L’assassinat de trois personnes au Garlic Festival à Gilroy, en Californie, a fait les gros titres aux États-Unis, mais les médias ont cherché à supprimer ou à minimiser son aspect le plus important: son caractère politique.

Santino William Legan, 19 ans, a ouvert le feu avec un fusil d’assaut AK-47 lors du festival tard dimanche après-midi. Il a tué trois personnes – un garçon de six ans, une fille de 13 ans et un homme de 25 ans – et en a blessé au moins 15 autres avant d’être tué par balle par la police locale.

Les trois personnes qu’il a tuées étaient hispaniques ou afro-américaines. Ce n’était apparemment pas une coïncidence. Les publications de Legan sur Internet indiquent qu’il était motivé par des opinions racistes et suprémacistes blanches. L’indication la plus importante consistait en un texte exhortant «Lisez Might is Right de Ragnar Redbeard», suivi d’une plainte au sujet de «hordes de métis» qui auraient envahi les villes de la région de Gilroy.

Le livre que Legan loue est Might is Right ou La Survie du plus apte, un sermon de suprématie blanche et de darwinisme social, publié pour la première fois en 1890, inspirée notamment du philosophe réactionnaire allemand Friedrich Nietzsche. Un passage du livre dénonce la Déclaration d’indépendance selon laquelle «tous les hommes sont créés égaux», ce qui est «un mensonge évident et dégradant». Viennent ensuite des imprécations contre les Noirs, les Asiatiques, les Juifs et les pauvres, ainsi que contre ceux qui vivent dans les centres urbains «nocifs» tels que Londres, Liverpool, New York, Chicago et la Nouvelle-Orléans, un langage dont l’équivalent moderne est la dénonciation par Donald Trump de Baltimore «infesté de rats» et corrompue par le crime.

En dépit de ces preuves évidentes des allégeances politiques de Legan, la police locale et les médias nationaux ont affirmé que le motif de son attaque était un mystère et qu’il ne s’agissait que d’un «meurtre insensé» du type de celui qui est devenu banal aux États-Unis depuis les trois dernières décennies.

Pas un seul expert de presse ou chroniqueur de journal n’a fait le lien évident entre la mentalité de Legan et la haine fasciste des immigrants et des minorités promues par le président des États-Unis, utilisant des rassemblements de masse, des commentaires aux médias et des tweets destinés à un public sur Twitter de plus de 50 millions.

La dissimulation des médias n’a gagné qu’une certaine plausibilité, car l’attaque de Gilroy était l’un des dix cas de fusillade de masse à travers les États-Unis au cours du week-end dernier. Le bilan des victimes indique 15 morts et 52 blessés.

Le massacre s’est poursuivi après le début de la semaine de travail. Mardi matin, dans un magasin Walmart de Southaven au Mississippi, en banlieue de Memphis, un homme armé a abattu deux employés de Walmart et blessé un policier avant qu’on ne lui tire dessus et qu’il soit arrêté.

La réponse des médias à ces tragédies a été double: les utiliser pour dissimuler les aspects spécifiquement politiques des attaques de Gilroy, en Californie; et en les présentant comme la preuve de la nécessité de renforcer les mesures répressives, y compris non seulement les appels libéraux habituels pour restreindre la possession d’armes à feu, mais également le renforcement des pouvoirs de la police.

Un éditorial paru dans le Washington Post, appartenant au milliardaire Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, n’a fait aucune mention des positions fascistes de l’homme armé et a déclaré que la fusillade de Gilroy était «une condamnation de nos lois sur les armes à feu». L’éditorial a ensuite noté la forte présence de la police lors de l’attaque de Gilroy et sa réaction rapide, tuant Legan une minute après qu’il ait ouvert le feu. L’implication était claire: une répression policière plus rapide et plus massive s’impose.

Au cours des deux décennies qui se sont écoulées depuis que le massacre de Columbine a fait des «fusillades de masse» une catégorie d’événements reconnus aux États-Unis, le World Socialist Web Site s’est efforcé de développer une compréhension critique de ce que l’on qualifie généralement de «violence insensée» en Amérique.

Comme nous l’avons noté dans un commentaire récent, les deux décennies écoulées depuis Columbine ont coïncidé avec la décomposition de la société américaine sous l’impact de l’inégalité sociale croissante et de la guerre impérialiste sans fin:

[blockquote]Cela fait également deux décennies, plus ou moins, depuis la déclaration de la «guerre contre le terrorisme» et les invasions de l’Afghanistan puis de l’Iraq, deux décennies depuis le détournement d’une élection nationale et le rejet de toute préoccupation de la bourgeoisie américaine pour les normes démocratiques, deux décennies d’inégalités sociales grandissantes et deux décennies d’attaques incessantes contre les conditions de vie des travailleurs…

La société capitaliste américaine se désintègre. Des actes antisociaux fous, comme celui de Columbine, ne seront pas arrêtés par les vœux pieux, encore moins par l’indifférence des pouvoirs en place.[/blockquote]

La catégorie générale des «fusillades de masse» a changé et acquiert de plus en plus un caractère politique.

Bien entendu, l’événement qui a, dans une certaine mesure, déclenché la vague de massacres en masse, les meurtres à Columbine, en avait un élément de cela. Il était prévu pour l’anniversaire de Hitler et l’anniversaire des attentats à la bombe d’Oklahoma City. Aujourd’hui, cependant, de tels massacres à caractère politique se produisent régulièrement, notamment l’attaque d’un bandit armé fasciste contre une synagogue à Poway en Californie en avril de cette année et le massacre de la synagogue Tree Of Lifeà Pittsburgh en octobre 2018.

Et comme le montre l’exemple de l’attaque de Gilroy en Californie, loin des «vœux pieux» de mettre fin à de telles violences, le gouvernement américain actuel incite délibérément à de telles atrocités. Le président Trump poursuit une stratégie politique définie, facilitée politiquement par les démocrates, visant à attiser la violence et à créer les conditions propices à des mesures toujours plus autoritaires.

Le système capitaliste dans son ensemble est responsable. La déception amère envers Obama, l’incitation fasciste de Trump, combinée aux difficultés économiques et à la guerre sans fin, encouragent et produisent un nouveau phénomène: le tireur de masse ouvertement à droite.

Patrick Martin

 

L’auteur recommande également :

Attaque d’un tireur fasciste dans une synagogue de Californie [30 avril 2019]

Article paru en anglais, WSWS, le 31 juillet 2019

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En juillet, il fait d’habitude très chaud à Alep. C’est le mois où beaucoup de jeunes participaient à des camps en dehors de la ville. Il y avait tous les jours des départs de groupes de campeurs vers les lieux d’estivage. Certains allaient à la montagne comme à Kessab, d’autres à Marmarita ou à Machta el Helou dans la vallée des chrétiens. Ceux qui connaissent ces régions de la Syrie savent qu’on y trouve souvent des enfants et des jeunes qui parcourent les routes des villages, les unsen promenade et d’autres en camp volant. Cet été, et depuis deux ans, ces routes, désertées pendant au moins 5 ans à cause de la guerre, ont vu les jeunes revenir et en nombre. Il reste d’autres lieux qui leur sont toujours interdits : Les villages chrétiens de la province d’Idleb comme Knayeh, Yacoubieh et Ghassanieh où il ne reste qu’une petite, toute petite communauté de chrétiens.

Quoiqu’une bonne partie du pays ait été libérée, et que les médias ne parlent que de temps en temps de la Syrie, il reste quand même des foyers de grande tension comme la province d’Idleb et le nord-est du pays.

L’armée syrienne est en train de mener des combats pour libérer Idleb, province tenue par le front al Nosra. Peut-on espérer qu’un jour prochain toutes ces régions puissent être libérées ? Nous le souhaitons ainsi que le retour à la souveraineté nationale de tous les territoires occupés.

Entre temps, nous subissons les conséquences d’un embargo et des sanctions occidentales qui empêchent la reconstruction du pays et le redressement économique. Les Syriens s’appauvrissent. Le pouvoir d’achat ne cesse de diminuer.

Je pense à cet homme âgé de plus de 75 ans, ancien élève des Maristes, qui se retrouve sans aucune ressource économique :

« Les quelques économies quej’avais réalisées sont épuisées. Il ne me reste plus rien. Je n’étais pas pauvre. Je gagnais ma vie. J’ai élevé ma famille dans des conditions moyennes mais dignes.Aujourd’hui, je suis pauvre ! ».

Pauvre… Pauvreté… Misère… Ne pas manger à sa faim…Ne pas trouver un travail… La population, qui a souffert des atrocités de la guerre, continue à payer très fort le prix d’avoir résisté et d’avoir accepté de rester. En écoutant les gens, plusieurs croient qu’ils ont fait le mauvais choix de ne pas quitter surtout, quand des parents ou des amis, qui ont émigré et réussi à s’adapter dans les pays d’émigration, leur décrivent leur situation.

Et ce n’est pas fini : à l’horizon pointe inlassablement cette angoisse d’une possible guerre qui pourrait enflammer toute la région du Moyen Orient.

Certains quartiers d’Alep continuent à être la cible d’obus qui font, souvent, des victimes civiles. Et malgré cela, Alep veut renaitre de ses cendres. Ses habitants font tout leur possible pour sortir de leur misère, pour « Choisir la vie ». Ce n’est pas toujours facile. Nous rencontrons souvent des mères de familles veuves, divorcées ou qui n’ont aucune nouvelle de leur mari disparu. Elles ont 3 ou 4 enfants. La guerre est passée dans leur foyer. Elle ne les a pas uniquement obligées à se déplacer tant de fois et à vivre dans des quartiers qu’elles neconnaissaient pas, avec des gens qui ne sont pas des leur mais elle les a aussi obligées à vivre dans la plus grande misère. Je ne veux pas dresser une liste noire des drames vécus mais c’est une réalité terrible.

Se promener dans certaines rues d’Alep, voir les gens fumer un narguilé dans un café, observer les apparences d’une vie normale… Tout cela est réel. Même une ruelle des souks d’Alep a été complètement restaurée. Elle fait peau neuve touten gardant le style ancien…Mais il reste beaucoup à faire, surtout refairel’homme, refaire la communauté, refaire l’appartenance et la citoyenneté. Il reste à éduquer aux valeurs : s’ouvrir à l’autre, diffèrent, et le respecter, résoudre pacifiquement les différences, et se déplacer vers le plus démuni…

Il y a deux mois, le programme « Pueblo de Dios » de la télévision espagnole a présenté en deux temps l’action et la mission des Maristes Bleus. L’équipe de la télévision avait passé une semaine parmi nous. La première émission avait pour titre « Les Héros du silence ».

Sommes-nous vraiment des « Héros » ? De quel silence s’agit-il ?

Presque 3 ans après la fin des combats dans la ville d’Alep, notre mission est deplus en plus actuelle. Etre au service de la population surtout des personnes les plus vulnérables.

Nous continuons à être au secours des déplacés. Nous payons les loyersd’appartements de centaines de familles qui n’ont pas pu regagner leur domicile.

Nous aidons dans la mesure de nos moyens à soigner gratuitement, dans les meilleurs hôpitaux de la ville, les plus démunis.

Notre centre d’éducation pour adultes, le MIT, continue à organiser des sessions de formation, d’apprentissage et de support psychologique.

Afin de créer des opportunités de travail et d’encourager les jeunes à rester au pays, le programme Micro-Projets continue à assurer une formation à des dizaines de jeunes sur « Comment lancer son propre micro-projet » et à soutenir financièrement les micro-projets que notre jury sélectionne.

L’année scolaire des projets éducatifs des enfants de 3 à 7 ans (Apprendre A Grandir et Je Veux Apprendre) est terminée et des activités d’été ont été organisées durant les mois de juin et juillet. Les inscriptions pour l’année prochaine annoncent une demande grandissante à laquelle nous ne pouvons toujours pas satisfaire, vu l’espace réduit que nous avons.

Nous continuons à animer le camp de déplacés « SHAHBA » à 25 kilomètresd’Alep. Nous y allons plusieurs fois par semaine pour prendre en chargel’éducation et l’instruction des enfants et des adolescents, l’accompagnement desmamans et la distribution de denrées alimentaires et de produits d’hygiène. Récemment, nous avons démarré un programme médical avec la visite régulièred’un gynécologue et d’un interniste et la fourniture gratuite des médicaments nécessaires.

Les jeunes déplacés du camp ont suivi durant 5 mois des sessions de formation professionnelle (maquillage et couture pour les jeunes filles, peinture en bâtiments et coiffure pour les jeunes hommes). Les participants ont ensuite reçu une attestation de présence et un outil de travail correspondant au métier appris. Nous espérons pouvoir continuer à former les jeunes à des métiers d’avenir.

Notre bibliothèque ambulante pour le camp s’enrichit de plus en plus de livres delecture. Nous encourageons tous les enfants, même s’ils ne savent pas lire, àemprunter des livres. Le livre devient un ami, une source d’inspiration et d’imagination, une occasion pour apprendre plus vite. Les responsables profitentde l’écran installé dans la bibliothèque pour faire des activités éducatives en projetant des films ou en proposant des jeux de culture générale.

A l’occasion de la fin du Ramadan, nous avons organisé, au camp, une grande fête pour les familles déplacées, une Kermesse pour les enfants et une distribution de vêtements neufs pour tout le monde

Heartmade, pour le recyclage de tissus et de vêtements, va faire peau neuve. Un nouveau magasin a été loué. Il se situe dans une rue plus commerciale. Les travaux de décor seront terminés prochainement et nous espérons fairel’ouverture autour du 15 août.

L’équipe de Seeds prépare un nouveau plan d’action pour l’année prochaine. Nous allons élargir l’espace de notre tente pour accueillir d’autres enfants etjeunes pour un soutien psychologique de plus en plus perfectionné.

Plusieurs amis sont venus passer un grand temps avec nous. Ils ont participé àplein d’activités éducatives : Soumaya Hallak pour la musique, Diane Antakli des Baroudeurs de l’Espoir pour le sport et Veronica Hurtubia pour une 2eme session de formation à la résilience.

Les réunions de formation et de développement de la femme se déroulent avec beaucoup de succès. Les femmes du projet « Coupe et couture » ont terminé la 7eme session d’apprentissage. Elles en sont très satisfaites.

« Goutte de lait » continue à être au service de 3000 enfants qui reçoivent régulièrement leur ration mensuelle de lait.

Cet été, et pour une première, nous organisons un séjour d’une semaine au Liban pour toute notre équipe de bénévoles Maristes Bleus. En effet, Les frèresMaristes ont une maison d’estivage à Faraya (Liban). Nous y serons du 5 au 12 août. Ce sera un temps de convivialité et de repos … Un temps de spiritualité et de découverte du Liban et, pour certains, un temps de retrouver des parents qu’ils n’ont pas pu voir depuis des années.

Pour terminer, je partage avec vous ce texte de jean d’Ormesson dans son livre« Un hosanna sans fin ».

« Les chrétiens n’ont pas le droit de se plaindre – d’ailleurs, ils ne se plaignent pas. Non seulement il ne peut pas leur être interdit de croire en un Dieu créateur du ciel et de la terre, mais ils ont la chance d’avoir pour modèle, sous leurs yeux, un personnage à qui l’existence et la place dans notre histoire ne peuvent pas être contestées : Jésus.

Lui au moins, il est permis de l’admirer et de l’aimer sans se poser trop dequestion sur sa réalité. Si quelqu’un a laissé une trace éclatante dans l’esprit deshommes, c’est bien le Christ Jésus. »

Bonnes vacances. Remplissons nos poumons de la création…

Fr. Georges Sabe
Pour les Maristes Bleus

Le 25 juillet 2019

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59252

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Le mythe du Québec raciste

août 2nd, 2019 by Nadia Alexan

Les accusations de racisme portées contre le peuple québécois dans la foulée du projet de loi 21 sur la laïcité de l’État sont fort mal fondées. Au contraire, l’histoire de ce peuple minoritaire en Amérique du Nord témoigne d’une ouverture et d’un rapprochement exemplaires envers les communautés culturelles.

Historiquement, les Canadiens français se sont distingués dès le départ par leur métissage avec les Amérindiens. Ils doivent entre 1 et 2 % de leur patrimoine génétique aux Amérindiens. Ce « mélange » rendrait compte de leur amour de la nature et de la liberté, de leur sensibilité sociale-démocrate, de leur recherche de la consultation, du consensus et du compromis, de leur goût de la médiation, et de leur aversion pour les divisions et les conflits.

Le rôle humanitaire du Québec sur le plan international témoigne de l’accueil et de la générosité de ce peuple hospitalier envers les immigrants. Déjà, en 1978, le gouvernement du Québec avait été le premier en Occident à accueillir les réfugiés indochinois (les boat people). D’ailleurs, l’opération de parrainage des réfugiés a connu un succès remarquable dans 192 villes et villages du Québec. De plus, la solidarité des Québécois avec la lutte du peuple salvadorien est bien connue.

Il faut se rappeler que c’est au Québec que le premier député d’origine juive dans l’histoire du Canada et de tout l’Empire britannique, Ézékiel Hart, a été élu en 1807, pendant que l’université McGill refusait les étudiants juifs. C’est au Québec également que Jean Alfred, un Haïtien, fut le premier Noir à être élu député, dans le comté de Papineau sous la bannière du Parti québécois. Et au chapitre des immigrants clandestins, le Québec a fait preuve de souplesse et d’humanité.

Dans le cadre des programmes de 1976 et de 1978, le Québec a accepté 40 % des réfugiés voulant fuir la guerre civile libanaise. Il ne faut pas oublier, non plus, la générosité des Québécois qui ont tenté de soulager les victimes des tremblements de terre en Italie en 1980.

Il faut souligner, notamment, les efforts de Gérald Godin, ministre des Affaires culturelles au sein du gouvernement de René Lévesque, d’instaurer le Programme d’enseignement des langues d’origine en guise de rapprochement avec les communautés interculturelles.

Ces mesures témoignent de la bonne volonté de gouvernements québécois successifs de tendre la main aux groupes ethniques et de les accommoder pour s’assurer de leur épanouissement.

Pourtant, on nous accuse de racisme pour avoir promulgué la loi sur la laïcité.

Cependant, l’ancien mufti de Marseille, l’islamologue Soheib Bencheikh nous prévient : « En défendant le droit des éléments les plus réactionnaires d’imposer leur interprétation de la religion, cet Occident tout pétri de bonnes intentions — et armé de chartes en tout genre — sape la lutte que mènent à l’interne les éléments plus progressistes de la communauté musulmane. »

L’intellectuel en veut pour preuve le débat sur le voile. « Bien sûr, il faut accorder les libertés à tout le monde, notamment s’il s’agit de la liberté de conscience. Mais est-ce que le voile, la burqa, le niqab, sont des problèmes de conscience et de spiritualité ? Ne s’agit-il pas plutôt de l’étendard avant-gardiste d’une idéologie conquérante qui utilise les libertés offertes en Occident — laïcité, liberté religieuse, etc. — comme un cheval de Troie pour s’imposer peu à peu ? »

Ainsi, les accusations de racisme, de xénophobie et d’intolérance contre le peuple québécois ne tiennent pas la route. Comme le disait souvent René Lévesque : « La marque d’une société civilisée se traduit dans la façon dont elle traite ses minorités. »

Les signes religieux sont des symboles d’un prosélytisme politique qui n’a rien à faire avec la religion. Demander aux fonctionnaires et aux enseignants en position d’autorité de ne pas porter de signes religieux pendant les heures de travail assure la neutralité et l’impartialité de l’État. La laïcité est tout le contraire du racisme et de la discrimination. C’est l’illustration même du principe de l’égalité et de la liberté de conscience. Il ne faut pas acquiescer à l’obscurantisme et à la misogynie au nom d’une ouverture à la diversité.

Les groupes ethniques ont tout à gagner à vivre en harmonie avec la majorité francophone au lieu de freiner les aspirations légitimes des Québécois.

Nadia Alexan

 

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Jour du dépassement: Comment freiner la catastrophe en cours?

août 2nd, 2019 by Chems Eddine Chitour

« Je ne veux pas que vous soyez pleins d’espoir, je veux que vous paniquiez. Je veux que, chaque jour, vous ayez peur comme moi. Et puis je veux que vous agissiez », Greta Thunberg, écologiste suédoise

Cette jeune écologiste nous met en garde contre une catastrophe annoncée. Elle nous dit que la biodiversité est en danger du fait de l’incurie des hommes notamment dans les pays développés  qui polluent consomment et gaspillent plus que de mesure.  On dit que si les citoyens de la Terre consommaient comme les Américains, il faudrait 5  planètes ! Alors qu’il n’y en a qu’une ! Cela veut dire que forcément d autres Terriens consomment moins.  

Les calculs montrent qu’il faut 0,7 planète si on est indien et peut être 0,1 planète si on est sahélien ! Cela veut dire que l’Américain consomme en une semaine ce que consomme le sahélien en une année ! Ceci explique la fameuse phrase guerrière de G.W. Bush : «  le niveau de vie des Américains ne se discute pas ».  Slogan repris par Donald Trump avec son fameux «  Make america great again »,traduit par une sortie de l’accord de la COP 21 avec en prime le pathétique « Make a earth great again » de Emmanuel Macron.

Agit-on mieux le dos au mur, quand il n’y a plus d’échappatoire, quand tout bascule ? C’est la thèse défendue par certains courants écologistes : l’humanité aurait détruit son environnement au point de provoquer l’effondrement imminent de la biosphère. Il s’agirait dès lors de se préparer matériellement et spirituellement à vivre dans le monde d’après. Catastrophisme éclairé ou grande peur obscurantiste ? Il y a un an, le 1er août 2018, Nicolas Hulot,  déclarait vouloir faire reculer ce jour du dépassement. « Nous devons apprendre à produire et à consommer différemment, car la poursuite des comportements actuels conduira inexorablement à des effondrements d’écosystèmes qui auront des conséquences tragiques sur notre économie, notre santé, notre alimentation ».

Hasard du calendrier , j’ai parlé de l’overshout-day ( le jour du dépassement ) trois jours auparavant le 27 juillet dans une conférence que j’ai donnée à HEC Montréal , j’avais notamment insisté  sur le fait qu’il faut lutter contre le changement climatique notamment en allant vers le développement durable par l’investissement dans le renouvelable, amélioration l’efficacité énergétique et surtout diminuer d’une façon drastique la consommation d’énergie fossile.

 Le jour du dépassement : l’Overshoot day

Cette année , le viatique mis à notre disposition par Dame Nature est consommée en sept mois , à la date du 29 juillet 2019. Cela veut dre que nous forçons la nature à être en déséquilibre ; elle n’arrive pas à absorber par exemple tout le CO2  du fait qu’il y a de plantes – notamment par la déforestation- pour absorber tout le CO2 produit  Jean-Baptiste Malet résume cela en écrivant :

« Dérèglement climatique, extractivisme effréné, déforestation, érosion de la biodiversité, multiplication des catastrophes environnementales… L’accumulation de ces faits chaque jour mieux documentés par les scientifiques a fait émerger dans le débat public une préoccupation brûlante : sous l’effet de certaines activités humaines, des bouleversements imminents ou en cours conduisent à l’effondrement de la civilisation. (…)Certains partisans de cette thèse conçoivent la peur de l’apocalypse comme un catalyseur pour l’action ; d’autres prennent acte de l’indolence du personnel politique et pensent l’après-catastrophe ».(1)

Doit-on vraiment s’inquiéter du «Jour du dépassement»?

Bien que le mode de calcul soit sujet à critique, il a le mérite de tirer la sonnette d’alarme En 2017,  écrit  LeIla Marchand le jour du dépassement tombe le mercredi 2 août :

« Chaque année, l’ONG Global Footprint Network utilise les données de l’ONU pour calculer le «Jour du dépassement», date à laquelle la consommation de l’humanité en ressources naturelles excède ce que la nature est capable de générer en un an. En 2015, la situation s’est aggravée: l’humanité a commencé à vivre au-dessus de ses moyens dès le 13 août, 132 jours plus tôt qu’il y a quarante-cinq ans » (2).

« Un seul chiffre, inquiétant, résume ainsi à lui seul les enjeux environnementaux auxquels l’humanité doit faire face. Nous surexploitons la planète, qui ne peut plus suffisamment se régénérer ou absorber nos déchets. Laissons tomber l’empreinte écologique et commençons à mesurer directement notre empreinte carbone  (….) Pourquoi l’humanité vit-elle «à crédit», endettée? À cause du carbone. Les forêts et les océans ne peuvent pas absorber tout le dioxyde de carbone émis par l’homme. Le problème se situe donc moins dans la régénération des ressources pour nous nourrir que, très largement, dans le nombre de forêts disponibles pour absorber les déchets La question est donc mal posée, pour Michael Shellenberger, qui conclut: «Laissons tomber l’empreinte écologique et commençons à mesurer directement notre empreinte carbone. Et utilisons des mesures plus significatives pour vérifier si notre exploitation des terres, des forêts, des mers, est faite de façon durable.» En effet, les impacts environnementaux (par exemple la pollution ou l’épuisement de l’eau liés à l’agriculture) ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’empreinte écologique » (2).

 Signification de la «  catastrophe annoncée » 

On sait que la biodiversité est en danger ; De plus on se sent fataliste en admettant que les 2 C ont été dépassés et q’uil n’y a rien à faire ! La preuve avec les chaleurs actuelles, il a fait plus de 40°C  à new York la semaine dernière !  Lundi 29 juillet, l’humanité a consommé toutes les ressources que la planète peut renouveler en un an. Elle vivra donc « à crédit » jusqu’au 31 décembre.  Le « jour du dépassement » (« Earth overshoot day » en anglais) est la date à partir de laquelle l’humanité, ayant « consommé la totalité des ressources que la planète peut renouveler en une année », commence à vivre « à crédit », expliquent Global Footprint Network et WWF. Le « jour du dépassement » survient de plus en plus tôt chaque année, depuis que le « déficit écologique » a commencé à se creuser au début des années 1970.   cette date fatidique « continue inexorablement d’avancer » En 1977, la planète avait épuisé ses ressources le 12 novembre. Dix ans plus tard, en 1987, le « jour du dépassement » correspondait au 24 octobre. En 1997, c’était le 30 septembre. Et en 2007, il y a dix ans, le « jour de dépassement » survenait le 15 août » (3) .

Pour subvenir à nos besoins, nous avons aujourd’hui besoin de l’équivalent de 1,7 planète », analysent WWF et Global Footprint Network, qui précisent que « 60% de notre empreinte écologique mondiale » provient de l’émission de gaz à effet de serre.   Elles rappellent aussi que « la nature n’est pas un gisement dans lequel nous pouvons puiser indéfiniment ». Les conséquences de la surconsommation des ressources disponibles sur la planète sont d’ailleurs déjà bien visibles : « Pénuries en eau, désertification, érosion des sols, chute de la productivité agricole et des stocks de poissons, déforestation, disparition des espèces. »   Et cette année, cette date symbolique est fixée le 210e jour de l’année… Soit 100 jours plus tôt qu’il y a 40 ans  Une date symbolique fixée cinq mois plus tôt qu’en 1970 En 2018, le « jour de dépassement » mondial était atteint le 1er août. En 1970, c’était le 29 décembre, soit à la toute fin de l’année.. (3).

 «  Depuis le 10 mai dernier, les 512 millions d’habitants de l’Union européenne vivent à credit ? Qu’en 5 mois, en Europe, nous avions déjà consommé la totalité de ce que la planète est en capacité de régénérer en nourriture, fibres et matériaux sur une année ?  Cette année, ce jour est le 29 juillet. Surpêche, destruction des forêts, émissions de gaz à effet de serre, surexploitations minières, appauvrissement des sols… Une logique productiviste boulimique qui ne laisse à la planète, ni le temps de régénérer ses ressources, ni celui d’absorber les déchets… Et cela ne peut plus durer ! Il appartient à chacun, de se mobiliser pour inverser cette tendance dont nous observons chaque jour les conséquences dramatiques : pénuries de ressources, pollution, extinction de masse des espèces » (4)

« L’humanité utilise actuellement les ressources écologiques 1,75 fois plus vite” que les capacités de régénération des écosystèmes, souligne l’ONG dans un communiqué. Les modes de consommation selon les pays présentent d’énormes écarts: “le Qatar atteint son jour du dépassement après seulement 42 jours, tandis que l’Indonésie a consommé toutes les ressources pour l’année entière après 342 jours.”

En clair il faudrait plus de six planètes pour le Qatar  ceci nous donne une idée du gaspillage de cet émirat. La consommation d’électricité  du Qatari est deux fois plus importante que celle de l’Américain moyen avec 18.000 kWh/an  20 tonnes équivalent pétrole ou encore plus de 50 tonnes de CO2/an . En comparaison  le sahélien n’a pas accès à l’électricité il consomme 0,2tep/an et   moins d’une tonne de CO2 alors qu’il ne faudrait que 0,7% de la Terre si tout le monde vivait comme les Indiens,  

Jour du dépassement : Comment fait on le calcul 

Il existe différentes méthodes de calcul qui prennent en compte toutes les dépenses d’énergie Coralie Lemke  écrit : « un test mis au point par ce groupe de réflexion permet de calculer sa propre empreinte écologique, en indiquant combien de planètes Terre il faudrait si chaque habitant vivait comme vous… Type de logement, alimentation, transports : notre mode de vie est passé au crible. Pour faire le test, il suffit de se rendre sur le site « Foot Print Calculator« . » (5)

Comment consommer moins en consommant mieux ?

Plusieurs leviers d’action sont possibles. Le plus important est de diminuer la consommation d’énergie fossile due aux transports. Un transport par avion consomme une quantité très importante de carburant contrairement au train ..« Le principal levier d’action concerne nos émissions de gaz à effet de serre qui représentent à elles seules 60% de notre empreinte écologique mondiale”, fait valoir WWF. “En diminuant les émissions de CO2 de 50%, nous pourrions gagner 93 jours dans l’année, soit faire reculer le jour du dépassement à octobre”, estime l’ONG. “En divisant par deux la consommation de protéines animales, nous pourrions repousser la date du jour du dépassement de 15 jours par an” et en divisant le gaspillage alimentaire par deux, on pourrait gagner dix jours, poursuit WWF. contre un peu plus de deux avec le niveau de consommation des Chinois ». (6)

« Pour améliorer son score, Global Footprint Network propose deux pistes. « Le principal levier d’action concerne nos émissions de gaz à effet de serre qui représentent à elles seules 60% de notre empreinte écologique mondialeEn diminuant les émissions de CO2 de 50%, nous pourrions gagner 93 jours dans l’année, soit faire reculer le jour du dépassement à octobre« , souligne l’association WWF. Un conseil qui touche directement nos modes de transport, à savoir, moins prendre l’avion ou la voiture et privilégier les transports en commun.   L’autre solution se trouve dans notre assiette. Les aliments ne nécessitent pas tous les mêmes ressources pour être produits.  continue le WWF, qui propose aussi de diminuer le gaspillage alimentaire.   Dix jours pourraient encore être grignotés en divisant par deux le gaspillage alimentaire, avance encore le WWF, rappelant que 30 % de la production agricole mondiale était perdue ou gaspillée. « Si l’on continue comme cela, le réchauffement atteindra les + 4 °C à + 5 °C en 2100. C’est un monde que personne ne souhaite et pourtant on va droit vers un bouleversement total de la planète », dénonce encore  Arnaud Gauffier. » (6 )

« Cette date toujours plus précoce traduit la rapacité et le caractère prédateur de l’homme sur les ressources naturelles. Nous détruisons toujours plus vite les capacités de renouvellement des ressources de la planète »,dénonce Arnaud Gauffier, co-directeur des programmes au WWF-France. En moyenne mondiale, on estime qu’il faudrait 1,75 planète pour satisfaire les besoins annuels de la population mondiale. Pour la France,  la date de ce jour symbolique du dépassement est tombée le 5 mai pour le pays.   Depuis la COP21 en décembre 2015, rien n’a été fait. Les émissions de CO2 ont recommencé d’augmenter dans le monde entier dans des proportions inquiétantes, avance Arnaud Gauffier. Les chances de rester dans les limites décidées alors d’un réchauffement à + 1,5 °C sont de plus en plus minces et les efforts vont devoir être beaucoup plus importants. »(6)

Conclusion

La catastrophe est annoncée. Toutes les niches écologiques sont concernés. Déjà Einsitein il y a plus de soixante dix ans s’inquiétait de la disparition des abeilles et il eut ce jugement sans appel. Si les abeilles disparaissent et elles disparaissent notamment  à cause des pesticides, l’humanité disparaitra. On signale de plus en plus de  déclins voire de disparitions  d’animaux d’oiseaux , de plantes. C’est l’écosystème qui est concerné dans son ensemble.

En Algérie le gaspillage est un sport national nous pouvons économiser au moins de l’énergie gaspillée soit au moins 10 millions de tep ou encore 30 millions de tonnes de CO2 en moins et dans le même temps cette énergie non consommée peut être laissée aux générations futures mais qui s’en inquiète  ? L’énergie,  l’environnement , les économies d’énergie, consommer moins en consommant mieux, devrait être le cap de l’Etat qui commencerait d’abord à réduire le train de vie, aller vers le sirghaz, développer la locomotion électrique.

En Algérie d’une façon irresponsable on a permit la floraison de monteurs de voitures énergivores qui n’ont plus court ailleurs en oubliant que chaque calorie gaspillée est un rapprochement du chaos. C’est dire que l’un des chantiers  du futur gouvernement c’est de mettre de l’ordre et réaliser cette sobriété énergétique  ( al kanna3)   pour sortir de l’ébriété énergétique actuelle fruit d’une démagogie de subventions non ciblées et aller vers le Développement Durable. En tant que citoyens du monde nous devons à l’instar du colibri du conte indien faire notre part aussi modeste  soit elle . C’est cela aussi  le partage du fardeau des changements climatiques.

Professeur  Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

 

Notes :

 1.Jean-Baptiste Malet https://www.monde-diplomatique.fr/2019/08/MALET/60145

2.Leïla Marchand  http://www.slate.fr/story/105535/jour-depassement-methode-calcul

3.https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/jour-du-depassement-cinq-questions-sur-cette-date-qui-symbolise-notre-consommation-des-ressources-de-la-terre_2310311.html

4.https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/l-humanite-a-deja-epuise-les-ressources-de-la-planete-pour-l-annee_2092080.html?

5.Coralie Lemkehttps://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/pollution/combien-de-terres-faudrait-il-si-tout-le-monde-vivait-comme-vous_135948# xtor=EPR-1-[SEAActu17h]-20190729

6..Rémi Barrouxhttps://www.lemonde.fr/planete/article/2019/07/29/a-partir-du-29-juillet-l-humanite-vivra-a-credit_5494498_3244.html?

 

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Les Etats-Unis ont officiellement demandé à l’Europe, en particulier au Royaume-Uni, à la France, à l’Allemagne et à l’Italie, de fournir une force navale pour patrouiller et protéger les navires qui naviguent dans le détroit d’Hormuz, dont le commandement et le contrôle seraient assurés par les Européens et non par les Etats-Unis. Washington veut mettre l’ancien continent en première ligne en cas d’affrontement militaire avec l’Iran. Tout le monde sait que les Etats-Unis sont responsables de la tension qui règne actuellement au Moyen-Orient du fait de leur retrait unilatéral et illégal du plan d’action global conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action – JCPOA), connu sous le nom d’accord nucléaire.

Cependant, à la consternation des Etats-Unis, l’Europe a jusqu’à présent refusé de leur emboîter le pas. Les Etats-Unis voudraient que l’Europe s’implique davantage. Pourtant l’Administration Trump ne veut pas la guerre, même si l’Iran a pointé ses missiles sur le HMS Montrose de la Royal Navy britannique et sur les destroyers américains (lorsque le Corps des gardiens de la révolution iranienne a saisi le pétrolier britannique Stena Impero). C’est pour ça que le commandement britannique a préféré éviter une confrontation militaire et a décidé de ne pas ouvrir le feu pour protéger le pétrolier.

“Je vous ordonne de ne pas intervenir dans mon opération. Le pétrolier est sous mon contrôle. Ne mettez pas votre vie en danger”. Voilà exactement ce que l’officier de la marine iranienne des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) a dit au commandant du Foxtrot 236 lorsque les forces spéciales iraniennes s’apprêtaient à aborder le pétrolier Stena Impero. Mais pourquoi a-t-il averti la marine britannique de “ne pas risquer la vie de ses soldats” ?

Les radars de la marine britannique avaient découvert que des radars actifs de guidage de missiles les suivaient au moyen de radars semi-actifs depuis différentes plates-formes de lancement – des radars principaux qui pouvaient facilement engendrer une attaque intensive pour rendre le navire impuissant et éventuellement le détruire. Les missiles iraniens étaient prêts à être lancés si le commandant du navire britannique avait décidé d’ouvrir le feu sur les rapides vedettes iraniennes.

Les lanceurs de missiles iraniens répartis tout au long de la côte iranienne qui surplombe le détroit d’Hormuz ciblaient les quatre navires américains et le navire de guerre britannique et étaient prêts à attaquer. D’autres drones armés iraniens étaient dans les airs, également prêts à attaquer les cibles prévues. L’Iran n’a pas révélé, à ce jour, d’autres missiles plus sophistiqués qu’il a fabriqués et qu’il pourrait mettre en service en cas de guerre.

Le commandant britannique du Foxtrot 236 de la Royal Navy a décidé de renoncer au Stena Impero et de laisser la diplomatie de son pays prendre la relève pour éviter les grandes pertes humaines inévitables dans une confrontation militaire.

Cependant, le gouvernement britannique veut sauver la face. Il doit donc rejeter tout échange de pétroliers. La Royal Navy avait auparavant confisqué un superpétrolier iranien, Grace 1, à Gibraltar. Londres avait exacerbé le conflit avec l’Iran avec la décision du tribunal de Gibraltar de prolonger d’un mois l’arraisonnement du superpétrolier iranien à la demande des États-Unis.

La seule solution envisageable est que le tribunal de Gibraltar s’abstienne de jeter encore plus d’huile sur le feu en mettant fin à la détention du Grace 1, une fois le délai d’un mois écoulé. Cela permettra à l’Iran de libérer Stena Impero du port de Bandar Abbas et de mettre fin à la crise.

Pourquoi l’officier du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a-t-il ordonné au commandant britannique de se tenir à l’écart alors que le HMS Montrose était à portée de main, avec quatre autres frégates américaines bien armées et prêtes à attaquer ?

Lorsque les autorités britanniques ont décidé de prolonger la saisie du “Grace 1”, cela a sonné le glas de l’initiative d’Emanuel Bonne (l’envoyé présidentiel français) pour obtenir la libération du super tanker iranien. La décision du Royaume-Uni de torpiller l’initiative de son partenaire européen et de se conformer à la position étasunienne a montré la fragilité de l’unité de l’Europe. Londres a accepté d’être un instrument de la politique de Trump.

C’est alors que le leader iranien Sayyed Ali Khamenei a ordonné au commandant du CGRI Hussein Salameh d’arrêter le premier navire britannique et de rendre coup pour coup. Après un soigneux passage en revue de tous les navires naviguant dans la zone, Salameh a été informé que le Stena Impero, mais aussi sur les cinq navires militaires occidentaux naviguaient à proximité. Le commandant du CGRI a informé Sayyed Khamenei qui a répondu, selon une source bien informée: “N’aie pas peur, Dieu est avec toi. Ils n’oseront pas nous attaquer”.

C’est ainsi que la décision a été prise, au plus haut niveau de la hiérarchie iranienne avec les directions spirituelle, militaire et politique toutes rassemblée sous le drapeau de la “protection de l’intérêt national et la sécurité du pays.”

Malgré la position du Royaume-Uni, l’Europe ne tombera pas dans le piège américain et ne jouera pas le rôle de bouclier dans une guerre que Washington voudrait imposer au continent. Les compagnies pétrolières britanniques sont en train de modifier les immatriculations de leurs navires et de retirer le pavillon britannique pour pouvoir traverser le détroit d’Ormuz en toute sécurité. BP, le géant pétrolier britannique qui a été le premier à le faire, évite d’envoyer des navires dans la région, en utilisant des sous-traitants. C’est une manifestation flagrante de son manque de confiance dans la décision de son propre gouvernement, ce qui n’est pas dans l’intérêt du Royaume-Uni, mais reflète plutôt un dévouement servile à la politique administrative de Trump.

Les propriétaires de pétroliers qui naviguent dans le golfe Persique s’assurent contre les risques de guerre. Ils doivent maintenant payer 185 000 dollars de plus pour les super tankers, suite aux évènements de ces derniers mois.

Le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) a envoyé de nombreux messages, en abattant un drone américain, en sabotant des tankers et en en capturant un. On peut les résumer en un seul : si l’Iran ne peut pas exporter pas son pétrole, aucun pays ne le fera. L’arrivée d’un nouveau navire de la Royal Navy britannique, le HMS Duncan, ne changera rien : il s’ajoutera à la liste des cibles dont les Iraniens disposeront dans le golfe Persique en cas de guerre. La décision américaine de révoquer l’accord nucléaire a non seulement rendu le Moyen-Orient moins sûr, mais elle a également provoqué l’entrée de la Russie dans les eaux chaudes de la région : L’Iran a annoncé un exercice naval conjoint avec la Russie dans les prochains mois. L’Iran fait entrer les Russes dans ce qui était autrefois le “terrain de jeu aquatique” des Etats-Unis. De toute évidence, la “pression maximale” de Washington ne donne pas les résultats escomptés par les Américains.

Tant que Trump sera au pouvoir, la situation au Moyen-Orient ne se stabilisera pas. Rares sont ceux qui, dans le monde, ont cru le secrétaire d’État Mike Pompeo quand il a dit que les sanctions étasuniennes paralysaient l’Iran à hauteur de 95 % et que l’influence de l’Iran au Moyen-Orient était sérieusement affectée par les mesures étasuniennes.

L’Iran défie l’hégémonie américaine et est prêt à la guerre ; il défie ouvertement les États-Unis et le Royaume-Uni. Téhéran se félicite du soutien de la Chine et de la Russie et développe sa capacité de missiles pour compenser son manque de supériorité en mer et dans les airs.

L’Iran compte sur ses missiles pour imposer ses règles d’engagement et défie les Etats-Unis ainsi que le Royaume-Uni et sa tradition impériale.

Les Etats-Unis ne sont plus en mesure de dicter leur loi à l’Iran ni de lui “couper les ailes”. Téhéran est en train de développer sa technologie de missiles et sa capacité nucléaire. Il est prêt pour l’étape suivante, qui consiste en un nouveau retrait partiel de l’accord nucléaire en dépit des efforts de la France et de l’Allemagne pour se distancier de la position étasunienne. Le monde continuera à concentrer son attention sur cette partie du monde et à suivre anxieusement l’évolution du bras de fer entre les Etats-Unis et l’Iran.

