 21 août 2019 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/cruise-sparato-per-prova-nel-pacifico-torneranno-anche-a-comiso/  

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

USA, test d’un missile de croisière dans le Pacifique…

août 21st, 2019 by Mondialisation.ca

Sélection d’articles :

Nouveau bilan sur l’état policier macronien en France

Par Jean-Yves Jézéquel, 18 août 2019

Les dernières données statistiques que l’on glane à partir de plusieurs sources, s’avèrent sidérantes et il est difficile de reconnaître que la France a perdu toutes ses libertés publiques ainsi que sa Constitution qui, depuis un certain temps, n’a plus aucun rapport avec l’expression de la volonté de toute la nation française.

 

La périlleuse pirouette géopolitique d’Erdogan

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L’économie turque est dans une situation de plus en plus difficile depuis des mois, en particulier depuis l’échec de la tentative de coup d’État de juillet 2016. La dernière décision du président Recep Tayyip Erdoğan de congédier son chef de Banque centrale et de le remplacer par un loyaliste plus accommodant a déjà entraîné la plus importante réduction ponctuelle du taux d’intérêt de l’histoire de la banque. Cela suffira-t-il à relancer la croissance de l’économie en difficulté à temps pour les prochaines élections nationales dans 18 mois ?

 

La peine de mort en tant qu’arme politique. L’exécution de Ethel et Julius Rosenberg

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Le 19 juin a marqué le 66ème anniversaire de l’exécution de Julius et Ethel Rosenberg, un jeune couple américano-juif de New York, dont la culpabilité supposée d’espions «atomiques» soviétiques n’a jamais été prouvée, malgré de nombreux mensonges, faux et autres canulars de propagande blanche, grise et noire lancés contre eux depuis lors. 

 

La révolution du 22 février 2019 : Archéologie et prospective

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25e vendredi de suite : le peuple continue à protester en réclamant toujours la liberté. Nous vivons, depuis le 22 février 2019, une époque exceptionnelle en ce sens que la parole est libérée, le mur de la peur s’est fissuré. Cela rappelle les quelques mois qui ont suivi Octobre 1988, où l’exubérance des idées et l’atmosphère soixante-huitarde donnaient l’illusion à l’Algérienne et à l’Algérien, frondeurs de naissance, que nous étions définitivement libres.

 

Hydro-Québec, la bouée de sauvetage du Québec?

Par Normand Beaudet, 19 août 2019

L’électrochoc climatique mondial se fait maintenant sentir.  Les bouleversements climatiques sont en cours sur l’étendue de la planète. Par la pression populaire, le gouvernement Legault le sent aussi et parle maintenant d’électrification massive du Québec par des investissements majeurs dans le transport électrifié.  C’est un pas dans la bonne direction, mais est-ce suffisant?

 

Hong Kong: une contre-révolution qui se prétend une «libération »

Par Robin Philpot, 19 août 2019

Un mouvement que les officines du Département d’État américain, d’Affaires globales Canada et autres britanniques, aidé en cela par nos médias complaisants, ont baptisé « pro-démocratie » occupe beaucoup de place ces jours-ci, constituant une déferlante qui noie toute perspective historique. Et pourtant, le pays le plus peuplé du monde mérite qu’on tienne compte de son histoire.

 

Sous le “bouclier”, des missiles nucléaires USA en Europe

Par Manlio Dinucci, 20 août 2019

Le site de missiles OTAN de Deveselu en Roumanie, qui fait partie du système étasunien Aegis de “défense de missiles”, a terminé “la mise à jour” commencée en avril dernier. C’est l’OTAN qui le communique, en assurant que celui-ci “n’a conféré aucune capacité offensive au système”, lequel “demeure purement défensif, centré sur de potentielles menaces provenant de l’extérieur de l’aire euro-atlantique”. 

 

Les USA ressuscitent les missiles de Comiso

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Les tensions entre les États rivaux d’Asie du Sud dotés d’armes nucléaires se sont exacerbées ces derniers jours. L’Inde et le Pakistan s’accusent mutuellement de se préparer à attaquer, et leurs forces militaires échangent des tirs d’artillerie mortels à travers la ligne de contrôle (LoC) qui sépare les parties du Cachemire contrôlées par l’Inde et le Pakistan.

Samedi, New Delhi a déclaré qu’un de ses soldats s’est fait tuer dans ce qu’elle a appelé un échange d’artillerie transfrontalier non provoqué, lancé par le Pakistan.

Deux jours auparavant, Islamabad avait signalé que des tirs d’artillerie indiens dans deux secteurs différents de la ligne de contrôle avaient tué trois de ses soldats et deux civiles. En outre, L’armée pakistanaise a déclaré que ses forces avaient tué cinq soldats indiens lors des échanges transfrontaliers de jeudi. New Delhi a admis qu’il y avait eu des tirs violents, mais a rejeté toute réclamation de décès d’Indiens ce jour-là comme étant sans fondement.

Il y a deux semaines le gouvernement du parti hindou suprémaciste, Bharatiya Janata (BJP), a illégalement modifié la constitution du pays pour affirmer sa domination débridée sur le Jammu-et-Cachemire qui était déjà sous contrôle indien. Il a également placé la région sous un état de siège sans précédent, les dirigeants gouvernementaux et militaires des deux pays ont fait une série de déclarations belliqueuses.

L’armée indienne a accusé à plusieurs reprises le Pakistan de chercher à infiltrer les insurgés islamistes anti-indiens à travers la ligne de contrôle pour mener des attaques terroristes. Le ministre de la défense Rajnath Singh a déclaré vendredi que le changement de «circonstances» pourrait amener l’Inde à abandonner son engagement de ne pas utiliser en premier les armes nucléaires. La presse indienne a largement vanté cette intervention comme un avertissement explicite au Pakistan. Afin de s’assurer que ce commentaire — fait à Pokhran, site de l’essai nucléaire de l’Inde en 1998 — reçoive le maximum d’attention de la part des médias, Singh l’a également twitté.

Le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, dans un discours prononcé mercredi à Muzaffarabadad, la capitale de l’Azad Jammu-et-Cachemire (AJK), a accusé l’Inde de se préparer à envahir la région, puis a menacé d’une réaction militaire massive. «L’armée pakistanaise», a dit Khan, «dispose d’informations solides selon lesquelles elle [l’Inde] prévoit de faire quelque chose au Cachemire pakistanais. Nous avons décidé que si l’Inde commet une violation, nous nous battrons jusqu’à la fin […] L’heure est venue de donner une leçon à [Inde]».

S’exprimant aux côtés de Khan, le Premier ministre de l’AJK, Farooq Haider, a déclaré que la ligne de contrôle devrait être rebaptisée «ligne de cessez-le-feu». Il a expliqué que cela soulignerait le caractère actuel et non résolu du conflit au Cachemire.

En février, l’Inde et le Pakistan ont frôlé la guerre totale après New Delhi, avec le soutien de Washington, a «puni» le Pakistan pour une attaque terroriste sur le J&K en organisant des frappes aériennes illégales au cœur du Pakistan. Islamabad a réagi en ordonnant une frappe de représailles qui s’est terminée par un combat aérien au-dessus du J&K sous contrôle indien, qui résultait dans l’abattage d’au moins un chasseur indien.

Six mois plus tard, la situation est d’autant plus explosive que le gouvernement du BJP dirigé par Narendra Modi cherche à affirmer la domination débridée de New Delhi sur J&K et à «changer les règles du jeu» avec le Pakistan.

Une quatrième guerre indo-pakistanaise aurait des conséquences catastrophiques pour les populations de l’Asie du Sud et potentiellement du monde. Le Pakistan cherche à contrebalancer le pouvoir d’un adversaire dont la population est plus de six fois plus nombreuse, l’économie huit fois plus importante et le budget militaire cinq fois plus élevé. Il a publiquement menacé de contrer toute avancée importante de l’Inde au-delà de sa frontière avec des armes nucléaires tactiques. L’armée indienne cherche à tirer les leçons de l’échec de sa mobilisation contre le Pakistan lors de la «crise de guerre» de 2001-2002. Elle a développé une stratégie de «démarrage à froid» dans le but de pouvoir lancer une attaque soudaine et massive contre son voisin occidental.

La guerre impliquerait rapidement les grandes puissances. L’Asie du Sud et la région de l’océan Indien se trouvent plongées dans le tourbillon des conflits entre grandes puissances au cours des quinze dernières années. L’Inde a joué un rôle de plus en plus important dans les plans de Washington pour affronter militairement la Chine. Tandis que Beijing et Islamabad répondant à «l’alliance stratégique mondiale» indo-américaine en renforçant leur propre partenariat militaire et sécuritaire.

À la demande du Pakistan, la Chine a insisté pour que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunîsse à huis clos vendredi afin de discuter des accusations d’Islamabad. Le Pakistan dit que les actions de New Delhi au J&K contreviennent au droit international, en modifiant unilatéralement le statut d’un territoire disputé, et menacent la paix régionale.

La réunion s’est terminée après 75 minutes. Bien que les séances à huis clos n’adoptent pas de résolutions, la réunion n’a même pas abouti à un consensus sur les «éléments de presse» convenus.

La presse indienne se réjouit que Pékin s’est trouvé isolé au Conseil de sécurité, tous les autres membres acceptant que l’agression indienne contre le Cachemire soit une «affaire intérieure». Certains rapports sont allés jusqu’à dire «14-1» contre la Chine et le Pakistan.

Il ne s’agit pas simplement de propagande indienne. Dirigées par les États-Unis, les puissances occidentales font une promotion agressive de l’Inde en tant que contrepoids militaire stratégique à la Chine et, à cette fin, sont prêtes à lui donner carte blanche en J&K. Modi et son gouvernement, soutenus par la faction dominante de l’élite dirigeante indienne, ont pour leur part intégré l’Inde de manière toujours plus complète dans l’offensive stratégique de Washington contre la Chine.

Le lendemain de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le deuxième plus haut diplomate américain, le secrétaire d’État adjoint John Sullivan, a rencontré à New Delhi le ministre indien des affaires étrangères S. Jaishankar. Selon le département d’État américain, ils ont discuté de la «vision» indo-américaine commune d’une «Indo-Pacifique libre et ouverte», c’est-à-dire de la poursuite de la domination américaine sur l’Asie. Sullivan a également informé Jaishankar de son récent voyage au petit Bhoutan, qui, comme le Cachemire, est frontalier avec la Chine.

Pour des raisons très différentes, la Russie a également apporté son soutien à l’Inde au Cachemire. En effet, depuis des décennies, à partir du début de la guerre froide, New Delhi est un partenaire clé de la Russie sur les plans économique et la sécurité militaire. Moscou est déterminée à maintenir et à étendre ce partenariat face à l’escalade de la pression militaire et des sanctions économiques entre les États-Unis et l’OTAN.

Fort de l’isolement international du Pakistan, le ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, a réitéré dimanche la position provocatrice de New Delhi. Selon l’Inde, il n’y aurait de pourparlers de fond avec Islamabad qu’après ce dernier s’incline devant son exigence que Pakistan refuse tout soutien logistique à l’insurrection anti-indienne en J&K. Singh a ajouté que les seuls pourparlers que New Delhi aura avec Islamabad au sujet du Cachemire porteront uniquement «sur la question de la partie de Cachemire occupé par le Pakistan». Autrement dit, l’Inde revendique l’ensemble de Cachemire même la partie occupée par Pakistan et ne discutera pas d’autres sujets.

A l’intérieur du Jammu-et-Cachemire sous contrôle indien, la situation reste désespérée.

L’Inde réprime l’opposition populaire à l’abrogation du statut constitutionnel semi-autonome de J&K et à l’imposition effective de la tutelle permanente du gouvernement central indien. Jusque là le J&K était jusqu’ici le seul État à majorité musulmane de l’Inde. Dans le cadre de sa répression, New Delhi a imposé, depuis le 5 août, à la région, un verrouillage sécuritaire et une rupture de toute communication sans précédent.

Deux semaines après le début de cet état de siège, le service de téléphonie mobile reste coupé à travers le J&K, et les lignes fixes et les services Internet restent suspendus dans une grande partie de la vallée du Cachemire. Au cours du week-end, les autorités ont assoupli certaines des restrictions draconiennes imposées aux déplacements de la population, mais ont ordonné leur réimposition, notamment dans la plus grande ville, Srinagar, après l’éruption de manifestations de protestation.

La radio publique, All-India Radio, a rapporté la semaine dernière que l’armée a arrêté plus de 500 personnes depuis le 5 août. Mais hier, l’AFP (Agence France-Presse), s’appuyant sur de multiples sources du gouvernement indien, a déclaré que New Delhi avait en fait arrêté au moins 4000 personnes.

Les personnes arrêtées comprennent un large éventail d’opposants au gouvernement du BJP. Il s’agit notamment d’étudiants et d’autres personnes que New Delhi considère comme des «jeteurs de pierre potentiels», d’universitaires, de deux anciens ministres principaux du Jammu-et-Cachemire. Parmi eux sont Omar Abdullah, le Président de la Conférence nationale J&K, et le Président du Parti démocratique populaire Mehbooha Mufti. Plus largement, il y a de centaines d’autres dirigeants et cadres des partis politiques du J&K qui sont favorables à l’Inde, mais opposés au BJP.

Ils sont détenus en vertu de la Loi infâme sur la sécurité publique, qui permet à l’État de détenir des personnes considérées comme une menace à la «sécurité publique» jusqu’à deux ans sans accusation.

L’AFP a indiqué qu’un magistrat de J&K a calculé le chiffre de 4000 personnes. Il a pu contourner le silence imposé par New Delhi. Il a contacté ses collègues grâce à un téléphone portable qu’on lui avait remis en raison de son poste de haut fonctionnaire.

On a évacué la plupart des 4.000 personnes «par avion du Cachemire parce que les prisons de la région sont pleines», a déclaré le magistrat. D’autres responsables indiens ont appuyé les affirmations sur des milliers d’arrestations en parlant, comme le magistrat, sous le couvert de l’anonymat. Un responsable de la police a déclaré à l’AFP que «près de 6000 personnes ont été examinées médicalement à quelques endroits à Srinagar suite à leur détention.»

«Ils sont d’abord envoyés à la prison principale de Srinagar», explique-t-il, «et ensuite transportés par avion militaire».

En accord avec leur embargo médiatique, les autorités indiennes ont refusé de fournir à leurs proches des informations sur le lieu de détention des personnes arrêtées.

Keith Jones

 

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 19 août 2019

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Le site de missiles OTAN de Deveselu en Roumanie, qui fait partie du système étasunien Aegis de “défense de missiles”, a terminé “la mise à jour” commencée en avril dernier. C’est l’OTAN qui le communique, en assurant que celui-ci “n’a conféré aucune capacité offensive au système”, lequel “demeure purement défensif, centré sur de potentielles menaces provenant de l’extérieur de l’aire euro-atlantique”. 

Le site de Deveselu est doté (selon la description officielle) de 24 missiles, installés dans des lanceurs verticaux souterrains, pour l’interception de missiles balistiques à courte et moyenne portée. Un autre site, qui entrera en fonction en 2020 dans la base polonaise de Redzikowo, sera lui aussi doté de ce système. Des lanceurs du même type sont à bord des quatre navires de la US Navy qui, déployés dans la base espagnole de Rota, croisent en Méditerranée, Mer Noire et Mer Baltique. Le déploiement même des lanceurs montre que le système est dirigé non pas contre la “menace iranienne” (comme déclarent les USA et l’OTAN), mais principalement contre la Russie. 


Que le soi-disant “bouclier” ne soit pas “purement défensif”, est expliqué par l’industrie guerrière même qui l’a réalisé, Lockheed Martin. Celle-ci documente que le système est “projeté pour installer n’importe quel missile dans n’importe quelle rampe de lancement”, donc adapté à “n’importe quelle mission de guerre”, y compris “l’attaque contre des objectifs terrestres”. Lockheed Martin précise que les rampes de lancement de plus grandes dimensions peuvent lancer “les plus grands missiles comme ceux de défense contre les missiles balistiques et ceux pour l’attaque à longue portée”. Elle admet donc, en substance, que les installations en Roumanie et Pologne et les quatre navires du système Aegis peuvent être armés non seulement de missiles anti-missiles, mais aussi de missiles de croisière Tomahawk à tête nucléaire capables de frapper des objectifs à des milliers de km de distance.

Comme documente le Service de recherche du Congrès (24 juillet 2019), les quatre navires USA qui “opèrent en eaux européennes pour défendre l’Europe de potentielles attaques de missiles balistiques”, font partie d’une flotte de 38 navires Aegis qui en 2024 vont monter à 59. 

Dans l’année fiscale 2020 sont attribués 1,8 milliards de dollars pour la potentialisation de ce système, sites en Roumanie et Pologne compris. D’autres installations terrestres et navires du système Aegis seront déployés non seulement en Europe contre la Russie mais aussi en Asie et dans le Pacifique contre la Chine. Selon les plans, le Japon installera sur son propre territoire deux sites de missiles fournis par les USA ; la Corée du Sud et l’Australie achèteront aux USA des navires du même système. 

De plus, dans les trois mois où les équipements de Deveselu ont été amenés aux USA pour être “mis à jour”, a été déployée dans le site en Roumanie une batterie de missiles mobile Thaad de l’Armée USA, en capacité d’”abattre un missile balistique dans comme hors de l’atmosphère”, mais aussi en capacité de lancer des missiles nucléaires à longue portée.  

Le système Aegis étant remis en fonction -communique l’OTAN- la Thaad a été “redéployée”. Elle ne spécifie pas où. Mais on sait que l’armée USA a déplacé des batteries de missiles de ce type d’Israël à l’île de Guam dans le Pacifique. 

À la lumière de ces faits, au moment où les USA déchirent le Traité FNI pour installer des missiles nucléaires à moyenne portée au bord de la Russie et de la Chine, on ne s’étonnera pas de l’annonce -faite à Moscou par le sénateur Viktor Bondarev, chef de la Commission Défense- que la Russie ait basé en Crimée des bombardiers d’attaque nucléaire Tu-22M3.

Mais quasiment personne ne s’en préoccupe étant donné que, en Italie et dans l’Ue, tout cela est caché par l’appareil politico-médiatique. 

Manlio Dinucci

 

 

Article original en italien :

Sotto lo «scudo» missili nucleari Usa in Europa

Édition de mardi 20 août 2019 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/sotto-lo-scudo-missili-nucleari-usa-in-europa/ 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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Un mouvement que les officines du Département d’État américain, d’Affaires globales Canada et autres britanniques, aidé en cela par nos médias complaisants, ont baptisé « pro-démocratie » occupe beaucoup de place ces jours-ci, constituant une déferlante qui noie toute perspective historique. Et pourtant, le pays le plus peuplé du monde mérite qu’on tienne compte de son histoire.

En 1820, la Chine « contribuait à plus de 32% au produit intérieur brut mondial Sont ensuite intervenues, presque 20 années plus tard, les infâmes guerres de l’opium et ce fut le début de la période la plus tragique du grand pays asiatique, » écrit feu Domenico Losurdo, dans Fuir l’histoire (Éditions Delga, 2007. Le pays a ensuite subi immédiatement « des agressions, des amputations territoriales successives [dont Hong Kong]et des humiliations de toutes sortes. » 

Les guerres d’opium ? Cétait un stratagème des Britanniques. Devant le refus de la Chine de commercer avec l’Angleterre, car ce pays était auto-suffisant, les marchands et représentant britanniques ont eu l’idée d’exporter vers la Chine des quantités énormes d’opium produites dans leur colonie voisine, l’Inde. Les Britanniques peuvent compter aussi sur tous les impérialistes de l’époque, quoiqu’en concurrence féroce, dans cet assaut contre la Chine (France, Russie, Portugal, Japon, États-Unis, Allemagne, Italie). La France, par exemple, avait une concession à Shanghai. À l’entrée, en 1885, on pouvait lire sur l’écriteau : « Entrée interdite aux Chinois et aux chiens.» 

Alors que Goethe écrivait en 1827, la Chine avait une littérature florissante « quand nos ancêtres vivaient encore dans les bois, » au moment de la révolution chinoise de 1949, la population chinoise figurait parmi les plus pauvres de la planète et vivait dans des conditions de misère. 

En fait, plus de 100 ans après, quand la révolution de 1949 a triomphé, c’était le début du retour de ce pays à la place qui lui revenait. Les deux grands défis qu’avait la Chine révolutionnaire et anticoloniale : récupérer les parties du territoire amputées au cours du siècle précédent (Hong Kong, Macao, Taïwan et d’autres) et rehausser le niveau de vie de l’ensemble de la population. (Dans le cas de Hong Kong, contrairement à l’Inde, qui a récupéré Gao par la force lors de l’indépendance, la Chine a bien voulu respecter le bail colonial que les Britanniques leur avaient arraché et qui est venu à échéance en 1999). 

La réunification du grand pays asiatique n’a jamais été acceptée par les puissances coloniales qui avaient participé pendant tout ce temps du viol de la Chine et de la population chinoise. Et elle n’est pas plus acceptée aujourd’hui, non plus. Rappelons que au moins deux fois (1954 et 1958), le président américain a menacé d’utiliser la bombe atomique contre la Chine pour l’empêcher la réunification territoriale. 

Sans ce contexte historique, il est impossible de comprendre ce qui se passe aujourd’hui. On se fait embarquer par une déferlante de propagande.

Bref, on assiste à l’exercice du droit à l’autodétermination d’une grande nation, la Chine (1/7 de la population mondiale) contre la volonté des puissances impérialistes réunies. Elle mérite notre appui. 

Robin Philpot

Image en vedette : la deuxième guerre de l’opium

(Merci à Domenico Losurdo pour son livre Fuir l’histoire, éditions Delga, 2007.)

 

Il est tout à fait curieux que la communauté d’activistes internationaux s’intéresse beaucoup plus aux Rohingyas qu’aux Cachemiris, alors que ces deux peuples constituent des minorités musulmanes confrontées à des menaces d’épuration ethnique très ressemblantes ; cela indique que le deux poids, deux mesures pratiqué par ces activistes remonte plus haut qu’il n’y paraît.

La communauté d’activistes internationaux a fait preuve de solidarité envers les Rohingyas à l’issue d’une opération anti-terroriste menée il y a quelques années par les services de sécurité du Myanmar, qui a déplacé des centaines de milliers de personnes issues de cette minorité. Pourtant, les mêmes activistes ne se montrent guère intéressés, et encore moins actifs, pour soutenir les Cachemiris, qui connaissent la menace imminente d’un phénomène semblable, suite aux décisions prises la semaine dernière à l’« israélienne«  par l’Inde à leur encontre. En surface, rien n’explique l’application d’un deux poids, deux mesures aussi flagrant à ces deux minorités musulmanes : cela signifie que d’autres facteurs doivent être en jeu. Il est impossible de savoir avec certitude quels sont ces facteurs, chacun étant responsable de ses propres actions et inactions, mais on peut exclure l’islamophobie de l’équation, car les activistes ayant fait preuve de soutien aux Rohingyas ne sauraient être soupçonnés de soutenir cette idéologie haineuse.

L’explication pourrait donc être plus politique que sociale, c’est à dire que les réputations internationales respectives du Myanmar et de l’Inde pourraient être mêlées à l’application de ce deux poids, deux mesures. Le Myanmar s’est vu condamné internationalement pour avoir été dirigé par une junte militaire, qui dispose encore à ce jour d’une influence décisive sur cet État. Pour ce qui concerne l’Inde, elle est considérée à tort comme « la démocratie la plus grande du monde », résultat de la réussite de sa politique de soft power au fil des dernières décennies. Il pourrait donc être difficile pour certains d’accepter le fait que la « démocratie la plus grande du monde » est dirigée par des extrémistes radicaux, épousant une vision presque hitlérienne de la suprématie hindoue, et prête à pratiquer des nettoyages ethniques, comme l’a dénoncé face au monde le premier ministre pakistanais Khan le week-end dernier. Il est bien plus simple d’imaginer que seule une soi-disant « dictature militaire » pourrait considérer ce type de pratiques. En d’autres termes, la perception que chaque personne a de ces deux pays, et le conditionnement qu’elle a subi au fil des années, ont sans doute beaucoup à voir avec l’application présente de ce deux poids, deux mesures.

Si tel était bien le cas, la solution en serait plutôt évidente : la communauté d’activistes internationaux doit s’instruire quant à la réalité de ce que l’Inde est devenue (ou, pourrait-on avancer, de ce qu’elle a toujours été). C’est avec cela à l’esprit que l’on peut considérer les tweets émis le week-end dernier par le premier ministre Khan : ils visent à choquer le lecteur avec des éclats de vérités, afin d’amener les lecteurs à prendre l’initiative d’en apprendre plus que ce qu’il a écrit. Il est important de noter que ces tweets d’avertissement précèdent l’ouverture par le Pakistan du dossier de la crise cachemiri auprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ce qui ouvre une période au cours de laquelle le monde aura l’opportunité d’en apprendre plus à ce sujet. Vus ainsi, les tweets et les initiatives diplomatiques du premier ministre pakistanais constituent un effort concerté d’instruire la communauté internationale quant aux dangers causés par les décisions récentes de l’Inde envers les Cachemiris. On voit que l’État pivot du monde commence enfin à prendre ses responsabilités au sérieux en matière de gestion de la perception, en réponse aux menaces imminentes de nettoyages ethniques qui pourraient provoquer un nouveau flot de réfugiés ressemblant à celui que constituèrent les Rohingyas.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais :

Why Don’t Activists Care About the Kashmiris as Much as the Rohingyas?, publié le 13 août 2019.

Cet article a été publié initialement par Eurasia Future.

Traduit par Vincent, relu par Hervé pour le Saker Francophone

Photo en vedette : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/1455434/

 

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

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Cela fait deux semaines que la région contestée du Cachemire indien subit un blocage sans précédent qui est appliqué par des dizaines de milliers de soldats et de paramilitaires indiens, ainsi que par la police locale. Ses 13 millions d’habitants sont soumis à d’importantes restrictions à leurs déplacements et toute utilisation de l’Internet, du téléphone portable et du téléphone fixe a été suspendue.

Le gouvernement du Parti Bharatiya Janata (BJP), parti suprémaciste hindouiste indien, a imposé le blocage brutal pour réprimer l’opposition de masse anticipée à la mise sous tutelle permanente du Cachemire.

Le 5 août, le gouvernement du BJP a illégalement et sans consultation ni même avertissement préalable dépouillé le Jammu-et-Cachemire (J&K), seul État à majorité musulmane de l’Inde, de son statut constitutionnel spécial et semi-autonome, puis a séparé et déclassé les deux zones qui lui ont succédé en territoires de l’Union.

La répression sécuritaire au Jammu-et-Cachemire est tout à fait conforme au coup d’État constitutionnel perpétré à New Delhi par le premier ministre Narendra Modi et son BJP.

Selon les autorités indiennes, plus de cinq cents personnes ont été placées en détention préventive. Il s’agit notamment de deux anciens chefs de gouvernement du Jammu-et-Cachemire, Omar Abdullah et Mehbooha Mufti, et d’autres dirigeants éminents de la faction traditionnellement pro-indienne de l’élite musulmane cachemirienne.

Depuis la semaine dernière, Ajit Doval, conseiller à la sécurité nationale de Modi, supervise personnellement la mise en œuvre du confinement de sécurité depuis Srinagar, la plus grande ville de la région.

D’éminents dirigeants politiques indiens ont été empêchés de se rendre au Jammu-et-Cachemire pour consulter leurs collègues du parti sur ce qui se passe. Lorsque les dirigeants des deux principaux partis staliniens indiens, le CPI et le CPM, respectivement Sitaram Yechury et D. Raja, sont arrivés à l’aéroport de Srinagar, ils ont été arrêtés, bien que tous deux soient membres du parlement, et obligés de retourner à New Delhi.

Mardi, la Cour suprême de l’Inde a rejeté une requête lui demandant d’ordonner au gouvernement d’annuler ses mesures spéciales de confinement ou du moins de les réduire. Le plus haut tribunal de l’Inde a suspendu l’examen de la requête pendant deux semaines, affirmant que le gouvernement du BJP devrait avoir «un délai raisonnable[…] pour rétablir la normalité» et que «personne ne peut prendre le moindre risque, même d’un pour cent, de violence».

En raison du blocus de l’information imposé par le gouvernement indien, les habitants du Jammu-et-Cachemire sont coupés du monde extérieur et peu d’informations sur ce qui s’y passe ont été diffusées.

Mais plusieurs choses sont claires. Le gouvernement se vante d’avoir réussi à étouffer toute l’opposition et d’avoir intimidé la population, ce qui est démenti par la répression incessante, ainsi que par des reportages de manifestations sporadiques.

Le week-end dernier, les autorités ont brièvement assoupli le couvre-feu dans certaines régions pour permettre aux gens d’acheter de la nourriture et de se préparer pour la fête musulmane de l’Aïd. Mais bientôt, la police a ordonné aux gens de rentrer chez eux et aux commerçants de fermer leurs portes et a annoncé que les restrictions de l’article 144 s’appliquant à tous les rassemblements de plus de quatre personnes seraient appliquées.

La BBC a publié une vidéo qui montrait une foule immense défilant dans les rues de Srinagar après que les gens aient été autorisés à assister aux prières vendredi dernier. Ils portaient des pancartes qui disaient: «Nous voulons notre liberté» et criaient: «Retourne chez toi, Inde, va-t’en.» Selon le rapport, 10.000 personnes ont participé à cette manifestation qui, bien que pacifique, a été attaquée par les forces de sécurité avec des gaz lacrymogènes et des tirs de fusils à plomb.

Un porte-parole du ministère indien de l’Intérieur a rejeté le rapport de la BBC comme étant «complètement fabriqué et incorrect». Il a dit: «Il y a eu quelques manifestations à Srinagar/Baramulla et aucune ne comportait plus de 20 personnes.»

Cependant, les journalistes du New York Times ont déclaré que le personnel de sécurité leur a dit samedi dernier que «de grandes manifestations continuaient d’éclater», réfutant les photos que les responsables de New Delhi faisaient circuler montrant des rues bondées et des marchés bien approvisionnés.

Un soldat de la ville de Baramulla l’a dit au Times: «À tout moment, jour et nuit, dès qu’ils en ont l’occasion, des foules d’une douzaine, d’une vingtaine, voire plus, parfois avec beaucoup de femmes, sortent, nous attaquent et s’en vont.» Il a ajouté: «Les gens sont tellement en colère. Ils sont implacables et n’ont pas peur.»

Les reportages indiquent que la répression a un impact de plus en plus perturbateur sur la vie quotidienne. Les pénuries de nourriture et de médicaments sont généralisées et les couvre-feux systématiques empêchent les gens de se rendre à l’hôpital ou de se procurer des médicaments.

À l’hôpital Lalla Ded de Srinagar, les patients étaient allongés sur le sol, selon le Times, attendant des médecins qui ne pouvaient pas se rendre au travail. «C’est l’enfer ici», a déclaré Jamila, un médecin.

S’il n’y avait pas eu la panne d’information imposée par l’État, il est tout à fait certain que des décès attribuables au manque d’accès à des soins de santé adéquats seraient signalés.

Modi et son gouvernement BJP présentent toute opposition à leur programme de «réformes» pro-investisseurs de droite, à leur communautarisme hindou extrémiste et à leur intégration dans les plans impérialistes de Washington contre la Chine, d’antipatriotisme et de trahison. Dans une interview accordée mercredi, Modi a dénoncé ceux qui ont critiqué l’abolition illégale du statut spécial du Jammu-et-Cachemire, affirmant que «leur cœur ne bat que pour les maoïstes et les terroristes».

Dans un discours prononcé devant la nation jeudi dernier, Modi a tenté de présenter l’asservissement du Cachemire par le gouvernement central comme temporaire, affirmant qu’il y aura bientôt des élections pour choisir une assemblée du Jammu-et-Cachemire – mais avec des pouvoirs considérablement réduits et dont toutes les actions pourront être annulées par New Delhi – et que la paix et la prospérité seront apportées au peuple cachemirien par les soins du BJP.

Il ne s’agit là que de mensonges. L’attaque du BJP contre le Cachemire vise à préparer le terrain pour une offensive de l’État et à mettre un terme rapide et sanglant à trente ans d’insurrection anti-indienne soutenue par le Pakistan au Jammu-et-Cachemire. Elle vise également à renforcer la main de New Delhi contre l’ennemi juré qu’est le Pakistan, et sa voisine à l’Est, la Chine, ainsi qu’à attiser le communautarisme hindou et le nationalisme belliqueux pour diviser et intimider la classe ouvrière.

L’abrogation du statut spécial du Jammu-et-Cachemire est une revendication de longue date de la droite hindoue et un élément clé de son plan pour transformer l’Inde en État hindou.

L’assaut de Modi contre le Cachemire est fortement soutenu par l’élite dirigeante indienne, même si les principaux quotidiens ont reconnu qu’il s’agissait d’un pari à haut risque. Mardi, Mukeshi Ambani, le milliardaire le plus riche de l’Inde et directeur de Reliance Industries, a déclaré à l’assemblée générale annuelle de la société qu’en réponse à l’appel du premier ministre Narendra Modi Ji, sa société allait bientôt annoncer un investissement majeur au Jammu-et-Cachemire.

Pour leur part, les États-Unis et d’autres puissances occidentales ont manifesté leur soutien à l’Inde en gardant un silence constant tant sur le caractère géopolitiquement provocateur des actions de New Delhi que sur la répression générale et continue exercée par l’Inde au Cachemire. Washington et Tokyo, mais aussi Londres, Paris et Berlin sont tous soucieux de faire de l’Inde un contrepoids militaire stratégique à la Chine.

La Russie, quant à elle, a publié une déclaration soutenant fermement le droit de New Delhi de réglementer ses affaires «intérieures». Dans des conditions où les États-Unis et les puissances de l’OTAN intensifient leurs pressions militaires et diplomatiques sur la Russie, Moscou tient à préserver son partenariat de longue date avec New Delhi dans le domaine de la sécurité militaire.

Pékin se trouve dans un dilemme. Le Pakistan est l’un de ses plus proches alliés internationaux, mais il déteste aussi prendre des mesures qui renforceraient les liens ente New Delhi et Washington. Lundi, le ministre indien des Affaires étrangères, S. Jaishanakar, a entamé une visite de trois jours en Chine.

Le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, a affirmé que Pékin avait promis de soutenir Islamabad en portant les actions de l’Inde au Cachemire devant le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Dans un discours belliqueux qui souligne le grave danger que les tensions accrues entre les puissances nucléaires rivales de l’Asie du Sud échappent à tout contrôle, le premier ministre pakistanais Imran Khan a affirmé mercredi que New Delhi avait un plan pour attaquer le Cachemire pakistanais, et que si tel était le cas, le Pakistan allait encore frapper plus fort. «Si l’Inde commet une quelconque violation, nous nous battrons jusqu’à la fin», a déclaré Khan.

Le premier ministre pakistanais a ajouté que si la guerre éclate, ce sera à cause de l’inaction des grandes puissances.

Le conflit du Cachemire est au centre de la rivalité stratégique entre l’Inde et le Pakistan, depuis qu’il a été créé par la partition communautaire réactionnaire de 1947-48 du sous-continent en un Pakistan musulman et une Inde principalement hindoue.

K. Ratnayake

 

Image en vedette : Carte du partage de l’Inde (source: Wikipédia)

Article paru en anglais, WSWS, le 15 août 2019

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Hydro-Québec, la bouée de sauvetage du Québec?

août 19th, 2019 by Normand Beaudet

L’électrochoc climatique mondial se fait maintenant sentir. Les bouleversements climatiques sont en cours sur l’étendue de la planète. Par la pression populaire, le gouvernement Legault le sent aussi et parle maintenant d’électrification massive du Québec par des investissements majeurs dans le transport électrifié.  C’est un pas dans la bonne direction, mais est-ce suffisant?   Nous devons le comprendre, nous n’avons plus le choix d’agir.   Dans les prochaines années, c’est l’avenir de l’humanité qui se joue! La Planète étuve se matérialise présentement à un rythme accéléré,  jamais prévu par le recherche scientifique! Les prévisions les plus pessimistes sont à nos portes… Rien de moins….

Que doit-on faire au Québec?  C’est simple. Le point de départ de tout, c’est de cesser tout investissement public et bloquer les projets conduisant à des émissions supplémentaires de Gaz à effets de serre (GES).  En ces jours de chaos climatique planétaire, faire le contraire devient un comportement déviant. Les nouveaux projets carbonifères risquent de neutraliser tous nos efforts de réduction des émissions. La nouvelle administration Legault semble bien silencieuse à ce niveau. Le sujet est délicats et on le voit, les promoteurs d’hydrocarbures sont aux abois, et utilisent les arguments du passé pour vendre de nouveaux projets. Entre autre, le projet de gaz naturel liquéfié de Énergie Saguenay (tuyau et usine de Transcanada disons); promet de consommer notre hydro-électricité pour la liquéfaction du gaz de schiste pour verdir son image; favoriser la combustion du gaz, pour réduire les émissions…Ils auront à juste titre une opposition citoyenne déterminée sur leur chemin!

Poursuivre dans cette voie industrielle est un comportement suicidaire, voir même criminel face aux générations futures.

Centrale hydroélectrique de Magog

Toujours en termes de priorités, en second lieu, nous devons prioriser les actions les plus efficaces.  En haut de la liste il doit y avoir le très strict contrôle des halo-carbures. Ce sont les réfrigérants que l’on retrouve dans tous les systèmes refroidissant; de la glacière, à votre humidificateur;  de votre congélateur, à votre réfrigérateur.  Ce sont des gaz refroidissant et de surpuissants facteurs d’accroissement de l’effet de serre.  Les petits gestes symboliques et les initiatives d’incitation annoncées ne suffisent plus. On ne doit pas non-plus que traiter les halo-carbures industriels.  Dans toutes les municipalités du Québec, tous ces produits refroidissant doivent immédiatement être considérés comme des « déchets dangereux ». Ils doivent être traités comme tel avec rigueur et supervision étroite, ces gaz doivent être récupérés et traités sous stricte supervision.  La récupération doit devenir universelle et tous les paliers de gouvernements doivent s’y  investir. Ne pas le faire c’est omettre l’action qui constitue la précaution la plus élémentaire, la plus facile et efficace en termes de contrôle de l’effet de serre!

Il est aussi urgent pour les dirigeants de proximité de régler le cas de l’enfouissement des déchets organiques compostable. Les émissions de ce type de méthane doivent de façon urgente être neutralisées.  Toutes les matières organiques doivent être récupérées et traitées de façon sécuritaire. Elles doivent être soit compostées à proximité des lieux de production ou bio-méthanisées; et la même logique doit s’appliquer aux déjections animales.   En ce sens, la production annuelle, en serres, de produits maraîcher, peut devenir une composante importante d’une gestion cyclique des déchets.  L’actuel enfouissement de ces substances mène à la production d’importants volumes de méthane, un autre puissant facteur d’amplification de l’effet de serre.  Pourtant, ces gaz sont aussi des combustibles d’appoint, et ces gaz sont beaucoup moins dommageables une fois brûlés.  Puisque la production maraîchère de proximité est une voie efficace de réduction du transport routier, la production en serre pourrait devenir une voie pour annualiser l’approvisionnement et brûler le méthane inévitable.

C’est avec ces considérations en tête qu’on réalise que les gouvernements centraux ne pourront pas, à eux seuls mettre en œuvre ces mesures. La transformation rapide que nous impose l’urgence climatique impose une mobilisation générale. L’action rapide dépendra d’une large mobilisation des citoyens; et de la coopération active et rapide des gouvernements municipaux et régionaux, au Québec, les MRCs.  A ces fins, nous devons revoir rapidement le mode de financement des instances municipales afin que la mobilisation des ressources soit optimale face à la menace. Les pouvoirs de proximité et leurs communautés doivent entrer activement dans la lutte au chaos climatique, de ce fait l’électrification doit devenir le cœur de leur fonction. C’est à ce stade que nous devons mobiliser le puissant levier de changement qui est entre nos mains, soit notre société d ‘État Hydro-Québec. Ce puissant actif économique et technologique devient le levier privilégié du Québec pour lutter contre cette Crise environnementale mondiale.

Révolution chez Hydro-Québec.

On ne peut pas s’attaquer à la crise climatique avec des demi-mesures, et nous avons un rôle important à jouer.  Le gouvernement Legault a réalisé que le Québec comme important producteur d’électricité pouvait placer ses pions sur l’échiquier énergétique de l’Amérique du Nord, c’est un rôle majeur. Les promoteurs d’hydrocarbures nous rappellent continuellement que nous somme une terre de convoitise pour le transit des combustibles fossiles du Canada gazier et pétrolier. On ne doit pas oublier que le Québec est aussi, avec son territoire boisé un vaste puits de carbone forestier à restaurer. Puis comme le comprends le Premier Ministre, comme net importateur d’énergie fossiles, le Québec ne peut que s’enrichir en réduisant les importations. Bref les actions du Québec, sont des facteurs importants de l’équation mondiale du climat. Les promoteurs de la combustion prétendent le contraire, on est ici dans la mauvaise foi.

Le phénomène le plus curieux présentement c’est que Hydro-Québec, sauf lorsqu’il est question de l’exportation de l’hydro-électricité est absente de l’équation. On parle pourtant d’électrification, des groupes de travail ont été mis sur pied par le Ministre de l’Environnement. Le privé y est présent, mais pas la Société d’État. N’en déplaise à plusieurs, notre Société d’État est la carte maîtresse pour mettre en œuvre des solutions.   Il est nécessaire et urgent de mettre à contribution son expertise et ses ressources. Ses employés ont l’habitude des situations d’urgences. Cette réalité fait partie de la culture de l’organisation.  Jamais nous n’aurons autant eu autant besoin de la capacité de mobilisation de ce joyau de notre économie que présentement.

La Société d’État doit rapidement se replier sur ce qu’elle fait de mieux. Elle ne doit plus sombrer dans les réflexes du passé et aspirer à construire de nouveaux ouvrages d’envergure. Elle doit continuer à produire sur les bases existantes, et transporter, et comme l’a compris François Legault exporter l’hydro électricité. Cette action permettra aux voisins acheteurs de cesser d’émettre des GES en brulant du charbon, du mazout et du gaz. Ce rôle est essentiel et doit être la façon d’utiliser une portion importante des surplus électriques actuels.

On doit profiter de la crise pour consolider notre joyau national. On doit étendre les ramifications d’Hydro-Québec sur l’étendue du territoire. Nos MRCs et municipalités doivent impérieusement devenir des actionnaires de la société d’État.  Ils doivent bénéficier directement des retombées économiques du grand virage nécessaire vers l’électrification, surtout en ce qui concerne l’opération efficace des réseaux locaux. De plus, lorsque l’on considère l’urgence climatique, on est pleinement justifié d’utiliser le fonds des générations pour financer une gamme d’initiatives de transition énergétiques gérées par les autorités locales (ex: transport en commun, électrification du chauffage des bâtiments publics, leur ajouter des bornes de recharge …).

La beauté de la chose, c’est qu’il n’y a à peu près rien à changer dans la structure actuelle du réseau de distribution de la société; tout est déjà en place puisque près d’une cinquantaine de réseaux locaux ont déjà existés et ont été intégrés depuis la nationalisation à Hydro-Québec. De surcroit, les technologies de pointe en gestion intelligente des micro-réseaux sont en cours de développement. Ces technologies pourront rapidement contribuer à opérer de façon optimale l’approvisionnement résidentiel, et rentabiliser les opérations régionales. L’efficacité énergétique locale doit dorénavant se réaliser au bénéfice d’entités régionales, publiques et autonomes. Si le politique le désire, tout est en place pour que nos MRC et municipalités deviennent des acteurs dynamiques et intéressés par le complexe exercice  d’électrification rapide de notre consommation énergétique qui s’impose.

N’en déplaise au Premier Ministre, les intérêts privés doivent être exclus de cet exercice. Nous sommes dorénavant face à des enjeux de santé publique, de sécurité civile et même de sécurité nationale. La lutte au chaos climatique ne doit pas se transformer en « machine à piasses rapides» pour des individus et affairistes. Hydro-Québec doit coordonner l’effort d’électrification de la province. Grâce à un véritable actionnariat public la Société doit s’adjoindre les énergies, la connaissance et les ressources de toutes les communautés régionales. Outre les efforts du gouvernement central dans le transport collectif, ce sont nos régions qui deviendront les maîtres d’œuvre de l’électrification et de l’accroissement de l’efficacité énergétique sur l’étendue du territoire québécois.

Déjà les municipalités et MRCs du Québec possèdent certains actifs de la société d’état. Les lignes et pylônes traversent souvent de vastes étendues de leur territoire, sans que la société d’État ne leur verse de redevances récurrentes.  Par ce simple fait, à l’aube de 2020, les pouvoirs publics devraient être considérés comme propriétaire à 50 % des installations de distribution électrique du Québec. Les réseaux de transport et distribution existants utilisent des droits de passages gratuits sur les espaces publics depuis des décennies maintenant, ce sont des actifs qui doivent dorénavant leur être crédités. Ce levier d’actionnariat doit devenir le vecteur d’un virage vers un développement électrique accéléré.  La co-gestion de l’hydro-électricité et de l’électrification rapide de la consommation sont les voies vers une plus grande autonomie financière régionale des communautés. Les municipalités concertées via les MRCs doivent donc être considérées « de facto » comme des actionnaires d’Hydro-Québec, et commencer à recevoir les redevances qui s’imposent. La totalité des bénéfices à l’État Québecois, et le financement indirect des pouvoirs publics par l’État est un modèle qui n’est plus adaptée à la réalité présente.

Le développement énergétique au Québec ne doit plus se définir en vase clos entre les hauts dirigeants de la société d’État et les politiciens provinciaux élus. On ne doit plus penser en termes de méga-projets, produisant un maximum de puissance et acheminant des centaines de milliers de kilowatts d’énergie sur plusieurs centaines de kilomètres. Ce modèle de développement est celui du passé.  Il fut appliqué dans un modèle économique révolu au service de multinationales énergivores, bénéficiant de tarifs préférentiels secrets sans souci pour le meilleur intérêt à long terme de ses propriétaires, les québécois. C’est précisément ce modèle de service public comme levier des profits privés qui nous a mené dans le cul-de-sac écologique que nous vivons.  Pour réussir le virage vers l’électrification, l’enjeu doit devenir l’affaire de la société entière impliquant tous nos dirigeants, et surtout l’affaire de nos pouvoirs de proximité. Nos dirigeants locaux doivent agir!

Nous devons redéfinir et moderniser le développement de notre principale richesse naturelle qu’est l’hydro-électricité. On doit parler d’optimisation tout azimut, soit : le développement des micro-productions et leur gestion efficiente, l’implantation de mécanismes de micro-échanges entre clients, la mise en place de mécanismes de stockage locaux et de l’électrification optimale d’une multitude d’activités dont en priorité le transport et la production alimentaire.  Ces actions doivent être entreprises au bénéfice immédiat des multiples communautés qui occupent le territoire québécois. C’est la seule voie pour prendre le virage d’une transition rapide vers l’électricité.  L’ère des bouleversements climatiques sonne le glas de la surproduction et en vue d’une transformation infinie des biens. Nous avons atteint la capacité de notre biosphère, et la nouvelle réalité qui s’impose à nous, est la saine gestion des ressources, la production de proximité et une efficacité accrue.  A terme, nous parlons de préparer la fin de la combustion.

Public et misant sur des réseaux locaux.

Au Québec, la production hydro-électrique doit rester propriété des citoyens. Les bénéfices issus de l’optimisation du secteur résidentiel doivent être localisés de façon à stimuler les efforts d’électrification partout.  Les réseaux locaux doivent devenir intelligents, et être gérés en collaboration étroite avec les communautés.   Nous sommes face à des défis colossaux, une importante transformation organisationnelle s’impose. C’est d’une « révolution tranquille » version 2.0 que nous avons besoin.

Voici pour simplifier les choses et à titre d’exemple un « plan de match » théorique. Hydro-Québec doit accélérer l’implantation de réseaux locaux intelligents sur l’étendue du territoire québécois. Le but à terme est que chacune des 100 municipalités régionales de comtés (MRCs) de la province devienne actionnaire d’Hydro-Québec, participe à une co-gestion à actionnariat égal de son ou de ses réseaux locaux de redistribution aux petits consommateurs. Peu de québécois en sont conscients mais le modèle existe présentement et malgré de le dictat de Hydro-Québec, est bien vivant au Québec. Nous savons que depuis la Révolution tranquille, la quasi-totalité de l’électricité produite et consommée au Québec est fournie par la société d’État Hydro-Québec. Depuis la nationalisation, seules quelques centrales privées et une dizaine de fournisseurs municipaux sont restés indépendants. Graduellement, incapable de survivres aux conditions imposées par Hydro-Québec, ces petits réseaux ont été intégrés à la Société d’État. Ce qui en surprend plusieurs, c’est qu’encore aujourd’hui, heureusement, on compte en tout 10 fournisseurs d’électricité municipaux et coopératifs au Québec :

Coop de Saint-Jean-Baptiste de Rouville

Service de l’électricité de la Ville d’Alma

Service de l’électricité de la Ville d’Amos

Service électrique de Baie-Comeau

Hydro-Coaticook

Hydro-Joliette

Hydro-Jonquière (Saguenay)

Hydro-Magog

Hydro-Sherbrooke

Hydro-Westmount

Ainsi les dirigeants locaux ont encore des modèles. Ils peuvent apprendre de l’expérience acquise et peuvent avec le chemin parcouru et les connaissances actuelles redevenir des acteurs clés dans l’électrification, dans la mesure où Hydro-Québec créera des conditions dont ils bénéficieront directement. Au même titre qu’il existe présentement des Hydro-Sherbrooke et des Hydro-Westmount; nous verrions apparaître disons des «Électro-DesMoulins », « Électro-Laurentides », «Électro-Laval » ou « Électro-Appalaches ».  Hydro-Québec s’adjoint ainsi des partenaires publics locaux sur l’étendue du territoire intéressés à l’électrification. Une alliance rapide avec l’Association des redistributeurs d’électricité du Québec s’impose afin de définir les modalités d’actionnariat entre les réseaux régionaux et Hydro-Québec et de collaboration. Comme actionnaires importants et motivés par l’efficience, ces réseaux deviendront les vecteurs principaux du virage. Nous sommes donc face à l’émergence un tout nouveau Pacte Fiscal au Québec.

La société d’État se greffera ainsi un vaste réseau de ressources branchées sur les besoin précis des milieux. Ces sociétés auront comme mandat d’opérer avec un maximum d’efficacité des micro-réseaux électriques intelligents au service des citoyens des municipalités. Les instances régionales collecteraient les revenus générés par la consommation résidentielle et la consommation commerciale de faible intensité.  L’exportation, le transport, les grands consommateurs et les projets d’envergures impliquant de grands consommateurs comme les centres de traitement de données resteraient les responsabilités de la société d’État.

En fait, la gestion des énergies deviendrait un enjeu municipal et inter-municipal. Chacun des micro-réseaux sur un territoire donné, aurait la responsabilité de gérer ses actifs.  Nous parlons ici des actifs de production, de distribution, d’échange à basse intensité, de stockage, d’échange avec les micro-réseaux voisins;  bref on parle d’efficience énergétique régionale. Les municipalités et MRCs, pour optimiser leurs revenus auraient tout avantage à stimuler le développement des solutions électriques, à optimiser leur capacité de production, à accroître l’efficacité de leur communauté et à convertir un maximum de formes de combustion énergétiques vers l’électricité. On peut très bien voir la gestion des réseaux locaux assister la société d’état pour faire face aux périodes de pointe en posant des micro gestes comme interrompre les chauffe-eau à distance, avoir des autos électriques branchées qui alimentent la maison pendant un très court moment en pointe et qui se rechargent ensuite, ou une modulation des tarifs domestique selon la pointe (à très petite échelle). On voit poindre ici de multiples façons d’accroître l’efficacité et de générer de nouveaux revenus.

On parle d’une véritable réorganisation de la production énergétique en transformant un maximum d’instances en des acteurs motivés. Une telle réforme implique des changements dans l’organisation de la production à petite échelle.  Il sera essentiel de procéder au transfert vers une propriété public de la totalité des infrastructures de production non fossiles et renouvelables en opération sur le territoire. La totalité des mini-barrages deviendront propriété publique, car on ne peut privatiser une ressource comme l’eau ou une rivière. Les infrastructures de biométhanisation comme clé de la gestion des déchets seraient elles aussi publique. Des services communautaires de géothermie, la captation des gaz enfouis, les parcs de production par éoliennes, la production solaire et les autres formes de micro-production seraient des enjeux régionaux. On parle ici d’une véritable consolidation publique de la ressource dans toutes ses nuances, une poursuite de la nationalisation au bénéfice des régions et de valorisation des actifs de production énergétique renouvelables.

Hydro-Québec, grâce à son expertise jouera un rôle majeur dans cette réorganisation. La mise en fonction de micro-réseaux faciles à opérer par les instances régionales s’imposera. Une infrastructure de gestion numérique à la fine pointe des technologies doit voir le jour, afin de gérer la production, le stockage et les flots électriques locaux.  La mise en  fonction de cette gestion locale nécessitera l’implantation d’équipements locaux d’échange entre les consommateurs résidentiels, la mise en opération des micro-réseaux intelligents, la planification des échanges énergétiques de micro-réseau à micro-réseau, le déploiement de technologies de stockage efficace des énergies de proximité, la popularisation de nouvelles technologies d’efficacité. A titre de consultant expert et grâce à ces structures de recherche, la Société d’État guidera les autorités régionales dans les orientations et les choix opérationnels. Ces secteurs sont autant de champs où l’expertise de la Société sera requise. Plus le réseau local accroît son efficacité et sa capacité de production à petite échelle, plus il se nourrit de petites productions issues d’initiatives citoyennes, plus il transige avec les micro-réseaux voisins, plus il réduit ses achats au réseau centrale d’Hydro-Québec; et plus il génère de bénéfices. Les leviers de revenus pour les municipalités et les autorités régionales deviennent multiples.

Plus ces micro-réseaux accroissent la conversion des formes énergétiques combustibles vers l’électricité (résidentiel, petits commerce, transport individuel et commercial, production alimentaire en serres….); plus l’entité publique régionale empoche des bénéfices. Hydro-Québec assure la puissance d’appoint et l’approvisionnement des gros consommateurs industriels et commerciaux des régions.

Mettre en action le plus grand nombre d’acteur possible.

Pour faire face à l’Urgence Climatique, nous devons effectivement envisager d’imposants chantiers!  Ainsi les gouvernements de proximité sont activement sollicités à participer à la conversion du Québec aux énergies renouvelables.

Les MRCs et municipalités deviennent des contributeurs actifs et intéressés à l’élimination des formes de combustion et à la lutte aux émissions de gaz à effet de serre.  La nécessité de restreindre les formes de combustion en électrifiant les modes de transport est reconnue comme prioritaire et  doit s’accélérer; les autorités locales y verront une urgence financière. Une mise à contribution active des dirigeants de proximité s’impose.

La forte tendance des promoteurs d’hydrocarbures, à effectuer un lobby actif auprès des pouvoirs locaux pour vendre des projets de combustion doit cesser. Nous n’avons plus besoin de nouvelles conduites de gaz et de pétrole qui traverse, pelletant les risques aux autorités régionales et n’offrant aucun bénéfice les communautés.   Les projets visant à acheminer les combustibles au plus gros volume possible, et au plus faible coût doivent cesser!  Il tout aussi est aberrant de voir les promoteurs solliciter les investissements de Fonds publics via les grands Fonds de travailleurs ou les actifs de pension, pour de nouveaux méga projets d’infrastructures de transport de combustibles. Ces infrastructures fossiles qui transitent par les communautés forçant la gestion du risque et ne versant des bénéfices aux actionnaires sont des nuisances publiques. Du pure parasitisme économique, les risques de ces projets sont assumés par les contribuables, et les bénéfices sont en pochés par les actionnaires.  La promotion de la combustion doit devenir incompatible, et même en opposition à la mission des municipalités qui doit assurer le bien-être, ou le bien vivre des citoyens.

La décentralisation des bénéfices générés par l’hydro-électricité est devenue une nécessité.  Depuis longtemps les municipalités revendiquent de nouvelles sources de revenus. La taxation foncière basée essentiellement sur la multiplication des propriétés et la valeur foncière des terrains est devenu incompatible avec les nouveaux impératifs du développement urbain. A l’ère du chaos climatique, l’étalement urbain et la déforestation doivent cesser. Plus les revenus municipaux dépendront de l’efficacité énergétique, plus vite le virage nécessaire vers l’électrification se fera. De toutes évidences, il est ici question de transformations profondes nécessaires pour faire face aux défis du climat.

Cette transformation profonde renforce le caractère public de la ressource. La mission d’Hydro-Québec est ajustée pour bénéficier à tous, et l’hydro-électricité serait voué à prendre une plus grande place dans l’organisation et le développement de la société québécoise. Chacune des régions hériterait d’une portion de cet actif publique. Ainsi le développement de bio-digesteurs de matière organique pour la production de méthane, l’installation de bornes électriques et l’accroissement du parc de véhicules électriques seraient des transformations à l’avantage des municipalités. Chaque geste coupant les coûts et augmentant l’utilisation générera des revenus. Cette révision de la mission des instances de pouvoir municipales deviendrait un puissant moteur de développement économique permettant l’accélération des projets de transport en commun électrifiés et même la production maraîchère en serres locale et à l’année.

Normand Beaudet
Normand Beaudet est membre fondateur du Centre de ressources sur la non-violence, responsable des communications pour la Déclaration d’urgence climatique.
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La révolution du 22 février 2019 : Archéologie et prospective

août 18th, 2019 by Chems Eddine Chitour

Les foules sont régies par une «unité mentale» et «une âme collective», transitoires, qui fusionnent et orientent tous les individus dans la même direction». Docteur Gustave Lebon 

25e vendredi de suite : le peuple continue à protester en réclamant toujours la liberté. Nous vivons, depuis le 22 février 2019, une époque exceptionnelle en ce sens que la parole est libérée, le mur de la peur s’est fissuré. Cela rappelle les quelques mois qui ont suivi Octobre 1988, où l’exubérance des idées et l’atmosphère soixante-huitarde donnaient l’illusion à l’Algérienne et à l’Algérien, frondeurs de naissance, que nous étions définitivement libres. Cruelle erreur, s’il en est ! Nous avons alors mis le cap inexorablement sur l’irrationnel et nous en avons pris pour 10 ans. 

Nous en avons pris, ensuite, pour 20 ans de hogra  ( mépris)  et de rapine avec le système précédent. Même peuple plus nombreux de 13 millions avec une composante plus jeune, même système, mêmes méthodes, sauf que, cette fois-ci, l’internet et les réseaux sociaux sont d’un apport indéniable pour le meilleur et pour le pire… Vint le miracle du 22 février, le mur de la peur se fissure. Nous allons rendre à César ce qui appartient à César en tentant de montrer comment la «spontanéité» des mouvements se fabrique sur un terreau favorable.