Elijah J. Magnier

Photo en vedette : le Corps des gardiens de la révolution islamique Iranienne au bord du Stena Impero

Traduction :de l’anglais : Dominique Muselet

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Il y a huit jours, dans le village de Wadi al-Hummus, à Jérusalem-Est occupée illégalement par Israël, onze bâtiments palestiniens contenant soixante-dix appartements de familles, ont été démolis par une opération militaire menée par plus de mille soldats, policiers et employés municipaux, avec des bulldozers, des tractopelles et des explosifs. Les habitants qui ont résisté ont été roués de coups par les soldats, jetés en bas des escaliers, et ont même été tirés à bout portant avec des balles de caoutchouc. Les soldats ont été filmés en train de rire et de fêter leur sale job. Les occupants qui n’ont pas résisté et qui ont levé les mains en signe de reddition, n’ont pas été épargnés, tout comme les observateurs étrangers qui se sont joints à ceux qui protestaient d’indignation. Les blessures subies par quelques victimes ont été photographiées et sont disponibles en ligne.

Douze Palestiniens et quatre observateurs britanniques ont dû être hospitalisés. Les Britanniques ont dit avoir été « piétinés, traînés par les cheveux, étranglés avec un foulard et aspergés de spray au poivre par la police des frontières israélienne. » L’un des hospitalisés a raconté comment les soldats israéliens l’ont traîné par les pieds, soulevé et frappé à coups de pied dans l’estomac, pendant qu’un soldat lui frappait la tête avec le pied à quatre reprises « à pleine puissance » avant de se tenir sur sa tête et de lui tirer les cheveux. Un autre a eu une fracture aux côtes après que « [le policier] m’a shooté dans la gorge et que d’autres ont commencé à me frapper au torse. C’était une démonstration de violence sadique… »

Un autre observateur étranger a aussi été traîné hors de la maison : «… ses mains ont été écrasées au point de lui infliger une fracture aux articulations de la main gauche, et sa main droite qui a subi de graves lésions tissulaires, restera définitivement déformée à moins de subir une intervention de chirurgie esthétique. »

Edmond Sichrovsky, un activiste autrichien d’origine juive qui se trouvait dans l’un des bâtiments, a raconté comment les forces israéliennes ont enfoncé la porte, traîné dehors en premier les Palestiniens, « frappé le grand-père au sol devant ses petits-enfants qui pleuraient et criaient. » Les téléphones portables ont été pris de force pour exclure toute prise de vue ou photo avant que les soldats ne commencent à l’attaquer, ainsi que quatre autres activistes. « J’ai été frappé à plusieurs reprises et me suis agenouillé, ce qui m’a fait saigner du nez et laissé de multiples coupures, ainsi que les lunettes cassées d’un coup de genou au visage. Une fois dehors, ils m’ont plaqué contre une voiture en criant des insultes contre moi et les militantes, en les qualifiant de putains. »

Les bâtiments ont été détruits parce qu’ils étaient trop près du mur de séparation israélien, le gouvernement de Benjamin Netanyahou parlant « de problèmes de sécurité. » Les familles qui vivaient dans les bâtiments n’ont eu ni le temps ni la possibilité d’enlever leurs meubles et leurs autres biens. Ils devront maintenant fouiller les décombres pour voir ce qu’ils peuvent récupérer, si les soldats israéliens le leur permettent. Ils devront aussi trouver d’autres endroits pour vivre, les Israéliens n’ayant pris aucune disposition pour les héberger.

Les bâtiments avaient été construits légalement sur des terres sous contrôle de l’Autorité palestinienne, un détail que les autorités israéliennes ont choisi de considérer hors de propos. Quand les Palestiniens protestent contre ce genre de comportement arbitraire, ils sont renvoyés devant les tribunaux militaires israéliens, qui entérinent toujours les décisions du gouvernement. Et la kleptocratie de Netanyahou a clairement fait savoir qu’elle ne reconnaissait pas le droit international sur le traitement des personnes sous occupation.

Les bâtiments ont été détruits quelques jours après que des colons israéliens déchaînés poursuivaient leur campagne de destruction des moyens de subsistance de leurs voisins palestiniens. Le 10 juillet, en Cisjordanie, dans une démarche délibérée visant à chasser les Arabes de leurs terres en rendant impossible l’agriculture et en étranglant l’économie locale, des centaines d’oliviers ont été brûlés. Les oliviers sont particulièrement ciblés car cette culture marchande met plusieurs années à pousser et à produire. Il est aussi bien connu que les colons israéliens tuent le bétail, empoisonnent l’eau, détruisent les cultures, incendient les bâtiments, battent et même tuent les agriculteurs palestiniens et leurs familles. Et à Hébron, les colons ont encerclé la vieille ville, jeté des excréments et diverses ordures dans les magasins palestiniens situés en contrebas qui tentent toujours de travailler. Il ne devrait surprendre personne que les colons juifs qui se livrent à la violence sont rarement arrêtés, encore moins jugés et quasiment jamais punis. L’horrible régime de Benjamin Netanyahou a déclaré que ce qui était naguère la Palestine est désormais le pays appelé Israël, et qu’il est uniquement pour les Juifs. Le meurtre d’un Palestinien par un Israélien juif, est considéré de facto comme un délit mineur.

Et pendant ce temps, le carnage se poursuit à Gaza, avec plus de 200 morts et plusieurs milliers de blessés parmi les manifestants palestiniens désarmés, dont beaucoup d’enfants et de membres du corps médical. Dernièrement, les tireurs embusqués de l’armée israélienne ont reçu l’ordre de viser les chevilles des manifestants, pour qu’ils restent mutilés à vie. Voilà les recettes qu’il faut appliquer pour être « l’armée la plus morale » du monde, comme le raconte le pseudo-intellectuel français Bernard-Henri Levy, qui démontre cette fois encore que la tribu sait se serrer les coudes. Mais les crimes de guerre d’Israël nécessitent aussi le soutien illimité des États-Unis, à la fois en argent et en couverture politique, pour permettre que tout arrive. Israël ne tuerait pas les Palestiniens avec une telle impunité sans le feu vert de Donald Trump et de son ami colon, l’ambassadeur David Friedman, soutenu par un Congrès qui semble préférer les Israéliens aux Étasuniens.

Comment se fait-il que le traitement horrible que réservent aux Palestiniens les Israéliens, aidés et encouragés par la diaspora juive mondiale, ne figure pas dans les gros titres du monde entier ? Pourquoi mon gouvernement, avec son programme hautement suspect, mais néanmoins déclaré, consistant à « apporter la démocratie et la liberté à tous », reste le bec clos à propos des Palestiniens ? Ou ne condamne-t-il pas le comportement d’Israël, comme il l’a déjà fait pour l’Afrique du Sud ?

Peut-on seulement imaginer ce que seraient les manchettes du New York Times et du Washington Post, si des soldats et des policiers expulsaient et tabassaient les résidents de logements dans une ville aux États-Unis ? Mais curieusement, Israël s’en tire toujours, quoi qu’il fasse, et les politiciens des deux bords se réjouissent de l’immuabilité de la « relation spéciale » avec l’État juif.

À la suite des démolitions de maisons, en opposant son veto au Conseil de sécurité, Washington a une fois de plus empêché les Nations Unies de blâmer Israël pour son comportement. En conséquence, l’État juif n’est jamais tenu pour responsable de ses agissements horribles.

Pour être vraiment honnête, il faut dire qu’Israël est le nec plus ultra en matière de régime voyou. Avec l’aide du compère étasunien, il est parfait pour transformer ses voisins en ruines fumantes. Israël est manifestement malfaisant, et il n’est pas dans l’intérêt des États-Unis de continuer à être entraîné dans cette déchéance morale.

Philip Giraldi

Article original en anglais :

Israel Has “the Most Moral Army in the World”?, 30 juillet 2019

Cet article a été publié initialement en anglais par The Unz Review

Original : www.unz.com/pgiraldi/israel-has-the-most-moral-army-in-the-world/

Traduction Petrus Lombard via Réseau International

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Le président brésilien Jair Bolsonaro a averti que le journaliste étasunien Glenn Greenwald pourrait « faire de la prison au Brésil » pour avoir publié des conversations téléphoniques privées avec le ministre de la Justice Sergio Moro, selon l’Associated Press.

Les commentaires du membre du Cabinet – publiés par The Intercept, que Greenwald a co-fondé – ont soulevé la question de savoir s’il avait conspiré pour empêcher l’opposant de Bolsonaro Luiz Inacio Lula da Silva de participer à l’élection présidentielle de 2018.

Moro a annoncé la semaine dernière que quatre personnes avaient été arrêtées pour avoir prétendument piraté des téléphones qui, selon lui, ont été utilisés comme source des conversations qui ont fait l’objet de fuites vers Greenwald et The Intercept.

Bolsonaro a qualifié Greenwald d' »escroc » mais a déclaré qu’il ne ferait pas partie d’un décret publié par Moro la semaine dernière appelant à l’expulsion des étrangers considérés comme dangereux.

« Subterfuge, subterfuge, pour éviter un tel problème, il épouse un autre subterfuge et adopte un enfant au Brésil, » a dit Bolsonaro.

Greenwald vit à Rio de Janeiro avec son mari, un ressortissant brésilien, et leurs deux enfants adoptés.

« C’est le problème que nous avons. Il ne partira pas. Peut-être fera-t-il de la prison au Brésil, mais il ne sera pas expulsé », a-t-il ajouté.

Greenwald a répondu à Bolsonaro sur Twitter, le traitant de « vouloir être dictateur » qui n’a aucune autorité pour le virer du pays.

Joe Concha

Traduction SLT

Lire également :

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Mafia versus Empire

août 1st, 2019 by Oscar Fortin

Nous avons tous une idée de ce que sont et font les Mafias dans les diverses régions du monde. On les qualifie d’organisations criminelles donnant suite au crime organisé. Selon leur envergure et leur puissance, ces Mafias s’imposeront dans leurs milieux et feront respecter leurs lois.  Leur capacité de corruption leur permettra d’acheter des juges, des politiciens et même des autorités religieuses. Leurs ennemis devront faire face à la loi du plus fort et du plus violent. Les assassinats, les mises à feu de barres et d’édifices qui leur font obstacle, feront partie de leur arsenal pour mettre au pas les récalcitrants.

Le crime organisé, au niveau de ces mafias urbaines et régionales, s’enrichit avec la vente des drogues et des boissons, la traite des femmes,  le commerce des armes, le vol de banques, etc. Ils sont et font la loi qui les sert le mieux. Sous ce dernier aspect, ils ne sont pas sans faire penser à l’Empire, aux ambitions illimitées,  pour qui les lois deviennent celles qui lui permettent de satisfaire pleinement ses intérêts. À ce titre, nous pouvons dire, à la lumière d’un certain nombre de faits, que l’Empire étasunien répond parfaitement à ce profil d’État qui se comporte comme une Mafia pour qui la seule loi qui prévaut est celle qui le sert au mieux.

Lorsque nous regardons le comportement et les interventions de cet Empire au Venezuela et à Cuba, entre autres, nousréalisons que la Loi internationale, consacrée dans la Charte des Nations Unies, n’a aucune influence sur ses actions criminelles menées contre ces deux pays.

À l’occasion du Forum de Sao Pablo qui s’est réalisée au Venezuela, du 25 au 28 de juillet, le ministre des Relations extérieures de Cuba a pris la parole pour demander aux institutions internationales et régionales d’intervenir devant l’accentuation des sanctions et du blocus économique contre Cuba. Il a eu, entre autres, ces paroles :

« “#EEUU augmente les actions de piratage économique contre #Cuba. Ils exercent des activités illégales de surveillance et de persécution des navires et menacent les compagnies de transport maritime, les compagnies d’assurance et les gouvernements d’empêcher l’arrivée de carburant dans le pays. C’est un plan génocidaire | # NoMoreLock ” (1)

Dans ce cas, l’Empire se comporte comme une véritable organisation criminelle, caractéristique de toute Mafia.

Il en va de même pour le Venezuela, victime de cette mafia impériale qui a mis la main sur plus de 25 milliards de dollars du  peuple vénézuélien, argent destiné à l’achat de médicaments, de produits alimentaires et de produits industriels. Selon des études menées par des étudiants universitaires , ces sanctions auraient fait plus de 40 000 morts de 2017 à 2019. C’est quelque chose de grave. Tout cela, évidemment, hors de toute norme internationale. Non seulement il commet ces crimes, mais il en arrive à se joindre, avec sa corruption, gouvernements,  épiscopat, État du Vatican et pays d’Europe pour faire du Gouvernement  révolutionnaire le grand responsable de la misère du peuple due à  sa mauvaise administration. Inutile d’ajouter que la grande majorité des médias de communication sur lesquels il a plein pouvoir, vont amplifier cette conviction  et passer sous silence tous ces crimes commis à l’encontre du droit international.

Je voudrais bien que toutes ces bonnes âmes qui soutiennent cet Empire nous disent comment il est possible qu’il soit le sauveur de peuples et d’humanité tout en agissant hors du droit international, volant par milliards de dollars ces peuples, générant, par mercenaires interposés, la violence au sein de ces mêmes populations, interdisant le commerce international y pénalisant tous ceux qui se risqueraient à défier ces sanctions. Nous sommes loin du personnage évangélique du bon samaritain. Nous sommes plus près du personnage du « Parrain » qui voit à ses intérêts et qui agit selon ses propres lois. Le silence des pays et institutions religieuses sur ses crimes les transforme en complices de ces derniers.

En 2018, le papa François s’est rendu à Palerme pour y rencontrer le peuple, mais aussi, pour s’adresser à la Mafia en des termes sans équivoques qui les excluaient de toute compatibilité avec les enseignements des Évangiles et de la foi chrétienne.  Il a pris son courage à deux mains et les a excommuniés.(2)

Dans pareil contexte, il est normal que nous interpellions le pape François par rapport à cette mafia impériale qui agit en défiant le droit international des peuples à disposer d’eux-mêmes. À ce jour, il s’est bien gardé de dénoncer en termes clairs cet interventionnisme illégal et criminel de cet empire dans les pays plus haut mentionnés.  Son silence sur cette question pourrait laisser entendre qu’il n’a pas la liberté pour le faire ou qu’il ne juge pas pertinent de le faire.

Il s’agit de crimes contre le droit international et l’humanité des peuples, directement victimes de ces interventions.

Oscar Fortin

 

Du même auteur :

L’Empire: Mafia des Mafias. Le crime organisé à l’œuvre au Venezuela, le 8 mars 2019

Notes :

(1)https://www.journaldemontreal.com/2019/06/04/voyages-bateaux-nouvelles-sanctions-americaines-contre-cuba-1;

(2)https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/a-palerme-le-pape-s-en-prend-a-la-mafia_2035348.html
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Depuis le début des opérations du Commandement des États-Unis pour l’Afrique en 2008, le nombre de militaires étatsuniens sur le continent africain a fait un bond de 170 %, passant de 2600 à 7000. Le nombre de missions, d’activités, de programmes et d’exercices militaires a augmenté de 1 900 %, passant de 172 à 3 500. Les frappes de drones ont explosé et le nombre de commandos déployés a augmenté de façon exponentielle, de même que la taille et la portée de la constellation des bases de l’Africom.

L’armée étatsunienne a récemment mené 36 opérations et activités en Afrique, plus que dans toute autre région du monde, y compris le Grand Moyen-Orient. Les troupes dispersées à travers l’Afrique conseillent, forment et collaborent régulièrement avec les forces locales, recueillent des renseignements, mènent des opérations de surveillance et effectuent des frappes aériennes et des raids au sol axés sur la  » lutte contre les extrémistes violents sur le continent africain « .

L’Africom « perturbe et neutralise les menaces transnationales » afin de « promouvoir la sécurité, la stabilité et la prospérité régionales », conformément à sa mission. Mais depuis la création de l’Africom, les principaux indicateurs de sécurité et de stabilité en Afrique se sont effondrés, selon le Centre africain d’études stratégiques du ministère de la Défense, une institution de recherche du Pentagone. « Dans l’ensemble, l’activité des groupes islamistes militants en Afrique a doublé depuis 2012 « , selon une analyse récente du Centre africain.

Il y a maintenant environ 24  » groupes islamistes militants actifs  » qui opèrent sur le continent, contre seulement cinq en 2010, selon l’analyse. Aujourd’hui, 13 pays africains font face à des attaques de ces groupes – une augmentation de 160 pour cent sur la même période. En fait, le nombre d’ » événements violents » sur le continent a bondi de 960 %, passant de 288 en 2009 à 3 050 en 2018, selon l’analyse du Centre africain.

Bien que divers facteurs aient probablement contribué à l’augmentation de la violence, certains experts affirment que le chevauchement entre l’existence du commandement et les troubles croissants n’est pas une coïncidence.

« La forte augmentation des incidents terroristes en Afrique souligne le fait que l’approche trop militarisée du Pentagone face à ce problème a été un échec lamentable « , a déclaré William Hartung, directeur du projet Armes et sécurité au Centre pour la politique internationale. « Au contraire, tenter d’éradiquer le terrorisme par la force risque d’exacerber le problème, de provoquer une réaction terroriste et de servir d’outil de recrutement pour les groupes extrémistes.

Une Somalienne marche dans un camp pour personnes déplacées le 18 décembre 2018, alors que des centaines de personnes fuyaient le sud de la Somalie pendant que les États-Unis effectuaient des frappes aériennes contre les Shebab. Photo : Mohamed Abdiwahab/AFP/Getty Images

Prenons l’exemple de la Somalie. Au cours de la dernière décennie, l’Africom y a mené des centaines de frappes aériennes et de missions de commando et revendique un comptage d’environ 800 terroristes ennemis tués, principalement des membres du groupe des Shebab, un groupe militant. Le nombre d’attaques aériennes étatsuniennes a grimpé en flèche ces derniers temps, passant de 14 sous le président Barack Obama en 2016 à 47 sous le gouvernement Trump l’an dernier. Pourtant, la propre analyse du Pentagone a révélé que les épisodes violents impliquant les Shebab représentaient environ 50 pour cent de toutes les activités des groupes islamistes militants en Afrique et que ce « taux est resté constant au cours de la dernière décennie ».

En octobre 2017, des membres de l’État islamique dans le Grand Sahara, ou ISGS, ont tendu une embuscade aux troupes étatsuniennes près de la frontière des États sahéliens du Mali et du Niger, tuant quatre soldats étatsuniens et en blessant deux autres. Juste après l’attaque, l’Africom a affirmé que les troupes fournissaient  » des conseils et une assistance  » aux partenaires locaux, mais il a été révélé par la suite que les commandos étatsuniens opérant aux côtés d’une force nigériane avaient – jusqu’à l’intervention du mauvais temps – espéré se joindre à un autre contingent d’opérateurs spéciaux étatsuniens cherchant à tuer ou capturer Doundoun Cheffou.

En dépit de ces efforts et de plusieurs autres efforts militaires étatsuniens de longue date dans la région, les groupes militants au Sahel sont devenus plus actifs et leurs attaques plus fréquentes, selon le Centre africain d’analyse du ministère de la défense US. En fait, les  » épisodes violents  » liés aux groupes associés à Al-Qaïda au Maghreb islamique, ou AQMI, et à l’ISGS sont passés de 192 en 2017 à 464 l’an dernier. Parallèlement, le nombre de décès liés à ces groupes a plus que doublé, passant de 529 à 1 112.

Ceci est particulièrement significatif à la lumière d’un rapport de 2000 préparé sous les auspices de l’Institut d’études stratégiques du Collège de guerre de l’armée étatsunienne, qui a examiné l’ »environnement sécuritaire africain ». Tout en notant l’existence de « mouvements séparatistes ou rebelles internes » dans les « États faibles », ainsi que de milices et d’ »armées de seigneurs de guerre », elle ne mentionne ni l’extrémisme islamique ni les grandes menaces terroristes transnationales. Aujourd’hui, le Centre africain compte 24 « groupes islamistes militants actifs » sur le continent, alors que d’autres chiffres officiels ont, ces dernières années, chiffré près de 50 organisations terroristes et « groupes illicites » de toutes sortes.

Ni le Pentagone ni l’Africom n’ont répondu aux questions de The Intercept sur l’analyse du Centre d’analyse africaine du ministère de la défense étatsunien notamment sur l’efficacité du commandement et le rôle qu’il a pu jouer dans la montée de la violence sur le continent.

Article originel : Violence Has Spiked in Africa Since the Military Founded AFRICOM, Pentagon Study Finds

Nick Turse

 

Article original en anglais : Violence Has Spiked in Africa Since the Military Founded AFRICOM, Pentagon Study Finds, The Intercept, le 29 juillet 2019.

Traduction SLT : Le blog de Sam Latouche

 

Photo en vedette : Un convoi de véhicules blindés de l’Africom se rendant au complexe des Forces de défense populaires de l’Ouganda situé à Mogadiscio, en Somalie, le 25 septembre 2017. Photo : Tech. Sergent Andria Allmond / Garde nationale aérienne étatsunienne

 

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Pourquoi l’Iran devrait-il être chéri et défendu?

juillet 31st, 2019 by Andre Vltchek

Alors que je rédige ce court essai, l’Iran s’oppose à la nation la plus puissante du monde. Il est confronté à un danger énorme, d’anéantissement et pourtant le monde prend son temps pour se réveiller et se précipiter à son secours.

Des villes iraniennes époustouflantes sont en danger, mais surtout, son peuple : fier et beau, créatif, formé par l’une des cultures les plus anciennes et les plus profondes de la terre.

C’est un rappel au monde : L’Iran peut être bombardé, dévasté et terriblement blessé, sans aucune raison. Je le répète : il n’y a aucune raison rationnelle d’attaquer l’Iran.

L’Iran n’a jamais attaqué personne. Il n’a rien fait de mal aux États-Unis, au Royaume-Uni ou même aux pays qui veulent le détruire immédiatement : Arabie Saoudite et Israël.

Son seul « crime » est d’avoir aidé la Syrie dévastée. Et de se tenir sérieusement aux côtés de la Palestine. Et d’être venu à la rescousse de nombreuses nations lointaines, comme Cuba et le Venezuela, quand elles en avaient terriblement besoin.

J’essaie de choisir les mots les plus simples. Pas besoin de pirouettes et d’exercices intellectuels.

Des milliers, des millions d’Iraniens risquent de mourir bientôt, simplement parce qu’un psychopathe qui occupe actuellement la Maison-Blanche veut humilier son prédécesseur, qui a signé l’accord nucléaire. Cette information a été divulguée par son propre personnel. Il ne s’agit pas de savoir qui est le plus gros gangster. Il s’agit du fait horrible qu’antagoniser l’Iran n’a absolument rien à voir avec l’Iran lui-même.

***

Ce qui m’amène à me poser la question : dans quel monde vivons-nous vraiment ? Cela pourrait-il être tolérable ? Le monde peut-il rester les bras croisés et regarder comment l’un des plus grands pays du monde est violé par des forces agressives et brutales, sans aucune justification ?

J’adore l’Iran ! J’aime son cinéma, sa poésie, sa nourriture. J’adore Téhéran. Et j’aime le peuple iranien avec son flair poli et éduqué. J’adore leurs penseurs. Je ne veux pas qu’il leur arrive du mal.

Vous savez, les médias occidentaux ne vous l’ont bien sûr jamais dit, mais l’Iran est un pays socialiste. Il professe un système que l’on pourrait définir comme « socialisme aux caractéristiques iraniennes ». Comme la Chine, l’Iran est l’une des nations les plus anciennes du monde, et il est parfaitement capable de créer et de développer son propre système économique et social.

L’Iran est une nation extrêmement prospère. Malgré les embargos et les terribles intimidations de l’Occident, elle se trouve toujours au seuil du « très haut développement humain », défini par le PNUD, bien au-dessus des chouchous de l’Occident comme l’Ukraine, la Colombie ou la Thaïlande.

Elle a clairement un esprit internationaliste : elle fait preuve d’une grande solidarité avec les pays frappés par l’impérialisme occidental, notamment ceux d’Amérique Latine.

***

Je n’ai pas de religion. En Iran, la plupart des gens en ont. Ce sont des musulmans chiites. Et alors ? Je n’insiste pas pour que tout le monde pense comme moi. Et mes amis, camarades, frères et sœurs iraniens n’ont jamais insisté pour que je ressente ou pense comme eux. Ils ne sont pas des fanatiques, et ils ne font pas en sorte que les gens qui ne sont pas comme eux se sentent exclus. Nous sommes différents et pourtant si semblables. Nous luttons pour un monde meilleur. Nous sommes internationalistes. Nous nous respectons mutuellement. Nous respectons les autres.

L’Iran ne veut conquérir personne. Mais quand ses amis sont attaqués, il offre un coup de main. Comme pour la Syrie.

Dans le passé, il a été colonisé par l’Occident, et son gouvernement démocratique a été renversé, en 1953, simplement parce qu’il voulait utiliser ses ressources naturelles pour améliorer la vie de sa population. La dictature morbide du Shah Pahlavi a été installée de l’étranger. Et puis, plus tard, encore une fois, une terrible guerre déclenchée contre l’Iran par l’Irak, avec le soutien total et franc de l’Occident

J’ai promis de faire court. Il n’y a pas de temps pour de longues litanies. Et en fait, ce n’est pas vraiment un essai du tout : c’est un appel.

Au moment de mettre sous presse, beaucoup de gens en Iran sont inquiets. Ils ne comprennent pas ce qu’ils ont fait pour mériter cela ; les sanctions, les porte-avions américains naviguant près de leurs côtes et les B-52 mortels déployés à seulement des dizaines de milles de là.

Les Iraniens sont des gens courageux et fiers. S’ils sont confrontés, s’ils sont attaqués, ils se battront. Et ils mourront dans la dignité, s’il n’y a pas d’autre alternative.

Mais pourquoi ? Pourquoi devraient-ils se battre et pourquoi devraient-ils mourir ?

Ceux d’entre vous, mes lecteurs, qui vivez en Occident : Étudiez ; étudiez rapidement. Alors posez cette question à votre gouvernement : « Quelle est la raison de ce terrible scénario ? »

Louez des films iraniens, ils sont partout, gagnant tous les festivals. Lisez les poètes iraniens. Allez manger de la nourriture iranienne. Recherchez des images de villes iraniennes historiques et modernes. Regardez les visages des gens. Ne permettez pas que cela se produise. Ne laissez pas le raisonnement psychopathe ruiner des millions de vies.

Les guerres contre l’Irak, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie n’étaient pas justifiées. L’Occident a perpétré les interventions impérialistes les plus terribles, ruinant des nations entières.

Mais l’Iran va encore plus loin. C’est un manque total de logique et de responsabilité de la part de l’Occident.

Ici, je déclare mon plein appui au peuple iranien et au pays qui a donné d’innombrables trésors culturels au monde depuis des millénaires.

C’est parce que je doute que si l’Iran est détruit, la race humaine puisse survivre.

Andre Vltchek

 

Article original en anglais :

Why Should Iran be Cherished and Defended?

Cet article a été publié initialement par New Eastern Outlook

Traduit par Réseau International

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Lundi soir, on a découvert la dépouille de Steve Maia Caniço, mort noyé dans la Loire lors d’une violente descente policière contre un festival de musique techno, quai Wilson à Nantes le 22 juin.

Hier, les analyses dentaires ont confirmé que le corps repêché dans la Loire était le sien. Cécile de Oliveira, l’avocate de la famille Caniço qui s’est constituée partie civile, a déclaré que «C’est bien le corps de Steve qui a été retrouvé.» Son corps, découvert par Nicolas Le Bodo, le pilote d’une navette fluviale, flottait près d’un ponton à plus d’un kilomètre de l’endroit où on l’avait vu pour la dernière fois, le soir de la Fête de la musique. Ceci n’est pas surprenant, selon de Oliveira, «au vu de la complexité des effets des marées et des courants de la Loire.»

Sa mort est imputable à l’intervention violente de la police, et plus largement du climat d’impunité policière cultivée par la bourgeoisie depuis l’instauration de l’état d’urgence en France en 2015. La réaction des milieux officiels constituent un avertissement sur la nature meurtrière de d’État policier qu’établit l’aristocratie financière à travers l’Europe. Elles interpellent les travailleurs non seulement en France mais à travers l’Europe et au-delà.

L’État tente froidement de nier ou d’obscurcir le rôle de l’intervention de la police dans la mort de Caniço, un jeune animateur périscolaire connu et apprécié pour sa douceur et les amitiés qu’il nouait avec les enfants. Le premier ministre Édouard Philippe a carrément déclaré que les faits à sa disposition n’établissaient pas «de lien entre l’intervention de forces de police et la disparition». Il a proposé une investigation focalisée sur «les conditions d’organisation de l’événement par les pouvoirs publics, mairie et préfecture, ainsi que les organisateurs privés».

Pierre Sennès, le procureur de la République à Nantes, a refusé expressément hier de certifier l’identité du défunt. Il a toutefois annoncé que «l’information judiciaire en recherche des causes de la disparition» de Caniço venait d’être «clôturée par le magistrat instructeur». Il a ouvert «une information judiciaire contre X du chef d’homicide involontaire.»

Ce qui motive ces déclarations est une volonté non pas d’éclaircir comment l’intervention de police a ôté la vie à une personne innocente, mais d’étouffer les faits tout en encourageant les forces de l’ordre à continuer leurs violences meurtrières contre la montée de l’opposition sociale. Déjà, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a décoré les policiers qui ont tué Zinab Redouane ou tabassé Geneviève Legay lors d’interventions contre les «gilets jaunes». Macron avait déjà déclaré que le plus important dans ce dossier est que «le calme doit revenir dans le pays».

Pourtant, les faits accablants pour les policiers et les hauts responsables qui les couvrent sont déjà connus et largement diffusés sur les réseaux sociaux ainsi que dans la presse.

Caniço était présent au festival techno contre lequel une unité de police est intervenue brutalement avec tirs de Tasers, de balles de défense et de lacrymogènes quand le festival pacifique s’est prolongé une demie heure après sa fin programmée à 4h. Comme l’établit une vidéo de l’intervention publiée par Libération, la foule criait «Attention, il y a la Loire derrière» alors que les policiers ont commencé à tirer. La police a chargé quand même.

Même des dirigeants des forces de sécurité ont mis en cause la décision d’intervenir, prise par le commissaire qui commandait les forces de l’ordre. Le dirigeant régional Pays de la Loire du syndicat SGP-Police, Philippe Boussion, a traité cette décision d’ «ordre aberrant», car on «n’intervient pas à 4 h 30 du matin avec vingt policiers au milieu d’un millier de personnes potentiellement alcoolisées pour une opération à la finalité très relative.»

Les proches de Steve l’ont aperçu pour la dernière fois peu avant l’intervention de la police, en train de se reposer entre deux sound-system. Parmi les 14 personnes qui sont tombées dans la Loire lors d’un mouvement de panique de la foule face aux charges de police, une seule n’est pas remontée à la surface. Steve ne savait pas nager et, peu après l’intervention de la police, son téléphone ne répondait plus. C’était la seule personne disparue lors du festival techno.

La police est intervenue quand les DJ ont fait jouer une chanson punk, Porcherie des Bérurier noir. Selon Jérémie Bécue, opérateur en industrie chimique tombé dans la Loire lors de l’assaut de la police, c’est quand les DJ ont décidé de «remettre une dernière chanson, un chant antifa que tout le monde connaît», que « les gaz lacrymogènes sont partis. Alors que rien n’avait volé. Aucun projectile … Les policiers ont gazé sans sommation. »

Vu que la police constitue une base électorale du néo-fascisme, la question se pose si l’intervention était le résultat d’une décision consciente de réprimer l’expression de sentiments antifascistes.

L’homicide d’un innocent, et la décision des plus hauts responsables le couvrir, provoquent la colère et nourrit une prise de conscience politique parmi des masses de gens en France. Alexane, une livreuse amie de Steve Caniço, a déclaré: «Quand j’étais enfant, on m’a élevée avec l’image de la France comme pays des droits de l’Homme et de la liberté. Mais plus je grandis, et plus je trouve cette image faussée. Les autorités, les élus, tout va bien pour eux. Nous, citoyens lambda, on fait un pas de travers et on s’en prend plein la gueule.»

La déclaration de Macron l’année dernière, selon laquelle le dictateur fasciste Philippe Pétain était un «grand soldat», n’était pas simplement une falsification de l’histoire. Elle exprimait aussi le caractère de la politique menée par Macron, sur fond d’une montée internationale de la lutte des classes. La répression des «gilets jaunes» en France, d’électeurs pacifiques lors du référendum d’indépendance catalane en octobre 2017, et des manifestants au G20 à Hambourg souligne que l’aristocratie financière construit des États policiers violents à travers l’Europe.

Ceci est directement liée à la montée des inégalités et des tensions sociales. Suivant la politique de tous les régimes capitalistes d’Europe, Macron répudie la retraite par répartition, le statut des fonctionnaires, le financement de la Sécurité sociale et d’autres acquis du 20e siècle afin d’enrichir les classes possédantes et renforcer l’appareil militaire national.

Macron admire Pétain parce qu’il a dirigé un régime qui a mis en application, à une échelle de masse, le type de répression dont l’aristocratie financière compte se servir à présent pour réprimer l’opposition des travailleurs à la régression sociale qu’elle compte leur imposer.

Le Parti socialiste (PS) et sa périphérie tentent pour l’heure de écupérer la colère provoquée par la mort de Steve Caniço. Johanna Rolland, la maire PS de Nantes, a exigé « des réponses précises et publiques » aux questions soulevées par l’opération de police «au cours de laquelle, juge-t-elle, il a été fait un usage de la force qui apparaît disproportionné.» De même, des élus la France insoumise, formation liée aux syndicats de police, se sont pris en photo avec des affiches «Où est Steve?».

L’homicide de Steve Caniço a démontré que la montée des violences militaro-policières et de l’austerité sociale est liée à des problèmes sociaux, politiques et historiques bien plus profonds que le toilettage en surface des politiques policières proposé par des formations comme le PS ou LFI. La lutte contre les violences policières est inséparable de la lutte des travailleurs pour renverser le capitalisme et établir des gouvernements ouvriers à travers l’Europe et dans le monde, basés sur la réorganisation socialiste de la société.

Alexandre Lantier

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Transformation du riz local dans une coopérative de femmes à Dioro, au Mali. Photo : FAO/Michela Paganini

La convergence de la crise climatique et de la hausse des importations de produits alimentaires en Afrique mène tout droit à la catastrophe. À moins que des mesures ne soient prises pour mettre en place des systèmes alimentaires locaux et supprimer la dépendance croissante vis-à-vis des importations de céréales et d’autres aliments de base, l’Afrique connaîtra des répliques multiples et plus graves de la crise alimentaire de 2007-2008, qui avait provoqué des émeutes de la faim sur tout le continent. Les gouvernements africains et les bailleurs de fonds ont perdu les dix dernières années à mettre en œuvre des politiques et des programmes ratés qui visaient à soutenir les entreprises agro-industrielles, alors qu’ils ne faisaient pas grand-chose pour s’opposer efficacement aux entreprises qui se débarrassent de leurs excédents alimentaires et entraînent une augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre et une destruction de la biodiversité. À présent, les mouvements pour la justice climatique et les producteurs alimentaires africains doivent unir leurs forces pour éliminer la dépendance vis-à-vis des importations de produits alimentaires et parvenir à la souveraineté alimentaire sur le continent pour faire face à la crise climatique.

Pour l’Afrique, la crise climatique est une crise alimentaire

Les prévisions concernant l’alimentation en Afrique au cours des prochaines décennies sont inquiétantes. Le continent aura besoin de plus de denrées alimentaires pour faire face à une population croissante qui, selon les Nations Unies, passera de 1,2 milliard à 1,7 milliard d’individus au cours de la prochaine décennie.[1] Mais, à mesure que la demande en produits alimentaires augmentera, les effets croissants du changement climatique rendront la production alimentaire plus difficile sur le continent. On estime que le réchauffement climatique pourrait entraîner une réduction de 10 à 20 % de la production alimentaire globale de l’Afrique.[2]

Si rien n’est fait pour inverser la tendance, les importations de produits alimentaires de l’Afrique vont monter en flèche. La Banque africaine de développement prévoit que les importations nettes de produits alimentaires de l’Afrique tripleront d’ici 2025, pour atteindre plus de 110 milliards de dollars.[3]Les Nations Unies prévoient que l’Afrique ne couvrira que 13 % de ses besoins alimentaires en 2050.[4]

Les pays africains sont déjà bien conscients de la vulnérabilité dans laquelle les laisse cette dépendance à l’égard des importations de produits alimentaires. En 2007, une série de chocs climatiques en Asie a déclenché une cascade d’actions qui ont fait monter le prix du riz sur le marché international, avec des effets d’entraînement sur les autres céréales. L’Afrique, qui représente environ un tiers des importations mondiales de riz et de blé, a été durement touchée. La hausse des prix était trop lourde pour que des millions d’Africains puissent l’absorber et des émeutes de la faim ont éclaté sur tout le continent, de Ouagadougou au Caire, de Maputo à Abidjan et de Dakar à Nouakchott. À Nairobi, une manifestation contre la hausse des prix des produits alimentaires pour les denrées de base, appelée « révolution Unga » (révolution de la farine de maïs), a débuté en 2008 et s’est poursuivie jusqu’en 2011.[5]

Le changement climatique multipliera les flambées des prix mondiaux des produits alimentaires et fera monter les prix internationaux des denrées de base. Prenons l’exemple du maïs, l’un des produits agricoles les plus vendus dans le monde et un aliment de base important pour une grande partie de l’Afrique. Jusqu’à récemment, les rendements du maïs étaient relativement stables dans les principales régions productrices de maïs du monde et les réductions de rendement induites par le climat étaient rares. Mais, avec le réchauffement de la planète, les risques d’importantes pertes de récoltes augmentent, tout comme les risques que des pertes de récoltes interviennent simultanément dans les grandes régions exportatrices de maïs, telles que l’Amérique du Nord et le Cône Sud de l’Amérique latine. Des chercheurs du département des sciences de l’atmosphère des États-Unis estiment que la probabilité d’importantes pertes de production simultanées dans les grands pays exportateurs de maïs au cours d’une année donnée est pratiquement nulle dans les conditions climatiques actuelles, mais s’élève à 7 % avec un réchauffement de 2 °C et à 86 % avec un réchauffement de 4 °C.[6]

Si un ensemble de chocs météorologiques isolés et lointains ont suffi à provoquer des émeutes de la faim en 2007-2008, on peut imaginer à quoi cela pourrait ressembler dans les décennies à venir, si la crise climatique s’intensifiait et si des centaines de millions d’Africains supplémentaires dépendaient des importations de produits alimentaires de base. Il s’agit d’une crise en cours, à une échelle gigantesque, qui exige une action immédiate.

Un tel avenir n’est pas inéluctable. Des mesures complémentaires peuvent être prises à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique afin que ce continent ait la capacité de se nourrir lui-même dans les années à venir. Oui, la crise climatique rendra et rend déjà plus difficile la production alimentaire sur le continent et augmentera la fréquence et la gravité des chocs climatiques tels que les inondations et les sécheresses. Mais l’ampleur de ces impacts peut être considérablement atténuée si l’on réduit de manière rapide et drastique les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) dans les principaux pays polluants. Ces réductions nécessiteront une profonde transformation du système alimentaire mondial, en passant d’un modèle favorisant la production industrialisée de produits bon marché, transformés et expédiés vers l’Afrique et d’autres parties du monde, à un modèle basé sur une production agroécologique et des systèmes alimentaires locaux. En ce sens, les agriculteurs, les pêcheurs et les éleveurs nomades africains sont un exemple à suivre pour le reste du monde. Ils utilisent déjà des méthodes agroécologiques pour atténuer et renforcer la résilience face aux phénomènes climatiques extrêmes. Et ils sont plus que capables de nourrir tout le continent, même face aux crises climatiques croissantes. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un accès suffisant à des terres adéquates, de l’eau, des stocks halieutiques et des semences, ainsi qu’à des politiques et des programmes qui les aident et permettent d’acheminer les produits alimentaires là où ils sont nécessaires. Cela semble simple, mais ce sont justement ces mesures de base pour la souveraineté alimentaire qui ne sont pas mises en œuvre.

Encadré 1: Quel impact le changement climatique aura-t-il sur l’agriculture africaine?

Les modèles climatiques ne sont toujours pas en mesure de fournir une image détaillée des impacts que le changement climatique aura sur l’agriculture africaine. Les dernières études scientifiques concordent toutefois pour dire que la hausse des températures, les conditions météorologiques irrégulières, les changements dans les régimes de précipitations et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes auront un impact négatif sur la production alimentaire dans la plus grande partie du continent. Les scientifiques s’accordent également à dire que la production alimentaire africaine est particulièrement menacée en raison de la prédominance des systèmes d’agriculture pluviale et d’élevage pastoral, qui sont extrêmement vulnérables à la variabilité des précipitations et aux vagues de chaleur générées par le changement climatique. Ils prévoient que le changement climatique entraînera des saisons de croissance plus courtes, une fertilité des sols réduite, de nouvelles pressions dues aux parasites et aux maladies, des rendements plus faibles des cultures et de la productivité animale, ainsi qu’une réduction de la superficie des terres agricoles et des pâturages dans de vastes régions d’Afrique. Ils s’accordent également sur le fait que la production alimentaire sera plus fréquemment et défavorablement affectée par les phénomènes météorologiques extrêmes.

Ces impacts sont déjà évidents avec les inondations et les cyclones de cette année au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe ou avec la sécheresse qui a débuté en Somalie et au Somaliland en juin de cette année.[1] Comme l’a noté La Via Campesina en Afrique australe et orientale : « Alors que la discussion sur les changements climatiques au niveau mondial tourne souvent autour de prédictions sur les conséquences futures et la menace perçue d’un développement des migrations, les effets sont déjà fortement subis au quotidien par les paysans africains, les femmes rurales, les peuples sans terre et les communautés indigènes, qui ressentent les impacts du changement climatique tous les jours. »[2]

[2] Cette citation est légèrement modifiée par rapport à l’original dans LVC-SEAf et Afrika Kontakt, « L’agroécologie paysanne réalise la justice climatique : un guide d’introduction », mai 2018 : https://viacampesina.org/en/wp-content/uploads/sites/2/2018/05/primer_french_print.pdf

L’autosuffisance alimentaire revient à l’ordre du jour

La dépendance de l’Afrique vis-à-vis des importations de produits alimentaires est un phénomène récent. Dans les années 1980, sous la pression des anciennes puissances coloniales et des agences de prêt multilatérales, les gouvernements africains ont abandonné les systèmes agricoles et alimentaires locaux, ouvert la porte aux importations massives et aux livraisons d’aide humanitaire de céréales et autres denrées de base, et alloué le reste des aides publiques à l’exportation de quelques cultures de rapport (coton, café, cacao, huile de palme, caoutchouc, etc.). C’est ainsi que, entre 1980 et 2007, la production alimentaire de l’Afrique n’a pas suivi la croissance démographique et son déficit alimentaire a augmenté en moyenne de 3,4 % par an. Au cours de cette période, le solde des exportations et des importations de produits agricoles de l’Afrique est passé d’une situation à l’équilibre à un déficit de 22 milliards USD.[7]

Il est important d’être conscient du fait que la majorité de ces importations alimentaires concerne des aliments de base, en particulier des céréales telles que le riz, le maïs et le blé, ainsi que des produits laitiers et de la viande, ce qui signifie qu’une grande partie de l’Afrique est désormais fortement tributaire des importations (et/ou de l’aide alimentaire) pour sa sécurité alimentaire.[8] De plus, au tournant du siècle, on considérait que plus du quart de la population africaine souffrait de faim chronique.[9]

Évolution des importations et des exportations de denrées alimentaires de l’Afrique. Source : FAOSTAT, 2011.