Les études sur la psychologie des foules 

On sait que les stratégies des officines occidentales est de faire ou de défaire des Etats en s’appuyant sur tout un tas d’instruments. En fait, nous allons montrer que le 22 février 2019 n’est pas une singularité. Si on devait faire l’archéologie de ce mouvement, en apparence spontané, il faut avoir en tête les études sur la psychologie des foules. L’étude suivante qui nous paraît répondre à beaucoup de questions mérite d’être résumée dans ces grandes lignes, elle relate les travaux du docteur Gustave Lebon qui décrivait déjà en 1895 ce phénomène panurgien. Nous en lisons quelques extraits :

«Pour Le Bon, le moteur de l’Histoire, c’est principalement les idées des peuples. (…) Nous sommes, écrit Le Bon en 1895, arrivés à un de ces moments-clés. La destruction des croyances religieuses, combinée avec l’émergence de nouvelles technologies, va entraîner une mutation dans le mental collectif. (…) Les sociétés qui émergeront du chaos, écrit Le Bon, devront compter avec une puissance à son époque nouvelle : les foules. (…) Peu aptes au raisonnement, les foules sont en revanche très capables d’action. Leur pensée simple adhère à des dogmes idéologiques qui prendront très vite le même caractère contraignant que les anciennes croyances religieuses.»(1) 

«Le Bon se méfie de ce nouveau pouvoir des foules. (…) Les foules n’ont de pouvoir que pour détruire. (…) Il existe, cependant, une mesure de prévention possible : que le pouvoir connaisse la psychologie des foules, afin de pouvoir les manipuler au lieu de se laisser mener par elles. C’est que les foules sont incapables d’avoir des opinions quelconques, en dehors de celles qui leur sont suggérées. Les foules ne fonctionnent qu’à l’instinct, en fonction de l’émotion. C’est à leur cœur et à leurs tripes qu’il faut parler : alors, si leurs instincts ont été correctement manipulés, elles iront spontanément dans le sens voulu par le système de pensée du prince. D’où l’intérêt d’une psychologie des foules.»(1) 

C’est globalement le mode opératoire que nous constatons, l’individu s’efface au profit du collectif avec des idées simples. Le Bon formule la loi de l’unité mentale des foules. Dans certaines conditions, une grande masse d’individus réunis se coalise pour former un bloc, par l’évanouissement de la personnalité consciente des individus constitutifs.

Les caractères généraux des foules en action 

Pour le docteur Gustave Lebon, «une foule psychologique fait toujours muter les esprits individuels qui la composent ; cette mutation est induite par la mise en avant de ce qui est commun aux individus, c’est-à-dire leur inconscient collectif – les hommes d’une même race diffèrent par leur intellect mais pas par le substrat identitaire dont ils sont imprégnés. Une foule psychologique est parcourue de phénomènes de contagion mentale. Une foule psychologique révèle la profonde suggestibilité des individus. Elle fascine ceux qui en font partie, au point que leur esprit cesse de se percevoir lui-même comme autonome à l’égard du collectif».(1)

Il ajoute qu’il est en revanche difficile de contrôler les conséquences des manipulations, parce que l’esprit des foules est très mobile. Il est donc à la fois facile et dangereux de manipuler la foule, d’autant qu’elle supporte mal l’existence d’un obstacle entre son désir et l’objet de son désir. C’est un enfant capricieux. Il faut donc manipuler les foules, mais attention, on doit bien connaître leur mode d’emploi ! Ce mode d’emploi, Le Bon le dessine dans ses grandes lignes.

«Les foules, nous dit Le Bon, sont crédules. Il suffit de faire percevoir à une partie d’une foule les faits sous un certain angle pour que toute la foule adopte cet angle (…) Dans ces conditions, il est conseillé de manipuler les foules en leur proposant des idées simples, voire simplistes. Il ne faut pas leur demander de soutenir une réflexion approfondie : elles en sont incapables. Ce qu’elles demandent, ce sont des mots d’ordre. C’est pourquoi il est non seulement contre-productif, mais même dangereux d’argumenter rationnellement devant une foule. La foule croit avec passion, elle ne supporte pas la contradiction, et peut se montrer violente envers quiconque déstabilise son socle de croyances naïves.»(1) 

Le magique et l’irrationnel comme mot d’ordre 

Ce que nous appelons l’irrationnel et le magique fait que la psychologie des foules est celle d’un enfant de six ans. Gustave Lebon en parle :

«La foule va plus particulièrement se focaliser sur des détails merveilleux. Comme un enfant, elle ne retiendra d’un discours que les deux ou trois images qui auront frappé son imagination immature (…)» Au fond, Le Bon est convaincu que la foule ne peut raisonner qu’en termes religieux. La philosophie lui est inaccessible, la science lui reste hermétique. Ne pouvant critiquer, la foule ne sait qu’adorer. Il lui faut un être supérieur à qui se soumettre. Et par nature, de ce fait, la foule est fanatique : quand on ignore la critique et aime à se soumettre à un discours simple, on est condamné au fanatisme. C’est toujours le sentiment religieux qui permet de mobiliser la foule, de lui impulser une direction donnée. Pour Le Bon, «l’Histoire est faite par les personnalités qui parviennent à modifier le mental des foules dans des dynamiques religieuses.»(1)

Comme écrit Ali Nejmi, détaillant l’étude de Lebon,

«Gustave Le Bon soutient que les foules développent ces caractères spéciaux à travers trois états psychologiques : l’irresponsabilité, la contagion et la suggestibilité. Le sentiment d’irresponsabilité domine les foules : l’appartenance à une foule anesthésie les inhibitions et confère à l’individu un sentiment de ‘‘puissance invincible’’. La contagion se réfère à la propension des individus dans une foule à suivre, indiscutablement, les idées prédominantes et à être galvanisés par l’émotion commune : l’intérêt collectif se substitue à l’intérêt individuel. La suggestibilité caractérise la tendance à transformer immédiatement en actes les idées suggérées, la foule étant en état d’‘‘attention expectante’’, tel un hypnotisé. Cet état dérive d’une âme archaïque inconsciente et, de surcroît, de nature primitive. La conscience s’évanouit et les facultés intellectuelles s’y retrouvent fortement annihilées».(2) 

«Les foules veulent les choses avec frénésie, elles ne les veulent pas bien longtemps. ‘‘Elles sont aussi incapables de volonté durable que de pensée’’. Dans ses états de frénésie, une foule suggestionnée par des idées de meurtre et de pillage cède à la tentation. Dépourvues de tout esprit critique, les foules ne peuvent que manifester une crédulité extrême. La perception et l’observation des évènements sont elles aussi altérées : rien n’est trop invraisemblable pour une foule. Ce sont les héros légendaires, et pas du tout les héros réels, qui ont impressionné l’âme des foules. La simplicité et l’exagération sont les deux traits de caractère communs à toutes les foules. Intolérance, autoritarisme et conservatisme des foules, les foules possèdent un esprit binaire qui accepte les croyances en bloc comme vérités absolues ou les rejette comme erreurs non moins absolues.»(2) 

«Leur respect fétichiste pour les traditions est absolu, leur horreur inconsciente de toutes les nouveautés capables de changer leurs conditions réelles d’existence est tout à fait profonde. Pour être acceptée par la foule, une idée doit être simple, très mal définie, absolue et prendre une forme d’image nette et impressionnant l’imaginaire collectif. Celles-ci sont enclines par nature à n’être influencées que par les images les plus intenses, les plus saisissantes et les plus invraisemblables. Chez une foule, les mots n’ont pas de signification réelle en dehors des vives images qu’ils suscitent et évoquent dans l’imagination collective.»(2)

Les haut-parleurs idéologiques 

Qu’en est-il des meneurs des foules qui doivent être bien «choisis» ?

«Qui sait les illusionner est aisément leur maître ; qui tente de les désillusionner est toujours leur victime. La constitution mentale rudimentaire des foules les dispense de toute forme de raisonnement logique. L’irritabilité et l’impulsivité caractérisant la dynamique des foules les rendent incapables d’autodiscipline, chaotiques et anarchiques sans un «leader» fédérateur personnifiant les idées et les aspirations du groupe. Pour discréditer un homme politique auprès de l’opinion publique, il n’y a pas mieux que le lynchage médiatique où les mêmes propos diabolisants sont reproduits inlassablement.» (2) 

«Une foule adore facilement un maître rude, qui lui propose une vision du monde simple et cruelle. Toujours prête à se révolter contre une autorité faible, même juste, la foule se courbe devant une autorité forte, même injuste. La foule est un géant à l’âme enfantine, qui se cherche un maître pour le conduire. Pour diriger les foules dans la direction voulue, il faut des meneurs de foule qui leur parlent leur langage.» Lebon ajoute que «l’instrument essentiel du conditionnement des foules, c’est l’image. Il faut détecter les idoles que la foule peut adopter, et les utiliser pour la conduire. (…) Tout l’art de conduire la foule est de glisser le contenu-message dans le contenant-image, sans altérer l’image que la foule adore, et donc si possible en faisant du contenant le contenu. Il prône l’usage de l’illusion, comme moyen de parler au cœur de la foule, et dénonce la Raison comme inopérante dans la conduite des masses (…) C’est pourquoi le meneur ne démontre pas, il affirme. Il n’approfondit pas, il répète. Il ne persuade pas, il contamine. Sa capacité d’influence ne résulte pas de son discours lui-même, mais du prestige dont il se pare.» (1) (2)

Les révolutions sur commande   et le PNAC 

Si nous acceptons les analyses suivantes sur le comportement psychologique des foules avec certaines fois en cas de dérapage, un comportement de meutes, ce qui nous intéresse est de savoir pourquoi, le 22 février, le déclenchement a pris une nouvelle dimension massive et ordonnée. Plusieurs facteurs peuvent être invoqués. Cette Révolution Tranquille que d’aucuns appellent ‘‘Hirak’’, un mot qui a jailli du néant pas forcément innocent, a été pensée — la méthode étant connue depuis plus d’un siècle (nazisme, fascisme…) par les architectes de l’ordre global sous gouverne de l’empire américain. 

On peut même soupçonner Solidarnosc d’avoir instrumenté les foules aidé notamment en dehors du haut-parleur idéologique que fut Lech Walesa par le pape qui a donné le la, le signe du déclenchement en martelant la fameuse phrase «N’ayez pas peur…» Début de la fin pour l’empire soviétique attaqué de toutes parts par des peuples au nom de la liberté, avec le point d’orgue, la chute télévisée, voire préparée du mur de Berlin. Dans le même ordre récemment, les méthodes de Daech utilisent le même modus operandi. 

En fait, on peut se poser la question : Pourquoi tout cela ? Tout est parti des cerveaux des idéologues du Pentagone. Parallèlement, les problèmes énergétiques devenaient stratégiques pour l’indépendance américaine. C’est là qu’intervient le choc des civilisations théorisé par Samuel Huntington. C’était aussi la fin de l’Histoire comme le martelait Francis Fukuyama, l’idéologue du Pentagone. Avec la chute de l’empire soviétique, la fin de la guerre froide, il fallait entretenir la flamme de l’hyper-puissance américaine, selon le bon mot d’Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères. George Bush Sr, dans son discours en 1991, après avoir chassé Saddam Hussein du Koweït, annonçait un Nouvel Ordre international sous gouverne américain. Les Etats-Unis avec leur doctrine du PNAC (Program for New American Century) ont pour ambition de redessiner le monde à leur idée. 

Après les attaques du WTC en septembre 2001, il fallait pour l’empire redessiner le monde, il fallait un nouvel adversaire pour l’empire, maintenant que l’URSS était terrassée. Le Satan de rechange de l’empire du mal (l’URSS) tombait du ciel. Ce sera l’Islam pour l’empire avec les révolutions colorées en Europe (Ukraine avec le Maidan, Géorgie..) et ce sera le MEPI au Moyen-Orient. C’est donc coup double  s’emparer des richesses pétrolières en mettant en avant les libertés et la démocratie même aéroportée au besoin.

La leçon bien apprise par les «architectes» des révolutions  sur commande

Nous avons alors par homothétie un certain nombre de recettes sur la façon de conduire l’imaginaire des foules tout comme le recommande Gene Sharp, décrit lui-même comme un expert américain de la révolution non violente, dans son ouvrage De la dictature à la démocratie. Depuis un demi-siècle, de nombreuses révolutions pacifiques contre des dictatures ont abouti, comme en Pologne, au Kosovo ou encore en Serbie. Pour lui, l’échec provient souvent d’actions désordonnées, d’une insuffisance de préparation pour rendre la lutte efficace, d’une sous-estimation de l’adversaire. Pour lui, la lutte non violente a permis de résoudre un nombre important de graves conflits. Elle est venue à bout des plus grandes puissances militaires. Une population écrasée par la violence d’une dictature, d’une oppression ou d’une agression, se redresse et se met en marche avec une incroyable détermination. Pourtant, il ne suffit pas de descendre dans la rue par millions : la clé de la réussite, c’est aussi la stratégie, un exercice de haut vol qui ne s’improvise pas.

Le Printemps arabe et la mainmise sur le pétrole 

Les peuples  dits arabes mal gouvernés tenus par une main de maitre ont éprouvé comme tout peuple le désir de vivre libres d’êtres acteurs de leurs destins. Les indépendances formelles qu’ils ont eus sont en réalité, un changement de tutelle. Les présidents rois ou émirs sont en fait les meilleurs serviteurs de l’ordre impérial et de ses vassaux européens. Cependant ma mise en  place du Nouvel Ordre  dont la finalité première est l’accaparement définitif des richesses pétrolières et gazières commandait de changer de personnel politique en  donnant l’illusion aux peuples qu’ils seraient les acteurs de leurs destins ; Pour cela la démocratie les droits de l’homme, le droit d’ingérence voire le devoir d’ingérence sont autant de mot d’ordre pour légitimer le nouvel ordre 

Le terreau était  propice , mis à part les pays du Golfe, intouchables du fait que depuis  l’entrevue du roi Ibn Saoud et le président Roosevelt sur le croiseur Quincy, les Etats-Unis sont sous le parapluie américain, le deal est que les Etats-Unis ne manqueront jamais de pétrole, c’est dire si l’Opep faire-valoir, la seule organisation qui reste après la débâcle de toutes les organisations internationales tiers-mondistes et dont la mission est de dociliser les pays de l’Opep sous la gouverne de l’Arabie Saoudite, chef de file, aussi des potentats avec des sabres nains mais avec des comptes en banque bien garnis.

Restent les récalcitrants : ce sera d’abord l’Irak que George Bush a rendu comme il l’a promis à l’âge de pierre.  Depuis plus de quinze ans, Saddam Hussein a été pendu, le pétrole coule toujours mais il n’y a toujours pas de Constitution, il en sera de même de la Libye, là c’est la France et le Royaume-Uni qui sont les architectes du chaos. Résultat des courses : Kadhafi a été lynché mais la Libye, depuis huit ans, est ouverte à tous les vents de la partition entretenue par les puissances  dans l’attente le pétrole coule toujours sans problème majeur 

La Syrie a suivi le même scénario des révoltes populaires visant un changement voulu par l’Occident. Elle été sauvée d’une tentative d’émiettement. Toutes les forces ont été jetées dans la bataille en vain et ceci grâce à un acteur nouveau, la Russie, qui a grippé la machine de l’Occident et de ses vassaux quant à un nouveau redécoupage. La situation n’est pas stabilisée pour autant mais à partir de la bataille d’Alep, les choses ont changé par la Russie.

L’Égypte a connu une solution radicale, le pouvoir en place n’a rien à voir avec les espérances de Place Tahrir, mais il convient à l’Occident. 

Quant à la Tunisie, sa position modeste dans le monde jointe à l’intelligence de ses dirigeants fait que la tempête post-Ben Ali a été maîtrisée et pour l’Occident c’est la vitrine arabe de la démocratie, mais cela ne règle pas pour autant les causes pour lesquelles Bouazizi s’est immolé et qui sont toujours là : un chômage important et des migrants.  Le Yémen est en train de payer depuis quatre ans son  désir d’indépendance et de choix de société sous l’œil  complice de l’Occident ( France, Royaume Uni)  qui fournit en armes  le roi  d’Arabie Saoudite qui  met en place une coalition d’opérette  se veut un nouveau  Schwarzkopf  Quant au Maroc, il y a bien longtemps que sa situation a été stabilisée, il fait partie de la chasse gardée de l’Occident, le peuple ne compte pas, il n’y a pas de citoyens, il y a des sujets qui dépendent du bon vouloir du roi.

Les « révolutions  sur commande » que l’Algérie a surmontées 

C’est dans ce cadre que l’Algérie a été embarquée, elle a eu son printemps « arabe » précocement en octobre 1988, qui pour les experts de l’ombre, ne fut pas une réussite. Il fallait autre chose  la décennie noire 1991 2001  fut  l’une des périodes les plus douloureuses Elle a  mobiliser  pratiquement les vassaux européens de l’Empire qui ont sous traité  le mode d’emploi La  France sera  aux premières loges, avec son ingérence vaine – en déclarant que le processus d’élections  devant amener le Front Islamique du Salut  (FIS) devait être amené à terme,  L’Allemagne  a hébergé un des leaders du FIS, et l’Italie avec son initiative de Sant’Egidio) où elle elle appelait  fallait changer la configuration du pouvoir en Algérie. Curieusement, les Etats-Unis, tout en donnant l’asile à un autre leader du FIS, avaient deux fers au feu. Ils laissaient les vassaux gérer  L’Algérie en s’en sortant seule de la tragédie- malgré les ingérences directes et indirectes  étonna le monde occidental qui attendit son heure.  Il a fallu l’attaque du WTC pour que l’Occident comprenne la nature du combat de l’Algérie     

La Révolution du 22 février était-elle «fabriquée» ou était-elle inévitable ? 

A en croire l’archéologie de ces soudaines éruptions des foules, on peut penser que cette révolution qui nous paraît si naturelle est en fait artificielle et qu’elle aurait vu le jour dans les officines ad hoc de l’empire global. Au vu du descriptif de ces méthodes de manipulation, nous pensons à l’idéologie du IIIe Reich. Hitler et Goebbels savaient galvaniser les foules avec des mots simples mais percutants. 

C’est d’ailleurs le logiciel de toutes les idéologies qu’ils veulent s’imposer par la force.

«En analysant le hirak algérien, écrit Ahmed Bensaâda, et en comparant son modus operandi avec celui de cet éventail de cas, on remarque des similitudes frappantes. C’est ce qui nous amène à penser que la lutte non violente qui se déroule actuellement dans les rues de notre pays ne représente qu’un continuum qui a débuté par les ‘‘révolutions colorées’’ et qui s’est poursuivi par le ‘‘printemps’’ arabe. Il s’agit de ce que j’ai nommé la ‘‘printanisation’’ de l’Algérie. Mais à chaque fois qu’une révolte non violente voit le jour quelque part dans le monde, les mêmes réactions apparaissent : ‘‘la révolte est spontanée’’, ‘‘la jeunesse nous guide vers un avenir radieux’’, ‘‘la main de l’étranger ? C’est du complotisme ! Pourquoi infantiliser le peuple ? Vous protégez les dictateurs !’’. Cela est relayé par la puissante machine des médias mainstream qui utilisent le mensonge par omission, invitent toujours les mêmes pseudo-analystes et maintiennent la porte grande ouverte aux activistes».(3) 

Le professeur Ahmed Bensaâda,  est connu pour avoir écrit un ouvrage, Arabesques, sur les non-dits des révolutions arabes et autres fomentées dans les officines occidentales, a, dans cette contribution exhaustive, déconstruit, encore une fois, la mécanique des printemps arabes en expliquant que rien n’arrive par hasard et que tous les printemps, qu’ils soient en Europe centrale (Maidan et autres) où les nombreux printemps arabes ont tous une adresse : les thinks tanks de l’Empire américain et, à un degré moindre, celles de ses vassaux européens. Aucune des révoltes ou révolutions, celle de la place Tahrir comme celle du Jasmin — et peut être celle du 22 février 2019 — n’a, d’une façon ou d’une autre, subi une influence externe.

Il écrit :

« justement, à propos de la spontanéité des manifestations du 22 février «(…) Dès le début des manifestations, les noms de personnes susceptibles de ‘‘guider le destin du pays’’ ont inondé le cyberespace. Les uns avançaient un pion, les autres un autre, comme s’il s’agissait de voter pour un candidat de téléréalité. Aucun programme présenté, aucune vision expliquée, ni aucun embryon d’agenda politique » (3). 

Les messages, les photos et les vidéos partagés à satiété (probablement par des trolls cyberactivistes), propulsent certaines personnes au statut suprême de sauveur de la Nation. Et pourquoi ne pas proposer un gouvernement clés en main pendant qu’on y est ? (…) Les manifestations pacifiques qui ont secoué notre pays et qui ont ébranlé le ‘’système’’ délétère qui le gouvernait ont montré un visage très positif de notre jeunesse. Réussir à ‘’dégager’’ un pouvoir politique moribond dans la joie et la bonne humeur, sans aucun incident notable, est non seulement exemplaire, mais aussi salutaire pour l’avenir de l’Algérie. Cependant, le modus operandi de ces manifestations conforme aux principes fondamentaux de la lutte non violente de Canvas montre que 19 ans après la Serbie et 8 ans après le début du ‘’printemps’’ arabe, l’Algérie connaît à son tour une révolution colorée. Ce mode opératoire témoigne ainsi de l’existence d’un groupe de cyberactivistes formé par des officines d’‘‘exportation de la démocratie’’ et actif aussi bien dans l’espace que dans le cyberespace.»(3)

Le  5e mandat de trop  véritable amorce de la Révolution Tranquille

Voilà une double décennie du mépris de la honte et de la rapine. Le peuple, scandalisé, subissait la myopie des dirigeants qui croyaient – et nous aussi — qu’ils étaient là pour mille ans, d’une façon dynastique, que la justice c’était pour le peuple et pas pour eux. Sûrs de l’inertie du peuple, ils ont fait l’erreur de trop, le cinquième mandat. Le peuple s’est soulevé. S’il est indéniable que le détonateur, c’est l’annonce du 5e mandat, le terreau était favorable pour le sursaut. L’intelligence des stratèges des officines étrangères est qu’ils ont surfé sur la vague du mécontentement en mettant en œuvre les commandements de Gene Sharp eux-mêmes tirés de cette étude sur la psychologie des foules notamment celle du docteur Gustave Lebon. 

La mise en musique et l’alimentation en moyens, notamment d’une façon magique, diverses banderoles difficiles à concevoir dans un temps aussi court apparaissent chaque semaine, certaines coûtant cher. Il y a lieu de s’interroger sur ces sources de financement occultes et sur la dynamique des mots d’ordre, certains bien faits et relayés par les médias internationaux.

Les manipulateurs ont même utilisé des mots d’ordre d’Algériennes et d’Algériens sincères en les diluant dans un vaste ensemble dont l’objectif est d’occuper constamment la rue. Viendront après, du fait que le clash programmé n’est pas venu car il y eut des slogans rassembleurs, comme «sylmia», «pacifique», «non à la division», «nous sommes des Algériens», les stratèges sont aussi démunis que les citoyens lambda, ils ont utilisé tous les slogans possibles — notamment la diversion du drapeau amazigh.

Le peuple s’est accaparé de la révolution malgré toutes les manipulations, il a dit et redit 25 fois son ras-le-bol du système «Yatnahaou ga3e». Le pouvoir actuel, procédant à dose homéopathique, entretient par des mises en prison des responsables de cette double décennie du peuple. 

C’est un fait : le fond rocheux de ces manifestations nous montre une Algérie ouverte, tolérante, apte à la modernité et il serait injuste de dire que tout est faux.

De bon cœur, les Algériennes et Algériens ont manifesté leur refus de l’ordre établi et je ne pense pas que si les Algériennes et Algériens étaient retors à tout dialogue, à toute civilité, ces belles expressions du meilleur de nous-mêmes aient réussi. Disons seulement que les éventuels manipulateurs ont surfé sur un corps social mûr pour le changement.

Et maintenant ? Nécessité d’élections rapides et contrôlées  

Ces manifestations pour la dignité et l’espérance, depuis plus de 25 semaines, viennent d’enrichir la base de données de Facebook en distribuant généreusement, sans le savoir, des données personnelles qu’elles croient protégées. Cependant, même si on peut s’interroger sur cette spontanéité soudaine et l’apparition de haut-parleurs idéologiques jaillis de nulle part que Facebook plébiscite, il n’en demeure pas moins qu’il y a une attente. Elle est inquiète pour son avenir. Elle attend et donne rendez-vous au pouvoir tous les vendredis en donnant chaque fois des preuves de son génie «constructeur» parce qu’il carbure à l’espoir. 

Malgré toute la bonne volonté des individus, la dynamique de groupe s’essouffle, le nombre de manifestants diminue. Je suis convaincu qu’il ne faut pas perdre de temps. La situation actuelle que nous vivons est exceptionnelle en ce sens qu’elle voit la convergence de plusieurs tendances qui peuvent nous permettre, soit d’aller vers une alternance sereine soit ouvrir la boîte de Pandore d’une situation incontrôlée et incontrôlable donnant la possibilité réelle d’une ingérence étrangère qui nous mettra sur la pente définitive du déclin. Mais le terreau était favorable. 

Après une double décennie de mépris et de rapine, les Algériennes et les Algériens étaient exaspérés et mûrs pour la révolte. Même si on sait que la psychologie des foules explique les actions faites. Ce qui est nouveau, c’est le slogan de la non-violence «Silmya». Cela est prévu dans le manuel des déclenchements des révolutions. D’une certaine façon, le scandale du 5e mandat a été le déclencheur du ras-le-bol qui a permis l’ouverture de la boîte de Pandore. En espérant pouvoir la fermer si rapidement un consensus se dégage pour aller rapidement vers des élections visant à élire d’une façon transparente un Président. 

La Révolution du 22 février 2019, sans être une singularité, s’inscrit globalement dans les espérances des peuples à devenir acteurs de leurs destins  Elle  a pu réussir que grâce à deux facteurs, le ras-le-bol de 20 ans de hogra ( mépris)  et le détonateur constitué par le 5e mandat.  C’est au prochain Président élu qu’échoie le devoir de prendre en considération dans son programme les invariants de la liberté, de l’alternance, de la démocratie et de la justice qui doit être indépendante et au-dessus des gouvernants. Cependant, si nous tardons trop longtemps à résoudre nos problèmes, « dans cet entre-deux comme l’écrit si bien Antonio Gramsci, apparaissent les monstres » car nous ne sommes pas une exception qu’il faut ménager et on ne peut exclure une manipulation de grande ampleur pour créer le chaos.

Toute l’intelligence à faire comme au judo, utiliser cette formidable force dans le sens que nous, nous voulons et non celle peut-être programmée pour nous. Nous devons rester en éveil et déjouer les complots, faire de cette révolution un réel nouveau départ d’une République démocratique où les libertés sont gravées dans le marbre et où compte la seule valeur ajoutée de chacun à l’édification de l’Etat, en dehors de tout népotisme, régionalisme. C’est à nous d’en faire un avantage et de militer pour une Algérie du futur qui n’abdique rien de ses identités cultuelles et culturelles mais qui est fascinée par l’avenir.

Professeur  Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique  Alger

Image en vedette : Wikipédia

Notes

1.https://www.leretourauxsources.com/blog/psychologie-des-foules-gustave-le-bon-n163, le 10 janvier 2019.

2.Ali Nejmi. https://des-livres-pour-changer-de-vie.com/la-psychologie-des-foules/

3.https://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=492:2019-05-10-21-55-26&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119

Article de référence : 

Pr Chems Eddine Chitour https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/la-revolution-du-hirak-du-22-fevrier-2019-archeologie-et-prospective-28752 le 18.08.2019   

 

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Le 19 juin a marqué le 66ème anniversaire de l’exécution de Julius et Ethel Rosenberg, un jeune couple américano-juif de New York, dont la culpabilité supposée d’espions «atomiques» soviétiques n’a jamais été prouvée, malgré de nombreux mensonges, faux et autres canulars de propagande blanche, grise et noire lancés contre eux depuis lors. Les absolutistes moraux estiment que tout meurtre est immoral, sauf en cas de légitime défense justifiée ou peut-être en cas d’achèvement par pitié et de suicide médicalement assisté («euthanasie»). C’est pour cette raison que toutes les nations européennes ont aboli la peine de mort. Sauf dans les pays anciennement communistes d’Europe orientale, le taux de crimes violents en Europe (y compris son taux de meurtres) n’a pas augmenté à la suite d’une réforme judiciaire aussi spectaculaire (Rachels & Rachels 149-150).

La peine de mort est particulièrement controversée et moralement indéfendable en tant que punition lorsqu’elle est appliquée à des crimes sans effusion de sang, tels que la désertion militaire en temps de guerre ou la «haute trahison» (espionnage) en temps de paix. Ethel et Julius Rosenberg, accusés faussement d’être des «espions atomiques» au service de Moscou, ont été électrocutés le 19 juin 1953 pour le compte de ce que le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, appelait en dramatisant «le crime du siècle». ”Plusieurs années plus tard, un éminent juriste formé à la faculté de droit de la Harvard a conclu sans équivoque que:

«L’affaire Rosenberg, aussi controversée soit-elle, a également été une grave erreur judiciaire. Personne ne peut être fier de ce que la justice américaine a fait dans l’affaire Rosenberg. Elle mérite une place spéciale dans la conscience de notre société» (Sharlitt 256).

Pourtant, les fanatiques «patriotes», qui avaient autrefois trimballé et assassiné les Rosenberg, veulent maintenant poursuivre et mettre à mort pour «haute trahison» Edward Snowden, l’ancien employé de la National Security Agency (NSA) et lanceur d’alerte fugitif. Grâce à M. Snowden, nous savons maintenant que la NSA espionne les Américains en enregistrant et stockant secrètement toutes leurs communications privées. Julian Assange, le célèbre rédacteur en chef et fondateur de Wikileaks, est une autre cible possible si le journaliste australien était extradé par la Grande-Bretagne pour être jugé aux États-Unis. Cet article traite de l’utilisation abusive de la peine de mort par le gouvernement en tant que punition quasi-légale et arme politique, comme ce fut le cas lors du procès et de l’exécution injuste des Rosenberg pour espionnage en temps de paix – un événement connu depuis toujours comme «le sommet de l’ère McCarthy» (Wexley XIII).

L’ère McCarthy

L’année 1948 marque le début de l’ère du maccarthysme, l’hystérie notoire provoquée par les rouges dans l’Amérique d’après-guerre. Le terme «maccarthysme» vient du prénom du jeune sénateur républicain du Wisconsin, Joseph McCarthy. En tant que membre du sous-comité permanent du Sénat chargé des enquêtes, le sénateur McCarthy cherchait à obtenir des informations sur les supposés communistes employés par l’administration du président Harry Truman, notamment dans le département d’État du général George C. Marshall, accusé d’avoir «perdu la Chine» au profit des communistes chinois de Mao Tsé-Toung soutenus par l’URSS en 1948-1949. Joe McCarthy, avec l’aide du Comité des activités anti-américaines de la Chambre des États-Unis (USUAC), a voulu prouver que l’administration Truman, qui comptait de nombreux nouveaux membres ainsi que quelques anciens de gauche de la précédente présidence de FDR, était infestée de « Communistes » espionnant secrètement pour Moscou. Même l’administration Truman elle-même avait mis en place le programme de fidélisation des employés fédéraux et de nombreux groupes, tels que le Comité américain pour la liberté culturelle, avaient été mis en place afin de dénicher des communistes présumés dans le gouvernement et les médias (Carmichael 1-5, 41-46).

Ce qui rendait particulièrement le sénateur McCarthy tristement célèbre était son rôle actif dans la persécution et l’emprisonnement de milliers de communistes américains réels ou présumés – y compris près de 150 membres dirigeants du Parti communiste des Etats-Unis (CPUSA) – pour avoir prétendument conspiré en vue de renverser le système constitutionnel américain par une violente révolution communiste. En vertu de la loi draconienne Smith Act, tout Américain membre du Parti communiste pouvait être poursuivi en tant que traître et espion soviétique. Même Hollywood n’a pas été épargnée par la chasse aux sorcières anticommuniste à l’échelle nationale: des centaines d’acteurs et d’actrices de cinéma, réalisateurs, scénaristes, producteurs, compositeurs de musique, publicistes et même des monteurs de scène ont été «mis sur liste noire», licenciés de leur travail ou – comme les «Dix d’Hollywood», emprisonné pour leurs sympathies et leurs affiliations «communistes» (Carmichael 46-47). Certaines célébrités de l’usine à rêves telles que Charlie Chaplin et Bertolt Brecht ont choisi de fuir à l’étranger plutôt que de se retrouver en prison.

Le président Truman avait assuré à plusieurs reprises aux Américains que l’URSS ne pourrait pas se doter d’une arme nucléaire pendant les 10 à 20 prochaines années. Ainsi, lorsque les Russes ont testé une bombe atomique en août 1949, des traîtres et des espions atomiques travaillant pour Moscou ont été recherchés. Le sénateur McCarthy et le procureur adjoint tout aussi tristement célèbre, Roy Cohn, qui était l’avocat en chef du sous-comité permanent du Sénat chargé des enquêtes, ont publiquement accusé de nombreux «communistes» connus et inconnus d’espionnage atomique pour l’Union soviétique. L’un des accusés était le propriétaire obscur d’un petit atelier d’usinage à New York, David Greenglass. M. Greenglass était un jeune sergent de l’armée affecté au projet Manhattan à Los Alamos, au Nouveau-Mexique, où les premières bombes atomiques américaines ont été mises au point pendant la Seconde Guerre mondiale. Les accusations de Cohn à son encontre étaient totalement dénuées de fondement, dans la mesure où «il n’y avait pas un seul témoin ni la moindre preuve à l’appui de l’espionnage commis par Greenglass» (Wexley 113-114). Mais paniqué et craignant pour sa vie, Greenglass a faussement impliqué sa sœur Ethel et son mari Julius – comme il l’a malheureusement admis de nombreuses années plus tard – à la demande pressante des procureurs et afin de se protéger et particulièrement protéger sa chère épouse Ruth de possibles accusations criminelles d’espionnage atomique et de haute trahison (Roberts 479-484).

Le système judiciaire américain est criminel

S’appuyant uniquement sur le témoignage suspect de Greenglass, les procureurs du gouvernement ont fait arrêter, emprisonner et juger Julius et Ethel Rosenberg pour avoir volé les secrets de la bombe atomique américaine et les avoir transmis à Moscou. En violation flagrante du code de déontologie judiciaire, Cohn, le procureur de première instance Irving Saypol et le juge président Irving Kaufman se consultèrent illégalement presque tous les jours et conspirèrent secrètement avec d’autres hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, notamment le procureur général américain Herbert Brownell. Jr., pour saper la défense légale des accusés.

David et Ruth Greenglass

L’accusation a fabriqué la plupart des preuves contre les Rosenberg avec la coopération de David Greenglass, qui est devenu un témoin du gouvernement en échange de la clémence pour ses propres activités passées supposées ainsi que celles de son épouse en tant qu’espions de l’URSS (Roberts 476-477). Un livre relativement récent écrit par un éminent rédacteur en chef du New York Times révèle comment Greenglass s’est parjuré dans son témoignage en justice contre les Rosenberg, ce qui a finalement conduit à la condamnation et à l’exécution de sa sœur et de son beau-frère (Roberts 482-483). Pire encore, «aucune preuve documentaire à l’appui des allégations du gouvernement concernant Julius et Ethel n’a été mise à la disposition des Rosenberg ou de leur avocat au cours du procès» (Carmichael 109). Cette omission délibérée était une parodie de justice qui « constituait également un abus du droit fondamental des Rosenberg de connaître les preuves contre eux, en vertu du quatorzième amendement » (Carmichael 109).

En raison de fortes pressions politiques, notamment de la part du juge en chef Fred Vinson, la Cour suprême des États-Unis a refusé de réexaminer les condamnations prononcées contre les Rosenberg pour espionnage et a rejeté la suspension de leurs exécutions ordonnée par le juge de la Cour suprême William O. Douglas dans le but de rouvrir l’affaire controversée. (Sharlitt: 46-49, 80-81). Le 19 juin 1953, malgré le fait qu’ils soient visiblement innocents de l’accusation d’espionnage atomique, les Rosenberg ont été électrocutés à la très redoutée prison de Sing Sing, à New York, en dépit des protestations et des appels de soutient lancés pour eux à l’échelle nationale et internationale. À peine deux mois plus tard, un bombardier lourd soviétique a largué la première bombe à hydrogène opérationnelle (thermonucléaire) au monde lors d’un test en surface qui a démontré l’absurdité de l’idée selon laquelle Moscou devait voler les secrets atomiques de l’Amérique pour produire ses propres armes nucléaires. Un nouveau livre révélateur résume les détails juridiques plutôt sordides de l’affaire Rosenberg:

«Un jeune couple de juifs américains a refusé de faire de faux aveux comme quoi ils auraient trahi les États-Unis. Le mari, par idéalisme égaré, avait commis un crime n’ayant pas porté préjudice aux États-Unis selon son acte d’accusation. Ce crime a été qualifié de «trahison» par des fonctionnaires, des procureurs et des juges téméraires et opportunistes pour satisfaire un agenda politique. Avouer un crime non commis, pour lequel des responsables de la justice exigeaient cyniquement les noms de complices menacés de la même façon d’exécution pour un crime non commis, était au-delà de la capacité des Rosenberg. S’ils avaient accepts, ils auraient envoyé des membres de leur famille et des amis mourir, faisant de leurs enfants des orphelins et posant sur leur avenir une honte non méritée.» (David et Emily Alman, p. 377)

Ethel et Julius Rosenberg

Depuis lors, de nombreux éléments nouveaux de preuve ont été découverts (dont certains avaient été supprimés par le gouvernement ou retenus par le ministère public) confirmant l’innocence des Rosenberg. Il est maintenant largement admis que Ethel Rosenberg n’a jamais été une espionne soviétique et que les procureurs étaient tout à fait au courant de ce fait disculpant. Mère de deux jeunes enfants, elle a été arrêtée, emprisonnée et retenue en otage par le FBI de J. Edgar Hoover, puis condamnée à mort dans le but de faire chanter son mari afin qu’il avoue sa culpabilité et dénonce d’autres espions soviétiques. Mis à part un grand nombre de «preuves par ouï-dire» dans la salle d’audience, jamais l’accusation et le juge du procès n’ont produit de faits tangibles qui «prouvaient l’existence d’un réseau d’espionnage dirigé par Julius Rosenberg», affirmant que ces preuves documentaires devaient rester secrètes pour des raisons de sécurité nationale» (Carmichael 109).

Julius tenta sans succès de se défendre en affirmant que ses supposés espionnages pendant la Seconde Guerre Mondiale – même si les accusations d’espionnage portées contre lui auraient été véritablement fondées – étaient faits au nom de l’allié soviétique des Américains en temps de guerre et n’avaient absolument rien à voir avec le vol d’informations atomiques. Mais c’est l’argument légalement ridicule du juge qui les condamna, selon lequel les Rosenberg avaient placé la bombe atomique dans les « mains ensanglantées » du dictateur soviétique Joseph Staline, ce qui aurait entraîné par la suite la mort de 54 000 soldats américains pendant la guerre de Corée (1950-1953) qui compta le plus aux yeux du public américain enragé et qui scella le sort du couple accusé.

Mais le plus tragique dans toute cette affaire inventée est que les Britanniques avaient déjà arrêté et emprisonné le scientifique nucléaire allemand, Klaus Fuchs, qui leur avait avoué avoir envoyé à Moscou des informations secrètes sur la bombe atomique américaine alors qu’il travaillait sur le projet top secret Manhattan à Los Alamos pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les McCarthyites chasseurs de sorcières avaient évidemment besoin de quelques boucs émissaires nationaux à blâmer pour le développement de l’arsenal nucléaire de Staline.

Si la peine de mort pour un «crime sans effusion de sang» comme la haute trahison en temps de paix (que le président Dwight Eisenhower a refusé de commuer en emprisonnement à perpétuité dans leur cas) n’avait pas été retenue à ce moment-là, les Rosenberg auraient été exonérés et libérés plus tard étant donné le déclin progressif de l’hystérie anti-communiste. C’est exactement ce qui est arrivé aux dirigeants condamnés et incarcérés du Parti communiste, qui ont tous été libérés un à un par les tribunaux: «Au début de 1958, les anciens dirigeants du Parti communiste condamnés en 1948 sous le régime de Smith Acte avaient été libéré, la Cour suprême ayant infirmé leurs condamnations» (Roberts 453).

Conclusion

Le cas de Ethel et de Julius Rosenberg est un exemple frappant de la corruption et de la politisation du système judiciaire américain et du processus judiciaire dans l’atmosphère extrêmement chargée de la guerre froide des années cinquante. En dépit de leur courage et de leur volonté indomptable de vivre ainsi que du fort soutien public qui leur a été accordé chez eux et à l’étranger, les Rosenberg n’ont pas survécu aux injustices inconstitutionnelles commises par des autorités judiciaires pleines de préjugés politiques et qui étaient moralement malhonnêtes. Ces dernières étaient déterminées à atteindre leurs objectifs anticommunistes par tous les moyens possibles, à la fois légaux et illégaux. Le ministère de la Justice a forgé une grande partie des preuves accablantes contre les Rosenberg, tandis que des témoins clés au procès ont changés à plusieurs reprises de récits après avoir été coachés par les procureurs. Comme un analyste expérimenté du procès l’a écrit plus tard au sujet de la condamnation et de l’exécution «injustifiées» des Rosenberg: «Compte tenu de la crainte du communisme qui déferlait sur les États-Unis dans les années 1950, on peut se demander si un autre résultat aurait pu être obtenu… La mort de ses enfants reste un problème pour la société américaine… Quand une nation est balayée par la paranoïa, les innocents souffrent avec les coupables» (Moss, 97).

Des procès notoires comme les Rosenberg continuent de rappeler au public avisé que la peine de mort ne peut et ne devrait jamais être considérée comme légalement justifiée ou moralement défendable, en particulier dans les affaires non violentes telles que l’espionnage en temps de paix. Parce que la peine capitale rend pratiquement impossible l’annulation des erreurs judiciaires commises dans le passé en présentant des preuves nouvelles ou d’autres précédemment cachées exonérant les accusés exécutés. Dans l’affaire Rosenberg, le ministère public et les tribunaux ont obstinément refusé à ce jour de reconnaître l’innocence prouvée des accusés et d’annuler leur condamnation injustifiée à la peine capitale.

Rossen Vassilev Jr.

 

Article original en anglais: 

The Death Penalty as a Political Weapon: The Execution of Ethel and Julius Rosenberg, publié le 15 juillet 2019

 Traduction : lagazetteducitoyen.over-blog.com

 

Sources

Alman, David et Emily Alman: Exoneration: The Trial of Julius and Ethel Rosenberg and Morton Sobell. Seattle, WA: Green Elms Press, 2010

Carmichael, Virginie: Framing History: The Rosenberg Story and the Cold War. Minneapolis and London: University of Minnesota Press, 1993

Moss, Francis. Moss, Francis: The Rosenberg Espionage Case. (Famous Trials series). San Diego, CA: Lucent Books, 2000

Rachels, James et Stuart Rachels: The Elements of Moral Philosophy (8th edition). McGraw-Hill Education, 2015

Roberts, Sam: The Brother: The Untold Story of Atomic Spy David Greenglass and How He Sent His Sister, Ethel Rosenberg, to the Electric Chair. New York: Random House, 2001.

Sharlitt, Joseph H.: Fatal Error: The Miscarriage of Justice that Sealed the Rosenbergs’ Fate. New York: Charles Scribner’s Sons, 1989

Wexley, John.: The Judgment of Julius and Ethel Rosenberg. New York: Ballantine Books, 1977

 

Rossen Vassilev Jr. est étudiant en journalisme à l’Université de l’Ohio à Athens, dans l’Ohio.

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La périlleuse pirouette géopolitique d’Erdogan

août 18th, 2019 by F. William Engdahl

L’économie turque est dans une situation de plus en plus difficile depuis des mois, en particulier depuis l’échec de la tentative de coup d’État de juillet 2016. La dernière décision du président Recep Tayyip Erdoğan de congédier son chef de Banque centrale et de le remplacer par un loyaliste plus accommodant a déjà entraîné la plus importante réduction ponctuelle du taux d’intérêt de l’histoire de la banque. Cela suffira-t-il à relancer la croissance de l’économie en difficulté à temps pour les prochaines élections nationales dans 18 mois ?

Quelle semble être la stratégie économique globale d’Erdogan alors qu’il tente de tenir en équilibre Washington, Pékin, Moscou et même Bruxelles ? Et a-t-il une chance de relancer la croissance économique ?

Le 25 juillet, le nouveau gouverneur de la banque centrale turque, Murat Uysal, a réduit le taux d’intérêt principal de la banque de 4,25 %, le faisant descendre de 24 % à 19,75 %. Elle a eu lieu trois semaines après qu’Erdogan ait licencié le précédent gouverneur pour avoir refusé de réduire les taux élevés qui détruisaient l’économie, même après que la Lire soit depuis longtemps sortie de la crise de 2018. C’était la première baisse de taux en trois ans. Elle a succédé au licenciement d’un dirigeant de Banque centrale qui suivait la thèse orthodoxe que des taux d’intérêt élevés sont nécessaires pour tuer l’inflation : autre mythe économique moderne frauduleux rendu populaire dans les années 1970 par le chef de la Fed Paul Volcker.

À 24 %, la Turquie affichait le taux d’intérêt le plus élevé de toutes les grandes économies. De manière remarquable, la lire turque a à peine réagi à cette importante réduction, ce qui a amené Erdogan à exiger qu’Uysal poursuive les baisses. Ce faisant, le président turc a montré son manque de respect pour l’une des règles les plus puissantes de la finance mondiale, qui est que les politiciens n’ont pas le droit de s’ingérer dans les affaires sacrées des « dieux de l’argent » contrôlant les banques centrales mondiales.

La Banque des règlements internationaux (BRI) a été créée en 1930 à Bâle par le gouverneur de la Banque d’Angleterre Montagu Norman, avec l’aide des banquiers américains, en principe pour traiter les réparations allemandes de la Première Guerre mondiale dans le cadre du Plan Young. Mais comme cela devint vite évident, elle servit comme un cartel monétaire d’une banque centrale mondiale politiquement indépendante. Depuis lors, l’indépendance des banques centrales est devenue dogme. La BRI a contribué à créer le mythe dévastateur que les banques centrales, indépendantes de toute influence politique élue, guidées par leur sagesse supérieure, géreraient les économies bien mieux que les banques centrales qui sont l’objet de pressions politiques ou, que Dieu nous en préserve, sont en fait des banques publiques ou d’État.

Comme l’ont démontré de nombreux historiens de l’économie et comme je l’ai détaillé dans mon livre, The Gods of Money: Wall Street and the Death of the American Century(Les dieux de l’argent : Wall Street et la mort du siècle américain), chaque boom financier majeur et crash subséquent depuis la création de la Réserve fédérale américaine en 2013 à l’occasion d’un coup d’État des banquiers de Wall Street, ont été provoqués par des interventions de la Banque centrale, habituellement à travers ses taux d’intérêts. La théorie bidon du « cycle économique » n’est guère plus qu’un écran de fumée élaboré pour cacher le rôle de la Fed (ou de la BCE dans l’UE) dans le contrôle de l’économie, dans l’intérêt de ce que le député américain Charles Lindbergh et d’autres critiques de Wall Street dans les années 1920 appelaient le « Money trust ».

Est-ce que ça fonctionnera ?

Ce qu’Erdogan a fait en congédiant Murat Cetinkaya comme gouverneur et en mettant un allié politique à sa place a déclenché les alarmes des banquiers centraux occidentaux. Après la nouvelle de la réduction des taux, Erdogan a déclaré : « C’est ce qu’il fallait faire. Même si cette baisse est insuffisante… »

La lire turque a même augmenté après la réduction des taux, ce qui a encouragé Erdogan. La question est de savoir si Erdogan réussira à relancer l’économie turque en difficulté à temps pour améliorer ses chances électorales, dans les mois à venir, avant les prochaines élections nationales qui suivront la défaite politique dans les deux élections municipales cruciales d’Ankara et Istamboul.

Les taux élevés avaient été imposés en 2018 par l’ancien gouverneur de la Banque centrale pour arrêter la chute libre de la lire turque dont Erdogan avait accusé une ingérence étrangère. Effectivement, Erdogan avait raison dans la mesure où la Fed américaine avait commencé une longue série d’augmentations de ses propres taux pour un retour « à la normale » (quel qu’en soit le sens), et le Resserrement quantitatif envoyait ses ondes de choc partout à travers le monde. Cependant, les actions de la Fed ne visaient clairement pas la Turquie en particulier.

Auparavant, Erdogan et l’économie turque avaient profité de près d’une décennie de taux d’intérêt mondiaux historiquement bas consécutifs au krach financier de 2008.

Pendant le boom économique, le crédit bon marché s’est traduit par la construction d’hôtels, d’appartements, de ponts, de chemins de fer et d’autres projets créant eux-mêmes un énorme boom économique, mais surtout à partir d’argent emprunté à l’étranger en dollars, en yens japonais ou en euros. En 2018, les sociétés turques détenaient quelque 200 milliards de dollars en prêts étrangers. Donc, lorsque la Fed a commencé son renversement, les prêteurs étrangers sur les marchés à haut profit comme la Turquie ont commencé à sortir, craignant le pire, ce qui a conduit à un effondrement de la lire turque.

De janvier 2018 à aujourd’hui, de manière stupéfiante, la lire turque a perdu 37 % par rapport au dollar puisque les investisseurs turcs et étrangers fuyaient sa dévaluation, ce qui a rendu presque impossible le remboursement des prêts étrangers à partir des bénéfices. Des entreprises ont fait faillite, le taux de chômage est officiellement passé à 15 % et l’inflation était proche de 25 % en octobre 2018, alors que le prix des importations grimpait en flèche. Avec un boom économique financé par des prêts étrangers pour des projets libellés en lires turques, l’économie est entrée en chute libre en 2018, et cela explique en grande partie les mauvais résultats électoraux d’Erdogan cette année.

Réagissant explicitement à l’effondrement économique et à l’impact négatif des taux de 24 % de la Banque centrale, Erdogan est allé jusqu’à s’opposer au tabou bancaire et a affirmé que les taux d’intérêt hors de son contrôle politique étaient « la mère et le père du mal ».

Aujourd’hui, Erdogan se sent clairement capable d’agir de manière à ce qu’un ami politique dirige la Banque centrale. Cependant, avec un tel niveau de dette des sociétés en devises étrangères, il est clair que les taux d’intérêt de 19,75 % ou même des taux nuls ou négatifs comme dans l’UE ne seront pas suffisants pour déclencher une nouvelle prospérité en Turquie.

Le pivotement d’Erdogan

De manière assez intéressante, en 2018, Erdogan a commencé à suggérer, selon ses proches alliés économiques, que l’effondrement financier de Lehman Brother en 2008 avait conduit à une perte de confiance dans le capitalisme occidental.

Tout cela se déroule dans un contexte géopolitique de turbulences. Les tentatives de la Turquie de créer sa propre « zone tampon » à ses frontières contre les Kurdes syriens, ses liens renforcés avec Téhéran, Moscou et Pékin, et les tensions croissantes avec les partenaires de l’OTAN à propos des navires de forage turcs au large de Chypre mènent certains commentateurs à prédire qu’Erdogan projette de retirer la Turquie de l’OTAN et de rejoindre la Chine, la Russie et d’autres États eurasiens dans une alliance autour de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) au sein de laquelle la Turquie est actuellement un « partenaire de dialogue ».

Le refus d’Erdogan de faire marche arrière devant Washington sur l’achat de systèmes de défense antimissiles S-400 russes, que l’on dit les plus avancés au monde, a exacerbé une telle spéculation sur un « pivotement vers l’est » géopolitique d’Erdogan.

Qui plus est, le 2 juillet, à la suite de la réunion du G20 au Japon, Erdogan était à Pékin en tant qu’invité officiel du président chinois Xi Jinping. Là-bas, Erdogan a abandonné ses vives critiques de ce qui avait été décrit auparavant comme des « camps de rééducation » où un million de musulmans d’ethnie ouïghoure sont [seraient, NdT] internés. Or la Turquie considère historiquement que les Ouïghours turciques leur sont apparentés et désigne d’ailleurs la province autonome chinoise des Ouïghours du Xinjiang comme le Turkestan oriental.

Cette fois, Erdogan a de manière pragmatique abandonné la critique des politiques musulmanes de Pékin et s’est concentré sur ce qu’il considérait comme plus crucial : l’argent, c’est-à-dire des lignes de crédits et des prêts de la Chine et d’entreprises chinoises pour des projets dans le bâtiment en Turquie dans le cadre des Nouvelles routes de la soie chinoises. A Pékin, le Président turc a déclaré à la presse qu’il est « incontestable que tous les groupes ethniques du Xinjiang chinois vivent heureux dans les conditions de développement et de prospérité de la Chine. » Quatre mois plus tôt, le Ministère des affaires étrangères d’Erdogan avait déclaré que la situation des Ouïghours au Xinjiang était « une grande honte pour l’humanité. » Une sacrée évolution !

En 2018, les échanges bilatéraux entre la Turquie et la Chine se sont élevés à 23 milliards de dollars, selon l’Office de statistiques turc, ce qui fait de la Chine le troisième partenaire commercial de la Turquie. De plus, la Chine exporte pour environ 18 milliards de dollars vers la Turquie. Erdogan souhaite clairement faire évoluer cela en faveur de la Turquie. Or, après les pourparlers Xi-Erdogan, il n’y a pas eu de grande annonce sur de nouveaux investissements chinois en Turquie.

Les tensions croissantes d’Erdogan avec Washington, et de plus en plus avec l’Allemagne et d’autres États de l’UE maintenant, mèneront-elles à une rupture avec l’OTAN ? C’est très improbable pour le moment : l’UE, en particulier l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie sont de loin les principaux importateurs de produits turcs.

En raison du ralentissement marqué de son économie et de la diminution de ses excédents commerciaux, la Chine n’est pas en position d’amortir les conséquences économiques d’un pivotement de la Turquie hors de l’OTAN et de l’Ouest vers l’Est et l’OCS. La panique financière qui en résulterait plongerait la Turquie dans une profonde dépression tant que la Turquie respecterait les règles de la Banque centrale et des marchés financiers anglo-américains. Ironiquement, Erdogan a fait de petits pas vers un modèle non-occidental, mais peu effectifs à ce jour, si ce n’est la réduction de 4,25% du taux d’intérêt par le nouveau chef de Banque centrale choisi par ses soins. C’est qu’il n’est pas prêt à tout risquer dans une alliance économique et politique avec l’OCS ou avec l’Iran. Il en résulte qu’au lieu d’un « pivotement géopolitique » d’Erdogan vers l’est, nous voyons une « pirouette » d’Erdogan vers l’est, l’ouest, et même le nord et le sud pour essayer de trouver le meilleur équilibre possible. Le risque est qu’il finisse par déplaire à tous.

F. William Engdahl

 

Article original en anglais :

Erdogan’s Risky Geopolitical Pirouette. Turkey’s Economy in “Troubled Waters”

Traduit par Stünzi pour le Saker francophone

 

 

F. William Engdahl est consultant et conférencier en risques stratégiques, diplômé en politique de l’Université de Princeton et auteur de best-sellers sur le pétrole et la géopolitique, exclusivement pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

 

Dans la bataille politico-médiatique, les ennemis de la Révolution Bolivarienne tentent de faire croire que le gouvernement du président Nicolas Maduro est isolé sur la scène internationale. Vaste bétise puisque les 3/4 des pays de la communauté internationale reconnaissent la légitimité du président vénézuélien.

Mais depuis quelques temps, un autre front semble s’ouvrir. Le président Maduro serait, cette fois-ci, isolé sur la scène politique vénézuélienne. Ses alliés traditionels commenceraient à lui tourner le dos, et notament le Parti Communiste du Venezuela.

VÉRITÉ ou FAKE? Plutôt que d’écouter les arguments de ceux qui disent qu’il pleut et de ceux qui affirment le contraire, nous sommes allés ouvrir la fenêtre. Nous sommes avec Oscar Figuera, secrétaire général du Comité Central du Parti Communiste du Venezuela.

 

Le site de Romain Migus : Venezuela Infos

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Nouveau bilan sur l’état policier macronien en France

août 18th, 2019 by Jean-Yves Jézéquel

Où en sommes nous de l’hécatombe criminelle déchaînée par la France du fascisme macronien sur le peuple représenté par les Gilets jaunes luttant pour le respect constitutionnel et une vie tout simplement décente?

Les dernières données statistiques que l’on glane à partir de plusieurs sources, s’avèrent sidérantes et il est difficile de reconnaître que la France a perdu toutes ses libertés publiques ainsi que sa Constitution qui, depuis un certain temps, n’a plus aucun rapport avec l’expression de la volonté de toute la nation française. Le peuple Français n’est plus souverain, d’ailleurs il ne l’a jamais vraiment été du fait de ce régime parlementaire dit « représentatif », ayant un rapport direct avec le modèle aristocratique mais non démocratique, comme on l’a déjà expliqué dans un article précédent.

Aujourd’hui, 18 août 2019, le bilan de la dictature macronienne à notre disposition est le suivant :

Environ 1 million de Gilets jaunes sont mobilisés sur tout le territoire national, les DOM TOM, inclus, représentant 72% des Français sympathisants, selon le dernier sondage des crises…

860 signalements à l’IGPN qui jusqu’à présent a couvert tous les abus

2 morts de plus = 14 morts

315 blessures graves à la tête

24 éborgné(es) dont 18 devenus aveugles d’un oeil

5 mains arrachées

18 blessures à la main

28 blessures au dos

75 blessures aux membres supérieurs

131 blessures aux membres inférieurs

4 blessures graves aux parties génitales

125 autres, non renseignées

164 intimidations, insultes de la part des milices de l’État fasciste macronien, entraves à la liberté de la presse.

Nous donnons les chiffres officiels du 5 mai 2019, communiqués par le Ministère de l’Intérieur et qui sont évidemment fantaisistes puisque la réalité les dément.

2448 manifestants blessés ; en réalité : 2891 blessés

206 policiers blessés ; en réalité 1200 policiers blessés

561 signalements à l’IGPN

0 (zéro) policiers condamnés: ni sanctions ni licenciements.

19.071 tirs de LBD 40

1428  tirs de grenades lacrymogènes

5429 tirs de grenades GLI-F4 (TNT) mutilantes

12.107  gardes à vue

2000 condamnations (arbitraires)

800 personnes condamnées à de la prison ferme, sursis ou cumulant les deux. Signalons que la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris a annulé les réquisitions du procureur de Paris prises pour le 28e samedi de mobilisation des gilets jaunes, le 25 mai dernier.

Conséquence : les contrôles préventifs sont jugés illégaux et des procédures dans leur globalité pour les manifestants ont été annulées. Cette décision indique que le jugement est un appel à la prudence pour le procureur dans le cadre de ses réquisitions.

Ce jugement désormais pourra faire jurisprudence dans d’autres procédures impliquant des Gilets jaunes jugés après des contrôles préventifs dans le cadre de réquisitions. Le 25 mai, les policiers avaient procédé à 7.244 contrôles préventifs dans la capitale, dans les gares mais aussi sur les axes routiers.

Dans les nouveaux blessés, en date du 31 juillet 2019, il y a :

635 manifestant-es

49 mineur(es) et lycéen(nes)

28 passant(es)

115 journalistes

33 médics

On rejoint peu à peu, en nombre de morts, le record de mai 1871, sous le Régime de Adolphe Thiers! Le bilan global est horrifiant: dans quoi la France a-t-elle basculé? Elle a basculé dans le saccage volontaire des libertés publiques, dans l’anéantissement pur et simple de l’État de droit, du fait que des amateurs, les charlatans de la politique LREM, se soient emparés du Pouvoir à la faveur de la perversion du système électoral et des manipulations médiatiques aux ordres de cette classe de tyrans qui ne veut pas entendre parler de démocratie. Les escrocs au pouvoir ne veulent pas entendre les revendications légitimes du peuple majoritaire: ils ont décrété que tout ce qui contestait leur dictature devait être anéanti. Nous voyons donc s’allonger la liste des morts, des blessés graves, des arrestations abusives, des condamnations illégales… Des vies sont définitivement brisées et le sang a commencé à couler abondamment sur la France.

Face à une telle hécatombe, que peut-on dire de plus, sinon que la guerre est revenue en Europe et que c’est le Régime de Macron qui l’a commencée. Car, en effet, la guerre civile désormais en place sur le sol français, va devoir s’étendre au reste de l’Union Européenne, puisque la dictature des Traités européens légitime celle du régime macronien. Nous aurions tort de relativiser un tel bilan, car il est révélateur de ce qui l’inspire: l’imposition par la force de l’idéologie ultra libérale sur des peuples qui revendiquent la démocratie incompatible avec elle.