Disponible sur http://www.fao.org/3/a-i2497e.pdfLes chefs d’État africains se sont réunis en 2003 dans un premier effort pour tenter de surmonter cette situation intolérable. Ils ont lancé un Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA) et se sont engagés à investir 10 % de leur budget national dans l’agriculture et le développement rural.[10] Mais ces engagements sur le papier ne se sont pas traduits (ni à l’époque ni à ce jour) en beaucoup d’actions concrètes.[11] Puis est venue la crise alimentaire mondiale de 2007-2008. Suite aux émeutes entraînées par les prix des denrées alimentaires, les gouvernements africains ont à nouveau promis des mesures urgentes pour accroître les disponibilités alimentaires et la production nationale, certains promettant même de revenir aux années d’autosuffisance alimentaire d’antan.[12]

Au lendemain de cette crise alimentaire, plusieurs initiatives majeures visant à accroître la production alimentaire nationale ont été lancées en Afrique, la plupart étant étroitement coordonnées avec des bailleurs de fonds étrangers et des agences multilatérales. Certaines de ces initiatives sont à l’échelle du continent, comme la Nouvelle Alliance du G8 pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique ou la stratégie « Nourrir l’Afrique » de la Banque africaine de développement. D’autres sont régionales, comme « l’Offensive Riz » de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ou nationales, comme la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA) lancée par l’ancien président du Sénégal, Abdoulaye Wade. Certains gouvernements africains, pour limiter les importations de produits alimentaires et soutenir la production nationale, ont également adopté des mesures qui n’existaient pas avant la crise, telles que des réserves alimentaires, des droits d’importation ciblés, des quotas, un contrôle des changes et même l’interdiction de certains produits alimentaires.

Tableau 1. Quelques mesures adoptées par les gouvernements africains en vue de restreindre le commerce des produits alimentaires

Mais, malgré les dénominations ronflantes de ces différentes initiatives, la plupart n’ont pas été à la hauteur de leurs ambitions. La production a progressé, mais les importations de céréales et d’autres produits alimentaires de base continuent d’augmenter dans de nombreux pays africains. Le problème tient en partie au fait que ces initiatives n’ont pas été accompagnées de suffisamment de mesures pour protéger la production locale du dumping des importations bon marché. La plupart des mesures étaient soit temporaires, ouvrant la porte aux abus des gros négociants et des contrebandiers, ou simplement trop faibles et bénéficiant de moyens trop insuffisants pour faire la différence. En outre, de nombreux gouvernements africains ont signé et/ou négocient des accords commerciaux qui rendent beaucoup plus difficile l’application de restrictions et de protections contre l’importation de denrées alimentaires pour les producteurs de produits alimentaires locaux, notamment la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC) récemment signée.[13]

Encadré 2: Le climat, l’alimentation et la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC)

La priorité centrale et directrice de la ZLEC est de créer un marché unique, totalement libéralisé, pour les biens et services en Afrique.[1] Le texte de l’accord, officiellement adopté en mars 2018, engage tous les pays membres dans un processus de libéralisation rapide, approfondi et complet, ne laissant qu’un faible délai aux pays pour exclure les produits sensibles ou retarder leur libéralisation des tarifs douaniers.[2]

Aucun traitement spécial n’est prévu pour les produits agricoles et les denrées alimentaires, malgré l’importance cruciale du secteur alimentaire et agricole pour l’Afrique. Aucune mention n’est faite du changement climatique non plus, malgré l’énorme incidence qu’il aura sur l’Afrique dans les décennies à venir. Au contraire, la ZLEC restreint drastiquement les mesures commerciales et les programmes nationaux que les gouvernements peuvent mettre en œuvre pour protéger leurs systèmes alimentaires locaux et pour lutter contre le changement climatique. D’autre part, le texte de l’accord contient un article spécifique qui consacre les « Arrangements/zones économiques spéciaux », dans lequel les sociétés sont libérées des obligations fiscales et des autres lois et réglementations nationales (lois foncières, droit du travail, etc.).

D’autres avantages pour le secteur de l’agro-industrie seront à l’ordre du jour lors de la Phase II des négociations, lorsqu’un chapitre sur les droits de propriété intellectuelle sera négocié et traitera des semences. La tendance dans les accords commerciaux néolibéraux est d’harmoniser « à la hausse » avec les normes internationales sur les brevets et les droits d’obtention végétale qui criminalisent les agriculteurs qui conservent des semences, et ne permettent pas la diversité et les alternatives (qui, comme les programmes de soutien aux petits agriculteurs, nécessitent des programmes nationaux énergiques). Par conséquent, lors de la deuxième phase de négociations prévue, la ZLEC imposera probablement aux gouvernements l’obligation de mettre en œuvre une législation stricte en matière de brevets et de droits des obtenteurs sur les semences, sur le modèle de l’UPOV.

L’accent mis par la ZLEC sur la libéralisation et les privilèges des entreprises sape et préempte les politiques et programmes nationaux susceptibles de renforcer les petits producteurs de denrées alimentaires, les commerçants informels et les vendeurs de cuisine de rue qui sont actuellement les principaux acteurs des systèmes alimentaires africains. Cela entraînera inévitablement une plus grande concentration du pouvoir au sein du secteur formel de l’agro-industrie et de l’industrie alimentaire, qui est dominé par des sociétés étrangères et par une poignée de sociétés africaines nationales et multinationales. Cela se produit déjà dans les cadres commerciaux existants et l’aggravation de la libéralisation dans le cadre de la ZLEC ne fera qu’empirer les choses. Comme le dit simplement le Dr Ndongo Samba Sylla de la Fondation Rosa Luxembourg au Sénégal : « L’agriculture, généralement, n’est pas un secteur qu’il faut libéraliser. »[3]

[1] Le texte de la ZLEC est disponible sur : https://www.bilaterals.org/?zlec-texte-consolide-mars-2018
[2] Pour plus d’informations, voir Jonathan Cannard, « The African Continental Free Trade Agreement : Loss of sovereignty, lack of transparency », AIDC, 27 mai, 2019 : http://aidc.org.za/the-african-continental-free-trade-agreement-loss-of-sovereignty-lack-of-transparency/ ; Peter Lunenborg, « ‘Phase 1B’ of the African Continental Free Trade Area (AfCFTA) negotiations », South Centre, juin 2019 : https://www.southcentre.int/wp-content/uploads/2019/06/PB63_Phase-1B-of-the-AfCFTA-negotiations_EN-1.pdf

[3] Bilaterals.org, « Interview de Ndongo Samba Sylla », mars 2018 : https://www.bilaterals.org/?interview-de-ndongo-samba-sylla&lang=fr

Le modèle de la grande entreprise s’effondre

L’autre inconvénient majeur de ces initiatives qui ont suivi la crise alimentaire est la place privilégiée qu’elles accordent aux grandes entreprises. Au cours des dix dernières années, les gouvernements africains, à la demande de bailleurs de fonds extérieurs, ont modifié leurs lois et leurs réglementations, accordé des allégements fiscaux, distribué des terres et de l’argent et créé des zones économiques spéciales dans l’espoir d’attirer les investissements des sociétés agro-industrielles. Mais dix ans plus tard, il est clair que cette stratégie n’a pas fonctionné. L’investissement privé promis en contrepartie de ces politiques et de ces cadeaux, qu’il s’agisse de projets d’agriculture contractuelle ou de sélection végétale, ne s’est pas matérialisé ou s’est soldé par un échec retentissant.[14]

Prenons le cas du riz. Le riz n’est pas une culture de base traditionnelle pour la majeure partie du continent, mais l’urbanisation et les importations à bas prix en provenance d’Asie et des États-Unis ont contribué à une augmentation galopante de la consommation à travers le continent au cours des 50 dernières années. La production n’est pas parvenue à suivre la consommation et, aujourd’hui, l’Afrique importe environ la moitié de ce qu’elle consomme et dépense environ 3,5 milliards de dollars par an en importations de riz.

Avec la flambée des prix du riz en 2007-2008, la classe politique africaine n’avait guère d’autre choix que de prendre des mesures pour réduire la facture des importations. Mais tous les efforts susceptibles de favoriser la production locale par rapport aux importations se sont heurtés aux intérêts du puissant cartel des sociétés transnationales de négoce et des élites commerciales locales qui contrôlent le commerce lucratif du riz en Afrique. Ainsi, plutôt que de faire face à ces forces, de nombreux gouvernements africains ont plutôt choisi de les associer à leurs stratégies pour relancer la production nationale de riz.

Encadré 3: Les cartels du riz compromettent les efforts de production locaux au Nigeria et en Côte d’Ivoire

Le gouvernement nigérian a imposé un droit de douane de 110 % sur les importations de riz en 2013 afin d’encourager la production nationale. Mais il a offert aux sociétés commerciales des quotas assortis de droits de douane beaucoup plus bas s’ils pouvaient montrer qu’ils investissaient dans la production de riz locale. Résultat : les enquêtes menées par le Sénat nigérian ont révélé que les plus grandes sociétés commerciales ont menti au sujet de leurs investissements ou dépassé les quotas alloués, ce qui s’est traduit par une perte de plus de 160 millions USD pour le gouvernement nigérian en 2014, année de la mise en œuvre du programme.[1]Lorsque le gouvernement a ensuite supprimé les différentiels commerciaux et mis en place un contrôle des changes pour bloquer davantage les importations, les négociants ont redirigé leurs transports vers le port de Cotonou, au Bénin, et le riz a été introduit clandestinement au Nigeria.[2]

Ces négociants qui investissent dans la production de riz au Nigeria ont en fait principalement investi dans les vastes exploitations rizicoles qui leur appartiennent. C’est le cas de la société alimentaire multinationale Olam, basée à Singapour, qui met en place actuellement la plus grande exploitation rizicole d’Afrique sur une concession de 10 000 ha dans l’État de Nasarawa.[3] Olam est l’une des sociétés qui ont enfreint le système de réduction des tarifs douaniers du gouvernement nigérian en dépassant largement le quota qui lui avait été attribué. Elle a ainsi privé l’État d’environ 25 millions USD.

Olam s’était également engagée à investir plusieurs millions de dollars dans le secteur du riz en Côte d’Ivoire à la suite de la crise des prix du riz en 2007-2008, aux côtés de plusieurs autres grands négociants en riz.[4] L’investissement promis par Olam ne s’est jamais concrétisé, pas plus que les accords visant à créer des rizeries, de grandes exploitations rizicoles et des opérations de culture sous contrat conclues entre le gouvernement et cinq autres multinationales du négoce des céréales dans le cadre de la coopération du pays avec la Nouvelle Alliance du G8.[5] Tous ces projets ont échoué, notamment un projet de grande envergure de 100 000 ha avec l’un des plus grands négociants en céréales au monde, le français Louis Dreyfus.[6] Dans le même temps, les importations de riz en Côte d’Ivoire ont continué à augmenter – atteignant un record en 2018 et représentant plus de la moitié de l’approvisionnement en riz du pays – et Louis Dreyfus continue de dominer le marché des importations.[7]

[3] Les programmes de riziculture sous contrat d’Olam avec des agriculteurs nigérians ont donné de piètres résultats, malgré le soutien important de l’USAID et du FIDA de l’ONU. Voir https://ageconsearch.umn.edu/record/245894/files/Revised_OLAM_Report_June_jms3.pdf
[5] GRAIN, « Le G8 et l’accaparement des terres en Afrique », 11 mars 2013 : https://grain.org/e/4664
[6] Voir Inades Formation, « Étude sur le partenariat public-privé dans le secteur agricole en Côte d’Ivoire : le cas de la filière riz, dans le cadre de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Côte d’Ivoire », 2016 : http://publications.inadesformation.net/download.php?f=.%2Fupload%2Fdoc%2Finades_doc_306_zzQzWLzx.pdf ; et GRAIN, « L’échec des transactions foncières dans l’agriculture laisse des séquelles de plus en plus désastreuses et pénibles », 6 juin 2018, https://grain.org/e/5960

[7] http://www.ins.ci/n/templates/docss/ancomext.pdf

Ces stratégies de réduction des droits de douane pour les entreprises investissant dans la production de riz locale n’ont pas eu grand effet sur les importations et ont abouti à une longue liste de projets industriels de culture du riz qui ont échoué dans toute l’Afrique ces dernières années. Ces projets se sont traduits par le gaspillage de millions de dollars d’argent public et ont privé les agriculteurs africains de terres et d’eau nécessaires à la production de denrées alimentaires. Ils ont fragilisé plutôt que favorisé les engagements des gouvernements africains de réduire les déficits en riz.[15]

Le Mali est le seul pays d’Afrique occidentale qui a atteint ses objectifs d’autosuffisance en riz, mais cela s’est fait en dépit des actions des grandes entreprises. Tous les projets d’exploitation rizicole des entreprises annoncés au Mali après la crise alimentaire de 2007-2008 ont échoué.[16] La voie du Mali vers l’autosuffisance n’a été atteinte que grâce à la lutte politique et au dur labeur de ses petits producteurs de riz. Ils ont mis à profit la crise du riz de 2007-2008 pour mettre en place une plate-forme nationale sur le riz dirigée par des riziculteurs, qui a ensuite amené le gouvernement à prendre des mesures pour limiter les importations et aider les agriculteurs à accroître leur production de riz, principalement en assurant l’accès des petits producteurs aux terres et à l’eau et en obligeant le gouvernement à acheter du riz local pour ses réserves nationales de riz. Les riziculteurs se sont également associés aux petites minoteries, aux négociants, aux transporteurs et aux autres acteurs impliqués dans les marchés locaux du riz pour informer les consommateurs des avantages du riz local et ils ont mené une bataille constante pour empêcher les grandes sociétés commerciales de rouvrir les portes aux importations.[17]

Une paysanne-vendeuse dans un petit marché de produits locaux près de la ville de Kumasi dans le Nord-Ouest d’Accra, la capitale du Ghana. Photo : GRAINL’Égypte est un autre pays africain autosuffisant en riz, mais depuis beaucoup plus longtemps. Au moment de la crise des prix du riz en 2007-2008, l’Égypte exportait en fait des volumes importants. Une grande partie de la récolte de riz du pays est achetée dans le cadre du programme national de subventions alimentaires, qui fournit des aliments de base à prix réduit à près des deux tiers des ménages du pays. Lorsque les prix internationaux des denrées alimentaires ont grimpé en 2007-2008, le prix du pain a monté en flèche, car l’Égypte est l’un des principaux importateurs de blé au monde. Mais le gouvernement a été en mesure de compenser partiellement cette hausse du prix du pain en bloquant les exportations de riz et en maintenant l’approvisionnement de sa population avec un riz local abordable, malgré les efforts déployés par les négociants en céréales pour maintenir l’ouverture de leurs filières d’exportation.[18]

Ce qui apparaît clairement dans cette affaire d’autosuffisance en riz de l’Égypte et du Mali, c’est le rôle marginal des grandes entreprises agro-industrielles et alimentaires. Les principaux acteurs sont ici les petits exploitants et, dans le cas du Mali, un vaste réseau de petits commerçants et détaillants, ou, dans le cas de l’Égypte, un système d’achat et de distribution par l’État. Dans les deux cas, les gouvernements ont également réglementé le commerce, et les grandes entreprises n’ont pas réussi à dicter le programme de la politique rizicole.[19] Cela montre que l’on peut arriver à l’autosuffisance alimentaire grâce au soutien du gouvernement à la production locale, et non pas grâce aux entreprises agro-industrielles et au commerce international.

Ce sont des solutions simples et peu coûteuses qui permettent aux gouvernements africains de soutenir leurs producteurs de denrées alimentaires, pour les aider à fournir aux populations des aliments de haute qualité, cultivés localement, sans avoir à dépendre de bailleurs de fonds étrangers. Pourtant, la plupart des gouvernements africains restent entièrement axés sur le soutien aux sociétés agro-industrielles. Non seulement ils fournissent à ces sociétés des incitations fiscales et des réglementations et politiques favorables aux entreprises, mais ils leur donnent même les terres les plus fertiles et les ressources en eau les plus importantes de leurs pays.

Il est incroyable que, face à la crise climatique et à l’explosion démographique, les gouvernements africains aient, au cours des dix dernières années, cédé plus de 10 millions d’hectares de terres fertiles à des sociétés étrangères pour la production d’aliments destinés à l’exportation. Dans la majorité des cas, ces accaparements de terres à grande échelle ont été entrepris sans consulter les communautés rurales qui y vivent et les ont privées de l’accès dont elles ont besoin, maintenant et à l’avenir, à la terre, aux forêts et aux ressources en eau pour nourrir leurs populations et approvisionner les marchés locaux.[20]

Les semences industrielles ne peuvent remédier au changement climatique

En ce qui concerne les semences, les gouvernements africains ont également passé les vingt dernières années à se plier aux exigences des grandes sociétés semencières afin de rendre leurs lois et réglementations favorables aux entreprises, sous la forte pression de la Banque mondiale, de gouvernements étrangers et de grands donateurs comme la Fondation Bill & Melinda Gates. La justification a toujours été que de tels changements attireraient sur le continent des investissements privés dans la sélection végétale et fourniraient aux agriculteurs des variétés améliorées. Mais ces investissements n’arrivent pas. À l’inverse, le nombre des obtenteurs officiels est en baisse, même sur certains des marchés semenciers les plus importants d’Afrique, et la grande majorité des obtenteurs d’Afrique travaillent toujours dans le secteur public. De plus, le secteur privé est presque exclusivement focalisé sur l’obtention de végétaux destinés à des cultures hybrides très rentables comme le maïs, et il n’est guère présent dans le domaine des cultures vivrières traditionnelles importantes qui résistent mieux au changement climatique, comme le millet.[21] Entre-temps, les modifications juridiques et réglementaires que les gouvernements ont mises en place pour les sociétés semencières ont affecté et même criminalisé les systèmes de semences paysannes dynamiques et innovants de l’Afrique, qui continuent de représenter 80 % de l’offre de semences en Afrique.[22]

Le Malawi offre un retour d’expérience douloureux sur la raison pour laquelle les programmes visant à développer la production alimentaire locale avec des semences industrielles ne fonctionnent pas. Il y a un peu plus de dix ans, le Malawi a lancé un programme national de distribution de semences de maïs et d’engrais subventionnés à ses agriculteurs. Dans un premier temps, le programme a privilégié des variétés créées par des scientifiques du pays. Mais bientôt, après de nombreuses pressions exercées par le gouvernement américain et la Banque mondiale, le programme a mis en avant le maïs hybride vendu par Monsanto et la Seed Co., une société du Zimbabwe. Dès son arrivée dans le pays, Monsanto a commencé par racheter la société semencière nationale qui avait mis au point des variétés de maïs hybrides et à pollinisation libre, adaptées aux systèmes agroécologiques locaux. Monsanto a retiré les variétés locales de la circulation et les a remplacées par ses propres variétés brevetées, même si certaines des variétés locales étaient beaucoup plus productives que les siennes. Au fil des années, Monsanto et les sociétés qui importent et distribuent des engrais chimiques sont devenus les principaux bénéficiaires du programme gouvernemental de subventions aux semences et aux engrais. Avec Monsanto à la manœuvre, les rendements en maïs hybride ont diminué, les sols se sont épuisés et, au cours des périodes de sécheresse et d’inondation de 2015-2016, les cultures de maïs ont été presque entièrement détruites. Dans de nombreux endroits au Malawi, les agriculteurs reviennent maintenant aux variétés de semences locales, font du compostage et réintroduisent les cultures traditionnelles qui avaient été délaissées par les programmes de subventions, telles que les légumineuses qui renforcent la fertilité du sol et les cultures résistantes telles que le manioc et le millet.[23]

Une stratégie pour les systèmes alimentaires africains en période de crise climatique

De l’herbe de fourrage brulée à cause d’une sécheresse persistante dans le district de Nakasongola, au centre de l’Ouganda. Photo : Robert Guloba/PELUM UgandaToute politique ou tout programme susceptible de combattre efficacement la double crise alimentaire et climatique qui touche l’Afrique doit se concentrer sur les principaux acteurs du système alimentaire africain. Les producteurs de denrées alimentaires en Afrique (petits agriculteurs, pêcheurs et éleveurs nomades) et les marchés locaux continuent de fournir 80 % de la nourriture produite et consommée sur le continent.[24] L’approvisionnement alimentaire de l’Afrique repose principalement sur les connaissances, les semences, les animaux, les sols et la biodiversité locale, qui sont préservés par les petits producteurs africains. Et le nombre croissant de consommateurs urbains en Afrique dépend des petits commerçants et des vendeurs de « cuisine de rue » pour avoir accès à cette alimentation.[25] Il est essentiel de noter que la grande majorité de ces acteurs, dans les systèmes alimentaires africains, sont des femmes.

Les systèmes alimentaires africains, basés en grande partie sur des pratiques agroécologiques et des circuits courts, sont sans égal en matière de systèmes verts, à faibles émissions et résilients, et ils offrent des régimes alimentaires parmi les plus sains de la planète.[26] Malgré un environnement politique conçu pour les écraser, les systèmes alimentaires de l’Afrique constituent également le moteur économique du continent et apportent plus de moyens de subsistance, d’emplois et de revenus que tout autre secteur. Les importations de produits alimentaires, en revanche, imposent une énorme ponction financière dans les rares réserves de devises de l’Afrique (qui, il faut bien le dire, sont générées en grande partie par la vente de combustibles fossiles).[27]

Ce sont les systèmes alimentaires locaux de l’Afrique qui nourrissent le continent aujourd’hui et ce sont eux qui peuvent le nourrir à l’avenir. La crise climatique fera peser une menace de plus en plus importante sur ces systèmes, en particulier si les émissions mondiales de gaz à effet de serre dans d’autres régions du monde ne sont pas sérieusement réduites. Les producteurs africains de denrées alimentaires devront continuer d’adapter leurs pratiques et leurs connaissances pour faire face à un climat changeant et imprévisible. Les marchés locaux devront intégrer des réserves d’urgence et d’autres mesures pour garantir l’accès des populations à l’alimentation et aux moyens de subsistance lors d’événements météorologiques extrêmes tels que les inondations et les sécheresses. Ce sont des questions difficiles, mais pas insurmontables, et de nombreuses initiatives enthousiasmantes sont déjà mises en œuvre sur tout le continent pour se préparer au changement climatique.[28]

Il est important d’admettre que la crise climatique nécessite des approches d’adaptation qui favorisent les systèmes alimentaires africains et soient dirigées par les petits producteurs africains, et non des approches qui dépendent fortement des intrants chimiques et des semences vendues par les multinationales, telles que celles qui sont qualifiées d’« intelligentes faces au climat » et promues par des programmes comme l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA). (Voir encadré : La farce de l’agriculture intelligente face au climat).

Encadré 4: La farce de l’agriculture intelligente face au climat

L’agriculture intelligente face au climat (CSA) est devenue l’un des nouveaux slogans des gouvernements, des institutions et des entreprises lorsqu’elles discutent des orientations que devrait adopter l’agriculture en cette période de crise climatique. La Banque mondiale, la FAO, le GCRAI et d’autres institutions ont tous mis en place des départements spéciaux pour traiter la question et des sites web pour informer le public. Ces organismes, ainsi que des gouvernements, des ONG et le secteur privé, ont formé l’Alliance mondiale pour l’agriculture intelligente face au climat en 2015. L’industrie des engrais a joué un rôle central dans le lancement de l’Alliance et a tenté de capter à son profit l’enthousiasme croissant pour l’agroécologie. Sur les 29 membres fondateurs non gouvernementaux de l’Alliance, on trouvait trois groupes de pression de l’industrie des engrais, deux des plus grands producteurs mondiaux d’engrais (le norvégien Yara et l’Américain Mosaic) et une poignée d’organisations travaillant directement avec les producteurs d’engrais sur des programmes consacrés au changement climatique.[1] À l’origine, 60 % des membres de l’Alliance faisant partie du secteur privé étaient issus de l’industrie des engrais et ils occupent toujours une place centrale dans sa gestion et la définition des priorités.[2]

Mais chacun semble avoir sa propre idée sur ce que veut dire l’agriculture intelligente face au climat. Les Nations Unies et la Banque mondiale voient un triple avantage dans l’agriculture intelligente face au climat : l’augmentation de la productivité, l’amélioration de la résilience et la réduction des émissions provenant de l’agriculture. Tout cela sous-tend la notion d’« intensification durable » préconisée par les fabricants d’engrais comme Yara ou les producteurs de pesticides et de semences comme Syngenta et Bayer/Monsanto.

Le flou conceptuel et pratique du concept permet à chacun de faire ses propres interprétations et d’éviter des problèmes épineux tels que les déséquilibres des forces, les impacts socio-économiques et les inégalités entre hommes et femmes.

De fait, si l’on examine la littérature scientifique dominante sur l’agriculture intelligente face au climat, la plupart des travaux sont extrêmement orientés vers les processus de production à la ferme et ignorent l’ampleur des émissions produites par le système alimentaire industriel du champ à l’assiette. Les profils de pays élaborés par le GCRAI et la Banque mondiale, qui fournissent des fiches d’évaluation en matière d’intelligence face au climat pour différents pays, sont très révélateurs dans ce contexte.[3] Ils placent les immenses plantations de soja d’Argentine parmi les cultures intelligentes face au climat, applaudissent les agriculteurs africains qui utilisent des semences améliorées et des engrais chimiques contrôlés et leur offrent un « niveau d’intelligence » élevé, sans toutefois analyser les pratiques agricoles autochtones et les menaces auxquelles elles sont confrontées. Le Plan d’action sur le changement climatique 2016-2020 de la Banque mondiale prévoit des plans d’investissement pour une agriculture intelligente face au climat dans au moins 40 pays « avec un accent particulier sur les semences hybrides et les pratiques de captage du carbone, les programmes d’irrigation à haute efficacité/faible consommation d’énergie, la productivité de l’élevage, les solutions énergétiques pour l’agro-industrie et l’intégration de la gestion des risques. »[4]

Engluée dans ces discours et ces plans d’affaires, l’agriculture intelligente face au climat ne va pas nous mener dans la direction dont nous avons besoin. Nous avons besoin d’une approche basée sur l’agroécologie qui améliore les réserves de carbone et la fertilité des sols, combinée à des politiques de soutien aux petits agriculteurs et à leurs cultures, des marchés locaux et la fin du dumping des produits alimentaires en Afrique.

[2] Pour en savoir plus sur les origines de « l’agriculture intelligente face au climat », voir GRAIN, « Les Exxon de l’agriculture », 30 septembre 2015, https://www.grain.org/fr/article/5271-les-exxon-de-l-agriculture
[3] Voir GCRAI/Banque mondiale/USAID : CSA Country Profiles : https://ccafs.cgiar.org/publications/csa-country-profiles

[4] Groupe de la Banque mondiale, Plan d’action sur le changement climatique 2016-2020. Washington 2016.

Il est également crucial d’admettre que l’adaptation est une question secondaire. Elle ne justifie pas l’attention démesurée qu’elle suscite dans les cercles gouvernementaux lorsque le changement climatique et les systèmes alimentaires de l’Afrique sont à l’ordre du jour. La meilleure manière, et la plus efficace, pour protéger les systèmes alimentaires africains du réchauffement climatique consiste à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Étant donné que l’Afrique, dans son ensemble, contribue à moins de 4 % des émissions mondiales, c’est évidemment quelque chose qui doit se produire en dehors du continent.[29] Et, étant donné que le système alimentaire industriel est à l’origine de près de la moitié du total des émissions mondiales et constitue la principale cause de l’effondrement des espèces, de la déforestation et de la destruction des habitats dans le monde, cette réduction doit s’accompagner d’une transformation en profondeur du système alimentaire mondial.[30]

Une action climatique significative dans les pays industrialisés doit se traduire par la fin de la production excédentaire de denrées alimentaires vendues à perte en Afrique. Une action climatique significative en Afrique doit se traduire par la fin de l’importation de ces denrées alimentaires excédentaires. Les deux actions vont de pair ; la solution dans le Nord comme dans le Sud est la souveraineté alimentaire.

C’est la vérité dérangeante qui est toujours passée sous silence dans les débats gouvernementaux et les processus politiques de haut niveau. Dans le rapport de cette année du groupe de travail de la Commission européenne sur l’Afrique rurale, par exemple, de nombreuses discussions ont eu lieu sur la manière d’aider les agriculteurs africains à s’adapter au changement climatique, mais aucune mention n’est faite de la façon dont les exportations et les émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire européen nuisent à la production alimentaire de l’Afrique et à sa capacité à faire face à la crise climatique (voir encadré : Le cas des produits laitiers).[31] Il est politiquement plus facile de dire aux petits agriculteurs africains ce qu’il faut faire (« pas d’agriculture itinérante », « utilisez des semences génétiquement modifiées intelligentes face au climat ») plutôt que de lutter contre les émissions massivement produites par les grandes sociétés agro-industrielles et agroalimentaires dans son propre pays.

Encadré 5: Le cas des produits laitiers

Vingt sociétés laitières basées en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et en Nouvelle-Zélande transforment 25 % du total du lait produit dans le monde et dominent le commerce mondial des produits laitiers.[1] Ensemble, ces entreprises sont responsables de plus d’émissions annuelles de GES que le Nigeria, la plus grande économie d’Afrique.[2]

Beaucoup de ces sociétés sont basées en Europe, qui produit plus de produits laitiers que n’importe quel pays du monde (environ 30 % du total mondial). Au cours des dix dernières années, au lieu de réduire la production laitière conformément aux engagements pris par l’Europe de réduire ses émissions excessives de gaz à effet de serre, les sociétés laitières européennes ont accru leur production. Comme la consommation stagne en Europe, une part croissante de cette production est exportée sous forme de lait en poudre.

L’Afrique est devenue le principal lieu de dumping pour le lait en poudre fortement subventionné de l’Europe, notamment sous forme de lait en poudre ré-engraissé, qui est un lait écrémé en poudre reconstitué avec des huiles végétales bon marché telles que l’huile de palme. L’Afrique représente aujourd’hui plus du tiers des exportations européennes de lait en poudre ré-engraissé. Ce produit de qualité médiocre a inondé les marchés laitiers africains, faisant des ravages parmi les laiteries et les producteurs laitiers locaux.[3]

Conformément à ses engagements en matière de climat, l’Europe doit réduire sa consommation et sa production de produits laitiers (et trouver un moyen de le faire de manière à protéger ses petits producteurs et transformateurs laitiers). Elle ne peut pas se contenter d’exporter son problème. Et, de cette manière, la consommation croissante de produits laitiers en Afrique, qui reste bien inférieure à la moyenne mondiale par habitant, peut être couverte par les exploitations laitières et les petites laiteries africaines.

[1] IFCN Top 20 Milk Processors List 2018//Liste IFCN des 20 premières entreprises laitières en 2018 https://ifcndairy.org/wp-content/uploads/2018/09/Press-Information_EN_-Top20_2018.pdf
[2] Selon GRAIN et l’IATP, les 12 plus grandes entreprises laitières ont émis 274 millions de tonnes de CO2 en 2017. Si l’on inclut les huit entreprises suivantes, le total dépasse facilement les émissions de GES du Nigeria, qui s’élevaient à 304 Mt d’équivalent CO2 en 2017. Voir GRAIN et l’IATP, « Émissions impossibles : comment les grandes entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers réchauffent la planète », https://grain.org/e/5997 et https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_countries_by_greenhouse_gas_emissions
[3] Fanny Pigeaud, « L’Afrique de l’Ouest consomme de plus en plus de «faux lait» européen », Mediapart, 3 juin 2019 : https://www.mediapart.fr/journal/international/030619/l-afrique-de-l-ouest-consomme-de-plus-en-plus-de-faux-lait-europeen

Une manifestation à Nairobi, au Kenya, pour protester contre la hausse des prix des denrées alimentaires. Déroulée en juillet 2011, la manifestation était organisée dans le cadre de la Unga Revolution (Révolution de la farine de maïs). Photo : AP

Malheureusement, la plupart des gouvernements africains reprennent le même discours. Au lieu de résister, ils facilitent l’intégration de l’Afrique aux chaînes d’approvisionnement des entreprises agro-industrielles et agroalimentaires mondiales : en maintenant leurs frontières ouvertes au dumping des produits alimentaires excédentaires et des aliments ultra-transformés, en distribuant des terres fertiles pour les plantations industrielles de palmiers à huile et de canne à sucre et les cultures fourragères, et en criminalisant les pratiques des petits commerçants et des petits agriculteurs.[32]Il existe certaines exceptions encourageantes, comme au Burkina Faso où le gouvernement a récemment mis en place un décret obligeant les institutions publiques, telles que les cantines scolaires, à n’acheter que des aliments produits localement.[33] Mais une réorientation beaucoup plus profonde et complète de la politique publique par les gouvernements africains est nécessaire pour faciliter et soutenir la transition nécessaire vers la souveraineté alimentaire. Dans le tableau en annexe « Bon pour le climat – Mauvais pour le climat », nous donnons quelques exemples d’approches possibles.

Dans l’état actuel des choses, les acteurs des systèmes alimentaires africains – les éleveurs nomades et les bouchers, les agriculteurs et les vendeurs de marchés en plein air, les petits pêcheurs et les vendeurs de cuisine de rue, les ouvriers agricoles et les femmes qui préparent les aliments à la maison – vont devoir prendre les choses en main. Ils doivent s’unir de toute urgence, avec le soutien des mouvements pour la justice climatique, pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie sur la manière de réagir aux crises climatique et alimentaire interdépendantes auxquelles l’Afrique est confrontée.

Ce processus est déjà bien engagé. Au cours des dernières années, les mouvements sociaux ruraux africains se sont structurés et réunis autour d’un certain nombre de demandes et de principes qui peuvent servir de base à une stratégie pour les systèmes alimentaires africains en cette période de crise climatique. Le Manifeste d’agroécologie paysanne de Nyéléni, par exemple, adopté par de nombreuses organisations nationales et régionales africaines de paysans et de pêcheurs en 2017, indique clairement la voie vers la souveraineté alimentaire et la résilience au changement climatique.[34] Cette stratégie est déjà mise en œuvre par des mouvements sociaux dans différentes régions de l’Afrique, sous forme de campagnes incitant à manger local ou de luttes contre l’acquisition de terres par des entreprises, ou contre l’arrivée de chaînes de supermarchés transnationales. Ce type d’actions interconnectées doivent être immédiatement mises en œuvre pour mettre fin à la dépendance de l’Afrique à l’égard des importations de produits alimentaires, faire progresser la souveraineté alimentaire et, ce faisant, lutter efficacement contre la crise climatique.

GRAIN souhaite remercier Andrew Adem, Nyoni Ndabezinhle, Mariann Bassey, Mamadou Goïta et David Calleb Otieno pour leurs contributions à ce rapport.

Téléchargements


Notes:
[1] Nations Unies, « Population 2030 : Demographic challenges and opportunities for sustainable development planning », 2015 : https://www.un.org/en/development/desa/population/publications/pdf/trends/Population2030.pdf
[2] PNUE, « Africa’s Adaptation Gap : Climate-change impacts, adaptation challenges and costs for Africa », novembre 2013 : https://climateanalytics.org/publications/2013/africas-adaptation-gap-climate-change-impacts-adaptation-challenges-and-costs-for-africa/
[4] Richard Munang et Jessica Andrews, « L’Afrique face au changement climatique », AfriqueRenouveau, 2014 : https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/%C3%A9dition-sp%C3%A9ciale-agriculture-2014/l%E2%80%99afrique-face-au-changement-climatique
[5] Reuters, « Kenyan police fire tear gas at food protesters », juillet 2011 : https://gulfnews.com/world/oceania/kenyan-police-fire-tear-gas-at-food-protesters-1.835117
[6] Michelle Tigchelaar et al. « Future warming increases probability of globally synchronized maize production shocks », PNAS, mai 2018 : https://www.pnas.org/content/pnas/115/26/6644.full.pdf
[7] Manitra A. Rakotoarisoa, Massimo Iafrate et Marianna Paschali, « Why has Africa become a net food importer ? » FAO, 2011 : http://www.fao.org/3/a-i2497e.pdf
[8] Ibidem
[9] NEPAD, « Comprehensive Africa Agriculture Development Programme » (« Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine »), novembre 2002 : http://www.fao.org/3/y6831e/y6831e00.htm#TopOfPage
[10] Voir la Déclaration de Maputo : https://www.nepad.org/caadp/publication/au-2003-maputo-declaration-agriculture-and-food-security ; et NEPAD, « Comprehensive Africa Agriculture Development Programme », novembre 2002 : http://www.fao.org/3/y6831e/y6831e00.htm#TopOfPage
[11] En 2010, seuls huit gouvernements africains avaient atteint l’engagement de 10 % et, comme le notait ActionAid, l’objectif politique primordial était de soutenir le secteur agroalimentaire et non les besoins réels des agriculteurs africains. Voir ActionAid, « Fair shares: is CAADP working ? » mai 2013 : https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/fair_shares_caadp_report.pdf
[12] L’Afrique n’était pas la seule à manifester un regain d’intérêt pour l’autosuffisance alimentaire. Voir Jennifer Clapp, « Food self-sufficiency : Making sense of it, and when it makes sense », Food Policy, janvier 2017 : https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2016.12.001
[13] GRAIN, « Les habits neufs du colonialisme : Les accords de partenariat économique entre l’UE et l’Afrique », août 2017 : https://www.grain.org/article/entries/5778-les-habits-neufs-du-colonialisme-les-accords-de-partenariat-economique-entre-l-ue-et-l-afrique
[14] Voir par exemple, Laurence Caramel, « Pourquoi la France s’est retirée de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire », décembre 2018 : https://www.farmlandgrab.org/27856
[15] Voir GRAIN, Tableau 2. Projets industriels de culture du riz échoués en Afrique (disponible en anglais) https://bit.ly/2Y5Ayjo
[16] Voir Florence Brondeau. « The Office du Niger : an Agropole project for food security in Mali ? », Cybergeo : Revue européenne de géographie / European journal of geography, UMR 8504 : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01925413/document
[17] Conversation avec Mamadou Goïta, mai 2019.
[18] Ahmed Farouk Ghoneim, « The Political Economy of Food Price Policy in Egypt », 2014 : DOI:10.1093/acprof:oso/9780198718574.003.0012
[19] Il convient toutefois de noter qu’en 2018, le gouvernement du président égyptien Abdel Fatah al-Sisi a réduit de plus de la moitié la superficie affectée à la production de riz sur le territoire national et a ensuite approuvé l’importation de riz. Voir : Eric Knecht et Maha El Dahan, « Egypt’s rice farmers see rough times downstream of new Nile mega-dam », Reuters, avril 2018 : https://www.reuters.com/article/us-egypt-rice-insight/egypts-rice-farmers-see-rough-times-downstream-of-new-nile-mega-dam-idUSKBN1HU1O0
[20] GRAIN, « Accaparement mondial des terres agricoles en 2016 : ampleur et impact? » juin 2016 : https://www.grain.org/fr/article/5508-accaparement-mondial-des-terres-agricoles-en-2016-ampleur-et-impact
[21] Voir les différents rapports de pays de l’Indice africain de l’accès aux semences (The African Seed Access Index) : https://tasai.org/publications.
[22] Voir GRAIN et AFSA, « Les vrais producteurs de semences : les petits producteurs sauvegardent, utilisent, partagent et améliorent la diversité semencière des cultures qui nourrissent l’Afrique », septembre 2018 : https://www.grain.org/fr/article/6045-les-vrais-producteurs-de-semences-les-petits-producteurs-sauvegardent-utilisent-partagent-et-ameliorent-la-diversite-semenciere-des-cultures-qui-nourrissent-l-afrique et GRAIN et AFSA, « Remise en cause des lois foncières et semencières : qui tire les ficelles des changements en Afrique ? », janvier 2015 : https://www.grain.org/fr/article/5122-remise-en-cause-des-lois-foncieres-et-semencieres-qui-tire-les-ficelles-des-changements-en-afrique
[23] Pour plus d’informations et découvrir la passionnante histoire de ce programme de subventions du Malawi et des réactions des agriculteurs, voir : Timothy A. Wise, Eating Tomorrow : Agribusiness, Family Farmers, and the Battle for the Future of Food, 2019 : https://thenewpress.com/books/eating-tomorrow
[25] GRAIN, « Supermarchés, dégagez de l’Afrique ! Les systèmes alimentaires du continent se débrouillent très bien sans eux », novembre 2018 : https://grain.org/fr/article/6064-supermarches-degagez-de-l-afrique-les-systemes-alimentaires-du-continent-se-debrouillent-tres-bien-sans-eux
[26] Bee Wilson, « Good enough to eat? The toxic truth about modern food », Guardian, mars 2019 : https://www.theguardian.com/books/2019/mar/16/snack-attacks-the-toxic-truth-about-the-way-we-eat
[27] GRAIN, « Supermarchés, dégagez de l’Afrique ! Les systèmes alimentaires du continent se débrouillent très bien sans eux », novembre 2018 : https://grain.org/fr/article/6064-supermarches-degagez-de-l-afrique-les-systemes-alimentaires-du-continent-se-debrouillent-tres-bien-sans-eux
[28] LVC-SEAf et Afrika Kontakt, « L’agroécologie paysanne réalise la justice climatique : un guide d’introduction », mai 2018 : https://viacampesina.org/en/wp-content/uploads/sites/2/2018/05/primer_french_print.pdf
[29] Groupe d’experts intergouvernemental (2014) Changement climatique 2014 : Impacts, adaptation et vulnérabilité.
[30] Sur la perte de la biodiversité et la déforestation, voir Greenpeace, « Countdown to extinction : What will it take to get companies to act ? », juin 2019 : https://storage.googleapis.com/planet4-international-stateless/2019/06/2beb7b30-gp_countdown_to_extinction_2019.pdf. Sur les émissions de GES, voir GRAIN « Alimentation et changement climatique, le lien oublié », 28 septembre 2011. http://www.grain.org/fr/article/entries/4363-alimentation-et-changement-climatique-le-lien-oublie
[31] Groupe de travail de la CE sur l’Afrique rurale, « Un agenda Afrique-Europe pour la transformation rurale », mars 2019 : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/report- tfra_mar2019_fr.pdf
[32] Les réglementations proposées par le gouvernement kényan sur les cultures (cultures vivrières) en fournissent un exemple. Voir Graham Kajilwa et Michael Chepkwony, « Farmers, traders at a loss as State moots punitive rules », mars 2019 : https://www.standardmedia.co.ke/business/article/2001318765/state-introduces-punitive-regulations-for-farmers
[33] Voir ROPPA et al., « La bataille de consommation locale en Afrique de l’Ouest », janvier 2019 : https://www.alimenterre.org/system/files/2019-01/batailles-consommer-local-pp-bd.pdf
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Nous avions évoqué dans les Points de repère de mars, les mobilisations en cours contre l’« affaire PetroCaribe ». Cet article de Leslie Péan, économiste et écrivain haïtien, nous donne l’occasion de proposer une analyse plus approfondie de l’affaire. Ce texte a été présenté à la conférence internationale qui s’est tenue à Paris (Bourse départementale de la Seine-Saint-Denis, Bobigny) le 8 et 9 juin 2019 sur les « Luttes contre la corruption en Haïti », autour de l’affaire PetroCaribe. Il a ensuite été soumis par l’auteur à AlterPresse le 21 juin, et publié en ligne, en deux parties, les 23 et 27 juin.