Il est évident que ultra libéralisme et démocratie sont incompatibles, comme nous l’avons démontré dans des articles précédents.

Le « Conseil National de la Résistance des Gilets jaunes » peut donc rappeler à ses réseaux, représentant près de 1 million de personnes mobilisées depuis novembre 2018, répartis sur tout l’Hexagone, ses morts et ses blessés au combat pour la liberté, pour la souveraineté constitutionnelle du peuple; pour une vie décente, pour une justice sociale et fiscale. Les actions de mobilisations peuvent aussi être redéfinies, selon chaque Région et prendre la direction d’une offensive multi factorielles sur le terrain, de préférence en dehors des villes.

A cette fin, il est utile de signaler aux réseaux de la Résistance des GJ engagés sur le territoire national, les actions qui seraient appropriées, selon le contexte Régional de chacun d’eux.

Par exemple: dans la région Bretagne, département du Finistère, et dans la Région parisienne, département de la Sarthe, se trouvent deux sociétés qui fabriquent les munitions qu’utilise la milice macroniste pour maltraiter arbitrairement et illégalement nos concitoyens qui manifestent. Nous savons que ce pouvoir oblige les Gilets jaunes à respecter leurs règles, et non pas celles d’une légitimité constitutionnelle, pendant qu’eux-mêmes trichent ouvertement avec les règles qu’ils ont eux-mêmes fixées, anéantissant l’État de droit et organisant une authentique dictature de l’arbitraire absolu, celle d’un État mafieux. 

Nous signalons aux réseaux de ces deux Régions l’existence de ces deux sociétés: il s’agit de l’entreprise française Alsetex basée à Précigné, dans la Sarthe et Nobel Sport qui a son siège à Paris mais qui fabrique des grenades fumigènes, lacrymogène, assourdissantes de tous les calibres dans son usine de Pont-de-Buis-lès-Quimerc’h en Bretagne dans le Finistère. (GLI-F4 SAE Alsetex ; DBD/DMP SAPL Verney Carron ; OF F1 SAE Alsetex ; grenades à effet de souffle (gaz+TNT) et grenades de « désencerclement » qui sont des projectiles en caoutchouc et plastique dur, faisant gravement problème.) Comment ces deux usines, ou leur système de livraison, pourraient cesser de nuire? Comment faire en sorte que les milices de Macron, Philippe et Castaner, ne soient plus ravitaillées? 

Il est parfaitement légitime d’empêcher l’oppresseur ultra libéral macronien d’utiliser les armes de la violence ou faire en sorte que la politique de répression se retourne efficacement contre ceux qui la mettent en oeuvre. 

Rendons le pillage impossible.

Le refus de collaborer avec l’idéologie fasciste ultra libérale (voir chapitre sur ce thème dans « L’insurrection des Gilets jaunes et la nouvelle société qui vient ») impliquant ce système de pillage des personnes est efficace et constitue une forme de résistance qui est un combat de libération. 

Dans cet ordre d’idée, on constate, en effet que la neutralisation des radars se poursuit, et précisément ceux qui ne sont pas là pour la sécurité routière, comme on peut aisément le démontrer, mais pour le pillage organisé par le banditisme de grand chemin devenu « légitime », parce qu’il est pratiqué par l’État dit abusivement de « droit ». 

Dans le même sens, tous les péages de France et de Navarre sont « illégitimes » et profitent, encore une fois par le pillage, aux sociétés qui vivent à nos dépens et en volant une richesse nationale. Cela se justifie d’autant plus que la vente de l’exploitation des routes nationales à des sociétés privées est à son tour au programme du bradage macronien du patrimoine commun. On peut donc également constater que des opérations conjointes actuellement en cours, se déroulent sur tout le territoire national, pour la neutralisation des péages en permettant à nos concitoyens de circuler sur les routes, qui nous appartiennent, sans être pris en otages ou sans être rackettés…

Suggérons à la macronie que pour trouver l’argent nécessaire à leur entretien, il suffirait d’éviter d’engager le pays, sans son avis, dans des guerres illégales aux côtés des USA, en Syrie, en Libye, en Afghanistan, en Afrique et ailleurs, qui en plus d’être illégales et ruineuses sont aussi criminelles. 

Dans ce même ordre d’idée, il serait possible de rendre l’impôt direct et indirect difficile pour le racket abusif de l’État qui favorise fiscalement les riches, en adoptant une dissidence massive par l’organisation légitime des « communaux collaboratifs ». Les riches désirant rester riches devraient alors assumer l’essentiel de l’impôt et non pas la masse des plus modestes comme c’est toujours le cas actuellement. 

En venir aux  « Communaux collaboratifs ».

Grâce notamment à Internet, nous avons aujourd’hui la possibilité d’identifier un cercle de confiance à partir duquel nous avons déjà, organisé une résistance. Une organisation a pu se faire directement et sans être limitée. Elle peut aussi passer par la résistance économique qui contourne la stratégie ultra libérale du Pouvoir supra national qui s’est imposé aux Etats Nations en Europe. Le refus de collaborer avec ce système de pillage des personnes est efficace et constitue une forme de résistance qui est un combat de libération. 

Un compte ou un échange basé sur la réciprocité comme le SEL, les monnaies sociales comme le SOL, les échanges de temps ou de savoir, échappent au contrôle piloté par l’organisation du pillage des peuples pour les intérêts du grand capital…

Un tel cercle vertueux doit pouvoir répondre par ses propres moyens à la «masse critique des besoins et des désirs de ses membres». 

Lorsque son autonomie est assurée vis à vis de l’extérieur, il reste à créer une interaction entre plusieurs cercles et ainsi de suite.

Chaque cercle doit évidemment repérer les éléments pouvant mettre en danger un tel processus d’auto-organisation. Parmi ces dangers, il y a aussi des logiques diffuses de servitude inconsciente et parfois carrément volontaire. Cela suppose une prise de conscience d’un problème se trouvant en soi-même et pas seulement à l’extérieur de soi- même. Tout cela permet d’analyser les leviers d’action et de réunir les alliés potentiels. 

La résistance dont nous parlons est, certes, une résistance au chaos ultra libéral, mais aussi une reconstruction d’un lien social nouveau. C’est la collaboration entre humains, organisés en collectifs ou en communaux qui permettra d’éliminer la rivalité, la prédation, la loi du plus fort, la concurrence opposée à la complémentarité, mettant en échec l’idéologie du fascisme ultra libéral, la remise en cause de l’ordo libéralisme européen ou dictature techno-fasciste adoptée et imposée par l’Union Européenne à tous les Etats-Nations qui la composent et qui ont été atomisés pour les placer sous tutelle d’une seule et unique gestion supra nationale. 

La monnaie sociale est également protégée des phénomènes de déstabilisation extérieure. Le SOL est sécurisé par une carte à puce. Les billets de SOL intègrent une puce électronique. Pour éviter la déstabilisation intérieure, toutes les innovations sont mises en réseau, il y a l’AMAP, les circuits courts, le financement solidaire, les expériences type « terre de liens » ou « villes en transition », les logiciels libres, les réseaux sociaux qui permettent l’organisation d’une résistance par la diffusion de l’information concernant notamment les expériences anticipatrices et les innovations démocratiques… Pour retrouver la possibilité du travail créatif en abandonnant la logique du marché de l’emploi et l’obligation marchande de se vendre au prix du vendeur et au détriment du vendu, pour retrouver toute son autonomie et sa dignité humaine, il est possible en effet de « traverser la rue », celle qui sépare le monde désuet de la religion de marché avec sa logique prédatrice, du monde des «prosommateurs»: les consommateurs devenus leurs propres producteurs grâce à leur travail créatif émancipé du travail pénal assujetti aux impératifs du capital dont la seule loi est celle du profit. 

La bonne entente est centrale, le bonheur de vivre une expérience commune dans laquelle on se réapproprie son existence, est une qualité que l’on peut vivre dans l’intensité et non pas selon des critères marchands de quantité. C’est l’échange de la pluralité des traditions du sens qui peut permettre cette intensité.
Bien entendu, il est évident que cela implique concrètement la sortie du système bancaire actuel qui nous enferme dans l’organisation de la captivité ultra libérale.

Les communaux collaboratifs c’est la promesse faite entre des personnes de se tenir ensemble, se jurant assistance; c’est s’engager à se soucier les uns des autres et à se défendre contre tout oppresseur. Une commune c’est un serment commun. Le « communal collaboratif » c’est le serment de se confronter ensemble au monde. C’est compter sur ses propres forces communes pour s’assurer la liberté, la justice sociale et fiscale et le bonheur de partager une communauté de destin. Il s’agit d’une qualité de lien et une façon d’être dans le monde. La commune de Paris en 1871 c’était cela : des gens qui ont consenti à se lier les uns aux autres. 

Se réapproprier la souveraineté citoyenne.

La priorité absolue pour nous désormais, c’est le tirage au sort d’une Assemblée Constituante, sans l’avis de personne actuellement au pouvoir. Le peuple, via « Le Conseil National de la Résistance des Gilets Jaunes », doit prendre en mains cette initiative et organiser ce tirage au sort. Puis, l’Assemblée Constituante se mettra au travail. Lorsqu’une nouvelle Constitution aura été donnée à la France par les Français, ils déposeront tous les «élus» et passeront à une nouvelle forme de gouvernance qui n’aura plus rien à voir avec la monarchie absolue républicaine que nous connaissons. 

Nous devons agir par nous- mêmes, sans l’avis de ce Pouvoir actuel en place que nous devons ignorer. 

Lorsque le Tiers-État a pris l’initiative de se réunir à la salle du jeu de paume, contre l’avis du Roi, de la noblesse et du clergé, c’était pour se promettre de donner une Constitution à la France. Tant que ce travail ne serait pas achevé, le Tiers-État ne se séparerait plus pour que ses membres rentrent chacun chez soi. Nous devons faire de même: sans l’avis de personne, nous devons réécrire une nouvelle Constitution à la France et les Gilets jaunes ne se sépareront plus tant qu’un referendum n’aura pas entériné cette nouvelle Constitution.

Si le Pouvoir en place ne veut pas se plier à la volonté du peuple, en reconnaissant la nouvelle Constitution, alors nous ferons la même chose qu’en 1789, nous le déposerons par la force. 

Quelle stratégie de mise à pied de l’oligarchie au pouvoir?

Ce gouvernement dit « représentatif » a déjà été abaissé au niveau où il place d’office et crapuleusement les insurgés, les traitant de « foule haineuse », c’est-à-dire, en ayant obligé la police à n’être qu’une milice de voyous et l’appareil judiciaire, une association de malfaiteurs. 

Dans cet ordre d’idée, nous constatons que se multiplient les neutralisations efficaces des permanences des « députés » LREM, faisant actuellement la pluie et le beau temps sur la France. La neutralisation des lignes téléphoniques ou internet, en agissant sur les câblages alimentant les permanences LREM, semble se poursuivre actuellement sur l’ensemble du territoire national. Le pouvoir tait ces informations pour ne pas donner plus d’idées à la Résistance qui étend chaque jour son champ d’actions. L’objectif poursuivi, dans l’immédiat, est celui de dissuader la politique macronienne de destruction du patrimoine français.

Puisque le Pouvoir n’est plus dans les Institutions de « l’État de Droit » réduit à néant, puisque désormais il est dans l’organisation même de ce monde flibustier, il était prévisible que la Résistance aille logiquement s’attaquer à cette organisation. S’attaquer à cette organisation, c’était donc s’attaquer au Pouvoir lui-même. Le Pouvoir s’étant fondu dans le décor, respecter ce décor, comme étant quasi sacré, aurait voulu dire respecter ce Pouvoir qui est justement condamné pour trahison. 

Disons-nous bien qu’une insurrection, c’est d’abord une capacité à l’auto-organisation de la vie commune qui de ce fait ravage les infrastructures du Pouvoir descendu dans les formes. La résistance des GJ cherche donc, de toute évidence, à rendre ces infrastructures inutiles et donc inutilisables.

Cette capacité à l’auto-organisation provoque naturellement un blocage du Pouvoir, puisque celui-ci est dans l’organisation de ce monde. En effet, si je vais dans l’auto-organisation, je sors de l’organisation, je m’en émancipe et le Pouvoir se retrouve ipso facto sans pouvoir. 

Si le Pouvoir actuel dépend notamment des flux, il est normal de s’attendre à ce que les flux soient bloqués à leur tour, que ce soit directement ou indirectement. Directement : c’est lorsque les sites seront bloqués. Indirectement : c’est lorsqu’une masse de gens cessera d’utiliser les flux obligés, dominés, contrôlés par les dominants. Peu à peu, des millions d’utilisateurs refusent de se servir des GAFAS et s’attaquent physiquement à ces flux en n’importe quel point du système, même sans bouger de chez eux, et grâce à cela, ils attaquent politiquement le système dans son ensemble, ce système qui nous contrôle et nous domine. 

Il est prévisible que « Le Conseil National de la Résistance des GJ » fera prochainement appel à ceux qui ont une connaissance technique importante de l’utilisation des algorithmes et de l’organisation de ce monde qui en dépend, à l’exemple des services de la CIA qui ont récemment attaqué le fonctionnement des centrales électriques du Venezuela. (La particularité des GJ étant celle de la Résistance et non pas celle de ce terrorisme pratiqué par l’État, comme l’action de la CIA qui a été évoquée, il va de soi que les GJ excluent de s’attaquer aux infrastructures qui concernent le bien vivre de leurs concitoyens.)

Sur le plan purement individuel, il est encore possible de refuser d’avoir un profil virtuel, un Smartphone ou un contact habituel avec des systèmes de données online. Grâce à l’organisation légitime de la vie en « communaux collaboratifs », hors des circuits bancaires et étatiques, il serait possible d’utiliser tous ces moyens informatiques en dehors du système qui les verrouille et ainsi échapper au dressage, à la manipulation et à la surveillance de masse organisée par ce pouvoir qui nous traite en esclaves ayant l’obligation d’être rentables pour la cause de l’ultra libéralisme et des seuls profiteurs d’en haut qui font bombance grâce à cet enfermement sciemment conçu pour nous contrôler dans nos choix à la micro seconde près…

Sur le plan individuel et collectif, il est aussi possible et légitime de boycotter tous les medias collabos ou medias « mainstream » dans leur ensemble : télévisions, radios et périodiques, presse écrite, qui colportent le discours officiel manipulateur de l’opinion publique, du fait qu’ils sont exclusivement entre les mains de quelques milliardaires amis, protecteurs et souteneurs macroniens, et ainsi faire chuter massivement les courbes d’audience comme les abonnements…

Il est aussi indispensable de boycotter massivement tous les produits alimentaires qui viendront inonder le marché français grâce à la signature du CETA et du TTIP qui sera la suite logique du CETA, et qui est déjà en préparation depuis longtemps, à l’insu des peuples dont l’avis ne compte pas. Les GJ nous indiquent la voie qui permet de faire échec à cette politique de trahison en ruinant les circuits du business qui veulent faire leur beurre au dépens de nos petits producteurs. Dans l’actualité, chacun doit savoir reconnaître les nouveaux produits à boycotter qui  seront identifiables par les codes barres 754 et 755. C’est la logique marchande du profit pour le profit qu’il faut corriger en amont de tout cela, et chacun sera gagnant, même en Amérique du Nord.

Un mouvement dissident sécessionniste fondateur.

L’organisation de la Résistance à l’occupation ultra libérale, va naturellement regrouper les résistants hors des villes et constituer des réseaux autonomes, en rupture complète avec le modèle ultra libéral dominant. Le pouvoir actuel cherche précisément à détruire cette convergence de la dissidence sécessionniste. Les Gilets jaunes ne vont pas se laisser aller à une marginalité inoffensive pour le système. Ils vont au contraire habiter un territoire en assumant sa configuration située du monde, leur façon d’y vivre et d’y demeurer, leurs valeurs, leurs vérités, et à partir de cela entrer en conflit ou en complémentarité avec les autres entités sociales du monde. 

Il s’agit pour eux de se lier stratégiquement aux autres zones de dissidence, comme cette expérience de Tarnac dans le Limousin qui est reliée à celle de la commune du Val de Suse en Italie; comme la communauté de Marinaleda en Espagne qui est reliée au Venezuela, Ecuador, Bolivia… Les Gilets jaunes pourraient bien également s’inspirer de la stratégie gagnante du Chiapas au Mexique, qui est parvenu au résultat de l’auto-organisation d’un « Communal collaboratif » performant et totalement émancipé de la dictature ultra libérale. Il s’agit donc, de communiquer d’ores et déjà avec ces autres contrées amies, sans frontières. Des membres du « Conseil National des Gilets jaunes » représentant toutes les Régions de France, pourraient se rendre prochainement dans ces communes et voir comment elles se sont organisées pour initier les mêmes expériences dans toutes les communes qui sont aux côtés des Gilets jaunes. La sécession peut rompre avec la conception ancienne du territoire national. Il s’agit de se regrouper en archipels de communautés de destin, même si des milliers de km les séparent… 

Dans le même ordre d’esprit, nous constatons également que des maires, luttant aux côtés des Gilets jaunes, décrochent solennellement du mur de leur mairie, le portrait du charlatan de la politique qui se prend pour le Président de la République Française. Pourrais-je suggérer qu’ils remettent à sa place un portrait de Jean Moulin qui aurait le mérite d’avoir un sens, puisqu’il est l’inspirateur implicite des actions de la Résistance des GJ contre l’occupant fasciste ultra libéral macronien?

C’est notre organisation quotidienne dans la complémentarité qui nous ferait découvrir que l’État tel qu’il est imaginé et construit, est une imposture, il est inutile. Nous pourrions découvrir que le gouvernement, tel qu’il est pratiqué, est en réalité superflu, et que sans lui la coopération deviendrait aussitôt naturelle y compris dans les domaines de l’éducation et de la santé. Il s’agit pour les GJ de faire exister tout simplement la démocratie et il n’y a pas plus légitime que cela.

Le secret de la réussite d’une telle initiative, c’est qu’il faut aller voir ailleurs, aller à la rencontre des autres qui font la même démarche. Il faut discerner les mouvements qui convergent, les communes amies, les alliances possibles, les résistances nécessaires selon une logique de la stratégie et non pas de la dialectique. Il faut créer du lien, de la connexion, des échanges. Il ne faut surtout pas de leader particulier, pas de tête que le Pouvoir pourrait couper, pas d’individu à isoler pour tuer un mouvement. Cette organisation de Résistance doit rester polynucléaire, sans hiérarchie, communaliste, diffuse, invisible au sens institutionnel. En fait, la guerre de tous contre tous n’est pas ce qui vient quand l’État, tel qu’il a été conçu, (théocratique et non pas démocratique), n’est plus là, mais c’est ce qu’il organise habilement tant qu’il existe. 

CONCLUSION

Enfin, rappelons également que le temps est désormais proche où, à l’image de ce qui s’est produit à la libération en 1945, les « élites » au pouvoir devront rendre des comptes au peuple redevenu souverain…

Ce que j’ai pointé dans ce texte concernant le bilan des actions des Gilets-jaunes, c’est une « sorte » de « guérilla » au sens de la « Résistance », des opérations éclairs, des attaques sur les infrastructures du pouvoir qui ne dérangent pas les secteurs du bien vivre de nos concitoyens. Dans cette perspective, les Gilets jaunes peuvent gagner en popularité, en estime, en reconnaissance et en soutiens de la part de tous ceux qui ont encore quelque chose à perdre mais qui souffrent beaucoup, comme les classes moyennes, du désastre de l’idéologie fasciste ultra libérale incarnée par la politique de l’UE et les serviteurs qui la défendent à travers une surenchère de la radicalisation des « élites ».

Jean-Yves Jézéquel

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Tous les soirs à Paris, dans de vastes campements sous les viaducs des autoroutes, sur les terrains de jeux et dans les parcs, des milliers de réfugiés vont dormir dans la rue. Ils ne reçoivent aucun logement de l’État, aucun argent, aucune nourriture et n’ont aucun droit juridique au travail. Ils sont victimes d’un régime criminel anti-immigré supervisé par l’État français et l’Union européenne et soutenu par l’ensemble de l’establishment politique français.

La semaine dernière, des journalistes du World Socialist Web Site ont interviewé des dizaines de demandeurs d’asile dans des tentes entre le quartier La Chapelle du 19e arrondissement de Paris et la banlieue de Saint Denis. Parmi eux, la plupart ont moins de 25 ans – les plus jeunes (15 ans), les plus âgés (45 ans) – et sont sans abri à Paris depuis plus de deux ans. Ils dépendent d’associations caritatives et de particuliers pour se nourrir, vendent des bibelots touristiques, de l’alcool et des cigarettes au coin des rues pour de l’argent.

Tentes des réfugiés sous une autoroute à Saint Denis

Selon le groupe de défense des droits des immigrés France Terre d’Asile, il y a entre 1.500 et 2.000 réfugiés sans abri rien qu’à La Chapelle et dans les banlieues voisines. Plusieurs milliers d’autres vivent dans des conditions similaires à travers le pays, et des dizaines de milliers sont emprisonnés chaque année dans un réseau de centres de détention où ils attendent d’être expulsés. La majorité d’entre eux ont fui l’Afrique et le Moyen-Orient, s’échappant des guerres néocoloniales et des conditions de pauvreté. S’évadant aussi de l’éclatement social provoqué par des siècles d’oppression de la part de la France et des autres puissances impérialistes.

Tout l’establishment politique est complice de ce programme anti-immigré brutal, qui vise à empêcher les réfugiés d’exercer leur droit démocratique et juridique de demander l’asile en France. La conspiration du silence sur leur sort s’étend à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et au Parti socialiste, qui soutiennent la politique de l’administration Macron.

Abdullah

Abdullah, 26 ans, est l’un de ceux qui vivent sous le périphérique de La Chapelle. Il est là depuis le début de l’année 2019. Aujourd’hui, il vit dans la ville et vend des cigarettes aux passages piétonniers.

Il a pris un peu moins de trois ans pour atteindre la France après avoir fui le Soudan en 2016. Il a voyagé vers le nord à travers la Libye et a traversé la Méditerranée en direction de l’Italie. C’est la route la moins chère, et probablement aussi la plus dangereuse. En 2011, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont lancé une guerre néocoloniale pour un changement de régime dans le pays sous des prétextes humanitaires. L’offensive impérialiste a plongé la Libye dans une guerre civile qui perdure et instaurant un régime fantoche de droite instable basé sur des milices rivales.

Depuis 2015, l’UE a fourni aux garde-côtes libyens des armes, des navires et de l’argent pour intercepter les réfugiés qui tentent de s’embarquer pour l’Europe. Ils les emprisonnent dans des centres de détention financés par l’UE, où la torture, l’esclavage, le meurtre et le viol sont monnaie courante.

Abdullah a fait trois tentatives de navigation vers l’Europe avant de finalement réussir. Lors de sa première tentative, fin 2017, les garde-côtes libyens ont pris le petit bateau qui transportait 130 personnes. Ils ont fait des cercles autour de du bateau pour le faire chavirer, dit-il. «Tout le monde était dans l’eau. Quand j’ai refait surface, tout le monde criait. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu les corps de trois personnes, deux enfants et une femme, flottant devant moi. Ils les ont laissés dans l’eau ce jour-là.»

On a emprisonné tous les passagers dans un centre de détention à Misrata. Finalement, Abdullah s’est échappé. Il s’est rendu à Tripoli et, après trois mois. Il a tenté de traverser à nouveau vers l’Europe. L’armée libyenne a repris le bateau. Cette fois-ci on l’a emprisonné au centre de détention de Triq al Sikka pendant six mois avant de pouvoir s’échapper à nouveau. «Tout le monde doit y travailler sans récompense», a-t-il dit de cette deuxième prison. «Ceux qui travaillent mangent. Les autres sont battus ou tués. La prison est infâme, il n’y avait pas de toilettes, juste des seaux sur le sol.»

Abdullah a effectué sa dernière tentative de traverser la Méditerranée en juin 2018. Cette fois-ci, un paquebot commercial a récupéré ce nouveau bateau et les immigrés ont pu transférer à bord de l’Aquarius, un navire de sauvetage exploité par Médecins sans frontières, qui a transporté les passagers en Europe. L’Aquarius n’a pas pu naviguer depuis novembre dernier: l’UE lui a retiré ses droits de navigation. La France et les autres puissances de l’UE ont refusé de lui fournir un pavillon pour naviguer. Cela fait partie de leur stratégie qui vise à empêcher toute opération de sauvetage en Méditerranée. En même temps, cela garantit que quasiment tous les réfugiés soient noyés ou renvoyés dans les prisons libyennes.

Mais en France, la demande de visa d’asile d’Abdullah n’a pas été approuvée. Bien qu’il ait été autorisé à vivre en France, on lui a dit qu’en l’absence d’acte de naissance ou de documents officiels concernant sa ville natale (qu’il a fui pour la première fois à l’âge de 12 ans), il ne bénéficierait pas de droit au travail.

«Maintenant je dors sur la route ici,» dit-il. Sa tente contient un matelas et des vêtements de rechange. Les rats peuvent être vus à 20 mètres, et les voitures et les camions passent à 70 kilomètres à l’heure à moins de deux mètres de l’endroit où il dort. «Je ne peux pas travailler parce qu’ils disent que je ne peux pas avoir de papiers. Que puis-je faire maintenant? Quand vous quittez l’Afrique et pensez à l’Europe, vous pensez que vous serez capable de travailler, d’avoir des documents, d’avoir une vie. Mais ce n’est pas le cas. Tu dors dans la rue. Il y a beaucoup de gens ici sous le pont qui deviennent fous parce qu’ils ne voient pas d’issue. C’est ça, l’Europe.»

Un autre campement de réfugiés à Saint-Denis

D’autres groupes de tentes se trouvent au bord de la route en direction du nord, en provenance de Paris et à destination de Saint-Denis. À moins d’un kilomètre, dans un parc de Saint-Denis, vit Abdul, un ancien étudiant en droit soudanais de 24 ans. Dans le cadre du système d’immigration punitif de l’UE, il appartient à une catégorie que les demandeurs d’asile parisiens appellent «les Dublinés». L’accord d’immigration de Dublin de 2013 a créé ce statut. Il stipule que tout réfugié enregistré au moment où il arrive dans un État membre de l’UE ne peut présenter une demande d’asile dans un autre État membre, sans attendre 18 mois avant de présenter la demande.

Vendredi, Abdul a dit: «Quand je suis arrivé en Italie, ils ont pris mes empreintes digitales». Abdul était assis dans un centre de l’Armée du Salut près de La Chapelle où plus de 200 réfugiés prennent des douches et chargent leur téléphone portable chaque jour. «Quand je suis enfin arrivé ici, ils m’ont dit que je devais attendre et ils ne m’ont rien donné. J’ai donc été sans-abri ici ces deux dernières années. J’ai soumis ma nouvelle demande il y a un mois.»

Comme c’est la procédure normale pour les demandes d’asile en France, après avoir soumis sa demande, Abdul s’est fait dire d’«attendre» un SMS concernant une réunion de suivi de sa demande. On ne leur donne aucune information sur le moment où ils recevront ce message texte, attendant souvent jusqu’à un an ou plus.

«Je mange dans la rue. Parfois, je ne mange pas. Il arrive parfois que des gens viennent apporter des aliments qu’ils ont cuisinés à la maison. La plupart du temps, j’ai faim», dit-il.

Abdul a participé le mois dernier à la manifestation et à l’occupation par plus de 700 réfugiés du bâtiment historique, le Panthéon, pour réclamer le droit de séjour en France. «J’ai reçu une photocopie du tract de la manif sur WhatsApp de mon ami qui était sur le bateau qui m’accompagnait de l’Égypte à l’Italie,» dit-il. «Je voulais juste aller montrer que nous sommes ici, que nous existons. En ce moment, c’est comme si je n’existais pas. Le gouvernement ne fait rien pour nous.»

Il a décrit la répression policière brutale de la manifestation qui a suivi. La police est entrée dans le bâtiment, informant les manifestants que «nous pourrions protester dehors si nous partions». Ils nous ont dit: «En France, nous avons la liberté de protester.» Mais dès que le groupe a quitté le bâtiment, la police a attaqué. «Les gens couraient partout pour s’échapper», dit-il. «La police s’en est pris à n’importe qui elle pouvait mettre la main dessus. La police m’a arrêté parce que je ne me suis pas enfui. J’ai dit que j’avais le droit d’être ici. Finalement, trois policiers se sont approchés de moi, l’un d’eux m’a frappé avec un bâton, et quand je suis tombé par terre, ils ont continué à me frapper les jambes.»

La police a placé Abdul en détention pendant 24 heures avant de le libérer sans inculpation. «J’avais tous mes papiers d’identité et ma demande dans mon sac, c’est pourquoi ils m’ont laissé sortir», dit-il. «Beaucoup d’autres n’avaient pas de papiers, ils les ont mis en détention pour expulsion».

«Le gouvernement français critique Salvini en Italie», commente Abdul. «Mais c’est la même politique. Au moins à Lampedusa, j’avais une maison où vivre et manger. Ici, rien du tout. Évidemment c’est intentionnel. Ce qu’ils nous disent c’est: “Restez où vous êtes, ou si vous voulez venir ici, très bien, mais ce sera la misère”».

Une aire de jeux à Saint-Denis transformée en campement

Dans un terrain de jeux voisin à Saint-Denis, des dizaines de réfugiés dorment sur de bancs et dans de tentes, utilisant les agrès du terrain comme cordes à linge et les autres équipements comme murs pour leurs quartiers. Mousa, un réfugié somalien de 44 ans, est en Europe depuis deux ans et est arrivé en France après le rejet de sa demande en Allemagne et était menacé d’expulsion. Il avait toujours ses papiers sur lui, y compris des ordonnances médicales pour du Lyrica et du Tilidin pour traiter ses douleurs chroniques au dos. Il n’a aucun moyen de recevoir ces médicaments et n’a rien mangé depuis deux jours. «La plupart du temps, quelqu’un vient à 21 heures et apporte du pain, du thé et du café», dit-il.

David (29 ans), Mohammedi (32 ans) et Akbari (26 ans) vivent sur le même terrain de jeu. Tous trois sont originaires d’Afghanistan, déchirés par une guerre menée par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN depuis 18 ans, et tous trois sont venus en France après que leur demande d’asile ait été rejetée en Allemagne.

«Tous les jours, de 8 h à 11 h, vous essayez d’appeler le numéro de téléphone pour soumettre votre demande», a dit David. «Vous attendez 2 heures au téléphone et personne ne répond». Il lui a fallu un mois pour joindre quelqu’un et prendre un premier rendez-vous pour déposer sa plainte auprès du préfet de police. Il a pris mes empreintes digitales, m’a dit que j’étais «Dublin» et que je devais attendre ou rentrer. Je n’ai nulle part où aller. Alors je reste ici».

Sous une autoroute à La Chapelle, nous avons parlé à un groupe de huit adolescents, âgés de 15 à 19 ans, tous sans-abri. Ils sont arrivés en France par différents itinéraires depuis la Guinée, ancienne possession coloniale française avec un taux de pauvreté de 50 pour cent, et sont en France depuis deux mois à deux ans. L’un d’eux, Quatorze, qui a 17 ans, est à Paris depuis février. L’État français a rejeté sa demande parce qu’il n’a pas pu fournir aux autorités un certificat de naissance.

«Je veux poursuivre mes études et aller à l’université», a-t-il dit. «Je voulais étudier la sociologie. Je n’ai pas de documents, donc je ne peux pas travailler ou étudier ici. Je ne peux pas louer un appartement. Nous ne recevons rien du gouvernement. Nous vivons parce que les gens viennent nous donner de la nourriture, pas le gouvernement, des gens normaux, qui font des sacrifices pour nous.»

«L’Union européenne devrait cesser de se cacher le visage et de dire qu’elle vient en aide aux migrants», a-t-il commenté. «Silencieusement, elle nous laisse dans l’état où on se trouve et aussi la Méditerranée.»

Le régime anti-réfugiés brutal mis en place par le gouvernement français et l’Union européenne est un avertissement pour toute la classe ouvrière. Les immigrés subissent les camps de concentration de masse à travers l’Afrique. Ceux qui atteignent la France sont forcés d’être à la rue et de vivre dans le dénuement. Ensuite, la répression policière brutale est la réponse à ceux qui protestent. Cela fait autant d’outils de répression développés pour être déployés contre l’ensemble de la classe ouvrière dans l’avenir. Tout cela est rassemblé dans une situation où l’opposition face aux inégalités sociales sans précédent s’intensifie.

Will Morrow

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 13 août 2019

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La Colombie célèbre ses 200 ans d’indépendance et la « fondation » de la république. L’indépendance formelle par rapport à l’Espagne a été acquise mais aucune nation n’a été constituée. Ce sont deux choses différentes que beaucoup confondent, par ignorance ou par commodité. Quelques temps plus tard, l’oligarchie créole nous a livré à l’empire anglais et, plus tard, à l’empire nord-américain (1903).

Il est vrai que nous fonctionnons comme un pays, que nous avons une économie développée par notre peuple (même si elle est subordonnée aux pouvoirs) et que nous portons une identité particulière et complexe (qui fait de nous des « êtres spéciaux »), mais nous ne sommes pas une vraie Nation. Nous sommes une colonie et le « Caïn de l’Amérique ». Avec sept bases militaires gringo et des gouvernements fantoches, nous ne pouvons pas croire que nous sommes « indépendants ». Les droits oligarchiques, patriarcaux, racistes et cléricaux nous utilisent comme têtes de pont dans la région. Et la résistance interne est exterminée par le sang et le feu, même si l’oligarchie affirme que nous avons « la plus vieille démocratie du continent ».

Pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à la situation actuelle, il est intéressant de comprendre ce qui s’est réellement produit dans le passé. Au début du XIXe siècle, la majorité des métis, d’origine indigène, afro et « blancs pauvres », n’a pas eu la moindre chance de décider de manière autonome de la soi-disant « révolution » de l’indépendance. Ils étaient soumis au pouvoir omnipotent des grands propriétaires terriens et des mineurs esclavagistes, sans possibilité de parler et encore moins de décider.

Il n’y avait que très peu de régions de la Nouvelle Grenade où il y avait des noyaux de peuples rebelles qui pouvaient décider de leur « propre action » face à la guerre entre les soi-disant « patriotes » et les « royalistes ». Il s’agissait de peuples indiens et noirs qui n’avaient pas été complètement vaincus et qui conservaient une relative autonomie pour décider quel parti prendre.

Dans le sud-ouest de la Colombie, le peuple Nasa, qui était le seul à conserver une relative autonomie, s’est divisé. Certains soutenaient les « patriotes », d’autres les « royalistes ». À Patía, la grande majorité des rebelles noirs, qui avaient une alliance de longue date avec les Sindaguas (awas), et à Nariño, la majorité des Pastos et Quillacingas indigènes, se sont ralliés aux royalistes. Ils connaissaient les colonisateurs créoles et ils savaient qu’ils étaient pires que les administrateurs du roi. Il était naturel pour eux de se méfier de « l’indépendance ».

Pour les « citoyens » colombiens d’aujourd’hui et de nombreux politiciens et universitaires, influencés par le faux nationalisme qui a été utilisé en Colombie pour tromper, l’attitude « progressiste » devait être celle du « patriotisme ». Soutenir le roi d’Espagne est considéré comme une « trahison » et il est inconcevable que les peuples noirs ou indigènes puissent être « royalistes ».

Cependant, si nous nous mettons dans la peau de ces peuples, les 200 ans d’indépendance n’ont pas beaucoup compté pour eux. Ils n’ont pas réussi à étendre ou à renforcer leur autonomie, et ils risquent toujours d’être exterminés ou « éteints ». Les lois adoptées « en leur faveur », comme celles qui ont été adoptées à l’époque de la « république », deviennent des pièges et des reculs.

La particularité et la complexité de la Colombie (histoire très résumée)

Dans le territoire que les Espagnols appelaient la Nouvelle Grenade (aujourd’hui la Colombie), pendant la conquête et la colonisation, a été découverte, dans le plateau Cundi-Boyacense dans le centre de la région, l’existence d’un petit « empire » Muisca, entouré de centaines de peuples indigènes indomptables et rebelles, au milieu d’une géographie et d’une nature sauvage et luxuriante.

Ils faisaient face à trois chaînes de montagnes gigantesques ; deux océans (Atlantique et Pacifique) qui nous relient à l’Amérique centrale, aux Antilles et à l’Amérique du Sud et font de nous un carrefour de routes et de migrations, et des forêts et jungles impénétrables où les Indiens se réfugiaient (et plus tard les « Marrons noirs »).

Peu à peu, ils ont colonisé le territoire et réduit la population en esclavage. Ces oligarchies coloniales vivaient isolées dans leurs villes, entourées par la résistance des Indiens. A Popayán, ils se protégeaient avec leurs alliés « Yanacona » venus du Pérou et de l’Équateur ; à Bogota, ils avaient des accords avec les Indiens muiscas en les acculturant ; à Carthagène, ils étaient protégés par des métisses-noirs domestiques et en Antioquia, les fils des hommes blancs et Indiens (métisses) leur servaient de protection et de main d’œuvre aux haciendas et aux mines.

Dans le cas d’Antioquia, quand les métisses ont grandi, ils ont été expulsés des haciendas par la « colonisation Paisa » vers Caldas, Risaralda, Quindío et le nord de la vallée, et de là vers Tolima, Huila, Caquetá, Putumayo, les zones du Cauca et les Llanos. Cependant, ces métisses d’origine paisa sont devenus libéraux dans leurs contacts quotidiens avec les Pijaos, cuyabros, calimas, nasas et autres peuples, rebelles par nature (c’est l’avancée la plus subversive de notre peuple mais ils doivent contrôler leur « ressentiment » pour se connecter au reste).

C’est ainsi que s’est poursuivie la colonisation en Colombie, un processus qui n’est pas terminé. Il n’y a jamais eu de réforme agraire, mais des paysans et des colons ont été poussés vers des terres incultes par la violence. De telle sorte qu’il a toujours existé en Colombie une élite d’origine espagnole, une grande base de métisses domestiqués (d’origine Yanacona, muisca et blanc), et un grand nombre de peuples indiens rebelles mais désunis et dispersés, qui ont toujours affronté les « contremaîtres », c’est-à-dire avec le « coussin d’amortissement » que les Créoles avaient construit pour se protéger des « mauvais chrétiens », des « bandits, vagabonds et insurgés ».

Ainsi, les héritiers créoles des Espagnols n’ont pas été capables de construire une Nation et encore moins une république démocratique. Pour eux, il valait mieux maintenir le contrôle dans les différentes régions et empêcher l’union des peuples rebelles qui pourraient influencer leurs alliés domestiqués, les « bons Indiens », et mettre en péril leur hégémonie. Ils avaient donc besoin d’un allié impérial en cas de rébellion généralisée comme ce fut le cas avec Jorge Eliécer Gaitán. Un jour quelqu’un a dit : « l’oligarchie colombienne craint le peuple plus que l’empire ».

Conclusion

Continuer de faire croire à notre peuple qu’il y avait vraiment une indépendance effective et qu’une République était fondée, c’est tomber dans le piège des puissants. Nous devons être à l’écoute de notre peuple qui sait instinctivement que cela a toujours été un mensonge. C’est pourquoi les gens acclament avec plus d’exaltation le triomphe d’un sportif que la prétendue indépendance que très peu ressentent vraiment et que peu célèbrent avec enthousiasme.

La tâche qui nous attend est de fonder sérieusement la Nation et de construire la République. Ce ne sera pas facile du tout. Pour ce faire, nous ne pouvons pas continuer à lutter seuls contre les « contremaîtres » (Uribes, Santos, etc.), en ne comptant que sur un secteur des peuples les plus rebelles (Nariño, Guajira, autour du volcan Huila, et Bogotá). C’est à nous de concevoir une stratégie enveloppante, patiente, intelligente, sans « vivacité » et sans « saut dans le vide », qui ne peut que conduire à des guerres plus fratricides et à une usure inutile.

Nous devons rompre avec la répétition compulsive qui nous conduit à une constante tragique : a) le soulèvement des rebelles ; b) l’accord de paix ; c) une fausse constitution ; et d) une nouvelle guerre.

C’est ce qui s’est passé avec certaines guérillas, qui se sont consacrées au harcèlement des paysans riches et moyens dans de nombreuses régions, sans cibler les grands laquais et l’empire, générant la base sociale de ce qui est aujourd’hui « l’uribisme ». Nous ne pouvons pas répéter cela. Aujourd’hui apparaît une jeunesse qui donne le ton, qui veut des changements concrets dans la vie réelle et pas seulement dans les lois (qui restent toujours sur papier).

Ces jeunes ne veulent plus de la même chose, alors ils optent pour du « nouveau » et pour les « progressistes ».

Source : Ni nación ni república, solo una simple colonia, Rebelión, le 12 août 2019.

Traduit par Réseau International

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Contrairement à la croyance populaire, le commerce le plus sanglant de l’histoire, qui vit des organes prélevés sur des serbes du Kosovo capturés et emprisonnés, trouve ses sources ailleurs. Comme l’indiquent les médias serbes, dans le cadre du processus mené par la mission EULEX au Kosovo, « l’un des accusés a reconnu avoir participé à un trafic d’organes humains ».

Driton Jiljta a plaidé coupable face aux accusations d’« abus d’autorité et pratique illégale de la médecine ». Cette affaire se déroule en marge du processus plus large, où l’accusation a mis en examen sept albanais et deux étrangers pour trafic, crime organisé et transplantation, décrits comme « pratique illégale de la médecine » à l’hôpital Medicus de Pristina. Selon l’accusation, l’hôpital, en 2008, ne réalisa que 30 greffes de reins interdites ; et des miséreux en provenance de Turquie, de Russie, de Moldavie et du Kazakhstan vinrent à la clinique sur la base de la fausse promesse qu’ils toucheraient 15 000€ pour leurs organes.

Un procès mal dirigé

Le procès n’a cependant pas de réelle importance, et son objectif est de convaincre le grand public, au travers d’un processus judiciaire piloté par les USA et l’UE, que des travaux de grande portée sont en cours dans l’enquête pour trafic d’organes. C’est ce qu’en disent les médias et les dirigeants mondiaux. Mais que s’est-il réellement passé? Washington et Bruxelles ont délibérément dirigé les procès dans la mauvaise direction, après que ceux-ci aient été lancés par un rapport de Dick Marty, un haut dirigeant de l’ONU ; il s’agit ici de protéger les puissants organisateurs du trafic d’organes et leur industrie si rentable – l’industrie de la mort.

Au départ, Jiljta plaida non-coupable pour le chef de trafic d’organes, mais coupable pour abus d’autorité et exercice illégal de la médecine. Le prélèvement interdit d’organes, appelé « trafic d’organes », est défini comme une activité criminelle lorsque la pratique est conjuguée au trafic d’êtres humains. Pour ces crimes monstrueux, le « Code pénal provisoire » [Provisional Criminal Code, NdT] défini par EULEX ne prévoit que 2 à 12 années d’emprisonnement. D’un autre côté, EULEX est, à l’image d’ICTY, hostile aux serbes – et leur inflige des peines draconiennes : aucune surprise donc à voir Zoran Kolic condamné à 14 années d’emprisonnement pour crimes de guerre malgré les preuves qu’il a apportées du fait qu’il n’était même pas sur place dans la zone au moment où les supposés crimes ont été commis.

En outre, selon l’accusation, l’affaire de trafic d’organes au Kosovo est réduit à une seule activité, s’appliquant à « des personnes pauvres et désespérées, en provenance de différents pays, ayant besoin d’argent, venus vendre leur rein à l’hôpital privé ‘Medicus’ de Pristina ».

Comme une activité bien organisée, pratiquée par la soi-disant Armée de Libération du Kosovo, sur des milliers de serbes kidnappés et (encore aujourd’hui) portés disparus, de tous âges et des deux sexes, peut-elle subitement se voir réduite à une simple action criminelle?

Au Kosovo, le ministre des affaires étrangères français de l’époque, Bernard Kouchner, avait ri et a désigné un journaliste du média Voice of America comme « malade », quand celui-ci lui avait posé des questions sur l’affaire de trafic d’organes.

Selon les informations divulguées par KIM Radio, de l’enclave serbe de Gračanica, le journaliste Budimir Ničić avait demandé au ministre français les informations dont il disposait ainsi que sa position au sujet des allégations de trafic d’organes.

Quand Ničić posa sa question, Kouchner s’est mis à « rire », et a répondu : « Mais vous êtes fou, vous croyez n’importe quelle connerie ».

Kouchner poursuivit en disant : « ne croyez pas ces bêtises ».

« Les maisons jaunes, c’est quoi, les maisons jaunes? Quelles maisons jaunes? Pourquoi jaunes? Monsieur, vous devriez aller consulter [un psychiatre]. Ça suffit, merci! Y a pas eu de maisons jaunes, y a pas eu de vente d’organes […] Les gens qui disent ça sont des salauds et des assassins », tels sont les propos du principal diplomate français reportés par la radio. (Note : les gens qui DISENT ça sont les salauds et les assassins, pas les gens qui FONT ça). Kouchner était administrateur de l’ONU au Kosovo de 1999 à 2001.

Le ministère public d’EULEX n’a mis en accusation que des personnages insignifiants, afin de protéger les vrais organisateurs de ce crime monstrueux.

Bien sûr, depuis la publication du rapport de Dick Marty (ONU), les USA et leurs satellites ont tâché de garder l’enquête sur le trafic d’organes hors de l’ONU. Pour garder le contrôle de l’enquête et des procédures judiciaires, les USA, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont rejeté la proposition et forcé la Serbie à accepter que l’enquête ne soit menée que par EULEX.

Qui est du côté de la Serbie?

Du côté de la Serbie, on trouve l’ONU et la Russie, la Chine, le Gabon et l’Afrique du Sud ; ces États ont estimé que le Conseil de Sécurité devrait mettre en œuvre un corps d’enquête international ; mais après des pressions étasuniennes, la proposition n’est pas passée à l’ONU, et bientôt Washington faisait nommer son homme à la direction des enquêtes pour EULEX – Clint Williamson. D’un autre côté, EULEX a désigné un procureur spécial, Briton Jonathan Ratel. Et Washington et Londres ont bouclé le fonctionnement d’EULEX, comme ils l’avaient fait auparavant à la Haye [au Tribunal pénal international, NdT], dont même Florence Hartmann écrit que les stratégies d’accusation, les mises en accusations, et les peines sont totalement contrôlées par les appareils de renseignement de ces deux pays.

Bondsteel
Camp Bondsteel

Dès que furent mises au jour les crimes de trafic d’organes, les USA et le Royaume-Uni s’employèrent à faire tomber le rapport de Dick Marty, qui explique que leur marionnette, Hashim Thaci, chef de la mafia au Kosovo et premier ministre du « Kosovo » s’est vu impliqué dans le trafic d’organes humains. Mais on trouve des traces antérieures des monstrueuses affaires de trafic d’organes, bien au delà du rapport de Dick Marty, de quoi parler de la découverte la plus troublante et la plus sombre de l’histoire des guerres :

Ces crimes ne furent pas initiés au Kosovo, mais sur tous les territoires de la République fédérative socialiste de Yougoslavie où l’OTAN s’ingéra et intervint sous forme de conflit armés contre le peuple serbe.

Les premiers cas : en République serbe de Krajina (RSK)

La sanglante industrie de mort connut ses débuts en RSK (territoires serbes de Lika, Banija, Kordun, Slavonia, illégalement occupés par la Croatie après 1995), où des serbes capturés et emprisonnés se firent prélever des organes au profit de riches en Occident et dans les pétromonarchies (comme l’Arabie Saoudite). Il y avait un hôpital à Vukovar, dirigé par le Dr Vesna Bosanac (entre le 30 juillet et le 19 novembre 1991). C’est là que, pour la première fois, se produisirent de graves outrepassements à l’éthique médicale et aux lois humanitaires internationales – le refus de prodiguer une assistance médicale appropriée aux civils de nationalité serbe (parmi lesquels des enfants), et l’envoi de civils serbes vers une liquidation physique. Parmi les crimes les plus graves pratiqués à l’hôpital de Vukovar, les prélèvements sanguins réalisés par la force sur des civils serbes, littéralement jusqu’à la dernière goutte. À ce dessein, des serbes habitant Vukovar étaient amenés de force à l’hôpital par des membres de la Garde Nationale croate.

Les crimes se poursuivirent ensuite en Bosnie et en Herzégovine. Courant 1996, Xavier Bernard Gaultier, un journaliste du journal Le Figaro et expert des Balkans fut retrouvé pendu dans son appartement en Espagne. Les autorités espagnoles n’émirent aucun doute quant aux causes de la mort, estimant qu’il s’agissait d’un suicide. Mais les circonstances de ce décès étaient plus que douteuses. Il fut retrouvé les mains liées. On trouva des graffitis sur les murs de la maison, énonçant « traître » et « Diable rouge » – il s’agit du surnom de Robert de la Fave, un mercenaire italien qui s’est battu en Bosnie et en Herzégovine pour les croates, et qui révéla à Gaultier une foule de détails sur les expéditions d’armes en provenance d’Autriche – et d’organes à destination de l’Italie. Un journaliste français déclara à la presse que Gaultier enquêtait et écrivait un article sur des sujets qui mettaient grièvement sa vie en danger. « C’était à propos des criminels de guerre d’ex-Yougoslavie, mais également des personnalités italiennes ». Certaines informations circulèrent, estimant que des milliers de serbes de Sarajevo (dont la majorité n’a toujours pas été retrouvée) connurent le même sort, et que leurs organes furent vendus comme provenant des USA, d’Allemagne et de Scandinavie au Qatar.

Deux millions à partir d’un seul corps

Bien que les procureurs d’EULEX s’intéressent principalement aux prélèvements de reins dont les donneurs restent en vie et reçoivent en moyenne 10 000 €, les informations bien connues de l’industrie de mort sont mal distribuées : à savoir qu’un seul corps peut permettre d’accumuler des revenus jusqu’à deux millions d’euros. Xavier Gaultier écrivit sur les pilleurs d’organes qu’ils prenaient soin que leurs victimes ne perdent « pas une seule goutte de sang » afin de pouvoir bénéficier de la revente de toutes les parties de leur corps.

C’est là qu’est la raison pour laquelle les pilleurs d’organes suivent les zones de guerre de la planète – ils réalisent d’immenses bénéfices. Ce fait horrible dévoile les crimes les plus terribles, mais cachés en ex-Yougoslavie – un crime commis contre le peuple serbe, hommes femmes et enfants ; le crime que le monde cache à notre vue.

Outre Dick Marty et Gerard Gallucci (ancien dirigeant de la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo au Nord-Kosovo), il a été affirmé que les USA, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Italie étaient informés de ces activités de trafic d’organes et de la « chirurgie noire » à laquelle les serbes kidnappés au Kosovo étaient exposés. Que nous sachions ou non ce qui s’est produit, le grand « Quintuplé » (les États sus-mentionnés) le savaient, eux, sans aucun doute. Ils disposent des informations, des ressources, et d’un long passif de coopération avec l’Armée de Libération du Kosovo. « Quelle que soit la vérité quant au trafic d’organes, l’implication de certains dirigeants mondiaux est avérée et confirmée dans cette affaire de crime et de corruption internationaux », déclare Gallucci en 2011. Gallucci prédit que Thaci, le « premier ministre » du Kosovo, restera en poste, quoi que le rapport de Dick Marty établisse, car l’homme est protégé par les États-Unis et d’autres puissances occidentales.

C’était Camp Bondsteel, pas l’hôpital Medicus. En ce sens, l’endroit où il faut creuser les dossiers de crimes de trafic d’organes des serbes kidnappés au Kosovo et à Metohija, c’est la base militaire étasunienne de Camp Bondsteel, pas à « Medicus »

Pourtant, en 2008, il y eut des fuites d’informations au sujet des expéditions d’organes prélevés sur des serbes kidnappés et enlevés, en provenance d’hôpitaux spécialement administrés par l’OTAN ; à cette époque on compte entre 6 et 14 vols quotidiens convoyant des organes humains frais vers l’Occident ; certains des organes serbes finirent au Royal Hospital de Londres. À en croire les allégations et les preuves, l’ancien ministre français et dirigeant de l’ONG Médecins sans frontières, Bernard Kouchner, est également lourdement impliqué dans ces crimes.

Les autorités serbes s’étant montrées réticentes, de manière surprenante, face au rapport de Dick Marty ; et peu désireuses d’exposer des preuves aggravantes qui pourraient mettre en danger et menacer ceux qui les amenèrent au pouvoir (après l’insurrection organisée par la CIA du 5 octobre 2000), il n’est guère surprenant que la Russie, après le lancement d’une enquête au Conseil de l’Europe et à l’ONU, en ait lancée une de son propre chef. On comprend également clairement pourquoi le procureur Ratel d’EULEX s’est attaqué à la Russie – Moscou reste, peut-être, le seul espoir de relancer totalement l’enquête grotesque organisée par Washington et Bruxelles au Kosovo, et de voir, un jour, ces crimes atroces exposés au grand jour.

Grey Carter

 

Article original en anglais : Mass Killings Of Serbs For Organs Didn’t Start In Kosovo, Oriental Review, le 5 août 2019

Traduit par Vincent, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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Hong Kong: L’ingérence occidentale

août 16th, 2019 by Mondialisation.ca

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Gaffe nucléaire de l’OTAN

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Que les États-Unis gardent des bombes nucléaires dans cinq pays de l’OTAN -Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Turquie- est prouvé depuis longtemps (en particulier par la Fédération des scientifiques américains – FAS). Mais l’OTAN ne l’a jamais admis officiellement. Cependant quelque chose vient de déraper.

 

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Les difficultés à composer la commission de dialogue sont , en elles-mêmes, significatives. Elles montrent, notamment,  que le processus imaginé, par certaines forces politiques, d’une étape de transition dirigée par une  instance exécutive présidentielle,  n’est pas viable. En effet, cette instance, a été envisagée dans sa composition,  sur la base du même principe, celui de de « personnalités nationales compétentes et crédibles, ayant la confiance du peuple »…

 

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Ces dernières semaines, a eu lieu une dramatique escalade de la tension causée par la présence d’une plate-forme de forage pétrolier turque au sein de la Zone économique exclusive contestée autour de Chypre, État membre de l’UE. Le Président turc Erdogan affirme que la Turquie a le droit de forer non seulement dans les eaux au large de Chypre-Nord, mais aussi dans des eaux lointaines sur lesquelles les Chypriotes grecs ont revendiqué des droits. Ces actions…

 

Forum de São Paulo : Le Venezuela représente aujourd’hui le premier retranchement de la lutte anti-impérialiste 

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C’est ce qu’a déclaré le président cubain Díaz-Canel dans son discours du 28 juillet au Forum de São Paolo à Caracas. Ce n’est pas la première fois que Cuba, par l’intermédiaire de ses dirigeants et de la presse révolutionnaire, fait une telle affirmation. D’ailleurs, le Venezuela l’a aussi répété, de manière modeste et sans prétention. Il ne fait aucun doute que des déclarations similaires seront émises à l’avenir. Le destin du Venezuela continue de se jouer…

 

Toni Morrison,  Rosa Parks:  Deux visions du combat de la liberté

Par Chems Eddine Chitour, 13 août 2019

Dans cette contribution, je veux présenter le combat de deux femmes noires l’écrivaine Tony Morrison et  la militante Rosa Parks chacune à sa façon, pour l’émancipation des Noirs aux Etats-Unis. Cette opportunité a été mise au profit suite au décès de la romancière américaine Toni Morrison décédée le 5 août à l’âge de 88 ans, emportant avec elle des centaines d’autres belles histoires.  Le Prix Nobel  de littérature lui a été décernée. C’est la première Africaine-Américaine à recevoir une telle distinction.

 

Hong Kong: L’ingérence occidentale la main dans le sac!

Par Bruno Guigue, 15 août 2019

La main dans le sac ! Lorsque la presse chinoise a publié la photo de quatre dirigeants du mouvement de protestation hongkongais en compagnie du chef du département politique du consulat des Etats-Unis, on a senti comme un trou d’air dans la rhétorique anti-Pékin. Difficile, tout-à-coup, de nier l’intervention d’une puissance étrangère – à 15 000 km de ses frontières – dans une crise qui ne la concerne pas. Tenter d’occulter ce qui saute aux yeux est toujours un exercice de haute voltige, et l’on sait la propagande occidentale coutumière de ces acrobaties !

 

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La main dans le sac ! Lorsque la presse chinoise a publié la photo de quatre dirigeants du mouvement de protestation hongkongais en compagnie du chef du département politique du consulat des Etats-Unis, on a senti comme un trou d’air dans la rhétorique anti-Pékin. Difficile, tout-à-coup, de nier l’intervention d’une puissance étrangère – à 15 000 km de ses frontières – dans une crise qui ne la concerne pas. Tenter d’occulter ce qui saute aux yeux est toujours un exercice de haute voltige, et l’on sait la propagande occidentale coutumière de ces acrobaties !   Depuis le début des récents événements de Hong Kong au mois de juin 2019, la narration de ces événements par les officines du monde libre offre un concentré de mauvaise foi et d’inversion des signes qui passionnera certainement les politologues du futur. Multipliant les distorsions de langage, en effet, elle fait passer une affaire intérieure chinoise pour un conflit international, une décolonisation pour une colonisation et l’ingérence étrangère pour une entreprise humanitaire.

Comme celle de Taïwan – mais pour des raisons différentes – , la question de Hong Kong est le legs historique d’une époque révolue. Héritée du colonialisme bienfaiteur de sa Gracieuse Majesté, la particularité de Hong Kong lui vaut aujourd’hui un « régime d’administration spéciale » que la République populaire de Chine a bien voulu instaurer lors de la signature de l’accord sino-britannique de 1984. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, rappelons toutefois que Hong Kong c’est la Chine, au même titre que Pékin ou Shanghaï. Car l’oubli volontaire de cette évidence est la cause de confusions en tous genres et de manipulations sans limite. La conquête coloniale du « port parfumé », au XIXème siècle, s’est déroulée en trois étapes. Les Britanniques ont annexé l’île de Hong Kong en 1842 à la suite d’une « guerre de l’opium » qui a précipité la ruine de l’empire des Qing et livré la Chine à la voracité des prédateurs coloniaux. La presqu’île de Kowloon a ensuite été arrachée en 1860 lors de l’intervention militaire franco-britannique qui a dévasté le palais d’été à Pékin. Enfin, les « nouveaux territoires » ont été cédés à Londres en 1898 pour une durée de 99 ans dans la foulée des nouvelles humiliations infligées à la Chine par les envahisseurs étrangers à l’orée du nouveau siècle.  

Des jeunes chinois avec la chef du département politique du consulat US.

C’est cet ensemble territorial – aujourd’hui dénommé région d’administration spéciale de Hong Kong – qui a été solennellement restitué à la République populaire de Chine en 1997 selon des modalités définies par l’accord de 1984. Bien sûr, Margaret Thatcher aurait souhaité le conserver, mais Hong Kong n’est pas l’archipel des Malouines, et la Chine n’est pas l’Argentine. Compromis entre une puissance coloniale déclinante qui déclare forfait et une grande puissance émergente qui privilégie la négociation, l’accord sino-britannique de 1984 instaure à Hong Kong un régime de semi-autonomie et prévoit l’application du principe : « un pays, deux systèmes » jusqu’en 2047. Pour Pékin, ce compromis présente un double avantage. Le premier est d’ordre politique. Adeptes du temps long, les dirigeants chinois ont opté pour une transition en douceur. La dépendance croissante du territoire à l’égard du continent favorisera son assimilation progressive, sans préjuger de son futur statut au-delà de 2047. Le second avantage est d’ordre économique. Dotée d’une rente de situation géographique, adossée à la puissance de la City, la place de Hong Kong s’est transformée en plaque tournante de la finance asiatique. En y maintenant un régime spécifique, Pékin pourra l’utiliser afin d’attirer en Chine les capitaux de la diaspora chinoise et ceux des investisseurs étrangers. 

Sas d’entrée pour les flux financiers captés par les réformes économiques, ce minuscule territoire de 1 106 km² et 7,5 millions d’habitants continue donc à jouir depuis 1997 d’un statut particulier dont il n’existe aucun équivalent (hormis Macao) en Chine populaire. Le territoire a sa propre législation, sa propre monnaie, ses propres équipes sportives. Mêlant élection et cooptation des dirigeants, son système administratif est plus « démocratique » que celui qu’ont légué les Britanniques. Les manifestants réclament la démocratie en brandissant des drapeaux britanniques, mais les premières élections au suffrage universel ont eu lieu en 1991, c’est-à-dire après les accords de 1984, afin de conformer le système administratif aux objectifs fixés pour le transfert de souveraineté prévu en 1997. Si la crise actuelle devait dégénérer, les principaux perdants seraient donc les habitants de Hong Kong eux-mêmes. Assise sur la finance internationale, la prospérité du territoire serait vite ruinée et la place de Hong Kong détrônée par les mégapoles méridionales, Canton et Shenzen, beaucoup plus peuplées et plus puissantes que la cité portuaire. 

Avec un PIB par habitant dix fois supérieur à celui de la Chine continentale, les contestataires hongkongais feraient mieux de méditer sur les conséquences d’un embrasement de leur îlot de prospérité. Au lieu de brandir des drapeaux américains et britanniques, ils devraient aussi réfléchir à ce que signifie la démocratie importée d’Occident, sans parler du destin de ceux que Washington a abandonnés du jour au lendemain après les avoir poussés à l’affrontement. Le statut particulier de Hong Kong, comme son insolente richesse, n’ont rien d’éternel. Son régime spécial  est transitoire, même si l’échéance de son éventuelle disparition est lointaine (2047). Aucune règle de droit international ne contraignait la Chine à l’adopter, et elle l’a fait parce qu’elle le jugeait conforme à ses intérêts nationaux. Arraché il y a 187 ans par le colonisateur étranger, Hong Kong revenait de droit à l’État chinois. La restitution a eu lieu de façon négociée, et c’est tant mieux. Mais après cette restitution, la suite des opérations ne concerne en rien le reste du monde. C’est pourquoi la seule réponse rationnelle aux admonestations occidentales est celle qu’on peut lire dans le Quotidien du Peuple depuis le début de la crise : « Mêlez-vous de vos affaires ! ». 

Mais chassez le naturel, il revient au galop ! La plupart des dirigeants occidentaux et de leurs porte-voix médiatiques – c’est plus fort qu’eux – prennent leurs désirs pour des réalités. Ils voient dans le statut particulier de Hong Kong une sorte de régime international – qui n’existe nulle part – , alors qu’il s’agit d’un aménagement interne qui relève exclusivement de la souveraineté chinoise. Ce tour de passe-passe donne une apparence de légitimité à l’ingérence étrangère. De façon mensongère, il transforme une question intérieure en conflit international, semblant justifier auprès d’une opinion manipulée le ton péremptoire des dirigeants occidentaux. On entend alors ces derniers, dont on sait d’expérience le profond respect pour le droit international, donner des leçons à Pékin comme si Hong Kong était un territoire occupé par la Chine ! Ils reprennent même la rhétorique puérile des agitateurs hongkongais pour qui Pékin pratiquerait « l’ingérence dans les affaires intérieures du territoire », en oubliant que ce territoire fait partie de la République populaire de Chine. Heureusement pour eux, le ridicule ne tue pas. Dépassés par la Chine sur le plan économique et incapables de la vaincre militairement – pour des raisons évidentes – les Etats-Unis font feu de tous bois pour déstabiliser leur rival systémique. Le droit-de-l’hommisme à la petite semaine est la seule arme qui leur reste. Ils l’utilisent à Hong Kong comme à Caracas ou à Téhéran, et personne n’est dupe. 

A quand une protestation chinoise sur la façon dont le gouvernement des Etats-Unis gère les crises à répétition qui sévissent sur leur territoire ou sur l’oppression séculaire subie par les Afro-Américains ? Ceux qui dénoncent la répression insoutenable qui régnerait à Hong Kong sont-ils les mêmes que ceux qui organisent des embargos meurtriers contre l’Iran, la Syrie, Cuba ou encore le Vénézuéla dont un économiste libéral, Jeffrey Sachs, a calculé que les sanctions prises contre ce pays depuis 2017 avaient provoqué la mort de 40 000 personnes dont des milliers d’enfants privés de médicaments ? Les chœurs de pleureuses parisiennes qui réclament notre solidarité avec les manifestants hongkongais soumis à une « violence inouïe » sont-ils les mêmes que ceux qui approuvèrent la délicatesse avec laquelle le gouvernement français a traité le mouvement social des Gilets Jaunes, avec ses 10 000 arrestations, 1800 condamnations et 200 blessés graves dont 25 mutilés ? Ou les mêmes, encore, que ceux qui ne trouvent rien à redire à la participation française à une guerre d’extermination au Yémen, avec ses 50 000 morts, son million de victimes du choléra et ses 8 millions de civils menacés par la famine ? Mais il est vrai que balayer devant sa porte n’est pas l’attitude la plus répandue à Washington ou à Paris. Et dans ces capitales du monde civilisé, on est toujours prompt à s’immiscer dans les affaires des autres en invoquant des principes humanitaires sur lesquels on s’assied tous les jours. 

Bruno Guigue

Pearl Harbor démasqué

août 14th, 2019 by J. Alfred Powell

Robert Stinnett, un journaliste radio de la marine de guerre de la Seconde guerre mondiale devenu journaliste, se trouvait aux Archives nationales à Belmont, en Californie, où il faisait des recherches dans un livre d’images sur la carrière en reconnaissance aérienne de George Bush pendant la guerre du Pacifique Sud – George Bush : His World War II Years (Washington, DC, Brassey’s, 1992). Il y a découvert des copies non-indexées d’enregistrements qui ont été obtenus par interception radio des transmissions de codes japonais à Pearl Harbor, preuve documentaire des événements réels à Pearl Harbor et comment cela s’est produit. Après huit ans de recherches supplémentaires et une jurisprudence prolongée en vertu de la Freedom of Information Act pour obtenir la divulgation partielle de ces documents, Stinson a publié Day of Deceit (2000). Une traduction japonaise est apparue dans l’année, ce qui est compréhensible.


Stinnett démontre, sur la base de preuves factuelles incontestables et d’une analyse manifestement exacte, que le président Roosevelt a supervisé l’élaboration et le déploiement d’un plan étroitement gardé secret pour inciter les Japonais à attaquer Pearl Harbor et les surveiller pendant leur opération. Stinnett émet l’hypothèse que Roosevelt l’a fait dans le but de pousser un public américain réticent à appuyer l’intervention pendant la Seconde guerre mondiale, mais quels qu’en soient les motifs ou les buts, les faits sont maintenant très clairs. Stinnett établit et prouve sa thèse à l’aide de preuves documentaires volumineuses, dont quarante-sept pages d’annexes [p. 261-308] présentant des reproductions photographiques de documents officiels clés, ainsi que de nombreux autres reproduits dans le corps du texte, et 65 pages [p. 309-374] de notes de référence très détaillées. Cette preuve soutient les affirmations factuelles, les arguments et les conclusions de Stinnett. Ses dossiers de recherche et ses notes sont déposées à la bibliothèque du Hoover Institute à Stanford. Day of Deceit est une historiographie documentaire exemplaire. Ce livre présente les témoignages matériels sur lesquels reposent son analyse et ses conclusions. Sa validité sera claire pour tout lecteur impartial. Le livre de Stinnett règle et résout une discussion et un débat rationnels, francs, honnêtes et fondés sur des faits, sur le contexte de l’attaque contre Pearl Harbor.

Comme le montre Stinnett, le plan qui a abouti à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor [7 décembre 1941, NdT] a été mis en œuvre au début d’octobre 1940 sur la base d’une « note de service de huit mesures, datée du 7 octobre 1940 … par le capitaine de corvette Arthur H. McCollum, chef du bureau de l’extrême orient du Bureau du renseignement maritime ». Bien sûr, il est peu probable que McCollum l’ait rédigé de sa propre initiative, mais c’est là que la trace écrite de Stinnett commence. « Ses huit actions appellent en pratique à une attaque japonaise contre les forces terrestres, aériennes et navales américaines à Hawaï, ainsi que contre les avant-postes coloniaux britanniques et néerlandais dans la région du Pacifique … ». [p. 6-8 ; le mémoire est reproduit aux pages 261-267] :

A. Conclure une entente avec la Grande-Bretagne pour l’utilisation des bases britanniques dans le Pacifique, en particulier à Singapour.
B. Conclure un accord avec la Hollande pour l’utilisation des installations de base et l’acquisition de fournitures dans les Indes orientales néerlandaises [maintenant l’Indonésie].
C. Donner toute l’aide possible au gouvernement chinois de Tchang Kaï-chek.
D. Envoyez une division de croiseurs lourds à longue portée en Orient, aux Philippines ou à Singapour.
E. Envoyez deux divisions de sous-marins en Orient.
F. Conserver la principale force de la flotte américaine, actuellement dans le Pacifique, à proximité des îles hawaïennes.
G. Insister pour que les Hollandais refusent d’accorder aux Japonais des demandes de concessions économiques excessives, en particulier pour le pétrole.
H. Embargo complet sur tous les échanges commerciaux avec le Japon, en collaboration avec un embargo similaire imposé par l’Empire britannique.

Au fur et à mesure que le plan se déroulait, son développement a été suivi de près grâce à des interceptions décodées de communications radio diplomatiques et navales japonaises. « McCollum a supervisé l’acheminement des renseignements sur les communications à FDR du début de 1940 au 7 décembre 1941 et a fourni au président des rapports de renseignement sur la stratégie militaire et diplomatique du Japon. Tous les rapports militaires et diplomatiques japonais interceptés et décodés destinés à la Maison-Blanche sont passés par la section Asie de l’Extrême-Orient de l’ONI, qu’il a supervisée. La section a servi de centre d’échange d’information pour toutes les catégories de rapports de renseignement … Chaque rapport préparé par McCollum pour le Président était basé sur des interceptions radio recueillies et décodées par un réseau mondial de cryptographes militaires américains et d’opérateurs d’interception radio … Peu de gens au sein du gouvernement ou de l’armée américaine en savaient autant sur les activités et les intentions du Japon que McCollum ». La connaissance du plan était étroitement limitée à seulement 13 membres de l’administration Roosevelt et chefs militaires et 21 membres du renseignement naval et des opérations connexes [énumérés à l’annexe E 307-308]. Le point C était déjà une politique américaine lorsque McCollum a rédigé sa note de service. le point F a été mis en marche le 8 octobre 1940, les points A, B et G le 16 octobre 1940, les points D et E le 12 novembre 1940. [Chap. 1 n. 8 p. 311-312 ; 120 ss. etc.].

Pendant ce temps, également à l’automne 1940, alors qu’il faisait campagne pour un troisième mandat à Boston le 30 octobre, le président Roosevelt déclarait : « Je l’ai déjà dit, mais je le répéterai encore et encore et encore : Vos garçons ne seront pas envoyés dans des guerres à l’étranger. » Le 1er novembre à Brooklyn, il a dit : « Je me bats pour garder notre peuple hors des guerres étrangères. Et je continuerai à me battre. » À Rochester le 2, il a dit : « Votre gouvernement national … est également un gouvernement de paix – un gouvernement qui a l’intention de maintenir la paix pour le peuple américain ». Le même jour à Buffalo, il affirmait : « Votre Président dit que ce pays n’ira pas en guerre », et à Cleveland, le lendemain, il déclarait : « Le premier objectif de notre politique étrangère est de garder notre pays hors de la guerre ». [William Henry Chamberlin, « How Franklin Roosevelt Lied America Into War », dans Harry Elmer Barnes, Perpetual War for Perpetual Peace (Caldwell, Idaho, Caxton, 1953), Chapitre Eight, p. 485-491]

L’amiral Richardson, commandant de la Flotte du Pacifique, s’opposa aux ordres de Roosevelt [point F] de stationner la flotte à Pearl Harbor qui mettait la flotte en danger, et il fut remplacé par l’amiral Kimmel, avec l’amiral Anderson de l’ONI, placé au troisième niveau de commandement à Pearl Harbor, sous les ordres de Kimmel, pour surveiller l’interception radio, sans le dire à Kimmel. [p. 10-14 ; 33-34] « Anderson fut envoyé à Hawaï pour contrôler les renseignements » [p. 36]. Quand il est arrivé, il a établi son logement personnel bien loin de Pearl Harbor, hors de portée de l’attaque à venir. Bien qu’il commandait les sept cuirassés qui ont le plus souffert de l’attaque, qui a fait plus de deux mille morts, l’amiral Anderson était en sécurité de l’autre côté de la montagne au moment de l’attaque. [p. 36-37 ; 244, 247] Pendant ce temps, les commandants à Hawaï, « l’amiral Kimmel et le général de corps d’armée Walter Short, furent privés de renseignements qui auraient pu les rendre bien plus conscients des risques inhérents à la politique de Roosevelt, mais ils obéirent à son ordre direct des 27 et 28 novembre 1941 : Les États-Unis désirent que le Japon commette le premier acte manifeste. » [p. 6-8] Par la suite, ils sont devenus des boucs émissaires.

Début janvier 1941, les Japonais décidèrent qu’en cas d’hostilités avec les États-Unis, ils commenceraient par une attaque surprise contre Pearl Harbor. Les services de renseignements américains ont pris connaissance de ce plan le 27 janvier. [p. 30-32] Le 21 juillet 1941, le point H du capitaine de corvette McCollum alluma la mèche. Jusqu’à la fin novembre, la Maison-Blanche a continué de bloquer les tentatives concertées des diplomates japonais pour discuter d’un arrangement. [Sur cette histoire diplomatique, voir Charles Beard, American Foreign Policy in the Making (1946) and President Roosevelt and the Coming of the War (1948) ; Frederic Rockwell Sanborn, Design For War (1951) ; et Charles Tansill, Back Door To War (1952)].

Débutant le 16 novembre 1941, des interceptions radio ont révélé la formation de la flotte japonaise près des îles Kouriles au nord du Japon et, du 26 novembre à la première semaine de décembre, elle a été suivie à travers le Pacifique jusqu’à Hawaï [p. 41-59 etc.]. Le chef des opérations navales, l’amiral Stark (l’un des 34 participants informés) a ordonné à Kimmel d’envoyer ses porte-avions avec une importante flotte d’escorte pour livrer des avions aux îles Wake et Midway. « Sur ordre de Washington, Kimmel a laissé ses plus vieux navires à l’intérieur de Pearl Harbor et a envoyé 21 navires de guerre modernes, dont ses deux porte-avions, vers l’ouest en direction de Wake et Midway … Avec leur départ, les navires de guerre restant à Pearl Harbor étaient surtout des reliques de la Première guerre mondiale vieux de 27 ans. C’est-à-dire que les cuirassés coulés à Pearl Harbor avec leurs équipages ont été utilisés comme leurres » [p. 152-154]. Le 22 novembre 1941, une semaine après le début du rassemblement de la flotte japonaise et quatre jours avant son départ pour Oahu, l’amiral Ingersoll a ordonné à Kimmel de retirer ses navires de patrouille de la zone d’où l’attaque aérienne devait être organisée [p. 144-145]. FDR a suivi de près le déroulement final du complot pendant que les interceptions radio continuaient de suivre le voyage des japonnais vers Hawaï [p. 161-176].

Commentaires de Stinnett : « Pearl Harbor’s Battleship Row et ses vieux navires de guerre délabrés présentaient une cible alléchante. Mais ce fût une erreur stratégique majeure pour l’Empire. Les 360 avions de combat japonais auraient dû se concentrer sur les énormes réserves de pétrole de Pearl Harbor … et détruire la capacité industrielle des cales sèches, des ateliers d’usinage et des installations de réparation de la Marine », [p. 249]. Six mois plus tard, lors des batailles de la Mer de Corail (4-8 mai 1942) et de Midway (4-7 juin 1942), les navires de guerre de la flotte du Pacifique qui étaient en mer lorsque l’attaque contre Pearl Harbor a eu lieu devaient définitivement détruire la capacité offensive de la marine japonaise à opérer dans le Pacifique Est et définitivement paralyser sa capacité défensive dans le Pacifique Ouest. Par la suite, comme les observateurs avertis l’ont compris, une attaque ou une invasion japonaise de la côte ouest de l’Amérique était une impossibilité logistique totale. Néanmoins, deux mois plus tard, l’internement des citoyens américains japonais de la côte ouest commença en août 1942.

Le camouflage du complot autour de l’attaque de Pearl Harbor a commencé immédiatement après avec les mises en cause de l’amiral Kimmel et du général Short, s’est poursuivi par huit enquêtes du Congrès pendant et après la guerre, avec la purge et la rétention de documents et de faux témoignages de participants et d’autres, [p. 253-260 & passim ; 309-310] et s’est poursuivi par les audiences du Congrès présidées par Strom Thurmond en 1995 [p. 257-258]. À la date de publication de son livre (2000), de nombreux documents n’avaient toujours pas été communiqués à Stinnett ou avaient fait l’objet d’une censure importante. Mais son cas est prouvé de façon concluante sur la base des preuves qu’il présente, comme peut le constater tout lecteur impartial. La seule façon de réfuter ou de démentir cette affirmation serait d’établir que ses preuves documentaires sont falsifiées et de le prouver. Devant le caractère de ces preuves, l’idée est absurde.

L’un des éléments clés dans les recherches de Stinnett a été la découverte de copies en double de rapports de transmissions de codes navals japonais de la station d’interception radio de Pearl Harbor acheminés après la guerre aux Archives nationales de Belmont (Californie), et toujours là longtemps après que les copies des fichiers d’archives à Washington, D.C. aient disparues. Des écrivains récents prétendant démentir la preuve de Stinnett ont ressuscité des affirmations selon lesquelles les codes de la marine japonaise n’avaient pas été déchiffrés et que la flotte japonaise gardait le silence radio – affirmations qui ont été réfutées à plusieurs reprises pendant des décennies. Il est bien connu que l’opérateur radio du paquebot américain Mariposa a intercepté les signaux répétés de la flotte japonaise se dirigeant vers Hawaï et relayé ses cap progressifs à la Marine. Ce fait était bien connu pendant la guerre des marins américains de la marine marchande du Pacifique et est mentionné dans les comptes rendus publiés.

Le prétexte que les codes navals et diplomatiques japonais n’avaient pas été déchiffrés a été réfuté pour la première fois devant une cour fédérale à Chicago en 1943. Comme le raconte son biographe Ralph G. Martin, Cissy Patterson, rédactrice en chef du Washington Times-Herald le 7 décembre 1941 (et pendant des décennies avant et après) s’est opposée à l’intervention américaine dans une autre guerre mondiale – comme plus de 80 % de ses compatriotes américains, dont son frère Joe Patterson, éditeur du New York News, et son cousin Robert McCormick, éditeur du Chicago Tribune. Servant en France en tant qu’officier sur les champs de bataille de la 1ère guerre mondiale, Robert a été blessé, gazé à deux reprises et décoré pour bravoure. Son Chicago Tribune, comme les journaux de ses cousins et de nombreux autres journaux, en particulier le long de la côte est, était férocement anti-interventionniste  jusqu’à Pearl Harbor.

Dans Cissy (New York, Simon & Schuster, 1979), Martin écrit : « Comme les nouvelles du désastre [à Pearl Harbor] ne cessaient d’arriver [dans la salle de rédaction du Times-Herald], Cissy a amèrement demandé à Roberts [son rédacteur du dimanche] au sujet de Roosevelt, Croyez-vous qu’il a organisé cela ? Plus tard, lorsqu’elle apprit que des cryptographes américains avaient cassé les codes japonais avant Pearl Harbor, elle fut convaincue que Roosevelt avait su à l’avance que les Japonais avaient l’intention d’attaquer », [p. 418]. « Le Chicago Tribune, le Times-Herald et deux douzaines d’autres journaux publièrent plus tard un article d’un correspondant de guerre du Tribune qui indiquait que les États-Unis avaient prévalu [à Midway] parce que les codes japonais avaient été violés … Le ministère de la Justice a décidé de déposer des accusations que la Tribune et le Times-Herald avait trahi des secrets militaires américains … Le procureur général Francis Biddle a estimé que la révélation de cette percée équivalait à une trahison parce qu’elle donnait aux Japonais la possibilité de changer leurs codes. Waldrop [rédacteur en chef du Times-Herald] a été convoqué à Chicago pour témoigner devant un grand jury … Au milieu du témoignage, la Marine a révélé qu’un censeur de la Marine avait passé au crible l’article du Tribune. Forcé d’abandonner l’affaire, Biddle a dit qu »il se sentait idiot’. » [p. 431-432] Ce n’était pas le seul.

J. Alfred Powell

 

Article original en anglais : Pearl Harbor Unmasked, UNZ Review, le 16 juin 2019

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

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La vérité sur le mouvement de protestations de Moscou

août 14th, 2019 by Andrew Korybko

Le récent mouvement de protestations de Moscou constitue de toute évidence une tentative de déclencher des violences de Révolution de Couleur en Russie, mais considérer tous les participants au mouvement comme des « agents de la CIA » revient à faire abstraction de leurs critiques objectivement valides quant à la situation actuelle du pays.

Mensonge par omission

Le monde entier connaît à présent l’existence du récent mouvement de protestations de Moscou, du fait de la couverture sympathique que les médias traditionnels occidentaux lui ont accordée, mais beaucoup de gens n’ont pas les idées claires sur ce qui se passe réellement. Il s’agit de toute évidence d’une tentative de faire éclater des violences de Révolution de Couleur en Russie, le maire de Moscou a d’ailleurs signalé que les perturbations du week-end dernier visaient à provoquer des émeutes dans la plus grand ville du pays. Mais cela ne signifie pas que l’ensemble des participants à ces rassemblements interdits sont des « agents de la CIA », bien que tel soit le portrait ultra-simplifié qu’en a fait la communauté des médias alternatifs. Il est exact que certains éléments dans les larges foules s’emploient délibérément à provoquer une réaction par la force de la police, qui pourrait par la suite être décontextualisée, mal interprétée, et propagée dans le pays et à l’extérieur pour attiser de nouvelles violences anti-étatiques, selon les méthodes traditionnelles de gestion de la perception (psy-op) des Révolutions de Couleur, de même qu’il est illégal de participer à des rassemblements non autorisés, mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Censure des médias alternatifs

Le mouvement de protestations est entraîné par les critiques, objectivement valides, de ses soutiens, quant à la situation actuelle du pays, en particulier la corruption excessive, l’économie sous-performante, et demande des comptes aux dirigeants politiques (sur tous ces sujets plus ou moins reliés entre eux), mais ce mouvement s’est d’ores et déjà discrédité du fait des tactiques agressives qu’il met en œuvre. Négliger ce fait et qualifier quiconque mentionne ces problèmes d’« agent de la CIA » revient à faire comme si ces problèmes n’existaient pas dans la Russie d’aujourd’hui, ce qui est tout à fait faux, et risque d’aggraver ces problèmes structurels, en donnant à leurs auteurs carte blanche pour poursuivre leurs activités contre-productives sans conséquence. La « criminalisation » de facto de la contestation s’oppose aux valeurs centrales mêmes que la communauté des médias alternatifs est supposée défendre, tout cela juste pour perpétrer le mythe voulant que leur « dieu géopolitique«  serait infaillible.

Un compromis narratif

Les défendeurs de cette position peu scrupuleuse pourraient arguer qu’ils refusent de jouer le jeu de la guerre de l’information fomentée par les USA, mais il est tout à fait possible de critiquer les actions criminelles des provocateurs anti-État et d’exposer leur agenda de Révolution de Couleur tout en reconnaissant que la majorité des personnes participant à ce mouvement ont des griefs légitimes qui sont restés lettre morte depuis bien trop longtemps. Cela étant dit, il convient également de reconnaître que le gouvernement russe s’emploie très fortement à éradiquer la corruption, à diversifier l’économie, et à assurer un meilleur « contrat social » entre les citoyens et l’État ; mais ces politiques vont mettre du temps avant de porter leurs premiers fruits. Le président Poutine est tout à fait conscient du degré problématique de ces sujets pour l’avenir de son pays, car ils entravent gravement sa compétitivité dans un monde de plus en plus rude. Certes, on peut légitimement affirmer qu’il a mis trop longtemps à s’attaquer à ces problèmes, mais le cliché du « mieux vaut tard que jamais » s’applique quand même.

La leçon Golunov

Pour ce qui concerne l’avenir, il faut s’attendre à ce que les violences anti-étatiques du mouvement de Révolution de Couleur s’intensifient probablement, les principaux cerveaux tâchant de s’en prendre à la transition politique post-Poutine de la Russie (PP24), comme l’auteur du présent article l’avait évoqué dans un précédent article cet été sous le titre « Pourquoi les russes s’unissent-ils autour d’Ivan Golunov?«  Il convient de rappeler que nombre de membres de la communauté des médias alternatifs avaient accusé d’instinct le journaliste injustement emprisonné d’avoir inventé ses affirmations, quand il dénonçait le fait que la police avait truqué la découverte de drogue sur lui pour des raisons politiques. Les mêmes se retrouvèrent bien embarrassés un peu plus tard, quand Margarita Simonyan, rédactrice en chef de Russia Today, et Valentina Matviyenko, présidente du Conseil de la Fédération [Il s’agit de la chambre haute du Parlement russe, NdT] décidèrent de rejoindre les personnages influents soutenant le journaliste en question. Peu de temps après, il fut établi sans doute possible qu’il disait la vérité depuis le début et avait bel et bien été piégé par la police russe. Cet incident inoubliable prouve que les « pro-russes non russes«  (PRNR) de la communauté des médias alternatifs s’employaient à être « plus russes que les russes », et propageaient leur théorie du complot, désormais tournée en ridicule, pour des raisons qu’ils pensaient « patriotiques ».

Une nouvelle opportunité ratée

La même leçon est à appliquer avec le mouvement de Révolution de Couleur : les récits de PRNR décrivant tous les participants à ces manifestations interdites comme des « agents de la CIA » constituent des formes contre-productives de réactionisme politique, qui jettent volontairement de l’ombre sur les problèmes intérieurs objectivement existants de la Russie, au lieu de proposer des solutions constructives pour y pallier. L’exercice pourrait, s’il était correctement mené, constituer un débat responsable visant à résoudre les nombreux problèmes que connaît leur « dieu géopolitique » ; au lieu de cela, on assiste à des prises de positions infondées, soutenant des récits totalement faux décrivant une Russie infaillible. Ce dernier point est défendu par des chiens de garde hyper zélés, au sein de la communauté des médias alternatifs, qui vont jusqu’à essayer d’intimider quiconque remet en cause leur positionnement. Quiconque soutient sincèrement la Russie se voit ainsi privé de l’opportunité de contribuer au débat, du fait du caractère « politiquement incorrect » qu’a désormais pris le simple fait de mentionner ses problèmes de ce pays. Il s’agit là d’un bien mauvais service que les médias alternatifs peuvent rendre à la Russie, alors même qu’ils prétendent la soutenir.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais : The Truth About The Moscow Protest Movement, Eurasia Future, le 5 août 2019.

 

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

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Depuis l’étranger, on a l’impression que plus une école ne tient debout au Venezuela. Que les enfants sont livrés à eux même. Cependant, si l’éducation nationale connait les mêmes problèmes que d’autres domaines en raison de l’embargo des USA, cette image ne correspond pas à la réalité de terrain. Nous sommes allés à la rencontre d’Aristobulo Isturiz qui nous informe sur « ce droit humain fondamental pour la Révolution Bolivarienne.

Romain Migus

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Le commerce milliardaire n’a pris de la valeur aux yeux du gouvernement, qu’au moment oú il s’est concrétisé pour le monde entier. L’accord, entre l’Union Européenne et le Mercosul, a été présenté par Jair Bolsonaro comme étant l’un des « plus importants de tous les temps », avec des « bénéfices énormes » pour l’économie du pays. Cependant, le prix à payer pourrait être pervers. Des chefs indigènes et des associations écologistes dénoncent, à l’autre bloc économique signataire, l’aspect destructeur provoqué par l’agro-industrie sur des terres envahies, l’empoisonnement toxique de la part des producteurs brésiliens et leur mépris pour les peuples de ces terres.

« Ce que le peuple indigène et ses alliés sont en train de faire est précisément d’alerter l’Europe : vous contribuez à financer un crime. »

L’auteur de ces mots est Ailton Krenak, une des figures les plus importantes du mouvement indigène au Brésil. Ecrivain et professeur à l’université fédérale de Juiz de Fora, il s’est rendu célèbre il y a 30 ans lorsqu’il s’est peint le visage lors d’un discours à l’Assemblée constitutive de 1988.

« Un peuple qui vit dans des maisons couvertes de paille et qui dort sur des tapis en roseaux à même le sol ne doit en aucun cas être assimilé à un peuple qui serait l’ennemi du Brésil et des intérêts de la nation, ou qui pourrait mettre en péril tout développement », disait Krenak à l’époque. Les droits des indiens sont intégrés dans le texte de la Constitution, mais les priorités de la financiarisation globale semblent être toutes autres. Le mouvement en est conscient.

En juin dernier, avant l’accord entre l’Union Européenne et le Mercosul, Sônia Guajajara, la responsable de l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil (Apib) e ex-candidate à la vice-présidence du PSOL, a annoncé lors d’une conférence de presse en Allemagne que les dirigeants des peuples brésiliens iraient visiter les entreprises de cinq pays et tenter de participer aux réunions du Parlement Européen pour dénoncer ce qu’on était sur le point d’acheter en grande quantité : des taux historiques de déforestation et d’autorisation d’agrotoxiques, ainsi qu’une coercition des institutions régulatrices comme l’Ibama (Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables), l’ICMBio (Institut Chico Mendes de Conservation de la Biodiversité) et la FUNAI elle-même (Fondation Nationale de l’Indien).

Sônia Guajajara se trouvait dans la ville de Bonn pour participer à la première semaine de négociations de la COP25, la Conférence du Changement Climatique de l’ONU. Cette réunion aurait dû avoir lieu au Brésil cette année si Bolsonaro n’avait pas si bien réussi à en discréditer l’importance et retiré le pays de la liste des participants.

La pression des indigènes brésiliens n’est pas isolée. En Europe, des écologistes ont qualifié l’accord d’« inacceptable ». Des politiques français ont signé une lettre dans laquelle ils considèrent l’accord comme étant « une erreur économique et une horreur écologique ». Emmanuel Macron et Angela Merkel, les chefs d’Etats français et allemand, se sont également dits inquiets des impacts environnementaux d’un tel commerce expansif, mais ce n’est pas la première fois qu’on les prévient.

« Nous avons commencé à alerter l’Europe qu’elle était en train d’acheter du bois volé dans les terres indigènes et les unités de conservation de l’Amazonie il y a 20 ans », raconte Ailton Krenak. « Cette campagne a imposé un plus grand contrôle d’authentification du bois qui sortait des ports du Brésil, et, pendant plus d’une décennie, un important mécanisme de réduction de la déforestation et des vols de bois des terres indigènes a été mis en place ».

Dans un rapport inédit [1], la Apib a rendu compte de données importantes concernant les relations commerciales non durables qui se tramaient dans les forêts brésiliennes entre entreprises nord-américaines et européennes. Les auteurs de cette étude ont examiné les principales amendes pour déforestation illégale de 56 entreprises brésiliennes qui, depuis 2017, ont été contestées par l’Ibama. Ils ont identifié les revendeurs comme étant les parties concernées, ce qui prouve, par exemple, que le vaste marché de la viande au Brésil est uniquement possible au détriment de la destruction des territoires du Cerrado et de l’Amazonie.

En 2018, près de 41% des importations de viande bovine de l’Union Européenne provenaient du Brasil et ces chiffres pourraient refléter une réalité différente dans le cas où les producteurs nationaux seraient sous la pression économique des importateurs. « Sans préjudice, la tendance ne change pas. Les producteurs n’arrêteront de balancer du poison, de détruire la forêt et la terre que s’ils subissent un préjudice », critique Krenak.

Au Brésil, le rapport de l’Apib a mis en avant l’importance des investisseurs et des négociants de produits de base mondiaux qui étudient les risques en affaires et qui, au final, ont une influence sur la direction donnée au capital. Le mouvement indigène lutte également de cette manière : Luiz Henrique Aloy, un des avocats de l’Apib et membre du peuple Terena (Mato Grosso do Sul), a participé à la réunion annuelle de la Blackrock, société numéro un de la gestion d’actifs dans le monde et à la tête de 6 mille milliards de dollars d’actifs. Il a demandé que les dirigeants boycottent les marchandises de base provenant d’exploitations illégales. Cette année, la Blackrock a réduit les actions de l’entreprise minière Vale après la tragédie de Brumadinho, un geste clairement adressé au commerce/aux affaires. Reste à savoir si Wall Street sera sensible à la pression exercée par le marché européen.

En 2017, un partenariat entre l’Ong WWF et la Fondation Getulio Vargas [2] a également examiné les responsabilités du marché financier dans la chaîne de déforestation des sols nationaux. Un des investisseurs interviewés a indiqué que des « risques réputationnels » pourraient compromettre la capacité des entreprises à intervenir dans certains pays. Il a également souligné l’exemple de la multinationale IOI Group, qui a perdu près de 20% de sa valeur sur le marché suite à des révélations liées à l’extraction d’huile de palme et à la déforestation.

Au mois de janvier dernier, une opération de la Police Fédérale a saisi plus de 40 containers de bois illégal dans le port de Manaus ; près de 50% était destiné à l’Europe et aux Etats-Unis. « Si on la plaçait bout à bout de façon linéaire, la marchandise saisie jusqu’à présent couvrirait une distance de 1500 kilomètres, c’est-à-dire environ l’équivalent de la distance entre Brasilia et Belém », a informé la Police Fédérale dans un communiqué. Selon l’Apib, il y a eu, depuis mars 2019, une augmentation de 150% des exploitations illégales dans tout le pays. En l’absence de contrôle, l’Amazonie en est la première victime.

Au-delà des chiffres faussés présentés par le ministre de l’environnement, Ricardo Salles, et par Tereza Cristina, la « muse du poison [3] » et ministre de l’Agriculture, Ailton Krenak définit une ligne d’avertissement à ceux qui veulent faire du commerce au Brésil. « La terre exploitée pour la culture de céréales est une terre nécrosée. Et les Européens consomment cette nécrose. S’ils veulent continuer à financer cette agro-industrie, ils n’ont qu’à s’acheter leur propre poison. »

Giovanna Galvani

Article original en portugais : Povo indígena alerta UE sobre Amazônia: “Vocês estão financiando crime”, Carta Capital, le 26 juillet 2019

Notes

[1La publication du rapport en mai 2019 coïncide avec la mobilisation annuelle du « acampamento terra Livre » du Brésil, qui rassemble des milliers de dirigeants autochtones dans la capitale nationale pour exiger que le gouvernement brésilien respecte leurs droits. Les événements de cette année revêtent une nouvelle urgence, étant donné les récents revers du gouvernement Bolsonaro en matière de protection socio-environnementale. Autres Brésils invite à lire aussi Polluées, menacées, déplacées : ces communautés amazoniennes aux prises avec des multinationales européennes de Erika Campelo, Ivan du Roy, Basta ! Semptre 2018

[2Disponible en portugais

[3Surnom donné à Tereza Cristina après son adoption du projet de loi 6299/2002 qui assouplit les règles d’utilisation des pesticides au Brésil.

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Une formule d’unité, une découverte transformée en expérience collective d’articulation plus l’enthousiasme et la conviction militante, furent des facteurs décisifs pour le triomphe dans la confrontation électoral du dimanche 11 août.

Le résultat des élections nationales réalisées le 27 octobre 2015 (37,08 % pour le Frente por la Victoria et 34,15 % pour Cambiemos), avaient produit un choc, avec un effet traumatisant chez les votants du Frente. Les classes populaires n’attendaient pas ces résultats qui traduisaient un échec : ayant la conviction de ce qu’il gagnerait au premier ou, tout au plus, au deuxième tour, sans faire campagne parce que cette élection « était gagnée », comme beaucoup de militants affirmaient à l’époque. Le secteur populaire a sa propre colonisation. Les résultats obtenus ont fonctionné comme un principe de réalité qui a réveillé et sorti de la léthargie non seulement les militants du Frente, mais aussi les mouvements sociaux et d’autres secteurs importants qui ont commencé s’organiser de manière autonome.

Depuis le 28 octobre 2015, un jour après les élections, en voyant tomber la nuit néolibérale, est sortie activement dans la rue une partie importante du front social avec l’intention de gagner l’élection. Le mois qui restait jusqu’à l’élection définitive fut insuffisant pour inverser le résultat, donnant gagnant le binôme composé de Mauricio Macri et de Gabriela Michetti.

Le nouveau gouvernement néolibéral en peu de temps a rasé la démocratie, a désorganisé la vie de la société civile, tandis qu’un corps populaire affecté n’a pas arrêté de militer.

Après l’échec de 2015 il y avait différentes possibilités d’émergence et de développement d’affections : la tristesse impuissante et lâche, la dépression sceptique ou la mélancolie dévitalisante et conservatrice. Rien de cela n’est arrivé. Il fallait s’autonomiser [1] et se convertir tout un chacun en dirigeant, a dit Cristina le 9 décembre, sur une place pleine à craquer, arrosée par les pleurs des humbles. Le fait de perdre a produit une angoisse sociale qui s’est transmise comme un deuil qui a engendré un désir de résistance.

Le mot suggéré par Cristina résonnait comme un écho : « autonomiser », il n’y en avait pas d’autre. Et ainsi a commencé la résistance qui s’est traduite par la construction d’une politique d’opposition et d’organisation pour « revenir meilleurs », moins sots. Que signifie moins sots ? Le secteur populaire a compris que, pour triompher, il est nécessaire de construire une hégémonie, un pouvoir populaire, en laissant de côté la morale superficielle et mesquine, les égoïsmes, rivalités et surtout la haine impolitique. Faire une politique implique d’articuler des raisons, des passions et des affections, pour construire une intelligence populaire, qui semble beaucoup plus puissante que l’intelligence artificielle du marketing et de la technologie.

Les formes les plus créatrices de participation se sont multipliées ces dernières années : murgas , centres culturels, cantines sociales, radios et différents modes de communication alternative, sont devenues des urgences. Il était nécessaire de sauter le cercle médiatique, d’informer, de convaincre, de protéger ceux qui resteraient sans rien, de soigner les collègues les plus exposés et de consacrer du temps à l’éducation politique. Les temps du changement néolibéral ont précipité l’apprentissage de l’analyse du discours, le déchiffrement des opérations et le « journalisme de guerre ». Il y a eu une décision partagée de livrer une bataille inégale au pouvoir réel des multinationales, en disposant seulement des corps, des nœuds sociaux, de l’intelligence collective et de la puissance surgie du désir commun de revenir. Une promesse qui était chantée presque comme une prière, dans ce qui s’est rapidement formé comme les places du peuple : un rituel du week-end qui consistait à être ensemble, chanter, sentir les présences, s’exprimer collectivement et prendre l’engagement politique de revenir.

Pendant ces presque quatre ans d’orphelinat, sans État protecteur mais, au contraire, en utilisant presque tout l’appareil médiatico-judiciaire pour tromper les gens et pour poursuivre les dirigeants sociaux spécialement Cristina, leader du peuple, le secteur populaire a mûri, a assumé sa majorité, il s’est politisé, arrivant aux élections nationales avec un degré de participation et d’organisation rarement vu – comme par exemple, dimanche dernier pour les élections surprenant les assesseurs qui contrôlaient dans tout le pays.

L’enthousiasme et la conviction militante ont été les facteurs décisifs dans la confrontation électorale. Une formule d’unité, une découverte transformée en expérience collective d’articulation, de construction hégémonique orientée par le national-populaire et un legs symbolique de lutte et de participation permettent d’affirmer que la politique est capable de triompher sur le marketing. Le pouvoir néolibéral n’a aucune possibilité de construire une culture politique et un peuple qui radicalise la démocratie.

Nora Merlin

 

 

Article original en espagnol : Elecciones, los afectos y el campo popular, La Tecl@ Eñe. Buenos Aires, le 12 août 2019

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi, Paris, le 13 août 2019

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Notes

[1Autonomisation, vient de l’anglais « empowerment », et c’est l’octroi de davantage de pouvoir aux individus ou aux groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils sont confrontés.

 

Nora Merlin est psychanalyste. Magister en Science politique. Auteur du « Populismo y psicoanálisis », « Colonización de la subjetividad » et « Mentir y colonizar. Obediencia inconsciente y subjetividad neoliberal »

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Complexe ne définirait même pas le positionnement de l’Iran-Russie dans l’échiquier géopolitique. Ce qui est clair dans notre moment instable actuel, c’est qu’ils sont partenaires, comme je l’ai déjà dit. Bien qu’il ne s’agisse pas de partenaires stratégiques, comme c’est le cas pour le rapprochement entre la Russie et la Chine, Russie-Chine-Iran demeure la triade cruciale dans le processus d’intégration eurasiatique en cours, à plusieurs niveaux et à long terme.

Quelques jours après notre rapport du Asia Times, un article – basé sur des « sources de haut niveau proches du régime iranien » et truffé de fausses accusations de corruption sans preuve sur des questions militaires clés – affirmait que la Russie allait transformer les ports iraniens de Bandar Abbas et Tchabahar en bases militaires avancées avec sous-marins, forces spéciales Spetsnaz et chasseur Su-57, appliquant ainsi un « étau sur le Golfe Persique ».

Pour commencer, des « sources de haut niveau proches du régime iranien » ne révéleraient jamais des détails aussi sensibles en matière de sécurité nationale, et encore moins aux médias étrangers anglo-américains. Dans mon propre cas, même si j’ai effectué plusieurs visites en Iran tout en faisant régulièrement des reportages sur l’Iran pour Asia Times, et même si les autorités à des niveaux innombrables savent d’où je viens, je n’ai pas réussi à obtenir de réponses des généraux des Gardiens de la Révolution Islamique à 16 questions détaillées que j’ai envoyées il y a presque un mois. Selon mes interlocuteurs, celles-ci sont jugés « trop sensibles » et, oui, relèvent de la sécurité nationale.

Comme on pouvait s’y attendre, le rapport a été entièrement démystifié. L’une de mes meilleures sources de Téhéran, interrogée sur sa véracité, a été directe : « Absolument pas« . Après tout, la constitution iranienne interdit de manière décisive les troupes étrangères stationnées sur le sol national. Le Majlis – le parlement iranien – n’approuverait jamais une telle décision, sauf cas extrême, comme le prolongement d’une attaque militaire américaine.

Quant à la coopération militaire russo-iranienne, les prochains exercices militaires conjoints dans la « partie nord de l’océan Indien », notamment dans le Détroit d’Ormuz, sont une première, rendue possible uniquement par un accord spécial.

L’analyste Gennady Nechaev est plus proche de la réalité lorsqu’il note que dans le cas d’une coopération russo-iranienne croissante, la possibilité serait ouverte « d’installer en permanence la marine russe dans l’un des ports iraniens avec un aérodrome à proximité – le même type d’arrangement que Tartous et Hmeimim sur la côte méditerranéenne de Syrie« .  Pour y arriver, cependant, la route serait longue et sinueuse.

Ce qui nous amène à Tchabahar qui pose une question intéressante. Tchabahar est un port en eau profonde, situé dans le Golfe d’Oman et le point clé de la mini-route de la soie de l’Inde. L’Inde a beaucoup investi à Tchabahar, pour la relier par autoroute à l’Afghanistan et à l’Asie Centrale et, à l’avenir, par rail vers le Caucase. Tout cela pour que l’Inde puisse contourner le Pakistan en ce qui concerne les routes commerciales.

Tchabahar, cependant, peut aussi devenir un nœud important des Nouvelles Routes de la Soie, ou Initiative Ceinture et Route. L’Inde et la Chine – ainsi que la Russie – sont membres de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Tôt ou tard, l’Iran deviendra également membre à part entière de l’OCS. Ce n’est qu’alors que la possibilité d’accoster « pourrait » – et l’accent est mis sur « pourrait » – s’offrir occasionnellement à la marine russe ou chinoise à Tchabahar, mais toujours pas de l’utiliser comme base militaire avancée.

port de Tchabahar

En ce qui concerne l’Iran, le partenariat stratégique Russie-Chine fonctionne en parallèle. La priorité de la Chine est l’approvisionnement énergétique – et Pékin positionne des pions sur l’échiquier en conséquence. L’ambassadeur de Chine aux Émirats Arabes Unis vient d’émettre un ballon d’essai, mentionnant que Pékin pourrait envisager d’escorter des pétroliers à travers le Golfe Persique et le Détroit d’Ormuz. Cela pourrait se produire indépendamment ou dans le cadre de l’opération Sentinel de Washington, qui pour le moment n’a réussi à trouver qu’un seul membre « de la coalition des volontaires » : le Royaume-Uni.

Ce qui se passe actuellement dans le Golfe Persique est beaucoup plus divertissant. Comme je l’ai confirmé avec les négociants en énergie à Doha à la fin du mois dernier, la demande actuelle de pétrole est supérieure à celle de 2018. En conséquence, l’Iran continue de vendre la majeure partie de son pétrole.

Un pétrolier quitte l’Iran sans transpondeur ; le pétrole est transféré vers un autre pétrolier en haute mer, puis il est réétiqueté. Selon un négociant, « si vous prenez deux à trois millions de barils par jour sur le marché en appliquant des sanctions au Venezuela et à l’Iran, plus les réductions de l’OPEP, vous devriez voir un prix supérieur« .

Il n’y a pas de prix plus élevé. Le pétrole brut Brent reste au plus bas niveau depuis sept mois, autour de 60 $US le baril. Cela signifie que l’Iran continue de vendre, principalement à la Chine. Ce ballon d’essai aux Émirats Arabes Unis pourrait bien être la Chine camouflant son achat continu de pétrole iranien.

Le Ministre iranien des Affaires Étrangères Javad Zarif n’a cessé de prouver sa maîtrise diplomatique, faisant tourner en rond l’administration Trump. Mais toutes les décisions importantes en Iran viennent du Guide Suprême l’Ayatollah Khamenei. Cela vaut également pour la position de Téhéran en ce qui concerne les formes de soutien à plusieurs niveaux du partenariat stratégique Russie-Chine.

Ce que les derniers mois ont montré clairement, c’est comment l’attraction magnétique de la Russie et de la Chine attire les principaux acteurs de l’Eurasie, l’Iran, la Turquie et le Pakistan. Et ne vous y trompez pas : Téhéran peut être extrêmement fier de son indépendance politique, mais il est rassurant de savoir que l’Iran est, et continuera d’être, une ligne rouge définitive pour la Russie et la Chine.

Pepe Escobar

 

 

 

Article original en anglais : How Tehran fits into Russia-China strategy, Asia Times, le 10 août 2019

Traduit par Réseau International

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« Rosa Parks s’est assise pour que nous puissions nous lever. Paradoxalement, son emprisonnement ouvrit les portes de notre longue marche vers la liberté ». Révérend Jesse Jackson, le 25 octobre 2005.

« C’est ça, l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde ». Toni Morrison (Home)

Dans cette contribution, je veux présenter le combat de deux femmes noires l’écrivaine Tony Morrison et  la militante Rosa Parks chacune à sa façon, pour l’émancipation des Noirs aux Etats Unis.  Cette opportunité a été mise au profit suite au décès de la romancière américaine Toni Morrison décédée le 5 août à l’âge de 88 ans, emportant avec elle des centaines d’autres belles histoires.  Le Prix Nobel  de littérature lui a été décernée . C’est la première Africaine-Américaine à recevoir une telle distinction. Au passage nous constatons que sur plus de 700 prix Nobel décernés toutes spécialités confondus il y a à peine une dizaine de Prix Nobel Noirs dont deux femmes Toni Morisson et  après elle Wangari Maathai la kenyane   Barack Obama l’avait qualifiée de « l’une des conteuses les plus distinguées de notre nation » au moment de lui remettre la médaille présidentielle de la liberté, le 29  mai 2012 plus haute distinction civile aux Etats-Unis qu’avaient reçue avant elle Rosa Parks et Martin Luther King (à titre posthume). Il l’a qualifiée de « trésor national » après avoir appris sa disparition. Toni Morrison a écrit onze romans   Superstar aux États-Unis, chacun de ses livres et chacune de ses apparitions publiques étaient acclamés. Née en 1931, Toni Morrison a attendu d’avoir 39 ans pour publier son premier roman . Elle est contemporaine  des luttes pour l’émancipation des Noirs américains

Descendante d’une famille d’esclaves et première femme afro-américaine à décrocher le prix Nobel de littérature en 1993, Toni Morrison était surtout célèbre pour avoir donné une visibilité littéraire aux Noirs.

« Le Washington Post dit d’elle qu’elle a « métamorphosé la littérature américaine ». Toni Morrison a exploré toute l’histoire des Noirs américains depuis leur mise en esclavage jusqu’à leur émancipation dans la société américaine actuelle.  Sa renommée internationale a grandi avec Beloved, « son chef d’oeuvre » selon le New York Times. Un roman sorti en 1987 ancré dans le 19e siècle qui suit le parcours de Sethe, une jeune esclave, et qui lui a valu le prix Pulitzer en 1988. Juste au moment où 48 écrivains noirs, dont Maya Angelou, Alice Walker et Ernest J. Gaines, se sont plaints dans une lettre ouverte du fait que leur collègue n’ait encore jamais reçu de distinction nationale pour son oeuvre.   Les hommages se sont multipliés à l’annonce de sa disparition.  Femme de lettres, Toni Morrison était également une « mère, grand-mère et tante extrêmement dévouée, qui adorait être en compagnie de sa famille et de ses amis », a rappelé le communiqué familial. » (1)

Toni Morrison, un combat par la plume

Un hommage est venu de Manthia Diwara professeur à New York University,qui l’a connu  :

« J’avais rencontré Toni en 1984 ou 1985,  Toni Morrison était d’abord l’éditrice qui avait ouvert les portes de la prestigieuse maison de publication, Random House, aux femmes noires –Angela Davis avec son autobiographie en 1974, Gayle Jones avec Corregidora (1975), et Bambara, citée plus haut. Ainsi, Toni Morrison et d’autres géantes de la littérature américaine-noire telles que Alice Walker et Maya Angelou avaient transformé le champ de la littérature américaine noire, jusqu’en ce moment dominé par les textes des hommes noirs : Richard Wright, Ralph Ellison, Eldridge Cleaver, Ismael Reed, etc.; avant de changer toute la littérature americaine et la couleur de la littérature mondiale. Comme dirait Glissant, un nouveau monde naissait, le « nouveau Baroque » pour relier et relater le monde. Toni Morrison et Gabriel García Márquez étaient les chantres des esthétiques de ce Tout-Monde ; Une journaliste du New York Times lui posa cette question un jour : « Comment vous définiriez-vous? Femme Noire Écrivaine? Ou Écrivain tout court? » Et Toni de répondre tout de suite et sans hésitation : « Femme Noire Écrivaine ! Cela veut dire que dans mon écriture il n’ya pas seulement l’écrivaine, mais aussi l’expérience vécue des noires en Amérique raciste et ségrégationniste,  et celle de la femme. Cela manquait un peu dans ce que faisaient les hommes avant nous. »  Toni Morrison est connue pour avoir donné une visibilité littéraire aux Noirs. L’ex-président démocrate Barack Obama lui a rendu un vibrant hommage, la qualifiant dans un tweet de « trésor national ». « Son écriture représentait un superbe et profond défi à notre conscience et à notre imagination morale » » (2)

En presque cinq décennies, Toni Morrison a écrit onze romans.

Dès son premier roman, Toni Morrison distille le sel de son style et de ses thématiques : des tragédies familiales avec pour toile de fond l’Amérique raciste. L’Oeil le plus bleu raconte le destin, dans l’Ohio de 1941,  Toni Morrison aborde avec force l’identité noire, avec comme thématique majeure le racisme intériorisé. L’écrivaine se permet également de donner une perspective sur l’Amérique post-Grande Dépression d’un point de vue autre que celui des Blancs. : Le Chant de Salomon (1977)   explore les thématiques des relations humaines, de l’historique familiale et de l’identité afro-américaine, à travers une galerie de portraits à laquelle fait face Milkman Dead. Beloved (1987) Certainement le roman le plus célèbre de Toni Morrison, Beloved est peut-être aussi son plus cérébral et tragique. Le roman raconte la dérive de Sethe, une ancienne esclave échappée d’une plantation, hantée par ses actes passés. Et plus particulièrement l’égorgement de sa fille Beloved encore bébé, pour lui éviter de vivre dans les chaînes de l’esclavage. L’arrivée dans le récit d’une jeune femme, nommée elle-aussi Beloved, sème la confusion dans l’esprit de Sethe. Le roman a permis à Toni Morrison de remporter le prix Pulitzer.   : Jazz (1992) Loin de l’esclavage mais toujours autant ancré dans la dure réalité des Afro-américains, Jazz prend racine à New York, quartier de Harlem, dans les années 1920. Dans un nouvel exemple de passion destructrice,     Home (2012) Une décennie après son Nobel de littérature, Toni Morrison sort son avant-dernier roman, nouveau parcours initiatique d’un homme noir détruit et en quête de sens » (3).

Toni Morrison, les fantômes des États-Unis d’Amérique

Toni Morrison nous a quittés et ses mots résonnent autour de nous, parmi les fantômes, parmi ses fantômes, ceux qu’elle nous a donné à lire et à apprivoiser. « La langue, c’est la paume de la main qui doit tenir le monde », disait-elle. Toni Morrison a tenu la sienne bien serrée, y gardant la mémoire des oubliés de l’histoire américaine. Une paume levée bien haut, jusqu’au premier Nobel de littérature, décerné à une Afro-Américaine. Une paume qui recèle une langue arrachée qu’elle s’est échinée à restituer jusqu’à son dernier son. Toni Morrison a écrit ce que  d’autres avaient commencé à chanter. Un passé dont les relents planent encore sur l’Amérique d’aujourd’hui, que son oeuvre continuera sans fin d’exorciser.. » (4)

Elle définissait la liberté d’une façon particulière , celle  d’être maitre de son destin:

«  »Arriver quelque part où l’on pouvait aimer tout ce que l’on voulait – ne pas avoir besoin d’autorisation pour désirer -, eh bien, ça c’était la liberté. » (Toni Morrison, « Beloved », 1987)

L’écrivaine François. Vergès souligne  dans la phrase suivante la chose essentielle qui la relie comme nous tous, au beau temps de l’esclavagisme citons le politologue :

« Avec des romans comme L’Œil le plus bleu, son premier, ou Belovedelle entre dans l’intimité complexe des personnes réduites en esclavage.  […].   C’est du sort passé et présent de ces « Êtres » qui furent réduits à l’état de bétail au temps de l’esclavage, et dont les descendants ont conservés dans leurs gestes et leurs gènes cette intimité complexe car indéchiffrable. L’enfermement des Noirs-Américains dans la catégorie des Afro-Américains, traduit avec un certain cynisme, ce que les Blancs ne veulent pas oublier : que ces Noirs ont été arrachés à leur pays l’Afrique (Afro), pour les servir, exploités et comptés comme du bétail. Les Noirs eux-mêmes ne le pourront pas car leurs souffrances et les humiliations endurées perdurent encore au travers de tout ce que l’on saisit des pratiques ignominieuse de la police à leur égard.  « Face à l’impossibilité de résoudre la question de la différence noire au sein de la société américaine (résolue pourtant pour toutes les autres populations non blanches), les pratiques de développement séparé se sont renforcées. Ca s’est traduit par exemple par l’invention de toutes pièces d’une identité « afro-américaine » (que rien ne justifie sur le plan des moeurs), par l’idéologie communautariste ou « multi-culturaliste ». » (5)

Les États-Unis d’Amérique meurtrie de Toni Morrison

Tout entier voué à l’écriture de la vérité sur la condition peu enviable des  Noirs,  Toni Morrison n’arête pas de dénoncer  en creux dans ses romans , ce combat toujours actuel , celui des Américains de couleur  Nicolas Michel décrit le combat littéraire de Toni Morrison contre la ségrégation :

« Elle  nous entraîne écrit il dans un voyage à travers la ségrégation et le racisme des années 1950. Un texte court et puissant servi par une prose poétique ramassée. Noir, blanc   Maître de la suggestion, ennemie déclarée des affirmations manichéennes, la Prix Nobel de littérature (1993) décrit le racisme ordinaire de l’intérieur. Mieux : elle le donne à sentir jusqu’au frisson d’horreur. Elle qui est née en 1931 s’est beaucoup documentée sur la période qu’elle décrit, les années 1950, mais elle l’a aussi vécue. Elle se souvient avec acuité du visage grimaçant qu’arboraient les États-Unis de l’époque. Âgée de 17 ans, étudiante, elle garde en mémoire le souvenir d’une tournée avec sa troupe de théâtre dans le Sud… et des difficultés qu’il y avait pour trouver un simple logement.  Toni Morrison rappelle au passage l’existence de ce « guide du routard » conçu spécifiquement pour les Noirs (The Negro Motorist Green Book, devenu plus tard The Negro Travelers’ Green Book), édité de 1936 à 1964 par un employé de poste de Harlem joliment nommé Victor Hugo Green ». (6)

« Dans l’imaginaire américain, les années 1950 représentent une période de prospérité que l’on évoque avec nostalgie.  Convaincue que la réalité était bien plus sombre, Toni Morrison est allée creuser des plaies douloureuses : la ségrégation, le racisme, le maccarthysme ou bien encore cette guerre de Corée toujours considérée de nos jours comme une « opération de police ».   racisme ou la condition noire, elle se demande à chaque ligne : « Qu’est-ce qu’être un homme ? »  À travers les écrits qu’elle a contribué à publier telles les autobiographies de Mohamed Ali et d’Angela Davis, comme à travers ses propres romans, que ce soit  Beloved  ou  Jazz,  Home  ou Song  of Solomon, l’écrivain offrait sa voix pour raconter des histoires jusque-là tues, ou étouffées par une chape de silence, pour donner la parole à ceux à qui elle était confisquée » (6).

 La ségrégation aux Etats-Unis, une calamité structurelle

Qu’en est il justement, du fond rocheux raciste des Américains blancs. On sait que la guerre de sécession a opposé le Sud esclavagiste au Nord. Elle se termina par la victoire du Nord et  par la suppression de l’esclavage. Cependant depuis la mort d’Abraham Lincoln l’architecte de l’émancipation des noirs, le statut de ces derniers n’a pas évolué il a donné lieu à un racisme   Pourtant  on sait que quand on arrive au monde, on n’est pas raciste, on le devient par transmission dans l’éducation que reçoit l’individu dès son plus jeune âge. Combien d’ouvrages de spécialistes    ont expliqué par exemple que les enfants blancs et noirs  dans une école maternelle jouaient ensemble sans problème

Toni Morrison n’est pas la seule à décrire l’esclavage  Alex Haley  a aussi  décrit le calvaire des Africains déportés aux Amérique  c’est l’histoire des afro-americains dans leur ensemble  Le roman « Root », Racines,  raconte l’histoire, sur plusieurs générations, d’une famille d’esclaves afro-américains. Leur quotidien y est dépeint sans concession : travail forcé, viols, vente et séparation des membres d’une même famille, ségrégation. Haley a  affirmé avoir réussi à remonter sa lignée familiale à Kunta Kinte, un Africain capturé dans le village de Juffureh, dans l’actuelle Gambie.  Alex Haley a écrit :

« Au meilleur de ma connaissance et de mon effort, chaque affirmation de lignage de Racines provient de l’histoire orale soigneusement préservée de mes familles africaines ou américaines, dont une grande partie a été corroborée par des documents.»