Sous l’empire des lois haïtiennes, le scandale PetroCaribe, du nom d’un mécanisme de crédit, offert par le Venezuela à un groupe des pays de la Caraïbe, est, avant tout et par-dessus tout, un « crime d’État ». Il a été commis, entre 2008 et 2018, par des chefs d’État et de gouvernement, des ministres, des chefs d’entreprises et des dirigeants de banque. Encore une fois, les génies du mal, qui bloquent tout développement en Haïti, ne sont pas restés les bras croisés pour assister au désastre, ils se démènent comme des diables dans des bénitiers pour noyer la vérité. Ainsi, l’irréparable outrage à la morale continue-t-il dans la presse des « marchands de micro », avec un désolant spectacle en matière d’éthique, une plongée infernale dans la décadence et un inqualifiable soutien au crime.

Aujourd’hui, le scandale PetroCaribe suscite d’autant plus d’intérêt que la mécanique des malversations a été actionnée par des complices, disséminés dans au moins quatre pays étrangers : la République dominicaine, le Venezuela, le Panama et les États-Unis d’Amérique. Il est curieux de constater que, sur le plan idéologique, l’escroquerie a eu lieu autant sous des régimes de gauche, du centre que de droite.

Un contrat signé avec un défunt

Suite à des dénonciations de malversations, effectuées dans la presse démocratique locale, deux sénateurs haïtiens, Youri Latortue et Évalière Beauplan, ont commencé à investiguer les irrégularités depuis trois ans, produisant, le 17 août 2016 et le 26 octobre 2017, deux rapports exposant méthodiquement les nombreuses anomalies observées. Ils ont ainsi épluché une douzaine de contrats, signés en 2011 par le gouvernement haïtien avec une première firme, la J & J Construction, dissoute le 27 septembre 2010, et observé qu’un certain nombre de contrats ont été signés sans le certificat de non-objection de la Commission nationale des marchés publics (CNMP).

L’anomalie la plus grave a été la signature d’un contrat par la ministre Florence G. Duperval avec une personne décédée. À ce propos, la deuxième Commission sénatoriale, dirigée par le sénateur Beauplan, déclarait : « Quant au fait que la première Commission lui reprochait d’avoir signé un contrat avec un mort, madame Duperval a répondu qu’elle savait que la personne était décédée, mais comme le contrat se trouvait déjà au ministère, elle l’a signé en pensant que cela ne constituait pas un problème [1]. »

Le rapport de la Commission sénatoriale spéciale d’enquêtes d’octobre 2017 a été présenté au Sénat par les sénateurs Latortue et Beauplan pour adoption. Un important coin du voile était soulevé. Le président Jovenel Moïse était épinglé dans le cadre d’un contrat de fournitures et d’installation de 65 lampadaires dans les localités de Savanette et de Mont-Organisé. Le contrat était signé de gré à gré, le 11 janvier 2013, entre le Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement (BMPAD), organisme gérant les fonds PetroCaribe, et la firme COMPHENER S.A., représentée par l’entrepreneur Jovenel Moïse. Ce contrat n’avait pas l’approbation de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) et ne bénéficiait pas d’un certificat de non-objection de la CNMP. Le montant du contrat est 4 949 389 gourdes ou 116 058,34 dollars. Ce coût était estimé exorbitant pour 65 lampadaires, du fait que le coût moyen d’un lampadaire est de 76 144 gourdes dans le cadre de ce projet. La surfacturation était constatée, du fait que, dans un projet similaire, le coût moyen du même lampadaire était de moitié.

Se sentant mal à l’aise avec les conclusions du rapport de la Commission sénatoriale spéciale d’enquêtes, le sénateur Joseph Lambert et 17 sénateurs du Parti haïtien Tèt Kale (PHTK), majoritaire au Sénat, tentent, en février 2018, une manœuvre de diversion pour gagner du temps. Ils votent alors une résolution, demandant à la CSC/CA « d’effectuer une vérification, une analyse et un examen approfondis de la gestion des fonds PetroCaribe, sur la période allant de septembre 2008 à septembre 2016 ». La manœuvre vise à étouffer dans l’œuf l’investigation, en laissant croire que seule la CSC/CA est habilitée à émettre un jugement objectif sur la gestion de PetroCaribe. Lambert agissait ainsi persuadé que cette entité appartenait au monde des ombres (zombis), vu qu’elle n’avait joué jusque-là qu’un rôle décoratif dans le droit administratif haïtien. Contre toute attente, la CSC/CA a pris son rôle au sérieux. La diversion a échoué et l’écran de fumée a été dispersé. La CSC/CA va faire un constat, encore plus accablant que celui qu’elle avait présenté dans son rapport de 2013-2014 [2].

Les divagations et incohérences du pouvoir

L’ampleur de la question PetroCaribe sur le plan national et international rend impossible toute tentative d’étouffement du procès. On ne saurait évoquer un cas de « force majeure » dépénalisant la corruption, comme le veut un projet de loi russe [3]. La corruption, dans l’utilisation des fonds PetroCaribe, a commencé bien avant le séisme du 12 janvier 2010, à un moment où des conditions normales existaient pour le choix des projets et les passations de marchés.

En bravant les interdits, le 14 août 2018, le mouvement Kot kòb Petro karibe a (Où est l’argent de PetroCaribe ?) a pris le relai des protestations, qui avaient commencé bien avant, à la radio et dans les journaux. Par exemple, au lendemain du séisme, nous écrivions en mars 2010 :

« les fonds de PetroCaribe sont gérés par le gouvernement de Préval comme le furent ceux de la Régie du tabac et des allumettes (RTA) sous François et Jean-Claude Duvalier. Ces fonds ne sont pas fiscalisés et dépendent uniquement de la présidence qui les utilise à sa guise. Les dilapidations de la bande à Préval sont connues. Les plus récentes sont les 197 millions de dollars dilapidés en 2008, puis les 163 millions de dollars disparus, en un mois, en 2010, dans des contrats de gré à gré avec des amis du pouvoir [4]. »

Cet article braquait les projecteurs sur des pratiques consacrées dans les deux premières résolutions du 20 septembre 2008 et du 11 février 2010 du projet PetroCaribe et qui allaient se révéler destructrices par la suite. Le désenchantement se profilait déjà, avec un horizon ponctué de magouilles et d’abus.

Dans le cadre de ces opérations, impossibles à justifier, les bandits au pouvoir ont assassiné plusieurs innocents. Robert Marcello, le coordonnateur de la Commission nationale des marchés publics (CNMP), a été enlevé le 12 janvier 2009, tandis qu’Alix Mary Junior Gassant, le directeur d’une firme de construction, a été tué le 24 février 2012. Ils sont connus en Haïti comme les deux premières victimes des dilapidateurs des fonds PetroCaribe [5]. C’est ensuite Klaus Eberwein [6], ancien directeur du Fonds d’assistance économique et sociale (FAES), qui s’est prétendument « suicidé » le 12 juillet 2017, dans un hôtel de Floride, après avoir accepté de témoigner devant la commission du Sénat chargée d’examiner l’utilisation des fonds PetroCaribe. Un autre décès, pour le moins suspect, a été celui de Caroline Estimé [7], chargée du dossier PetroCaribe à la Primature et qui devait aussi témoigner devant cette commission du Sénat. Elle aurait également mis fin à ses jours, en Floride, le 2 août 2018.

Au sujet du FAES , il y a lieu de rappeler qu’il s’agit de l’organisme qui a lessivé 67 millions de dollars pour aider les pauvres, les femmes et les étudiants, visés par les huit programmes sociaux EDE PÈP, qui se sont révélés une extraordinaire arnaque, avec un total de 81 607 bénéficiaires fictifs.

Les relations que les Haïtiens entretiennent entre eux et avec eux-mêmes

Dès le seuil des débats, l’instruction de l’affaire PetroCaribe fait ressortir la nécessité de deux ou plusieurs procès, dans la mesure où l’on ne peut pas contester la compétence de la CSC/CA [8] dans les enquêtes sur ce genre d’infractions. D’abord, on devrait s’attendre à un premier procès, portant sur la malversation, le détournement de fonds publics, le vol et la concussion. Puis, viendrait un deuxième procès, au titre des diverses formes de corruption, prévues par la Loi portant prévention et répression de la corruption [9], à savoir « l’enrichissement illicite, le blanchiment du produit du crime, l’abus de fonction, le pot-de-vin, les commissions illicites, la surfacturation, le trafic d’influence, le népotisme, le délit d’initié, la passation illégale de marchés publics, la prise illicite d’intérêts, l’abus de biens sociaux et tous autres actes, qualifiés comme tels par la loi ».

Par-delà l’ampleur des malversations financières, il est question de symboles et d’un imaginaire collectif, où les supplices les plus horribles et d’autres cruautés du genre passent comme des lettres à la poste. Ainsi, dès le premier procès PetroCaribe, devraient comparaître « tous les ordonnateurs, les ordonnateurs secondaires, les comptables publics, les comptables de deniers publics, les firmes d’exécution et de supervision des projets, les premiers ministres et les ministres impliqués dans des actes de corruption dans la gestion du Fonds PetroCaribe, de 2008 à 2016 » [10].

Une vision anarchique de l’aide publique au développement

Au-delà du détournement des fonds et des méthodes dictatoriales appliquées pour réduire au silence les fonctionnaires désireux de s’acquitter de leurs fonctions dans le respect des normes de bonne gouvernance, il y a lieu de dénoncer ici la conception malsaine des dirigeants de cette période en matière de gestion financière et d’utilisation de l’aide au développement.

Le premier à imprimer la marche à suivre, dans la déliquescence financière, a été René Préval, qui a d’abord pris l’habitude de placer les fonds PetroCaribe dans des instruments non productifs de revenus, puis d’en disposer de façon anarchique. Cette gestion irrationnelle a été poursuivie sous le gouvernement de Michel Martelly (2011-2016), qui a choisi deux tiers des projets financés avec les fonds PetroCaribe. De plus, 56% de ces projets ont alors été exécutés par le ministère des travaux publics, transports et communications (MTPTC) et le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE). La corruption se manifeste déjà, dans toute sa laideur, au niveau de de la répartition, de l’allocation et de l’affectation des ressources.

L’arbitraire des désaffectations

La promotion de l’instruction de l’affaire PetroCaribe ne doit pas consister à examiner uniquement les projets exécutés, mais commencer par étudier d’abord le processus de leurs choix. La corruption pointe dans l’arbitraire avec lequel un projet est choisi par rapport à un autre et souvent sans étude préalable de factibilité. Une étude sur la désaffectation des fonds donnerait un éclairage spécial sur l’arbitraire qui règne dans ce domaine. Par exemple, les fonds de PetroCaribe pour un projet de logements sociaux à la capitale sont désaffectés, d’un revers de main, pour acheter et réhabiliter un hôtel à Jacmel. Mais, quelques années plus tard, il n’y a pas la moindre trace de rénovation d’hôtel et les fonds ont disparu. Un autre cas est la désaffectation de 1 181 246,56 dollars, qui a été effectuée par la résolution du 15 avril 2015 dans le cadre du projet de « Construction d’un pont sur la rivière Haut-du-Cap ». Les prélèvements de ce genre sont légion, surtout au cours du gouvernement de Martelly.

Les résultats des deux audits de la CSC/CA permettent d’organiser « un procès spécifique pour chaque premier ministre, chaque ministre qui n’aurait pas reçu décharge du fait de la gestion du Fonds PetroCaribe, chaque ordonnateur, chaque comptable, contre qui un arrêt de débet sera prononcé [11]. »

Sophisme et irrégularités

L’actualité est bousculée par l’affaire PetroCaribe depuis que l’avocat André Michel a montré en février 2018 qu’il était possible de vivre le rêve de la transparence dans les affaires publiques. Sa persévérance dans l’affrontement à cette dure réalité fait tache d’huile. Et c’est justement pour n’avoir pas voulu battre en retraite que la contestation de l’ordre établi s’est étendue comme une traînée de poudre. À partir du 14 août 2018, avec tweets, hashtags, sit-ins, petites et grandes manifestations, le mouvement de revendication Kot kòb Petro Karibe a (Où est l’argent de PetroCaribe) est devenu national puis international grâce à la stimulation inestimable des réseaux sociaux déclenchée par les Gilbert Mirambeau Jr., Valckensy Dessin dit K-Libr, Gessica Généus et Gaëlle Bien-Aimé. La détermination des jeunes a jeté le désarroi dans la classe politique traditionnelle des chercheurs de pouvoir. Les cerveaux de ces derniers sont formatés pour voir des dessous d’opération trompe-l’œil dans tout mouvement de revendication démocratique.

Dans cette conjoncture particulière, les autorités judiciaires devront absolument éviter deux écueils. D’une part, il y a les chasses aux sorcières susceptibles de conduire à des condamnations d’innocents ou à des accusations mensongères qui, malgré l’absence de tout élément de preuve, sont propagées allègrement dans la presse des « marchands de micro ». D’autre part, il faut barrer la route au sophisme voulant que nous soyons tous pourris. Ce sophisme est un argument démagogique, une logique fallacieuse et un raisonnement trompeur utilisé pour empêcher de comprendre et de rétablir la confiance. Comme le disait Louis J. Marcelin à la fin du 19e siècle, « Chez nous, le sophisme marche de pair avec la raison et se charge d’imposer silence au sens commun et de légitimer tous les abus » [12].

La CSC/CA a fait ressortir un nombre d’abus parmi lesquels :

- Des marchés qui devraient être conclus à concurrence ont été passés de gré à gré. Un cas patent est celui d’une firme sans expérience dans le domaine du dragage pour un montant de 29 millions de dollars.
- Projets non-achevés dans les délais prévus et des clauses de contrat non respectées.
- Projets lancés en 2010-2011 encore en phase de démarrage en 2014.
- Projets bénéficiant de la loi d’urgence dans une zone non affectée par le séisme de 2010.
- Financement d’un contrat signé par le ministère de la santé publique et de la population (MSPP) avec une personne décédée [13].
- Contrats en gourdes réglés à des taux de change plus bas que ceux de la Banque de la République d’Haïti (BRH).
- Décaissements provenant du Fonds PetroCaribe hors de toute résolution.
- Contrats d’exécution non respectés, des projets inachevés au terme des délais impartis et des cas de retard de deux ans enregistrés, alors que les exécutants ont déjà reçu la plus grande partie des montants de leurs contrats.
- Faiblesses généralisées de gestion tant du côté des ordonnateurs que de celui des exécutants des contrats.
- Non-respect des procédures et des clauses contractuelles par les ordonnateurs et les agents d’exécution [14].
- Collusion, favoritisme et détournement de fonds dans nombre de projets dont la construction du viaduc Delmas – Nazon, les travaux de réhabilitation et de réparation des rues à Pétion-Ville, les réhabilitations de tronçons de route.
- Contrats antidatés pour bénéficier de la loi d’urgence.
- Décaissement à 100% d’infrastructures sportives qui ne sont pas terminées.
- Décaissement de l’avance de démarrage des travaux avant même la conclusion du marché et la signature du contrat.
- Utilisation des fonds à d’autres fins. C’est le cas avec le projet « Construction et réhabilitation d’hôpitaux ».
- Supervision des travaux défaillante ou complaisante. C’est le cas avec la construction du viaduc Delmas – Nazon, la réhabilitation du tronçon de route Borgne – Petit Bourg-de-Borgne, la réhabilitation du tronçon de route Port-de-Paix – Port-Margot. Les travaux de construction sur la route Carrefour Puilboreau – Marmelade.
- Projets de centaines de millions de dollars d’aide aux sinistrés du séisme qui ont été détournés.
- Fractionnement délibéré de contrats afin de contourner la règlementation.
- Avance de démarrage des travaux décaissée au-delà de ce que prévoit la loi. Par exemple, dans un projet appartenant à la chambre des députés, la Cour a constaté une avance de démarrage de 40% versée à la firme exécutante, dépassant le seuil de 30% et la garantie suivant les articles 83 et 83-1 de la loi du 12 juin 2009.
- Non-versement des acomptes de 2% récoltés au profit de la Direction générale des impôts (DGI).

Le grand défi de l’heure

Face à ces irrégularités, il faut donner le signal que les choses ont changé et que la justice peut exister dans ce pays. Sans faire de vendetta, des procès sérieux du scandale PetroCaribe doivent être menés à terme. Devant la détermination du public, l’État n’a pas pu faire le rodomont car 62 plaignants se sont présentés au tribunal. L’approche juridique et pacifique privilégiée par l’avocat André Michel s’est révélée gagnante. Le pouvoir a contre-attaqué en contraignant à se désister le juge Paul Pierre chargé du dossier et réputé pour son indépendance. Il a été remplacé par le juge d’instruction Ramoncite Accimé connu pour ses accointances avec le PHTK. Toutefois, l’opposition ne démord pas. L’audition des plaignants a commencé le 27 septembre 2018 et se poursuit avec des hauts et des bas.

La filière dominicaine

Le 8 novembre 2010, trois compagnies appartenant au sénateur dominicain Félix Bautista ont signé en Haïti huit contrats en 24 heures, pour un montant de 385 millions de dollars (290 millions d’euros) [15]. Ces trois compagnies ayant pour noms Hadom, Construcciones y Diseños, et Rofi devaient construire entre autres le Palais législatif d’Haïti (siège du Parlement), des logements sociaux au Bowen Field et au Fort national à la Capitale. Les bonnes habitudes prises en 2010 n’ont pas été abandonnées. Une fois au pouvoir en 2011, l’équipe Martelly a continué sur cette voie dangereuse et a signé 20 contrats de gré à gré avec la firme dominicaine Estrella pour exécuter des travaux en Haïti entre septembre 2011 et juillet 2015.

Ancien tailleur de la province de San Juan de la Maguana qui confectionnait des costumes sur mesure [16], le sénateur Félix Bautista, du Parti de la libération dominicaine (PLD), est devenu subitement le législateur le plus riche de la République dominicaine à partir de ces contrats en Haïti [17]. Le premier ministre haïtien Garry Conille a voulu cerner les contours de ce dossier. « Une commission d’audit formée par M. Conille a jugé que l’attribution de ces contrats, financés par des fonds vénézuéliens, avait été irrégulière et portait préjudice aux intérêts de l’État haïtien [18]. » Il sera rapidement contraint de démissionner.

À partir de données fournies par le Mouvement civique des citoyens contre la corruption [Movimiento Cívico Ciudadanos contra la Corrupción (C3)], la journaliste dominicaine Nuria Piera a rapporté que « l’ingénieur et entrepreneur Félix Bautista, sénateur du PLB et ami particulier du président Fernández, aurait versé respectivement 2,5 millions, 250 000 et 1,2 millions de dollars à Michel Martelly, Myrlande Manigat et Alejandro Toledo, candidat présidentiel au Pérou en 2011, pour leurs campagnes électorales » [19].

L’investissement des fonds détournés du programme PetroCaribe dans l’immobilier de luxe en République dominicaine semble se situer dans la voie d’accélération du projet d’unification des deux pays prôné par Martelly dans son entrevue avec la journaliste Nuria Piera le 9 avril 2011 à la télévision dominicaine [20] – un projet soutenu par Fox News [21]. Martelly a vite reçu en échange le plus haut symbole dominicain, la médaille de Duarte, Sánchez et Mella.

Le journaliste dominicain Rafael Percival a trouvé les mots justes pour décrire la manœuvre :

« Cette récente décoration avec l’Ordre Duarte, Sánchez et Mella, la plus haute distinction accordée par le gouvernement dominicain à une personnalité étrangère, a été donnée dans l’intention de mettre un mors à la bouche du président haïtien pour cacher, masquer et étouffer tous les dessous de l’affaire et la trame du détournement de fonds auquel les deux pays ont été soumis » [22].

Contre les accusations de corruption, Bautista a reçu l’appui des sénateurs du PLD qui ont répondu qu’il s’agit de calomnies contre un homme intègre et plein de mérites. Le vice-président s’est même opposé à la tenue de toute enquête sur les biens du sénateur Bautista. Quant au procureur dominicain Radhamés Jiménez, il a affirmé qu’il s’agit de rumeurs et de spéculations [23].

Bien que le Tribunal suprême dominicain ait absout en 2015 le propriétaire de ces sociétés, le sénateur Félix Bautista (PLD), pour insuffisance de preuves, ce dernier a finalement été épinglé par les autorités financières états-uniennes en 2016.

Le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Département du Trésor des États-Unis (OFAC en acronyme anglais, pour Office of Foreign Assets Control) a accusé le sénateur Bautista d’avoir reçu un contrat de 10 millions de dollars pour la construction du ministère des affaires étrangères en Haïti et de n’avoir rien construit. Les comptes en banque du sénateur Bautista ont été confisqués ainsi que ses biens tels que les entreprises Rofi et Hadom [24]. En fait, il ne s’agit que de la pointe émergée de l’iceberg, car le sénateur Bautista a une fortune estimée par les autorités états-uniennes à un milliard 800 millions de dollars [25].

La connexion qui se fait à travers la corruption des contrats renforce la connexion historique des oligarchies des deux pays. Cette vision d’ensemble est ainsi résumée par le journaliste dominicain Rafael Percival :

« La profonde crise interne en Haïti ne trouve pas son origine dans le pays voisin, la République dominicaine, comme une construction maladroite cherche à le faire croiser. La seule personne qui essaie de faire tomber le président haïtien est le président lui-même. Ses scandales de corruption perturbent l’éthique et la morale, et ébranlent les fondements de la société haïtienne. Martelly et ses amis sont favorisés, parrainés par leurs acolytes issus des mondes des affaires et de la politique dominicains, parmi lesquels se distingue le sénateur Félix Bautista, qui n’est ni plus ni moins que le secrétaire institutionnel du Parti de la libération dominicaine (PLD), dans les rangs de la majorité, et joue un rôle prépondérant dans le contexte haïtien. Félix Bautista, est un maître templier de la corruption. Maintenant, ne nous leurrons pas : qui a mis Martelly au pouvoir ? Qui a fourni les ressources économiques ? Nous, Dominicains, ne le savons-nous pas ? Tout comme Trujillo l’a fait avec Sténio Vincent [26]. »

Combattre la méchanceté

La cacophonie de commentaires négatifs qu’on écoute dans la presse des « marchands de micro » sur le rapport PetroCaribe rappelle étrangement les jugements à l’emporte-pièce imputant chaque fois une certaine responsabilité aux victimes des viols. Pour astucieuse qu’elle soit, la manœuvre est toujours grossière. On prétend appuyer la recherche de la vérité dans le but de châtier les coupables, mais tout ce qu’on veut au fond, c’est miner le processus. Tandis que de partout l’opinion semble appuyer les démarches des vérificateurs de la CSC/CA, ils sont l’objet de constantes menaces et de tentatives de kidnapping de la part de gangs armés. La méchanceté est sournoise dans la démarche du laboratoire qui s’associe à des gangs pour assassiner les partisans de la lumière et du changement. Dans la bataille d’idées visant l’élaboration d’un projet de société, le chemin de la mobilisation de la rue est la toute première garantie de succès. Le réquisitoire de la CSC/CA interpelle la nation dans toutes ses composantes et dans sa culture profonde du « Plumez la poule, mais ne la laissez pas crier ». Pour rallumer la flamme de l’espoir, Haïti est tenue de se présenter à ce rendez-vous avec l’histoire. Elle ne doit en aucun cas ajouter un nouveau chapitre à son histoire de rendez-vous manqués, de corruption et d’impunité.

Haïti continuera d’être « une terre de mystères » et de déception si la CSC/CA ne termine pas son excellent travail par l’émission d’arrêts de débet contre les coupables des détournements dénoncés. Par ailleurs, l’institution devra absolument étendre son travail aux projets non encore examinés. De même, l’appareil judiciaire devra à tout prix éviter les faux pas et contourner les vices de procédure susceptibles de permettre aux accusés et inculpés de s’échapper. À cet égard, la valse-hésitation des interdictions de départ vite annulées doit absolument être évitée.

Pour commencer, le juge d’instruction Ramoncite Accimé devrait se désister pour céder sa place à un magistrat de grand prestige et reconnu pour son courage, son impartialité et ses compétences. Sinon, il sera impossible d’interroger les gros bonnets épinglés dans les rapports de la CSC/CA. À cette étape des procédures, toutes les immunités sont automatiquement levées, en vertu de la Convention interaméricaine contre la corruption signée par Haïti. Il faut espérer que la mobilisation des diverses couches de la population et de la société civile en général continuera d’avancer dans la bonne direction, chacun dans sa sphère de compétence.

Leslie Péan

 

- Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3502.

- Source (français) : AlterPresse, 23 juin 2019, pour la première partie du texte, et 27 juin 2019 pour la seconde.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source originale (AlterPresse – http://www.alterpresse.org) et l’une des adresses internet de l’article.

Notes :

[1Sénat de la République, Rapport final de la Commission sénatoriale spéciale d’enquête sur le Fonds PetroCaribe couvrant les périodes annuelles allant de septembre 2008 à septembre 2016, octobre 2017, p. 390.

[2CSC/CA, Rapport sur la situation financière et l’efficacité des dépenses publiques pour l’exercice 2013-2014, février 2015.

[3Bill Chappell, « Russia Proposes Easing Laws On Corruption, Saying It’s Unavoidable Sometimes », National Public Radio (NPR), 29 janvier 2019. Voir aussi « Projet de loi : dépénalisation des actes de corruption en cas de “force majeure” », Le Courrier de Russie, 30 janvier 2019.

[4Leslie Péan, « Le cataclysme des Duvalier et celui du 12 janvier 2010 », AlterPresse, 15 mars 2010.

[5Lettre de l’avocat Newton Louis St Juste, Port-au-Prince, ce 9 septembre 2018.

[6Jacqueline Charles, « Former Haiti government official shoots himself in the head in Miami-area hotel », Miami Herald, 12 juillet 2017.

[8Articles 19 et 20 du décret du 23 novembre 2005 de la CSC/CA, lequel décret est amendé par la loi du 4 mai 2016, publiée au Moniteur du 1er février 2017.

[9Loi portant prévention et répression de la corruption, Le Moniteur, n° 87, vendredi 9 mai 2014, p. 6.

[11Ibid.

[12Louis J. Marcelin, Haïti : ses guerres civiles, leurs causes, leurs conséquences présentes, leur conséquence future et finale : moyens d’y mettre fin et de placer la nation dans la voie du progrès et de la civilisation : études économiques, sociales et politiques, 2 vol., Paris, Arthur Rousseau, 1892-1893, p. 241.

[15Jean-Michel Caroit, « Un scandale de corruption entache les autorités dominicaines et haïtiennes », Le Monde, 3 avril 2012.

[16Sara Pérez, « Félix Bautista : el arte de bailar en todas las fiestas », Acento, 28 mars 2012.

[17Alicia Ortega, « Valor de propiedades : Félix Bautista podría catalogarlo como legislador más rico de RD », El Informe, Noticias Sin, 14 octobre 2014.

[18Jean-Michel Caroit , art. cit.

[19Jean-Michel Caroit, art. cit. ; Joseph Harold Pierre, « Élections présidentielles dominicaines et Haïti. Essai d’analyse politique », Tout Haïti, 17 mai 2012.

[21Daniel Rodriguez, « Haiti Should Merge with Dominican Republic », Fox News, 25 janvier 2010

[22Rafael Percival, « ¡Rompan fila… que viva Nuria ! », Acento, 15 avril 2012.

[23Gustavo Olivo Peña, « Procurador dice son “rumores y especulaciones” lo que se publica sobre Félix Bautista », Acento, 28 mars 2012.

[24Jacqueline Charles, « Dominican senator accused of ripping off Haiti sanctioned by Trump administration », Miami Herald, 12 juin 2018.

[25« USA revela el monto de la fortuna del senador dominicano Félix Bautista, Primera plana Nueva York, 15 juin 2018.

[26Rafael Percival, « ¡Rompan fila…que viva Nuria ! », Acento, 15 avril 2012.

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Le traité de libre-échange (TLE) entre l’Union européenne et le Mercosur n’a peut-être été qu’une annonce politique à un moment de changements, alors qu’une Commission européenne se retire, et que des présidents sud-américains sont désireux de remporter quelques victoires, mais le plus probable est que l’accord s’applique provisoirement avant que soit envisagée sa ratification par des instances législatives.

L’annonce de l’accord, dont le texte n’a pas été communiqué, a suscité une énorme confusion parmi les chefs d’entreprise, les travailleurs et les forces progressistes du Mercosur qui ont estimé que cette annonce n’a aucune importance car le traité est encore au niveau des intentions, que c’est du « vent ».

Sans fondement non plus, ils affirment, peut-être sous l’influence d’ONG européennes, qu’il n’y a pas de danger dans l’immédiat car l’accord n’entrerait pas en vigueur avant que tous les parlements du Mercosur et d’Europe l’approuvent, sans considérer la possibilité qu’il soit appliqué de façon provisoire avant de passer par les instances législatives, ni non plus qu’aucun TLE européen n’a été bloqué par des parlements.

Plus encore, quand surgissent des contestations / des hésitations dans le débat législatif européen, l’accord pourrait bien rester dans les tiroirs, vu qu’il n’y a pas urgence tant qu’il s’applique « provisoirement ». Par exemple le Parlement européen n’a toujours pas approuvé l’accord avec la Colombie qui a été signé en 2012.

Ces mêmes arguments fallacieux ont été avancés quand l’Équateur a signé l’accord avec l’UE, quand un fort lobbying européen et de droite s’y est opposé. Le président Rafael Correa a accepté son application provisoire à partir de janvier 2017, après qu’il ait été approuvé sans difficulté aucune à l’Assemblée nationale par une impressionnante majorité de partisans de Correa, avec l’excuse qu’il n’y avait pas d’autre alternative. Il faut rappeler que les parlements ne peuvent qu’approuver ou rejeter mais pas modifier les accords.

L’ordre du processus d’approbation de l’accord date de 1999, avec le mandat de négociation, s’est prolongé par des négociations infructueuses durant 20 ans jusqu’à ce que, vendredi dernier, les négociations aient été mises à l’ordre du jour. Maintenant viendra la révision légale par les Européens, ce qui suppose des changements (dans l’accord avec le Canada, le CETA, 19% du contenu a été revu).

Les Européens espèrent qu’en 2020 soit signé l’accord de libre échange par les gouvernements sud-américains et le Conseil de l’UE et qu’à partir de cet acte soit autorisé immédiatement l’application provisoire du traité. Après quoi interviendra la ratification parlementaire : si un pays européen ne le ratifie pas le traité est abandonné (il n’y a pas d’antécédent que cela se soit produit). La conclusion formelle et l’entrée en vigueur définitive, selon les projets de l’UE seraient pour 2025.

L’interprétation des forces progressistes est qu’en réalité l’accord n’a pas été signé, mais que les lignes générales ont été définies qui bénéficient essentiellement aux européens, avec l’espoir illusoire des présidents du Mercosur de susciter l’intérêt des capitaux étrangers à investir dans leurs pays. L’important n’était pas l’accord mais de faire l’annonce d’un « succès historique » et de créer un imaginaire collectif sur ce sujet.

Il est vrai que nous sommes à l’époque de la vérité a posteriori et des fake news. Faisant preuve de peu de sérieux et de beaucoup d’opacité, l’Union européenne a fait l’annonce, alors que les progrès supposés, après 20 ans de négociations qui peuvent définir la matrice productive des pays, sont tenus secret et surtout ceux qui sont concernés (industriels, travailleurs, paysans) n’ont jamais été consultés. Personne ne sait de quoi il s’agit mais peu importe il y en a qui s’en réjouissent.

Après les contestations des travailleurs et des chefs d’entreprise d’Argentine, d’Uruguay, du Brésil et du Paraguay, c’est la porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye, qui a annoncé que la France « n’est pas prête » pour ratifier l’accord commercial. Du côté sud-américain, un des motifs indiqués pour expliquer l’accord éventuel est que les gouvernements satisfont les intérêts des secteurs de l’agro-alimentaire transnational, qui semblent être certains d’être bénéficiaires de l’accord avec l’UE.

Le gouvernement argentin a frappé un grand coup de marketing politique dans le but d’avoir un argument, dans ces mois de campagne électorale, dans un contexte d’accumulation de fiascos retentissants, lors de ces trois dernières années et demie de l’économie selon la vision de Macri : la répétition des slogans, sur le caractère historique d’un accord qui n’a pas été signé, qui sont diffusés par le réseau de propagande publique et privée est grossière, souligne l’analyste Alfredo Zaiat dans Página 12.

L’ancien ministre des affaires étrangères argentin, Jorge Taiana a déclaré : « l’opacité est grande pour ce qui est de la manière dont le gouvernement argentin a négocié cet accord. Ce que nous savons c’est que, eux ont beaucoup à y gagner et nous, nous avons peu à y gagner : le bénéfice de l’Union européenne est dix fois plus important que celui du Mercosur ; elle ne baisse pas les droits de douane mais modifie les quotas. » « Un bon accord avec l’UE serait positif mais celui-ci est un mauvais accord. Le gouvernement a annoncé cet accord, alors que ce n’est pas encore un accord et qu’il est mauvais, uniquement pour des raisons électoralistes. » « S’il s’applique, il finira par détruire l’industrie nationale » a ajouté Taiana.

Les forces progressistes doivent utiliser aussi l’accord à des fins électoralistes, mais pour exiger des gouvernements qu’ils fassent connaître publiquement tout ce qui est négocié. Les révélations sont partielles, au compte-goutte, et dues essentiellement aux communiqués des Européens.

Il faut que nous sachions concrètement et non par une information biaisée ou des rumeurs ce qui a été négocié car « le diable se toujours cache dans les détails » ; le manque de transparence est évident de la part des gouvernements qui gardent secret les documents concernant les dispositions qui ont une énorme importance stratégique pour leurs pays.

Les demies teintes n’ont pas leur place : l’intention des fake news (chose fausse contrairement aux apparences), les mensonges, sont l’art de manipuler de tromper, d’induire en erreur, pour obtenir un bénéfice économique ou politique. Il y a certes une avancée, mais elle est maintenue secrète, certainement parce qu’il s’agit d’une capitulation des Sud-Américains, que les gouvernements du Mercosur sont capables de célébrer.

La France n’est pas d’accord non plus, pour les mêmes raisons

« Nous allons regarder les détails et en fonction de ces détails, nous déciderons. Pour le moment, la France n’est pas prête à ratifier le traité », a déclaré Ndiaye la porte-parole du gouvernement français, qui a indiqué que les pays du Mercosur devront donner des garanties à la France pour qu’elle ratifie cet accord, comme cela a été le cas avec le Canada avant que soit ratifié son accord commercial avec l’UE, le CETA. « Aujourd’hui je ne peux pas affirmer que nous allons le ratifier ».

L’annonce du TLE a déclenché une vague de critiques en France. Mais pas par solidarité avec le Sud ou la défense des sociétés des pays du Mercosur. Des agriculteurs très bien subventionnés et des écologistes ont été les premiers à réagir : ils ne critiquent pas l’accord pour les dommages créés à l’économie des pays du Mercosur ou la liquidation de leur souveraineté, mais pour les conséquences négatives qu’ils vont subir.

Les agriculteurs redoutent les conséquences économiques qu’un tel accord peut occasionner pour leurs productions agricoles, liées aux importations de viande et de sucre ; les écologistes parce qu’ils dénoncent la déforestation de l’Amazonie en marche depuis des décennies avec la complicité occidentale et qui s’est accrue depuis que Jair Bolsonaro est arrivé au pouvoir.

De toute évidence, les écologistes français oublient de mentionner la complicité des entreprises européennes et états-uniennes dans la déforestation, l’usage intensif des pesticides et des fertilisants dans la production européenne et les énormes subventions agricoles de l’Union européenne qui ont toujours été les instruments des déséquilibres des marchés au détriment des pays producteurs du Sud.

Un rapport du mois d’avril de cette année, élaboré par l’organisation Amazon Watch, a accusé les entreprises européennes et états-uniennes de participer à la destruction de l’Amazonie et de contribuer, par conséquent, à la perturbation de l’équilibre climatique de la planète. Personne ne mentionne la destruction des forêts européennes.

Le ministre français de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, a souligné qu’une des « conséquences indirectes » du pacte est que le Brésil s’est engagé à ne pas se retirer de l’Accord de Paris sur le climat. Il a rappelé que l’accord commercial « n’a pas encore été ratifié » et il a ajouté qu’il est conditionné à ce que le Brésil respecte ses engagements en matière d’écologie. « Il n’y aura pas de ratification si le Brésil poursuit la déforestation », a assuré Rugy.

Claudio Della Croce

 

 

Source (espagnol) : UE-Mercosur: un fake-TLC que bien puede ser aplicado “provisionalmente”, CLAE, le 2 juillet 2019

Traduction française : Françoise Couëdel pour Alterinfos

Claudio della Croce est un économiste et enseignant argentin, chercheur associé au Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE, www.estrategia.la)

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Une guerre aux herbicides contre les agriculteurs de Gaza

juillet 31st, 2019 by Maureen Clare Murphy

Des milliers d’acres de terres agricoles de la bande de Gaza ont été endommagées par les herbicides pulvérisés par avion par Israël.  (Forensic Architecture)

Les propagandistes de l’armée israélienne remettent ça.

Une vidéo récemment twittée par la COGAT, le bras bureaucratique de l’occupation militaire israélienne, se réjouit de ses efforts pour enseigner les fruits et légumes hybrides aux agriculteurs palestiniens de Cisjordanie.

Ce dont l’armée ne se vante pas dans sa courte vidéo enjouée, c’est de son empoisonnement méthodique des terres agricoles les plus fertiles de la bande de Gaza assiégée.

Depuis 2014, l’armée israélienne utilise des avions d’épandage pour pulvériser des herbicides le long de la frontière orientale de Gaza. Longtemps, elle a rasé des terres agricoles et résidentielles le long de la dite « zone tampon » afin d’augmenter le champ de vision de ses soldats.

La pulvérisation d’herbicides se fait, sans prévenir, au-dessus d’Israël, quand le vent pousse les toxines jusque dans la bande de Gaza.

En 2016, le ministère de la Défense israélien a reconnu une telle pratique dans une réponse à une demande d’accès à l’information.

« Il a confirmé que les substances pulvérisées contenaient bien trois herbicides », indique un nouveau rapport du groupe de recherche Forensic Architecture basé à Londres .

Ces trois herbicides sont, le glyphosate (nom de marque Roundup), l’oxyfluorfen (Oxygal), et le diuron (Diurex).

Probablement cancérigène »

Le Roundup est fabriqué par Monsanto, lequel appartient à la société allemande Bayer, et il fait l’objet de poursuites aux États-Unis par des milliers de plaignants qui soutiennent que c’est ce désherbant qui a provoqué leur cancer.

Un organisme de recherche sur le cancer, financé par la Banque mondiale, classe le glyphosate comme « probablement cancérigène pour l’homme ».

L’utilisation des herbicides commerciaux par un occupant militaire, contre la population occupée, soulève la question de la responsabilité des entreprises qui fournissent ces produits, en application des Principes directeurs des Nations-Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Bayer fait partie d’un groupe industriel allemand qui gérait des camps de travail et fournissait des gaz toxiques pour les camps de la mort nazis durant l’Holocauste. Le directeur général de la société s’est excusé pour ces actes en 1995.

Près de 30 opérations de pulvérisation ont eu lieu le long de la frontière Gaza/Israël entre 2014 et 2018.

Le Forensic Architecture a simulé des opérations de pulvérisation, enregistrées sur vidéo, en combinant des variables environnementales clés avec « les caractéristiques du système de pulvérisation fixé sur l’avion ».

La simulation a indiqué que « des traînées de concentrations nocives d’herbicides avaient dérivé sur plus de 300 mètres à l’intérieur de Gaza » lors d’une pulvérisation le 5 avril 2017.

« Ceci semble indiquer que les cultures palestiniennes peuvent ainsi avoir été endommagées ».

Les images satellite suivant la pulvérisation révèlent une dégradation de la végétation dans la plus grande partie de la zone potentiellement touchée par la traînée d’herbicides.

Les agriculteurs ont signalé des dégâts sur 250 acres de récoltes après une pulvérisation dans le sud de la bande de Gaza en janvier 2018.

« Un an plus tard, en décembre 2018, nous avons recueilli des échantillons similaires de feuilles (endommagées), trois jours après une pulvérisation par l’armée, qui présentaient les dégâts caractéristiques d’un herbicide de contact », ajoute le rapport.

Le Forensic Architecture conclut que la pulvérisation par Israël d’herbicides dérivant à l’intérieur de la bande de Gaza « a des effets incontrôlables qui nuisent aux fermes palestiniennes à des centaines de mètres » de la frontière.

La pulvérisation israélienne « a créé une zone morte de bandes entières d’une terre autrefois arable ».

Des milliers d’acres endommagées

Selon le ministère de l’Agriculture de Gaza, quelques 3400 acres de terres agricoles ont été endommagées par les pulvérisations aériennes d’Israël.

En plus de leurs récoltes, les agriculteurs de Gaza ont perdu des engrais, de l’eau et du travail.

Les bêtes qui paissaient sur les terres touchées par la traînée d’herbicides sont mortes.

« Les produits chimiques utilisés pour les pulvérisations restent dans le sol pendant des mois et même des années, et ils peuvent avoir des conséquences négatives sur la santé des personnes qui consomment des récoltes contaminées et/ou inhalent l’herbicide », a déclaré l’an dernier le Comité international de la Croix-Rouge au journal israélien Haaretz.

Israël n’a pas pulvérisé d’herbicides dans la bande de Gaza cette année, ce qui a encouragé les agriculteurs à accroître leur production :

Les autorités d’occupation ont rejeté une pétition déposée par des organisations de défense des droits de l’homme qui voulaient que soient indemnisés les agriculteurs de la bande de Gaza qui avaient subi des pertes suite aux pulvérisations.

« Cependant, en 2015, elles ont fourni une compensation à une ville agricole israélienne, Nahal Oz, proche de la zone tampon, après que les agriculteurs eurent intenté une action pour leurs pertes de récoltes après une pulvérisation », rapporte The Guardian.