Il a fallu attendre un évènement extraordinaire, le refus d’une femme Rosa Park de céder sa place à un blanc dans le bus en 1955 On pense à tort que la ségrégation a disparu depuis  les décisions du Congrès suite au courage de Rosa Park de ne pas céder. On dit que les noirs sont surreprésentés dans les prisons américaines. Qu’ils sont en général les emplois les plus bas.  Et qu’ils font souvent l’objet de « bavures » de la police. Deux exemples nous permettent de situer cela Henry Louis Gates est un éminent universitaire professeur à  Harvard ( Boston) ami d’Obama, et classé par le Time en 1997 parmi les 25 Américains les plus influents. Il a été arrêté jeudi 23 juillet 2009  alors qu’il tentait d’ouvrir la porte de son domicile, dont la serrure était grippée et ceci après avoir été dénoncé par une voisine qui le décrit comme un voleur avec un ballot  :  » Toutes les charges ont été abandonnées mardi, mais Henry Gates réclame toujours des excuses d’un policier  Barack Obama prend la défense d’Henry Gates, et est obligé de s’expliquer.. » (7)

Un fait plus récent il date d’une semaine (aout 2019) deux policiers blancs à cheval traînent un homme noir par une corde   l’image parle d’elle-même. :

« Dans un contexte tendu où, encouragé par Trump, le suprématisme blanc se renforce, cette photo rappelle l’époque de l’esclavage. Prises à Galveston, au Texas, On peut y voir Donald Neely, un homme noir de 43 ans, tiré par une corde par deux policiers blancs à cheval, les mains attachées dans le dos. L’indignation a redoublé lorsque la famille de Donald Neely a déclaré qu’il avait été « traité comme un animal », précisant qu’il était sans domicile fixe et atteint de troubles bipolaires. Cette pratique, humiliante et raciste, est toujours apprise par les agents de la police montée lors de leur formation.  Ces pratiques, faisant immédiatement écho à celles pratiquées pendant l’esclavage, sont revendiquées par des groupes d’extrême droite tels que le Ku Klux Klan, qui compte des membres notamment parmi les forces de répression » (8).

1er décembre 1955 Rosa Parks refuse de céder sa place

Parler  de racisme de discrimination nous amène à parler naturellement  de Martin Luther King. Pourtant Martin Kuther King  s’est fait connaitre après   le combat  d’une héroïne ordinaire:   350 millions d’occurrence sur internet contre 200 millions pour Martin Luther King et  258 millions pour Toni Morison  Nous sommes dans l’Amérique des années cinquante avec un racisme à son apogée faisant dire que dans les Etats du Sud la guerre de sécession n’a pas servi à liberer les noirs qui subissent une autre forme d’esclavage :

« Mais c’est nier  écrit Michel Muller la force destructrice de ce racisme : Angela Davis rappelle que dans les années 1920 un politicien connu du Sud avait proclamé qu’il n’existait aucune « fille vertueuse de plus de 14 ans dans le peuple de couleur ». Et, indique-t-elle, le sociologue noir Calvin Hernton écrivait encore, dans les années 1960, que « la femme noire » avait perdu « le sens de sa propre valeur » et avait fini par « se regarder avec les yeux des gens du Sud ». En faisant ainsi porter par la victime la cause de sa souffrance, « dans la mesure où les femmes noires sont considérées comme des femmes de mauvaise vie et des putains », leur viol était licite, constate encore Angela Davis. » (9)

Le jour où tout a basculé fut un 1er décembre 1955, à Montgomery en Alabama. Ce jour-là, Rosa Parks, une  travailleuse noire ordinaire  a travaillé toute la journée. Couturière de 42 ans, elle est épuisée et s’assoit dans le bus qui la ramène jusqu’à chez elle pour se reposer. Du moins, jusqu’à ce que le chauffeur lui demande de se lever pour laisser sa place à un autre usager. Pourquoi ? Tout simplement parce que Rosa Parks est noire, et que l’autre passager est blanc. Eh oui : à l’époque, la ségrégation fait toujours rage aux Etats-Unis. Et même si les inégalités raciales se réduisent petit à petit grâce à des décisions de la Cour suprême, les mentalités n’ont pas encore changé partout en Amérique. Seulement voilà, Rosa Parks n’entend pas les choses de cette oreille, et refuse purement et simplement de laisser sa place. Un geste qui peut paraître anodin aujourd’hui, mais lourd de sens à l’époque, et qui lui a valu des problèmes. « Ce qui s’est passé, c’est que le chauffeur m’a demandé quelque chose et que je n’ai pas eu envie de lui obéir. Il a appelé un policier et j’ai été arrêtée et emprisonnée », a-t-elle expliqué par la suite » (10).

Cette femme courageuse n’est pas la première à subir un tel sort, mais sa désobéissance va servir d’élément déclencheur. Boycott de la compagnie de bus par les usagers noirs, mobilisation au sein des associations…. Et nomination d’un certain Martin Luther King à la tête du Mouvement pour le progrès. Moins d’un an plus tard, la ségrégation a enfin été jugée inconstitutionnelle, le 13 novembre 1956. Un petit geste qui a changé le monde 60 ans plus tard, si le nom de Martin Luther King est toujours dans les mémoires, celui de Rosa Parks est un petit peu moins connu. Pourtant, sans le courage de cette femme engagée qui a osé dire non et à s’élever contre le racisme, la fin de la ségrégation aurait pu arriver encore plus tard. » (10)

Qui est  justement Rosa Parks ?

Une bonne bibliographie est donnée par l’encyclopédie Wikipédia :

« Rosa Parks le 4 février 1913 à  Tuskegee, en Alabama,   est une femme afro-américaine qui devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis,     Elle commence ensuite ses études secondaires à l’Alabama State Teachers College for Negroes,   Elle se souvient que son grand-père montait la garde la nuit devant la ferme contre les actions du Ku Klux Klan (KKK). Sa jeunesse lui fait vite subir les affronts du racisme. Le KKK a d’ailleurs brûlé à deux reprises l’école qu’elle fréquente, la Montgomery Industrial School for Girls . Bien que Rosa Parks ait raconté dans son autobiographie n’avoir pas eu une mauvaise impression des Blancs, elle narre des détails du racisme au quotidien (si vif dans le Sud des États-Unis) qui l’ont marquée, telles ces fontaines publiques réservées aux Blancs ou aux Noirs Les autobus sont un bon exemple de cette ségrégation au quotidien. Il n’y avait certes pas de bus ou de trains différents, mais des sections réservées aux Blancs et d’autres aux Noirs. Rosa Parks se souvient cependant que les transports scolaires étaient interdits aux enfants de couleur » (11).

Dans les années 1930, elle assiste à des réunions du Parti communiste des États-Unis d’Amérique (…) Rosa Parks devient célèbre lorsque, le 1er décembre 1955 dans la ville de Montgomery, elle refuse d’obéir au conducteur de bus James Blake, qui lui demande de laisser sa place à un Blanc et d’aller s’asseoir au fond du bus. Dans les bus de Montgomery, les quatre premiers rangs sont réservés aux Blancs. Les Noirs, qui représentent trois quarts des utilisateurs, doivent s’asseoir à l’arrière. Ce jour de 1955, elle n’avait semble-t-il pas prémédité son geste, mais une fois décidée, elle l’assume totalement. Elle déclare d’ailleurs dans son autobiographie (qu’elle a publiée avec James Haskins en 1992) :

« Les gens racontent que j’ai refusé de céder mon siège parce que j’étais fatiguée, mais ce n’est pas vrai. Je n’étais pas fatiguée physiquement, ou pas plus que d’habitude à la fin d’une journée de travail. Je n’étais pas vieille, alors que certains donnent de moi l’image d’une vieille. J’avais 42 ans. Non, la seule fatigue que j’avais était celle de céder. » (11)

« Elle est arrêtée, jugée et inculpée de désordre public ainsi que de violation des lois locales.   La nuit suivante, cinquante dirigeants de la communauté afro-américaine, emmenés par un jeune pasteur peu connu à l’époque, Martin Luther King Jr., se réunissent à l’église baptiste de la Dexter Avenue pour discuter des actions à mener à la suite de l’arrestation de Rosa Parks. Ils y fondent le Montgomery Improvement Association,   King y popularise les théories de la non-violence et de la désobéissance civile. (…)  C’est le début du boycott des bus de Montgomery ; il se prolonge 381 jours    Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statue par l’arrêt Browder v. Gayle que la ségrégation dans les bus est anticonstitutionnelle.(…) Ce combat contre les discriminations débouche en 1964 sur le Civil Rights Act, loi qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics et en 1965 sur le Voting Rights Act, qui supprime les tests et autres taxes pour devenir électeur aux États-Unis » (12).

Le combat de Rosa Parks ne s’arête pas là. Elle  milita ensuite pendant près de quarante ans a en commençant avec Martin Luther King .

« En 1990, Nelson Mandela, tout juste libéré de prison,  rendra visite à Rosa Park à Detroit, En octobre 1995, elle participe à la « Million Man March », qui rassemble plus d’un million de Noirs à Washington. Ses dernières années sont difficiles. À la fin de ses jours, elle a des difficultés pour payer son loyer et doit faire appel à l’aide de son Église, afin que son propriétaire cesse ses poursuites judiciaires. Rosa Parks réside à Détroit jusqu’à sa mort le 24 octobre 2005. Depuis 2004, elle souffrait de démence dégénérative. » (11)

 Les hommages après sa mort

«  Après son décès, la classe politique dans son ensemble lui a rendu hommage.  Honneur suprême et national, Le président George W. Bush a honoré sa mémoire dans une allocution télévisée et sa dépouille est restée exposée deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. à deux pas de la statue d’Abraham Lincoln, le président américain ayant aboli l’esclavage Privilège réservé d’habitude aux hommes politiques et aux soldats, Rosa Parks est la 31e personne après l’ancien président Ronald Reagan en juin 2004 et la première femme à recevoir cet honneur.   La chanteuse Aretha Franklin chante à cette occasion. Le président américain décrète la mise en berne de tous les drapeaux le jour de son enterrement.  L’astéroïde 284996  porte le nom de Rosa Parks. Le 27 février 2013, le président des États-Unis Barack Obama dévoile une statue de Rosa Parks dans la galerie statuaire du Capitole à Washington . Le nom de Rosa Parks a été donné à une gare RER à Paris En France, en 2015, 17 établissements scolaires portent son  nom. » (11)

« La médaille d’or du Congrès de Rosa Parks porte la légende « Mother of the Modern Day Civil Rights Movement ».

En 1979, le NAACP décore Rosa Parks de la Médaille Spingarn, sa plus haute distinction, et elle reçoit l’année suivante le Martin Luther King Sr. Award. Elle est nommée au Michigan Women’s Hall of Fame  ) en 1983 pour son action en faveur des droits civiques. En 1990, le Centre Kennedy de Washington, lors de son soixante-dix-septième anniversaire lui décerne un prix. Elle reçoit le prix de la paix Rosa-Parks en 1994 à Stockholm, en Suède, puis la Médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction décernée par l’exécutif américain en 1996, des mains du président des États-Unis Bill Clinton.

En 1999, le magazine Time la nomme l’une des vingt plus importantes figures du xxe siècle.  . Elle reçoit également des récompenses de docteur honoris causa de deux douzaines d’universités de par le monde   En 1992, elle publie un livre pour enfants, Rosa Parks : My Story, une chronologie de sa vie   En mai 2001, The Rosa Parks Story est tourné à Montgomery en Alabama. Il est diffusé le 24 février 2002 sur le réseau de télévision CBS » (11).

Conclusion

Plus de Cinquante ans après les marches pour le droit de vote des Afro-Américains, la ségrégation sociale divise toujours  Selma est cette ville d’Alabama où le  «le combat pour les droits civiques n’est pas terminé»  Pour rappel Ce  jour 7 mars 1965 dix ans après l’acte courageux de Rosa Parks à Montgomery et  après des semaines de mobilisation contre les restrictions au droit de vote des Noirs, 600 manifestants pacifiques entament une marche de Selma vers Montgomery, la capitale de l’Alabama,   Matraque à la main, les forces de l’ordre se ruent sur eux. Le soir même, l’Amérique, bouleversée, découvre les images de cette répression brutale, baptisée Bloody Sunday («dimanche sanglant»).

Cette marche à laquelle a participé Rosa Parks  et par qui tout a commencé dix ans plus tôt aux cotés de Martin Luther King fut celle de la dignité   Toni Morrison n’a peut être pas  milité et marché à  Selma mais elle  a , par la plume, contribué  bien plus tard. Les conditions ne sont pas les même Tony Morrison , n’a pas mis sa vie en danger et  la réussite sociale et les honneurs  ne lui ont pas manqué      Rosa Parks morte dans la misère et fait connaitre la dure réalité de la condition noire. les hommages post mortem furent de loin plus importants et  symboliques et surtout sources d’inspiration permanentes

Pour Françoise Verges :

«  Toni Morrison contribué à un large mouvement – car elle n’était pas la seule bien sûr – qui a attaqué le racisme dans sa structure profonde.  La société américaine a en effet eu beaucoup de mal à s’adapter aux lois sur les droits civiques et a trouvé de nombreux biais idéologiques et techniques pour surmonter cette crise. La société US est à plus de 70% blanche et on ne change pas les moeurs par la loi. L’obtention du droit de vote des noirs a provoqué par exemple une explosion de l’abstention chez les blancs et engendré in fine le mouvement néo-conservateur.  Le « suprémacisme blanc » n’est nullement une nouveauté. C’est même la forme la plus classique du racisme blanc aux Etats Unis (KKK etc.), la solidarité entre les blancs étant l’un des aspects fondamentaux du pacte social.  une identité « afro-américaine » ». Ce n’est pas une invention, est la déclinaison d’un processus plus général de redéfinition des identités américaines non-européennes. (5)

A l’heure où l’idéologie suprémaciste infeste jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat   américain, la mort de Toni Morrison est une triste nouvelle de plus Elle rappelle en creux le combat de Rosa Park qui avec toute sa popularité, est devenue une icône mondiale pour la liberté. Cela ne l’a pas empêché de mourir dans la misère  A sa façon Toni Morrison  contemporaine de ces luttes, a largement contribué  par ses écrits a continué le combat de Rosa Park Pourtant à ma connaissance, il n’y a pas eu de rencontre ou même d’écrits de Toni Morrison concernant Rosa Parks ou sur le mouvement militant. Tout au plus  nous trouvons  une contribution :une comédie musicale  “New Orleans”, produite en 1983 à New-York, et “DreamingEmmel’,   en hommage au leader noir assassiné Martin Luther King.  Il faut reconnaître, cependant,  qu’elle  donna  par ses écrits corps  et visibilité à l’histoire africaine-américaine   Elle participa notamment à la publication, en 1974, du Black Book, document de référence sur la condition  des Noirs aux États-Unis.

Malgré toutes les avancées dues à l’engagement multiforme des élites politiques et intellectuelles le clivage est plus que jamais prégnant dans la société américaine et l’élection d’un noir à la présidence des Etats Unis ne doit  pas faire illusion. Toni Morrison aura fait sa part mais le combat pour la dignité  amorcé par  le geste héroïque de Rosa Park est toujours d’actualité. La phrase du révérend  Jesse Jakson une autre icône du combat pour la dignité résume la dimension cataclysmique du refus de Rosa Parks de se lever, pour que les Noirs puissent se lever  et rester debout !!

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

 

Notes :

1.https://www.lci.fr/sorties/mort-de-toni-morrison-prix-nobel-qui-a-donne-une-voix-a-la-communaute-noire-dans-la-litterature-americaine-2128945.html

2.https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/070819/toni-morrison-comme-si-elle-etait-parmi-nous? 

3.Thomas Hermans https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/mort-de-toni-morrison-cinq-romans-incontournables-de-la-premiere-femme-noire-nobel-de-litterature_3566903.html

4.https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-dete/toni-morrison-les-fantomes-de-lamerique#xtor=EPR-2-[LaLettre08082019]  

5.https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/060819/francoise-verges-toni-morrison-attaque-le-racisme-dans-sa-structure-profonde

6.Nicolas Michel https://www.jeuneafrique.com/139815/societe/l-am-rique-meurtrie-de-toni-morrison/ 28 septembre 2012 7.https://www.nouvelobs.com/monde/20090724.OBS5259/obama-defend-un-professeur-qui-accuse-la-police-de-racisme.html

8.https://www.revolutionpermanente.fr/Scandale-aux-Etats-Unis-deux-policiers-blancs-a-cheval-trainent-un-homme-noir-par-une-corde 8 août 2019

9.https://www.humanite.fr/rosa-parks-en-disant-non-cette-femme-change-les-etats-unis-591756 

10. https://www.jeuneafrique.com/282989/societe/jour-1er-decembre-1955-rosa-parks-refusait-de-ceder-place-bus/.

11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosa_Parks

 

C’est ce qu’a déclaré le président cubain Díaz-Canel dans son discours du 28 juillet au Forum de São Paolo à Caracas. Ce n’est pas la première fois que Cuba, par l’intermédiaire de ses dirigeants et de la presse révolutionnaire, fait une telle affirmation. D’ailleurs, le Venezuela l’a aussi répété, de manière modeste et sans prétention. Il ne fait aucun doute que des déclarations similaires seront émises à l’avenir. Le destin du Venezuela continue de se jouer, même si la Révolution bolivarienne et son président, Nicolas Maduro, ont déjoué chaque tentative des États-Unis et des ennemis internes et externes du Venezuela de renverser le gouvernement.

À Caracas, certains partisans de la Révolution cubaine et de la Révolution bolivarienne se sont demandé si Cuba devrait également être honorée pour sa position dans ce premier retranchement. 

L’auteur de ces lignes croit que la réponse est à la fois affirmative et négative. Depuis 1959, Cuba s’est solidement positionnée et fièrement tenue debout dans ce premier retranchement en ce qui concerne l’Amérique latine, ce que le mouvement anti-impérialiste mondial lui a également reconnu. De plus, le consensus international de la gauche nous rappelle constamment, et à juste titre, que la Révolution cubaine a surtout tenu haut cet étendard, de manière courageuse et bien à elle. 

Même si d’autres importantes percées ont eu lieu, rien ne se compare à la montée d’Hugo Chávez et à la Révolution bolivarienne naissante lors des élections de décembre 1998. 

Et dans le sillage de ce grand tournant de l’histoire latino-américaine, une stratégie d’intégration régionale a vu le jour, ce qui aurait été impossible sans Chávez et cet autre géant latino-américain, Fidel Castro. On peut donc dire que Cuba et le Venezuela ont occupé sur le même pied cette première place convoitée (mais non sollicitée). 

Cependant, à la suite de la première tentative de coup d’État contre le gouvernement de Maduro, le 23 janvier 2019, tout a changé. L’effet d’entraînement a touché non seulement l’Amérique latine, mais aussi, dans une plus large mesure, le monde.

Jamais au cours des dernières décennies sur cette planète nous n’avions été témoins d’une telle campagne internationale, soutenue, vicieuse et coordonnée de désinformation et de mensonges de la part des médias économiques, politiques et diplomatiques ; une campagne menée par les États-Unis contre un gouvernement et son dirigeant – en l’occurrence, le président Maduro – comme nous l’avons vu au cours des six derniers mois (et qui se poursuit). 

Pour mettre les choses en contexte, selon un calendrier bien précis, on se souviendra de la guerre médiatique du « Printemps noir » contre Cuba en 2003 à la suite de l’arrestation de mercenaires, les soi-disant « dissidents ». Toutefois, ce n’était rien par rapport au Venezuela en 2019. Après une période relativement courte, la controverse au sujet de Cuba s’est terminée en queue de poisson.

Pour ce qui est de personnaliser une guerre médiatique en ciblant un dirigeant en particulier, ce qui me vient à l’esprit, c’est le « blitzkrieg » dans la plupart des médias internationaux contre le personnage de Fidel Castro après son décès, le 25 novembre 2016, soit le terme que j’utilisais dans mon dernier livre pour décrire cette désinformation.

Comme des requins affamés qui subodorent le sang, de nombreux médias grand public ont mené une campagne virtuelle de 10 jours sans interruption. Celle-ci partait de l’idée qu’une fois le « dictateur » décédé, Cuba pouvait enfin revenir à la raison et se libérer du socialisme, de son système politique, et faire des concessions aux États-Unis pour « mériter » de meilleures relations. 

Cette campagne n’a toutefois duré que le temps que le peuple cubain conduise son chef à son dernier repos. Il est vite devenu évident que Cuba resterait sur la voie choisie depuis 1959. L’exercice n’a pas duré plus de deux semaines. Par la suite, la vie a suivi son cours.

Ces exemples, parmi d’autres, sont relativement moindres comparativement à la campagne anti-Maduro en cours en 2019. 

Cuba a contré l’invasion militaire de mercenaires soutenue par les États-Unis à la baie des Cochons en 1961, à une époque où la Révolution était déjà solidement établie et ne partageait aucun pouvoir politique ou économique avec les forces proétasuniennes. Près de 60 ans après la baie des Cochons, les États-Unis pansent encore leurs plaies. Ils savent qu’ils ne peuvent pas – et ils n’oseront pas – tenter un coup d’État militaire à Cuba ou envahir l’île. Que cela leur plaise ou non, l’option militaire contre Cuba n’est pas à l’ordre du jour.

La situation au Venezuela est cependant différente. Bien que l’union civilomilitaire soit solide, une intervention militaire au Venezuela est toujours possible, et demeure envisageable pour les États-Unis. Par exemple, au cours du Forum, lors de sa rencontre avec les parlementaires le 28 juillet, l’un des principaux dirigeants de la Révolution bolivarienne, Diosdado Cabello, a déclaré : « Il est probable que les marines étasuniens entreront au Venezuela ; cependant, le problème pour eux, c’est de savoir comment ils en sortiront vivants. »

Prenons un exemple du pays de l’auteur pour établir une distinction entre la situation de Cuba et celle du Venezuela. Il est encore très « à la mode » au Canada, à tous les niveaux de la société et dans les principaux médias, de s’opposer au blocus étasunien contre Cuba et de s’abstenir de tout discours ouvert sur le changement de régime. Par ailleurs, la guerre médiatique menée par les États-Unis contre le Venezuela est si puissante et si vaste qu’au Canada il est de bon ton de répéter tous les mensonges des États-Unis et d’avaler l’hameçon, la ligne et le plomb du discours étasunien contre le Venezuela, et plus particulièrement celui contre son chef, Maduro. 

Le Venezuela se retrouve donc bel et bien dans le premier retranchement de la lutte anti-impérialiste. Lors d’une réunion tenue à Caracas le 4 février 2019 avec une délégation étrangère réduite, Maduro nous a fait remarquer que le Venezuela ne convoitait pas l’honneur d’être l’épicentre de la bataille internationale antiimpérialiste. Toutefois, en évoquant le Vietnam, il a établi un parallèle historique et a déclaré que le Venezuela était effectivement prêt à relever le défi.

Oui, le Venezuela fait partie du premier retranchement. Cependant, comme l’a souligné Díaz-Canel, les États-Unis visent également Cuba et le Nicaragua.

Par conséquent, en raison de son refus obstiné d’abandonner le Venezuela malgré les tentatives des États-Unis de réduire Cuba à la soumission et lui faire emprunter la voie de la trahison, Cuba partage d’une certaine façon ce premier retranchement avec le Venezuela. Néanmoins, le Venezuela se classe au premier rang en amont non pas par choix, mais plutôt à cause d’une situation imposée par les États-Unis et leurs alliés. La Révolution bolivarienne garde la tête haute, scrutant courageusement au-delà de la tranchée et prête à prendre sa première balle, si besoin est, mais non sans une réponse appropriée. 

Arnold August

 

 

Arnold August est un journaliste et conférencier canadien, auteur de Democracy in Cuba and the 1997–98 Elections, Cuba and Its Neighbours : Democracy in Motion et Cuba–U.S. Relations : Obama and Beyond. Il collabore à de nombreux sites Web, à des émissions de télévision et de radio basées en Amérique latine, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, y compris à  Mondialisation, sur Twitter, Facebook et son site Web trilingue : www.arnoldaugust.com.

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Erdogan, Chypre et l’avenir de l’OTAN

août 12th, 2019 by F. William Engdahl

Ces dernières semaines, a eu lieu une dramatique escalade de la tension causée par la présence d’une plate-forme de forage pétrolier turque au sein de la Zone économique exclusive contestée autour de Chypre, État membre de l’UE. Le Président turc Erdogan affirme que la Turquie a le droit de forer non seulement dans les eaux au large de Chypre-Nord, mais aussi dans des eaux lointaines sur lesquelles les Chypriotes grecs ont revendiqué des droits. Ces actions, qui consistent à transférer les plates-formes turques de forage pétrolier et gazier dans les eaux nord-chypriotes, créent un nouvel et intense conflit  dans la Méditerranée orientale, riche en sources d’énergie.

La nature des acteurs en lice constitue un cocktail Molotov politique d’intérêts conflictuels qui risquent de confronter non seulement la Turquie à Chypre et à la Grèce, mais également Israël et les États-Unis, ce à quoi la Russie et la Chine assistent avec un vif intérêt.

Le 20 juin, la Turquie a annoncé qu’elle envoyait un deuxième navire dans les eaux au large de Chypre pour des forages pétroliers et gaziers. Elle prétend qu’elle y a des droits maritimes en raison de sa reconnaissance des Chypriotes turcs dans la partie nord-est de l’île, celle qui fait face à la Turquie. Depuis que l’île a été divisée en 1974, seule la Turquie a officiellement reconnu Chypre-Nord, qui s’appelle la République turque de Chypre du Nord constituée d’environ 36% de la superficie de l’île. Le reste de l’île, désigné sous le nom de République de Chypre, est reconnu comme un État membre souverain de l’UE et est historiquement proche de la Grèce. En juillet 2017, les pourparlers de l’ONU sur l’unification de l’île ont échoué et les tensions énergétiques ont augmenté.

En 2011, de vastes gisements de pétrole et surtout de gaz naturel ont été découverts dans la Méditerranée orientale, près de Chypre, ainsi qu’en Israël, au Liban et potentiellement en Égypte. L’ensemble de la région pourrait contenir plus de 15 000 milliards de pieds cubes de gaz. Depuis lors, la Méditerranée orientale est devenue un foyer de géopolitique énergétique et de tensions croissantes. Ainsi, lorsque Chypre a accordé des droits de forage à ENI en février de l’année dernière, la Turquie a envoyé ses navires de guerre dans la région, obligeant ENI à abandonner ses activités de forage. Puis, en novembre, lorsque Chypre a accordé des droits de forage au géant américain ExxonMobil dans les eaux au sud-ouest de Chypre, Erdogan a exigé qu’ils soient abandonnés, qualifiant au passage la compagnie de « pirates ».

Ces dernières semaines, Erdogan a aggravé la situation en envoyant plusieurs navires de forage turcs dans les eaux revendiquées par la République de Chypre.

En coulisses

Qu’y a-t-il derrière l’actuelle et explicite escalade des revendications turques, pourtant très contestées, de forer au large de Chypre ? Pourquoi maintenant, alors que la question est plus ou moins connue depuis plus de huit ans quand de grandes réserves de gaz ont été découvertes ? Plusieurs facteurs sont susceptibles de l’expliquer.

Il y a d’abord les graves défaites électorales d’Erdogan au cours des derniers mois qui, pour la première fois depuis plus d’une décennie, remettent en question son pouvoir. On ne peut exclure qu’il considère que durcir le ton dans les revendications turques sur Chypre pourrait relancer sa popularité chancelante, d’autant plus que l’économie turque est entrée dans une grave récession ces derniers mois. En plus de l’incertitude politique croissante, l’économie turque est frappée par la hausse du chômage, l’effondrement de la demande intérieure et la baisse de la Livre turque. Erdogan est également en lutte avec Washington : Ankara ne démord pas d’acheter les systèmes avancés de défense aérienne S-400 russes plutôt que leur alternative américaine. Le fait que la Turquie soit un pays de l’OTAN, tout comme la Grèce, ajoute à la confusion géopolitique. Le 17 juillet, Washington a annoncé qu’à la suite de l’adoption du système S-400, la Turquie ne sera pas autorisée à acheter le F-35 Joint Strike Fighter.

Turquie et Russie

Depuis des années, et surtout depuis l’échec du coup d’État de juillet 2016 dont Erdogan a accusé Fethullah Gülen, un agent de la CIA exilé en Pennsylvanie, les relations entre Erdogan et Washington sont tendues car Washington refuse d’extrader Gülen.

Une rupture des liens turco-russes avait eu lieu après qu’un jet turc avait abattu un avion russe à l’intérieur de l’espace aérien syrien. Or maintenant, la Russie fait une percée majeure en Turquie au grand dam de Washington. En plus d’acheter les systèmes de défense russes S-400, Erdogan a rejoint la Russie dans la construction du gazoduc Turkish Stream courant de la Mer noire russe à la Turquie. En novembre 2018, Poutine s’est rendu à Istanbul pour célébrer l’achèvement de la première partie sous-marine des 910 kilomètres de gazoduc atteignant les terres turques. Une seconde ligne parallèle amènerait le gaz russe par la Turquie vers la Grèce et potentiellement vers la Serbie, la Hongrie et d’autres marchés européens.

Parcours du Turkish Stream

Poutine et Erdogan ont également tenu des pourparlers lors du récent sommet du G20 à Osaka sur une augmentation significative du commerce mutuel.

Cependant, la récente décision turque d’envoyer des navires de forage dans les eaux chypriotes ne fait rien pour assurer que la Grèce acceptera d’acheter le gaz provenant du Turkish Stream. En outre, le fait que la Turquie ait positionné ses nouvelles batteries de missiles S-400 dans le sud-ouest de la Turquie, couvrant ainsi l’espace aérien ainsi que les eaux territoriales de Chypre et de la Grèce, n’ajoute rien à la tiédeur des relations avec la Turquie ou la Russie du point de vue grec.

Le 16 juillet, alors que l’UE annonçait des sanctions contre la Turquie pour ses navires de forage non autorisés au large de Chypre, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a répondu ainsi : « Qualifier les sanctions de décision de l’UE signifie les prendre au sérieux. Ce n’est pas ce que vous devriez faire : la décision a été prise pour satisfaire les Chypriotes grecs. Ces choses n’ont [donc] aucun effet sur nous. » Au moment où il parlait, Ankara a annoncé l’envoi d’un quatrième navire d’exploration vers la Méditerranée orientale. Pour ne pas être en reste, le Ministre des affaires étrangères d’Erdogan prétend que la Turquie a les mêmes droits que le gouvernement chypriote grec à forer, y compris dans les eaux à 200 miles de la côte chypriote, et affirme même son droit sur une partie de la Méditerranée qui entaille la Zone économique exclusive de la Grèce. [Consulter une carte ici.] Elle appuie ce droit avec des drones, des chasseurs F-16 et des navires de guerre pour escorter les navires de forage au large de Chypre.

L’avenir de l’OTAN

Tout cela soulève la question de savoir si Erdogan ouvre actuellement un nouveau chapitre majeur de la géopolitique turque et se prépare à quitter l’OTAN en faveur de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) dirigée par la Chine et la Russie.

Non seulement la Turquie semble prête à approfondir ses liens militaires avec Moscou. Lors d’un récent voyage à Pékin, le 2 juillet, Erdogan a refusé de critiquer les Chinois pour leur supposé internement de plus d’un million d’Ouïghours musulmans dans la province du Xinjiang. Auparavant, la Turquie, qui considère les Ouïghours comme des Turcs ethniques, se référait au Xinjiang comme Turkestan oriental, et était l’un des seuls pays musulmans à dénoncer le traitement que la Chine réserve aux Ouïghours. Cette fois-ci, Erdogan a adopté un ton étonnamment doux en déclarant aux médias chinois : « Je crois que nous pouvons trouver une solution au problème en tenant compte des sensibilités des deux parties. » L’objectif clair du voyage d’Erdogan à Pékin était d’obtenir un soutien économique pour lutter contre l’affaissement de l’économie turque, durement touchée ces derniers mois par les sanctions américaines. Des entreprises chinoises sont déjà engagées dans la construction d’une partie de la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Istanbul-Ankara ainsi que d’un nouvel aéroport à Istanbul.

La Turquie a souvent fait double jeu, entre est et ouest, dans un effort pour obtenir le meilleur avantage. La question est de savoir si dorénavant Erdogan se dirige vers une alliance explicite avec la Chine et la Russie, mettant en jeu son statut au sein de l’OTAN. Si tel est le cas, le différent actuel sur le forage pétrolier et gazier à Chypre pourrait être une affaire mineure montrant la voie d’un profond changement géopolitique qui poserait des défis majeurs non seulement à l’UE, mais aussi à Washington.

F. William Engdahl

Article original en anglais :

Erdogan, Cyprus and the Future of NATO, publié le 21 juillet 2019

Traduit par Stünzi, relu par Hervé pour le Saker francophone

F. William Engdahl est consultant et conférencier en risques stratégiques, diplômé en politique de l’Université de Princeton et auteur de best-sellers sur le pétrole et la géopolitique, exclusivement pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

Argentine : Un pas en avant!

août 11th, 2019 by Atilio A. Boron

Dimanche prochain (le 11 août 2019) les élections primaires [PASO] offrent l’occasion unique de ne pas entrer dans « le cercle le plus brûlant de l’enfer qui est réservé à ceux qui dans des temps de crise morale optent pour la neutralité » et d’initier le processus de changement du fléau qui détruit l’Argentine depuis le 10 décembre 2015.

La catastrophe économique, sociale, institutionnelle, politique et culturelle du macrisme doit être freinée avant qu’il ne soit trop tard et le recul intégral et la décomposition de la société argentine croise une ligne fatidique de non retour qui condamne les générations suivantes à vivre dans un pays cruellement injuste et, surtout, sans avenir. La clique gouvernante a mis en marche un plan dont le succès, pour ses mentors et ses exécuteurs, est indubitable : avec fureur et ils ont méthodiquement pillé l’Argentine (puisque cela fut ce qu’ils sont venus faire) et si pour le pays ce fut une catastrophe, pour eux ce fut une bénédiction.

Ils se sont enrichis comme jamais et en peu de temps, tandis qu’ils plongeaient le reste dans la pauvreté, l’exclusion sociale et le désespoir. Les couches moyennes ont vu s’écrouler leur niveau de vie et évaporées leurs aspirations de progrès en même temps que les classes et les couches populaires plongeaient dans la misère. S’est aussi accrue l’impuissance des jeunes générations et des citoyens anciens, victimes d’un génocide social lent : la privation de vaccins et d’aliments pour les enfants et de remèdes, d’attention médicale et autres besoins essentiels pour les plus adultes plus âgées, voilà un génocide social soigneusement planifié. Une économie qui ne croit pas mais, qui au lieu, fait des fortunes fabuleuses pour les plus riches.

Les statistiques récentes montrent comment se sont enrichis les pontes du régime et leurs acolytes en même temps qu’elles illustrent comment ont augmenté la pauvreté et la chute des salaires réels et les retraites, c’est une photographie obscène et effrayante, c’est celle qui reflète d’une manière diaphane ce qu’est le capitalisme : une machine à fabriquer des pauvres et indigents, à produire de l’injustice, à favoriser les riches et les puissants et à opprimer les autres, en ayant recours à la manipulation « masse-mediatique » et, aussi, avec l’éloquence dissuasive des balles. On peut seulement tempérer ce vrai holocauste social s’il y a un gouvernement et un Etat qui fixent les règles qui mettent fin à ce larcin institutionnalisé.

Bien sûr que pour que cela se termine, il faudra aller beaucoup plus loin et avancer vers un horizon post-capitaliste, comme peu à peu, le font quelques pays nordiques où la santé, les médicaments, l’éducation et la sécurité sociale ont arrêté d’être des articles qui se vendent à un prix scandaleux pour devenir des droits universels. Ou comme le fait, dans notre région, ce Cuba traqué qui malgré soixante ans de harcèlement, continue d’avoir les meilleurs indices de santé publique de la région et presque du monde entier. Par conséquent, personne ne parle ici des « utopies » irréalisables. Si existent la force politique et la volonté nécessaires, on peut obtenir tout cela dans un délai historiquement bref.

C’est pourquoi ce dimanche (demain) il ne doit y avoir aucune confusion : il sera décisif d’administrer un échec contondant au macrisme, et de se préparer de cette façon à une victoire sans appel au premier tour qui aura lieu le 27 octobre. Pour cela il faudra concevoir notre vote de ce dimanche comme un instrument de lutte ; comme l’élémentaire fronde de David qui a renversé l’imposant et arrogant Goliath.Si nous rassemblons notre soutien à l’unique formule réelle de rechange du macrisme, le Frente de Todos (parce qu’il est déjà évident qu’aucun autre peut le faire) nous ferions un énorme pas en avant.

Et si en octobre nous arrivions à triompher nous devrions promouvoir tout de suite l’organisation et la conscientisation du secteur populaire pour que le nouveau gouvernement avance dans la direction correcte, sujet que j’aborderai dans une autre occasion. Si au contraire l’élection se termine avec un résultat incertain la machinerie de l’empire et ses acolytes locaux rendront très difficile, pour ne pas dire impossible, de prendre le dessus dans le ballottage.

Par conséquent la grande bataille se livrera ce dimanche. Et cela exige de laisser de côté tout particularisme, de nous libérer de tout narcissisme partisan et de faction et de reléguer les discussions de fond pour le moment où nous serons libérer de la peste macriste. Comme l’histoire médiévale l’enseigne, on ne discute pas des futurs possibles quand un petit village est attaqué par la peste bubonique et ses habitants sont enfermés dans leurs propres maisons. C’est la situation de l’Argentine aujourd’hui, si vous me permettez cette lugubre comparaison.

Finissons en donc avec la peste et asseyons-nous ensuite pour discuter à fond et sans anesthésie de comment reconstruire par des voies non capitalistes, et vers un horizon non capitaliste, une Argentine déchirée par le pillage macriste. Et ici personne ne peut faire le Ponce Pilate et se laver les mains, ou chercher refuge dans la catharsis de l’auto aide politique en se réfugiant dans la certitude présumée du dogme. Comme le rappelle Dante dans La Divine Comédie, « le cercle le plus brûlant de l’enfer est réservé à ceux qui dans des temps de crise morale optent pour la neutralité ». Personne ne devrait tomber ce dimanche dans cette tentation malsaine. Apprenons de ce qui nous est arrivé en novembre 2015.

Atilio Borón, 

Buenos Aires, le 10 août 2019

 

Article original en espagnol : Le blog d’Atilio A. Boron *

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi, El Correo de la Diaspora. Paris, le 10 août 2019

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Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 Unported. Basée sur une œuvre de www.elcorreo.eu.org.

* Ils ont bloqué mon blog (http://www.atilioboron.com.ar) pour la deuxième fois. Il semble que j’ai été très critique ces derniers temps, et l’empire ne pardonne pas. La bataille d’idées se livre sans caserne et toutes les promesses et garanties de  » libre accès « ,  » Démocratie dans le cyberespace  » sont jetées par bord dans certaines situations. Ils l’ont fait quelques secondes après avoir publié une note dans laquelle il a commenté le cinquième éditorial du New York Times en exigeant un changement de politique vers Cuba, montrant qu’ils avaient échoué tous les plans pour produire un « changement de régime à Cuba » (vulgaire : contre-Révolution). Nous verrons si c’est définitif ou seulement temporaire, même si j’ai peur du pire. Je vous tiendrai au courant pour ce milieu, tant que ça dure…

Voir le Facebook de l’auteur : Atilio Boron

« Venezuela, le coup d’Etat manqué », le nouveau documentaire du journaliste britannique Ahmed Kaballo est un antidote documenté, très précieux pour se libérer de ce que martèlent 99 % des médias depuis si longtemps.

Six semaines passées sur place en 2019 à la rencontre des diverses sensibilités politiques font pivoter le regard des effets vers les causes et permettent de découvrir les invisibles du champ médiatique. Kaballo démonte les catégories du storytelling (« Etat répressif », « crise humanitaire ») et les stratagèmes états-uniens. Il décrit la violence exercée par les insurrections de l’extrême droitecontre les personnes identifiées au chavisme.

Le journaliste Ahmed Kaballo (Press TV, London)

Le réalisateur révèle également les grandes occultations journalistiques, comme les ressorts de classe et de race qui propulsent un processus de changement que nombre de vénézuélien(ne)s continuent d’appuyer.

« Pendant mon séjour, j’ai rencontré beaucoup de gens qui luttent contre de sévères sanctions économiques, formellement condamnées par les Nations Unies (…) J’ai rencontré beaucoup de gens critiques envers le gouvernement et beaucoup de gens qui le soutiennent, mais, surtout, des gens vivant une vie normale avec un sens profond de la communauté. Un contraste total avec ce que montrent les médias occidentaux » .

Une réalisation d’Ahmed Kaballo pour Press TV et APARAT MEDIAProductions (Londres, UK 2019). Durée : 26 min. 40 sec.

Traduction de l’anglais et sous-titrage en français: Thierry Deronne, Venezuela Infos

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Les difficultés à composer la commission de dialogue sont , en elles-mêmes, significatives. Elles montrent, notamment,  que le processus imaginé, par certaines forces politiques, d’une étape de transition dirigée par une  instance exécutive présidentielle,  n’est pas viable. En effet, cette instance, a été envisagée dans sa composition,  sur la base du même principe, celui de de « personnalités nationales compétentes et crédibles, ayant la confiance du peuple » , dont on voit, désormais,  qu’il n’est qu’une vue de l’esprit et inapplicable dans les conditions actuelles.

Il ne reste plus alors, au fur et à mesure que la situation évolue, que les élections comme sortie démocratique de la crise. La raison en est simple: il n’y a que les élections qui peuvent résoudre la question que nous avons à résoudre, celle à la fois  de la représentativité et de la légitimité. Aucune autre formule ne peut le faire.

Légitimité et représentativité 

On confond trop souvent les deux notions. Or toute la crise mondiale  actuelle de la démocratie , que les démocraties soient anciennes ou naissantes, vient du choc frontal entre ces deux exigences du système démocratique. 

L’État de droit et la démocratie représentative,  tels  qu’ils ont existé jusqu’à présent, ne paraissent plus répondre, aux yeux de peuples de plus en plus nombreux, à leurs aspirations démocratiques.  L’abstention électorale  prend des allures de « grève du vote », et  s’est généralisée un peu  partout  dans le monde, creusant le fossé entre représentativité et légitimité. C’est comme si les citoyens exprimaient leur refus des élites dirigeantes par l’indifférence, la désertion des bureaux de vote. L’abstention est plus de 60% en France, plus de 50% aux États unis et au Japon. Partout en Europe, des « Hirak »(1) sont nés, sous formes de manifestations durant des mois, comme en Ukraine, en Serbie. Les partis dirigeants traditionnels s’effondrent. Des partis dits « populistes » se développent qui  dénoncent, eux aussi, « le système ». En France, la violence des manifestations est extrême et cyclique. Des permanences de députés sont attaquées et assiégées. En Pologne, en Hongrie, la démocratie représentative est mise en cause ainsi que la justice, la presse.

En France, le président Macron dirige le pays avec 20% des voix et n’a, aux derniers sondages, que 22% d’opinions favorables. Il est légitime mais non représentatif. En Algérie, il en est en réalité de même: du  point de vue  strict de l’État de droit, le président Ben Salah ainsi que le gouvernement sont légitimes sur la base de la Constitution existante. Mais ils ne sont pas représentatifs. Le ressenti est une chose, le droit en est une autre. Ce déficit de représentativité n’a cessé d’exister et de se développer. Tout le fond  de la crise politique est là.

Des « Gilets jaunes au Hirak »

On raisonne peut être trop souvent chez nous en vase clos, comme si nous n’étions pas influencés profondément, sans même peut être le ressentir directement, par l’environnement mondial. Et comme si d’ailleurs , nous ne pouvions à notre tour exercer quelque influence sur l’évolution du monde, à travers un mouvement aussi original et important que le Hirak algérien.

Avant le Hirak, je m’étais beaucoup intéressé au mouvement des « Gilets jaunes » français, auquel j’avais consacré plusieurs articles,  car j’étais persuadé qu’il s’inscrivait dans un mouvement mondial qui ne pouvait que nous parvenir. En fait, tout cela avait commencé avec « le dégagisme tunisien ». Il avait gagné en 2011, au-delà même des pays arabes,  l’Europe du Sud, l’Espagne avec le mouvement des « Indignés », la Grèce, Londres etc.. pour finalement aboutir en France en 2018 puis en Algérie aujourd’hui, avec les mêmes slogans « le peuple veut » et « dégage ».

Certes les différences nationales sont très grandes, si ce n’est parce qu’il y a, là, de vieilles démocraties représentatives et ici des nouvelles. Mais partout on retrouve des traits communs: le rejet de ce qu’il est convenu désormais d’appeler  « le système ».  C’est le   système politique qui est surtout visé. tandis  qu’au siècle dernier c’était le système économique, le système capitaliste qui étaient rejetés, et les  mouvements étaient essentiellement sociaux. Un autre trait commun c’est la forme aussi du mouvement:  de grandes marches populaires cycliques , leur durée, leur permanence, la ténacité des manifestants . Il y aussi l’inclusion des médias, dans le système qui est dénoncé,  la méfiance à leur égard, couplée avec l’alternative des réseaux sociaux et  le rôle énorme pris par eux  aussi bien dans l’organisation du mouvement que dans son animation. Un trait important aussi est le refus, et même  le  rejet, de toute représentation officielle du mouvement. 

Il faut savoir, en effet, qu’à la base même de ces « Hirak » dans le monde il y a une volonté de démocratie directe, une méfiance envers tout détournement de la volonté populaire même par le biais de la démocratie représentative telle qu’elle fonctionne actuellement. Partout on estime que les élus, une fois qu’ils le sont, « trahissent » leurs électeurs, s’attribuent des privilèges, s’érigent au-dessus du peuple, sont incontrôlables pendant une durée de plusieurs années qui favorisent toutes les manipulations. Les mêmes sentiments existent en Algérie. Les Algériens, notamment les jeunes, sont sur Internet et vivent au rythme mondial. La démocratie directe sur Internet, les échanges, les consultations, les concertations sur les réseaux sociaux sont alors jugés préférables. Avec bien sûr les limites de cette « démocratie virtuelle », ses déviations, ses manipulations propres et notamment son problème essentiel, celui du passage à la réalité. Mais c’est un autre sujet.

C’est donc vouloir résoudre le problème de la quadrature du cercle que chercher à faire représenter le « Hirak », comme on en parle à longueur de journée sur les plateaux et au niveau politique. La raison en est double:

Tout d’abord le « Hirak » s’y refuse. Tous ceux qui se sont hasardés à le faire chez nous comme ailleurs, par exemple en France avec les « Gilets jaunes  » ont été « descendus en flammes ». Dès que des personnalités en son sein émergent, deviennent visibles, elles sont vite obligées de rentrer dans les rangs sous peine d’attaques en règle, notamment sur les réseaux sociaux. Il en a été de même pour les partis opposés au pouvoir qui ont nourri le projet de représenter le « Hirak » en s’appropriant ses mots d’ordre. Toutes les intentions de le représenter, d’exprimer ses demandes, c’est-à-dire en fait de les trier à l’aune des objectifs politiques de chacun, ont été mal vues.

La deuxième raison est la nature même du « Hirak ». Le mot est en lui-même significatif. Il est celui d’un mouvement dont les contours sont indéfinis,   d’un phénomène social nouveau, très particulier, et qui se doit d’être étudié. Il s’agit de manifestations, de marches, non pas d’une organisation. On ne peut imaginer les marcheurs s’arrêter dans les différentes villes, à un moment, pour élire leurs représentants.

Ce mouvement, pas seulement en Algérie mais ailleurs, ne veut pas le pouvoir comme le feraient des partis, il demande le « changement du pouvoir ». C’est un mouvement massif de pression sur le pouvoir. Il continue tant que ses demandes ne sont pas satisfaites, ou qu’il n’est pas convaincu par les décisions prises. Il évolue au fur et à mesure des réponses apportées à ses demandes. Il évolue donc aussi dans sa composante sociale et le nombre des participants. Certains en sortent, d’autres y restent. D’où l’attention apportée partout et par tous  au seul moment où il existe, le jour de sa manifestation, avant de nouveau se fondre dans la vie quotidienne. 

Combien de temps cela va-t-il durer ? Le temps de solution à la crise politique?  Va-t-il ainsi disparaître un jour, comme par enchantement, une fois la crise réglée ? Ou bien se trouve-t-on devant une forme d’action démocratique qui va s’installer dans le temps et qui va être durable, combinée à nos traditions , comme la journée du Vendredi  en jonction avec la sortie des mosquées. L’avenir le dira.

Ces caractéristiques du « Hirak »  expliquent   pourquoi   les tentatives de le faire représenter au sein d’une structure  officielle n’ont pas réussi. Il ne semble pas avoir  vocation à être organisé, à  être représenté dans des structures permanentes. Il est le creuset de la société. 

Les efforts actuels  pour lui faire désigner des représentants au dialogue,  peuvent connaître des difficultés ou échouer ici ou là. Ces efforts ne sont pas pourtant inutiles pour la compréhension d’une situation qui est inédite.

Le « Hirak » n’a  d’autre raison d’être,  de légitimité pourrait-on dire, que dans la mesure où il exprime non seulement l’opinion publique, mais son sentiment majoritaire, et même général. Le « Hirak », dans son évolution au fil du temps,  est le baromètre de cette opinion. C’est pourquoi il est néfaste aussi bien d’opérer une fixation sur lui que de l’ignorer. Le peuple est dans la rue mais la rue n’est pas le peuple. Il ne faut pas oublier que la notion de pouvoir du peuple est une construction démocratique et qu’elle nécessite,  pour s’imposer, la liberté du secret des urnes.

Le « Hirak » n’a pas une représentativité politique. Il a une représentativité morale. Quelle est sa  représentativité actuelle?  En Algérie, comme ailleurs, il n’y a pas d’autres moyens de le savoir, que  la tenue d’ élections. Toute crise politique nécessite le passage à des élections pour la résoudre. Une fois les conditions de leur tenue démocratique réunies, les élections présidentielles ne seront-elles  pas, en réalité,  le véritable dialogue qui aura lieu avec le peuple, à travers la confrontation et  la concurrence démocratiques, celles des candidats et de leurs programmes?  

Djamel Labidi

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  1. « Hirak »: Nom du mouvement populaire de masse en Algérie.
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Les sanctions visent à porter atteinte à la participation d’une quelconque entreprise sur le marché étasunien, en utilisant la menace d’un éventuel préjudice financier ou de renommée : une politique du chantage. Avec cette approche extorsionniste, les mécanismes de pression et de guerre économique se poursuivent.

Le récit en faveur du blocus, encore une fois

Après l’officialisation de l’embargo américain contre le Venezuela, dans la nuit ldu 5 août , par un décret du président Donald Trump, les médias et les représentants politiques de l’anti-chavisme sont engagés dans une campagne de blanchiment.

Le récit est cohérent avec l’intérêt de positionner une opinion favorable sur ces mesures, sous-estimant les impacts profonds qu’elles auront sur la société vénézuélienne dans son ensemble et sur le fonctionnement de l’État vénézuélien.

Comme en d’autres occasions, on insiste sur le fait que ces mesures punitives visent uniquement et exclusivement le gouvernement vénézuélien, catalogué comme « illégitime » par les faucons de la Maison Blanche.

Même le titre du décret exécutif promulgué par Trump contient implicitement cette approche publicitaire, affirmant qu’il s’agit d’un « blocus des actifs du gouvernement du Venezuela ».

Ceci est faux, car les actifs sur lesquels pèse la mesure (principalement CITGO) ne sont pas la propriété du gouvernement, mais de l’État. Et cela signifie qu’ils appartiennent en fin de compte à la nation. A tous les Vénézuéliens.

CITGO et d’autres biens et actifs sur le territoire étasunien n’appartiennent pas au gouvernement, même si son administration et sa gestion en dépendent.

Mais le récit qui consiste à le présenter de cette manière devant l’opinion publique poursuit le double objectif de faire disparaître la société vénézuélienne dans son ensemble en tant que victime principale de l’embargo récemment décrété, tout en dissimulant l’énorme vol de biens économiques de tous les Vénézuéliens, d’une valeur de plus de 20 milliards de dollars.

Le faux procureur du gouvernement parallèle de Juan Guaidó, José Ignacio Hernandez, un personnage très décrié ces jours-ci pour sa défense juridique en faveur de Crystallex contre les intérêts de CITGO, a inventé ce récit dans une tentative de rejeter les impacts de l’embargo.

Ce n’est pas un embargo contre le Venezuela, c’est un embargo contre le régime Maduro. Par conséquent, l’ordonnance n’affecte pas les opérations entre parties privées. En outre, il est clairement indiqué que les questions alimentaires, sanitaires et humanitaires ne sont soumises à aucune restriction.

– José I. Hernandez G. (@ignandez) 6 août 2019

Selon M. Hernandez, des biens tels que la nourriture, les médicaments et autres produits de base, ainsi que le secteur privé dans son ensemble, ne recevront aucun obstacle ou restriction après la promulgation de ce décret exécutif.

Logiquement, Juan Guaidó, en sa qualité de Proconsul des États-Unis, a accompagné ce traitement informatif en faisant valoir que l’embargo appliqué est positif pour la vie des Vénézuéliens.

5. Il est fondamental de garder à l’esprit que la dictature ne bénéficie pas d’un soutien populaire, mais plutôt d’une structure dont la fidélité est maintenue au point où l’argent est pillé à la République. Cette action vise à protéger les Vénézuéliens.

– Juan Guaidó (@jguaido) 6 août 2019

Quelle sera la portée de l’embargo ?

Bien que les transactions entre des tiers (pays ou entreprises) et l’Etat vénézuélien soient également interdites, à moins qu’une licence spécifique autorisant de telles opérations ne soit délivrée, Hernández et Guaidó insistent pour faire taire la gravité de cette action

En réalité, le décret exécutif force la rupture massive des relations économiques et commerciales avec l’Etat vénézuélien à l’échelle internationale, interdisant tout type d’interaction pour l’importation de produits de base pour le pays.

C’est ce qu’on appelle les « sanctions secondaires », un pouvoir exceptionnel dont dispose désormais le Département du Trésor pour infliger des sanctions, pénalités ou amendes, à sa discrétion, aux entreprises ou pays qui soutiennent des opérations financières, économiques ou commerciales avec l’État vénézuélien.

Ces sanctions auraient pour but de nuire à la participation d’une quelconque entreprise sur le marché américain, en utilisant le risque d’un éventuel préjudice financier ou de renommé comme arme politique de chantage. Avec cette approche extorsionniste, ces mécanismes de pression et de guerre économique se poursuivent.

De ce point de vue, la portée de l’embargo est aussi large que l’océan lui-même. Et pour comprendre sa gravité, il faut l’analyser de la manière suivante.

Si l’État vénézuélien a besoin d’importer des diluants pour la production d’essence, de la nourriture pour les boîtes CLAP, des intrants pour le domaine industriel et agricole, des médicaments et du matériel chirurgical pour soutenir le système de santé publique, des assurances pour les navires qui exportent du pétrole et importent des marchandises, le Département du Trésor, protégé par le décret exécutif du 5 août, fera pression sur chacune des sociétés contractées pour empêcher ces achats.

Cette réalité s’est manifestée avec une dureté particulière en 2019, avec l’exclusion totale de l’État vénézuélien des plateformes de paiement internationales, en plus du durcissement des mesures coercitives contre la Banque centrale du Venezuela (BCV), PDVSA, Minerven, le programme public CLAP, entre autres institutions financières et économiques qui sont essentielles pour la stabilité du pays.

Sur le plan économique, la portée de cet embargo sera importante. Elle exacerbe l’asphyxie de toutes les sources de revenus du pays, comme l’exportation d’or et de pétrole, et étouffe les voies d’entrée des boîtes CLAP, sanctionnées par @USTreasury https://t.co/9LJrjLsa45 pic.twitter.com/gNkhYPtZqa

– Mision Verdad (@Mision_Verdad) 6 août 2019

Les conséquences de cette pression sont logiques : l’affaiblissement du système de protection sociale de l’État vénézuélien, le démantèlement progressif des services publics et un plus grand malaise économique dû à la pénurie et à l’augmentation des prix des produits de base comme la nourriture et les médicaments.

Mais ces obstacles et ces effets sur la population se produisent depuis des années, dans une logique cumulative et progressive. En ce sens, la particularité de la portée de ce décret réside dans le sceau de légalité juridique qu’il appose sur le blocus économique, financier et commercial qui a débuté en 2015.

La question du « secteur privé »

D’après le récit diffusé par les médias et les représentants anti-Chávez, tels que Hernández et Guaidó, le secteur privé ne sera pas affecté par ce décret exécutif. Tous deux semblent oublier que les entreprises US qui exportent des diluants ou qui maintiennent des opérations conjointes avec PDVSA seront durement touchées.

Mais le message implicite est que l’entreprise privée équilibrera la situation et ne sera pas entravée dans ses activités ordinaires.

Et c’est précisément dans cet élément que la structure juridique de l’ordre exécutif entre en collision catastrophique avec la réalité, générant des effets dévastateurs.

La composition de l’économie vénézuélienne est rentière et importatrice, c’est de cette manière qu’elle s’est développée depuis 100 ans, après l’introduction du pétrole comme axe de gravité économique de la société vénézuélienne au début du XXe siècle.

Les compagnies pétrolières américaines ont joué un rôle clé dans la création de ce système adapté à leurs intérêts, ce qui a transformé le marché étasunien en « espace naturel » pour l’achat de marchandises et le point d’arrivée de la fuite des capitaux.

Ce facteur structurel a créé une relation de dépendance du secteur privé vis-à-vis de l’État et du marché étasunien, qui se sont rapidement transformés en sources d’accumulation originelle dans une logique criminelle, monopolistique et périphérique.

Le monopole quasi étatique sur les pétrodollars générés par la République en a fait une petite caisse avec laquelle les entreprises vénézuéliennes ont maintenu un modèle d’accumulation basé sur les importations ou les marchés publics dans divers secteurs de l’économie nationale.

En conséquence, le secteur privé vénézuélien est lié à l’État depuis sa naissance.

Le décret autorise l’émission de sanctions secondaires aux particuliers qui font des affaires directement ou indirectement avec l’État vénézuélien et qui ont un certain niveau d’exposition, ou de participation, sur le marché étasunien.

La nature importatrice du secteur privé national signifie que les deux thèses sont remplies dans des domaines qui relient les services et les biens de base.

La grande majorité des entreprises vénézuéliennes importatrices sont enregistrées aux États-Unis et cette facilité leur permet de maintenir activement un flux d’importations, d’accéder aux lignes de crédit US et d’externaliser les services de divers types qui en découlent. Le rôle de l’État, comme cela a été le cas pendant de nombreuses années, est de fournir les devises pour soutenir ces importations.

De ce point de vue, la situation générale du secteur privé repose sur une relation symbiotique avec l’État et sur une dépendance totale du marché étasunien.

En voici un exemple : une entreprise qui importe des pièces détachées pour ordinateurs des États-Unis, très probablement, à un moment donné ou actuellement, a acheté des devises étrangères offertes par l’État vénézuélien ou a vendu un ensemble de pièces détachées à une institution publique qui en avait besoin pour son fonctionnement.

En vertu du décret exécutif, cette société qui importe des pièces de rechange doit cesser toute relation avec l’État vénézuélien sous peine d’amende ou de sanction par le Département du Trésor. Appliquez ce même paramètre aux importateurs d’aliments et de médicaments, et vous aurez un résultat encore plus catastrophique.