La destruction de leurs récoltes à cause des pulvérisations d’herbicides n’est pas le seul obstacle israélien auquel sont confrontés les agriculteurs de Gaza.

Des agriculteurs sont tués, des exportations interdites

Israël a causé pour un demi-milliard de dollars de dommages directs et indirects au secteur agricole durant son agression contre Gaza en 2014, détruisant des puits d’irrigation et des serres aussi bien que tuant du bétail.

Des agriculteurs ont été tués par les forces israéliennes pendant qu’ils travaillaient leur terre. Pour un tiers, les terres agricoles de la bande de Gaza sont devenues dangereuses à cultiver parce qu’elles se trouvent dans une zone exposée d’Israël, mal définie, et qu’Israël fait respecter par des tirs à balles réelles.

Israël impose un blocus sur le territoire depuis 2007 et il s’oppose à l’exportation des produits de la bande de Gaza vers la Cisjordanie et Israël, qui sont traditionnellement les marchés les plus importants de la Bande.

Les autorités d’occupation ont également bloqué l’accès aux vaccins que les vétérinaires utilisent pour empêcher la propagation des maladies parmi le bétail.

L’agriculture n’est qu’un des secteurs productifs de la bande de Gaza qui se sont pratiquement figés au cours de la décennie passée de blocus israélien.

Gaza a maintenant le taux de chômage le plus élevé au monde. Sa population est devenue dépendante de l’aide humanitaire.

Israël a également pulvérisé des herbicides sur des cultures plantées par les communautés bédouines non reconnues par l’État.

En 2004, la Cour suprême d’Israël a accepté une requête déposée par des organisations de défense des droits de l’homme demandant l’arrêt des pulvérisations à cause du danger qu’elles représentaient pour la santé des personnes, de leurs animaux et de l’environnement.

La requête indiquait que l’étiquette apposée sur les récipients Roundup spécifiait : « Ne pas appliquer ce produit en utilisant un pulvérisateur aérien ».

Maureen Clare Murphy

 

 

 

Version originale : Herbicide warfare against Gaza farmers, The Electronic Intifada, le 23 juillet 2019.

Traduction : JPP pour l’Agence Médias Palestine

 

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La lutte pour la souveraineté alimentaire en Palestine

juillet 30th, 2019 by Sandra Guimarães

[Cet article est accompagné d’une vidéo à visionner ici]

En Palestine, la souveraineté alimentaire est intrinsèquement liée à la lutte pour l’autodétermination. La dépossession des terres palestiniennes a commencé en 1948, lorsque 78 % de la Palestine historique est devenue Israël. Les 22 % restants – aujourd’hui appelés les « Territoires palestiniens » – sont entièrement occupés, ou sous le contrôle, de l’armée israélienne depuis 1967. Dans ces Territoires, les « zones tampons », le mur de séparation, les colonies israéliennes illégales et les zones d’exclusion militaires dépossèdent petit à petit la population autochtone de terres agricoles et de ressources hydriques.

Ajoutez à cela les restrictions à la liberté de circulation et les attaques régulières des agriculteurs et de leurs cultures par les colons et vous comprendrez pourquoi les restrictions agricoles imposées par Israël font perdre 2,2 milliards de dollars par an à l’économie palestinienne et pourquoi 31,5 % de la population vit dans l’insécurité alimentaire, selon l’ONU.

L’agronome et fermier Saad Dagher est un pionnier de l’agroécologie en Palestine. Il explique que les habitants de sa région, au nord de Ramallah, étaient tous des fermiers, jusqu’à ce qu’un changement commence à se produire à partir des années 70. « Quand la première personne du village a quitté sa terre pour travailler dans une usine israélienne, en 1975, la communauté a vu cela comme une trahison à la cause palestinienne. Mais c’était une façon rapide de se faire de l’argent, ce qui a entrainé, petit à petit, l’abandon des terres. » En 2019, d’après un rapport de l’Organisation internationale du travail, le manque d’opportunités sur le marché du travail palestinien est tel, que près de 127.000 habitants de la Cisjordanie doivent se tourner vers les emplois en Israël et dans les colonies de peuplement israéliens.

Saad Dagher, considéré comme le pionnier de l’agroécologie en Palestine, plante dans sa ferme, qu’il a appelé « Ferme Humaniste », située dans la région de Salfit. (Anne Paq)

M. Dagher cultive près d’une centaine de végétaux sur un petit bout de terre, dans le village de Bani Zeid Est. Pour nourrir sa famille, mais aussi pour vendre sur le marché local.

« Dans le passé, les champs d’oliviers n’étaient pas occupés que par des oliviers ; il y avait des figuiers, des vignes, des céréales, comme du blé et de l’orge, et des légumineuses, comme les pois-chiches et les fèves. Mais ces cultures exigent plus de soins, alors petit à petit elles ont été abandonnées et seuls les oliviers sont restés. Aujourd’hui, l’agriculture palestinienne s’est complètement éloignée des méthodes traditionnelles ».

Alors que d’anciens fermiers palestiniens deviennent de la force de travail bon marché de l’autre côté de la Ligne verte, la Palestine se transforme aussi en marché de consommation captif pour Israël qui contrôle les frontières. « Nous sommes une nation sous occupation israélienne et nous avons besoin de produire des aliments qui nous rendront plus forts et indépendants. Nous ne produisions plus assez de nourriture, et nous sommes donc devenus dépendants des produits des colonies illégales israéliennes, bourrés de pesticides », déplore le fermier.

Collecter et semer

Conscients de ce phénomène, des Palestiniens multiplient les initiatives pour renverser la tendance et renforcer leur souveraineté alimentaire. Ainsi, dans la ville palestinienne de Beit Sahour, une bibliothèque de semences paysannes a vu le jour. C’est une collection de semences ancestrales qui peuvent être empruntées et partagées par les agriculteurs. Après des années passées à l’étranger, Vivien Sansour, la femme à l’initiative de ce projet, a découvert que de nombreux végétaux locaux étaient en train de disparaître, ou avaient complètement disparu.

Perdre des végétaux comme le concombre blanc ou la pastèque jadu’l, qui lui manquaient tant quand elle était loin de la Palestine, signifiait pour elle perdre une partie de son identité. Alors en 2014, elle commence à collecter les graines de légumes en voie de disparition auprès des fermiers. C’est ainsi que le projet de bibliothèque de semences est né. Cette « gardienne des graines » ne voit cependant pas l’occupation de la Palestine comme un fait isolé du contexte mondial.

« Vous n’êtes plus un producteur, vous êtes un consommateur, et quel meilleur moyen d’asservir quelqu’un que de le transformer en consommateur ? Cela se produit partout dans le monde, mais ici, c’est doublement accentué par le régime d’occupation », explique Vivien Sansour.

« Je ne pense pas qu’une occupation militaire aussi brutale existerait sans qu’elle soit liée à toutes les forces oppressives en vigueur dans le monde actuel. En plus de vivre sous occupation, nous devons faire face à un système politique et économique mondial qui nous rend esclaves des entreprises du secteur agroalimentaire et des multinationales », ajoute-t-elle. Répertorier et préserver les semences paysannes représente une forme de résistance que Vivien appelle « agro-résistance ».

Se réapproprier l’espace et son indépendance

Non loin de la bibliothèque de semences, dans la ville de Bethléem, se trouve le camp de réfugiés de Dheisheh. Plus de 700.000 Palestiniens ont dû quitter leurs maisons et leurs terres, après avoir été expulsés par les forces sionistes au moment de la création de l’État d’Israël en 1948, et se sont installés dans ces camps qui, 70 ans plus tard, existent toujours. Mais la population n’a fait qu’y augmenter de génération en génération. Les Palestiniens attendent toujours une solution politique garantissant leur « droit au retour », un principe affirmé par une résolution de l’ONU datant de 1948.

Construit en 1949 pour 3.000 réfugiés en provenance de 45 villages, le camp de Dheisheh, abrite aujourd’hui 15.000 personnes dans une superficie de moins de 1 km². C’est un des plus grands camps de réfugiés en Cisjordanie. La plupart des réfugiés palestiniens étaient des paysans d’origine, mais dans les camps surpeuplés, ils se trouvent désormais déconnectés de la terre, un élément pourtant essentiel de leur identité millénaire.

« Il est presque impossible d’acheter des terres maintenant », déclare Dragica Alafandi, qui vit avec sa famille dans le camp de Dheisheh.

Dragica est née en Bosnie et s’est installée en Palestine avec Mustafa, son mari réfugié palestinien, en 1994. Il y a quelques années, elle a commencé à planter des herbes et des légumes dans des pots sur son toit, pour augmenter l’autonomie alimentaire de la famille. En 2017, elle a reçu une serre de Karama, une organisation communautaire basée à Dheisheh. Depuis 2012, cette organisation promeut une initiative de micro-fermes sur les toits, aidant ainsi les femmes de Dheisheh à créer des jardins potagers.

L’eau dans les Territoires palestiniens est contrôlée par Israël en vertu des Accords d’Oslo II de 1995, et en avoir assez pour garder la micro-ferme en vie est le plus grand défi de Dragica. « Les coupures d’eau sont assez difficiles à gérer. L’eau arrive plus ou moins tous les dix jours, pendant 24 heures. Parfois moins. » Vient ensuite le fait que la Palestine est sous occupation militaire depuis des décennies, ce qui se traduit par des poussées de tensions régulières, surtout aux abords des camps. « Il y a des soldats israéliens qui tirent presque toutes les nuits ici. Les bombes de gaz lacrymogène volent partout. Notre toit est assez haut, mais j’ai toujours peur qu’ils détruisent la serre. »

Préserver sa santé, de corps et d’esprit

Alors que les pays du Nord s’intéressent de plus en plus à la qualité de leur nourriture, les pays du Sud se retrouvent submergés de leur nourriture industrielle qu’ils produisent, mais ne veulent eux-mêmes plus consommer. Si vous allez dans un supermarché en Palestine, vous trouverez surtout des aliments transformés, chargés d’huile et de sucre bon marché, portant les logos des mêmes marques que partout ailleurs dans le monde occidental, et des étiquettes bien souvent en hébreu, venant directement de fournisseurs israéliens. Les alternatives qui s’offrent aux consommateurs palestiniens sont finalement très limitées.

Cela a un impact désastreux sur la santé des gens. « Lorsque vous détruisez la santé de quelqu’un, vous détruisez également son esprit », déclare Vivien. « Vous leur dites qu’ils ne valent rien. L’oppression gagne vraiment, quand nous commençons à croire que nous sommes des déchets et donc nous mangeons des déchets. Nous commençons à vivre comme si nos vies n’avaient pas de valeur. »

Depuis qu’elle a commencé à récolter sa propre nourriture, Dragica a vu la façon dont sa famille mange changer. « Maintenant nous mangeons beaucoup plus de salades, plus de soupes. Nous ne pouvons pas cultiver tout ce dont nous avons besoin, mais le peu de choses que nous pouvons faire pousser ici, quand nous le préparons, c’est toujours spécial. »

Pour Vivien, la meilleure forme de résistance est de « refuser le discours de votre oppresseur, de répondre « je ne suis pas une poubelle et je ne vais pas manger votre poubelle. » Je pense que nous pouvons tous choisir de rendre notre vie un peu plus tolérable en ce moment. Parce que nous serons libres. Pas maintenant, mais nous le serons. Je me sens libre quand j’ai ces graines dans les mains. »

Il ne s’agit pas uniquement de préserver des semences, ni de cultiver des légumes chez soi. Il s’agit de reprendre le contrôle de certains aspects de sa vie, dans un lieu où toutes les vies sont contrôlées par l’occupation militaire israélienne. « Je ne cultive pas que des plantes pour manger », explique Dragica, « je cultive également des plantes pour leurs valeurs thérapeutiques. Et c’est aussi bon pour l’esprit. Mes enfants aiment venir ici, ils aiment juste s’asseoir et profiter du fait d’être entourés de plantes. Dheisheh est tout en béton et en fer, ce jardin est donc un petit trésor. Dans les camps, les toits sont utilisés comme un petit endroit où s’échapper, quand on a nulle part ailleurs où s’échapper. »

Sandra Guimarães et Anne Paq

Cet article est accompagné d’une vidéo. Cliquez ci-dessous pour la visionner

Cet article fait partie du projet Baladi – Rooted Resistance, un projet multimédia qui explore l’agro-résistance en Palestine.

Origine: https://www.equaltimes.org/planter-la-resistance-la-lutte

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Communiqué de presse. La Coalition pour la protection du Patrimoine génétique africain (COPAGEN) et le Collectif citoyen pour l’Agroécologie (CCAE) découvrent avec amertume le lâcher imminent de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre du projet Target Malaria. Le lâcher-test est programmé pour ce 1er juillet 2019 dans le village de Bama, relevant de l’arrondissement 7 de la commune de Bobo Dioulasso.

En dépit des efforts de concertation, de communication et d’interpellation des acteurs du projet et du Gouvernement du Burkina Faso, à travers l’Agence nationale du Biosécurité, sur la nécessité de mieux cerner les risques potentiels d’une telle expérimentation, sur le respect des textes de lois qui encadrent de telles expériences et sur l’indispensable inclusion et acceptation de tous les acteurs, notamment des populations exposées en première ligne, nous regrettons le passage en force qui est en train d’être opéré.

Il nous plaît de rappeler que ce lâcher-test intervient en totale négation de l’éthique de la vie humaine et en violation de loi et convention nationale et internationale dont le Burkina Faso est signataire. C’est le cas, notamment :

  • de la loi N°064-2012/AN du 20 décembre 2012 portant régime de sécurité en matière de biotechnologie ;

  • du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques.

  • de la declaration finale sanctionnant la 14e reunion de la conference des parties (COP14) à la Convention sur la Diversité Biologique en novembre 2018 a Sharm El Sheikh, Egypte.

Le projet Target Malaria et le Gouvernement du Burkina Faso ont fait le choix dangereux, malgré tout, d’exposer les populations et leur milieu de vie à des situations aux évolutions incertaines.

Au regard de tout ce qui précède, et prenant l’opinion nationale, sous régionale et internationale à témoin, la COPAGEN et le CCAE, dans un ultime élan d’alerte, exhortent les porteurs du projet et le Gouvernement burkinabè à savoir raison garder.

Si malgré tout, le lâcher des moustiques génétiquement modifiés venait à se concrétiser, la COPAGEN et le CCAE :

  • tiendront pour responsable l’Etat burkinabè et le projet Target Malaria de toute situation de degradation de la santé humaine, animale et sur l’environnement a court, moyen et long termes, consecutive aux tests menés en milieu ouvert ;
  • saisiront les juridictions competentes sur le non-respect des dispositions relatives a l’évaluation des risques biotechnologiques, des procedures d’essai des organismes génétiquement modifiés, des conditions de dissemination des organismes génétiquement modifiés.

Communiqué de la COPAGEN et du CCAE via Grain

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Liban: La guerre multidimensionnelle de Juillet 2006

juillet 30th, 2019 by Antoine Charpentier

Le 12 juillet 2006, deux soldats israéliens ont été enlevés par le Hezbollah dans les fermes de Chebaa au sud Liban, localité encore de nos jours sous occupation israélienne. Cette opération n’était pas unique dans son genre, elle visait à échanger les deux soldats de «Tsahal» contre des prisonniers libanais et arabes qui croupissaient injustement dans les geôles israéliennes. À l’issue de l’opération de la résistance, «Israël» a lancé prématurément une offensive d’envergure contre le Liban, accusant le gouvernement libanais de cautionner ce type d’opération, sous prétexte d’avoir deux ministres en son sein affilés au Hezbollah. «Israël» a décidé d’infliger un châtiment collectif au peuple libanais. Toutefois, il convient de préciser que le Hezbollah avait et a toujours l’aval des gouvernements au Liban au sujet de sa lutte contre l’occupation, et la défense du Liban face aux ambitions israéliennes. Par conséquent, le Hezbollah n’opérait pas de façon autonome et indépendante de l’État libanais.

Pour comprendre les raisons de l’offensive lancée au mois de juillet 2006, il est nécessaire de revenir sur les conditions du retrait d’«Israël» du sud Liban, le 23 mai 2000. La résistance libanaise a contraint manu militari «Israël» à quitter le Liban, après plus de 25 ans d’occupation. La réaction disproportionnée d’«Israël» envers le Liban expliquait sa soif de revanche, qui a tourné encore une fois au fiasco, à l’instar de toutes les guerres qu’il a menées contre le Liban.

Toutefois, l’offensive israélienne contre le Liban servait d’autres intérêts, notamment américains. La secrétaire d’État américaine de l’époque Condoleezza Rice a évoqué lors de l’attaque d’«Israël» contre le Liban en juillet 2006, le projet du «Nouveau Moyen-Orient». De quoi s’agit-il?

Il s’agit d’une feuille de route israélo-américaine planifiée depuis plusieurs années, afin de créer des champs d’instabilité au Moyen-Orient, pour pouvoir remodeler ce dernier géographiquement, économiquement et politiquement. Condoleezza Rice voyait dans l’offensive contre le Liban les douleurs d’enfantement de ce projet israélo-américain, ou ce qu’elle nommait exactement «le chaos constructif» nécessaire à la réalisation du projet. Cette balkanisation du Moyen-Orient au profit de la sécurité d’«Israël» avait comme étape primordial la guerre de juillet 2006 et la tentative de décapiter la résistance libanaise représentée par le Hezbollah, et à travers elle toute culture résistante. Dans ce contexte, la capture des deux soldats de Tsahal par le Hezbollah devient un prétexte, permettant à la ligue israélo-américano-anglaise d’espérer de parvenir à ses fins, mettant le Moyen-Orient sous domination complète de l’OTAN, donc de la ligue évoquée.

L’offensive israélienne contre le Liban avait d’autres objectifs, comme celui de déloger les populations du sud Liban, à majorité musulmans chiites vers l’intérieur du pays, dans l’intention de pousser vers une guerre civile. Toutefois, l’ironie du sort a mené le peuple libanais à se souder face à l’agression. Le châtiment collectif n’a pas fonctionné. La guerre de juillet 2006 a permis également la métamorphose de la résistance civile au Liban. Cette dernière était riche de sa diversité politique et confessionnelle, contribuant à son tour l’émergence de l’équation de l’armée, le peuple et la résistance, le verrou de sécurité par excellence du Liban, même encore de nos jours. L’émergence de la résistance civile a été également favorisée par la signature du document d’entente quelques mois auparavant entre le général Michel Aoun, président du Courant patriotique libre, et le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. Le soutien de la majorité des chrétiens libanais ralliés au général Michel Aoun à leurs coreligionnaires chiites et à la résistance était un élément primordial dans l’avortement des ambitions américano-israéliennes au Liban.

Certes «Israël» a obtenu par la résolution 1701 que la frontière nord de la Palestine occupée soit protégée par les forces militaires de l’ONU, toutefois elle n’a pas pu obtenir ni le désarmement du Hezbollah, ni l’empêchement de ses livraisons d’armes. «Israël» n’a pas rempli ses objectifs lors de la guerre de 2006, et en même temps elle a raté cette guerre, entamant son déclin, auquel nous assistons de nos jours. Le mythe d’«Israël» invincible n’est plus possible, après la guerre de 2006. De ce fait, un doute existentiel ronge depuis la guerre de juillet 2006 le peuple israélien, perdant toute confiance en ses dirigeants, posant de plus en plus la question de la légitimité et la viabilité de cette entité. C’est pourquoi nous observons depuis la guerre de juillet 2006 une succession de crises internes qui empirent et compliquent la perpétuité d’«Israël». Par conséquent, l’avenir de ce dernier est sombre, et menacé par l’étau qu’impose l’axe de la résistance autour de lui, mais également par les récessions qu’il est en train de vivre. Depuis juillet 2006, «Israël» vit réellement et malgré encore sa capacité de nuisance, une faillite unique dans son histoire qui pèsera très lourd sur son avenir.

Antoine Charpentier

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Quelle est la stratégie du Japon au Moyen-Orient?

juillet 30th, 2019 by Simon A. Waldman

Les sujets de discussion étaient nombreux après le récent sommet du G20 à Osaka, au Japon. Le président américain Donald Trump a fait peu de cas de l’ingérence de la Russie dans les élections américaines.

Sans crier gare, Trump a également proposé de rencontrer le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un près de la zone démilitarisée située entre le nord et le sud. Par ailleurs, l’impasse entre les États-Unis et l’Iran n’a fait l’objet d’aucune résolution.

Ces développements mettent en évidence le rôle du Japon, hôte du sommet de cette année, et les efforts déployés par le pays pour renforcer sa présence au Moyen-Orient.

Des besoins énergétiques

Deux semaines seulement avant le sommet du G20, le Premier ministre japonais Shinzo Abe s’est rendu en Iran – la première visite d’un Premier ministre japonais depuis 1979 – pour y faire une proposition infructueuse et ingrate de médiation entre Washington et Téhéran. En avril, le ministre japonais des Affaires étrangères, Tarō Kōno, s’est rendu en Arabie saoudite, avant d’accueillir le mois suivant le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.

La relation entretenue par le Japon avec les États-Unis est la pierre angulaire de sa sécurité. Néanmoins, les politiques souvent imprévisibles du président républicain déconcertent Tokyo.

Les besoins énergétiques du Japon sont le principal moteur de son implication croissante au Moyen-Orient. La dépendance énergétique du Japon s’est intensifiée après sa décision de mettre fin à son programme national d’énergie nucléaire à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, le plus grave accident nucléaire au monde depuis la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Depuis lors, le Moyen-Orient représente près de 90 % des importations de pétrole du Japon, principalement en provenance d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.

Mais le pétrole iranien coûte moins cher et présente donc un intérêt considérable pour les acheteurs japonais. L’accord de 2015 sur le nucléaire iranien offrait au Japon du pétrole iranien ainsi que des opportunités commerciales sur un marché émergent qui promettait aux entreprises japonaises l’opportunité de remporter des appels d’offres pour des projets de développement infrastructurel.

Il n’est donc pas étonnant que la décision de Trump de renoncer à l’accord sur le nucléaire et de rétablir les sanctions ait été source de consternation au Japon. Et ce n’est pas le seul aspect de la politique étrangère de Trump qui inquiète Tokyo.

Des ouvertures diplomatiques

La relation entretenue par le Japon avec les États-Unis est la pierre angulaire de sa sécurité. Néanmoins, les politiques souvent imprévisibles du président républicain déconcertent Tokyo. Les ouvertures diplomatiques de Trump vis-à-vis de la Corée du Nord et son engagement direct auprès de Kim Jong-un, qui ont donné lieu à un sommet historique en juin 2018, ont pris le Japon au dépourvu.

La déclaration antérieure de Trump selon laquelle il était temps que le Japon et la Corée du Sud assurent leur défense et sa suggestion de mettre un terme aux exercices militaires conjoints entre les États-Unis et la Corée du Sud ont eu le même effet. Dans le même temps, Tokyo observe la Chine avec une inquiétude croissante : la majorité du pétrole et du gaz japonais arrive par la mer de Chine méridionale, où la marine de Pékin affirme sa domination. La Chine investitégalement de plus en plus au Moyen-Orient.

Poignée de main entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et le président américain Donald Trump lors d’une rencontre dans la zone démilitarisée, le 30 juin (KCNA VIA KNS/AFP)

Pour contrer l’influence chinoise, le Japon cherche à utiliser son soft power. Contrairement aux États-Unis, à la France et au Royaume-Uni, le Japon n’a pas hérité d’une domination de la région en tant que superpuissance ou empire colonial.

Au cours du siècle dernier, des nationalistes et des islamistes dans des pays tels que l’Iran et la Turquie ont admiré le Japon pour sa capacité à se moderniser tout en conservant sa culture traditionnelle, selon plusieurs comptes rendus universitaires. Dans le même temps, le Japon a pris soin de maintenir des relations amicales avec le monde musulman.

L’aide humanitaire

Après que Trump a décidé de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël en 2017, le Japon a refusé de faire de même et dépêché son ministre des Affaires étrangères dans la région. Kono a soutenu que le Japon devait accueillir davantage de réfugiés syriens, alors que le Japon a fait don de plus de 100 millions de dollars d’aide humanitaire à la Syrie et de 320 millions de dollars au Moyen-Orient dans son ensemble.

EXCLUSIF : Des détails sur l’« accord du siècle » font état de concessions minimes de la part d’Israël

Lire

Le Japon a également soutenu la lutte contre le groupe État islamique, qui a assassiné le journaliste japonais Kenji Gotō et retenu en captivité plusieurs autres ressortissants japonais.

Le Japon joue également un rôle central dans l’initiative actuelle d’établissement d’une « vallée de la paix », qui comprend l’identification et la création de zones industrielles entre Israël, les territoires palestiniens et la Jordanie dans le cadre de projets collaboratifs d’infrastructure et de développement mutuellement bénéfiques.

Cependant, tout cela n’est que menu fretin comparé à la Chine. Certes, le Japon a son capital culturel et sa bonne volonté à son actif, mais la Chine est une puissance mondiale avec une armée permanente de grande d’envergure. Elle ne se laisse pas décourager par les interdictions constitutionnelles liées au déploiement offensif de forces militaires, possède un arsenal nucléaire et dispose d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

La Chine dispose également de plus de capitaux. Pékin cherche à étendre son influence au Moyen-Orient par le biais de prêts et de programmes d’aide, sous la forme de l’initiative de nouvelle route de la soie.

Rien qu’en 2018, Pékin a promis 23 milliards de dollars d’aide et de prêts et 28 milliards de dollars supplémentaires sous forme de projets d’infrastructure et de construction signés. Pékin a également ouvert une base militaire à Djibouti, dans le golfe d’Aden.

Des objectifs louables

Tokyo n’est pas en capacité de jouer un rôle de premier plan ou un rôle de médiateur dans un conflit, et encore moins de contrer l’influence de la Chine

L’évolution de la situation au cours des derniers mois a montré les limites de l’influence japonaise au Moyen-Orient et de sa capacité de médiation dans les conflits. Le mois dernier, deux pétroliers ont été sabotés au large des côtes d’Oman – dont l’un était japonais –, alors que les États-Unis ont récemment déployé un porte-avions dans la région, ce qui a poussé Abe à tenter sa médiation. Il a été refoulé par le guide suprême iranien Ali Khamenei tout comme par Trump.

Il serait peut-être sage que Tokyo accepte les limites de son influence. Actuellement, Tokyo n’est pas en capacité de jouer un rôle de premier plan ou un rôle de médiateur dans un conflit, et encore moins de contrer l’influence de la Chine.

Cependant, cela ne signifie pas que Tokyo devrait se retirer du Moyen-Orient. L’expertise, le commerce et les investissements japonais seraient les bienvenus dans la région. Cela contribuerait sans aucun doute à renforcer la bonne volonté, à intensifier les échanges et à assurer des appels d’offres remportés. Il s’agit à coup sûr d’objectifs louables.

Simon A. Waldman

 

Article original en anglais : What is Japan’s strategy in the Middle East? Middle East Eye, le 8 juillet 2019

Traduit de l’anglais par VECTranslation.

 

 

Simon A. Waldman est chercheur invité au King’s College de Londres. Avec Emre Caliskan, il a coécrit The New Turkey and Its Discontents (Hurst and Co, 2016), un ouvrage récemment publié.

 

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Nous publions un document d’une très grande valeur dont devraient s’inspirer de nombreux États. En 24 pages captivantes est résumée l’histoire des relations entre la France et la Tunisie depuis le début du 19e siècle jusqu’à aujourd’hui.

Le document se conclut de la manière suivante : l’Instance Vérité & Dignité (IVD), en tant qu’Institution de l’État tunisien en charge des réparations dues aux victimes dans le processus de la justice transitionnelle, a établi la responsabilité de l’État français dans les violations énumérées dans le document que nous publions et en conséquence lui demande de prendre les dispositions appropriées en vue de réparer les préjudices subis par les victimes au sens de la loi sur la justice transitionnelle ainsi qu’à l’ensemble des citoyens tunisiens représentés par l’État tunisien, pour ce qui concerne les violations économiques. Ceci doit se traduire par des actes de réparations qui sont :

1- La reconnaissance des faits et la présentation des excuses ;
2- Le versement des indemnités pécuniaires aux victimes individuelles, aux régions victimes ainsi qu’à l’État tunisien en sa qualité de victime des dispositions financières inéquitables ;
3- La restitution des archives tunisiennes à la Tunisie de 1881 à 1963.
4- L’annulation de la dette bilatérale de la Tunisie étant donné qu’il s’agit d’une dette illégitime.

Le CADTM soutient avec enthousiasme les 4 demandes avancées par l’Instance Vérité & Dignité.

 

 

Source : Instance Vérité et Dignité

via CADTM

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Haïti un chaos US… Le capitalisme financier déréglé

juillet 30th, 2019 by Mondialisation.ca

Sélection d’articles :

Haïti: un chaos entretenu par les États-Unis

Par Nancy Roc, 29 juillet 2019

Totalement déconnecté de son peuple, le président haïtien n’intervient plus qu’à travers des tentatives de lobbying aux États-Unis ou des coups d’éclat pour rassurer l’ONU, suite au dernier rapport accablant d’Antonio Gutteres remis au Conseil de sécurité ce mois-ci. Cela suffira-t-il à désamorcer la bombe sociale qui se prépare ? Le nouveau Premier ministre désigné mais non ratifié pourrait-il en être le détonateur ? 

 

Liban-Syrie: Malédiction de la géographie conjuguée avec la richesse? 

Par Imad Fawzi Shueibi et Ziad Nasr el-Din, 30 juillet 2019

Le professeur Imad Fawzi Shueibi est sans doute le premier syrien à avoir parlé ouvertement des considérables ressources de la Syrie en gaz et en pétrole, alors que l’ensemble des États prédateurs faisaient et font toujours mine de les ignorer, mettant leurs ingérences meurtrières sur le compte de leurs prétendus soucis humanitaires porteurs de paix civile là où ils n’ont cessé de semer la zizanie, prometteurs de démocratie là où ils n’ont soutenu que les traitres, les dictateurs et les hordes terroristes obscurantistes venues de tous les coins de la planète. 

 

Le modèle USA du gouvernement “souverainiste” 

Par Manlio Dinucci, 30 juillet 2019

Même si l’opposition attaque toujours le gouvernement et s’il y a des divergences à l’intérieur même du gouvernement, de tout l’arc parlementaire ne s’est élevée aucune voix critique quand le Premier ministre Conte a exposé à la Conférence des ambassadeurs (26 juillet) les lignes conductrices de la politique extérieure, comme preuve du vaste consensus multipartisan. Conte a défini avant tout quel est le pivot de la place de l’Italie dans le monde…

 

Le capitalisme financier déréglé: taux d’intérêt extrêmement bas et bulles des prix

Par Prof Rodrigue Tremblay, 30 juillet 2019

Ne prenez pas panique tout de suite, mais une nouvelle lubie monétaire fait présentement des ravages dans certains pays. C’est la nouvelle doctrine monétaire dite ‘non conventionnelle’ qu’une poignée de banques centrales ont adoptée dans le but d’abaisser les taux d’intérêt à des niveaux extrêmement bas, et même de les pousser en territoire négatif. En effet, on observe depuis quelque temps qu’un petit groupe de banques centrales et leurs gouvernements ont tellement abaissé les taux d’intérêt…

 

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« La première panacée pour une nation mal dirigée est l’inflation  monétaire; la seconde est la guerre. Les deux apportent une prospérité temporaire; les deux apportent une destruction permanente. Et les deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques. » Ernest Hemingway (1899-1961), (septembre 1932)

« Les armées, les dettes et les taxes sont des instruments prouvés pour placer le plus grand nombre sous la domination du petit nombre. » James Madison (1751-1836), 4ème Président des États-Unis, (20 avril 1795)

« Si le peuple américain autorise un jour les banques privées à contrôler l’émission de la monnaie, d’abord par l’inflation, puis par la déflation, les banques et les entreprises qui se développeront autour d’elles spolieront les citoyens de leurs biens jusqu’à ce que leurs enfants  se réveilleront sans-abri sur le continent que leurs pères ont conquis. » Thomas Jefferson, (1743-1826), 3ème président des États-Unis, 1802)

« Nous savons tous aujourd’hui que lorsque le gouvernement est dirigé par les forces organisées de l’argent, c’est  la même chose que s’il était dirigé par la mafia. » Franklin D. Roosevelt (1882-1945), 32ème président américain, 1933-1945, (lors d’un discours prononcé au Madison Square Garden, le 31 octobre 1936)

Ne prenez pas panique tout de suite, mais une nouvelle lubie monétaire fait présentement des ravages dans certains pays. C’est la nouvelle doctrine monétaire dite ‘non conventionnelle’ qu’une poignée de banques centrales ont adoptée dans le but d’abaisser les taux d’intérêt à des niveaux extrêmement bas, et même de les pousser en territoire négatif.

En effet, on observe depuis quelque temps qu’un petit groupe de banques centrales et leurs gouvernements ont tellement abaissé les taux d’intérêt à court terme qu’aujourd’hui, certains pays font face à des taux d’intérêt nominaux négatifs et, lorsque l’inflation est prise en compte, avec des taux d’intérêt réels encore plus négatifs. Pourquoi une telle politique monétaire non conventionnelle ? Les raisons invoquées visent, disent-elles, à éviter que leur économie ne soit autrement confrontée à une monnaie surévaluée et à un fardeau de la dette trop lourd, ce qui pourrait nuire à la croissance économique. 

Comment une telle chose est-elle possible? Comment une banque centrale peut-elle ramener les taux d’intérêt à zéro ou même en dessous de zéro, et quelles en seront les conséquences ? Pour ce faire, une banque centrale peut décider d’offrir des rendements nuls ou négatifs aux banques commerciales qui déposent leurs réserves excédentaires chez elle, dans le cadre de son programme de facilités de dépôts. C’est une question complexe, mais cela se produit essentiellement lorsque les banques commerciales disposent de liquidités qu’elles ont du mal à prêter de manière rentable à des emprunteurs privés. Elles se voient alors dans l’obligation de chercher d’autres avenues de placement, comme celle  d’acheter des obligations d’État et d’autres titres sur le marché public. Ceci fait hausser le prix de ces titres et abaisser les taux d’intérêt.

On peut se demander pourquoi les banques commerciales sont confrontées à des excédents de trésorerie, au-delà de ce qui est requis pour satisfaire la demande privée de crédit. Pour répondre à cette question, il faut remonter à la crise financière internationale de 2007 et des années suivantes.

Tout débuta avec la crise dite des ‘subprimes’, laquelle fit son apparition à la fin de l’été 2007, lorsqu’un certain nombre de grandes banques, tant aux États-Unis que dans d’autres centres financiers, se retrouvèrent au bord de la faillite. Elles furent victimes d’une nouvelle pratique bancaire, laquelle consistait à titriser des créances risquées, mais fort rentables, telles les créances hypothécaires et d’autres créances du même genre, en les regroupant dans de nouveaux titres ésotériques. Mais lorsque le marché de l’immobilier s’effondra, et avec lui les créances hypothécaires, les titres titrisés perdirent beaucoup de leur valeur et les banques se retrouvèrent en difficulté.

Afin d’empêcher les grandes banques de faire faillite, la banque centrale américaine, c’est-à-dire la Fed, se mit à imprimer de la nouvelle monnaie à hauteur de plus de trois milles milliards de dollars pour les rescaper. La Fed qualifia sa grande générosité d’« Assouplissement Quantitatif » [ou en anglais, de «Quantitative Easing» (QE)], une expression en apparence anodine et inoffensive de manière à couvrir la plus grande expansion de la base monétaire jamais enregistrée aux États-Unis. La base monétaire, en effet, est en grande partie le reflet du bilan de la Fed  (c.-à-d. la contrepartie des avoirs monétaires détenus par les banques commerciales auprès de la banque centrale), et de la monnaie papier et métallique en circulation. 

— La Fed s’est servi de la nouvelle monnaie pour acheter des obligations du Trésor américain, mais elle s’en est surtout servie pour acheter de grandes quantités de créances douteuses qui pesaient lourd sur le bilan des grandes banques commerciales. Et elle le fit pendant six ans, de 2008 jusqu’à la fin de 2014, en trois cycles successifs d’impression de nouvel argent.

— Vu dans une perspective historique, ce fut vraiment une orgie de création monétaire. — Ceci fut toutefois fait à partir du principe que les banques commerciales laisseraient la plupart de leurs réserves excédentaires nouvellement créées dans les coffres de la banque centrale. Néanmoins, les liquidités excédentaires dans le système firent quand même grimper le prix des obligations et ceux des autres titres, en faisant baisser toute la panoplie des taux d’intérêt. en effet, c’est un fait que les taux d’intérêt ont continuellement baissé depuis. — La Fed a déclaré qu’elle poursuivait une politique de « relance » de l’économie. En réalité, on pourrait dire plus exactement que ce qu’elle cherchait surtout à faire, c’était de « renflouer » les bilans amochés des grandes banques commerciales.

— Au cours de cette période, le bilan total de la Fed a explosé, passant d’environ 1 000 milliards de dollars en 2008, [N. B. : Il est habituellement constitué principalement de titres du Trésor et son revenu net d’intérêts est reversé au Trésor public], à environ 4 500 milliards de dollars en 2017, un grossissement de 350 pourcent.

Le bilan total de la Fed est constitué aujourd’hui de titres du Trésor à hauteur de 55 pourcent, tandis que les titres adossés à des créances hypothécaires et à d’autres créances qu’elle a rachetés des banques commerciales représentent environ 40 pourcent — les avoirs en or et d’autres avoirs expliquent le reste. Un point important est le fait que le bilan de la Fed avant 2008 représentait environ 6 pourcent de la production annuelle américaine (PIB), mais il a atteint 25 pourcent en 2014. Il a depuis légèrement reculé à 20 pourcent du PIB, et la Fed a déjà annoncé qu’elle souhaiterait « normaliser » son bilan, c’est-à-dire qu’elle vise à le ramener à un volume réduit, afin d’éviter une inflation future et surtout, afin d’être en mesure de faire face à toute éventualité.

Faisons maintenant une rétrospection rapide sur l’état actuel de la situation économique.

Arrivée de Donald Trump à la Maison blanche en 2017 et sa politique d’une forte augmentation de la dette publique et ses pressions sur la Fed pour faire baisser les taux d’intérêt, possiblement jusqu’au niveau zéro

La dernière récession économique aux États-Unis, (surnommée la Grande Récession), a été la pire que l’on ait observé depuis la Grande Dépression des années ‘30. Elle a commencé en décembre 2007, et elle a pris fin en juin 2009. La présente reprise économique est toutefois la plus longue de l’histoire américaine, avec une croissance soutenue de plus de 10 ans, à ce jour.

La politique économique de l’administration Trump s’est distinguée par son protectionnisme commercial, par ses mesures anti immigration, par des baisses importantes d’impôts, surtout au profit des grandes entreprises et des grandes banques, par des déficits publics annuels qui dépassent mille milliards de dollars, par une politique monétaire expansionniste et par une hausse de 13 pourcent de la dette publique.

[N. B.: Pour information, la dette du gouvernement américain s’élevait à 19,95 milles milliards de dollars au 20 janvier 2017, quand Donald Trump entra à la Maison Blanche. Au 31 juillet, 2019, le niveau de la dette publique étasunienne atteignait 22.54 milles milliards de dollars.

Avec un tel niveau d’endettement, on peut craindre que le service de la dette devienne insupportable, surtout si les taux d’intérêts allaient augmenter. Face à pareille éventualité, les gouvernements et les banques centrales peuvent être tentés d’abaisser artificiellement les taux d’intérêt afin d’alléger le fardeau du service de la dette (essentiellement les paiements d’intérêts sur les obligations d’État). Cela équivaut à prélever une taxe d’inflation sur les avoirs des épargnants et des créanciers.

En effet, c’est effectivement ce que la Fed a fait. En abaissant artificiellement les taux d’intérêt au-dessous du taux d’inflation et de la prime de risque, elle a fait en sorte que le Trésor américain a pu payer des taux d’intérêt réels négatifs sur la dette publique. Quand le taux d’inflation est supérieur au taux d’intérêt nominal payé, le gouvernement des États-Unis se trouve à jouir d’un avantage budgétaire aux dépens de ses créanciers.

Si les taux d’intérêt devaient tomber à zéro, par exemple, ou même au-dessous de zéro, (comme c’est actuellement le cas au Japon, un pays qui est aux prises depuis vingt ans avec des taux d’intérêt négatifs, et dans certains pays européens aujourd’hui, tels que la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, la Suède, etc.), les épargnants, les retraités, les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les prêteurs en général sortent grands perdants.

Ainsi, dans les pays où les obligations d’État à dix ans, par exemple, génèrent un rendement nul ou négatif, cela signifie que le principe de l’intérêt composé a de facto été aboli pour les investisseurs. Cela pourrait avoir de graves conséquences pour les épargnants, les retraités et les fonds de pension.

Cependant, lorsque c’est la banque centrale qui achète des obligations d’État, en émettant de la nouvelle monnaie, on parle alors d’une opération de « monétisation de la dette ». Si cela se fait à grande échelle, cela peut éventuellement conduire à une inflation galopante, voire à une hyperinflation.

Il convient également de noter que lorsque les banques centrales abaissent les taux d’intérêt à des niveaux extrêmement bas ou à des niveaux négatifs, les investisseurs n’ont d’autre choix que d’acheter des actifs offrant des rendements positifs, tels que des actions de sociétés ou des titres de propriété immobilière. On doit alors s’attendre à ce que des bulles de prix se forment sur les marchés boursier et immobilier. De tels investissements deviennent un refuge et une protection contre les rendements négatifs sur les titres à revenu fixe. Au cours de l’histoire, lorsque cela s’est produit, des Krachs boursiers et des paniques financières ont suivi. 

Un retour aux années ’20 ?

La situation économique d’aujourd’hui rappelle, sous certains aspects, celle de l’économie américaine dans les années ‘20, la période qui précéda la Grande Dépression des années ‘30. En effet, l’économie américaine avait progressé au rythme annuel de 2,7 pourcent, entre 1920 et 1929 ; le plein emploi régnait, tandis que l’inflation était stable.

En outre, on avait prolongé la période de croissance économique en adoptant des mesures protectionnistes telles que le tarif Fordney-McCumber de 1922. Lors de la campagne présidentielle de 1928, de même, le candidat républicain à la présidence, Herbert Hoover (1874-1964), proposa des hausses tarifaires sur les importations. Une fois élu, il réalisa sa promesse et il fit adopter le très critiqué tarif Smoot-Hawley de 1930, que l’on soupçonne d’avoir accélérée la dépression économique mondiale. L’économie bénéficia d’un accroissement des dépenses en travaux publics et par des réductions d’impôts à trois occasions, soit en 1921, en 1924 et en 1925.

De plus, le président Calvin Coolidge (1872-1933) parapha  une loi anti immigration appelée la Loi de 1924 sur l’immigration, (également appelée la loi Johnson-Reed), dont le but principal était d’empêcher l’immigration aux États-Unis de personnes venant d’Asie. Il y avait aussi de l’hostilité envers les Américains catholiques, plusieurs d’origine italienne, envers les Juifs et envers les Noirs.

— C’étaient les « années folles« .

Lorsque l’on considère les nombreuses similitudes qui existent entre les deux périodes, au plan politique, social et économique, cela soulève quelques questions : Est-ce que l’histoire est en train de se répéter ? Est-ce que les excès que l’on observe aujourd’hui pourraient conduire à une reddition des comptes ? Est-ce que les banques centrales et les gouvernements du jour pourraient précipiter l’économie américaine et l’économie mondiale dans un grand marasme économique et financier ? — Protectionnisme commercial, réductions massives d’impôts, fortes augmentations de la dette publique, des mesures anti immigration, une déréglementation touts azimuts… etc. 

— C’est du « déjà vu »!

Conclusion

Les États-Unis sont sur le bord d’une trappe de taux d’intérêt artificiellement bas. En effet, le président de la Fed, Jerome Powell, semble avoir été fortement influencé par les tactiques d’intimidation de Donald Trump pour faire abaisser les taux d’intérêt. Par conséquent, même si l’économie américaine opère présentement à plein régime, en ce qui concerne l’emploi, — en partie la conséquence démographique du départ à la retraite, en masse, des ‘baby boomers’ —, les politiques budgétaires et monétaires n’en sont pas moins fortement pro cycliques et elles sont très expansionnistes.

Ceci est fort inhabituel en pareilles circonstances, et c’est là le fruit d’une gouvernance qui viole les principes de base d’une bonne gestion économique. En effet, on doit se méfier de telles pratiques financières imprudentes, lesquelles sont susceptibles de créer des bulles financières qui sont condamnées, tôt ou tard, à éclater.

En réalité, de telles politiques pro cycliques, dans le présent contexte, sont un signe que le gouvernement en place cherche avant tout à engranger des gains économiques et politiques à court terme, au prix de difficultés à venir, à moyen et à long terme.

Rodrigue Tremblay

 

 

 

Le Prof. Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et lauréat du Prix Richard-Arès pour le meilleur essai en 2018 « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 », (Fides).

On peut le contacter à l’adresse suivante : [email protected].

Il est l’auteur du livre du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale », de même que de son dernier livre publié par les Éditions Fides et intitulé « La régression tranquille du Québec, 1980-2018 ». 

Site Internet de l’auteur : http://rodriguetremblay.blogspot.com/

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Le modèle USA du gouvernement “souverainiste” 

juillet 30th, 2019 by Manlio Dinucci

Même si l’opposition attaque toujours le gouvernement et s’il y a des divergences à l’intérieur même du gouvernement, de tout l’arc parlementaire ne s’est élevée aucune voix critique quand le Premier ministre Conte a exposé à la Conférence des ambassadeurs (26 juillet) les lignes conductrices de la politique extérieure, comme preuve du vaste consensus multipartisan.

Conte a défini avant tout quel est le pivot de la place de l’Italie dans le monde :

“Notre rapport avec les États-Unis reste qualitativement différent de celui que nous avons avec les autres Puissances, parce qu’il se fonde sur des valeurs, sur des principes partagés qui sont le fondement même de la République et partie intégrante de notre Constitution : la souveraineté démocratique, la liberté et égalité des citoyens, la défense des droits fondamentaux de la personne”.

Ainsi le Premier ministre Conte non seulement rappelle que les USA sont notre “allié privilégié”, mais énonce un principe guide : l’Italie prend les États-Unis comme modèle de société démocratique. 

Mystification historique colossale. 

En ce qui concerne la “liberté et égalité des citoyens”, il suffit de rappeler que les citoyens étasuniens sont aujourd’hui encore recensés officiellement sur la base de la “race” -blancs (divisés entre non-hispaniques et hispaniques), noirs, indiens américains, asiatiques, indigènes hawaïens- et que les conditions moyennes de vie des noirs et des hispaniques (latino-américains appartenant à toutes “races”) sont de très loin les pires.  

En ce qui concerne la “défense des droits fondamentaux de la personne”, il suffit de rappeler qu’aux USA plus de 43 millions de citoyens (14%) vivent dans la pauvreté et environ 30 millions n’ont pas d’assistance sanitaire, tandis que de nombreux autres en ont une insuffisante (par exemple, pour payer une longue chimiothérapie contre une tumeur). Et toujours concernant la “défense des droits de la personne” il suffit de rappeler les milliers de noirs sans armes assassinés impunément par des policiers blancs.

En ce qui concerne la “souveraineté démocratique” il suffit de rappeler la série de guerres et coups d’état effectuée par les États-Unis, de 1945 à nos jours, dans plus de 30 pays asiatiques, africains, européens et latino-américains, provoquant 20-30 millions de morts et des centaines de millions de blessés (voir la recherche de J. Lucas présentée par le professeur Chossudovsky sur le site Global Research). 

Voilà quelles sont les “valeurs partagées” sur lesquelles l’Italie fonde son rapport “qualitativement différent” avec les États-Unis. Et, pour montrer combien celui-ci est fructueux, Conte assure : “J’ai toujours trouvé chez le Président Trump un interlocuteur  attentif aux légitimes intérêts italiens”. Intérêts que Washington considère comme “légitimes” tant que l’Italie reste en position grégaire dans l’OTAN dominée par les États-Unis, les suit de guerre en guerre, augmente à leur demande sa dépense militaire, met son territoire à disposition des forces et bases USA, forces nucléaires comprises. 

Conte essaie de faire croire que son gouvernement, communément défini comme “souverainiste”, ait un ample espace d’autonomie de “dialogue avec la Russie sur la base de l’approche OTAN à double voie” (diplomatique et militaire) : approche qui en réalité suit la voie unique d’une confrontation militaire de plus en plus dangereuse. 

À ce propos -informe La Stampa (26 juillet)- l’ambassadeur USA Eisemberg à Rome a téléphoné au vice-président Di Maio (jugé par Washington le plus “fiable”), en lui demandant un éclaircissement sur les rapports avec Moscou notamment du vice-président Salvini (dont la visite à Washington, malgré ses efforts, a eu “une issue décevante”). 

On ne sait pas si le gouvernement Conte va réussir l’examen. Mais on sait que se perpétue la tradition selon laquelle en Italie le gouvernement doit toujours avoir l’approbation de Washington, confirmant quelle est notre “souveraineté démocratique”.

Manlio Dinucci

 

 

Article original en italien :

Il modello USA del governo «sovranista»

Édition de mardi 30 juillet 2019 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/il-modello-usa-del-governo-sovranista/ 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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Le professeur Imad Fawzi Shueibi est sans doute le premier Syrien à avoir parlé ouvertement des considérables ressources de la Syrie en gaz et en pétrole, alors que l’ensemble des États prédateurs faisaient et font toujours mine de les ignorer, mettant leurs ingérences meurtrières sur le compte de leurs prétendus soucis humanitaires porteurs de paix civile là où ils n’ont cessé de semer la zizanie, prometteurs de démocratie là où ils n’ont soutenu que les traitres, les dictateurs et les hordes terroristes obscurantistes venues de tous les coins de la planète. 

Dès 2011, M. Shueibi a soutenu l’idée que la guerre sur la Syrie était essentiellement une « guerre pour le gaz ». En 2013, invité par la chaîne Al-Mayadeen, il avait présenté une carte non chiffrée de 14 gisements pétro-gaziers découverts dans les eaux territoriales syriennes, avec pour les gisements [4-9-10-13] des rendements estimés équivalents à ceux du Koweït et des potentialités en pétrole et en gaz de plus en plus importantes en partant de la frontière libanaise vers Banias au nord de la Syrie. [1].

Puis, interrogé sur ses sources par la chaîne libanaise NBN, M. Shueibi avait révélé, avec documents à l’appui, que c’est d’abord la société norvégienne « Inseis » qui avait délivré à la Syrie les résultats d’une première exploration offshore en deux dimensions [2D] révélant ces 14 gisements ; qu’ensuite, c’est la « SAGEX », une deuxième société norvégienne, qui avait repris les explorations en 3D et rendu des résultats comparables en se gardant de communiquer ses estimations quantitatives ; et qu’enfin, ces deux sociétés avaient été rachetées par « CGGVéritas », une société franco-américaine basée à Londres, laquelle a donc récupéré le contrat et les données concernant la Syrie [2].

Ce n’est qu’en février 2018 que M.Shueibi a divulgué les estimations chiffrées des rendements de certains gisements : 

Une carte qui montre que mis à part le gisement 1 estimé le plus riche, suivi en cela par le gisement 12, les blocs 1, 2 et 3 donneraient 11 milliards de barils, d’où la comparaison initiale avec le Koweït.

Quant à l’estimation globale des ressources onshore et offshore, il avait donné la carte ci-dessous. Elle en dit long sur les raisons de la présence des forces américaines, françaises, anglaises, etc. au nord-est de la Syrie et sur leurs tentatives répétées pour faire main basse sur la Badiya et la région de Homs, au centre du pays, via leurs mercenaires terroristes instruits par leurs forces très spéciales. 

Au cours de cette même émission d’Al-Mayadeen [3], M. Shueibi avait parlé de ce qui ne se chuchotait jusqu’ici ; à savoir qu’en 1974, lors de la visite du président Nixon en Syrie, les autorités syriennes lui auraient proposé d’étudier les possibilités d’un partenariat pour l’exploration et l’extraction des hydrocarbures, mais que Kissinger serait intervenu par deux fois pour signifier que c’était hors sujet en la circonstance. Quant à Brejnev, il aurait répondu que l’Union soviétique ne pouvait pas assumer la mission. Les autorités syriennes en auraient tiré la conclusion qu’il avait été décidé par les uns et les autres que l’exploitation de ces ressources devait être remise à plus tard. 

Ce 26 juillet 2019, M. Shueibi était de nouveau l’invité de la chaine libanaise NBN pour expliquer que ledit « Deal du siècle » sur la Palestine occupée n’est en réalité que le prélude d’un « Deal sur ce siècle du gaz ». Il était accompagné par le chercheur libanais en économie, M. Ziad Nasr el-Din, lequel a exposé les raisons du sabotage de la complémentarité économique évidente entre le Liban et la Syrie et des tentatives de mainmise d’Israël sur le « Bloc 9 » du gisement offshore libanais ; manœuvres largement expliquées par le Général Amine Hoteit vers lequel nous renvoyons le lecteur intéressé par le sujet [4][5].

Cette longue introduction pour nous permettre de tirer l’essentiel d’une émission de 1H20 menée à bâtons rompus par M. Abbas Daher [Mouna Alno, NDT].

__________________________________________

L’ESSENTIEL DE L’INTERVENTION DU PROFESSEUR IMAD FAWZI SHUEIBI

Le dossier des hydrocarbures en Syrie est bloqué depuis longtemps. Je dirais que les accords Sykes-Picot, conclu après la Première Guerre Mondiale, et les accords de Yalta, conclu après la Deuxième Guerre Mondiale, étaient fondés sur le concept de l’Énergie et sur la question de savoir s’il fallait exploiter le pétrole de notre région ou le pétrole de la région du Golfe, ou encore s’il n’était pas nécessaire de remettre l’exploitation du pétrole de notre région à plus tard. À l’appui de cette nécessité, le puits de pétrole à l’Est de la Syrie condamné en 1934 par les Français, là où les forces  françaises se trouvent actuellement. Autrement dit, ils sont évidemment au courant de nos ressources et ne sont absolument pas venus pour combattre Daech ou n’importe quelle autre organisation terroriste. C’est un discours destiné à l’opinion publique. 

Par ailleurs, lors de la partition menée par les mandataires [franco-anglais], Mossoul appartenait à la Syrie et Deir ez-Zor appartenait à l’Irak. L’échange a été fait en fonction du pétrole avec interdiction pour la France de l’exploiter pour des raisons que nous n’avons pas le temps d’exposer ici, sinon que la compagnie pétrolière IPC [Iraq Petroleum Company] œuvrait de l’autre côté. Et les discussions de l’époque portaient sur la question essentielle de savoir s’il fallait accorder à la Syrie l’importance d’un pays producteur de pétrole en plus de son importance géopolitique, du fait qu’elle se trouve au carrefour de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe. Question toujours d’actualité vu son passé sur la Route de la soie, qu’elle est désormais collée à Israël et qu’elle s’oppose au projet occidental dans la région. Dans ces conditions : faut-il lui permettre de devenir un pays riche ? 

Cette question s’est posée depuis le début du siècle, sans que nul n’en parle ouvertement. Mais voici venue l’heure de vérité. En témoignent non seulement les révélations sur les ressources de la Syrie, mais aussi les révélations sur les ressources du Liban […]. Et, je ne vois dans le « Deal du siècle » [porté par Jared Kushner, le gendre de Trump ; NdT] et les pressions américano-israéliennes exercées sur le Liban pour revoir ses frontières maritimes avec Israël d’une part, avec la Syrie d’autre part, que le prélude d’un deal sur ce siècle, qui est le siècle du gaz, le pétrole étant toujours important mais devenu secondaire […]. 

Autrement dit, le temps est venu pour que cette région entre sur le marché mondial et, par conséquent, pour éteindre les incendies allumés depuis une quarantaine d’années afin d’empêcher son développement et aussi éviter une baisse des prix. C’est pourquoi, je n’ai cessé de dire qu’il nous fallait attendre que Trump annonce le contenu du deal. Il se pourrait qu’il contienne des clauses inattendues. À mon avis tout ce qui a fuité jusqu’ici n’était destiné qu’à tâter le pouls des uns et des autres. 

Et la question qu’il nous faut poser est : pourquoi cet insistant soutien de Netanyahou de la part des USA et de la Russie ? L’américain lui a offert un chèque en blanc en lui accordant le Golan [comme si Trump l’avait hérité de son grand-père disent les Syriens ! NdT] et le Russe lui a offert le cadeau du corps d’un soldat israélien enterré en Syrie, à la veille des élections […]. Dans quel but ? Ne serait-ce pas un signe de leur entente sur cet individu considéré capable de faire passer le deal dont nous ne connaissons toujours pas la dimension politique et économique ? […]. 

Le Russe considère que sans une sorte d’accords de Yalta portant sur les ressources en énergie de notre région, les problèmes du monde ne se règleront pas. Et de son point de vue, cette entente nécessite la sainte trinité États-Unis-Chine-Russie. Une entente qui se trouve bloquée par le désaccord entre les États-Unis, que ce soit le courant de Trump ou celui de l’État profond, et la Chine. La Russie a donc initié le vrai deal du siècle en offrant à la Chine le méga contrat gazier de 400 milliards de dollars afin de lui assurer que rien ne viendra nuire à ses intérêts […]. Cependant, une telle entente entre ces trois puissances n’est pas près de se concrétiser. Elles s’entendront partiellement […]. En d’autres termes, elles s’entendront sur les quantités d’hydrocarbures que le Liban et la Syrie seront autorisés de produire tandis qu’Israël produira ce qu’il a, afin de ne pas perturber les prix sur le marché international et aussi afin d’alimenter l’Europe, vu que les USA ne pourraient lui assurer que 46% de ses besoins […]. 

D’autre part, la Russie ne cherche pas à tout dominer, mais cherche à « partager » avec l’Occident. La preuve en est que sur les 14 gisements offshore syriens, elle n’a pris que le plus petit situé entre Banias et Tartous et n’a toujours pas entrepris de l’exploiter. Ce qui suggère que les accords sur ce qui est permis et ce qui est interdit n’ont pas encore été trouvés, que les ententes sur les quantités et leurs distributions n’ont pas encore abouti et que, ce faisant, la Russie a voulu dire qu’elle a avancé de ce pas dans la région sans chercher à tout s’approprier […]. 

Par conséquent, la Russie attend la concrétisation des ententes. Et le fait qu’elle soit le candidat préféré pour l’exploitation du pétrole et du gaz de la zone maritime partagée par le Liban et Israël suggère qu’elle en sera le garant. Quant à l’annexion du Golan syrien occupé par Israël, tout ce que j’en sais est que c’est une compagnie américaine qui s’est chargée de la prospection. Je pense que cette annexion servira de carte lors d’une négociation future avec la Syrie. C’est mon avis et non une information […]. 

Quant à l’Iran, il ne faudrait surtout pas croire que son ciblage est dû à son programme nucléaire. Ce problème est caduc. Ce qui est sous-jacent à ce conflit est son programme balistique et, plus encore, le deal du siècle avec ce qu’il implique pour la région. Je pense qu’en fin de compte ce sera le deal sur le gaz contre le dossier du nucléaire. D’où la bataille des pétroliers et les messages envoyés de part et d’autre, car la  vraie lutte porte sur l’énergie […]. 

Réfléchir à ce qui sera permis ou interdit à la Syrie, aux prix du marché en sachant que ni la Russie ni Israël n’ont intérêt à voir les prix baisser, et sur le fait que la Syrie est le passage obligé des gazoducs de la région vers l’Europe me donne la migraine. Mis à part qu’elle a accordé sa préférence au gazoduc iranien passant par l’Irak au détriment du gazoduc qatari, ce qui a été le point de départ de l’explosion, reste le problème de l’acheminement du gaz du gisement situé dans le « Rub al-khali » de la péninsule arabique, dont le rendement attendu serait de 320 trillions de pieds cubes. Par où transitera-t-il ? La seule voie raisonnable passe par la Syrie, à moins que son exploitation n’ait été remise à plus tard, à 10, 50 et même 100 ans. Qui sait s’il ne donnera pas lieu à un énième deal du siècle ? […]. 

Reste aussi le problème de l’État chypriote qui a été contraint de signer des contrats avec Israël alors qu’il a des gisements partagés, et donc des intérêts partagés, avec la Syrie. Il en restera l’otage tant que la Syrie ne sera pas stabilisée. Quant à Erdogan, qu’est-ce qui justifie son acharnement à se mêler de la Libye sinon sa volonté de s’ingérer dans l’équation pétro-gazière du bassin du Levant, via la partie nord de Chypre occupée par la Turquie ? En dépit du fait qu’elle est destinée à devenir un hub gazier, par le gazoduc Nabucco ou le Turkish Stream, Erdogan veut sa part des fonds marins. 

Si dès 2011 je me suis aventuré, comme vous dites, à révéler la présence de ces gisements dont il ne fallait pas parler, c’est parce que je craignais le pire pour mon pays, lequel a payé à trois reprises le prix des guerres mondiales dont la Guerre froide […]. La Promesse de Balfour a amputé la Syrie de son Sud, quoi qu’en pensent les uns et les autres, et les accords Sykes-Picot de partition de la Syrie se sont bel et bien concrétisés en l’amputant plus encore. Dans un ouvrage publié en 1991, j’avais prédit que la Syrie paierait une fois de plus le prix du nouvel ordre mondial. Malheureusement, la Syrie a toujours dû payer le prix fort. Telle est la malédiction de sa géographie conjuguée avec sa richesse […]. 

Ceci étant dit, en politique, il n’y pas d’optimisme ou de pessimisme. Il y a des faits. Et les faits suggèrent que les Grandes puissances sont condamnées à s’entendre. Cette situation de ni guerre, ni paix, ne règlera pas les problèmes du monde. Et la guerre sur la Syrie prendra fin car elle a épuisé ses objectifs. C’est pourquoi, je ne suis pas convaincu qu’il y aura une guerre ouverte contre le Liban ou Israël. 

En attendant, les pressions sur la Syrie continuent et continueront, la pression principale consistant à broyer les Syriens en s’en prenant à tout ce qui touche leur vie quotidienne, le fuel, le mazout, etc., jusqu’à ce qu’ils en arrivent à réclamer leur délivrance et à appeler au règlement de cette situation. C’est là un scénario complémentaire de tout le projet échafaudé contre notre région […]. 

Maintenant, nous parlons des États-Unis comme s’il s’agissait d’un seul État alors que le courant de Trump et le courant de l’État profond US paraissent divisés […]. À lire les médias US, les tenants de l’État profond poussent Trump à faire main basse sur les sources d’énergie dans notre région, en arguant qu’il ne faudrait pas trop miser sur les hydrocarbures de schiste qui ne tarderont pas à s’épuiser, que s’il se retirait il ne restera plus personne sur qui compter vu l’entente évidente entre la Russie et l’Arabie saoudite sur le prix du pétrole au niveau mondial. 

En d’autres termes, il y a possibilité de confrontation. Si Trump gagne, nous irons probablement vers une entente avec la Russie et la confrontation portera toujours sur la Chine. Si le courant de l’État profond gagne, nous irons vers une confrontation avec la Russie. Mais s’il y a compromis, notre région passera par des hauts et des bas et les choses ne se règleront pas de sitôt. 

L’ESSENTIEL DE L’INTERVENTION DE M. ZIAD NASR EL-DIN

L’histoire des hydrocarbures au Liban a commencé en 1926 lorsque le Haut commissaire de l’époque a décrété le lancement de la prospection pétrolière et gazière. En 1944, la compagnie IPC a découvert la présence de gisements de pétrole terrestres dans la région d’Adloun au sud, à Yohmor et Sohmor dans la région Beqaa ouest, à Tal-Zanoub et à Abrine au nord du pays […]. 

En 1974, le Liban a adopté la première loi de prospection pétro-gazière. À peine un an après, la guerre civile a éclaté. Quels sont les non-dits derrière cela, d’autant plus que 1973 a vu l’effervescence du pétrole de la région du Golfe ? Puis, en 2002, les compagnies Spectrum, PGS et NGS ont prospecté en 2D et 3D et aujourd’hui, c’est le consortium Total-ENI-Novatek qui a obtenu les licences d’exploration et de production des hydrocarbures offshore […].  

L’important est que ces explorations ont montré que le Liban possède dans ses fonds marins 95 trillions de pieds cubes de gaz, chaque trillion valant 12 milliards de dollars, alors qu’Israël ne possède que 25 trillions de pieds cubes. J’ajoute que si Trump a accordé le Golan à Israël, c’est justement parce que le gisement de gaz le plus riche se trouve dans son sol. Et les Américains, en particulier, viennent nous dire de ne pas trop parier sur notre gaz et notre pétrole ! Je l’ai moi-même entendu dans certaines réunions. […]. 

La bataille en cours autour du bloc 9 n’est que de la poudre aux yeux. L’Américain est venu nous dire : prenez donc 90% de ce bloc et nous nous entendrons. En réalité, cela nous privera d’une bonne partie du bloc 8 à travers lequel Israël est obligé de faire passer un futur gazoduc vers Chypre en direction de l’Europe. Nous, nous n’acceptons pas le terme de zone « contestée ». Il s’agit plus exactement de la « fixation » de nos frontières internationalement reconnues et, comme l’a déclaré M. Nabih Berri [président de la Chambre des députés du Liban] : ce serait plutôt à nous de réclamer ce qui nous appartient de l’autre côté, non l’inverse. […]. 

Concernant la Syrie, j’aimerais rappeler sa situation début 2011 : 

  • État autosuffisant, 
  • au deuxième rang mondial pour sa production de coton, 
  • au troisième rang mondial pour sa production d’olives,
  • au premier rang des pays arabes pour sa production de blé, 
  • au premier rang des pays arabes et au quatrième rang mondial pour sa sécurité intérieure, 
  • au premier rang des pays arabes pour sa sécurité alimentaire, 
  • au premier rang des pays arabes en matière de recherches scientifiques, 
  • un chômage n’ayant pas dépassé les 8% dans le pays et les 6% à Alep, 
  • 5,6 millions de touristes enregistrés avec un apport de monnaies étrangères de 6 milliards de dollars, sans frais notables de publicité, 
  • une industrie pharmaceutique couvrant 90% des besoins du pays, 
  • un produit intérieur ayant atteint 64 milliards de dollars sans compter les rendements du pétrole, 
  • un surplus de la production d’électricité de 5000 mégawatts
  • 21000 écoles [avec 7000 écoles détruites et 113 000 installations industrielles détruites dont 53 000 à Alep] […].

Or, les points forts de l’économie libanaise sont les points faibles de la Syrie et les points forts de l’économie syrienne sont les points faibles du Liban. En poussant à la révision de nos frontières communes avec la Syrie, l’ennemi commun cherche à semer une zizanie qui n’a pas lieu d’être et à empêcher cette complémentarité économique libano-syrienne de fonctionner, tout en imposant à la Syrie un embargo économique terroriste afin qu’elle cède sur le dossier du gaz. Mais celui qui n’a pas cédé en 2010, ne cèdera pas aujourd’hui ; ce que l’Américain n’arrive pas à comprendre […].

Nous sommes bien d’accord que quelle que soit la quantité des ressources, le plus important est leur transport. Ce qui fait que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de lutte sur les sources d’énergie avec Israël, laquelle pourrait nous mener vers une lutte qui menacerait notre existence et la sienne. Or, aujourd’hui, nous avons les moyens de l’empêcher de profiter de ses propres ressources étant donné que la voie principale de leur transport passe par le Liban et la Syrie. 

Par conséquent, la résistance militaire syrienne et la résistance politique et militaire libanaise joueront un grand rôle à l’avenir. C’est pourquoi nous voyons l’Américain se poser en médiateur [dans cette affaire dite du bloc 9] ; ce qu’il n’est pas, puisqu’il intervient en tant que partie favorable aux projets d’Israël. 

Le dossier du pétrole et du gaz est salvateur pour le Liban dont la dette s’élève à 90 milliards de dollars. C’est pourquoi je veux dire au Libanais que toute cette terreur à propos d’un prochain effondrement financier est la conséquence de conditions imposées pour les pousser à céder sur ce dossier et ne pas en profiter. Car si jamais nous réussissions à intégrer cette fortune dans notre économie pour développer les industries dérivées, en complémentarité avec la Syrie, nos deux pays deviendraient parmi les États les plus riches en ce monde. 

Les États-Unis et l’entité israélienne le permettront-ils, auquel ce serait la fin de cette entité fondée sur la discorde, l’affaiblissement et l’errance d’autrui ? En tous cas, nous avons su leur dire : Non ! 

Imad Fawzi Shueibi et Ziad Nasr el-Din

 

 

Syhthèse et traduction par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

29/07/ 2019

Source : [Video NBN (Liban) / émission du 26 janvier 2019 ]

 

Notes : 

[1] [La Syrie dans le chaudron des projets gaziers géants !]

[2] [Syrie : La guerre pour le gaz et les gazoducs continue ! ]

[3] [video d’Al-Mayadeen : Pétrole et gaz… la guerre secrète] 

[4] [Liban : La ligne bleue maritime…]

[5] [Le Liban, Israël et le vol du gaz à l’ombre du 4ème Sommet arabe à Beyrouth]

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Le livre blanc « la Défense Nationale de la Chine à l’ère nouvelle » montre ce que le pays cherche à atteindre d’ici 2049.

Le principal mérite de la Défense Nationale de la Chine à la nouvelle ère, un livre blanc publié par le Conseil d’État à Pékin, est de dissiper tout doute sur la provenance de l’Empire du Milieu et sur son avenir d’ici 2049, la date mythique pour, en théorie, le rétablir comme la première puissance mondiale.

Bien qu’il ne soit pas très détaillé, le livre blanc devrait certainement être lu comme le contrepoint chinois à la stratégie de sécurité nationale américaine, ainsi qu’à la stratégie de défense nationale.

Il va sans dire que chaque phrase est soigneusement examinée par le Pentagone, qui considère la Chine comme un « acteur malveillant » et une « menace » – la terminologie associée à son mantra « agression chinoise ».

Pour aller droit au but, et pour le plus grand plaisir des sympathisants et des critiques de la Chine, voici l’essentiel du livre blanc.

Quelle stabilité mondiale ?

Les dirigeants de Pékin affirment ouvertement qu’au fur et à mesure que « les États-Unis ont ajusté leurs stratégies nationales de sécurité et de défense et adopté des politiques unilatérales » qui ont essentiellement « sapé la stabilité stratégique mondiale« . De vastes secteurs des pays du Sud seraient du même avis.

La contrepartie est l’évolution du « partenariat stratégique global de coordination Chine-Russie pour une nouvelle ère« , qui joue désormais « un rôle important dans le maintien de la stabilité stratégique mondiale« .

Parallèlement, Pékin prend grand soin de faire l’éloge des « relations militaires avec les États-Unis conformément aux principes de non-conflit, de non-confrontation, de respect mutuel et de coopération gagnant-gagnant« . Les « relations entre militaires » devraient servir de « stabilisateur pour les relations entre les deux pays et contribuer ainsi aux relations entre la Chine et les États-Unis fondées sur la coordination, la coopération et la stabilité » .

Une autre contrepartie clé des États-Unis – et de l’OTAN – est le rôle de plus en plus crucial de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), qui « forge un partenariat constructif de non-alliance et de non-confrontation qui ne cible aucune tierce partie, élargit la coopération en matière de sécurité et de défense et crée un nouveau modèle de coopération sécuritaire régionale« .

Le livre blanc souligne que « l’Organisation de Coopération de Shanghai est aujourd’hui devenue un nouveau type d’organisation de coopération régionale globale couvrant la plus grande zone et la plus grande population du monde« , ce qui est exact dans les faits. Le dernier sommet de l’OCS de Bichkek a fait des merveilles en présentant certaines des qualités tant vantées du groupe, notamment la « confiance mutuelle« , la « consultation » , le « respect des diverses civilisations » et la « poursuite du développement commun » .

Sur les points chauds, contrairement au scepticisme occidental, le livre blanc affirme que « la situation de la mer de Chine méridionale est généralement stable » et « qu’une architecture de sécurité asiatique équilibrée, stable, ouverte et inclusive continue à se développer » .

Il ne faut pas se faire d’illusions quant à la position de Pékin sur « l’indépendance de Taïwan », qui ne s’écartera jamais de ce qui a été fixé par Little Helmsman Deng Xiaoping à la fin des années 1970 :

Il en va de même pour les « forces séparatistes extérieures pour l’indépendance du Tibet » et la création du « Turkestan oriental ». La manière dont Pékin a géré – et développé économiquement – le Tibet continuera d’être le modèle pour gérer et développer économiquement le Xinjiang, indépendamment des vociférations de l’Occident sur l’assujettissement de la Chine de plus d’un million de Ouïghours.

En ce qui concerne le tumulte à Hong Kong et le degré d’ingérence des « forces extérieures », le livre blanc fait de Hong Kong le modèle à suivre sur la route de Taiwan. La Chine adhère aux principes de « réunification pacifique » et le « un pays, deux systèmes », favorise le développement pacifique des relations entre les deux rives du détroit et la réunification pacifique du pays.

En ce qui concerne la mer de Chine méridionale, le livre blanc note que :

« Des pays extérieurs à la région effectuent fréquemment des reconnaissances aériennes et maritimes rapprochées de la Chine et pénètrent illégalement dans les eaux territoriales chinoises et dans les eaux et l’espace aérien à proximité des îles et récifs chinois, portant atteinte à la sécurité nationale chinoise » .

Il n’y aura donc pas de malentendu :

« Les îles de la mer de Chine méridionale et les îles Diaoyu sont des parties inaliénables du territoire chinois » .

L’ANASE et le Japon devront tenir compte de ce que Pékin affirme être des faits.

Pas d’hégémonie, jamais

Tout en notant que « de grands progrès ont été réalisés dans la Révolution des Affaires militaires aux caractéristiques chinoises » – la sino-version du Pentagone – le livre blanc reconnaît que :

« L’Armée Populaire de Libération est encore loin derrière les principales armées du monde« .

L’engagement de « transformer pleinement les forces armées populaires en forces de classe mondiale d’ici le milieu du XXIe siècle » est sans équivoque.

Un accent particulier est mis sur la diplomatie relativement discrète de la Chine en coulisses.

« La Chine a joué un rôle constructif dans le règlement politique de points chauds régionaux tels que la question de la péninsule coréenne, la question nucléaire iranienne et la question syrienne« .

Le corollaire ne saurait être plus clair.

« La Chine s’oppose à l’hégémonie, à l’unilatéralisme et à la politique des deux poids, deux mesures« .

Le point le plus important du livre blanc – en contraste flagrant avec le récit de « l’agression chinoise » – est sans doute que « Ne Jamais Chercher l’Hégémonie, l’Expansion ou les Sphères d’Influence » est qualifié de « caractéristique distinctive de la défense nationale de la Chine dans cette nouvelle ère » .

Cela s’appuie sur ce que l’on pourrait définir comme l’approche chinoise distinctive des relations internationales – respecter « le droit de tous les peuples à choisir indépendamment leur propre voie de développement » et « le règlement des différends internationaux par un dialogue, des négociations et des consultations équitables. La Chine s’oppose à l’ingérence dans les affaires intérieures des autres, à l’abus des faibles par les forts et à toute tentative d’imposer sa volonté aux autres » .

La feuille de route est donc sur la table pour que tout le monde puisse la voir. Il sera fascinant d’observer les réactions d’une myriade de latitudes à travers les pays du Sud. Voyons comment réagit le système qui parle « d’agression chinoise ».

Pepe Escobar

 

Article original en anglais :

The Dragon Lays Out Its Road Map, Denies Seeking Hegemony. “China’s National Defense in the New Era”

Traduit par Réseau International

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En avril 2018, des mandataires des États-Unis, armés et non armés, en collaboration avec les élites nicaraguayennes, ont lancé une guerre contre l’État du Nicaragua, son gouvernement, son économie et son peuple. Cette guerre a perturbé les transports et les communications dans tout le pays et saboté l’économie. Cela a passé par des actes de vandalisme, des incendies criminels, des agressions, des coups, des meurtres, de la torture et des viols, ainsi que par la construction dans le pays de centaines de barrages routiers, imposés par la violence, et l’organisation de manifestations politiques truffées elles aussi de violence. Cela a également pris la forme de publications et de reportages faux et mensongers dans la presse nationale et internationale et dans les médias sociaux. Ainsi, les agresseurs dans cette guerre ont réussi à enrôler un certain nombre de Nicaraguayens ne faisant pas partie de l’élite politiquement réactionnaire du pays.

La guerre proprement dite a commencé à la mi-avril et s’est terminée à la mi-juillet avec la levée des barrages routiers de l’opposition. Plus de 250 personnes avaient été tuées et beaucoup d’autres blessées. Plus de 250 bâtiments ont été incendiés ou saccagés, avec des pertes de plus de 230 millions de dollars US pour le secteur public de la construction. Le PIB a chuté de près de 4%, une perte de près de 1.5 milliards de dollars pour l’économie, plus de 300 000 pertes d’emplois. (NB : cette recension qualifie les événements de 2018 de « guerre », bien qu’on puisse aussi l’appeler « opération de changement de régime », « tentative de coup d’État » et plus encore.)

Ce livre électronique de 270 pages, que les éditeurs appellent un « reader » [un recueil] est offert gratuitement par l’Alliance pour la justice mondiale (Alliance for Global Justice (AFGJ, afgj.org), la principale organisation de solidarité anti-impérialiste aux États-Unis. Cet ouvrage comprend des articles, du journalisme d’investigation, des interviews et des témoignages de première main sur la guerre. C’est une collection réfléchie et variée couvrant un événement très important dans l’histoire révolutionnaire et anti-impérialiste moderne. Les contributeurs sont Alex Anfruns, Paul Baker Hernandez, Max Blumenthal, Michael Boudreau, S. Brian Willson, Jorge Capelán, Enrique Hendrix, Katherine Hoyt, Chuck Kaufman, Dan Kovalik, Barbara Larcom, Coleen Littlejohn, Gabriela Luna, Nils McCune, Nan McCurdy, Nora McCurdy, Camilo Mejía, Barbara Frances Moore, John Perry, Louise Richards, Stephen Sefton, Erika Takeo, Helen Yuill et Kevin Zeese.

Ce recueil expose et réfute les récits biaisés et mensongers de la guerre présentés dans les médias dominants et même dans les médias alternatifs, ainsi que par les groupes de défense des droits humains alignés sur Washington tels qu’Amnesty International (1) et Human Rights Watch. Leur récit a imaginé un mouvement de protestation progressiste pacifique, écrasé par la police nationale brutale d’un régime dictatorial. Même la Gauche au sens large (quelle que soit sa définition), a diffusé ce récit, ainsi le Congrès nord-américain sur l’Amérique latine, les Socialistes démocratiques d’Amérique, le magazine Jacobin, The Nation, The Guardian, et des chaînes de télévision iconiques comme Democracy Now! (pp. 262-263) Dans le monde orwellien que nous habitons, il est certain que malgré son importance, sa portée et sa qualité, ce recueil ne sera jamais reconnu par les médias dominants ou la plupart des médias alternatifs, et il y sera encore moins recensé ou discuté.

En plus d’essais et d’articles plus longs, le recueil comprend des brèves. Nous y apprenons le lancement de la guerre pour le changement de régime et que quelques jours avant le début de cette guerre, un incendie dans la réserve biologique Indio Maíz a été salué par des protestations fabriquées contre la prétendue inaction gouvernementale. Ces protestations ont essayé mais n’ont pas réussi à déclencher la guerre et elles se sont éteintes avec l’incendie. Nous apprenons les détails des propositions de réforme de la sécurité sociale par lesquelles le gouvernement a cherché à éviter les plans néolibéraux du Fonds monétaire international et de la puissante association économique nicaraguayenne, le Conseil supérieur de l’entreprise privée. Ces propositions de réformes ont été présentées de manière déformée dans la presse d’opposition et ont suscité des protestations prétextes avec des justifications changeantes. Ce sont ces protestations qui ont déclenché la guerre. (The Events of 2018 and Their Context, Nan McCurdy et Stephen Sefton, pp. 76 ss.)

Ces nouvelles brèves font état de l’incendie de bureaux gouvernementaux à Masaya, le feu se répandant dans une grande partie du quartier ; de la dénonciation par les enseignants de la violence et des barrages routiers ; de l’enlèvement d’un enseignant du secondaire à Managua qui avait participé aux manifestations ; de tirs à Crazo et Jinotepe ; de l’incendie de la station de radio pro-sandiniste « Tu Nueva Radio Ya » à Managua; des appels de l’opposition à un coup d’État ; de la violence le jour de la Fête des mères, qui a tué 16 policiers et partisans sandinistes et en a blessé 30 à Managua, Masaya, Chinandega et Estelí; de l’arrestation de Christian Mendoza, « El Viper », chef de gang qui a commis des meurtres, des vols de voitures et d’autres crimes et qui a été responsable, en avril, du déclenchement de la violence à l’Université polytechnique du Nicaragua ; des incendies de bâtiments municipaux et du marché à Granada détruisant les moyens d’existence de centaines de commerçants et propriétaires de petites entreprises.

Ailleurs, il y a des témoins oculaires de la guerre, comme Maribel Baldizón, marchande de fruits indépendante à Managua et secrétaire générale de la Fédération des travailleurs aux arrêts de bus et aux feux de signalisation (p. 226) : « Nous ne pouvions pas être dans nos rues, nous ne pouvions pas nous déplacer librement parce que nous nous inquiétons de ceux qui pourraient violer, tuer ou voler… Je vends ici dans le secteur [l’Université de l’Amérique centrale]… ils ont mis le feu à mon étal… ils ont tiré au mortier là où je vends, et ils ont incendié [Tu Nueva Radio Ya, une radio pro-sandiniste] de l’autre côté de la rue… » Elle a rejeté le récit mensonger des médias disant de l’opposition : « Ce qu’ils ont fait était contre le peuple, ce n’était pas une lutte où le peuple se levait, non, c’était une lutte contre les pauvres. »

Dans Correcting the Record: What is Really Happening in Nicaragua (p. 115, 179), Kevin Zeese et Nils McCune analysent l’opération de changement de régime, la violence perpétrée par les forces de l’opposition et les affirmations de cette dernière que le gouvernement avait fait un usage excessif de la force. Ils identifient le caractère de classe du conflit, l’appelant à juste titre « une guerre de classe à l’envers ».

Dans How Nicaragua Defeated a Right-wing US-backed Coup, Max Blumenthal interviewe Nils McCune (p. 57) Cet entretien particulièrement convainquant donne un aperçu de la guerre depuis ses débuts. Egalement discuté, il y a le rôle de Felix Maradiaga, financé par le National Endowment for Democracy (NED), et de ses agents criminels dans l’organisation et la perpétration de la violence ainsi que le rôle des partis nominalement de gauche de l’opposition : le Mouvement pour la rénovation sandiniste et le Mouvement pour le salut du sandinisme (deux partis connus sous l’acronyme MRS). McCune note que ces partis manquent de soutien populaire et affichent constamment de faibles résultats aux élections, toujours à un seul chiffre et presque toujours tout au bas de l’échelle. « Ils sont très forts à l’extérieur du pays, note McCune, mais très faibles à l’intérieur. Il n’y a pas un membre du MRS à Tipitapa [la ville de McCune] parce que c’est une ville très ouvrière. »

Auparavant, l’AFGJ et l’organisation britannique Nicaraguan Solidarity Campaign Action Group (NSCAG) ont collaboré à Dismissing the Truth, une réfutation détaillée de deux rapports d’Amnesty International sur la violence au Nicaragua. Un extrait de l’analyse de 55 pages est publié dans le Reader (p. 195) est disponible gratuitement sur afgj.org. Amnesty International a été l’un des premiers pourvoyeurs et la source faisant ostensiblement autorité du récit fallacieux adopté par les médias, et cette démystification de l’AFGJ et du NSCAG témoigne clairement de la soumission d’AI à la narration antigouvernementale promue par les États-Unis et la presse d’opposition nicaraguayenne.

Dans The 15 Days of Protests without Deaths d’Enrique Hendrix (p. 83), l’auteur fait référence à son étude plus longue, Monopolizing Death, qui a examiné chaque décès intervenu pendant la période la guerre, du 19 avril au 23 septembre 2018. Le travail de Hendrix réfute le mythe d’un mouvement populaire de protestation pacifique de l’opposition qui s’est heurté à une répression policière brutale.

Dans How Washington and Soft Power NGOs Manipulated Nicaragua’s Death Toll to Drive Regime Change and Sanctions (p. 191), Max Blumenthal discute la falsification du bilan des morts pratiquée par les ONG partisanes dans les rapports sur la guerre de changement de régime et l’utilisation de soi-disant organisations de défense des droits de l’homme dans la propagation de récits faux et trompeurs. Ces organisations comprennent le Centre nicaraguayen pour les droits de l’homme, l’Association nicaraguayenne pour les droits de l’homme, sur lesquels s’appuient le Congrès étasunien, la Commission interaméricaine pour les droits de l’homme (IACHR en anglais) et Human Rights Watch (HRW). Blumenthal relate également les liens étroits et non dissimulés entre les jeunes militants qui s’efforcent d’obtenir un changement de régime et l’aile droite du Congrès américain.