Ce cas, qui peut sembler particulier, représente en fait le comportement général de l’entreprise privée vénézuélienne. Et pour cette raison, le décret exécutif de Trump représente un ensemble d’obstacles qui n’ont pas encore montré leur véritable portée.

Parce que, bien que Guaidó et Hernández le nient, le secteur privé vénézuélien est enceinte de l’État.

 

 

 

Source originale en espagnol : Mision Verdad

Traduit de l’espagnol par Bam

 

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Gaffe nucléaire de l’OTAN

août 9th, 2019 by Manlio Dinucci

Que les États-Unis gardent des bombes nucléaires dans cinq pays de l’OTAN -Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Turquie- est prouvé depuis longtemps (en particulier par la Fédération des scientifiques américains – FAS). Mais l’OTAN ne l’a jamais admis officiellement. Cependant quelque chose vient de déraper.

Dans le document “A new era for nuclear deterrence ? Modernisation, arms control and Alien nuclear forces”, publié par le sénateur canadien Joseph Day pour le compte du Comité Défense et Sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, le “secret” a été révélé. À travers la fonction “copié-collé”, le sénateur a par mégarde reporté dans son document le paragraphe suivant (numéro 5), extrait d’un rapport OTAN réservé :

 “Dans le contexte OTAN, les États-Unis ont déployé dans des positions avancées en Europe environ 150 armes nucléaires, spécifiquement les bombes de gravità B61. Ces bombes sont stockées dans six bases étasuniennes et européennes – Kleine Brogel en Belgique, Buchel en Allemagne, Aviano et Ghedi-Torre en Italie, Voikel en Hollande et Incirlik en Turquie.

Dans l’hypothétique scénario où elles seraient nécessaires, les bombes B61 peuvent être transportées par des avions USA ou européens à double capacité”.

Accusant la Russie de garder dans son propre arsenal de nombreuses armes nucléaires tactiques, le document affirme que les armes nucléaires déployées par les USA dans des positions avancées en Europe et Anatolie (c’est-à-dire à proximité du territoire russe) servent à “assurer l’ample implication des Alliés dans la mission nucléaire de l’OTAN et la confirmation concrète de l’engagement nucléaire USA pour la sécurité des alliés européens de l’OTAN”.

Dès que le document du sénateur Joseph Day a été publié en ligne, l’OTAN est intervenue en l’effaçant et en le re-publiant ensuite en version amendée. Trop tard cependant. Certains sites (avant tout le belge De Morgen) l’avaient déjà enregistré dans sa version originale complète. En ce point l’imprudent auteur a couru aux abris, en écrivant sur The Washington Post qu’il s’agissait simplement d’une ébauche pour la rédaction d’un rapport de l’Assemblée parlementaire OTAN qui sera publié en novembre. Mais il n’a pas pu nier ce qui avait été écrit dans le paragraphe reporté dans le rapport réservé OTAN.

Ceci confirme ce que depuis des années nous documentons dans il manifesto [16 Decembre  2015]: à Aviano (Province de Pordenone) des chasseurs USA F-16C/D sont prêts à l’attaque nucléaire avec 50 bombes B61 (nombre estimé par la Fédération des scientifiques américains) ; à Ghedi Torre (Province de Brescia) des Tornado PA-200 italiens sont prêts à l’attaque nucléaire sous commandement étasunien avec 20  bombes B61. À partir de 2020 les B61 seront remplacées par les B61-12, destinées notamment aux nouveaux chasseurs F-35.

Tout cela en violation du Traité de non-prolifération, ratifié aussi bien par les USA que par l’Italie. Pendant que le Parlement se déchire sur le TAV mais pas sur la Bombe, que tacitement il approuve à l’unanimité.

Manlio Dinucci

Article original en italien :

Gaffe nucleare della Nato

Édition de vendredi 9 août 2019 de il manifesto

Traduit de italien par Marie-Ange Patrizio

John Shipton, le père de Julian Assange et l’un des principaux militants pour sa liberté, a parlé dimanche avec le World Socialist Web Site (WSWS) à Sydney des conditions de détention de son fils en Grande-Bretagne et de la lutte pour empêcher son extradition vers les États-Unis. Le fondateur de WikiLeaks risque 175 ans de prison aux États-Unis pour son rôle dans la dénonciation des crimes de guerre américains.

Shipton s’était adressé à une petite manifestation devant la New South Wales State Library, où le gouvernement australien accueillait le secrétaire d’État américain Mike Pompeo pour des consultations ministérielles annuelles entre l’Australie et les États-Unis. Pompeo cherche à obtenir un soutien pour les préparatifs américains de la guerre contre l’Iran et pour sa confrontation avec la Chine.

Pompéo a joué un rôle central dans la persécution d’Assange. En tant que directeur de la CIA, il a déclaré en 2017 que WikiLeaks était un «service de renseignement hostile non étatique» et qu’Assange était un «démon» qui ne méritait pas les protections du premier amendement de la Constitution américaine. En tant que secrétaire d’État, il a été intimement impliqué dans la campagne américaine visant à faire pression sur l’Équateur pour qu’il mette fin illégalement à l’asile politique d’Assange.

John Shipton

S’adressant aux protestataires, Shipton a déclaré que la visite de Pompeo était une autre «occasion pour l’Australie d’accueillir en son sein un belliciste ou un meurtrier de masse, de le serrer dans ses bras et de se faire mordre par la vipère».

S’adressant au WSWS, il a dit: «Nous sommes choqués que le gouvernement accueille Pompeo. Il y a tellement à critiquer des États-Unis. On pourrait remplir des bibliothèques sur les difficultés de traiter avec les États-Unis à n’importe quel niveau géopolitique.»

«Pompeo est ce qu’on appellerait en Australie une grande gueule, un vantard. Personne ne fait attention à ce qu’il dit. La déclaration qu’il a faite, selon laquelle WikiLeaks est un «service de renseignement hostile non étatique», ne se reflète pas dans les procès qui ont été intentés contre Julian, qui ont confirmé son statut de journaliste et d’éditeur.»

Shipton a condamné le refus du gouvernement australien de soulever la question d’Assange avec les États-Unis, ou de prendre des mesures pour sa défense. «Le silence est complicité», a-t-il déclaré.

Le WSWS a interrogé Shipton au sujet du rejet, la semaine dernière, d’une action civile intentée par le Comité national démocrate américain (CND) contre Assange.

L’action en justice avait prétendu que la publication par WikiLeaks en 2016 de courriels divulgués, exposant les tentatives du CND de truquer les primaires du Parti démocrate contre Bernie Sanders, socialiste démocrate autoproclamé, ainsi que les discours secrets tenus par Hillary Clinton aux banques de Wall Street, était illégale.

Shipton a commenté que le verdict était «extraordinaire». Le CND a intenté une action civile contre WikiLeaks, Julian Assange et quelques autres moins notables, comme Trump et la Russie. Le juge a statué, sur la base de la jurisprudence du Pentagon Papers, que ce que WikiLeaks avait publié était dans l’intérêt public, et a rejeté l’affaire civile que le CND avait introduite. Le CND semble être une organisation profondément corrompue, comme le prouvent les courriels que WikiLeaks a publiés.

«Il y a de l’action parmi les avocats qui disent que cela se répercute sur les accusations portées contre Julian pour espionnage. Pour le moment, cependant, les avocats de WikiLeaks doivent se pencher sur l’affaire d’extradition qui est en cours d’examen devant le tribunal en Angleterre. C’est la première chose. Ils doivent y gagner ou interjeter appel devant la Cour suprême d’Angleterre. Mais les fondements des accusations américaines, à mon avis, n’ont jamais été substantiels.»

M. Shipton a décrit les conditions draconiennes de la détention d’Assange à la prison de haute sécurité de Belmarsh, en Grande-Bretagne. «Pour l’instant, il n’y a pas d’accès à la bibliothèque, pas d’accès aux ordinateurs, 23 heures par jour dans une cellule et un accès limité aux avocats», dit-il. «J’imagine que c’est délibéré. Les gouverneurs de la prison veulent montrer leur autorité, alors ils rendent les choses aussi inconfortables que possible.»

La peine d’emprisonnement d’Assange pour de fausses accusations de non-respect de conditions expirera en septembre et il sera placé en détention provisoire. M. Shipton a expliqué que cela entraînerait un assouplissement de ses conditions, y compris le droit à «trois visites par semaine, plus l’accès aux ordinateurs, l’accès aux bibliothèques et le libre accès à ses avocats».

M. Shipton a souligné la détermination de WikiLeaks et de ses avocats à rejeter la demande d’extradition américaine. Il a raconté que «dans une interview avec le commissaire de la police métropolitaine du Royaume-Uni, Gareth Pierce, l’avocat de Julian, a déclaré: «Si vous arrêtez Julian Assange, nous combattrons cette extradition jusqu’à la fin des temps». Sa détermination est farouche, comme celle de Julian, la mienne et celle de tous ceux qui luttent pour sa liberté.»

Le père d’Assange a fait état d’une atteinte plus large aux droits fondamentaux. «Ce qui me préoccupe, c’est de défendre notre droit à la liberté d’expression ici en Australie, a-t-il dit. Il est clair que ce gouvernement a l’intention de restreindre notre accès à Internet et c’est ce qui me préoccupe. Je vois ça comme une attaque contre notre droit à l’information.»

Shipton a noté le rôle pernicieux joué par la presse officielle: «Le centre de gravité, pour utiliser un terme clausewitzien, du savoir, c’est les médias de masse. Ils contrôlent ce que nous pensons et la façon dont nous interprétons les événements, de sorte que notre première attaque vise les médias de masse, à travers les médias alternatifs, les blogues, les forums et un peu de Twitter mais pas Facebook.»

Il a commenté une récente émission du réseau ABC en deux parties, «Four Corners», sur Julian Assange. «Les deux épisodes ont passé un temps excessif à diffuser des attaques subjectives sur la personnalité d’Assange. Ils ont donné libre cours aux opposants d’Assange, y compris les partisans du gouvernement américain, pour le calomnier.»

M. Shipton a déclaré que les programmes étaient «épouvantables». Une honte stupéfiante en fait. Nous déposerons une plainte officielle auprès de l’ABC à ce sujet.

«Je vais l’illustrer par un point. Domscheit-Berg [un critique d’Assange qui a été présenté dans le programme] était impliqué dans WikiLeaks il y a neuf ans. Il a été congédié parce qu’il avait volé 3,5 gigaoctets de fuites et les serveurs sur lesquels elles étaient installées. Il n’a rien à voir avec la vidéo du meurtre collatéral. Il s’est enfui d’Islande parce qu’il avait peur. L’utiliser comme témoignage est tout simplement absurde.

«Alan Rusbridger [ancien rédacteur en chef du Guardian, qui a également fait l’objet d’un reportage dans l’émission] a participé avec Julian et WikiLeaks durant deux semaines, il y a neuf ans, à la publication des journaux de guerre en Irak et en Afghanistan et des câbles diplomatiques américains. Depuis, ils n’ont plus rien à voir avec WikiLeaks, ils ne sont donc plus en mesure de faire des commentaires.

«Le Guardian a depuis poursuivi Julian, au point de falsifier complètement les preuves contre lui.»

Shipton a noté que le Guardian a publié en novembre dernier un article affirmant que le lobbyiste politique américain Paul Manafort a rencontré Assange à l’ambassade équatorienne en 2013, 2015 et début 2016. L’affirmation visait à lier Assange à Manafort, qui a ensuite servi de conseiller de la campagne Trump et a été une cible centrale de l’enquête américaine sur la prétendue collusion entre Trump et la Russie.

«Julian était surveillé 24 heures sur 24 à l’ambassade, et il n’y avait aucune preuve d’une visite, donc c’était une fabrication complète,» a déclaré Shipton.

En conclusion, le père d’Assange a souligné l’importance pour les gens ordinaires de prendre position pour défendre le fondateur de WikiLeaks. «Faites pression sur vos membres du parlement, les députés fédéraux, les députés d’État, les députés locaux. Écrivez-leur et demandez-leur: «Qu’est-ce qui se passe ici? C’est un Australien qui veut rentrer chez lui, il est enfermé depuis neuf ans. Notre gouvernement peut y remédier, mais seulement avec vos encouragements.»

Oscar Grenfell

 

Article paru en anglais, WSWS, le 5 août 2019

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Inde: le vaisseau de Modi heurte l’iceberg du Cachemire

août 8th, 2019 by M. K. Bhadrakumar

Après la dissolution de l’ancienne Union soviétique, l’ajustement de l’Inde, après la guerre froide, à la politique étrangère reposait sur l’idée selon laquelle Delhi devrait s’en tenir au principe proverbial « ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire » pour ce qui concerne les États-Unis.

La maxime sur la sagesse des trois singes de l’ancien folklore indien découle de la «situation unipolaire» de l’élite – une notion selon laquelle être du bon côté de l’histoire au XXIe siècle signifie que l’Inde pourrait tout aussi bien s’accrocher au train américain en marche.

La patience stratégique de Delhi sous le gouvernement du Premier ministre Modi a été un peu mise à l’épreuve pendant la présidence de Donald Trump. Modi a tout essayé, avec le tour de passe-passe de la corde indienne magique, pour apaiser le sévère président admonesteur américain. Mais avec Trump, personne ne peut jamais être sûr. Lorsque des hommes d’État jouant au golf et débordant de charme – comme le Premier ministre japonais Shinzo Abe – échouent, l’Inde devrait en tirer les conclusions.

Delhi a plutôt choisi d’ignorer la raillerie – parfois insultante – des tweets trumpesques visant Modi. Trump a même refusé cavalièrement l’ultime honneur que Modi pourrait lui offrir – une invitation à être l’invité principal du défilé de la fête nationale indienne à Delhi.

Puis, le 22 juillet, la tempête s’est déchaînée lorsque Trump a annoncé aux médias que Modi lui avait demandé de jouer le rôle de médiateur dans le dossier du Cachemire – le talon d’Achille de l’Inde – et qu’il relevait ses manches. Et, tournant le couteau dans la plaie indienne, Trump a fait cette révélation sensationnelle en présence du Premier ministre pakistanais Imran Khan.

Trump ne sait-il pas que l’Inde désavoue publiquement la médiation par une tierce partie sur le Cachemire ? Sans doute, il le sait. Et c’est tout le problème. En quelques heures, le ministère indien des Affaires étrangères a répondu de manière évasive « qu’aucune demande de ce genre n’avait été faite » par Modi. Le porte-parole indien a expliqué la position constante de l’Inde selon laquelle « toutes les questions en suspens avec le Pakistan ne sont examinées que de manière bilatérale ». Delhi a ajouté : « Tout engagement avec le Pakistan exigerait la fin du terrorisme transfrontalier ».

Dans le contexte actuel, l’aide apportée par le Pakistan pour mettre un terme à la guerre en Afghanistan peut signifier une grande réussite en matière de politique étrangère pour Trump, qui marquerait le succès de sa campagne pour les élections présidentielles de l’an prochain aux États-Unis. Par conséquent, il est probable que Trump se vantait en «déclassifiant», en totalité ou en partie, ce qui a dû être un échange très sensible entre lui et Modi à Osaka, en l’absence de témoins.

Inutile de dire que l’offre de médiation de Trump sur le Cachemire et l’importance de la visite d’Imran Khan aux États-Unis ont de graves conséquences pour la politique indienne.

Tout d’abord et avant tout, le gouvernement Modi a reculé devant les réactions de l’opinion publique indienne concernant l’offre de médiation de Trump. En réalité cependant, dans le passé, l’Inde avait déjà choisi de manière sélective la médiation américaine, le meilleur exemple étant le conflit du Kargil en 1999. Par conséquent, même si Modi avait demandé la médiation de Trump, cela n’aurait rien eu d’extraordinaire.

En fait, tactiquement, cela aurait été un stratagème habile pour fixer Trump en terrain neutre pour ce qui concerne les tensions entre l’Inde et le Pakistan, alors même qu’Imran Khan devait prochainement effectuer une visite capitale aux États-Unis.

En effet, la visite d’Imran Khan suscitera l’inquiétude dans l’esprit des Indiens dans la mesure où Trump promet au Pakistan une alliance sans faille. Cela se produit à un moment délicat pour l’Inde alors que les armes se sont tues sur la frontière indo-pakistanaise et que l’infiltration transfrontalière de militants dans la zone de Jammu et Kashmir (J&K) s’est tarie ces derniers temps.

Le gouvernement Modi est sur le point de déployer une nouvelle stratégie visant à remédier à la situation de J&K. Le ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, a annoncé publiquement la semaine dernière que la solution finale à la situation de J&K est « imminente ».

Une hypothèse raisonnable est que le gouvernement Modi envisage d’intégrer J&K en supprimant ou en érodant une partie de son « statut spécial », tirant parti de la prétendue capitulation pakistanaise face au terrorisme transfrontalier. Ce plan doit maintenant être mis en veilleuse.

L’un des postulats de base de ce plan est qu’il n’y aura aucune répercussion internationale si Delhi poussait vigoureusement le projet, avec éventuellement la contrainte, d’intégrer J&K. Mais Trump a peut-être ébranlé la confiance des Indiens. Trump a attiré l’attention sur la situation sécuritaire dans l’État indien du Jammu-et-Cachemire, le caractère ancien du problème du Cachemire est dû à l’incapacité singulière de l’Inde et du Pakistan de résoudre le différend de manière bilatérale.

En ce qui concerne l’évolution des relations entre Washington et Islamabad au plus haut niveau des dirigeants, le Pakistan a réussi à amener les États-Unis à accepter un lien entre le règlement afghan et le règlement du différend au Cachemire. Les remarques de Trump dans leur ensemble semblent implicitement reconnaître un tel lien.

Quoi qu’il en soit, grâce à l’atout que le Pakistan a en main pour aider Trump à mettre fin à la guerre en Afghanistan et lui permettre de brandir un trophée en politique étrangère pour l’élection de 2020 aux US, il s’attendra, en retour à une sensibilité accrue des États-Unis à l’égard des intérêts légitimes du Pakistan dans la sécurité et la stabilité régionales. Ce dernier demande depuis longtemps un «équilibre stratégique» en Asie du Sud. Selon l’estimation pakistanaise, un tel équilibre nécessite une révision de la politique des États-Unis en Asie du Sud, qui penche en faveur de l’Inde.

Les remarques de Trump suggèrent qu’il accepte en principe que la bonne volonté et la coopération sont dans les deux parties. Par conséquent, la révélation explosive de Trump aura également un impact sur le peuple cachemiri, déjà aliéné de l’État indien. Trump a peut-être involontairement donné espoir aux Cachemiris.

L’intégration prévue de J&K devient une tâche ardue pour le gouvernement Modi. Néanmoins, Delhi ne sera pas dissuadé d’intégrer J& K aux conditions que le parti Bharathiya Janata, le parti au pouvoir en Inde, s’est fixé comme objectif. De la faible réaction de Delhi aux remarques de Trump, il semble que le gouvernement Modi espère continuer à lutter avec le POTUS en faisant des concessions par ailleurs – telles que des transactions d’armes plus lucratives.

Les analystes indiens parlent souvent de la politique étrangère sous Modi comme d’un «multi-alignement». Mais dans la pratique, les politiques indiennes fonctionnent sur le terrain comme si la communauté mondiale était une ferme des animaux où les États-Unis demeuraient plus égaux que d’autres. Autrement dit, les élites indiennes le souhaitent ainsi, les bureaucrates sont au courant et la diaspora nord-américaine, enracinée dans le nationalisme hindou, l’exige.

C’est là que réside la contradiction fondamentale. Lorsque Trump dit qu’il est impatient d’intervenir au Cachemire et d’aider à normaliser les relations entre l’Inde et le Pakistan, il viole sans ménagement les intérêts fondamentaux de l’Inde. Espérons que cela incitera les Indiens à repenser leur vision à plus long terme plutôt que sous la forme d’une tempête dans une tasse de thé, étant donné la probabilité élevée que Trump reste au pouvoir pour un second mandat également.

Ces moments poignants soulignent que l’ambivalence stratégique de l’Inde dans l’ordre mondial contemporain, caractérisée par une multipolarité croissante, devient de plus en plus intenable. La prochaine visite de Modi en Russie en septembre et la visite du président chinois Xi Jinping en Inde en octobre fourniront des indications importantes sur la politique indienne dans un contexte régional et international en pleine mutation.

M.K. Bhadrakumar

 

Article original en anglais : Modi’s Ship Hits the Kashmir Iceberg, Strategic Culture, le

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

« Notre Père, qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié […]. Que la liberté de porter des armes soit préservée, et celle de protéger nos familles. Amen. »  

« In God We Trust ». et « In Guns We Trust »    Credo du lobby  des armes NRA

Les Etats-Unis ont été frappés par deux tueries de masse  le 3 et le 4 aout en moins de 13 heures, samedi et dans la nuit de dimanche, d’abord à El Paso (Texas) puis à Dayton (Ohio), faisant 30 morts et une soixantaine de blessés. – Le tireur d’El Paso est un homme blanc de 21 ans originaire d’Allen, près  de Dallas, , il  s’appelle Patrick Crusius.   La police a annoncé que l’auteur de la fusillade de Dayton était Connor  Betts, un homme blanc de 24 ans. Sa sœur, Megan Betts, figure parmi les  victimes. Dans une allocution, Donald Trump a condamné le « suprémacisme blanc », l’idéologie qui a motivé le terroriste d’El Paso, tout en se gardant de souhaiter un plus grand contrôle des armes. Il  a qualifié lundi de «crimes contre l’humanité», «Notre nation doit condamner d’une seule voix la racisme, le sectarisme, et le suprémacisme blanc».

Qui sont les victimes?

Voici ce que l’on sait lundi 5 août de ces 29 hommes et femmes tuées lors de ces 250e et 251e fusillades de l’année dans le pays.  sept victimes de la fusillade d’El Paso étaient des citoyens mexicains.  (…) Une femme est également morte en protégeant son enfant de deux mois, rapporte The New York Times. Lors des tirs, elle tenait son bébé dans les bras. Elle s’est effondrée par terre en se positionnant au-dessus de lui. Le bébé, Paul, a été touché par une balle et a deux doigts cassés. Dans l’Ohio, à la suite de la fusillade de Dayton, la police a identifié les neuf victimes du tireur comme étant cinq hommes et quatre femmes. Parmi elles, six étaient noires et trois blanches. La plus jeune victime est la soeur du tireur. » (1)   

Tueries de masse 

Chaque année, il y a en moyenne 340 fusillades par an aux États-Unis. La tuerie la plus meurtrière a eu lieu  Le 1er octobre 2017, Stephen Paddock, 64 ans, ouvre le feu de la fenêtre de sa chambre au 32e étage de l’hôtel Mandalay Bay sur la foule assistant à un concert de musique country à Las Vegas. Bilan : 58 morts et près de 500 blessés. : «  Il n’existe pas de définition précise d’une tuerie de masse aux États-Unis  146 fusillades de masse ont été perpétrées entre 1967 et 2017, avec une moyenne de huit morts Le Investigative Assistance for Violent Crimes Act of 2012,  définit un « meurtre de masse » lorsqu’il y a au moins trois victimes, à l’exclusion du meurtrier Un rapport exhaustif tenu par USA Today répertorie toutes les victimes des tueries de masse de 2006 à 2017, dans lesquelles au moins 4 personnes ont été assassinées : le total est de 1,358 victimes pour 271 tueries. Cela équivaut à une tuerie de masse environ tous les 16 jours, environ 22,5 par an, avec une moyenne de 5,01 victimes par tuerie  Il n’est pas avéré que les troubles psychologiques soient un facteur déterminant. » (2)  

Etat des lieux des Tueries de masse et lobbyisme

Chaque année des « tristes records sont battus ; Le journal Libération fait le point en 2018 :  Plusieurs massacres dans des écoles ont marqué l’histoire récente du pays, notamment à Columbine (12 élèves et un professeur tués en 1999), à Virginia Tech (33 morts en 2007) ou à Sandy Hook (20 enfants et 7 adultes tués en 2012). Depuis cette tuerie, 273 fusillades ont eu lieu dans des écoles, estime l’ONG Gun Violence Archive.

Dans son dernier rapport sur la mortalité aux Etats-Unis, le Centre fédéral de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a recensé 36 252 morts par arme à feu en 2015. Il s’agit souvent de suicides – plus de 22 000 – mais le rapport fait également état de 12 979 homicides. On compte aussi 489 décès accidentels et près de 500 morts lors d’interventions policières. 248 victimes des homicides par arme à feu avaient moins de 14 ans, et 4 140 avaient entre 15 et 24 ans. Selon Gun Violence Archive, qui recense les incidents liés aux armes à feu, 402 mineurs ont été blessés ou tués aux Etats-Unis depuis le début de l’année.

Mettant en exergue   la puissante NRA il écrit :

« 179 millions de dollars ont dépensés depuis  2004 par la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes, pour influencer la politique américaine. Calculé par le Center for Responsive Politics, ONG spécialisée dans le financement politique, ce chiffre regroupe les dépenses de lobbying et les contributions directes et indirectes à des candidats. Forte de cinq millions de membres et de revenus annuels supérieurs à 400 millions de dollars en 2016, la NRA arrose les élus pour s’assurer qu’aucune loi imposant un contrôle plus strict des armes ne soit votée. Parmi les plus choyés, Marco Rubio, sénateur de Floride. «On prie toujours pour qu’une terrible journée comme aujourd’hui n’arrive jamais», a-t-il tweeté après la tuerie, s’attirant les foudres de nombreux détracteurs qui lui ont reproché son hypocrisie. Car selon le New York Times, Rubio a bénéficié à ce jour de plus de 3,3 millions de dollars de la NRA. La Floride est ironiquement baptisée le «Gunshine State», en raison de la facilité de s’y procurer une arme. L’Etat du sud-est américain, où vivent 21 millions de personnes, détient le record du nombre de permis de port d’arme  plus de deux millions. Le nombre d’armes en circulation est sans doute beaucoup plus élevé, certaines ne nécessitant pas de permis, d’autres étant illégales. Selon une étude réalisée en 2015 par la revue médicale Injury Prevention, 32,5 % des résidents de Floride possédaient une arme – la moyenne nationale est de 29 %. » (3) 

Les responsabilités diluées  

251 tueries de masse en 216 jours !  Dans ces tueries sanglantes à laquelle la conscience humaine ne s’habitue pas  on invoque souvent pour évacuer le problème et ne pas ouvrir la ^boite de Pandore, la responsabilité mentale du tueur  ainsi de nombreux meurtriers de masse aux États-Unis avaient une maladie mentale au moment des faits, mais le nombre de tueries de masse augmente bien plus rapidement   que le nombre de personnes atteintes de maladies mentales. Même le traitement médiatique participe de cette chape de plomb pour « minimiser » des tueries de masse, par contre le moindre attentat attribué au terrorisme ( sous entendu islamique)  est relayé en boucle par tous les médias  pendant des jours. Cependant  pour comprendre ce phénomène de tuerie de masse, ouvrons la boite de Pandore pour savoir en fait, ce qu’il en est des responsabilités  du fond rocheux  suprémaciste américain le Ku Klux Klan, la NRA , et les présidents  des Etats-Unis. 

Les Néonazis et le  Ku Klux Klan  toujours actifs 

Le Ku Klux Klan est une  organisation extrémiste qui prône l’apartheid et une Amérique blanche  Elle avait apporté son soutien à Donald Trump dès le début de sa campagne. Le 3 décembre 2016, des membres du KKK ont défilé en Caroline du Nord pour célébrer son élection. Elle plonge ses racines dans la guerre de sécession  du Sud esclavagiste contre le Nord. Graduellement elle va muer contre les hispaniques et récemment avec le feuilleton islamiste contre les musulmans  et tout ce qui n’a pas la pureté du sang originelle. Cela rappelle la limpieza de sangre espagnole  ( la pureté du sang) lors de la Reconquista.  

Pour  Etienne Jacob  les Néonazis et  Ku Klux Klan  «groupes de haine» sont  toujours plus nombreux aux États-Unis  Il cite un directeur de journal  qui attise la haine Il rapporte un  rapport annuel du Southern Poverty Law Center publié  où le président Donald Trump est accusé de «banaliser la haine» et de favoriser la recrudescence des mouvements suprémacistes. L’éditorial, écrit  par Goodloe Sutton, patron du Democrat-Reporter, un hebdomadaire en Alabama, a donné le ton. Dans un brûlot complotiste contre la «classe dirigeante», le journaliste sommait le Ku Klux Klan à «sortir de nouveau la nuit» pour «nettoyer» Washington. Coïncidence ou non, son appel a été publié le même jour que le rapport annuel du Southern Poverty Law Center (SPLC), un centre d’études des mouvements extrémistes aux États-Unis. Ce document de 73 pages dresse un large état des lieux des groupes vecteur de haine dans le pays. On y trouve aussi bien le Ku Klux Klan que des mouvements suprémacistes noirs, néonazis, néoconfédérés, anti-migrants, skinheads ou intégristes religieux » (4)

« Ainsi, en 2018, 1 020 organisations de ce type ont été comptabilisées sur le territoire, une hausse de 7% par rapport à l’année précédente. Jamais un tel chiffre n’avait été atteint depuis 1971, date de la création du SPLC. En constante hausse de 1999 à 2011, les groupes haineux avaient connu une forte baisse de 2011 à 2014. Mais depuis quatre ans, la tendance s’est inversée et leur nombre a augmenté de 30% ces quatre dernières années. Les groupes suprémacistes blancs enregistrent la plus forte croissance, avec une augmentation de près de 50% l’an dernier, dans la lignée des violences survenues à Charlottesville en août 2017 ».

«La colère des suprémacistes blancs a atteint son maximum en 2018, année marquée par leur crainte hystérique de perdre leur majorité blanche au profit d’un changement démographique», indique Heidi Beirich, directrice des projets de renseignement du SPLC. L’entrée au Congrès de deux femmes musulmanes et d’un sénateur bisexuel a «renforcé cette peur», ajoute-t-elle. (…) Si les nationalistes sont parfois «déçus de Donald Trump», celui-ci est accusé de «banaliser la haine». «Encouragé par Fox News, le président continue d’injecter ses idées anti-migrants et anti-musulmans dans la conscience publique», dénonce le rapport. L’ex-procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, est également pointé du doigt pour sa proximité avec les mouvements anti-musulmans, de même que le secrétaire d’État Mike Pompeo. Ainsi, le nombre de groupes haineux contre l’immigration illégale et les musulmans sont en augmentation. La présidence Trump aurait en outre favorisé l’apparition de 31 nouveaux groupes nationalistes noirs en 2018 ». (4)

La NRA, ce lobby qui gouverne la Maison Blanche 

La National Rifle Association, qui défend le droit de porter des armes aux Etats-Unis, exerce, grâce à des méthodes de lobbying inédites, une influence colossale sur le pays et n’a jamais été aussi puissante que sous la présidence Obama. Elle soutient aujourd’hui activement Donald Trump. Le « business » des armes ne s’est, de fait, jamais aussi bien porté. Les Etats-Unis comptent désormais plus d’armes à feu que d’habitants. Leur nombre s’établirait à 357 millions, pour une population d’un peu moins de 320 millions. La montée du terrorisme a évidemment accentué la tendance. Mais encore plus décisives ont été les menaces de Barack Obama de limiter les ventes d’armes, via un contrôle systématique des acheteurs. « Les chiffres le prouvent : la peur de restrictions sur les ventes a un effet plus puissant que les tueries et les attaques terroristes. Barack Obama est le meilleur vendeur d’armes de la planète », résume Louis Navellier, qui dirige un fonds d’investissement du même nom à Reno (Nevada) » (5).

« Et gare à qui ose dénoncer cet état de fait ! Considéré comme le lobby le plus puissant du monde, la NRA a prouvé qu’elle était capable de faire tomber quiconque se mettait au travers de sa route. Le démocrate Al Gore s’en souvient, lui qui a perdu la présidentielle de 2000 pour avoir tenté d’imposer une loi anti-armes l’année précédente, lorsqu’il était vice-président de Bill Clinton. (…) Aucun élu n’échappe à ses fourches aujourd’hui. Chacun reçoit une note allant de A à F, selon la force avec laquelle il défend le lobby des armes. (…) » (5) 

Cette publication contemporaine des élections de 2016 montre l’allégeance de Donald Trump :

« On comprend mieux pourquoi les républicains sont si nombreux à venir prêter allégeance à la NRA (…) Donald Trump n’a pas dérogé à la règle. Il a ravi l’assemblée en jouant les cow-boys, dans un one-man-show spécialement conçu pour l’occasion(…) Il promet de rétablir l’usage des armes dans toutes les écoles, cinémas et supermarchés. « Je ne vous laisserai jamais tomber. Je suis membre de la NRA. Mes enfants sont membres de la NRA. Ils ont tellement de pistolets à la maison, ça commence à m’inquiéter. » Ce discours marque un virage à 180 degrés pour le New-Yorkais, qui a longtemps plaidé pour une interdiction des armes d’assaut. (…) Après la tuerie de Newtown, qui avait fait 27 morts dans une école élémentaire du Connecticut en 2012, il s’était même dit « en osmose » avec Barack Obama. » (5)

«  A Louisville, les casquettes « In Guns We Trust » sont ainsi partout, en clin d’oeil à la devise nationale « In God We Trust ». Leur bible, c’est le deuxième amendement de la Constitution, qui garantit le droit des Américains de porter des armes. Un amendement rédigé en 1791, qui n’est pas forcément adapté à la réalité du XXIe siècle (…) En attendant, c’est contre Hillary Clinton que la NRA fourbit ses armes.   Elle ne cesse d’évoquer ces 33.000 Américains qui meurent chaque année sous les balles – deux tiers par suicide, le reste par homicide ou accident domestique. Depuis 2001, celles-ci ont fait 1.000 fois plus de victimes américaines que le terrorisme ». (5)

L’ère de l’Administration Trump  

 Il serait injuste d’écrire que les tueries de masse ont été provoquées par le discours  du président Trump. En fait depuis près de 70 ans, date de la première tuerie de masse importante, toutes les administrations ont vu ces tueries avoir lieu. Cependant, nous sommes en pleine compagne électorale et  c’est de bonne guerre tout doit  être fait pour déstabiliser l’adversaire : Ainsi :

« Les attaques s’enchaînent contre Donald Trump. Après la huitième tuerie la plus meurtrière de l’histoire du pays (…) il  été accusé par ses adversaires démocrates d’alimenter la montée de l’intolérance avec ses fréquentes déclarations au vitriol. Le candidat à la primaire démocrate Beto O’Rourke met directement en cause Donald Trump a-t-il notamment déclaré.  Sur CNN,  dimanche 4 août : « Au cours des trois dernières années, le nombre de crimes motivés par la haine a augmenté, sous un gouvernement qui qualifie les Mexicains de violeurs et de criminels », « Nous assistons à une augmentation des crimes haineux chaque année depuis trois ans, sous une administration dont le président traite les Mexicains de violeurs et de criminels », a-t-il lancé après avoir rendu visite aux blessés dans un hôpital d’El Paso. « Trump est un raciste et il attise le racisme dans ce pays »,  « Le président en personne promeut le racisme et la suprématie blanche » a-t-il ajouté. « Ça ne vient pas seulement de lui », a-t-il toutefois indiqué, en fustigeant également la chaîne Fox News et la propagande raciste qui circule sur internet. »  (6) 

Conclusion

Au-delà de la responsabilité de la NRA ; la responsabilité des hommes politiques  est importante en fait tout est bon  pour arriver au pouvoir. Il n’est que de lire le tweet du président Trump quand il demande l’exécution des assassins, se substituant de ce fait aux juges, mais éludant le problème en amont qui est celui de la dissémination anarchique des armes au nom d’un amendement de la Constitution américain stipulant que tout citoyen américain à le droit de se défendre.

Il est un autre crime ignoré par la presse des pays occidentaux à savoir la mort des migrants du fait de l’intransigeance des hommes politiques européens qui se droitisent à qui mieux mieux pour d’éventuels suffrages en laissant les épaves agoniser ou disparaître en mer On sait qu’Amnesty Internatioal s’alarme des «discours de haine» portés par certains dirigeants ainsi 2016, année noire pour les droits de l’Homme.

L’ONG fustige une rhétorique «venimeuse» et les «discours déshumanisants» des dirigeants politiques une rhétorique «toxique» et des «discours fondés sur la peur». qui donnent du carburant à tous ceux qui capitalisent la haine de l’étranger notamment des musulmans comme l’a fait le tueur de la Nouvelle Zélande qui a tué une cinquantaine de fidèles d’une mosquée assumant qu’il s’est inspiré des idéologues européens du grand remplacement.; bréviaire des Le Pen et de l’extrême droite européenne en général. 

Il n’est que de voir cette forteresse Europe qui après avoir semé la désolation de par les pays colonisateurs qui la compose se barricade plus que jamais. L’Occident montre plus que jamais que les slogans de droits humains, ne sont valables que pour les blancs de préférence riches pour les sans grade, ils iront rejoindre les épaves sans voix  mais pas sans droits. Le fascisme revient sous une forme plus fragmentée et l’exemple le plus criard est celui de l’Etat d’Israël et de l’impunité qu’elle s’octroie. Non le monde n’est pas juste, ces morts mexicains noirs et même blancs avaient des espérances. L’égoïsme des hommes par le marché néolibéral et l’aplaventrisme des hommes politiques n’augurent rien de bon. Nous sommes bien dans  un ensauvagement structurel du monde.

Professeur Chems Eddine Chitour

 

 

Notes  

 1.http://www.lefigaro.fr/international/fusillades-a-el-paso-et-dayton-qui-sont-les-victimes-20190805

2.https://fr.wikipedia.org/wiki/Tueries_de_masse_aux_%C3%89tats-Unis

3.https://www.liberation.fr/planete/2018/02/15/fusillades-aux-etats-unis-cinq-chiffres-pour-un-fleau_1630047

4.http://www.lefigaro.fr/international/2019/02/21/01003-20190221ARTFIG00166-neonazis-ku-klux-klan-les-groupes-de-haine-toujours-plus-nombreux-aux-etats-unis.php

5.https://www.lesechos.fr/2016/06/la-nra-ce-lobby-qui-gouverne-lamerique-1111415

6.https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/fusillade-d-el-paso-le-candidat-a-la-primaire-democrate-beto-o-rourke-met-directement-en-cause-donald-trump_3565535.html#xtor=EPR-51-[etats-unis-donald-trump-demande-a-ce-que-les-auteurs-de-fusillades-soient-rapidement-executes_3565571]-20190805-[related]  

 

Article de référence : http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5279950

 

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Les nouvelles sanctions américaines à l’encontre du Venezuela, destinées à cibler le programme alimentaire CLAP, prouvent qu’il n’y a rien d’ « humanitaire » dans les préoccupations de Washington.

La semaine dernière, le Département du Trésor des Etats-Unis a imposé de nouvelles sanctions à de nombreuses personnes et entreprises liées au programme des Comités locaux d’approvisionnement et de production du gouvernement bolivarien (CLAP).

Le programme, mieux connu sous le nom de CLAP, a débuté au début de 2016 en réponse aux sanctions américaines déjà en place à l’époque. Le programme CLAP a été conçu comme un moyen pour le gouvernement révolutionnaire, avec l’aide d’organisations locales, telles que les communes, de faire des livraisons à domicile de produits alimentaires de base. Au moment de sa création, le CLAP a été créé pour garantir que, quelle que soit l’intensité de la guerre économique contre le Venezuela, l’Etat travaillerait avec tous les citoyens désireux d’assurer la livraison des colis alimentaires du CLAP.

Cependant, le CLAP a également été la cible de propagande impérialiste et d’attaques économiques depuis sa création. Au-delà des sanctions et des restrictions imposées à la quasi-totalité des denrées alimentaires entrant au Venezuela, le CLAP, en particulier, est la cible des médias étasuniens depuis des années, au motif que le gouvernement fournissant un service aux pauvres est essentiellement un « acheteur de votes ».

Bien que cette logique de » délivrance » qui équivaut à de la corruption ait un sens pour les politiciens impérialistes dont la seule croyance est l’austérité et l’écrasement de l’imagination politique et des aspirations de leurs sujets néolibéraux, ces mensonges n’ont pas vraiment marché sur les Vénézuéliens. Au lieu de cela, le programme du CLAP a en fait été élargi pour offrir des boîtes CLAP à des millions de familles. Le CLAP a également fait l’objet de réformes plus récentes plus tôt cette année, lorsque des changements ont été apportés pour améliorer le système de distribution et la comptabilité interne.

Les réformes de 2019 ont également augmenté le nombre de marchés populaires » où seront distribués des produits tels que des légumes, des tubercules, des racines, des fruits et des protéines animales « avec l’intention de s’occuper de » chacune des communes dans les secteurs les plus populeux ». Cela a été facilité par la création de marchés municipaux, ce qui a nécessité l’établissement d’une production localisée de tous les produits alimentaires de base pour le programme CLAP, une étape qui pourrait le décentraliser davantage.

Pourtant, cette possible décentralisation révolutionnaire n’aura peut-être jamais le temps de se concrétiser car, une fois de plus, de nouvelles sanctions ont été imposées au Venezuela. Cette fois-ci, les sanctions visaient 13 entreprises et 10 individus pour corruption présumée dans des marchés publics liés au CLAP.

Parmi les personnes sanctionnées figurent Walter, Yosser et Yoswal, les beaux-fils du président vénézuélien Nicolas Maduro. Le principal sujet de colère du Trésor, cependant, est le ressortissant colombien Alex Nain Saab Moran, dont le secrétaire au Trésor Steve Mnuchin a affirmé qu’il s’était « engagé avec des initiés de Maduro pour diriger un réseau de corruption à grande échelle qu’ils utilisaient sans ménagement pour exploiter la population du Venezuela qui meurt de faim. Le Trésor public cible ceux qui sont à l’origine des stratagèmes de corruption sophistiqués de Maduro, ainsi que le réseau mondial de sociétés fictives qui profitent du programme de distribution alimentaire contrôlé par l’armée de l’ancien régime. »

Mnuchin a également parlé de la ligne médiatique mentionnée précédemment selon laquelle Maduro et les « initiés du régime » utilisent « la nourriture comme une forme de contrôle social, pour récompenser les partisans politiques et punir les opposants », avec la relation entre Saab et Maduro remontant à 2009.

Le Trésor accuse Saab d’avoir surfacturé les contrats d’Etat pour l’importation et la distribution de nourriture pour le CLAP et d’avoir utilisé « une partie de ses profits de contrats alimentaires corrompus pour payer des pots-de-vin aux fonctionnaires du gouvernement pour l’importation de nourriture ».

Bien qu’il semble étrange pour les Etats-Unis de se soucier autant des boîtes CLAP et de la distribution locale de nourriture, le communiqué de presse contenait aussi des éléments qui pourraient être des préoccupations matérielles plus importantes pour Washington. Bien que les accusations du CLAP puissent paraître mauvaises, le Trésor a également mentionné que Saab est soupçonné d’aider à mettre en place l’infrastructure et les accords nécessaires pour envoyer de l’or vénézuélien en Turquie.

Malgré les sanctions américaines à l’encontre du Venezuela, ainsi que des mesures comme celle de la Banque d’Angleterre refusant de restituer des milliards en or vénézuélien, la Turquie – alliée de l’OTAN – et son président Recep Erdogan sont restés fidèles à la révolution bolivarienne et ont pris la responsabilité de traiter tout nouvel or du Venezuela. Selon le communiqué de presse, « Saab, à son tour, a travaillé avec des membres du gouvernement vénézuélien, y compris El Aissami, l’actuel ministre de l’Industrie et de la Production nationale et ancien vice-président exécutif, pour créer une structure permettant au gouvernement du Venezuela de vendre son or à la Turquie ».

Les Etats-Unis se disputent aussi actuellement avec la Turquie au sujet de la récente importation de systèmes russes de défense antimissile S-400, Washington imposant des sanctions à de multiples individus et entreprises dans ce pays également. Alors que Washington fait peut-être semblant de se soucier du CLAP, cette lutte entre Washington d’un côté et Caracas et Ankara de l’autre a probablement été fortement prise en compte dans les dernières cibles des sanctions.

Quelles que soient les motivations, il y a un inconvénient évident à cela: le CLAP est dans la ligne de mire en cette période de réformes radicales. Peu importe ce que les Etats-Unis espèrent tirer des dernières sanctions, les Vénézuéliens qui comptent sur le CLAP et sur le réseau de distribution qui le soutient en souffriront. Il s’agit là d’une poursuite de la politique en cours entre les Etats-Unis et le Venezuela, c’est-à-dire d’une nouvelle tentative d’affamer le Vénézuélien moyen pour le soumettre aux Etats-Unis.

En échange de la trahison de la révolution bolivarienne, le peuple vénézuélien verra le coup des sanctions américaines levé, mais le coup des capitaux financiers et des pirates économiques prendra sa place. La dernière attaque contre le CLAP peut avoir de multiples motivations, mais l’intention de Washington reste la même, les Bolivariens doivent être anéantis.

Jim Carey

 

 

 

Article original en anglais : Starvation as a Weapon: US Targets Venezuela CLAP Program, Geopolitics Alert, le 28 juillet 2019

Traduit de l’anglais par Bernard Tornare pour son blog

Relu par Bam

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Tous les paris sont ouverts sur les enjeux de la folie géopolitique lorsque le président des États-Unis (POTUS) annonce avec désinvolture qu’il pourrait lancer une première frappe nucléaire pour mettre fin à la guerre en Afghanistan en faisant disparaître le pays «de la surface de la terre» en une semaine. Mais préférerait ne pas le faire, donc il a la bonté de ne pas tuer dix millions de personnes.

Mis à part le fait que même une frappe nucléaire ne vaincrait pas l’esprit de combat légendaire des Pachtounes afghans, la même « logique » vicieuse – ordonnant une première frappe nucléaire comme on commande un cheeseburger – pourrait s’appliquer à l’Iran au lieu de l’Afghanistan.

Trump a encore une fois fait volte-face en déclarant que la perspective d’une guerre potentielle dans le golfe Persique «pourrait aller dans un sens ou l’autre, et dans tous les cas ce sera bon pour moi», au grand plaisir des psychopathes de Washington qui colportent l’idée que l’Iran prie pour être bombardé.

Il n’est donc pas surprenant que l’ensemble des pays du Sud, sans parler du partenariat stratégique russo-chinois, ne puisse tout simplement pas faire confiance à ce que Trump raconte, ni à ses tweets, une guérilla médiatique incessante, à des fins tactiques d’intimidation.

Au moins l’impuissance de Trump face à un adversaire aussi déterminé que l’Iran est maintenant claire : « Il est de plus en plus difficile pour moi de vouloir conclure un accord avec l’Iran. » Ce qui reste sont des clichés vides, tels que l’Iran « se comporte très mal », il est « le premier état terroriste du monde  » – le mantra de l’ordre de marche émanant de Tel-Aviv.

Même la guerre économique totale – illégale -, avec le blocus total contre Téhéran ne semble pas suffisante. Trump a annoncé des sanctions supplémentaires contre la Chine parce que Beijing « accepte le pétrole brut » d’Iran. Les entreprises chinoises vont simplement les ignorer.

D’accord avec « OK dans les deux cas » ?

«OK, dans les deux cas» est exactement le type de réponse attendue par les dirigeants à Téhéran. Le professeur Mohammad Marandi, de l’Université de Téhéran, m’a confirmé que Téhéran n’offrait pas à Trump une «renégociation» du JCPOA, l’accord sur le nucléaire iranien, en échange de la fin des sanctions : « Ce n’est pas une renégociation. L’Iran a proposé de faire avancer la ratification de protocoles additionnels si le Congrès levait toutes les sanctions. Ce serait une grande victoire pour l’Iran. Mais les États-Unis ne l’accepteront jamais. »

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Dehghan: Les bases américaines seraient ciblées. (Wikimedia Commons)

Marandi a également confirmé « qu’il ne se passe pas grand chose d’intéressant » entre le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, et le négociateur provisoire de l’administration de Trump, le sénateur Rand Paul : « Bolton et Pompeo restent aux commandes ».

Le fait crucial est que Téhéran refuse une nouvelle négociation avec la Maison Blanche «en toutes circonstances», comme l’a exprimé Hossein Dehghan, conseiller militaire du guide suprême, l’ayatollah Khamenei.

Dehghan a encore une fois clairement indiqué que dans le cas d’une quelconque aventure militaire, chaque base de l’Empire américain en Asie du Sud-Ouest serait visée.

Cela correspond parfaitement aux nouvelles règles d’engagement de l’Iran, dûment consolidées et détaillées par le correspondant Elijah Magnier. Nous sommes bien dans le domaine du «œil pour œil».

Et cela nous amène à l’extension alarmante des sanctions démentielles, représentée par deux navires iraniens chargés de maïs échoués au large des côtes du sud du Brésil, parce que le géant brésilien de l’énergie Petrobras, craignant les sanctions américaines, refuse de les ravitailler en carburant.

Le président brésilien Jair Bolsonaro, fervent groupie de Trump, a transformé le pays en une néo-colonie tropicale américaine en moins de sept mois. À propos des sanctions américaines, Bolsonaro a déclaré : «Nous sommes alignés sur leurs politiques. Nous faisons donc ce que nous devons.» Pour sa part, Téhéran a menacé de réduire ses importations de maïs, de soja et de viande en provenance du Brésil – 2 milliards de dollars d’échanges commerciaux par an – à moins que le ravitaillement en carburant ne soit autorisé.

C’est un développement extrêmement grave. La nourriture n’est pas censée être – illégalement – sanctionnée par l’administration Trump. L’Iran doit à présent recourir principalement au troc pour se procurer de la nourriture – Téhéran ne pouvant pas envoyer de fonds via la chambre de compensation bancaire CHIPS-SWIFT. Si les approvisionnements en nourriture sont également bloqués, cela signifie que le détroit d’Ormuz risque d’être bloqué aussi.

Des sources à Washington ont confirmé que le plus haut niveau du gouvernement américain avait donné l’ordre à Brasilia d’interrompre cette expédition de produits alimentaires.

Téhéran le sait bien – cela fait partie de la campagne de «pression maximale», qui a pour objectif ultime d’affamer jusqu’à la mort la population iranienne dans un échange atroce de défis.

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Ormuz : Goulet d’étranglement – Flickr

La façon dont cela peut se terminer est décrite dans une citation sinistre, déjà utilisée dans certaines de mes chroniques précédentes, par un spécialiste des dérivés de Goldman Sachs : « Si le détroit d’Ormuz est fermé, le prix du pétrole augmentera jusqu’à mille dollars le baril, le pétrole représentant plus de 45% du PIB mondial, cela détruira le marché des dérivés de 2,5 quadrillions de dollars et créera une dépression mondiale d’une ampleur sans précédent. »

Au moins le Pentagone semble-t-il comprendre qu’une guerre contre l’Iran va provoquer l’effondrement de l’économie mondiale.

Et maintenant pour quelque chose de complètement différent

Mais enfin, last but not least, il y a la guerre des pétroliers.

L’analyste néerlandais Maarten van Mourik a relevé d’importantes divergences concernant l’épisode de piraterie britannique à Gibraltar, à l’origine de la guerre des pétroliers. Le pétrolier Grace 1 « a été piraté par les Royal Marines dans les eaux internationales. Le détroit de Gibraltar est un passage international, à l’instar du détroit d’Ormuz. Il n’y a que 3 milles marins d’eau territoriale autour de Gibraltar, et même cela est contesté. »

Mourik ajoute : « La taille du navire Grace 1 est de 300 000 tonnes de pétrole brut, son tirant d’eau maximum est d’environ 22,2 mètres et le dernier tirant d’eau via AIS indiquait qu’il était actuellement à 22,1 mètres, c’est à dire complètement chargé. Aujourd’hui, le port de Banyas en Syrie, où se trouve le terminal pétrolier offshore, a un tirant d’eau maximum de 15 mètres. Donc, le Grace 1 ne pourrait en aucun cas aller là-bas, sans avoir à décharger d’abord ailleurs. Probablement une très grande quantité, vu les limites de tirant d’eau maximum.”

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Zarif (à droite) négociant un accord sur le nucléaire avec le secrétaire d’État des États-Unis de l’époque, John Kerry, en juillet 2015 (Wikimedia Common).

Cela est lié au fait que le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, a refusé publiquement de dire où se dirigeait réellement Grace 1, sans confirmer que la destination était la Syrie.

La réponse iranienne du tac au tac a été la saisie du Stena Impero sous pavillon britannique. La situation évolue maintenant vers une demande de la Grande-Bretagne, appelant à une « mission de protection maritime dirigée par l’Europe » dans le golfe Persique, censée protéger les navires contre l’Iran « État pirate ».

Les observateurs peuvent être excusés de prendre l’ensemble de la situation pour un sketch des Monty Python. Nous avons ici le Ministre des saisies idiotes, dont le pays quitte l’UE, et prie celle-ci de se lancer dans une «mission» qui se veut différente de celle de la campagne de «pression maximale»des États-Unis. De plus, la mission ne doit pas saper l’engagement de la Grande-Bretagne de maintenir l’accord JCPOA en place.

Alors que les nations européennes ne reculent jamais devant une occasion d’afficher leur «puissance» en déclin dans les pays du Sud, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France semblent désormais résolues à «observer la sécurité maritime dans le Golfe», selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Au moins, ce ne sera pas un déploiement de forces navales conjointes – a insisté Londres. Les diplomates bruxellois ont confirmé que la demande initiale musclée avait été émise à Londres, mais elle avait ensuite été diluée : l’UE, l’OTAN et les États-Unis ne devraient pas être impliqués – du moins pas directement.

Comparez cela avec l’appel téléphonique passé la semaine dernière entre le président iranien Hassan Rouhani et le président français Emmanuel Macron, Téhéran exprimant sa détermination à « garder toutes les portes ouvertes » pour le JCPOA. Eh bien, cela ne donne certainement pas lieu à un sketch des Monty Python.

Cela a été dûment confirmé par le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, qui a déclaré que l’Iran «n’autorisera pas la perturbation des transports maritimes dans cette zone sensible», tandis que le vice-président iranien Eshaq Jahangiri a rejeté la notion d’un «groupe de travail européen commun» protégeant le transport international : «Ce type de coalitions et la présence d’étrangers dans la région créent à eux seuls l’insécurité.»

Historiquement, l’Iran a toujours été parfaitement capable de protéger ce Saint-Graal pentagonal – la «liberté de navigation» – dans le golfe Persique et le détroit d’Ormuz. Téhéran n’a certainement pas besoin des anciennes puissances coloniales pour la faire respecter. C’est tellement facile de sortir de l’épure ; l’escalade alarmante actuelle n’a lieu qu’en raison de l’obsession de «l’artiste du deal» d’imposer une guerre économique illégale et totale à l’Iran.

Pepe Escobar

 

Article original en anglais :

An Attack on Iran Would be an Attack on Russia, le 6 août 2019

Cet article a été publié initialement en anglais par Asia Times.

Traduit par jj pour le Saker Francophone

Pepe Escobar, journaliste brésilien chevronné, est le correspondant général du Asia Times, basé à Hong Kong. Son dernier livre est «2030». Suivez-le sur Facebook.

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Porto Rico en flammes

août 7th, 2019 by Atilio A. Boron

L’insurrection populaire de Porto Rico a renversé un gouvernement corrompu, réactionnaire et servile, qui a toléré le mépris et les insultes de Donald Trump lors du passage de l’Ouragan Maria en septembre 2017 et « l’aide humanitaire » que le magnat new-yorkais s’était personnellement engagé à distribuer. Étant donné que la Constitution portoricaine de 1952 ne prévoit pas la convocation d’élections dans des cas tels que l’actuel, le Président démissionnaire doit nommer, avant le 2 août, son successeur. De nouvelles pressions populaires pourraient faire exploser les normes coloniales et forcer l’installation d’un gouvernement de transition, mais il semble très improbable qu’une telle chose puisse se produire. D’autres alternatives, comme la convocation d’une Assemblée Constitutionnelle, semblent plus proches de la réalité, comme nous le verrons plus loin. Le facteur agglutinant des imposantes manifestations de rue a été la corruption éhontée du gouverneur Ricardo Rosselló, l’endettement phénoménal dans lequel le gouvernement de l’île est tombé, et la fuite de ses discussions révélant son homophobie, sa misogynie et son mépris des principales figures de l’opposition et même des victimes du cyclone.

Ce qui précède a exacerbé les problèmes sociaux chroniques de ce merveilleux pays, qui a réussi à faire échouer le projet américain de rompre avec ses traditions culturelles, ses formes de sociabilité, sa langue, son art, sa cuisine, sa musique et ses danses pour en faire une réplique antillaise d’Atlantic City. Une identité nationale forte était nécessaire pour résister aux pressions impériales pendant plus d’un siècle. Les Philippines, autre trophée de la guerre hispano-américaine, bien que beaucoup plus peuplées et étendues que l’île de l’enchantement, n’ont pas résisté à l’assaut culturel, politique et économique des États-Unis. Porto Rico a réussi, et c’est pour cela qu’elle est aussi « Latino-Caraïbéenne » que toute autre nation de la région.

Cela dit, on peut se demander pourquoi les grandes mobilisations de ces dernières semaines n’ont pas inscrit la question du statut colonial de Porto Rico à leur ordre du jour. Il y a plusieurs raisons à cela. La question a été soumise au plébiscite populaire à cinq reprises : pour trois d’entre elles en 1967, 1993 et 1998, la majorité a eu tendance à maintenir la condition « d’État Libre Associé » (Commonwealth) , une expression trompeuse s’il en existe une pour un pays qui est une colonie des États-Unis et qui n’est pas une des trois choses que proclame la formule du Commonwealth, conçue par les Américains et leurs alliés sur l’île, principalement Luis Muñoz Marín, qui fut le premier gouverneur élu de Porto Rico. Lors d’un nouveau référendum organisé en 2012, les partisans de « l’État » ont triomphé, signifiant l’annexion aux États-Unis, mais les irrégularités du processus électoral et la froide indifférence de l’administration Obama à ce résultat ont condamné cette affaire à l’oubli. En 2017, le cinquième référendum, « l’État » a obtenu une victoire écrasante : 97 % des voix, mais avec un taux de participation très faible qui n’a même pas atteint les 23 % et qui a sérieusement compromis la légitimité du verdict des urnes. Comme en 2012, les irrégularités dans la préparation du recensement et maintenant le mépris militant de Trump ont consacré la futilité de cette consultation populaire.

Comment interpréter ces résultats surprenants ? Premièrement, il faut rappeler que le statut colonial accorde aux Portoricains le statut de citoyens américains et, par conséquent, la possibilité d’entrer sur le territoire américain et d’en sortir sans visa ni obstacle. Dans une partie du monde où la migration vers la métropole impériale mobilise chaque année des millions de personnes, voire met leur vie en danger, précisément en raison des politiques néolibérales que Washington impose aux pays d’Amérique, la citoyenneté « incomplète » de la population portoricaine devient un puissant attrait pour maintenir le statu quo et archiver pour des temps meilleurs les aspirations d’indépendance là où elles existent. Simón Bolívar a prévenu à un stade précoce du rôle néfaste joué par les États-Unis dans la région et l’a laissé scellé dans une phrase contenue dans la lettre qu’il a envoyée de Guayaquil au Colonel Patricio Campbell le 5 août 1829, dans laquelle il disait que :

L’histoire a donné raison au Libérateur et la politique de Washington à l’égard de cette région depuis le début du XXe siècle a été de maintenir, à travers des dictatures sanglantes, un ordre néocolonial marqué par l’exploitation ancestrale de nos peuples et les injustices et oppressions séculaires héritées de l’ère coloniale. La « modernisation » introduite par le capitalisme dépendant favorisé par l’impérialisme américain n’a fait qu’aggraver et, par conséquent, alimenter une migration aussi tumultueuse et sans fin vers les États-Unis comme seule alternative réelle pour la survie dans les régions pauvres au sud du Rio Bravo.