Avec précision et humour, et semblable à un avocat de la défense qui résume la situation pour un jury, Chuck Kaufman, dans The Case Against Ortega (p. 138) réduit à néant l’accusation voulant qu’Ortega soit un dictateur ainsi que les allégations de ceux qui affirment qu’ils sont à la gauche des sandinistes. Expliquant sa motivation (étonnant ainsi l’auteur de cette recension), Kaufman ouvre son article par un auto-reproche à la Gauche solidaire américaine : « Depuis le retour [des sandinistes] au pouvoir, avec l’élection de Daniel Ortega en 2006 à la présidence, nous n’avons pas vraiment combattu la campagne de désinformation contre Daniel, sa femme et son gouvernement. Nous avons supposé à tort que l’amélioration manifeste du niveau de vie, la réduction de la pauvreté, de la mortalité infantile et maternelle, l’absence de Nicaraguayens venant au nord, à la frontière américaine, le retour des droits économiques et politiques dont le peuple avait été dépouillé pendant dix-sept ans de gouvernements néolibéraux vassaux des États-Unis (de 1990 à 2006) feraient taire les mensonges. »

S’appuyant sur l’article de Alex Anfruns Du terrorisme considéré comme l’art de manifester et un article de Louise Richards sur NicaNotes, John Perry étudie le rôle des « médias sociaux, des médias commerciaux nicaraguayens et de la presse internationale » dans Nicaragua’s Crisis: The Struggle for Balanced Media Coverage (p. 208). « En principe, les protestations qui ont commencé le 18 avril se sont opposées à une série de réformes très modestes du système de sécurité sociale. Une campagne de désinformation vigoureuse a abusé un grand nombre d’étudiants et d’autres, les amenant à rejoindre les manifestations en présentant de manière trompeuse les détails des propositions gouvernementales. Mais les étudiants à la tête de ces manifestations ont été bientôt rejoints par d’autres, ceux qui étaient dotés d’un programme beaucoup plus vaste de tentative de faire tomber le gouvernement Ortega. Plutôt que de discuter des changements dans les régimes de retraite, les médias sociaux ont rapidement promu un changement de régime. » Cette campagne « a inclus de nombreuses fausses vidéos et de fausses informations. Des posts sur Facebook ont rapporté que les hôpitaux publics refusaient de soigner les manifestants blessés. De fausses vidéos sont apparus d’étudiants “blessés” soignés dans des universités et dans la cathédrale catholique de Managua. » Les médias sociaux ont répandu des « instructions pour traquer et tuer des sympathisants ou des fonctionnaires du gouvernement ». Le 12 juillet, une caravane de véhicules à moteur « a attaqué l’hôtel de police et la mairie ». Quatre policiers et un enseignant ont été tués. « Quelque 200 “manifestants” armés ont enlevé les policiers restants, les ont emmenés, les ont battus et menacé de les tuer. »

Perry remarque l’existence d’un « récit consensuel » sur le Nicaragua. La presse internationale, y compris le New York Times, The Guardian, The New Yorker, British Broadcasting Corporation (BBC), et le Huffington Post, adhèrent à ce récit, comparant souvent le gouvernement d’Ortega aux célèbres dictatures de l’histoire. Et AI, HRW et IACHR répètent les fausses allégations et les décomptes des corps inventés des organisations nicaraguayennes de « défense des droits de l’homme » qui sont « alignées sur l’oppositions, sont notoirement de parti pris et ont souvenir reçu des fonds américains ».

US Regime-Change Funding Mechanisms, de Chuck Kaufman, décrit brièvement les agences et les couvertures, désignées par des acronymes, responsables des opérations de changement de régime de 2018 (p. 171). Elles incluent le National Endowment for Democracy (NED), l’United States Agency for International Development (USAID), l’International Republican Institute (IRI), l’AFL-CIO, et d’autres, ainsi que des ONG basées au Nicaragua, certaines non seulement financées mais créées par des organisations américaines en vue du changement de régime. L’essai de Max Blumenthal. US Government Meddling Machine Boasts of ‘Laying the Groundwork for Insurrection’ in Nicaragua (p. 174) détaille ces opérations et leur évolution, d’opérations secrètes à ouvertes dans la politique étrangère américaine. On estime que les États-Unis auraient dépensé des centaines de millions de dollars dans leurs efforts qui ont culminé dans la guerre de changement de régime de 2018. (Willson & McCune, p. 13)

Dans les articles de Gabriela Luna (p. 5), Chuck Kaufman (p. 10 et 171), Brian Willson & Nils McCune (p. 13), et Dan Kovalik (p. 186, p. 256), le long arc de la révolution sandiniste et de ses accomplissements émerge, depuis le triomphe de 1979, le renversement de 1990 jusqu’au retour au pouvoir en 2007. Pendant la première période sandiniste, « La peine de mort a été abolie. Des centaines de milliers de paysans étranglés par la pauvreté sont revenus à la vie. Plus de 100 000 familles ont reçu des terres. Deux mille écoles ont été construites. Une campagne d’alphabétisation tout à fait remarquable a réduit l’analphabétisme dans le pays à moins d’un septième. L’instruction et un système de santé gratuits ont été introduits. La mortalité infantile a été réduite d’un tiers. La poliomyélite a été éradiquée » (Kovalik). Puis, en 1990, la défaite électorale de la Révolution sandiniste est intervenue, mais comme l’a noté Noam Chomsky à l’époque, « le peuple nicaraguayen a voté avec un pistolet sur la tempe », comprenant que s’il ne votait pas pour chasser les sandinistes, les États-Unis poursuivraient leur sale guerre. Un gouvernement contre-révolutionnaire a suivi, durant lequel les acquis de la Révolution ont été annulés : dans les soins de santé, l’éducation, la redistribution des terres, et beaucoup plus encore (Willson & McCune). Avec le retour des sandinistes en 2007, la Révolution a entamé sa seconde phase, accomplissant d’énormes et rapides progrès dans la réduction de la pauvreté, la souveraineté alimentaire, l’égalité des sexes et bien plus encore (Kovalik). Par exemple, « le nombre absolu des personnes sous-alimentées a été réduit de moitié, l’accès à l’éducation et à la santé gratuites ont été garanties aux communautés rurales, la mortalité maternelle a été réduite de 60% et la mortalité infantile de 2%, tandis que l’accès à l’électricité a passé de 54% à 96% de la population rurale » (Luna).

L’une des réalisations les moins connues en Amérique du Nord est celle du Nicaragua en matière d’égalité des sexes (Kovalik, pp. 258-259): « En 2018, le Nicaragua était classé par le World Economic Forum (WEF) au cinquième rang mondial en matière d’égalité entre les sexes. » Seules l’Islande, la Suède et la Finlande étaient classées plus haut. Une loi 50-50 impose l’égalité entre les sexes dans les listes des candidats des partis pour les élections. Tout cela, remarque Kovalik, « est en forte contradiction avec les allégations dérisoires de beaucoup de gens dans la gauche américaine et la communauté de défense des droits de l’homme que le Nicaragua est dirigé par un caudillo sexiste dans la personne de Daniel Ortega, mais très peu reconnaîtront cette contradiction criante ».

Le Recueil comprend des textes sur le Nicaragua qui couvrent beaucoup plus que les événements de 2018. Nils McCune écrit sur « l’économie populaire » nicaraguayenne unique (p. 221), qu’il appelle avec pertinence « la thérapie anti-choc du Nicaragua », en référence à l’ouvrage de Naomi Klein sur l’opportunisme néolibéral, La stratégie du choc. « Alors que le secteur privé formel – représenté politiquement par le Conseil suprême des entreprises privées – emplois environ 15% des travailleurs du Nicaragua, le secteur informel populaire en emplois plus de 60%. Pourtant, ce n’est pas seulement son poids en tant qu’employeur, mais aussi sa contribution à la santé économique du Nicaragua qui rend l’économie populaire si importante. » Comparez : « Le capitaliste crée l’emploi afin de maximiser l’accumulation ; le travailleur indépendant, l’entreprise familiale ou coopérative utilise l’accumulation comme instrument pour produire de l’emploi. » McCune observe que c’est l’économie populaire qui qui fournit une grande partie de la nourriture, de l’habillement et du logement. Et ce sont les programmes spécifiques du gouvernement nicaraguayen en vue de ces fins ainsi que les alliances régionales (notamment l’initiative Venezuela-Cuba, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité commercial des peuples (ALBA) qui ont produit l’économie nicaraguayenne.

Kevin Zeese et Nils McCune répondent à la question de savoir pourquoi l’État nicaraguayen moderne est devenu la cible de l’empire (pp. 122-123). C’est parce que les réalisations sociales, économiques et politiques populaires du pas, et son rejet ouvert de l’impérialisme, présentent « la menace d’un bon exemple » classique, qui pourrait inspirer d’autres pays de l’hémisphère sud à se libérer de l’emprise impérialiste. C’est aussi à cause des alliances du Nicaragua avec Cuba, le Venezuela et la lutte des Palestiniens, son soutien à l’indépendance de Porto Rico, son adhésion à l’ALBA et ses alliances avec la Chine pour un projet de canal et avec la Russie pour la coopération en matière de sécurité.

Prenant au mot les critiques de l’opposition au gouvernement, Kathy Hoyt écrit que pour certains, y compris ceux formés par les ONG financées par les États-Unis et l’Union européenne, « les améliorations matérielles ne sont pas suffisantes ou ils ne sont pas particulièrement intéressés par celles-ci » (p. 143). Au contraire, ils se plaignent particulièrement du système politique, de la nature des partis politiques du Nicaragua, des élections, de la personne de Daniel Ortega, etc. Mais pour les soutiens du gouvernement, au Nicaragua et à l’étranger, l’amélioration remarquable des conditions de vie des pauvres au Nicaragua comptent, et comme le note Hyot, citant Orlando Nuñez Soto parlant de Cuba, « nous sommes séduits par le fait que les enfants mangent et vont à l’école ».

Colleen Littlejohn écrit sur les différences idéologiques ou théologiques dans l’Eglise catholique, et sur le rôle de la hiérarchie de l’Église dans la guerre, tant comme instigatrice et organisatrice de la violence que comme négociatrice et médiatrice hypocrite (p. 243). Alors que la hiérarchie faisait partie de l’opposition, d’autres éléments de l’Église ont résisté à la trahison de la Théologie de la libération révolutionnaire, qui a toujours de profondes racines chez les catholiques laïques du Nicaragua et chez certains membres du clergé.

Dans US Imperialism and Nicaragua: “They would not let our flower blossom”, Brian Willson et Nils McCune ont écrit une introduction saisissante à l’histoire datant d’un siècle et demi de la tentative des États-Unis de contrôles « les ressources, l’infrastructure et une route potentielle des canaux interocéaniques » nicaraguayens (p. 13). On y apprend que les États-Unis ont utilisé toutes les techniques dans leur campagne contre la souveraineté nicaraguayenne : guerre directe et par mercenaires, occupation militaire, assassinat de dirigeants politiques, financement des organes politiques et de presse de l’opposition, utilisation des institutions internationales pour exercer des pressions, pratiquer des tentatives de coups d’État, des sanctions sur le commerce et le crédit, et manipulation des sociétés américaines de notation du crédit pour présenter de façon mensongère la stabilité financière du Nicaragua. Même la première utilisation mondiale d’avions pour lancer des bombes a été faite par les États-Unis, sur le Nicaragua. Dans les années 1930, le général Augusto César Sandino a mené une guérilla contre l’occupation américaine. Il a été assassiné en 1934 par Anastasio Somoza García, qui a aussi massacré les troupes de Sandino. Soutenu par les États-Unis, la famille Somoza a ensuite gouverné le pays de 1934 à 1979.

Bien que la Révolution sandiniste ait été victorieuse en 1979, les États-Unis ont poursuivi sans discontinuer leurs efforts contre-révolutionnaires qui avaient précédé la révolution, lançant la guerre Contra. Le président Jimmy Carter, après avoir brièvement hésité juste avant le triomphe sandiniste, a entamé l’effort qui a ensuite été repris avec brutalité et sadisme par l’administration Reagan. Les techniques auxiliaires de cette guerre de meurtres, de torture et de viol de civils, et la destruction d’hôpitaux, de cliniques et d’écoles, comprenaient le financement par les États-Unis, via la CIA et le NED, d’une presse pro-Contra réactionnaire, le sabotage économique et des élections, les émissions radiophoniques de propagande depuis le Honduras et le Costa Rica voisins, et la manipulation et le recrutement de la population indigène miskito sur la côte atlantique du Nicaragua. L’Affaire Iran-Contra, un scandale américain national, a aidé l’administration à financer les Contras sans le dire au public ou au Congrès. C’est à cette époque que le financement secret par la CIA des partis d’opposition pour soutenir les efforts de changement de régime en de nombreux endroits du monde a commencé à être pratiqué ouvertement par le NED, et a pris de l’ampleur pendant la guerre de 2018.

Avec l’adoption récente de la Loi NICA (à l’unanimité du Congrès et du Sénat), les États-Unis ont déclaré que la guerre au Nicaragua est loin d’être finie. Ce siège illégal au moyen de sanctions et la campagne internationale de diabolisation contre le pays se poursuit, met en péril la vie des pauvres et des vulnérables en particulier, tout comme les sanctions illégales et unilatérales imposées par les États-Unis à des douzaines de pays, dont le Venezuela, Cuba et la Syrie. Ce recueil devrait armer la Gauche solidaire dans sa résistance aux méthodes cruelles et réactionnaires et les buts de l’empire.

Roger Stoll

 

1. (Note de la Rédaction) Lire à ce sujet les articles suivants :

 

Traduit par Diane Gilliard pour le Journal Notre Amérique

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Haïti: un chaos entretenu par les États-Unis

juillet 29th, 2019 by Nancy Roc

Totalement déconnecté de son peuple, le président haïtien n’intervient plus qu’à travers des tentatives de lobbying aux États-Unis ou des coups d’éclat pour rassurer l’ONU, suite au dernier rapport accablant d’Antonio Gutteres remis au Conseil de sécurité ce mois-ci. Cela suffira-t-il à désamorcer la bombe sociale qui se prépare ? Le nouveau Premier ministre désigné mais non ratifié pourrait-il en être le détonateur ? 

Difficile en effet de s’adresser à un peuple qui le conspue, le traite de menteur pour n’avoir rempli aucune de ses promesses électorales mais, surtout, qui le soupçonne d’être impliqué dans le plus gros scandale financier de l’histoire d’Haïti, celui du PetroCaribe. Depuis 2008 déjà, des mouvements de citoyens demandent des comptes au gouvernement haïtien sur la gestion des fonds publics. Mais, lorsque sous la pression des PetroChallengers,(1) la Cour des comptes s’est saisi du dossier PetroCaribe en 2019 et a rendu publics plusieurs rapports d’audits révélant des détournements importants de ces fonds publics pour servir des intérêts privés, la colère du peuple est montée d’un cran. L’Etat aurait siphonné une partie des fonds de PetroCaribe dans l’intérêt de plusieurs dirigeants politiques dont le Président d’Haïti, Jovenel Moïse, accusé de corruption et de détournements de fonds via la firme Agritrans dont il a été le PDG. Depuis août 2018, le dossier PeroCaribe a été le catalyseur de mobilisations sociales mais, Jovenel Moise n’en démord pas : il ne démissionnera pas.

La dernière fois que le président Jovenel Moise s’est adressé aux Haïtiens remonte au 12 juin 2019. Et encore ! Il s’est adressé non pas à la nation qui demande sa démission depuis un an, mais aux forces de la Police nationale d’Haïti (PNH), à l’occasion du 23ème anniversaire de cette institution. Depuis, silence radio.

Un soutien inconditionnel des Etats-Unis

Si, depuis un an, Jovenel Moise tient tête à l’opposition autant qu’à des milliers de jeunes qui exigent sa démission, c’est parce que – jusqu’à présent- il jouit du soutien du gouvernement américain. Ce dernier a fait savoir, à travers son représentant à l’ONU, Jonathan R.Cohen, que sous Jovenel Moise, Haïti suivait « une trajectoire positive », lors de la tenue du Conseil de Sécurité du mercredi 3 avril 2019. Pourtant, tous les indicateurs économiques, sociaux et politiques du pays étaient déjà au rouge et les diplomates européens ne cachaient pas leur inquiétude.

Jovenel Moise avec le Sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politiques, M. David Hale et  l’Ambassadeur américain en Haïti, Michèle Sison. 

Ne pouvant plus s’adresser à la nation haïtienne et fort du soutien américain, Jovenel Moise n’a pas hésité à s’adresser à ses patrons américains en publiant, le 12 juillet 2019, un texte d’opinion dans le quotidien floridien, Miami Herald. « Si Haïti me donne un gouvernement, nous pouvons travailler ensemble pour un meilleur avenir », titre l’article d’un président qui est « allé trop loin en signant cette tribune sous la forme de prière d’un petit enfant nègre plus domestique que responsable à on ne sait quel dieu ou chef », dénonce l’écrivain et éditorialiste, Lyonel Trouillot, dans l’édition du Nouvelliste du 16 juillet. Cet éditorial dénommé « Au bout de la honte », préparait-il l’écrivain à assister, le même jour à un spectacle pathétique à l’Hôtel Montana, à l’occasion  du cocktail offert par l’Ambassade de France pour le 14 juillet ?

De source diplomatique, nous avons appris que plusieurs anciens présidents et ex-premiers ministres y ont été conviés parmi lesquels, Michel Martelly – sous le régime duquel les plus importants détournements du fonds PetroCaribe ont eu lieu-  et son épouse ; l’ex-Général Prosper Avril –  dont le régime militaire a fait d’innombrables victimes ; l’ex-président intérimaire Jocelerme Privert, cité dans le massacre de la Scierie à Saint Marc en 2004 ; bref, les diplomates en Haïti ont le don d’inviter « la crème de la crème » d’Haïti aux réceptions officielles. Plusieurs autres premiers ministres étaient présents dont le dernier en date, Jean Henry Céant, ayant reçu un vote de censure le lundi 18 mars 2019 de la Chambre des Députés. «  Tous formaient leur petit cercle à part et se regardaient en chiens de faïence », nous a confié cette source. « Le président Moise est non seulement arrivé avec 1h 45 minutes de retard, n’a salué que Martelly et son épouse mais, surtout, il n’a pipé mot et a laissé son ministre des Affaires Étrangères, Edmond Bocchit, prononcer un discours en réponse à celui de l’Ambassadeur de France. Je n’ai rien compris à tout cela et me suis demandé ce que Jovenel Moise faisait là », s’est exclamé notre source. 

Au pays de la devise « L’union fait la force », même la devise républicaine de la République française. « Liberté, Égalité, Fraternité » parait n’avoir aucun poids. Ceci n’est toutefois pas étonnant lorsque l’on sait que dans la langue française, le mot devise est issu du latin divisum, signifiant « partager, répartir, diviser »…surtout diviser semble-t-il. Sous cet éclairage, il est facile de comprendre que toutes les tentatives de dialogue national aient échouées, malgré le ballet de diplomates américains enregistré en Haïti ce deux derniers mois.

La visite de la délégation de haut niveau de l’Organisation des États américains (OEA), le 20 juin dernier, a été un échec patent pour la diplomatie américaine en Haïti. Conduite par l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OEA, Carlos Trujillo, elle avait pour but, selon le Miami Herald, de désamorcer la crise en facilitant le dialogue entre le président de la République et ceux qui réclament sa démission. « La visite est une mission d’enquête », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Bochitt Edmond, qui avait  envoyé le 14 juin une lettre à Trujillo.

Suite à cette visite, un officiel de l’OEA confie au Miami Herald que le président Jovenel Moïse a le soutien de l’Organisation et que les membres de l’opposition haïtienne doivent attendre les élections pour remplacer le chef de l’Etat, « Nous soutiendrons toujours la règle de droit. Si vous n’aimez pas Moïse, la solution est de le battre aux urnes. Nous n’allons pas lui demander de démissionner », a-t-il déclaré.

Mais Ronald Sanders, ambassadeur d’Antigua-Barbuda auprès des États-Unis d’Amérique et de l’OEA monte au créneau le 21 juin et révèle que la délégation de l’OEA a non seulement séjourné en Haïti sans mandat ni autorisation du Conseil permanent mais qu’elle aurait été ordonnée par l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique, Carlos Trujillo, et le secrétaire général de l’organisation hémisphérique, l’Uruguayen Luis Almagro. Cette visite « semble s’être déroulée, en dehors de l’autorité du Conseil permanent, organe chargé de l’élaboration et du contrôle des politiques entres les assemblées générales », souligne l’ambassadeur d’Antigua-Barbuda auprès des Etats-Unis d’Amérique qui suggère à l’OEA de « promouvoir un changement systémique en Haïti et non un agenda externe ».

Ronald Sanders a aussi invité l’OEA à s’attaquer à la situation en Haïti, «  non pas de manière ponctuelle, mais en utilisant ses capacités de rassemblement, en association avec des représentantes et représentants légitimes de la communauté haïtienne ».

Suite à ce fiasco, la Sous-secrétaire adjointe principale (PDAS) au Bureau des affaires de l’hémisphère occidental du Département d’Etat américain, Julie Chung, s’est rendue à Port-au-Prince les 24 et 25 juin. Au cours de sa visite, elle a souligné que les États-Unis restaient attachés à la démocratie et a renforcé que la recherche de solutions à l’impasse politique et socio-économique actuelle en Haïti devait être un processus dirigé par les Haïtiens…

L’ONU dénonce une situation explosive en Haïti 

Dans un rapport adressé au Conseil de sécurité et rendu public le mercredi 17 juillet 2019, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutterez a lancé un cri d’alarme en décrivant une situation « potentiellement explosive » en Haïti. « Depuis mon rapport du 1er mars, Haïti est restée en proie à une instabilité politique qu’aggrave encore la dégradation de la situation économique et des conditions de sécurité dans le pays. La prolongation des négociations sur la composition d’un nouveau gouvernement a paralysé l’administration et empêché l’adoption de textes essentiels. Parallèlement, la situation économique en Haïti a continué de se dégrader, réunissant les conditions d’une situation potentiellement explosive », a estimé le diplomate.

Ce rapport – contredisant l’attitude « tout va bien Madame la Marquise » en Haïti du gouvernement américain – a cloué le gouvernement haïtien au pilori quant à la répression et les violations des droits de l’homme qui sévissent sous le régime de Jovenel Moise.

Concernant le massacre perpétré en novembre 2018 par des gangs dans le quartier de La Saline, un bidonville de Port-au-Prince, António Guterres, s’est dit « alarmé par les constatations qui ressortent du rapport sur les allégations de violations des droits de l’homme et d’atteinte à ces droits survenues à La Saline et par l’impunité qui continue de prévaloir en ce qui concerne les violations graves des droits fondamentaux », a écrit le secrétaire général des Nations unies dans son rapport.

Les 13 et 14 novembre 2018, 59 personnes ont été tuées dans ce bidonville, selon, les organisations haïtiennes des droits humains (2), au moins 26, selon une enquête incomplète de l’ONU et de ses enquêteurs. Durant plus de 14h, les victimes ont été pourchassées, fusillées, décapitées, brulées en pleine rue par des chefs de gang, accompagnés de plusieurs policiers, avant d’être abandonnées dans une décharge publique. Plusieurs femmes et filles ont été violées et ce massacre a été perpétré « sans que les unités de police présentes à proximité n’interviennent », indique le rapport réalisé par la mission de l’ONU en Haïti et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.  

« Les allégations selon lesquelles au moins deux agents de police et un représentant de l’État se seraient rendus complices des faits doivent pousser les autorités à prendre rapidement des mesures pour que les responsables de ces crimes répondent de leurs actes devant la justice », a appelé Guterres.

Une arrestation « coup d’éclat »

Pour répondre au cri d’alarme de Guterres, le président Jovenel Moise est sorti de son laxisme et a effectué plusieurs coups d’éclat cette semaine, en l’espace de 48h. 

Le plus dangereux chef de gang d’Haïti, Arnel Joseph, a été arrêté par des unités de la police nationale, le lundi 22 juillet dans la ville des Cayes, dans le Sud d’Haïti. Il se rendait pour des soins dans un hôpital où il devait se faire opérer pour une blessure à la jambe et a été arrêté par la police qui le traquait depuis des mois. La nouvelle a ébranlé le pays et ses réseaux sociaux où des photos et des vidéos de l’arrestation du chef de gang sont devenues
virales.

Connu pour ses nombreuses exactions, parmi lesquelles de nombreux homicides et  viols avec les membres de son gang, Arnel Joseph était recherché « activement » depuis son évasion en 2011. Fort de ses liens avec le pouvoir en place, notamment des membres du PHTK, il a ridiculisé la police et nargué la société civile haïtienne en s’exprimant à la radio, se faisant passer pour un Robin des Bois victime des inégalités sociales et voulant se porter au secours des plus pauvres.  

En avril dernier, ses liens étroits avec le sénateur-chanteur Garcia Delva, du Parti PHTK de l’ex-président Michel Martelly, avaient été révélés à travers 24 appels téléphoniques répertoriés par la Commission Justice, Sécurité publique et Défense nationale du Sénat de la République. Les multiples demandes de  levée immunitaire du sénateur Delva ont été vaines. Ce dernier avait mis au défi quiconque de prouver qu’il était impliqué dans des actes répréhensibles.(3)

En février dernier, le chef de gang s’était immiscé, aux yeux de toute la nation, dans une protestation antigouvernementale en empêchant à cette dernière d’arriver aux alentours du Palais national et sans être inquiété par la police, censée le rechercher « activement ». 

Suite à l’arrestation  d’Arnel Joseph, Michel-Ange Gédéon, Directeur général de la police nationale, a déclaré : « Nous avons besoin d’élucider plusieurs dossiers. Il y en a qui vont provoquer d’énormes scandales ». Alors que des rumeurs ne cessent de courir sur sa mort, l’état de santé du prisonnier Arnel Joseph n’a pas encore permis à la DCPJ de le questionner. «  Contrairement aux rumeurs, il n’a pas été amputé, son état est stable et il reçoit actuellement des soins à l’Hôpital Bernard Mevs », nous a informé l’ex-directeur général de la Police Nationale d’Haïti, Mario Andresol.

Nomination expéditive d’un premier ministre

Le jour de l’arrestation du chef de gang, le président Jovenel Moise désignait son quatrième premier ministre en deux ans : Fritz William Michel, un jeune de 38 ans, inconnu des milieux politiques et fonctionnaire du ministère de l’Économie et des Finances. Cette nomination a été suivie, le 24 juillet, par la formation d’un cabinet ministériel, composé majoritairement de jeunes inconnus inexpérimentés en politique.

 A peine désigné, des tweets compromettants, attribués au nouveau jeune loup du PHTK de Martelly, ont créé un scandale tant sur les réseaux sociaux que dans la classe politique. Ces tweets montrent, comme Martelly, son aversion pour les journalistes et son admiration pour l’extrême droite américaine et française. Si le Premier ministre désigné a dénoncé une campagne visant à ternir son image, comment comprendre qu’on veuille tenir l’image d’un homme qui était un parfait inconnu avant le 22 juillet ? Quel en serait l’intérêt ? Une photo de Fritz William Michel arborant le bracelet rose de Martelly – gage d’appartenance au PHTK- avait déjà écorné son image et montré que le choix de Jovenel Moise n’était celui de l’ouverture, comme l’avait proposée la délégation menée par Trujillo. Le Premier ministre désigné aura donc bien des obstacles à sur monter s’il veut être ratifié par le Parlement. 

Pour Me Mario Joseph du Bureau des avocats internationaux (BAI), la nomination rapide du nouveau Premier ministre rentre dans la logique américaine. Pour lui le nouveau Premier ministre est « un fasciste » auquel le peuple doit résister en assurant une transition de sortie de crise. A la veille du 104e anniversaire de la première occupation américaine d’Haïti (28 juillet 1915-28 juillet 2019), le BAI a dénoncé une violation, par les Etats-Unis, du droit à l’autodétermination du peuple haïtien.

« De 1915 à nos jours, les États-Unis ont maintenu leur hégémonie en Haïti : que ce soit pendant l’occupation de 1915, ensuite à travers les Forces Armées d’Haïti qui fomentaient des coups d’État contre tout gouvernement ne voulant pas défendre les intérêts américains en Haïti. En 2004, cette occupation va prendre une autre forme avec l’arrivée des différentes missions des Nations-Unies, la MINUSTAH, suivie de la MINUJUSTH et bientôt la BINUH », explique-t-il  

Pour l’avocat qui a défendu la cause des victimes du choléra introduit par la MINUSTAH dans le pays, les élections en Haïti n’ont pas échappé à cette ingérence, notamment lors de l’élection de Michel Martelly en 2011, imposé aux Haïtiens sur conseil de Bill Clinton) : « le président Moise assure la continuité du parti de Martelly et n’est qu’un « restavek »(4) de ce dernier et des américains », accuse l’avocat et procureur haïtien, spécialisé dans la défense des Droits de l’homme. Il a rappelé le vote de l’État haïtien à l’OEA contre la légitimé du président vénézuélien Nicolas Maduro en janvier 2019. C’est la première fois qu’Haïti s’alignait avec Washington contre la République Bolivarienne de Nicolas Maduro et le vote du gouvernement Moise avait provoqué une onde de choc, autant en Amérique Latine que parmi la population haïtienne. 

« Après toutes les manifestations qui ont ébranlé Haïti depuis plus d’un an et l’absence de gouvernement depuis quatre mois,  les Américains ont donné à Moise un ultimatum pour qu’il nomme un premier ministre et démontre qu’il agit dans le dossier du massacre de La Saline »,  Le juge d’instruction Chavannes Etienne a émis en date du 22 juillet une interdiction de départ contre Fednel Monchéry et Joseph Pierre Richard Duplan, respectivement directeur du ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales et délégué départemental de l’Ouest- tous deux indexés dans le rapport d’enquête de l’ONU. Pour Maître Mario Joseph, « cette disposition n’est que de la poudre aux yeux car c’est Pierre Richard Casimir – avocat et ancien ministre des Affaires Etrangères de l’ex-président Martelly qui avait écarté toute possibilité d’intenter une action contre l’ONU suite à l’introduction du choléra en Haïti – qui, aujourd’hui, fait le va et vient entre tous les juges d’instructions pour imposer les ordres de l’Exécutif ;en vassalisant le système judiciaire ». 

« Je ne crois pas que Jovenel Moise veuille d’un gouvernement. Je crois qu’il veut faire passer le temps », a déclaré M. Edgard Leblanc Fils, ancien président du sénat haïtien et coordonnateur général du parti Organisation du Peuple en Lutte (OPL), dans une interview qu’il nous a accordée le 25 juillet. 

«  D’un côté, il essaye de faire plaisir aux Américains, à l’OEA et à l’ONU en nommant un gouvernement qu’il peut mettre dans sa poche et, d’un autre côté, il va jouer sur le temps en laissant pourrir la situation pour arriver au mois de janvier et placer un gouvernement répondant à ses propres volontés », analyse-t-il.

En janvier 2020, sans la tenue d’élections législatives –  non réalisables cette année à cause de la crise – le Parlement n’aura plus aucun députés et sera orphelin de dix sénateurs, ce qui entrainera automatiquement son dysfonctionnement. Entretemps, « il y a beaucoup de résistance dans les deux chambres pour ne pas faire passer le nouveau Premier ministre. Si le président ne s’implique pas directement, il va le laisser se débrouiller tout seul comme M. Lapin(5) et je doute que Monsieur Michel passe le cap de la chambre basse », prévoit le coordonnateur de l’OPL.

Selon plusieurs observateurs, la nomination de Fritz William Michel aurait notamment pour but d’enterrer la patate chaude que représente le dossier PetroCaribe mais, Edgard Leblanc Fils écarte cette option : « ce dossier a suscité trop d’intérêts tant au niveau national qu’international. L’implication du président, pointé par la Cour supérieur des comptes dans ses rapports, est vue comme un fait grave.». 

Une misère grandissante et un avenir sombre

Entretemps, la médiocrité et cupidité des élus et du gouvernement frappent Haïti de plein fouet : « L’Organisation des Nations unies (ONU), par le biais de son secrétaire général, Antonio Guterres, l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), ou encore la Banque interaméricaine de développement sont unanimes à reconnaitre la détérioration de la sécurité alimentaire dans le pays. Pourtant ce mal qui représente un risque élevé d’émeutes de la faim, comme l’a souligné l’économiste Enomy Germain, laisse les décideurs de la république jusque-là indifférents », souligne le Nouvelliste du 26 juillet.      

« Survivre au jour le jour tient du miracle car la vie est intenable aujourd’hui en Haïti », avoue Edgard Leblanc Fils. « La sécheresse qui touche presque tous les départements a contribué à détruire les récoltes. On est proche de la famine et la misère est totale. Seul le ressort intérieur du peuple haïtien lui permet de tenir jusqu’à présent ».

Cependant, Edgard Leblanc Fils croit que ce serait une erreur du président de penser que le courage des Haïtiens lui permettra de tenir jusqu’à janvier 2020 : « la mobilisation (pour exiger son départ) va reprendre et, la misère aidant, il risque d’y avoir des débordements et beaucoup de casse », prévient-il. 

Nancy Roc, le 28 juillet 2019

 

Notes:

1 Un mouvement de jeunes citoyens  qui secouent Haïti depuis plusieurs mois pour réclamer la reddition des comptes et un procès sur le scandale PetroCaribe. 

2 Danio Darius, Le RNDDH dénonce un « massacre d’État » à La Saline, Le Nouvelliste, 3 décembre 2018. 

3 Samuel Celiné, « Garcia Delva est prêt à aller en prison moyennant des preuves le liant au banditisme », Le Nouvelliste, 24 avril 2019. 

4 Ou reste-avec, expression créole pour traduite une forme dage contemporain. 

5 Nommé Premier ministre en avril 2019, M. Jean-Michel lapin n’a jamais été ratifié par le Parlement et a remis sa démission au président Jovenel Moïse, le 22 juillet 2019. 

Crédits photos :

Photo en vedette : Facebook du président Moise

Photo avec le Sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politiques, M. David Hale et  l’Ambassadeur américain en Haïti,  Michele Sison

Photo délégation OEA : Twitter Jovenel Moise

Photo Ambassadeur Sison et Julie Chung : Twitter Jovenel Moise

Photo Antonio Gutteres : site de l’ONU

Photo Arnel Joseph : réseaux sociaux

Photo Garcia Delva : Haiti24.com

Photo Fritz William Michel : photo réseaux sociaux 

Photo Mario Joeph: Wikipedia

Photo Edgard Leblanc Fils : Facebook OPL

Nancy Roc est une journaliste canadienne indépendante avec plus de 30 ans d’expérience. Récipiendaire de nombreux prix en journalisme, elle est originaire d’Haïti et est spécialisée en analyse politique. Ses travaux ont été publiés dans de nombreux journaux canadiens, tels que La Presse de Montréal, Le Devoir, Jobboom, Le Soleil ou l’Actualité; ainsi que sur des sites Web tels que l’Observatoire des Amériques, Gaiapresse.org et Alterpresse.org. Elle a également collaboré à plusieurs reprises en tant qu’analyste politique à Radio Canada et CBC News Canada. Ses autres domaines de recherche sont l’environnement, les changements climatiques, la violence à l’égard des femmes et l’autonomie des femmes. 

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Les témoignages devant le Congrès prononcés mercredi par l’ancien directeur du FBI et procureur spécial Robert Mueller ont été l’occasion d’une campagne médiatique hystérique orchestrée par le Parti démocrate. La procédure, qui a duré sept heures, consistait en deux comparutions consécutives de Mueller, d’abord devant le comité judiciaire de la Chambre, puis le comité du renseignement de la Chambre, tous deux contrôlés par les démocrates.

Les auditions, des exercices transparents de théâtre politique, ont été une débâcle pour le Parti démocrate. Leur but était de relancer la campagne discréditée des démocrates au sujet d’une prétendue «collusion» entre la campagne électorale de Trump et le gouvernement russe, qui a subi un coup dur lorsque l’enquête de Mueller de plusieurs années a été incapable d’amener la moindre preuve incriminante, excepté la possibilité d’obstruction de l’enquête elle-même de la part du gouvernement.

Robert Mueller [source: C-Span]

C’était une diversion réactionnaire, une tentative pour détourner l’opinion publique de la collaboration du Parti démocrate avec la politique de Trump, y compris son pogrom meurtrier contre les immigrés, son affirmation de pouvoirs présidentiels quasi dictatoriaux, ses dépenses record en matière militaire et ses préparatifs de guerre contre l’Iran, la Russie et la Chine, y compris l’utilisation d’armes nucléaires.

L’opposition de droite des démocrates à Trump a été mise en évidence par le fait qu’ils ont utilisé l’audience pour promouvoir la chasse aux sorcières bipartite contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange. Le journaliste courageux et prisonnier de guerre de classe est actuellement dans une prison britannique en attente d’extradition vers les États-Unis pour des accusations d’espionnage forgées de toutes pièces pour le «crime» de dénonciation des crimes de guerre américains en Afghanistan et en Irak.

Mueller a présenté comme un fait les allégations sans fondement selon lesquelles de nombreux courriers électroniques du Comité national démocrate et de la campagne Hillary Clinton auraient été transmis à WikiLeaks par des agents russes, accusation que WikiLeaks et le gouvernement russe ont niée. Ces courriels révélés les stratagèmes de Clinton visant à truquer les primaires démocrates en sa faveur et ses discours secrets aux banquiers de Wall Street.

En réponse aux déclarations publiques de Trump faisant référence au contenu de ce document, Mueller a déclaré: «Problématique est un euphémisme en termes de ce qu’elles montrent en termes de donner un espoir ou un coup de pouce à ce qui est et devrait être une activité illégale.» En d’autres termes, la publication de matériel d’un intérêt médiatique qui est préjudiciable à des éléments de l’establishment politique devrait être considérée comme une «activité illégale».

Les démocrates, avec l’encouragement et le soutien de Mueller lui-même, ont tenté de sauver la face en déclarant que son rapport «n’exonérait pas» Trump pour obstruction à la justice, un point qui a été souligné à plusieurs reprises dans le témoignage de mercredi. L’objectif des allégations d’ingérence russe consiste à faire pression sur Trump pour qu’il adopte une attitude plus agressive à l’égard de Moscou et pour calomnier l’opposition politique en l’associant au travail d’une «puissance étrangère hostile».

L’audience a eu lieu un jour seulement après que les démocrates soient parvenus à un accord sur le budget donnant effectivement carte blanche à Trump pour mener à bien ses politiques jusqu’à la fin de son mandat. Cela intervient aussi quelques semaines après que les démocrates au Congrès ont voté le financement à hauteur de milliards de dollars la militarisation par Trump de la frontière mexicaine et l’emprisonnement par l’administration de dizaines de milliers d’immigrants dans des camps de concentration, et quelques jours après leur approbation d’un budget record du Pentagone dépassant les 700 milliards de dollars.

Un écran de télévision géant fixé au mur du fond de la chambre du comité retransmettait les citations les plus provocantes du rapport de Mueller, notamment des propos vulgaires prétendument énoncés par Trump au sujet de l’enquête. Les membres démocrates du Congrès ont lancé une campagne dans les médias sociaux encourageant les utilisateurs de Twitter à republier des extraits du rapport. Pendant ce temps, la couverture des audiences a dominé les actualités en boucle, écartant de fait toutes les autres grandes questions du jour des principaux organes de presse.

La couverture médiatique sans interruption était hors de proportion avec le contenu du témoignage de Mueller lui-même. Aucune nouvelle information ou allégation n’a été présentée et Mueller a déclaré d’emblée qu’il limiterait ses réponses aux déclarations déjà contenues dans son rapport. Mueller a refusé de répondre à plus de 200 questions au cours des deux audiences.

Le témoignage de l’ancien directeur du FBI a démontré la domination de l’appareil de renseignement et de la police sur la vie politique américaine, où il devient l’arbitre des conflits au sein de l‘establishment politique et le surveillant de l’opposition sociale. Mueller a défini le cadre de son propre témoignage et n’a répondu qu’aux questions auxquelles il souhaitait répondre. Cela n’a pas été contesté de la part des démocrates, qui ont louangé Mueller à plat ventre en tant que héros américain et défenseur de la démocratie.

Lors d’un échange inquiétant, la démocrate Sylvia Garcia a demandé à Mueller: «Et si j’avais fait une fausse déclaration à un enquêteur de votre équipe? Est-ce que j’irais en prison pendant cinq ans?» «Oui», répondit Mueller, ajoutant: «Mais c’est le Congrès, alors…» avant de couper sa phrase. L’échange, qui a laissé entrevoir la possibilité que la police fédérale puisse jeter le Congrès en prison, a provoqué une vague de rire.

Dans un autre échange, Mueller a suggéré que les candidats politiques qui publient des informations divulguées pourraient être tenus pénalement responsables. Le démocrate Jim Himes a demandé: «Nous avons une élection en 2020, M. le directeur. Si une équipe de campagne reçoit des informations compromettantes d’un particulier étranger ou d’un gouvernement étranger, en règle générale, cette campagne devrait-elle signaler ces contacts [à la police]?» Mueller a répondu laconiquement: «ça devrait être et ça peut être, selon les circonstances, un crime».

Mueller a présenté le danger de «l’ingérence russe» comme une menace permanente pour la démocratie américaine. «Ce n’était pas une tentative ponctuelle», a-t-il déclaré. «Ils le font alors que nous sommes assis ici. Et ils s’attendent à le faire lors de la prochaine campagne.» Mueller, qui a pris sa retraite du FBI il y a six ans, n’a pas pris la peine d’expliquer comment il pouvait savoir tout ça.

Cela n’a pas empêché sa déclaration d’être interprétée par la presse docile comme parole d’évangile. Le Washington Post de Jeff Bezos a déclaré en gros titres sur son site Web: «L’ingérence de la Russie menace les élections de 2020, prévient Mueller.»

Mueller a ensuite ajouté que l’ingérence de «puissances étrangères hostiles» était maintenant probablement la «nouvelle norme», indiquant que la classe dirigeante avait l’intention d’utiliser cela sans fin comme une justification fourre-tout de la répression politique, de la même manière que la supposée menace terroriste a été utilisée pour justifier des atteintes aux droits démocratiques après le 11 septembre.

«La première ligne de défense est vraiment la capacité des différentes agences qui détiennent une part de la responsabilité à non seulement partager des explications, mais aussi à partager leur expertise, à partager des objectifs, à utiliser toutes les ressources dont nous disposons, à résoudre ce problème», a déclaré Mueller. En d’autres termes, les restrictions restantes sur la capacité des agences de renseignement d’espionner le public américain et mondial doivent être supprimées.

L’enquête sur la Russie n’a pas réussi à attirer un soutien public significatif. Un récent sondage mené par le Washington Post et ABC a révélé que les résultats de l’enquête ne seraient «pas pris en compte lors du vote» pour 46 pour cent des Américains. En même temps, l’enquête elle-même souffre d’un scepticisme croissant. Seulement 37 pour cent des sondés récemment par Politico estimaient que l’enquête de Mueller avait été menée «équitablement», contre 42 pour cent qui pensaient qu’elle avait été menée «injustement». Cela représente la plus grande évolution d’opinion comparée au sondage précédent ayant eu lieu parmi les électeurs démocrates.