La soumission à la Rome américaine est devenue effective grâce à son soutien permanent aux dictatures sanglantes qui ont dévasté la région et à la succession sans fin d’invasions, de coups d’État, d’assassinats, d’opérations déstabilisatrices, de sabotages et de blocus économiques ordonnés par la Maison Blanche ou, plus récemment, par les « coups doux » plus raffinés mais tout aussi mortels – cas du Honduras, du Paraguay, du Brésil et d’autres, avec des particularités sui generis en Équateur – ou dans l’imposition de politiques inspirées du Consensus de Washington, dans les dernières décennies du siècle dernier, et réactivées récemment lorsque la vague progressiste qui a marqué la politique latino-américaine depuis l’accession de Hugo Chávez à la présidence du Venezuela, début 1999, a connu un revers important que l’incorporation tardive du Mexique de López Obrador au « cycle du progrès » ne peut compenser. Dans une telle situation, il est compréhensible que les millions de victimes du « développement capitaliste » à la périphérie cherchent un avenir dans la métropole impériale.

Nous avons dit citoyenneté « incomplète » ou « de faible intensité » parce que, contrairement aux autres citoyens américains, les Portoricains n’ont pas les attributs de la souveraineté populaire : ils ne peuvent pas élire les membres du Sénat ou de la Chambre des Représentants des États-Unis et ils ne sont pas qualifiés pour participer aux élections présidentielles aux États-Unis. Ce sont des citoyens de seconde classe, mais ils conservent le privilège douteux de servir – comme ils l’ont fait à plusieurs reprises – dans les forces armées américaines. On estime qu’un peu moins de 10 pour cent de ceux qui se sont distingués au Vietnam étaient Portoricains, alors que dans la population totale, les Portoricains ne représentaient que 1,5 pour cent. De toute évidence, c’est là que Washington est allé chercher sa chair à canon.

La combinaison des facilités migratoires et de la propagande permanente et écrasante de l’empire a profondément pénétré la conscience des masses populaires. Ajoutez à cela le fait qu’en tant que citoyens politiquement impuissants, ils ont toujours accès à un vaste répertoire de politiques d’aide sociale financées par le gouvernement fédéral et administrées de manière clientéliste par le Nouveau Parti progressiste et le Parti Démocratique populaire qui ont gouverné dans le passé. Il s’agit notamment de la gratuité de l’éducation, des bons d’alimentation, du logement subventionné ou simplement de la gratuité à perpétuité et sous certaines conditions, d’un vaste programme d’assurance chômage et de soins médicaux tels que « Medicare » et « Medicaid », qui brillent par leur absence dans une grande partie des Caraïbes à l’exception de Cuba. Ce fait est crucial pour comprendre les préoccupations qu’une éventuelle indépendance de Porto Rico – et avec elle la perte des « avantages » accordés par la citoyenneté américaine – provoque dans de larges secteurs des couches populaires.

En d’autres termes, le rejet du « statut d’État » a été acheté avec ces politiques que les gouverneurs et hauts fonctionnaires américains qualifieraient de « populistes » si elles étaient appliquées dans un autre pays d’Amérique Latine. Des politiques qui, gérées de façon clientéliste, ont entraîné une destruction importante du tissu social. Un exemple : la recherche sociologique montre que dans certains foyers, il y a trois générations de personnes qui n’ont jamais travaillé de leur vie et qui ont vécu pendant des décennies le « bien-être » du maître américain. Enfin, il ne faut pas oublier que l’empire, par son contrôle monopolistique des médias, a systématiquement et efficacement alimenté l’idée raciste que les Portoricains sont incapables de s’autogouverner et qu’en agissant ainsi, Porto Rico se retrouverait dans une débâcle équivalente à celle de Haïti.

Outre toutes les considérations qui précèdent, Washington n’a jamais fait part de son intention d’accorder le statut « d’État » à l’île. Cela ferait des États-Unis un État plurinational, à la bolivienne, ce qui est tout à fait inacceptable tant pour sa classe dirigeante que pour de larges majorités de l’opinion publique, surtout au milieu de la vague de xénophobie qui enveloppe le pays et que Donald Trump attise démagogiquement. En outre, dans l’état actuel des choses, la Maison-Blanche réalise sans peine ce qu’elle souhaite le plus : avoir un point stratégique de soutien à la géopolitique de la Grande Caraïbe avec les douze bases militaires installées sur la petite île. En outre, leurs entreprises en profitent parce qu’elles paient des taux d’imposition moins élevés et peuvent transférer leurs bénéfices à leurs patrimoines sans aucun obstacle ; et bien que l’aide fédérale au pays des Caraïbes soit importante, la vérité est que Porto Rico perd et que les États-Unis l’emportent.

Le paradoxe, à résoudre à l’avenir, est la construction d’une force d’indépendance capable d’exprimer dans l’arène politico-électorale le nationalisme fervent – et, parfois, l’anti-américanisme pas du tout voilé – qui caractérise la nation portoricaine. Au cours des dernières semaines, un nouveau parti s’est imposé comme protagoniste, perçu avec espoir par nombre de ceux qui se sont mobilisés et sont descendus dans les rues de Porto Rico. C’est Victoria Ciudadana, point de convergence de divers secteurs et même de certains partis minoritaires anciens et respectés qui luttent pour l’indépendance. J’ai été informé que dans cette nouvelle formation politique, il y a beaucoup de gens qui croient en l’indépendance ou en une souveraineté nationale limitée, une sorte de république souveraine tout en maintenant leur « association » avec les États-Unis. La complexité de la composition de Victoria Ciudadana ne permet pas de hisser les drapeaux de l’indépendance, de sorte que la promotion de la convocation d’une Assemblée Constitutionnelle pour discuter du statut de l’île a été engagée. Une demande, qui, bien sûr, a trouvé une réponse publique favorable et pourrait avoir des résultats imprévisibles, mais qui en tout cas serait le principal – sinon le seul – point de coïncidence et d’unification de ceux qui constituent cette force politique.

Un élément qui ajoute à la complexité de la situation politique déjà alambiquée est le fait qu’au moins jusqu’à présent, les grandes mobilisations n’ont pas augmenté de manière significative l’accession à l’indépendance. En outre, il y a beaucoup de protagonistes de ces luttes qui soulignent qu’il pourrait même y avoir un effet exactement contraire puisque certains croient qu’avec le triomphe de l’État, la citoyenneté portoricaine jouirait des mêmes droits et avantages que ceux qui sont garantis aux autres États de l’Union Américaine. Il y a même des voix qui disent que face aux mauvais traitements subis par l’équivalent insulaire des républicains (le Nouveau Parti progressiste de Rossello) et l’administration Trump, une victoire éventuelle des démocrates aux prochaines élections présidentielles américaines ouvrirait la voie à la fin d’une « citoyenneté inachevée. Le fait que la jeune congressiste portoricaine Alexandria Ocasio-Cortéz, étoile montante dans le firmament politique de son pays, ait déclaré samedi dernier, 27 juillet, que « le triomphe des grandes mobilisations populaires n’est que le début du processus de décolonisation, un processus d’autodétermination dans lequel le peuple portoricain commence à prendre en main son propre gouvernement autonome » ajoute à la complexité de la situation parce qu’elle s’était déjà prononcée en faveur de « l’indépendance de l’État », faisant valoir que les Portoricains auraient ainsi les mêmes droits que tout citoyen de New York ou de tout autre État de l’Union.

Bref, il ne serait pas faux de conclure que Porto Rico est une nation sans État (bien sûr, ce n’est pas la seule : il y a le cas du Pays Basque et de la Catalogne, sans aller plus loin) et, je voudrais ajouter, un pays avec une identité nationale solide à la recherche d’un instrument politique qui l’organise et la représente. Mais c’est quelque chose qui, pour l’instant, n’est pas à l’horizon aujourd’hui. Bien que personne ne devrait être surpris si la dialectique de la crise – le grand maître des peuples – a soudainement produit un regain d’intérêt dans la conscience des Portoricains, et ce qui semblait jusqu’à hier impensable aujourd’hui est devenu quelque chose d’envisageable. Il est clair que le clientélisme de l’aide sociale et la panique de perdre ces avantages conspirent fortement contre l’impulsion de l’indépendance. Mais si une telle chose devait se produire, si cette Assemblée Constituante avançait dans cette direction sur les épaules d’une grande mobilisation populaire, elle produirait un véritable tremblement de terre sur l’échiquier géopolitique régional et les réactions de la Maison-Blanche seraient ouvertement belliqueuses.

Atilio A. Boron

 

 

Article original en espagnol : Puerto Rico en llamas, Rebelión, le 31 juillet 2019

Traduit par Réseau International

Pendant la guerre de l’été 2006, Israël a réussi à détruire une grande partie du stock de roquettes et de missiles du Hezbollah. La plupart des unités de missiles du Hezbollah ont été détruites et, dans la banlieue de la capitale Beyrouth, plus de 250 bâtiments (abritant principalement, mais pas exclusivement, des bureaux, des entrepôts et des foyers d’officiers du Hezbollah) ont été détruits par les bombes de précision israéliennes qui ont ciblé le Hezbollah (et de nombreux civils) dans les faubourgs de Beyrouth. Des centaines de maisons ont été complètement détruites dans le sud du Liban. Cependant, Israël n’a pas réussi à atteindre ses objectifs car son infanterie, qui a dû faire face à une résistance acharnée, n’a pas réussi à pénétrer à l’intérieur des terres. De plus, les missiles laser antichars guidés Kornet et les missiles anti-navires “Nour” du Hezbollah ont surpris l’ennemi, révélant de graves lacunes du renseignement israélien et confirmant la grande puissance de combat du Hezbollah.

Treize ans plus tard, l’échec de la politique américaine et israélienne dans la région ne permet plus à Israël d’envisager une confrontation directe avec le Hezbollah au Liban. Les Etats-Unis et Israël n’ont pas réussi à atteindre leurs trois principaux objectifs : le changement de régime en Syrie, la partition de l’Irak, la défaite des Houthis au Yémen, “l’accord du siècle” Palestinien. De plus, le refus d’Israël et des États-Unis d’accorder un État aux Palestiniens sur des bases justes a renforcé la détermination palestinienne de lutter contre Israël.

Israël a augmenté sa puissance de feu et ses capacités militaires, mais, pendant ce temps, le Hezbollah, qui n’était qu’une organisation tactique locale, est devenu un acteur stratégique au Moyen-Orient. Les grandes capacités de combat du groupe ont été encore renforcées par du nouveau matériel militaire. Au point qu’une guerre au Moyen-Orient dans le futur proche (ou à moyen terme) est devenue peu probable.

La tentative des États-Unis et de leurs partenaires de chasser le président syrien Bachar al-Assad et de transformer le pays en un État failli gouverné par les djihadistes Takfiris (EI et les groupes d’Al-Qaïda qui ont écrasé toutes les autres organisations rebelles et non-djihadistes) a forcé les forces du Hezbollah libanais, l’Iran et l’Irak à s’engager militairement au Levant. Le même scénario s’est répété en Irak lorsque les États-Unis restaient les bras croisés pendant que l’EI se renforçait en s’appuyant sur l’information fiable – et dont l’exactitude a été confirmée par la suite, que l’EI passerait d’Irak en Syrie après avoir occupé une grande partie de l’Irak. Le Hezbollah, des groupes irakiens et des forces iraniennes se sont battus en Syrie et en Irak pour empêcher les djihadistes de s’étendre et de s’emparer du Liban, de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran.

En Irak – contrairement à la désinformation qui règne en Occident – l’EI n’occupait pas Mossoul, la deuxième plus grande ville de Mésopotamie. C’était une coalition d’organisations et quelques centaines de combattants de l’EI, qui ont volé la victoire à d’autres groupes sunnites (principalement les Naqshabandi). Ils étaient soutenus par des pays voisins et par le dirigeant kurde irakien Masoud Barzani, qui aspirait à la partition de l’Irak en Kurdistan, Sunnistan et Shi-istan.

Les dirigeants turcs voulaient récupérer Mossoul qui faisait partie de l’ancien Empire ottoman ; l’occupation de Mossoul et du nord de l’Irak par un groupe comme l’EI arrangeait La Turquie. Il n’aurait pas été difficile d’éradiquer, plus tard, l’EI qui ne bénéficiait d’aucune reconnaissance internationale. Le dirigeant kurde Barzani voulait le contrôle de Kirkouk, riche en pétrole, et un État pour les Kurdes irakiens – un État qu’il a ensuite “déclaré” (mais qu’il n’a pas réussi à obtenir), malgré la défaite de l’EI. Barzani a d’ailleurs applaudi la “révolution sunnite” de l’EI, pendant son occupation de Mossoul – mais il n’a pas réalisé que le groupe terroriste voulait également contrôler le Kurdistan et Kirkouk.

Les Etats-Unis voulaient diviser le nord de l’Irak entre un Etat sunnite et un Etat kurde. Ils n’auraient jamais permis à l’EI de s’étendre au-delà de Bagdad, afin de garder le pétrole sous contrôle américain. Le sud de l’Irak aurait survécu sous la forme d’un petit canton chiite impuissant, malgré ses richesses pétrolières et gazières, et l’Irak aurait été éliminé de la liste des “alliés iraniens”, et cessé d’être une menace potentielle pour l’Arabie saoudite et Israël.

La liste des avantages pour les Etats-Unis et leurs alliés, si la Syrie s’était désintégrée et transformée en un refuge djihadiste, était très longue. Un État failli aurait empêché la Russie d’approvisionner l’Europe en pétrole via la Syrie et la Turquie. Cela aurait empêché la Russie d’accéder aux eaux chaudes de la Méditerranée et éliminé sa base navale de Tartous. Cela aurait brisé l’”Axe de la Résistance” constitué par l’Iran, la Syrie et le Liban. Cela aurait stoppé le flux d’armes de l’Iran vers le Hezbollah au Liban, empêchant ainsi le groupe de se réarmer et de moderniser son matériel militaire. Cela aurait isolé les chiites du sud de l’Irak de la Syrie.

La coalition américaine aurait alors pu regarder, les bras croisés, les groupes takfiris djihadistes passer de Syrie au Liban et occuper le Hezbollah dans une lutte sectaire qui aurait pu durer des années, affaiblissant ainsi les ennemis d’Israël. Cela aurait poussé les chrétiens du Liban et de Syrie à émigrer vers les pays occidentaux et à abandonner le Moyen-Orient à des décennies

de luttes sectaires. Les djihadistes n’auraient pas refusé de donner le Golan à Israël. Le démantèlement de l’armée syrienne aurait laissé les Palestiniens sans le soutien du Hezbollah, de la Syrie, de l’Iran ou du Liban. En l’absence d’armées syrienne ou irakienne, avec le Hezbollah occupé sur le plan intérieur et sa ligne d’approvisionnement en armes coupée, avec les djihadistes représentant tout à la fois une cible facile et un prétexte pour la guerre, et avec l’Arabie saoudite à ses côtés, Israël aurait pu étendre et élargir son territoire au détriment des Palestiniens et des pays voisins : aucun pays ni aucune force n’aurait pu s’y opposer.

Mais ces plans ont échoué : Le Hezbollah est allé en Irak et en Syrie pour combattre l’EI et Al-Qaïda. Il a réussi à sécuriser le Liban en écrasant Al-Qaïda et l’EI à Arsal et le long de la frontière libano-syrienne. Il a sécurisé le passage terrestre et aérien de la Syrie au Liban pour recevoir des armes et renouveler son arsenal. Il a acquis une énorme expérience du combat urbain, de la guérilla et de la guerre classique et s’est entraîné en temps réel à toutes sortes de scénarios pour opérer seul, avec l’armée syrienne, et avec les Russes et les Syriens, en se battant brillamment au sol avec le soutien aérien et d’artillerie. Le Hezbollah, qui combattait Israël dans une zone de moins de 1 500 km2 dans le sud du Liban, se bat maintenant en Syrie sur un territoire de plus de 80 000 km2.

Mais ce n’est pas tout : Pendant la guerre imposée à la Syrie, le Hezbollah a inventé une fusée qui transporte un tonne d’explosifs dans sa tête (Burkan-Vulcano) et qui est maintenant opérationnelle. Il a multiplié les formations pour le maniement de ses drones, il sait utiliser ses missiles de précision, il a gonflé ses rangs de milliers de forces spéciales hautement entraînées et il a combattu un ennemi (Al-Qaïda) bien plus prêt à se battre à mort que n’importe quelle unité des forces spéciales israéliennes. En outre, le Hezbollah a installé ses missiles de précision à longue portée le long de la frontière libano-syrienne, qui est bien protégée, pour limiter les répercussions de toute guerre future sur les villes et villages libanais.

L’échec du changement de régime a consolidé la position du Hezbollah et de l’Iran en Syrie et leur coopération avec l’État syrien est désormais entière, bien plus grande qu’elle l’a jamais été dans le passé. Le  gouvernement syrien a été soutenu économiquement par l’Iran et militairement protégé par l’intervention des Iraniens, des Libanais, des Irakiens et des Russes.

Aujourd’hui, les forces américaines occupent la partie du territoire où se trouvent la plupart des ressources pétrolières syriennes dans le nord-est du pays, et la Syrie est sous le coup de lourdes sanctions économiques. Seul l’Iran se démène pour soutenir l’économie syrienne et l’empêcher de s’effondrer en lui fournissant du pétrole, en construisant des installations pharmaceutiques et d’autres industries pour soutenir l’économie locale et répondre à certains besoins fondamentaux. La volonté étasuno-israélienne de paralyser le gouvernement de Damas renforce la relation entre l’Iran, le Hezbollah et la Syrie, d’autant plus que les Etats-Unis ont empêché les Etats arabes et les Etats du Golfe de retourner à Damas pour y rouvrir leurs ambassades, ce qui fait que l’Iran et la Russie sont les seuls États présents au Levant.

L’Iran renforce également la capacité de missiles de la Syrie. Les tensions actuelles entre l’Iran et les États-Unis ont prouvé que les missiles peuvent faire face à une force aérienne et navale supérieure et sont capables d’imposer des règles d’engagement avec un très faible investissement par rapport au prix des jets et des frégates. La guerre au Yémen et la crise Iran-États-Unis ont montré que les drones armés et les missiles peuvent atteindre des cibles éloignées avec précision.

Le Hezbollah a appris cela au Liban et le long des frontières syro-libanaises. En 2006, le commandement du Hezbollah a commis l’erreur de construire des entrepôts stratégiques en Syrie. La supériorité aérienne israélienne a rendu l’approvisionnement en armes aléatoire, car Israël pouvait frapper du ciel tout ce qui bougeait. La guerre syrienne a permis au Hezbollah d’installer sur les  frontières de nombreuses bases de missiles de précision à longue portée ; ces bases sont maintenant prêtes à élargir le théâtre des opérations en cas de guerre.  L’acteur non étatique n’a donc plus besoin de transporter ses missiles de Syrie au Liban.

Ces dernières années, Israël a bombardé des centaines d’objectifs en Syrie, y compris des cargaisons complètes d’armes qui transitaient vers le Liban, mais jamais sans avertir au préalable le chauffeur. Israël voulait éviter des pertes humaines parmi les officiers du Hezbollah,  car il était bien conscient que les représailles seraient lourdes. Malgré les multiples attaques, les entrepôts du Hezbollah sont pleins, selon une estimation israélienne. Cela signifie que le groupe a la capacité de tirer des milliers de roquettes et de missiles chaque jour pendant une longue guerre. Israël reconnaît qu’il n’a pas réussi à limiter les approvisionnements et les capacités du groupe en matière d’armement.

Beaucoup de leçons ont été tirées des guerres en Irak, en Syrie et au Yémen. De nouvelles leçons sont tirées de l’actuelle confrontation américano-iranienne dans le Golfe. Il est aujourd’hui beaucoup plus efficace au plan politique et militaire de pointer des missiles bon marché sur les plates-formes pétrolières, les ports, les navires en transit, les aéroports, les installations électriques, les stations d’eau potable et les bases militaires que de frapper des cibles civiles. Les drones armés et les missiles de précision peuvent être meurtriers pour l’État militaire le plus avancé et le mieux équipé. Les fusées peuvent être utilisées pour saturer les systèmes de missiles défensifs d’interception israéliens. Des dizaines de fusées peuvent être lancées simultanément contre une cible, suivies de quelques missiles de précision. Le système d’interception sera saturé, incapable d’abattre toutes les fusées et tous les missiles entrants, permettant ainsi à au moins 30-40% des missiles de passer et d’atteindre la cible désirée, assez pour créer de véritables dommages et changer le rapport de force. De telles techniques de saturation peuvent être extrêmement efficaces, tous les camps le reconnaissent.

La nouvelle guerre est essentiellement économique ; c’est une guerre de sanctions et de limitation de la libre circulation des navires autour du globe. C’est une guerre de pétroliers et de plates-formes pétrolières. C’est une guerre pour affamer l’ennemi, une guerre dans laquelle personne ne peut plus menacer l’autre d’un retour à “l’âge de pierre” parce que la puissance de feu est maintenant universellement répartie. Le Yémen en est le meilleur exemple : la menace de bombarder Dubaï a forcé les Émirats à demander la médiation de l’Iran pour empêcher une attaque de missiles contre eux. Les Houthis, malgré des années de bombardements saoudiens sur le Yémen, ont réussi à bombarder des aéroports, des bases militaires et des installations pétrolières saoudiennes au cœur de l’Arabie saoudite à l’aide de missiles de croisière et de drones armés.

Gaza, ainsi que Beyrouth, Damas et Bagdad, sont tous hautement équipés par Téhéran de suffisamment de missiles pour infliger des dommages réels à Israël et aux forces américaines déployées au Moyen-Orient. Israël s’amuse à frapper des objectifs ça et là mais il n’a pas de vraie stratégie – Netanyahou veut seulement s’occuper, entraîner son armée de l’air, et se faire de la publicité dans les médias. Bientôt la Syrie sera debout et l’Irak aura retrouvé ses forces, et les Israéliens devront cesser leurs petites promenades. Le Hezbollah au Liban pourrait également bientôt trouver le moyen d’occuper son armée irrégulière mais bien organisée en tirant des missiles anti-aériens contre les jets israéliens, pour imposer de nouvelles règles d’engagement. Il est cependant trop tôt maintenant pour défier Israël dans les airs car l’”Axe de la Résistance” a d’autres priorités, et la crise irano-américaine n’en est qu’à ses débuts. Cependant, à mesure que la crise se développe, la menace que représente la nouvelle génération meurtrière de missiles et de drones de précision révélera son effet stabilisateur et rendra peu probable une guerre ouverte.

Elijah J. Magnier

 

 

Traduction : Dominique Muselet

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UE complice: les nouveaux euromissiles arrivent…

août 7th, 2019 by Mondialisation.ca

Sélection d’articles :

Mafia versus Empire

Par Oscar Fortin, 01 août 2019

Nous avons tous une idée de ce que sont et font les Mafias dans les diverses régions du monde. On les qualifie d’organisations criminelles donnant suite au crime organisé. Selon leur envergure et leur puissance, ces Mafias s’imposeront dans leurs milieux et feront respecter leurs lois.  Leur capacité de corruption leur permettra d’acheter des juges, des politiciens et même des autorités religieuses. Leurs ennemis devront faire face à la loi du plus fort et du plus violent. Les assassinats, les mises à feu de barres et d’édifices qui leur font obstacle, feront partie de leur arsenal pour mettre au pas les récalcitrants.

 

Israël possède «L’armée la plus morale du monde»?

Par Philip Giraldi, 01 août 2019

Il y a huit jours, dans le village de Wadi al-Hummus, à Jérusalem-Est occupée illégalement par Israël, onze bâtiments palestiniens contenant soixante-dix appartements de familles, ont été démolis par une opération militaire menée par plus de mille soldats, policiers et employés municipaux, avec des bulldozers, des tractopelles et des explosifs. Les habitants qui ont résisté ont été roués de coups par les soldats, jetés en bas des escaliers, et ont même été tirés à bout portant avec des balles de caoutchouc. Les soldats ont été filmés en train de rire et de fêter leur sale job…

 

En plein cœur de l’été 2019 en Syrie. L’embargo et les sanctions occidentales empêchent la reconstruction du pays et le redressement économique.

Par Fr Georges Sabe, 02 août 2019

En juillet, il fait d’habitude très chaud à Alep. C’est le mois où beaucoup de jeunes participaient à des camps en dehors de la ville. Il y avait tous les jours des départs de groupes de campeurs vers les lieux d’estivage. Certains allaient à la montagne comme à Kessab, d’autres à Marmarita ou à Machta el Helou dans la vallée des chrétiens. Ceux qui connaissent ces régions de la Syrie savent qu’on y trouve souvent des enfants et des jeunes qui parcourent les routes des villages, les unsen promenade et d’autres en camp volant. Cet été, et depuis deux ans, ces routes, désertées pendant au moins 5 ans à cause de la guerre, ont vu les jeunes revenir…

 

Le Traité FNI enterré, les nouveaux euromissiles arrivent.

Par Manlio Dinucci, 03 août 2019

Le secrétaire d’état Mike Pompeo a annoncé le 2 août 2019, après six mois de suspension, le retrait définitif des États-Unis du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (INF ou FNI), accusant la Russie de l’avoir “délibérément violé, mettant en danger les intérêts suprêmes USA”. À cette nouvelle n’a été donné en Italie que très peu d’écho politique et médiatique (l’Ansa –agence de presse nationale italienne– ne lui a consacré que quelques lignes). Et pourtant nous sommes devant une décision qui a de dramatiques implications pour l’Italie…

 

Plaidoyer pour une sortie de crise: ce que je crois

Par Chems Eddine Chitour, 06 août 2019

Dans un communiqué de presse  mon nom est cité  pour apporter ma contribution  à une sortie de crise.  De ce fait, au-delà de mon double  étonnement de n’avoir pas été averti   et par la suite, de n’avoir pas réagi à une première contribution sur le site TSA où je formulais les conditions d’une réussite, je prends  ma plume une fois de plus  pour expliquer  d’abord le sens des propositions que je fais depuis le début de la Révolution tranquille du 22 février 2019. Devant la dangerosité de la situation notamment  depuis le tournant de ce vendredi dernier…

 

L’insurrection des Gilets-jaunes et la nouvelle société qui vient

Par Jean-Yves Jézéquel, 06 août 2019

Introduction du nouveau livre de Jean-Yves Jézéquel : En octobre 2018, une femme de Seine-et-Marne, Priscillia Ludosky, en prenant l’initiative d’une pétition contre la hausse du prix des carburants, signait l’acte de naissance du mouvement de révolte des « Gilets-jaunes » relayé par Éric Drouet appelant, quant à lui, à une mobilisation générale le 17 novembre suivant. Cette mobilisation allait, comme une traînée de poudre, flamber sur toute la France jusqu’aux Départements d’Outre-Mer et Territoires d’Outre-Mer, avant de provoquer des répliques identiques successives sur d’autres pays et continents…

 

De 2006 à 2019: après ses échecs en Syrie, en Irak, en Palestine et au Yémen, la guerre n’est plus une option pour israël.

Par Elijah J. Magnier, 07 août 2019

Pendant la guerre de l’été 2006, Israël a réussi à détruire une grande partie du stock de roquettes et de missiles du Hezbollah. La plupart des unités de missiles du Hezbollah ont été détruites et, dans la banlieue de la capitale Beyrouth, plus de 250 bâtiments (abritant principalement, mais pas exclusivement, des bureaux, des entrepôts et des foyers d’officiers du Hezbollah) ont été détruits par les bombes de précision israéliennes qui ont ciblé le Hezbollah (et de nombreux civils) dans les faubourgs de Beyrouth. Des centaines de maisons ont été complètement détruites dans le sud du Liban. Cependant…

 

Les États-Unis et l’Iran bloqués au niveau zéro des négociations

Par Pepe Escobar, 07 août 2019

Tous les paris sont ouverts sur les enjeux de la folie géopolitique lorsque le président des États-Unis (POTUS) annonce avec désinvolture qu’il pourrait lancer une première frappe nucléaire pour mettre fin à la guerre en Afghanistan en faisant disparaître le pays «de la surface de la terre» en une semaine. Mais préférerait ne pas le faire, donc il a la bonté de ne pas tuer dix millions de personnes.

 

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Les manifestations se sont déroulées ce samedi en France contre les violences policières et en hommage à Steve Maia Caniço, noyé dans la Loire après des violences policières lors de la Fête de la musique à Nantes. La colère éclate contre la défense assumée par le gouvernement de la violence mortelle et gratuite de la police.

Plusieurs manifestations étaient organisées en France, notamment à Orléans, Amiens, Marseille, Nice, Bourges, Poitiers ou à Paris, suite aux premières manifestations sur Lille et Dijon fin juillet. Sur Lyon, des «gilets jaunes» ont jeté sur la façade des œufs et des tomates sur la permanence du député LREM du Rhône Thomas Rudigoz, en marge du rassemblement en hommage à Steve Maia Caniço. Des affichettes proclamant «Justice pour Steve» et «la Terre ceta mère» ont aussi été apposées sur l’immeuble de la permanence.

A Nantes, la préfecture de Loire Atlantique avait interdit les rassemblements dans des périmètres au centre-ville, foulant aux pieds les droits démocratiques, citant le prétext vague que des individus «de type black bloc» pourraient manifester. Le préfet affirmait avoir obtenu du gouvernement les moyens de réprimer les manifestants à Nantes.

Approuvant la décision d’interdire les manifestations sur Nantes, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a indiqué: «Je comprends parfaitement la volonté d’un hommage, mais je ne connais pas d’hommage qui se fasse dans la violence».

1.700 personnes selon la police et 3.000 d’après la radio France Bleu Loire ont défilé samedi sur Nantes contre les violences policières et en hommage à Steve. Des dispositifs importants de sécurité ont été mis en place pour tenter d’intimider ceux qui souhaitait participer aux rassemblements. Une trentaine de personnes ont été interpellées à Nantes et 34 autres au début de la manifestation. Plusieurs blessés sont à déplorer parmi les manifestants.

Sur les pancartes et les murs de la ville, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner était la cible des manifestants: «Selon l’IGPN, le meurtre était conforme», «la police assassine», «Forces de l’ordre, pour notre sécurité veuillez quitter le périmètre.» A l’arrivée du cortège devant la préfecture, les forces de l’ordre ont eu recours aux lances à eau et aux tirs de grenades lacrymogènes. De violents accrochages se sont poursuivis au courant de l’après-midi entre manifestants et forces de l’ordre.

Steve Maia Caniço s’est noyé dans la nuit du 22 juin aux alentours de 4h du matin après que la police ait lancé un raid violent sur un évènement musical sur les quais de Nantes qui avait duré une demie heure de plus que prévu.

La police fit usage de gaz lacrymogènes, de chiens d’attaque, de balles en caoutchouc et de grenades assourdissantes contre des jeunes pacifiques venus s’amuser. Les policiers ont aussi utilisé des tasers et brutalement frappé les jeunes. Quatorze personnes sont tombées de 7 mètres dans la Loire alors qu’elles tentaient d’échapper au carnage de la police. Ne sachant pas nager, Steve s’est noyé dans la Loire, où sa dépouille fut trouvée un peu plus d’un mois après les faits.

Me Rostan, qui représente les victimes des violences policières affirme: «Durant ce moment, les grenades lacrymogènes ont commencé à pleuvoir, empêchant toute opération de secours dans un contexte calme. La seule option qui s’imposait au commandant de l’opération était de tout stopper au plus vite, de faire venir tous les moyens de secours possibles pour porter assistance aux gens tombés dans l’eau. Mais, les grenades lacrymogènes ont été tirées jusqu’à 4h50.»

89 jeunes attaqués par la police le jour de la fête de la musique ont porté plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et non-assistance à personne en danger.

La mort de Steve a démasqué la mise en place d’un État policier qui lance un assaut extraordinaire contre l’opposition politique au gouvernement Macron. Durant les huit derniers mois, des dizaines de milliers de policiers avec blindés, lances à eau, grenades, LBD et fusils d’assaut ont blessé plus de 2.000 personnes, dont des dizaines qui ont perdu des mains ou des yeux. Il y a eu plus de 7.000 détentions dont 1.900 le seul 8 décembre. C’est la plus grande vague d’arrestations en France métropolitaine depuis le régime de Vichy, que Macron a salué en traitant Pétain de «grand soldat».

Le 16 juin, le ministre Castaner a décoré des fonctionnaires de police soupçonnés de violences contre les «gilets jaunes» et Steve pour «action remarquée durant cette période».

Parmi eux, le commissaire Rabah Souchi qui commandait les opérations de maintien de l’ordre le 23 mars sur Nice au cours desquelles Geneviève Legay a été projetée au sol et grièvement blessée à la tête; le capitaine Bruno Felix qui commandait les CRS chargés des tirs de grenades lacrymogène qui ont touché et entraîné la mort de Zineb Redouane, une octogénaire qui ne participait pas à la manifestation du 1er décembre; et enfin Grégoire Chassaing, commissaire de Nantes qui donna l’ordre d’utiliser des lacrymogènes lors de la Fête de la musique où se trouvait Steve Maia Caniço.

Avec le soutien de l’Union européenne, Macron fait tout son possible pour indiquer que sous son lui, la police peut réprimer voire tuer des personnes innocentes. Le gouvernement et l’IGPN, la police des polices, couvrent les violences policières. Le premier ministre Édouard Philippe a cité le rapport de l’IGPN, selon lequel «aucun élément ne permet d’établir un lien direct entre l’intervention des forces de l’ordre et la disparition de Steve Maia Caniço», niant une «charge de la police» ou un «bond offensif».

Les preuves disponibles indiquent que l’IGPN et le gouvernement mentent. Des vidéos et des témoins contredisent le rapport de l’IGPN, qui reste silencieuse face aux pièces à charge contre la police. Les policiers ont consciemment mené cette opération de type militaire contre des jeunes, en pleine connaissance des risques auxquelles ils exposaient les jeunes. Les jeunes et les travailleurs ne peuvent rien attendre de l’IGPN ni d’un gouvernement qui cultive à tout prix les forces de l’ordre afin de réprimer l’opposition à son agenda austéritaire et militariste.

Le Monde a obtenu le témoignage de quatre secouristes présents ce soir-là, qui donnent une version bien différente de celle de l’IGPN. D’après les secouristes, la fête a été «très calme»: «Je ne sais pas quelle est la définition du mouvement de foule pour l’IGPN, mais j’aimerais comprendre. Si c’est un grand nombre de personnes qui fuient rapidement un nuage de gaz lacrymogène, alors oui, il y en a eu un.»

L’un des secouristes affirme: «Je suis le dernier à cracher sur les policiers, ils font un job qui n’est pas facile. Mais selon moi, l’opération n’était pas appropriée. L’intervention me paraît totalement disproportionnée. Un tel déploiement de grenades juste pour de la musique, dans un secteur sans habitation, me paraît incroyable. D’autant que les autres années, la musique continuait après 5 heures du matin.»

La mort de Steve et les violences policières contre les «gilets jaunes» sont la réponse qu’accordent Macron et la bourgeoisie internationale à la montée de l’opposition aux inégalités sociales et à la guerre, à savoir l’instauration d’un régime autoritaire assumant de tuer des jeunes et des travailleurs. La lutte contre les violences policières nécessite une lutte politique de la classe ouvrière en France et à l’international contre l’austérité, l’État policier et la guerre.

Anthony Torres

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Quelques heures après le retrait officiel vendredi par les États-Unis du plus important traité nucléaire au monde, le Pentagone a clairement annoncé son intention de cerner la Chine de missiles sur fond d’une course effrénée aux armements nucléaires.

S’adressant à des journalistes lors d’un voyage en Australie, le secrétaire américain à la défense, Mark Esper, a déclaré que le Pentagone déploierait des missiles interdits par le traité «le plus tôt possible».

«Je préférerais d’ici quelques mois», a déclaré Esper.

Le déploiement de missiles à moyenne portée dans le Pacifique transformerait la côte chinoise et les îles du Pacifique environnantes en un front de bataille nucléaire mettant en danger la vie de milliards de personnes en Chine, en Corée, au Japon, à Taïwan et plus largement dans toute la région.

Le traité FNI, qui a été signé en 1987 par le président Ronald Reagan et son homologue soviétique Mikhaïl Gorbatchev, interdisait aux États-Unis et à la Russie de développer des missiles d’une portée de 500 à 5 000 km, ce qui signifiait que la majeure partie de l’ Europe et du Pacifique étaient interdits au stationnement de missiles nucléaires.

La signature du traité sur les Forces nucléaires de portée intermédiaire par Ronald Reagan et Mikhail Gorbachev de l’URSS à la Maison Blanche le 8 décembre 1987 [source: Maison Blanche]

Cependant, alors que les tendances technologiques modifiaient les équilibres militaires et que les États-Unis intensifiaient leur conflit avec la Chine, Washington en vint de plus en plus à considérer que ce traité de l’ère de la guerre froide était en contradiction avec son objectif d’encercler militairement Beijing, qui n’en était pas signataire.

Avec le déploiement potentiel des États-Unis des missiles nucléaires à quelques minutes en temps de vol de la partie continentale de Chine, les tensions seront placées sur le fil du rasoir, exposant l’immense population de la région au spectre de l’anéantissement nucléaire.

En réponse au retrait des États-Unis du traité FNI, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a averti que «le monde perdra un frein précieux sur la guerre nucléaire».

Un missile nucléaire Titan II [source: ministère américain de la défense]

Daryl Kimball, directeur exécutif de l’Association du contrôle des armements, a déclaré que Trump «poursuivait une stratégie qui créerait les conditions pour une course aux armements dangereuse». Le Financial Times amis en garde, dans le même sens, contre «la réactivation de la course aux armements nucléaires» par Trump.

En défendant sa décision de placer des missiles dans une région densément peuplée à des milliers de kilomètres de l’Amérique, Esper a accusé la Chine de «transformer en armes les biens communs mondiaux à l’aide d’une économie prédatrice».

En d’autres termes, la Chine, en menant des activités économiques pacifiques, menace les États-Unis, ce qui devrait être contré par la menace de l’annihilation militaire.

«Nous sommes fermement convaincus qu’aucune nation ne peut ni ne devrait dominer l’Indo-Pacifique», a déclaré Esper, un homme qui représente un pays qui a mené une politique de faire «brûler, bouillir et chauffer à mort» (selon les mots du général de l’armée de l’air, Curtis Lemay) des centaines de milliers de civils japonais dans sa guerre pour conquérir le Pacifique.

Dans des commentaires ultérieurs, le secrétaire d’État Mike Pompeo, qui accompagne Esper lors de son voyage en Australie, a déclaré que les États-Unis étaient «endormis au moment du changement» en ce qui concerne le «danger» posé par la Chine.

Puis il a souligné à nouveau la déclaration d’Esper que la croissance économique pacifique de la Chine constituait une menace militaire pour les États-Unis.

«J’entendrai les gens parler des problèmes commerciaux et économiques séparément de la sécurité nationale», a déclaré Pompeo. «Qu’on ne s’y trompe pas, la capacité de la Chine, la capacité de l’Armée populaire de libération de faire exactement ce qu’elle fait est une conséquence directe des relations commerciales qu’ils ont construit.»

«Ils ont développé leur pays par le biais d’un ensemble de règles commerciales iniques. Ils ont donc pu développer leur économie à un rythme élevé», a déclaré Pompeo.

«Ces mêmes outils économiques sur lesquels le président Trump s’est tellement concentré sont ceux qui ont également permis à la Chine de faire tout ce qu’elle fait avec son armée», a-t-il ajouté.

En d’autres termes, il n’y a pas de frontière entre la coexistence pacifique et le conflit militaire. La croissance économique et le commerce sont eux-mêmes perçus comme des menaces militaires par Washington, et doivent être contrecarrés par les moyens allant de l’affrontement commercial aux menaces militaires jusqu’à la guerre totale.

Les propos de Pompeo sont conformes à la doctrine de la rivalité des grandes puissances contre la Russie et la Chine adoptée par le Pentagone l’année dernière, qui déclarait que «la concurrence des grandes puissances – et non le terrorisme – est désormais le principal objectif de la sécurité nationale des États-Unis.»

La conduite de tels conflits nécessitera une approche «pan-gouvernementale», a déclaré le Pentagone, ce que l’on appelle plus familièrement la guerre totale.

Unité de lancement de missiles Gryphon BGM-109G en Allemagne, le 18 novembre 1983. Le Gryphon était l’un des nombreux modèles éliminés par le Traité sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire [source Air Force Tech. sergent Rob Marshall]

Outre la fin du traité sur les FNI vendredi, les États-Unis ont lancé trois défis à l’égard la Chine.

  • Mercredi, la Banque centrale américaine (Fed) a abaissé le taux d’intérêt des fonds fédéraux dans une décision largement considéré comme visant à dévaluer le dollar et à améliorer les exportations américaines. Le mois dernier, Trump a déclaré que «les autres devises sont dévaluées par rapport au dollar, ce qui désavantage fortement les États-Unis», exigeant que la Fed prenne des mesures.
  • Jeudi, Donald Trump a annoncé une proposition visant à appliquer un droit de douane de 10 pour cent sur tous les produits chinois non encore soumis à des droits d’importation, y compris un large éventail de biens de consommation tels que les téléphones et autres produits électroniques.
  • Le même jour, les sénateurs démocrates se sont joints aux républicains pour adopter le budget militaire le plus important de l’histoire des États-Unis, renforçant ainsi considérablement la capacité des États-Unis à mener une guerre contre «une grande puissance».

Si aucune de ces actions n’est sérieusement discutée ou débattue dans les médias, c’est parce qu’il existe une entente entre les démocrates et Trump sur la nécessité de se préparer à la guerre avec la Chine. Comme le disait l’ancien président de la campagne Trump, Steve Bannon, «Celui qui remportera les élections, qu’il soit démocrate ou non, sera un aussi grand sinon plus grand faucon que Donald Trump […] Les démocrates sont aussi sévères [sur cette question] que les républicains.»

À certains égards, les démocrates sont encore plus radicales dans leur langage. Pour ne citer qu’un exemple, en juin, le candidat démocrate à la présidence, Pete Buttigieg, avait déclaré qu’un conflit avec la Chine constituait le fondement de «l’unité nationale».

«Le nouveau défi de la Chine nous offre une occasion de nous unir au-delà du clivage politique», a-t-il déclaré. «Au moins la moitié de la bataille est à l’intérieur du pays.»

Andre Damon

 

Article paru en anglais, WSWS, le 5 août 2019

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En octobre 2018, une femme de Seine-et-Marne, Priscillia Ludosky, en prenant l’initiative d’une pétition contre la hausse du prix des carburants, signait l’acte de naissance du mouvement de révolte des « Gilets-jaunes » relayé par Éric Drouet appelant, quant à lui, à une mobilisation générale le 17 novembre suivant. Cette mobilisation allait, comme une traînée de poudre, flamber sur toute la France jusqu’aux Départements d’Outre-Mer et Territoires d’Outre-Mer, avant de provoquer des répliques identiques successives sur d’autres pays et continents. Cette annonce de la hausse importante du prix des carburants par le Gouvernement n’était en soi que la « goutte qui allait faire déborder le vase ».

Cette révolte était déjà très attendue, par un certain nombre d’entre nous, depuis au moins le 4 février 2008.

Bien entendu, seules les « élites » du Pouvoir en place ont été « surprises et décontenancées » par cette flambée soudaine de contestation venue de nulle part et s’avérant incontrôlable, les réseaux sociaux ayant été l’unique instrument de la coordination d’une révolte dont le caractère informel était d’emblée déroutant pour l’Exécutif habitué et entraîné depuis 40 ans à identifier les têtes et à les neutraliser aisément par les arrangements financiers et politiciens bien connus par chacun d’entre nous. Nous avons tous encore à l’esprit l’histoire exemplaire d’ArcelorMittal, à Florange en octobre 2011 et des suivantes tout aussi exemplaires…

Si cette explosion de la colère présente a pu se faire si vite, c’est parce qu’elle couvait sous les cendres des mouvements sociaux répétitifs précédents qui s’étaient vus anéantis par la surdité politique des castes du Pouvoir en place, ayant imposé à toutes les Nations Européennes le silence absolu, par la dictature constitutionnelle de l’Union Européenne (les peuples n’ont pas écrit la Constitution et n’ont pas voté unanimement son adoption).

Cette grande colère était là tapis dans l’ombre depuis le jour où Sarkozy avait décidé au Congrès de Versailles le 4 février 2008, la modification de la Constitution française pour imposer aux Français la Constitution Européenne déguisée en « Traité de Lisbonne », alors qu’ils avaient massivement voté « non » à ce projet européen, dévoyé de son objectif d’origine, au referendum du 29 Mai 2005.

Depuis les accords de la Jamaïque en 1976 se sont succédées, de manière ininterrompue, les décisions politiques arbitraires des « élites », se traduisant dans le concret pour les plus modestes d’entre nous, par les violences sociales extrêmes infligées sans ménagement aux populations dépouillées de leur souveraineté. 

Une cascade de lois liberticides votées sous le bon prétexte de « la lutte contre le terrorisme », allaient compléter ce tableau des injustices sociales incluant les injustices fiscales répétitives et allant toujours en s’aggravant avec le temps. Dans la logique du « Traité de Lisbonne » qui est la Constitution Européenne, l’État français allait en réalité transférer la souveraineté nationale à Bruxelles. Un Pouvoir supra national dominait désormais toute la vie politique des pays européens sans jamais demander leur avis aux peuples européens. Pour obéir aux directives de Bruxelles, et se voulant une « locomotive » de l’Union Européenne, l’État français, quant à lui, allait adopter la seule manière de dresser les Français à « l’amour de leur soumission », en rendant permanent, c’est-à-dire « constitutionnel », « l’état d’urgence » ainsi décrété ad vitam aeternam pour les citoyens de la Patrie des Droits de l’Homme et donnant raison à un autoritarisme ignorant l’idée même de démocratie, cet État policier macronien qui pratique actuellement tous les abus spécifiques des dictatures, avec la suppression quasi intégrale des libertés publiques essentielles. Depuis « l’affaire des Gilets-jaunes », nous constatons, en effet, que nos libertés fondamentales ont été vigoureusement anéanties par une pratique de l’arbitraire particulièrement déconcertante pour un pays comme la France des droits de l’homme!

Pour comprendre les motivations et le fond des revendications essentielles prenant forme actuellement en France à travers la révolte soudaine et prolongée des Gilets-jaunes, il faut revisiter toute l’histoire politique française et européenne sur quelques années en arrière et dégager de cette histoire des faits marquants passés qui expliquent la révolte présente: les raisons fondamentales de la colère. La révolte nationale des gilets-jaunes commencée en octobre 2018 avait déjà été annoncée par la révolte des Bonnets-rouges localisée en Bretagne à partir d’octobre 2013. 

La contestation actuelle s’explique par des causes bien identifiées. Nous allons parcourir un certain nombre de ces causes pour comprendre la légitimité de la mobilisation actuelle et les revendications qui lui sont associées.

Pour atteindre cet objectif, nous allons reprendre la chronologie des faits liés aux Gilets-jaunes, dates après dates, et voir où cette révolte nous conduit finalement…

Aujourd’hui le mouvement insurrectionnel se poursuit et il n’est pas prêt de s’arrêter, compte tenu de la surdité politique totale des « élites » au pouvoir. On peut même dire que la violence extrême d’une guerre civile latente couve sous les cendres de la répression policière et judiciaire démesurée et illégitime…

Dès que l’incident de trop aura éclaté, et tout semble indiquer que cet « incident » est volontairement préparé, la colère ne sera plus maitrisable et la France, à l’image de Notre Dame de Paris, se mettra à flamber dans toute sa largeur et dans toute sa longueur avant même qu’on puisse parvenir à éteindre l’incendie allumé depuis si longtemps et couvant sous des cendres brûlantes.

Toutes les mutations majeures de l’histoire se sont faites à travers les crises et les guerres, les destructions et les reconstructions.

Nous sommes arrivés à un point de rupture dans lequel l’entropie et la néguentropie sociétales ont mis en route la réorganisation suivante pour une nouvelle civilisation se dessinant déjà, bien au-delà de la simple volonté des hommes. Les Gilets-jaunes sont le « symptôme » de cet instant « T » advenu, le « doigt tendu » indiquant la nouvelle voie qui est là.

Ce qui se passe donc du côté des « élites » au pouvoir, c’est qu’elles ont les yeux rivés sur le doigt tendu et ne voient pas ce que ce doigt s’évertue à indiquer pourtant clairement. Le Pouvoir aurait dû ouvrir les yeux sur ce qu’il ne voulait surtout pas voir et c’est pourquoi il a voulu crever les yeux de ceux qui l’obligeaient à regarder dans la bonne direction! 

Les Gilets-jaunes ne sont pas une fin en soi, ils sont le signe, la manifestation d’un accouchement qui se fait en ce moment, celui de la nouvelle société qui vient. Nous allons voir ce que sera cette nouvelle société qui est déjà là mais qui va entraîner l’ancienne dans un raidissement défensif désespéré, car le monde du capitalisme parasitaire financier dominant n’est celui que d’une minorité, alors que les Gilets-jaunes représentent les 80% de tous ceux qui galèrent en permanence pour avoir le droit de vivre ou simplement qui tentent de vivre décemment en s’éloignant d’une survie chronique organisée pour le grand nombre par les privilégiés du système qui ne veulent en rien partager les fruits du travail de tous.

Tout est désormais en place pour la guerre civile en France (et sans doute en Europe), puisque les « profiteurs d’en haut » minoritaires, veulent camper sur leurs positions ultra libérales pendant que l’écrasante majorité qui souffre depuis 40 ans en silence, a désormais cessé de se soumettre au joug des dominants et des prédominants. Ce signe fort et déterminé a été envoyé aux oligarchies totalitaires de l’Union Européenne, à travers les actes courageux et répétés des Gilets-jaunes. Compte tenu de la surdité exceptionnelle des Pouvoirs, il va de soi que l’issue sera fatalement la guerre, les massacres en perspective, la répression par les milices du fascisme ultra libéral déjà bien engagées et approuvées par les Castaner et Cie, félicitées par Macron. Face au comportement de mépris affiché par ce Pouvoir en place, il faut donc s’attendre à la réplique naturelle des maltraités, si le pas suivant était malheureusement franchi comme Thiers l’avait fait contre les insurgés de la Commune de Paris, entre le 21 et le 28 mai 1871…

Les observateurs sentent bien que c’est l’étape suivante qui se profile, compte tenu du comportement « collabo » du pouvoir judiciaire et celui criminel des milices de Macron, condamnées par les instances internationales. Même Jacques Attali qui a fabriqué Macron, a pris la parole dans l’Express du 11 mai 2019 pour avertir son poulain que la dérive totalitaire engagée allait prochainement avoir des conséquences désastreuses « violentes » pour les Français et le reste de l’Union Européenne.

Le sujet des « Gilets-jaunes » ne s’arrête donc pas à ce mouvement insurrectionnel franco français: il annonce la mutation en cours et la fin du modèle unipolaire occidental et capitaliste.

Jean-Yves Jézéquel

Introduction du nouveau livre de Jean-Yves Jézéquel qui paraîtra dans quelques jours en France.

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Plaidoyer pour une sortie de crise: ce que je crois

août 6th, 2019 by Chems Eddine Chitour

« Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas » Lao-Tseu

Dans un communiqué de presse  mon nom est cité  pour apporter ma contribution  à une sortie de crise.  De ce fait, au-delà de mon double  étonnement de n’avoir pas été averti   et par la suite, de n’avoir pas réagi à une première contribution  sur le site TSA où je formulais les conditions d’une réussite, je prends ma plume une fois de plus  pour expliquer  d’abord le sens des propositions que je fais depuis le début de la Révolution tranquille du 22 février 2019. Devant la dangerosité de la situation notamment  depuis le tournant de ce vendredi dernier où pour la première fois, on a fait  scandé à la foule  un slogan dangereux et qui peut à  Dieu ne plaise ouvrir la boite de Pandore  de  l’émiettement voulu il faut bien le dire par des officines externes.

Le dialogue semble en panne. Certes, depuis le mois de juin, nous avons des initiatives louables de contribution au dialogue. En gros, toutes les sphères dialoguistes – dont on a peine à cerner les contours – sont d’accord sur la nécessité de l’apaisement par la libération des détenus – ce serait de mon point de vue, un premier pas vers une atmosphère propice au dialogue.

Le monde ne nous attend pas  

S’il est important de dégager un consensus pour rebâtir une nation après 57 ans d’errance multidimensionnelle, le monde nous regarde, ne nous attend pas et nous ne sommes pas sortis de l’ornière. On a beau louer nos qualités de civisme de par le monde, mais les mêmes pays qui ont admiré le jaillissement de la belle révolution tranquille du 22 février, seront aussi les mêmes qui attendent leur heure pour nous imposer une nouvelle vision du futur où nous interrogations, nos atermoiements ne pèseront pas lourd devant la réalité amère ; Savons-nous, pour faire court, que nous risquons de tomber sous les fourches caudines du FMI dans les deux prochaines années pour n’avoir pas joué la prudence et l’intelligence quand nous avions un matelas de devises conséquent ?

Je rappelle que toutes mes interventions à travers la presse et les médias lourds ont surtout porté sur la nécessité de nous mettre rapidement au travail, car l’Algérie est dans une situation délicate et la situation ne sera que plus délicate, à la fois sur le plan social, sur le plan même de cette lutte tranquille pour un meilleur avenir pour les jeunes, car la lassitude de « ne rien voir venir » de concret peut se transformer en colère. De plus, un élément important de la problématique est que nous ne sommes pas seuls à décider de nous-mêmes. Tous les regards extérieurs sont braqués sur nous. Chaque partie faisant malheureusement ce qu’il faut pour maintenir indirectement son hégémonie. Plus nous tardons, plus nous serons vulnérables !

Comme tout un chacun, j’étais de ceux qui disaient par colère « Ga3eItnahaoue », mais une analyse objective de la situation m’amène à dire que si la superstructure de l’Etat fonctionne encore c’est grâce aux fonctionnaires qui ont fonctionné, il serait donc hasardeux dans un premier temps de tout raser. Je pense que celles et ceux qui maximalisent les revendications devraient mesurer les conséquences du jusqu’au-boutisme.

Ce que pourrait faire le panel  

Peut-on continuer ainsi ? Les partis politiques ont-ils été à la hauteur du défi actuel ? Force est de constater que la plupart d’entre eux donnent l’impression de ne pas savoir la réalité du tsunami qui nous attend alors que nous nous noyons dans un verre d’eau ! Les choses étant ce qu’elles sont et me dit-on – il ne faut pas sortir de la Constitution – pour « ne pas aller vers l’inconnu inconstitutionnel, mais nous y sommes déjà ! Même si le président qui représente l’Etat parle d’une indépendance totale de la commission (panel) pour arriver aux élections, nous n’avons aucune certitude que les élections se dérouleront dans de bonnes conditions.

Il me paraît important pour la réussite de la démarche de ne pas faire dans la surenchère et sans vouloir donner l’impression de donner des leçons de patriotisme, je m’adresse en définitive au bon sens, au cœur de chacun, pour mettre de côté toutes les rancoeurs et les stratégies individuelles car s’il est vrai que certaines personnalités du panel ont à un moment ou un autre occupé des fonctions politiques, nous devons avoir en vue que le mandat de ce panel cessera avec l’élection présidentielle. Il s’agit de sauver le pays.

Je verrai alors cette commission de sages, « le panel », réfléchir à formuler les principes d’une Constitution ouverte sur la modernité, qui ne renie rien des fondamentaux du pays mais qui donne à chaque Algérien d’abord, la liberté de penser, d’agir et de créer. Ces résolutions qui seront cautionnées par le peuple du 22 février feront partie des conditions que devra respecter le futur président qui aura à cœur de les graver dans le marbre d’une nouvelle Constitution votée par le peuple.

Il va sans dire que des rapports d’étape seront soumis au peuple en essayant pédagogiquement d’expliquer la démarche. Il nous faut bien comprendre qu’une négociation implique de part et d’autre des compromis – non pas au niveau des fondamentaux qui font partie des premières conditions – de la confiance et de la sérénité. Il pourra s’avérer nécessaire que certaines exigences légitimes soient différées dans le temps. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de continuer à avoir un gouvernement en apesanteur, le pays est en danger. Les préalables sur les libertés et l’élargissement des détenus devraient être acceptés au nom de l’amour du pays, l’ouverture du champ médiatique, les libertés de circulation sont autant de signes qui seront bien perçus par le peuple.

Nécessité d’une nouvelle équipe  

Malgré le refus actuel de l’institution militaire, il me paraît important si on veut aller dans le sens de l’apaisement que le gouvernement actuel, reliquat de l’ancien système, soit remplacé dans les meilleurs délais par un gouvernement de technocrates qui aura à cœur d’assainir le fichier électoral, prendre les dispositions les plus contraignantes et rapides pour des élections propres et transparentes. De plus, ce gouvernement aura la charge de la remise en marche de l’Etat en évitant les actions de temps longs qui demandent de la maturité, de la sérénité, et serait du strict ressort du nouveau président qui sera élu démocratiquement. Enfin, un pouvoir légitime, accepté par le peuple, donnera en externe un signe de légitimité de l’action de l’Etat.  

Le gouvernement actuel devrait donc rapidement laisser place à un gouvernement de technocrates restreint qui devrait avoir une double mission, celle de préparer les élections dans un délai aussi court que possible, mais dans le même temps remettre le pays  en marche.  

Ce qui pourrait sauver le pays, ce n’est pas uniquement l’engagement formel, ce sont les compétences qui sont dans l’ombre qui n’ont pas les faveurs des décideurs et même de la presse qui préfèrent de loin les hauts parleurs idéologiques que les intellectuels et scientifiques qui ont des choses à dire pour faire avancer le pays. Pour le moment, les partis politiques qui ont amené ce pays à ce degré de déliquescence ne représentent qu’eux-mêmes en l’absence de surface électorale réelle, il ne reste pas d’interlocuteurs représentatifs de cette révolution tranquille Qu’entend-on par représentant du peuple ? Quelle est la feuille de route en terme de proposition en dehors du « Ga3tinahaoue » ?

Ce que nous attendons des jeunes  

On peut comprendre que de hautes personnalités s’en tiennent à une vision binaire de la situation actuelle, mais le monde a profondément changé, nous sommes au XXIe siècle et il nous faut faire émerger à côté des légitimités révolutionnaires icones, d’autres légitimités, celle d’une jeunesse bien formée, plus sûre défense immunitaire quand la rente ne sera plus qu’un souvenir.  Pour affronter le XXIe siècle et tenant compte  des avancées scientifiques qui, pour certaines , pourraient problématiser la condition humaine, il nous faut sans perdre de temps investir à marche forcée sur l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche. Il faut au préalable tout faire, pour protéger l’école des idéologies et changer totalement de paradigme. Cela ne peut se faire qu’avec un consensus global de la société. Définir ce que nous sommes, il n’y aura ni tabou ni certitude, ni approximation ni sentimentalisme  la réalité doit prévaloir

Nous sommes au XXIe siècle , c’est le siècle de la déconstruction. Nous ne pouvons pas y  échapper car nous ne sommes ni puissants financièrement ni scientifiquement ni encore moins de la puissance militaire . Nous ne sommes à l’heure du drone guidé par satellite pour frapper une cible désigné par un  « militaire »  à partir d’une salle climatisée du fin fond du pays agresseur. On ne voit plus son ennemi, les vertus anciennes de la guerre disparaissent au profit des  vertus de l’intelligence artificielle. Un exemple frappant nous est donné en Palestine, d’un côté des jeunes « gonflés » que l’on envoie à la boucherie s’agissant qu’ils n’ont aucune chance devant des snipers israéliens qui utilisent la réalité augmentée le positionnement satellitaire, les lunettes de vision nocturnes..

Nous devons faire la paix avec nous même et nous ’accepter comme nous sommes sans rien attendre de l’extérieur. et surtout en étant sourds aux diviseurs et semeurs de haine Ce vivre ensemble cote à cote et non pas face à face, permettra de faire émerger cette nation algérienne ancrée dans un récit national œcuménique et nous mettre rapidement au travail en réhabilitant l’effort l’endurance la tâche bien faite.

Il est dans l’air du temps encore après le 22 février d’utiliser un langage démagogie comme le font certains hauts parleurs idéologiques qui brassent du vent mais n’apportent rien de constructif si ce n’est le nihilisme:  » Ga » itnahaoue » Et après peut on compter sur ces lumières pour faire sortir le pays de l’impasse actuelle et plus grave aussi de l’impasse économique scientifique de l’éducation dans lequel il est englué? Je suis sûr qu’à la première alerte, ils mettront les voiles !

Pour ma part je ne vais pas hurler avec les loups, je ne dirais pas aux jeunes, c’est vous les chefs. Ce serait une grande erreur que de dire aux jeunes que l’on peut tout faire, tout de suite avec des approximations ! Nous devons les inciter à apprendre pour avoir une bonne éducation et pour cela l’Etat doit leur garantir les clés d’une saine compétition sans qu’il ne forme des assistés mais des citoyennes et des citoyens qui vont à la conquête du savoir avec une mentalité de vainqueur.

A  cette jeunesse éduquée, le peuple  peut confier en toute confiance les clés de la maison Algérie. Pour cela, seule l’incitation au travail, à l’effort, à l’endurance, permettra de sauver le pays. Le ballon certes, mais il ne donne pas à manger. Pour s’imposer et simplement garder la tête hors de l’eau, l’Algérie devra déployer d’immenses efforts à faire pour sortir du trou noir actuel. Plus que jamais le pays a besoin de ses élites scientifiques en dehors de toute démagogie. C’est en tout cas le sens d’une conférence que j’ai donnée à HEC Montréal à la demande de notre diaspora expatriée qui demande aussi à participer au chantier d’une Algérie du savoir, de la rationalité. J’y reviendrai.  

En définitive nous devons démarrer pour couper court à l’aventure qui nous fragilise de semaine en semaine et à Dieu ne plaise nous risquons d’avoir de moins en moins de marge de manoeuvre.  La dimension sociale du modèle malgré sa perversion démagogique risque de passer à la trappe avec les adeptes d’un néolibéralisme sauvage ! Il faut bien sortir des extrêmes et miser aussi sur l’intelligence! Nous devons changer totalement de paradigme et ne pas perdre de temps.  

Ce qu’il faut graver dans le marbre se résume ainsi : la démocratie réelle, l’alternance les libertés publiques et individuelles et l’indépendance de la justice.  Bref un Etat de droit. Tout le reste devrait faire l’objet d’accommodements raisonnables. Si ces requêtes sont acceptées avec les parties intéressées, le dialogue pourra rapidement démarrer sur des bases saines adoptées par le peuple et nous sommes nombreux à nous mettre à la disposition de notre pays.

Chems Eddine Chitour

Professeur, Ecole Polytechnique Alger

 

Article de référence  http://www.lequotidien-oran.com/?news=5279688

 

Vendredi, des manifestants ont à nouveau envahi les rues devant la résidence du gouverneur de Porto Rico, appelée «La Forteresse», pour célébrer la destitution du gouverneur Ricardo Rosselló et s’opposer à l’installation de son successeur. L’une des nombreuses pancartes dit: «Vous apportez la corruption, le peuple, la révolution.»

À 17 heures, sans quitter le bâtiment, entouré de dizaines de policiers lourdement armés, Rosselló publie une déclaration dans laquelle il transfère le poste de gouverneur à son nouveau secrétaire d’État, Pedro Pierluisi.

Les manifestations de masse à Porto Rico ont évincé un gouverneur en exercice pour la première fois dans l’histoire du territoire américain, ou d’ailleurs dans l’histoire des États-Unis. Les manifestations n’ont cessé de croître pendant deux semaines, jusqu’à ce que plus d’un demi-million de personnes sur une population de 3,2 millions de personnes marchent le 22 juillet dans le centre de San Juan. Deux jours plus tard, le gouverneur Rosselló a annoncé qu’il démissionnerait le 2 août à 17 heures.

Vendredi, une extrême nervosité au sein de l’establishment au pouvoir de l’île a dominé la transition sans précédent. Ce dernier craignait surtout de provoquer une explosion sociale encore plus grande.

Deux heures après sa nomination au poste de gouverneur, Pierluisi l’a accepté officiellement lors d’une conférence de presse. Ensuite, il a appelé à «l’unité» et déclaré que «nous ne voulons pas d’une crise constitutionnelle», dans l’attente de la réaction populaire à son installation anticonstitutionnelle.

Pierluisi est une marionnette des intérêts capitalistes américains responsables de la crise sociale sur l’île. Il a démissionné il y a à peine trois jours du principal cabinet d’avocats représentant le Conseil de surveillance et de gestion financières (FOMB), une agence fédérale créée par l’Administration Obama et connue sous le nom de Junta, qui a exercé une dictature financière sur l’île pour surveiller son pillage par Wall Street.

La foule de San Juan, qui a continué à manifester pacifiquement jusqu’à ltard vendredi dans une ambiance de fête, a commencé à chanter «Pierluisi, démissionne, et emmène la junte avec toi!» Une pancarte portée par un manifestant disait: «Non au coup d’État de la junte et de Pierluisi.»

En même temps, l’Administration Trump et l’aristocratie financière parasitaire dont elle parle ont cherché à exploiter la crise pour escalader les attaques sur les niveaux de vie et imposer une plus grande austérité. Jeudi, la Maison-Blanche a annoncé qu’elle suspendait le transfert de 8 milliards de dollars au titre de l’aide en cas de catastrophe naturelle en raison de «troubles politiques et d’irrégularités financières». La semaine dernière, le Wall Street Journal a appelé le FOMB à «imposer la discipline» et à mettre fin aux «aumônes».

Dans ce contexte, la nomination d’un autre agent politique de Wall Street, loin d’apporter un nouvel équilibre politique, annonce un choc frontal entre le mouvement populaire contre l’austérité et le FOMB et l’impérialisme américain. La réponse agressive de l’Administration Trump constitue un avertissement à la classe ouvrière et à la jeunesse de Porto Rico et des États-Unis dans leur ensemble. Elle signifie que des préparatifs sont en cours pour utiliser toute la force de l’État américain pour écraser une explosion sociale montante.

Surtout, le plus grand danger est l’absence d’un programme clair et d’une direction et d’une organisation politiques indépendantes des deux partis contrôlés par les entreprises aux États-Unis et de leurs représentants à Porto Rico. Le Parti démocrate et ses agents syndicaux et politiques à Porto Rico s’emploient à désarmer et à réprimer politiquement les manifestations. Principalement, ils essayent de créer des illusions dans les manœuvres antidémocratiques au sein du système politique pourri et colonial portoricain.

Vendredi soir par exemple, le candidat démocrate à la présidence, Bernie Sanders, a twitté: «Le peuple portoricain […] nous a montré ce que les gens ordinaires peuvent accomplir quand nous nous organisons. Notre travail consiste maintenant à nous assurer qu’ils obtiennent une représentation équitable et adaptée à leurs besoins. Porto Rico mérite la démocratie, pas l’austérité.»

Toujours vendredi, la Chambre des représentants portoricaine a organisé une audition et un vote pour confirmer Pierluisi comme secrétaire d’État, le poste qui est le premier en ligne pour la succession à la fonction de gouverneur. Cette procédure précipitée s’est terminée par un vote «oui» vers 16 heures, une heure avant la limite pour le renvoi de Rosselló. Mais le président du Sénat portoricain, Thomas Rivera Schatz, qui a également des aspirations de gouverneur, a reporté l’audition de cet organe à mercredi prochain.

Le débat a fait rage parmi les commentateurs et les législateurs des médias. Ils disputaient s’il fallait procéder à l’installation extra-constitutionnelle de Pierluisi comme gouverneur intérimaire, ou s’il fallait mettre la secrétaire à la Justice Wanda Vázquez. Cette dernière est la suivante en ligne pour la succession, mais elle avait refusé encore hier de prendre le poste de gouverneur. Mais, sans doute, la décision finale a été prise à la Maison-Blanche.

Déclenchant les protestations de masse de Porto Rico, la publication, le 13 juillet, par le Centre pour le journalisme d’investigation (CPI), de conversations en ligne impliquant Rosselló et ses proches collaborateurs a exposé non seulement leur abjecte servilité envers Wall Street, mais aussi le mépris de l’élite au pouvoir envers la classe ouvrière portoricaine.

La publication s’est connectée avec une vague de colère sociale après des décennies de détérioration des conditions sociales. Le mouvement résultant exige non seulement la démission de Rosselló, mais aussi celle de l’ensemble de l’establishment politique. Vendredi, le hashtag Twitter le plus populaire chez les Portoricains était #niSchatzNiPierluisiNiWanda (ni Schatz, Pierluisi ni Wanda).

Rosselló et sa clique faisaient des blagues sur les victimes mortes de l’ouragan Maria. Aussi, ils ont proféré des insultes homophobes et misogynes. Ils ont attaqué des journalistes et ont suggéré de fusiller des opposants politiques. Les fuites publiées ont également révélé la présence d’un vaste réseau de corruption. En fait, CPI a concentré ses expositions sur Elías Sánchez Sifonte, ancien représentant du gouvernement auprès du FOMB et lobbyiste, dont les clients comprennent Microsoft, Walgreens et d’autres grandes entreprises. Les textes qui ont fait l’objet de fuites publiées montrent qu’il recevait des informations confidentielles et donnait des ordres politiques à Rosselló et à sa clique.

Bien qu’il ne soit pas impliqué dans les textes qui ont fait l’objet de fuites, Pierluisi, s’il en est, est plus criminel que Rosselló. En 1993, il devient secrétaire à la Justice pour un mandat sous la direction du père de Rosselló, puis rejoint le cabinet d’avocats O’Neill & Borges LLC pendant 11 ans. Entre 2008 et 2016, il a été commissaire résident à Washington (membre sans droit de vote de Porto Rico au Congrès américain) avant de revenir dans le même cabinet d’avocats en tant que conseiller du FOMB.

En tant que commissaire, il a promu le projet de loi qui a créé le FOMB. Tandis que son épouse, dont le frère est le président de la junte, s’est enrichie par son entreprise de conseil montrant aux fonds «vautour» la façon de profiter de la crise financière de Porto Rico. Le couple a quitté Washington avec 27 fois plus de richesses qu’à leur arrivée.

L’ensemble de l’establishment politique, y compris le corps législatif local ainsi que les autorités fédérales, se trouve exposé comme étant entièrement subordonné aux diktats de l’élite financière américaine au pouvoir. Ce premier est complètement hostile aux droits sociaux et démocratiques des travailleurs et des opprimés de Porto Rico.

Selon une étude de l’École de santé publique Chan de Harvard, 5.740 personnes sont mortes des suites de l’ouragan Maria en septembre 2017. Lorsque le président Donald Trump s’est rendu sur l’île un mois après la tempête, il a affirmé qu’un «véritable catastrophe» n’a pas eu lieu. L’ouragan avait détruit 70.000 foyers, ne laissant que 5 pour cent du réseau électrique en fonctionnement. Un seul hôpital sur 69 était pleinement opérationnel. Parmi d’autres dommages, l’ensemble s’élevait à plus de 139 milliards de dollars selon les autorités locales.

CBS News a rapporté qu’en avril, le gouvernement fédéral n’avait fourni qu’une aide de 11,2 milliards de dollars à Porto Rico.

BuzzFeed News a rapporté à la mi-octobre que le gouvernement Rosselló avait donné le feu vert aux salons funéraires pour incinérer au moins 911 cadavres après l’ouragan sans aucun examen médical. Le directeur financier de Rosselló a plaisanté dans l’un des textes qui ont fait l’objet d’une fuite: «Maintenant que nous en sommes au sujet, n’avons-nous pas des cadavres pour nourrir nos corbeaux?».

De plus, c’est l’Assemblée législative de Porto Rico, qui feint maintenant l’indignation morale au sujet des messages diffusés. Mais, c’est elle qui a approuvé la «Loi sur le nouveau gouvernement de Porto Rico» trois mois après l’ouragan Maria. Et c’est elle qui exploite la dévastation pour accorder à Rosselló de vastes pouvoirs qui vise à «consolider» 118 organismes gouvernementaux en 35. En même temps c’est elle qui en réduit de 2,75 milliards de dollars les coûts annuels afin d’augmenter les payements de la dette de l’île (74 milliards de dollars).

Selon l’Initiative humanitaire de Harvard, l’armée a déployé jusqu’à 17.000 soldats américains à Porto Rico et dans les îles Vierges américaines voisines. C’était le commandement nord de l’armée américaine qui dirigeait l’ensemble de l’intervention fédérale américaine.

Même, l’aide dérisoire envoyée par Washington, s’est fait entraver par la FEMA (l’Agence fédérale des situations d’urgence). Ce dernier avait signé des accords privés à but lucratif pour la fourniture de diesel, d’essence et d’eau. Par conséquent, le déploiement militaire massif n’a pas réussi à les fournir. L’AFP a publié mardi des images aériennes de dizaines de milliers de bouteilles d’eau périmées dans un champ vide à quelques kilomètres de San Juan.

Andrea Lobo

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 3 août 2019

Les présidents de la Bolivie et du Pérou, Evo Morales et Martín Vizcarra, ont signé le mardi 12 de la semaine dernière, douze accords et 92 engagements bilatéraux pour actualiser l’agenda commun, issu du Ve Cabinet binational qui s’est tenu dans la ville côtière péruvienne d’Ilo, afin d’assurer le bien-être de leurs populations et de favoriser l’intégration physique, productive et énergétique.

Evo Morales a affirmé, lors de l’inauguration du Ve Cabinet binational d’Ilo, qu’il souhaite que dans cette ville côtière s’installe un gigantesque port pour le Pérou, la Bolivie et le Brésil, qui consolidera le projet du Corridor ferroviaire bi-océanique d’intégration (CFB), grâce auquel naîtra un nouveau Quapaq Ñan avec la construction du chemin de fer bi-océanique. [1].

« Notre souhait est que nous ayons à Ilo un gigantesque port d’entrée et de sortie pour le Pérou, essentiellement pour la Bolivie et le Brésil. Nous envisageons une forte intégration […] c’est un projet qui suscite de grandes attentes de la part d’une grande partie de l’Amérique du Sud, et des nouvelles générations » a-t-il déclaré. Le Brésil a confirmé son désir de participer à ce projet, considéré aussi comme le Canal de Panamá du XXIe siècle.

De son côté le président péruvien Martín Vizcarra a souligné l’importance de cette nouvelle version de la réunion binationale et le fait que la réalisation de ce port ait lieu à Lio en raison de sa situation géographique et stratégique ; il a fait remarquer qu’un des objectifs est de préserver la « merveille naturelle du lac Titicaca, de veiller à son état et d’œuvrer à sa dépollution ».

Il a assuré aussi que les voies d’intégration sont multiples : la voie énergétique, la commerciale et la ferroviaire, cette dernière grâce à la consolidation du Corridor ferroviaire bi-océanique (CFB) qui reliera les océans Pacifique et Atlantique.

Au cours de la réunion quatre axes ont fait l’objet d’analyse. 1) l’environnement et les ressources hydriques transfrontalières

2) la sécurité et la défense.

3) le développement économique et social, les questions culturelles et éducatives et le renforcement institutionnel.

4) les infrastructures pour l’intégration et le développement.

Fruit de l’élaboration de ces quatre axes nous sommes finalement parvenus à 92 engagements que nous devons ensemble concrétiser pour répondre aux 12 accords extrêmement importants, a dit Vizcarra.

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La déclaration finale, les engagements

Dans la déclaration finale, les mandataires se sont félicités des avancées concernant le respect des accords du Plan d’action de Cobija, souscrit le 3 septembre 2018, ils ont réaffirmé leur ferme engagement et la priorité primordiale de renforcer la coopération bilatérale pour recouvrer les équilibres environnementaux sur l’altiplano péruvien et bolivien et préserver sa diversité biologique, grâce à la gestion intégrée des ressources hydriques du système du lac Titicaca, Río Desaguadero, Lago Poopó et Salar de Coipasa (TDPS).

Ils ont souligné l’importance de l’adjudication, le 29 avril 2019, par le gouvernement du Pérou, de la concession « Système de traitement des eaux résiduelles du bassin du lac Titicaca » qui prévoit la construction de 10 stations de traitement des eaux résiduelles (PTAR) dans la région de Puno, ce qui contribuera à réduire le niveau de pollution.

Ils ont également mis en avant l’avancée de l’application du Programme d’assainissement du lac Titicaca de la part de la Bolivie, grâce à l’adjudication de 12 stations de traitement des eaux résiduelles, dans la liste des mesures qui vont contribuer à réduire la pollution du lac. Ces initiatives bénéficieront à quelque trois millions de personnes des deux pays.

La Bolivie et le Pérou ont condamné fermement l’exploitation minière illégale en raison de l’impact négatif au niveau social, environnemental et sanitaire qu’elle engendre sur la population des deux pays, ils ont décidé de mener des actions conjointes urgentes pour la combattre dans les bassins des fleuves Suches et Madre de Dios, grâce à l’élaboration de Plans binationaux de gestion. Ils ont aussi décidé d’œuvrer ensemble à l’assainissement du fleuve Madre de Dios afin de garantir le droit à ses ressources hydriques et piscicoles.

Les deux pays ont souligné aussi l’importance de renforcer l’intégration énergétique entre le Pérou et la Bolivie, avec le ferme engagement de favoriser l’interconnexion du gazoduc Bolivie-Pérou, grâce au gazoduc vers le sud (Projet péruvien SIT Gaz en construction pour amener le gaz naturel aux régions du sud du Pérou), dans le but de faciliter l’exportation future de GNL de la Bolivie, par le port d’Ilo, vers les marchés d’Asie.

Ils ont manifesté aussi la volonté de réaliser un projet de commercialisation du GLP pour fournir les populations péruviennes de la zone du sud Pérou, à des prix compétitifs pour le consommateur, avec la participation de l’entreprise d’État bolivienne YPFB [2], en s’associant ou non.

Le Pérou a fait preuve d’un esprit de solidarité et de compréhension pour ce qui touche à l’isolement maritime dont souffre la Bolivie ; celle-ci a souligné les actions et les efforts réalisés par le gouvernement péruvien pour faciliter le transit douanier international des marchandises boliviennes, soulignant les investissements de ce gouvernement dans des infrastructures afin d’améliorer la capacité opérationnelle du Port d’Ilo, qui s’accompagnent de règles de cabotage, qui faciliteront l’accostage de bateaux de plus grande capacité [3].

Ces deux pays ont décidé d’unir leurs efforts pour que les institutions compétentes de chaque pays permettent l’accès à la fourniture d’électricité de façon soutenable, à des populations rurales frontalières et ont souligné l’importante expérience de développement de relations socio-productives transfrontalières, raison pour laquelle ils ont crée une instance binationale pour la coordination et le suivi des plans et des projets dans la Zone d’intégration frontalière ainsi qu’un mécanisme de financement.

Resultado de imagen para bolivia peru gasLes présidents ont souligné la décision de la Bolivie de construire le Centre binational d’attention frontalière (CEBAF) extrême-San Lorenzo, qui facilitera l’intégration du secteur amazonien frontalier. Dans le même sens ils ont convenu de réaliser des études pour la viabilité, concernant le Pérou, du CEBAF Thola Kollo, et l’achèvement de la route Tacna-Collpa-La Paz qui permettra le développement de la zone haute andine frontalière et constituera un axe supplémentaire de l’intégration physique binationale.

Le Pérou et la Bolivie ont décidé d’approfondir leur échange d’expériences en matière de développement du système de transport urbain de masse, qui comprend la modalité de transport par câble ou téléphérique, transport sûr, efficace, soutenable et qui facilite l’inclusion sociale.

Morales et Vizcarra ont souligné l’importance de la coopération pour prévenir la délinquance transnationale organisée et pour lutter en particulier contre les organisations qui se livrent au narcotrafic, au trafic d’armes, de munitions, d’explosifs, à l’exploitation minière et au déboisement illégaux, à la traite et au commerce de personnes, au vol de véhicules, et aux délits de droit commun à la frontière, en renforçant également la coopération judiciaire.

En outre, ils ont convenu de l’importance des efforts réalisés pour mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des petites filles et de renforcer la lutte contre la violence de genre, ce qui suppose l’échange d’informations et d’expériences, afin de contribuer à garantir les droits des femmes et des populations vulnérables.

Ils ont mis en avant la ratification express et l’entrée en vigueur de l’Accord de reconnaissance des Titres professionnels et des Diplômes académiques de l’Éducation supérieure universitaire, ce qui permettra de valider les certificats, les titres et grades universitaires de l’éducation supérieure, reconnus officiellement par les systèmes éducatifs des deux pays, par l’intermédiaire de leurs organismes officiels respectifs.

Les mandataires ont reconnu l’importance que représente l’industrie cinématographique pour la diffusion de la culture des deux pays, ainsi que la portée des expériences réussies dans le domaine de la conservation et de l’exposition du Patrimoine culturel archéologique des musées, dans le but de promouvoir leur protection et leur conservation comme héritage pour les générations futures.

Imagen relacionadaIls ont réaffirmé la nécessité de renforcer la coopération pour ce qui est de la prévention et de la lutte contre le trafic des biens culturels et ont convenu de l’importance de former les populations et les autorités sur les frontières des deux pays à la lutte contre ce délit international.

Morales et Vizcarra ont célébré l’« Année internationale des langues indiennes ». Le propos est d’attirer l’attention sur la perte des langues indiennes et la nécessité de les conserver, les revitaliser, et les diffuser au niveau national et international. Ils ont annoncé la tenue prochaine du Congrès régional sur les langues indiennes pour l’Amérique latine et la Caraïbe, en septembre prochain, dans la ville péruvienne de Cuzco, avec l’objectif de les promouvoir et de les protéger pour améliorer les conditions de vie de ceux qui les parlent et les pratiquent.

Il est bon de souligner que les mandataires ont reconnu l’importance de continuer à impulser les processus d’intégration régionale pour le bénéfice des peuples et, dans ce contexte, ils ont loué les efforts déployés par la Bolivie, en charge de la Présidence Pro tempore de la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC), pour sa volonté de promouvoir le processus de réflexion sur l’avenir de l’organisation et d’établir un agenda précis, consensuel, qui réponde aux attentes de ses membres.

Mariana Álvarez Orellana

 

 

Source originale en espagnol : Perú y Bolivia dan pasos firmes para la integración y complementación, estrategia.la, le 25 juin 2019.

Traduction française : Françoise Couëdel, Alterinfos America Latina

 

Notes

[1Ce grand réseau de routes de communication, de commerce et de défense parcourt plus de 30 000 km. Construit par les Incas sur plusieurs siècles et en partie basé sur une infrastructure pré-inca, ce réseau extraordinaire traversant l’un des terrains géographiques les plus difficiles du monde relie les sommets enneigés des Andes (à plus de 6 000 m) à la côte en passant par des forêts tropicales humides, des vallées fertiles et des déserts. Le Qhapac Ñan qui a atteint son extension maximale au XVe siècle s’étendait sur toute la longueur et la largeur des Andes (source : Wikipedia) – NdT.

[2Pour Yacimientos petrolíferos fiscales de Bolivia, en français : « Gisements pétroliers fiscaux de Bolivie » – NdT.

[3La loi de cabotage, fruit des négociations entre le Pérou et la Bolivie, permet à des bateaux de faible tonnage de transporter des charges en plus petite quantité depuis le grand port d’El Callao vers le port d’Ilo, et à moindre coût – NdT.

Mariana Álvarez Orellana est une anthropologue, enseignante et chercheuse péruvienne, analyste associée au Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE, www.estrategia.la)

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Le chômage fait 14.000 morts par an en France, car le chômage provoque du stress, le stress favorise les cancers et d’autres maladies, notamment cardio vasculaires, ainsi que des suicides.

Comme nous l’avons dit, analysé, redit et répété de multiples fois dans les articles précédents, l’ennemi absolu des hommes aujourd’hui, c’est l’ultra libéralisme ou néo libéralisme, comme on veut.

Nous avons également eu l’occasion d’expliquer dans un article consacré à ce sujet spécifique, ce qu’était l’ultra ou néo libéralisme et pourquoi l’ultra ou néo libéralisme était un fascisme. Comme le dit l’avocat des Gilets jaunes de Rouen, François Boulo: le néo libéralisme c’est « la dictature des ultra riches ».  Toutes les règles de la société ont été conçues dans leur intérêt. Lorsque les règles sont absentes, cette absence de règles sert aussi leurs intérêts. 

Nous savons que les chiffres de l’INSEE sont tout à fait fantaisistes: la caste au pouvoir fait ce qu’elle veut, sachant que ni vous ni moi, n’avons les moyens d’aller vérifier les sources de l’INSEE.

Par exemple, le coût moyen du logement, ce n’est pas du tout 15% dans le budget, comme le prétendent les chiffres de l’INSEE. Il s’agit au moins en moyenne du tiers du budget qui part dans les coûts de logement. Pourquoi l’INSEE ment-il? Pour servir la cause de qui? Qui sont tous ces gens arrogants qui nous prennent pour des idiots? Qu’est-ce que nous attendons pour nous en occuper sérieusement?

Les 500 familles les plus riches de France comptaient à elles seules pour 6,7% du PIB français, en 1996. Puis, en 2017, elles sont passées à 25% du PIB.  En 2018, elles sont passées à 30% du PIB. Le montant des dividendes distribué par le CAC 40 en 2017 était de 47 milliards, puis de 57 milliards en 2018! 

Les milliardaires français sont ceux qui s’enrichissent plus que partout ailleurs dans le monde. La théorie du « ruissellement » était tellement grotesque que Macron lui-même a fini par dire qu’il n’y croyait plus, mais que ce qui était plus juste, selon lui, c’était la théorie du « premier de cordée ».

Chacun aura parfaitement compris, bien entendu, que cela revient strictement au même, puisque dans la réalité, les « premiers de cordée » ont depuis longtemps coupé la corde, comme le dit également François Boulo dans son discours « Grand Angle » du 10 juillet 2019, audible sur You tube du 24 juillet 2019.

Il est clair que l’argent des riches ne va pas dans l’économie réelle: les riches placent leur argent dans ce qui présente le moins de risque possible et le plus de rentabilité possible. Cet argent du « ruissellement », ruisselle dans la sphère financière exclusivement: l’argent produit de l’argent qui se suffit à lui-même. Voilà pourquoi, nous ne voyons jamais les fruits de cette récolte abondante qui demeurent dans la poche des ultra-riches.

Lorsque l’argent est réinjecté dans l’économie, ce sont tous les secteurs qui en profitent et le travail est assuré pour tous. Mais si l’argent n’est pas réinjecté dans l’économie, le travail se trouve très rapidement en pénurie et apparaît alors le chômage de masse, parce que les plus riches gardent les richesses pour eux tout seuls. La solidarité humaine n’existe pas pour ces gens-là qui se sont pourtant enrichis grâce à la participation des travailleurs! 

De là il est simple de comprendre pourquoi les « élites » politiques n’ont plus besoin du peuple; elles n’ont surtout pas besoin de la démocratie et font tout ce qui est en leur pouvoir pour nous arracher des mains tout ce qui pourrait encore ressembler à des droits démocratiques. Les « élites » nous disent : d’un côté vous avez la « démocratie » et de l’autre « le progrès », comme l’explique si souvent Jacques Attali, l’éminence grise des rats politiques qui nous gouvernent.

Donc, si nous voulons le « progrès », il faut laisser tomber la « démocratie ». Nous avons abondamment parlé, dans les articles précédents sur les Gilets jaunes, du RIC, de la nécessité d’inscrire le Referendum d’Initiative Citoyenne en toutes matières dans la Constitution française et à partir de là retrouver notre souveraineté démocratique, justement le contraire de ce que nous conseillent les « élites », comme par hasard.

Nous savons tous qu’il n’y a pas de choix démocratique contre les traités européens qui nous ont dépouillés de notre souveraineté. Nous avons expliqué, dans les articles précédents, comment cela s’était organisé à notre insu et comment nous nous étions retrouvés, nous Français, à voter à un referendum en 2005 pour nous « prononcer » sur quelque chose qui avait déjà été décidé sans notre avis et sans qu’on puisse rien y changer, cela expliquant pourquoi en 2008, le Traité de Lisbonne pouvait aussi facilement nous être imposé! 

Les Français, comme les autres, avaient été dépouillés de leur souveraineté et nous n’en savions rien! Nous n’avions plus du tout la liberté de décider. Ce qui relevait désormais de notre défunte liberté démocratique, équivalait à un chèque en blanc signé par les Français pour que des dictateurs anonymes fassent d’eux ce que bon leur semblait! Comment une telle comédie politique a-t-elle pu se jouer dans notre dos? Par la trahison des « élites » politiques.

Les élections devenaient du même coup, une farce de mauvais goût : que nous votions à gauche, à droite ou au centre, peu importe, puisque l’Union Européenne avait fixé les règles sans notre avis.  Je renvoie le lecteur aux articles précédents sur les Gilets jaunes, publiés dans www.mondialisation.ca, dans lesquels nous examinions la mécanique bien huilée des moyens mis en œuvre pour tout verrouiller et comment, dans cette mécanique, les règles qui interdisaient l’harmonie sociale et l’harmonie fiscale étaient fondamentales pour servir les intérêts de l’ultra ou du néo libéralisme lâcher brutalement sur le territoire européen, comme le renard dans le poulailler!

Les dépenses de l’État français, c’est 320 milliards d’euros par an et les recettes, c’est 240 milliards d’euros par an. La différence fait le « Déficit ». Or, il ne faut pas dépasser 3% de « Déficit » par an, sous peine de sanctions. La fameuse « dette », c’est l’accumulation de tous les « Déficits » depuis 40 ans, date des accords de la Jamaïque qui ont décidé de briser les accords de Bretton Woods ayant été signés quant à eux en juillet 1944 pour éviter de retomber dans les guerres meurtrières, conséquences graves inévitables de la logique ultra ou néo libérale…

Ce qui a donc été fait en 1976 à la Jamaïque, c’est ce qui garantit la guerre à venir, inévitable, puisque cette initiative malheureuse allait à nouveau ouvrir la porte de la conséquence logique des principes de l’ultra libéralisme débridé.

Même si nous ne dépassons pas les 3% de déficit, comme l’exigent ces « élites » au pouvoir à Bruxelles, et qui ont fabriqué eux-mêmes ces règles écrites dans les Traités que nul ne peut contester, il n’empêche que nous continuons à  fonctionner en adoptant des budgets qui sont d’office déficitaires de toute manière. Donc, CQFD, nous continuons de provoquer forcément du déficit depuis 40 ans qui augmente systématiquement la dette par le fait même. Les « élites » qui se sont emparées du pouvoir, ont organisé la dette obligatoire pour le plus grand bonheur de la dictature bancaire, de la mafia du système parasitaire financier qui nous vole impunément en trouvant le moyen par dessus le marché de nous accuser d’un manque de « responsabilité » en nous culpabilisant et en nous sanctionnant par les Agences de notations du Triple A en Zéro A, dès que la dette dépasse la ligne rouge qu’elles ont elles-mêmes fixée dans les règlements en leur faveur. La dette est donc un système sciemment organisé et permettant à la dictature bancaire de nous faire les poches à perpétuité!

Le refrain qui revient donc systématiquement dans la bouche des serviteurs  politiques de ce système mafieux, c’est la nécessité de « réduire les dépenses publiques », de « réformer les Institutions de l’État », de « privatiser » les grandes entreprises comme EDF, GDF, la SNCF, les Aéroports et les Hôpitaux, la Sécurité Sociale…etc.

Ce système crée volontairement de la dette. L’argent n’est pas réinjecté dans l’économie réelle. Le travail est donc réduit. Pôle emploi dit qu’il y a 300.000 postes à pourvoir au grand maximum et en même temps déclare 6 millions de chômeurs!

Pour ce monde organisé par une « merdaille » politique, il y a donc au moins 5 millions 700.000 individus en France à exterminer d’office, puisque non rentables, non exploitables, non utiles à cette société d’égocentriques exaspérés. Il se trouve que les Gilets jaunes font partie de cette « populace » « populiste » à exterminer, puisqu’ils protestent au nom de ces rebus de l’humanité.

Macron a menacé les « fainéants de chômeurs », ces 300.000 chômeurs qui n’acceptent pas le premier job venu sur la liste des postes à pourvoir, et qui tardent à « traverser la rue pour trouver du travail ». Il a aussi organisé la chasse au chômeur, la persécution du chômeur, la torture du chômeur et donc sa mort quasi inévitable… Il a pensé une loi pour martyriser ces gens qui n’ont pas de travail parce qu’il n’y a pas de travail, parce que ses amis, les ultra-riches, ne mettent pas la richesse au service de l’économie réelle…

Macron le tortionnaire de chômeurs, a la haine des chômeurs qui sont déjà les victimes malheureuses de ses amis ultra riches. Aujourd’hui, les chômeurs souffrent parce qu’ils n’ont plus les revenus de leur travail, parce qu’ils ne trouvent pas de travail et en subissent les conséquences sur leur état de santé, parce que Macron les harcèle, parce que toutes les aides sont réduites à néant, parce que le discours méprisant de ce pantin de la dictature des ultra riches les accable arbitrairement, parce qu’ils sont culpabilisés en permanence…

Comment cette situation de grave injustice pourrait-elle s’achever autrement que par un prochain bain de sang?! Il n’y a pas d’autre issue: ce pouvoir arrogant campe dans ses certitudes bornées de flibustiers au service de la haute finance. Pour ces criminels au pouvoir, il n’y a rien à changer: l’erreur ce sont ces « salauds de pauvres » qu’il faut d’une manière ou d’une autre exterminer. La police transformée en milice fait tout ce qu’elle peut pour maltraiter le peuple Français trop habitué à faire entendre sa voix…

Étant donné que nous n’avons plus le contrôle de la monnaie, puisque c’est la BCE qui fait la loi, nous sommes donc obligés d’emprunter au secteur bancaire privé : les règles ont été conçues pour cela. Et bien entendu, nous avons alors 40 milliards par an d’intérêts à payer aux banques, dont la béatitude est définitivement assurée, même si elles venaient à provoquer de nouvelles crises par leur gestion désastreuse en produits toxiques, puisqu’alors elles se serviraient de notre épargne sans nous demander notre permission. Les banques seraient « sauvées » à nouveau, pendant que nous serions massacrés sur place par ce vol abominable pratiqué en toute « légalité », puisque les règles ont toutes été fixées par les tyrans qui les dirigent. 

Le principe de la dette et du déficit est donc volontairement organisé par les Traités européens, et c’est nous tous qui en faisons les frais, le système bancaire étant le seul heureux bénéficiaire de ce pillage à perpétuité. Si nos Etats ne voulaient pas pratiquer une politique budgétaire en faveur des seuls intérêts des banques, celles-ci les menaceraient aussitôt d’augmenter les taux d’intérêts. Ce chantage est abominable, puisque l’argent des banques vient du travail des peuples ainsi pris en otages par cette organisation mafieuse criminelle.

Lorsque les Italiens, par leur vote interne « dissident », ont décidé leur fronde avec l’UE, le Haut Commissaire allemand a déclaré que « les marchés financiers allaient apprendre aux Italiens à bien voter ! » Depuis que nous sommes passés à l’Euro, chaque Français a perdu 55.000 euros!

Avec les Italiens, nous sommes les plus gros perdants de toute l’UNION EUROPÉENNE. Les Allemands, en revanche, en ont le plus profité, puisque l’euro a été calé sur le Deutsch Mark. C’est pourquoi, les Allemands étaient menaçants avec la Grèce et sont aussi menaçants avec l’Italie. Étant donné que les Français, abusés, ont été obligés de « bien voter » pour un serviteur de l’ultra ou néo libéralisme, les Allemands font encore et toujours des sourires à Macron, mais Angela Merkel s’est empressée de signer des accords à Aix-La-Chapelle, avec le squatter de l’Élysée, pour bien verrouiller la liberté des Français mis en cage…

On dirait un remake de juin 1940: les Allemands s’imposent à l’UE dans sa totalité ; ils dictent leurs lois ; ils menacent ceux qui se rebellent ; ils signent un pacte avec la France à Aix-La-Chapelle, comme si nous étions revenus au gouvernement de Vichy. Macron a signé ce pacte avec l’Allemagne comme Pétain avait signé son accord avec Hitler dans le wagon de Compiègne. En échange, la France est provisoirement épargnée par la colère allemande. Nous sommes clairement perdants dans ces accords signés avec Merkel et les Allemands ont acquis par ce texte du mois de janvier 2019, des droits exorbitants y compris sur la France et sa politique! C’est une haute trahison qui avait valu à Pétain, sa condamnation à mort. Macron se trouve dans la même position, c’est pourquoi il faisait l’éloge de Pétain juste avant l’anniversaire du Traité de Versailles du 28 juin 1919 ayant mis fin à la première guerre mondiale, dans le but de faire comprendre aux Français, que ce qu’il avait fait avec Merkel à Aix-La-Chapelle, c’était ce qu’il y avait de mieux pour la France. 

Rien n’est plus possible pour nous, rien ne peut plus changer pour nous, dans le cadre des Traités européens qui ont organisé l’UE pour les seuls intérêts de l’ultra ou néo libéralisme. Il est donc impératif de passer de l’Europe de la mafia bancaire constituant le 4ème Reich, à l’Europe des peuples.

Macron ne peut donc rien changer; ses promesses du 10 décembre 2018 étaient pitoyables ; il ne peut rien décider puisque l’UE a fixé les règles qu’elle impose à la France. Dans un autre article nous avons vu comment tout cela se présente concrètement à nous.

Les Français ont pris conscience de la situation. Ils ont compris que tout cela relevait d’une haute trahison. Ils savent qu’ils ont tout perdu et qu’ils n’ont donc plus rien à perdre. Ils savent également que cette réaction présente ne peut plus s’arrêter et que la dictature des riches, mise en place par les riches, va le leur faire payer. Ils savent que le massacre est inévitable. Ils savent que cette dictature de l’arrogance et du mépris vit ses derniers jours.

Les Gilets jaunes ont retrouvé l’extrême importance de la fraternité et solidarité. Nous allons maintenant nous attaquer à tout ce qui fait en soi, sur le terrain, l’organisation du pouvoir mafieux qui nous pille sans vergogne. Le pouvoir est descendu dans les infrastructures, dans le décor de la société. Nous allons nous attaquer à ce décor, nous allons démonter ces infrastructures une à une et nous attaquer aux flux qui régulent ces infrastructures, car il en va de la justice sociale et de la justice fiscale afin de retrouver ce qui nous manque encore : la liberté et l’égalité pour le peuple souverain.

Le pouvoir doit être mis à genoux d’une façon ou d’une autre, la Constitution réécrite, la démocratie enfin établie, la sortie obligatoire de cette UE qui n’est pas celle des peuples, la liberté démocratique et les libertés publiques qui vont de paire, l’égalité des droits et des devoirs, le bonheur de se retrouver dans une communauté de destin…

Pour se coordonner efficacement sur des actions concertées, sur tout le pays, nous avons besoin d’un outil commun: il existe actuellement. Il s’appelle « lalignejaune.fr » et il est destiné à permettre une identification par l’opinion publique. Puisque les grands médias, entre les mains de la dictature des ultra-riches, nous sabotent volontairement, nous devons inventer une opposition citoyenne qui soit visible et identifiable par l’opinion publique. C’est là que nous en sommes aujourd’hui, car le combat n’est pas fini, il ne fait que devenir féroce par la radicalisation des « élites » exaspérées et acculées à leur inconséquence et irresponsabilité.

Jean-Yves Jézéquel

Le 4 août 2019

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Le 4 août 2018, un attentat a été déjoué à Caracas lors d’un défilé militaire. L’objectif des terroristes était d’assassiner les représentants  des pouvoirs publics dont le propre président vénézuélien Nicolas Maduro. Ce jour là, les services de sécurité de la République Bolivarienne du Venezuela ont abattu  deux drones chargés d’explosifs, avant que ceux-ci n’atteignent leur cible.

Cette tentative de magnicide aurait du soulevé un tollé et une réprobation internationale. Cependant, le système médiatique a immédiatement jeté le doute sur la véracité des faits, qui se sont déroulés ce jour là sur l’avenue Bolivar de Caracas.

Pour parler de l’attentat, la plupart des médias et agences de presses internationales utilisèrent le conditionnel, comme si cela relevait d´une invention du gouvernement bolivarien. Il mirent le mot « attentat » entre guillemets afin de tourner en dérision un fait pourtant gravissime. Les médias les plus radicaux et les plus militants parlèrent même d’un « auto attentat », rejetant l’organisation de l’acte terroriste sur les victimes elles-mêmes. Huit mois après ce sinistre évènement, le 14 mars 2019, la chaine CÑN a dévoilé de nouvelles preuves irréfutables sur la planification de la tentative de magnicide. Une révélation qui est plus un produit d’une bataille politique interne aux Etats-Unis qu’un soucis éclair de la vérité. Curieux scoop qui s’annonce avec tant de retard sur la date de l’événement. Imagine-t-on un journaliste sportif annoncer avec 8 mois de retard la victoire de l’équipe de France à la coupe du monde de football ?

Pourtant des témoins, il y en avait. Pourtant des images il y en avait. Nous sommes allés rencontrés Mariela Lopez et Marcos Salgado. La première est caméraman, le second est photographe. Ils étaient les seuls journalistes internationaux présents sur les lieux à avoir capter des images de l’attentat. Les photos et vidéos que vous avez pu voir les jours suivants, ce sont eux qui les ont réalisés.

Ces deux témoins capitaux nous livrent en exclusivité la chronologie des évènements du 4 août 2018, mais aussi leur vision du journalisme, et analysent notre rapport à l’information.

 Marcos Salgado et Mariela López 

On va commencer par les présentations. Qui êtes vous? Quelle est votre trajectoire professionnelle? 

Mariela López: Je m’appelle Mariela Lopéz. Je suis caméraman freelance. Je travaille pour plusieurs médias et agences de presse. Notamment pour la chaine iranienne HispanTV et l’agence chinoise Xinhua. Je couvre les thèmes politiques et la situation au Venezuela.

Marcos Salgado: Je m’appelle Marcos Salgado, je suis le correspondant de la chaine HispanTV depuis 7 ans. Au Venezuela, j’ai travaillé pour Telesur, pour VTV, et pour la Radio del Sur. Mon expérience professionnel a commencé il y a 30 ans, lorsque j’ai rejoint l’équipe de la Radio Nationale d’Argentine. Je suis aussi le photographe pour l’agence de presse Xinhua et d’autres médias

Vous êtes Iraniens?

Mariela López: Non. Je suis vénézuélienne (rires)

Marcos Salgado: Je suis argentin.

Vous êtes musulmans?

(Ensemble) Non

Vous êtes déjà allés en Iran? 

(Ensemble) Non

Je vous demande cela parce que la majorité des citoyens en Europe pensent que les journalistes de HispanTV sont des mollahs avec le Coran dans une main et la caméra dans l’autre. Et du coup, les stéréotypes qu’ils ont sur l’Iran décrédibilisent l’information offerte par cette chaine. 

Marcos Salgado: HispanTV a le mérite d’avoir une ligne éditoriale claire. Cette clarté éditoriale me donne une grande tranquillité au moment de faire mon travail. La plupart des médias occidentaux masquent leurs lignes éditoriales derrière une prétendue objectivité ou une impartialité. Ce n’est pas vrai. Les médias occidentaux hégémoniques ont aussi une ligne éditoriale très concrète mais ils la cachent. Au contraire, HispanTV ne cachent pas sa ligne éditoriale. Ils veulent briser le vague de désinformation sur ce qui ce passe en Iran et veulent offrir la vision iranienne des évènements dans le monde. Celui qui regarde HispanTV sait le type d’information qu’il va y trouver. Entre autre, une information qu’il ne verra jamais dans les médias occidentaux. Nous, les journalistes, nous savons que tous les médias possèdent une ligne éditoriale, même si certaines médias ne sont pas clairs avec leur journalistes. HispanTV s’attache à expliquer le processus politique au Venezuela. Par exemple, nous couvrons aussi les activités de l’opposition. La chaine ne va jamais ignorer ce que fait l’opposition mais elle le remplace dans un certain contexte.

Le 23 février 2019, lors des évènements liés à la fameuse « aide humanitaire », HispanTV, Ruptly et Xinhua avaient des correspondants des deux cotés de la frontière colombo-vénézuélienne. Ce qui marque une grande différence avec tous les autres médias internationaux qui se sont bornés à accompagner l’opposition vénézuélienne du côté colombien. Autrement dit, seuls les russes, les chinois et les iraniens ainsi que Telesur ont fait un travail honnête en couvrant le point de vue des deux parties. C’est assez révélateur non ?

Marcos Salgado: Les médias occidentaux ignorent systématiquement les sources gouvernementales vénézuéliennes. Ils commettent, selon moi, une grave erreur car ils ne comprennent pas ce qui se passe au Venezuela. Ils ignorent et méprisent le Peuple vénézuélien. Du coup, ils n’ont pas vu ce que nous avons pu voir ce jour là sur le pont Simon Bolivar. Le Peuple et la Garde nationale ont défendu, ensemble, ce pont afin d’empêcher une agression externe. Ils ne veulent pas montrer ça. Il ne s’agit pas d’être impartial, tous les média ont leur ligne éditoriale, mais il s’agit de montrer vraiment ce qui est en train de se passer.

Mariela, tu es caméraman pour plusieurs agences de presse et pour divers médias. Existe-t-il aussi une différence dans le traitement de l’image ?

Mariela López: Absolument. Le traitement de l’image est différent. Il y a plusieurs styles et différentes manières de présenter l’information. Lorsque je filme un événement, je dois faire des vidéos différentes pour chaque agence de presse et pour chaque média car ils ont tous une manière propre de présenter l’information.

Vous avez, tous les deux, été des témoins privilégiés de la tentative d’attentat contre les pouvoirs publics vénézuéliens le 4 août 2018. Mariela, racontes nous ce qui s’est passé ce jour là. 

Mariela López: C’était un samedi. Le matin, nous avons reçu une invitation pour assister au 81èmeanniversaire de la Garde Nationale Bolivarienne. Ça avait lieu sur l’avenue Bolivar, dans le centre de Caracas. Le président Nicolas Maduro allait être présent. Nous sommes donc allés travailler comme n’importe quel autre jour. Nous nous sommes accrédités auprès des autorités, comme tous les autres médias internationaux et nationaux. La cérémonie a commencé par un joli défilé militaire. Du point de vue de l’image, c’était très réussi. Lorsque la commémoration prenait fin, il a commencé à pleuvoir. Du coup, la plupart des médias ont commencé à s’en aller, surtout ceux qui avaient des appareils comme les caméramans et les photographes. A ce moment là, ils avaient déjà suffisamment d’images en stock. Ils n’avaient pas à prendre le risque de mouiller leurs appareils.

Marcos Salgado: Dans le protocole lié aux défilés militaires, le président inaugure l’événement, ensuite vient le défilé, et enfin le président reprend la parole. Rappelles toi que la grande majorité des médias étaient présents pour capter la réflexion du président sur l’installation de l’Assemblée Nationale Constituante qui avait eu lieu un an auparavant. Le président Maduro a évoqué ce thème au début de son discours. Quand il a commencé à pleuvoir, les photographes avaient déjà leurs photos, les agences de presse avaient leurs vidéos du président parlant de la Constituante, et ils ont commencé à partir.

Et donc, vous êtes restés seuls ?

Mariela López: Oui. Sur la scène réservée à la presse qui faisait face à l’estrade présidentielle, j’étais toute seule car Marcos en était descendu pour aller faire des photos des militaires. J’étais toute seule et j’ai continué à filmer.

Marcos Salgado: À ce moment précis, il n’y avait plus aucun média international.

Mariela López: Et c’est là qu’il a commencé à se passer des choses bizarres. J’étais seule et j’ai entendu un bruit au dessus de moi. J’ai levé les yeux et j’ai vu un drone, à 10 mètres au dessus de ma tête. Je me suis dit : « ça doit faire partie de la cérémonie ». J’ai pensé que c’était un drone avec une caméra. C’était un très grand drone blanc, avec des lumières rouges qui clignotaient. Cinq minutes après, j’ai entendu la première détonation. Ça a été un moment de grande confusion. J’ai regardé Marcos qui était en contrebas comme pour lui demander « qu’est-ce qu’il se passe ? ». A ce moment, les services de sécurité sont passés à l’action. Et ma caméra était face à eux et a tout filmé. Quand enfin, on prend conscience de la situation, les gardes du président sont en train de le protéger et de le faire sortir. C’est à ce moment là que nous avons entendu une seconde détonation. Depuis l’estrade où je me trouvais, j’ai vu que l’on donnait l’ordre aux aspirants militaires de rompre les rangs. J’ai donc décidé de descendre avec ma caméra. Ça a été un moment de confusion totale. Je n’ai pas eu peur. La peur, elle vient après. J’ai commencé à avoir peur après coup, lorsque je suis rentrée chez moi et que j’ai revisionné les vidéos que j’avais réalisé. On savait alors qu’il s’agissait d’un attentat avec des drones chargés d’explosifs. J’ai pensé : « ce drone bourré de C4 est passé juste au dessus de moi même pas cinq minutes avant ». C’est dans un moment comme ça que tu te dis que si tu es encore vivante, c’est parce que la mort n’avait pas décidé de t’emporter à ce moment là.

Les images que tu as filmé, ce sont celles que nous avons pu voir dans le monde entier ? 

Mariela López: Ce sont les seules images disponibles, et en quelques heures elles ont fait le tour du monde.

Waouh, je me sens très honoré d’être à tes cotés. 

Mariela López: (Rires)

 Le premier drone explose

Qu’est ce qu’il se passait en contrebas ? Qu’est ce que tu as vu Marcos ?

Marcos Salgado: Il faut d’abord souligner que le départ de nos collègues est quelque chose d’habituel. Si je ne le fais pas, cela va générer de la suspicion sur notre présence à ce moment précis. C’était normal qu’à ce moment là, les agences de presse et surtout les photographes soient partis. Ils avaient l’information qu’ils étaient venus chercher, ainsi que les images du président. Il fallait qu’ils rentrent pour envoyer les images et transmettre rapidement l’information. Nous, nous sommes restés parce que nous voulions une information supplémentaire. Le président avait déjà parlé de la Constituante mais il n’avait pas encore parlé d’économie. Or, nous étions à quelques jours du lancement d’un nouveau plan de relance de l’économie. Le président avait esquissé le thème lors de sa première intervention avant que ne commence le défilé militaire. Nous sommes restés pour obtenir plus de déclarations du président sur les thèmes économiques. Donc, Mariela s’est mis un poncho et a couvert sa caméra avec un plastique. Moi j’ai fait de même avec mon appareil photo. Quand la pluie a été moins forte, je suis descendu pour faire des plans serrés sur les visages des aspirants militaires présents sur le devant du défilé. C’est à ce moment là qu’a explosé le premier appareil. Ça a été une sensation très forte, mes jambes en ont tremblé. On s’est regardé avec Mariela. Et là, les gardes ont protégé le président. J’ai levé mon appareil photo et j’ai fait une rafale de photos. J’ai du prendre plus de vingt photos de cet instant.

Les photos que l’on a pu voir dans tous les médias, c’étaient les tiennes ? 

Marcos Salgado: Oui, c’est moi qui les ai prises.

Je suis une fois de plus très honoré d’être à vos cotés. 

(Rires)

Blague à part, j’insiste sur ce point parce que vous avez été des témoins privilégiés. Cet attentat a été l’objet de railleries dans les médias internationaux. Le mot attentat était systématiquement mis entre guillemets dans la presse pour jeter un doute sur ce qui s’est réellement passé. Les médias les plus radicaux ont même évoqué un « auto-attentat ». Le public occidental a dû attendre plusieurs mois qu’un reportage de CÑN valide la thèse de l’attentat pour commencer à y croire. Pourquoi on ne vous a pas cru tout de suite ? Pourquoi le public occidental n’a pas cru les informations diffusées ce jour là par HispanTV et Xinhua ? 

Mariela López: Après un bref moment de confusion, nous savions qu’il s’agissait d’un attentat. Il y a eu beaucoup de spéculations sur les réseaux sociaux mais nous insistions pour dire qu’il s’agissait d’une tentative de magnicide. Nous l’avons vu, entendu, nous l’avons senti dans notre propre chair, et nous avons été témoins de l’activation du dispositif de sécurité. La thèse de l’auto-attentat est impossible et mensongère. Les images que j’ai filmé du président parlent par elle-même. Ça se voit qu’il ne comprend pas ce qu’il se passe. Et pas seulement Nicolas Maduro, toutes les autorités ainsi que les civils qui étaient sur l’estrade présidentielle ont réagi de la même façon.

Marcos Salgado: Il y a une phrase qui dit que le journalisme, ce n’est pas donner la parole à celui qui soutient qu’il pleut et à celui qui dit qu’il ne pleut pas. Le journalisme consiste à ouvrir la fenêtre et regarder s’il pleut. Ça s’applique aussi aux audiences et aux publics. Après cet attentat, il y a eu une campagne de stigmatisation pour dire « pourquoi ces deux là étaient-ils encore présents ? » « Savaient-ils quelque chose ?» Cette campagne avait pour but de jeter le doute sur la véracité de ce qui s’était déroulé. Ce jour là, tout le monde a fait son travail. La sécurité du président l’a protégé, ceux qui se trouvaient dans le deuxième cercle ont sécurisé le périmètre. Et nous, nous avons filmé et photographié. Parfois, je me demande : « Qu’est-ce qu’il se serait passé si l’attentat avait eu lieu quelque instant plus tôt lorsque toute la presse internationale était encore présente ? » Ils auraient douté ? Probablement. Mais là, ils ont eu la possibilité de dire « si les seules images viennent de Xinhua et HispanTV, c’est louche ». Spéculer, c’est gratuit. Les gens le font avec beaucoup de facilité et en toute impunité. Nous, nous avons offert un témoignage audiovisuel. Nous avons fait notre travail.

 

Extrait de notre rencontre avec Mariela López y Marcos Salgado

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Burundi: la parole passe, demeurent les actes

août 3rd, 2019 by David Gakunzi

La décision de la France de rétablir sa coopération militaire avec le régime de Bujumbura, qui fait l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, génère déception et colère bien au-delà des familles des victimes. L’écrivain David Gakunzi interpelle le président Macron.

Tribune. Monsieur le président, ce n’est point en qualité de Burundais que je m’adresse à vous. C’est en qualité de citoyen du monde qui élève sa voix pour d’autres hommes et femmes en difficulté. Je ne plaide pas ici pour un peuple anonyme, perdu quelque part au cœur de l’Afrique ; je plaide pour des êtres humains concrets comme vous et moi.

Et si je me tourne vers vous c’est parce que vous incarnez par vos fonctions la responsabilité politique décisionnelle ultime et que, sous votre mandat, la France vient de décider de rétablir sa coopération militaire avec le régime de Bujumbura, objet d’une enquête de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. Voilà l’affaire !

Vous ne connaissez peut-être du Burundi que des choses générales. J’ose espérer que vous n’avez jamais entendu parler ni de Jean Bigirimana, journaliste porté disparu depuis trois ans, ni de Népomuscène [Jean Népomuscène Komezamahoro, ndlr], 15 ans, abattu, à genoux, les mains levées, par les forces de l’ordre, ni de Léon Hakizimana allongé par terre et exécuté froidement avec Franck et Fleury, ses deux fils jumeaux, ni de Charlotte Umugwaneza, déshabillée, tuée, jetée dans les eaux de la rivière Gikoma.

Je suis persuadé que vous ne savez rien non plus du massacre du 12 décembre 2015 perpétré par des éléments de la garde présidentielle, que vous n’êtes pas au courant de l’enfer infligé aux femmes martyrisées, que vous n’avez aucune connaissance réelle du quotidien des centaines de milliers de Burundais contraints de vivre exposés à tous les abus de pouvoir ou forcés de prendre le chemin de l’exil pour sauver leur peau.

Violation de la Constitution

Ainsi tangue le Burundi depuis avril 2015, suite à la décision de Pierre Nkurunziza, l’homme qui se dit Président par la grâce de Dieu, de se maintenir au pouvoir et ce, en violation de la Constitution.

Certes la violence du régime peut sembler aujourd’hui moins intensive car moins spectaculaire, n’empêche : l’œuvre de démolition des uns et des autres, des uns pour des raisons de naissance, les Tutsis, des autres pour des raisons d’opinion politique, les opposants, se poursuit méthodiquement, silencieusement, loin de la presse internationale et des témoins extérieurs, tous indésirables à Bujumbura.

Lors de votre discours de Ouagadougou, vous aviez promis solennellement à l’Afrique une nouvelle relation franco-africaine. Les sceptiques ont dit qu’il ne s’agissait-là que d’un amas de promesses sans lendemain. D’autres, dont je fais partie, ont bien voulu vous accorder le bénéfice de la jeunesse. Vous apparteniez à une nouvelle génération nettement moins marquée par les sentences et les préjugés de l’Afrique à papa. Et votre discours avait un certain panache. Nous avons cru, dans la capitale burkinabée, à la possibilité d’un autre désir africain de la France.

Et voilà cette décision de reprise de la coopération militaire avec l’un des régimes les plus féroces du continent, un régime couvert de cadavres ; voilà cette décision qui vient fissurer le don de parole de Ouagadougou, générant déception et colère bien au-delà des familles des victimes, partout sur le continent.

Engagement calamiteux au Rwanda

Mais au fond, de quel réel est le symptôme, cette prescription symbolique, de fait, des crimes commis là-bas ? De l’incompressible pulsion de répétition ? Car il y a un quart de siècle la France choisissait, au Rwanda, voisin du Burundi, de prêter main forte au régime de Habyarimana. On connait la suite : le génocide des Tutsis. Avec la décision, prise courant mai 2015 par votre prédécesseur, mettant un terme à la coopération sécuritaire avec le régime de Nkurunziza, nous avions cru que la France avait, enfin, tiré les leçons de son engagement calamiteux au Rwanda aux côtés des porteurs de machette. Nous avions cru que Paris venait là de faire amande honorable et de s’engager dans une autre voie ! Nous nous étions emballés trop vite !

Ne nous opposez pas, comme ce diplomate en poste à Bujumbura, la grammaire de la diplomatie de la collaboration et son pragmatisme qui serait la manifestation d’une politique bien raisonnée face à l’inhumanité calculée et organisée. Car qu’est-ce que le pragmatisme, brandi comme idée force pour justifier le renoncement devant la cruauté, sinon un sarcasme pour voiler l’inavouable ? Et l’éthique en politique serait donc une chose vaine et aléatoire ? Et il faudrait s’habituer à l’inhumanité des hommes qui ne serait, tout compte fait, et de surcroit là-bas, selon un préjugé tenace, qu’un mal héréditaire et continuer à faire les affaires comme d’habitude ?

J’ai appris sur les bancs de l’école que c’est bien la Révolution française qui a gravé dans le marbre, que tout homme, de par son essence, était doté de droits irréductibles. Il s’agit d’être responsable des valeurs héritées et proclamées devant la communauté des humains, de retrouver une certaine cohérence, d’affirmer l’unité de l’humanité en droits. Il s’agit d’envoyer un message clair aux bourreaux du Burundi et d’ailleurs : leurs crimes ne demeureront ni impersonnels, ni impunis.

La parole passe, demeurent les actes.

David Gakunzi, écrivain burundais

 

 

Cette lettre ouverte a été publiée initialement dans le volet Tribune (opinion) du quotidien français Libération le 31 juillet 2019 :

https://www.liberation.fr/debats/2019/07/31/burundi-la-parole-passe-demeurent-les-actes_1742970

 

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