Tom Hall

 

Article paru en anglais, WSWS, le 25 juillet 2019

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Nancy Hollander, l’avocate de la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, a réfuté sans équivoque cette semaine les accusations selon lesquelles Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, aurait incité Manning à obtenir les milliers de documents secrets que WikiLeaks a publiés en 2010, révélant les crimes de guerre et autres abus commis par les États-Unis et leurs alliés dans le monde.

Interviewée dans le cadre de l’émission «Four Corners» de l’Australian Broadcasting Corporation, Hollander a souligné que Manning, alors âgée de 21 ans, avait pris contact avec WikiLeaks. Mais seulement après qu’aucun grand média ne lui eut même répondu au sujet des informations accablantes qu’elle avait obtenues.

La WSWS fera une revue de l’émission en deux parties de «Four Corners» après la diffusion du deuxième segment lundi soir prochain. Mais les déclarations de Hollander constituent en elles-mêmes une importante révélation de l’affaire concoctée contre Assange par l’administration Trump, qui cherche à l’extrader en vertu de la Loi sur l’espionnage des États-Unis. Sur la base des accusations déjà déposées, Assange risque une peine d’emprisonnement de 175 ans.

Assange est accusé non seulement d’avoir publié les archives massives de documents que Manning a divulguées – les Dossiers afghans, les Dossiers irakiens et Cablegate – mais aussi d’avoir conspiré activement avec Manning pour obtenir ces documents. Pourtant, Hollander a expliqué que Manning avait déjà téléchargé les fichiers avant de contacter WikiLeaks.

L’interview de Hollander souligne également pourquoi la Maison-Blanche de Trump a réincarcéré Manning, qui a déjà passé sept ans en prison sous le gouvernement Obama. Manning est détenue indéfiniment pour outrage au tribunal. Le tribunal l’a emprisonné afin de l’obliger à témoigner faussement contre Assange devant un grand jury. Convoqué contre Assange, le grand jury a comme but de le condamner à la prison à vie, voire à la peine capitale.

En 2010, Assange a reçu pour la première fois la fameuse vidéo «Collateral Murder» par la boîte de dépôt anonyme de WikiLeaks conçue pour protéger l’identité des sources. Personne dans WikiLeaks ne savait qui avait téléchargé la vidéo ni d’où elle venait. Cette vidéo, qui avait horrifié Manning, montrait des hélicoptères de combat américains fauchant des civils, dont deux journalistes de Reuters, dans une rue de Bagdad.

Hollander, une avocate de renommée internationale spécialisée dans la défense des droits de l’homme a expliqué que Manning s’était «sentie offensée par ce qu’elle avait vu» au sujet de l’invasion de l’Irak par les États-Unis et qu’elle avait donc téléchargé secrètement des masses de documents classifiés et cherché à trouver un média qui les aurait publiés.

«Eh bien, elle a cherché un diffuseur. Elle avait l’information. Ce qu’elle avait vu l’a horrifiée. C’était des choses que beaucoup d’entre nous ont vues maintenant. Et elle voulait le faire sortir. Elle a appelé le New York Times, le Washington Post. Personne ne l’a rappelée. Et elle a trouvé WikiLeaks. Personne ne connaissait vraiment WikiLeaks à l’époque, mais elle l’a trouvé en ligne.»

Contrairement aux rédacteurs en chef des médias de l’establishment, Assange a répondu comme un véritable journaliste d’investigation et éditeur. Il a entamé une conversation en ligne cryptée avec la source non identifiée et a tenté d’obtenir le plus de documents compromettants possible, tout en essayant de protéger l’identité de la lanceuse d’alerte.

Les échanges cryptés sur le service de clavardage Jabber allaient par la suite être recueillis comme preuves contre Manning et Assange. «Four Corners» a choisi d’interviewer Daniel Domscheit-Berg, qui s’est séparé de WikiLeaks en 2010 après avoir procédé à la publication du matériel divulgué par Manning. Il a déclaré que le journal du chat montrait qu’Assange «exploitait une source» de façon irresponsable.

Hollander a réfuté cette affirmation. «Je ne pense pas que Chelsea se soit fait avoir du tout», a-t-elle dit. «Je pense qu’elle a fait ce qu’elle a fait, Julian et WikiLeaks ont fait ce qu’ils ont fait. Ils étaient connectés. Et j’ai regardé ces transcriptions, et je pense qu’elle cherchait un diffuseur pour cette information, elle l’a trouvé. Je n’ai rien vu dans ces transcriptions qui montrerait que quelqu’un l’incitait à faire quelque chose. Elle avait l’information. Elle l’a rendue publique.»

L’identité de Manning n’a été connue que huit semaines après qu’elle ait contacté WikiLeaks, parce qu’elle s’est fait piéger à révéler son rôle à un informateur en ligne. Comme Hollander l’a raconté, l’armée a rapidement arrêté Manning qui a été emmené au Koweït, puis à la base des Marines de Qantico en Virginie. «Et ils l’ont maltraitée. Tout d’abord, elle a été en isolement pendant 11 mois, et ils l’ont forcée à rester en garde-à-vous toute nue.»

Pour avoir refusé par principe de témoigner contre Assange, Manning a été emprisonné de nouveau pour plus de quatre mois. Elle est également passible d’amendes punitives, qui s’élèvent maintenant à 1.000 $ par jour, et dont le total dépasse déjà 20.000 $. En conséquence, Manning a perdu son appartement et pourrait se trouver financièrement ruinée par des amendes de plus de 440.000 $ si le grand jury siège jusqu’à l’expiration de son mandat en octobre 2020.

Ce que Manning a publié, et WikiLeaks a également courageusement mis à la disposition des peuples du monde a été dévastateur pour l’administration Obama, le Pentagone, la CIA et tous leurs partenaires des gouvernements alliés dans le monde entier. Publiés en ligne sans être censurés ou filtrés, les documents ont mis à nu les provocations de guerre, les opérations de renversement de régime, les conspirations diplomatiques, les écoutes téléphoniques des chefs de gouvernement étrangers ainsi que la surveillance de masse faites par les États-Unis.

Comme l’indique l’émission «Four Corners», la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, et la première ministre australienne, Julia Gillard, ont dénoncé avec véhémence Assange comme un criminel et ont immédiatement ordonné à la police et aux services de renseignement de trouver des moyens pour le faire taire à jamais.

Aujourd’hui, la férocité avec laquelle l’administration de Trump persécute Assange et Manning doit être considérée comme un avertissement. Washington et ses partenaires préparent et commettent des crimes encore plus graves, dans le but de protéger leurs activités de l’attention des médias et du public. Les États-Unis bénéficient de l’aide du gouvernement britannique, qui a arrêté et emprisonné Assange le 11 avril, et du gouvernement australien, qui refuse de s’opposer au coup monté dont est victime Assange, un citoyen australien, et à son extradition.

La défense de Manning et Assange est donc au premier plan de la lutte contre le danger croissant de nouvelles guerres menées par les États-Unis et les attaques croissantes contre les droits sociaux et politiques de la classe ouvrière sous le système de profit capitaliste.

C’est pourquoi le WSWS et les Partis de l’égalité socialiste affiliés au Comité international de la Quatrième Internationale ont appelé à la formation d’un Comité de défense mondial pour mobiliser la classe ouvrière à l’échelle internationale afin d’arrêter l’extradition d’Assange aux États-Unis et de gagner sa liberté inconditionnelle et celle de Manning.

Mike Head

 

Article paru en anglais, WSWS, le 25 juillet 2019

L’auteur recommande également:

La campagne vindicative contre Chelsea Manning, prisonnière politique américaine

[19 juillet 2019]

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  • Commentaires fermés sur L’avocat de Chelsea Manning réfute l’allégation de complot contre Julian Assange

20 juillet 1969: Le grand pas de l’humanité sur la lune

juillet 26th, 2019 by Chems Eddine Chitour

Portrait de Margaret Hamilton 

 « Un petit pas pour l’Homme un grand pas pour l’humanité», Neil Armstrong

«La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau.» disait Constantin Tsiolkovski, père de l’astronautique. De tout temps, l’homme a été fasciné par l’espace et le besoin surtout onirique de voler avec lasymbolique de la toute-puissance de liberté. Les mythes et légendes ont émaillé le besoin d’évasion de l’homme, de sa condition de terrien cloué au sol et regardant avec humilité vers les cieux. On dit que le mythe d’Icare est né ainsi. Vaincre la pesanteur amène à l’idée de fusée.  Quand le président John  Kennedy dans un discours culte au début des années soixante promit au peuple américain avant la fin de la décennie 60 d’aller sur la lune, ce fut une promesse formidable  mais qui fit beaucoup de sceptiques  sauf  parmi celles et ceux qui furent  chargés du  programme

Cette année 1969  année de la prouesse technologique fut aussi celle d’un autre  événement majeur pour l’Afrique. En effet dans la dynamique de l’indépendance   l’Algérie faisait l’objet de plaque tournante de l’émancipation des peuples qui voulaient montrer   à la face du monde la richesse culturelle de l’Afrique. L’Algérie  a eu le privilège d’abriter cette manifestation le 21 jui1969. La veille  Neil Armstrong foulait le sol lunaire.

Nous sommes le 21 juillet 2019 le président Donald Trump a reçu à la Maison-Blanche les deux astronautes de la mission Apollo 11 encore en vie, Buzz Aldrin et Michael Collins, à la veille du 50e anniversaire du premier alunissage d’humains. Armstrong étant décédé en2012  Si Neil Armstrong, premier homme à avoir foulé le sol lunaire et commandant de la mission Apollo 11,  est américain il est un citoyen du monde représentant l’humanité toute entière. Ce fut une sensation particulière que ce jour là je sois aux Etats Unis pour fêter à ma façon dans une sorte de pèlerinage –ressourcement, le hasard a voulu que je sois à  Boston et plus précisément au Massachusetts Institute  of Technology de là où tout est partie l’aventure de la conquête de la lune.

Quelques détails d’une mission extraordinaire

Ce fut un événement planétaire et je me souviens d’avoir vu en direct  cette prouesse humaine. La science était a l’honneur et donnait la certitude que tout était possible En effet comme le rapporte le site Hérodote « Le 20 juillet 1969, à 20h17 (UTC, temps universel), le module lunaire Eagle de la mission Apollo XI se pose sur la Lune. L’astronaute Neil Armstrong annonce : « Houston, ici la base de la Tranquillité. L’Aigle a atterri ».Les Soviétiques ont inauguré la course à l’espace à la fin des années 1950, au plus fort de la guerre froide. En octobre 1957, ils surprennent le monde entier en mettant en orbite le premier satellite artificiel, Spoutnik 1. Le 12 avril 1961, ils consolident leur avance en envoyant le premier homme dans l’espace, Iouri Gagarine. Le président américain John Fitzgerald Kennedy  prend l’engagement devant le Congrès que les États-Unis enverront un homme sur la Lune avant la fin des années soixante. La NASA (National Aeronautics and Space Agency), qui a été fondée le 1er octobre 1958, va ainsi tenir le pari de Kennedy en mobilisant près de 400 000 personnes et 25 milliards de dollars (4,4% du budget gouvernemental)

 « Von Braun, ancien savant allemand concepteur des VI et V2 qui ont fait des ravages dans le bombardement de Londres  né en 1912, a été récupéré par les Américains, il  a d’abord travaillé pour l’armée américaine. Puis, avec ses collègues, il été recruté par l’agence  de l’espace Nasa en 1958. À Wernher  von Braun revient donc la gloire d’avoir conçu la fusée Saturn V du programme Apollo. La fusée Saturn V transportant la capsule Apollo et le module lunaire Eagle (LEM) est lancée le 16 juillet de la base de Cap Canaveral, en Floride. Après sa mise en orbite terrestre à 190 km de la Terre, le vaisseau spatial (capsule et LEM) se détache du troisième étage de la fusée. Il se dirige vers la Lune avec les trois hommes de l’équipage à la vitesse de 39 030 km/h.Quatre jours plus tard, une fois en orbite lunaire, le LEM se détache de la capsule et s’approche en douceur de la « mer de la Tranquillité ».(1)

« Voyant que le pilote automatique se dirige vers une zone instable, le commandant Neil Armstrong, avec un sang-froid exceptionnel, repasse en manuel et cherche un endroit plus sûr où se poser. Il ne lui reste alors que quelques secondes de carburant avant la panne sèche.À 3h56, dans la nuit du 20 au 21 juillet, Neil Armstrong met le pied (gauche) sur la LuneUn demi-milliard d’êtres humains suivent son exploit en temps réel ou presque sur leurs écrans de télévision. À leur attention, Neil Armstrong (38 ans) lâche une phrase vouée à l’Histoire : « C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité ». (1)

« L’astronaute prend des photos et commence à ramasser des cailloux. Il est rejoint un quart d’heure plus tard par Edwin « Buzz » Aldrin et avec lui plante la bannière étoilée sur la Lune (il avait été question dans un premier temps de planter le drapeau de l’ONU mais l’idée avait fait long feu).Dans le ciel, la capsule Apollo poursuit le tour de la Lune avec à son bord le troisième homme de l’équipage, Michaël Collins qui, discrètement, effectue une oraison religieuse.Le séjour sur le sol lunaire est bref, deux heures et demie à peine, le temps de prendre encore quelques photos souvenir, de ramasser quelques autres cailloux et de déployer des appareils de mesure : un sismomètre et un réflecteur laser destiné à mesurer la distance Terre-Lune. De retour sur la Terre après un peu plus de 8 jours d’absence, les astronautes rapportent 21,7 kg de roches lunaires, essentiellement constituées de basalte et de magnésium.  Le plus vieux de ces cailloux remonte à 3,8 milliards d’année ». (1)

 L’informatique  a permit la réussite :

Il ne faut pas croire que les conditions de vols étaient confortables .Les astronautes avaient à peine 6m2 pour y vivre et ceci pendant les huit jours de la mission. On dit l’ordinateur de bord était le 4e membre d’équipage d’Apollo XI  De plus comparativement a ce qui existe de nos jours comme moyens on se demande comment les chercheurs et les ingénieurs de la Nasa ont fait les calculs si compliqués  en absence d’ordinateur puissant  qui n’est apparu que dans les années 80.

« La prouesse technologique lit on sur le site EuroNews réalisée par les équipes de la Nasa laisse songeur lorsque l’on considère les moyens techniques des années 60. Le moindre smartphone moderne est effectivement bien plus performant que tout ce dont disposait la Nasa à l’époque. Mais les ingénieurs de l’agence spatiale américaine ont fait preuve d’ingéniosité pour optimiser leurs machines. Au sol, pour la première fois, les serveurs ont ainsi été mis en réseau pour parer à la faible capacité de calcul offerte par une seule unité. Et pour économiser la faible mémoire de ces engins, le code a été optimisé, en abrégeant les termes utilisés, par exemple »(2)

Pourtant même avec une puissance limité  le calculateur de bord a fait des merveilles . Le site LCI.fr rapporte « Merveille de technologie pour l’époque, l’ordinateur de vol de la mission Apollo XI a notamment permis à l’informatique d’effectuer un bond de géant…..Sans lui, la mission Apollo XI n’aurait probablement jamais pu toucher à son but. A peine plus intelligent que le lave-vaisselle qui trône aujourd’hui dans votre buanderie, cette merveille de technologie a permis à l’informatique d’effectuer un bond de géant. Sa conception, fruit de huit ans de recherches au sein du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a mobilisé plus de sept cents cerveaux, parmi les plus brillants, dans les années 1960. Des mathématiciens, des ingénieurs, des programmeurs. Mais aussi, plus étonnant, des ouvrières du textile. A l’époque, le défi technologique est énorme. Et ce d’autant plus que, pour la première fois dans la courte histoire de la conquête spatiale, des hommes s’apprêtent à mettre leur vie entre les mains d’une machine » (3)

 « Nous sommes dans les années 1960. L’informatique est alors une technologie balbutiante. Le microprocesseur n’a pas encore été inventé – il ne sera conçu qu’au cours de la décennie suivante par Intel. De ce fait, même le plus petit des ordinateurs a une taille comparable à celle de deux gros réfrigérateurs positionnés l’un à côté de l’autre. Trop encombrant, vous l’imaginez, pour une expédition lunaire, où le moindre centimètre ou kilo comptent. Le premier défi, pour les scientifiques du MIT, consiste donc avant tout à faire entrer ces deux frigos dans une mallette.Mais, à cela s’ajoute également le problème de la vitesse de traitement de la machine. Les premiers ordinateurs mettaient en effet généralement quelques secondes, voire des minutes, pour effectuer une tache. Or, l’ordinateur d’Apollo doit être en mesure d’effectuer des taches en temps réel. Mais en 1969, une machine de taille réduite, capable de prendre ses propres décisions et de réagir à la microseconde, n’était alors qu’une chimère »(3)

L’apport décisif des scientifiques du MIT dirigés par  une informaticienne de génie

A l’époque, les scientifiques du MIT ne se sont pas contentés de trouver comment donner aux astronautes un ordinateur dont ils auraient besoin. Ils ont mis au point un outil avec lequel ils pourraient interagir. D’où la nécessité d’installer un écran de contrôle et un clavier. Les touches de celui-ci étaient volontairement de grande taille afin de pouvoir être saisies facilement avec des gants d’astronauteEn raison d’un problème au niveau de l’antenne du module lunaire, l’ordinateur embarqué d’Apollo s’est en effet « rebooté » à cinq reprises en quatre minutes, juste avant l’alunissage historique du vaisseau Eagle, offrant ainsi une belle frayeur aux deux premiers marcheurs lunaires de l’Histoire. L’AGC était en mesure d’effectuer l’intégralité de la mission en pilote automatique, tout en informant les astronautes de ce qu’il se passait (3).

Une prouesse technologique que nous devons en grande partie à Margaret Hamilton, directrice du génie logiciel au Massassuchett Institue Of Technoloy Cambridge Boston . C’est elle qui a développé les programmes informatiques de l’ordinateur embarqué des missions du programme Apollo. Et sans elle, Neil Amstrong et Buzz Aldrin n’auraient sans doute pas marché sur la Lune. »(3)

L’ordinateur de vol d’Apollo tenait les astronautes informés de la teneur en oxygène et en gaz carbonique à l’intérieur du module. Il contrôlait également les quantités d’eau et de carburant disponibles. Au moment de l’alunissage, c’est également lui qui gérait le radar qui évaluait la distance séparant le vaisseau de la surface de la Lune. Ainsi que les gyroscopes, accéléromètres et autres capteurs indiquant aux astronautes la position exacte du module dans l’environnement spatial. Tout cela était contrôlé par cet ordinateur très compact et très perfectionné, dans lequel les ingénieurs avaient intégré une multitude d’applications, malgré sa petite mémoire. L’ordinateur embarqué d’Apollo incarne, à l’époque, le rêve de l’automate, de la machine intelligente et du serviteur mécanique. La mission Apollo XI est en fait le premier exemple de pilotage assisté par ordinateur. En dernière instance, c’est l’être humain qui reprend le contrôle sur la machine. Peu de temps avant l’alunissage, l’AGC a bugué, car il était surchargé de taches, et Neil Armstrong a donc dû reprendre en mains le pilotage en mode manuel ».(3)

Margaret Hamilton mathématicienne de génie  ingénieure en charge du département de développement du MIT expliqua que la sonnerie d’alarme n’était pas du à la surcharge de l’ordinateur mais à une erreur : « « Suite à une erreur dans le manuel décrivant la checklist, le bouton d’arrêt du radar de rendez-vous a été placé dans la mauvaise position. Ce qui a provoqué l’envoi de mauvais signaux à l’ordinateur. Il était ainsi demandé à l’ordinateur de réaliser toutes les tâches liées à l’atterrissage tout en recevant une charge supplémentaire qui utilisait plus de 15 % du temps de traitement. L’ordinateur (ou plutôt son logiciel) a été assez intelligent pour reconnaître qu’on lui demandait d’effectuer plus de tâches qu’il ne devait en accomplir. Il a lancé une alarme qui indiquait aux astronautes « J’ai trop de tâches à effectuer par rapport à ce que je suis en mesure de réaliser et je vais continuer en n’effectuant que les tâches les plus importantes », c’est-à-dire celles associées à l’atterrissage. En fait, l’ordinateur était programmé pour faire mieux que simplement identifier une situation d’erreur. Des programmes de récupération avaient été incorporés dans le logiciel qui permettaient d’éliminer les tâches ayant les priorités plus faibles et d’exécuter les plus importantes. Si l’ordinateur n’avait pas reconnu le problème et entrepris ces actions de récupérations, je doute qu’Apollo 11 aurait réussi son atterrissage sur la Lune comme il l’a fait. » (4)

Margaret Hamilton  a   son portrait, trônant dans le désert du Mojave. L’œuvre est composée de plus de 107.000 plaques issues du parc solaire d’Ivanpah C’est en quelque sorte la consécration de l’œuvre d’une vie que Google a rendue à Margaret Hamilton qui avait déjà reçu la médaille présidentielle de la Liberté, des mains de Barack Obama en 2016.

L’aventure spatiale a commencé avec le Spoutnik soviétique

Youri Gagarine sera le premier homme dans l’espace dans l’histoire de l’humanité Ce sont les Soviétiques  en effet de l’Ecole de  Constantin Tsiolkovski, père de l’astronautique .qui ouvrirent la course  a l’espace avec le spoutnik ce satellite de 80kg qui faisait le tour de la Terre en une centaine de minutes et qui lançait un bip qui fit une formidable impression aux Etats Unis nous étions en pleine guerre froide La compétition tourna au départ à l’avantage des Soviétiques. La première mission habitée, Vostok 1, fut lancée le 12 avril 1961 depuis Baïkonour. Elle emportait Youri Gagarine, qui devint le premier homme dans l’espace, où il effectua une orbite complète en 108 minutes. Vostok 6 emmena la 1re femme de l’espace, Valentina Terechkova, le 16 juin 1963 L’histoire veut que dans la journée (précédent le vol, Ndlr), Gagarine rende visite à sa femme Valentina qui se doute de quelque chose, même s’il est toujours resté très discret sur sa mission. Laconiquement, il la prévient: «Je m’absente pour un moment.» Elle s’enquiert: «Tu t’en vas loin?» Avec un grand sourire, il répond: «Oui, très loin». Ce premier petit tour dans la banlieue terrestre sera très rapide: 11 minutes pour grimper en orbite, 68 minutes pour faire le tour de la planète, 19 minutes pour pénétrer dans l’atmosphère terrestre jusqu’au point d’éjection de Gagarine en parachute..(5)

««Poyekhali!(C’est parti!)… «Dès que la rétrofusée s’est éteinte, il y a eu une secousse brutale. Je voyais la Terre traverser le hublot de haut en bas dans le sens droite-gauche. Ça tournait. Je voyais tantôt l’Afrique (tantôt la ligne d’horizon, tantôt le ciel.» Durant dix longues minutes, Le vol avait été émaillé de plusieurs incidents, dont le plus préoccupant avait été le retard de dix minutes avec lequel le module moteur s’était détaché de la capsule de rentrée dans l’atmosphère. A 27 ans, Youri Gagarine est devenu un héros de l’Union soviétique ».(5)

La Chine relance la course à la Lune

L’Europe développera les fusées Ariane avec l’Agence Esa dans les années 90,. Au début du XXIe siècle, la Chine,  l’Inde et même  l’Iran et Israel et je japon se lancent à la conquête de l’espace . Plusieurs pays  créent des agences spatiales mais ce sont les lanceurs  américains  européens  et plus tard l’inde qui s’occupent des lancements. C’est le cas de l’Algérie qui a lancé plusieurs satellites avec des lanceurs chinois.  On assiste même à un tourisme spatial avec Le patron de Tesla  qui a envoyé dans l’espace une voiture tesla électrique et même l’homme d’affaire  Virgin.

Cependant la  conquête de la Lune intéresse aussi la Chine : « L’alunissage du rover chinois sur la face cachée de notre satellite naturel en janvier marque définitivement la fin de la domination américaine dans la conquête spatiale, analyse cette chercheuse indienne spécialiste des politiques des grandes puissances.Lorsque le 3 janvier 2019 la sonde chinoise Chang’e 4 s’est posée dans le bassin Aitken du pôle Sud de la Lune [sur sa face cachée, une première], l’histoire de l’exploration spatiale a changé à jamais. Pendant près d’un demi-siècle, depuis le 21 juillet 1969 exactement, nous avions vécu dans l’ère d’Apollo, le programme [américain] qui a permis à l’homme de faire ses premiers pas sur la Lune.La Chine a prévu de lancer la mission Chang’e 5 avant la fin de l’année, sur la face visible cette fois, pour recueillir des échantillons et les rapporter sur Terre. Le 24 avril, à l’occasion de la Journée de l’espace en Chine, le directeur de l’Administration spatiale nationale chinoise (CNSA), Zhang Kejian, a annoncé que son pays comptait installer une station de recherche sur la Lune d’ici à 2030 et envoyer deux robots explorer ses pôles pour chercher de la glace et d’autres ressources.(6)

Dans la course pour atteindre Mars, l’Inde vise d’abord la Lune

L’Inde lance, début juillet 2019, sa deuxième mission spatiale vers la Lune. Dans un contexte de rivalité avec la Chine, New Delhi espère aussi se faire une place dans la course pour l’exploration de la planète Mars. Les yeux rivés vers le ciel, New Delhi s’apprête à lancer, lundi 15 juillet, sa propre mission lunaire. Le décollage de la fusée GSLV-MkIII, puissant lanceur indien, équivalent d’une fusée européenne Ariane 4 est prévu à 02 h 51 heure locales (21 h 21 GMT) depuis le pas de tir de Sriharikota situé dans le sud-est du pays. « Nous n’avons jamais entrepris une mission aussi complexe » admet KailasavadivooSivan, le directeur de l’agence spatiale indienne ISRO.C’est la deuxième fois que l’Inde lance une sonde en direction de la Lune. Une première tentative en 2008 s’était soldée par un échec lorsque l’engin spatial indien s’était écrasé contre la surface lunaire.L’ambition du Premier ministre indien le pousserait-il à aller trop loin ? En juin, l’agence spatiale indienne a annoncé son intention de « disposer de sa propre station spatiale ». La future station indienne permettrait au pays de posséder une base où les astronautes indiens pourraient séjourner entre 15 et 20 jours. Un temps qu’ils mettront à profit pour réaliser des expériences Ce seront des missions d’exploration non humaines.(7)

Conclusion

Ce jour-là  du 21 juillet 1969 sur Terre, nous avions les yeux rivés sur l’écran de la télé, ébahis, émerveillés par Neil Armstrong marchant sur la Lune. Environ, 450 millions d’humains (sur une population mondiale estimée à 3,631 milliards) vont finalement entendre l’immortelle déclaration d’Armstrong laissant ses premières empreintes de pas. Armstrong lira à haute voix le texte gravé:  » Ici des hommes de la planète Terre ont pris pied pour la première fois sur la Lune, en juillet 1969 ap J.-C. Nous sommes venus dans un esprit pacifique au nom de toute l’humanité.  »  Cette Terre dont on ne s’occupe pas et que l’humanité est en train de stériliser accélérant la venue de la sixième extinction

Armstrong fut un modèle à la fois de compétence et de modestie. La gloire ne lui est pas montée à la tête «Le cosmonaute reconnu par ses pairs comme l’un des pilotes parmi les plus talentueux au monde, sinon de tous les temps, a vécu 43 ans en modèle pour plein de générations.  Armstrong avait évalué la réussite de la mission d’alunissage à 50%. Gagarine a failli ne pas revenir de l’espace. Ni Armstrong ni Gagarine ne reçurent de primes de cadeaux visibles ou invisibles. Armstrong n’eut pas un centime de plus que son salaire. Gagarine eut droit à une médaille. Ils disent avoir fait leur devoir sans en faire un fonds de commerce. Leur exemple est à méditer pour les jeunes car il permettrait de réhabiliter des valeurs du travail bien fait, de devoir perverti par l’argent et l’égoïsme des hommes

En ces temps d’incertitude mais aussi d’espoir l’exemple américain dans cette dimension scientifique est a méditer’ J’en suis à rêver à l’instar de ce qu’a fait Kennedy  avec sa fameuse phrase «avant la fin de la décennie il y aura un Américain sur la lune »  que le prochain président algérien promette d’envoyer un astronaute algérien dans l’espace  Ce genre de pari est un puissant moyen de mobiliser l’Algérie dans le domaine scientifique divorçant ainsi définitivement avec la mentalité de  rentiers- qui fait de nous des tubes digestifs décérébrés réagissant à l’émotion e non à la rationalité  pour pouvoir vivre du produit de notre intelligence. Ce n’est surtout pas un problème de langue qui nous rendra  plus intelligent. Le moment est venu de balayer les diversions qui renvoient aux calendes grecques la remise en ordre de la maison Algérie en faisant plus que jamais appel à la rationalité !!!  .

 Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Algérie

 

Notes :

1.https://www.herodote.net/20_juillet_1969-evenement-19690720.php

2.https://fr.euronews.com/2019/07/19/la-face-cachee-d-apollo-11-des-anecdotes-pour-l-histoire

3.https://www.lci.fr/sciences/lune-l-informatique-a-effectue-un-bond-de-geant-grace-a-lui-qui-etait-le-4e-membre-d-equipage-d-apollo-xi-21-juillet-1969-neil-armstrong-anniversaire-2124574.html

4.Margaret H. Hamilton, « Computer Got Loaded », Datamation, Cahners Publishing Company,‎ 1er mars 1971

5.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/277384-60-ans-de-conquete-de-l-espace.html

6..NamrataGoswam La Chine relance la course à la Lune The diplomat – Sydney17/07/2019

7.https://www.france24.com/fr/20190713-inde-lune-concurrencer-chine-mission-spatiale-lunaire-exploration-mars-aerospatiale

 

 

 

 

 

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C’est dans un pays en crise que s’est déroulée la célébration du 40e anniversaire de la chute du dictateur Anastasio Somoza, renversé par le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) le 19 juillet 1979. Ramené au pouvoir en novembre 2006 par les Nicaraguayens, après une douloureuse punition néolibérale de seize années, le Front et le président « historique » Daniel Ortega, réélu en 2011 et 2016, ont affronté pendant trois mois, en 2018, une très violente vague de manifestations, qui ont laissé sur le terrain de l’ordre de 200 morts, tant dans l’opposition que chez les sandinistes, et des centaines de blessés [1]. Si le calme est revenu, la crise n’est en rien terminée (nous reviendrons dans un prochain article sur les derniers développements de la situation).

Non étrangers aux événements, les Etats-Unis ont fait du Nicaragua un membre, avec le Venezuela et Cuba, de la « troïka de la tyrannie » (ou du « triangle de la terreur » suivant l’humeur du moment). La droite internationale et ses médias relaient, qui traitent Ortega de « dictateur ». Rien de très étonnant jusque-là. D’une manière plus troublante, des pans entiers de la « gauche » (ou ce qui en reste ; ou ce qui lui ressemble) suivent le mouvement. En Europe, et donc en France, groupuscules d’extrême gauche à l’internationalisme « relooké », organisations non gouvernementales (ONG) à haute teneur en subventions publiques, multinationales de défense des droits humains à géométrie variable s’acharnent sur le Nicaragua sandiniste et réclament la tête d’Ortega. On voit même d’anciens membres des brigades de solidarité, présents sur le terrain dans les années 1980, passer de la « pupusa » [2] à la pupUSA (tout en vilipendant Donald Trump pour se dédouaner). Disons pour résumer que le débat fait rage entre « frères » devenus ennemis.

Pour autant, Daniel Ortega et le FSLN n’étaient pas seuls le 19 juillet dernier à Managua. Une marée humaine les a accompagnés sur la place Jean-Paul II, où se déroulait la célébration. A cette démonstration aussi massive qu’incontestable, rendant quelque peu caduque l’idée qu’un « régime répressif » avait été confronté l’an dernier à une révolte « populaire », s’est ajoutée la présence remarquée de plusieurs centaines de membres d’organisations, mouvements sociaux et autres personnalités « internationalistes » venus à leurs frais témoigner de leur solidarité au Nicaragua sandiniste. Souvenirs des années 80 dans les cœurs, les têtes et les yeux, ils arrivaient du Panamá et de Colombie, du Guatemala, du Salvador, du Mexique, de l’Argentine et du Pérou, du Japon et même d’Europe [3]. La plus remarquée des délégations fut sans conteste la Brigade Salvador Allende, au sein de laquelle figuraient trente ex-combattants chiliens ayant affronté la mort aux côtés du FSLN, et au nom de laquelle s’exprima Pablo Sepúlveda Allende, petit-fils du « compañero-présidente »  : « Comme l’a dit l’ami de la Brigade, alias “Patán”, nous sommes prêts à venir défendre le Nicaragua, le Venezuela ou Cuba, quelque processus révolutionnaire agressé que ce soit, à n’importe quel moment ; nous, les contingents internationalistes, nous sommes prêts, tous, à venir défendre le Nicaragua. C’est pour moi un honneur d’être là. »

Très loin du progressisme académique, dans ce tourbillon de chants révolutionnaires, de consignes, de slogans, de souvenirs et de rires, d’espoir et de passion, on pouvait également croiser Patricia Rodas, l’ex-ministre des Affaires étrangères du président hondurien Manuel Zelaya, renversé en juin 2009 par un coup d’Etat. Rodas représentait le parti d’opposition de gauche Liberté et refondation (Libre), toujours dirigé par Zelaya. Moins médiatisé que le Nicaragua, le Honduras traverse une crise infernale, plongé depuis dix ans dans le chaos. Depuis juin, des manifestants par milliers réclament la destitution du président de droite Juan Orlando Hernández, au pouvoir depuis 2014 grâce à une fraude électorale et au viol de la Constitution [4]. Interrogée par nos soins sur le parallèle possible entre la situation des deux pays, Patricia Rodas a bien voulu répondre à nos questions. 

Patricia Rodas :
« Il y en a assez du double standard ! »

Question – Que signifie votre présence à Managua pour cette célébration ?

Patricia Rodas – Je suis ici au nom du parti Liberté et refondation (Libre) mais, surtout, et avant tout, pour représenter le peuple hondurien. Parce que ces quarante années de lutte, d’héroïsme et de défense sont aussi les siennes. La déroute de la tyrannie impérialiste représentée par Somoza a aussi été, à l’époque, une victoire du peuple hondurien. Nous ne pouvons pas oublier que des militants honduriens ont combattu Somoza au Nicaragua et que des compañerosnicaraguayens ont combattu à nos côtés dans toutes les phases de notre Histoire.

Cela nous amène à unir nos bras et nos volontés pour que les droites ne se consolident pas dans notre région, pour que ne s’installent pas des programmes politiques et économiques faits sur mesure pour les transnationales et les secteurs financiers, pour que ne pénètrent pas davantage le crime organisé, le narcotrafic, pour que nos peuples puissent continuer à lutter pour leur émancipation définitive et pour que cesse l’agression contre les référents des intérêts populaires dans nos pays.

Ainsi, pour ce quarantième anniversaire au cours duquel nous célébrons toute une ère d’héroïsme mais aussi d’agressions, nous sommes venus dire : « Ya basta ! » (ça suffit).

Q – De quelle manière, au cours de l’Histoire récente, les liens entre Honduras et Nicaragua se sont-ils renforcés ?

Patricia Rodas – Nous avons subi une quantité impressionnante d’agressions en provenance du régime impérial, qui s’impose à travers ses plateformes militaires, économiques et politiques. Lors du processus de transformation sociale initié par Manuel Zelaya, la réaction n’a pas été différente de celles que nous avions déjà tous connues par le passé : un coup d’Etat.

Quand le peuple est descendu dans la rue pour défendre la démocratie ainsi que la volonté souveraine et populaire, le soutien le plus patent est venu évidemment des pays de la région, et plus particulièrement de ceux de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) [5], regroupés pour construire une nouvelle forme d’intégration ayant comme arrière-fond la coopération, la solidarité et la complémentarité entre nos peuples. Mais l’appui le plus important a été l’asile qu’ont offert le peuple « nica » et le gouvernement de Daniel Ortega au président Zelaya, à son cabinet et à plus de deux mille compatriotes honduriens qui fuyaient la répression.

Q – Quelles conséquences a eu ce coup d’Etat au Honduras ?

Patricia Rodas – Une dictature s’est installée, une dictature dont la politique favorise les secteurs financiers nationaux et transnationaux, répond aux intérêts du « Southern Command » [Commandement Sud de l’Armée des Etats-Unis], lequel dispose d’une base militaire à Palmerola et dans d’autres régions moins connues du pays, comme la Moskitia [6] , le golfe de Fonseca [7], etc., et, évidemment les « poderes fácticos  » [8]> de l’oligarchie hondurienne. Ceux-là même qui se sont opposés au processus de transformation initié par le président Zelaya en faveur des secteurs populaires de notre pays.

C’est évidemment ça que nous appelons une dictature. Un régime odieux et despote, qui tue, qui assassine, qui réprime le peuple parce qu’il défend des droits inaliénables, celui de se nourrir, d’avoir une habitation digne, un accès à la santé et, surtout, de vivre en sécurité, sans narcotrafic ni crime organisé, sans « maras » [9]< assassinant dans les « barrios », sans extermination sociale à travers une police entraînée par le gouvernement des Etats-Unis. La moitié des pauvres du Honduras est assassinée par d’autres pauvres qui se sont engagés dans la police ! Voilà ce que nous appelons une dictature, une tyrannie…

Pourtant, et alors que les Honduriens sont dans la rue pour contester le président Juan Orlando Hernández, vous êtes ici ce 19 juillet, aux côtés du FSLN, alors même que Daniel Ortega est traité de dictateur par son opposition – qui elle aussi a violemment manifesté l’année dernière –, la droite internationale et même certains milieux de gauche et d’extrême gauche européens…

Effectivement, il y a des secteurs qui croient ou qui pensent que les manifestations honduriennes ressemblent à celles qui ont eu lieu au Nicaragua. La question de fond est la suivante : qu’est-ce qui s’est installé au Nicaragua ? Et comment ? Réponse au deuxième terme de l’équation : pas à travers les armes, pas à travers un coup d’Etat, pas à travers le crime organisé, pas financé par le narcotrafic, pas imposé par des forces armées étrangères, comme celles du « Southern Command », pas sous pression de l’impérialisme ! Simplement, à travers les urnes, le peuple nicaraguayen a voté pour un gouvernement et pour un président.

Si quelqu’un ou quelques-uns estiment que le régime doit tomber, qu’ils s’organisent politiquement, aillent de maison en maison pour obtenir l’appui populaire, mais qu’ils ne le fassent pas à travers le Département d’Etat, le Pentagone et leurs nouvelles modalités d’agression.

Maintenant, ceux-ci utilisent des « plateformes sociales » construites par l’Empire dans les années 1990, dans notre région. Les ONG [organisations non gouvernementales] par exemple. N’oublions pas qui les finance ! L’argent excédentaire des régimes financiers étatsunien et européen dirigés vers nos pays, supposément pour la coopération et le développement, avec des sommes supérieures aux budgets de nos Républiques, et qui, finalement, ne produisent aucun résultat. Des ONG, des hiérarchies ecclésiastiques – je ne parle pas là du phénomène de la foi religieuse de nos peuples, mais des hiérarchies ecclésiastiques –, ces « élites », toujours au service des intérêts des puissants. Et les puissants de nos pays sont les partenaires des transnationales…

Nous, nous sommes clairs. Au Nicaragua, il y a eu une agression utilisant des plateformes sociales alternatives construites par l’Empire. Ce sont les mêmes que celles qui existent au Honduras, avec les mêmes objectifs : dépolitiser la politique, diaboliser la politique, ôter au peuple le désir de lutter pour conquérir le pouvoir. Ils ne l’ont obtenu ni au Honduras ni au Nicaragua. Nos peuples demeurent debout et il y en a assez du double standard. Surtout venant de personnages qui se disent progressistes ou révolutionnaires. S’ils n’ont aucune affinité avec ceux qui luttent, qu’ils reconnaissent au moins l’ennemi commun. S’ils s’imaginent que c’est Washington qui va venir lutter en faveur du peuple, je crois qu’ils sont complètement dans la lune !

Alors, qu’ils se mettent au clair. S’ils semblent ne plus avoir suffisamment de neurones pour faire un minimum d’analyse, peut-être est-ce simplement que l’avant-garde de nos processus révolutionnaires n’est pas constituée par une « élite de la connaissance et de l’académie », mais par les va-nu-pieds de notre terre. Jamais on ne peut se prétendre révolutionnaire si l’on n’est pas capable de se reconnaître dans le regard des déshérités.

Maurice Lemoine

[2Tortilla de maïs fourrée de viande, de fromage ou de haricots rouges, présente dans toute l’Amérique centrale.

[3Le Comité européen de solidarité avec la révolution populaire sandiniste comptait dans ses rangs des comités et associations de Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne (dont des délégations de Catalogne et du Pays basque), France, Italie, Danemark, Suède, Finlande et Portugal.

[4Lire « Au Honduras, tout est mal qui finit mal » – http://www.medelu.org/Au-Honduras-tout-est-mal-qui-finit

[5A l’époque Cuba, Bolivie, Equateur, Nicaragua, Venezuela, la Dominique, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Antigua et Barbuda (les putschistes honduriens ayant immédiatement retiré leur pays de l’organisation).

[6Immense région de forêt tropicale très peu peuplée (essentiellement d’indigènes Miskitos), répartie sur le Nicaragua et le Honduras, le long de la côte atlantique.

[7Golfe situé sur l’océan Pacifique et bordé par le Salvador au nord-ouest, le Honduras à l’est, le Nicaragua au sud.

[8Pouvoirs de fait opérant en marge du pouvoir politique : acteurs économiques, multinationales, médias, ONG, « think tanks », Eglise(s), etc.

[9Bandes de délinquants ultra-violents, particulièrement actives au Salvador et au Honduras, absentes du Nicaragua.

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La Russie contre l’Occident – ou l’inverse?

juillet 25th, 2019 by Erwin Mächler

Dans les cercles de débats «occidentaux», lors de discussions consacrées à la géopolitique, «Poutine» a bien mauvaise presse. Soit il est présenté comme le «méchant» dès le début de l’entretien, soit il est désigné, en conclusion, comme «coupable de tous les maux». Les interlocuteurs ayant des vues divergentes se font cataloguer comme «Pro-Poutine» [en allemand: «Putin-Versteher»].

Depuis 30 ans, deux domaines déterminants définissent les relations Est-Ouest:
1) le rôle de police mondiale que se sont arrogé les Etats-Unis, renforcé après le 11-Septembre par une campagne de vengeance contre le terrorisme islamiste, et
2) l’expansion de l’OTAN vers l’Est.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et jusqu’à récemment, il était perçu comme positif que la puissance mondiale des Etats-Unis soit prête à intervenir partout où quelque chose de prétendument politiquement incorrect se tramait dans le monde. La plupart de ces interventions étaient militaires, pratiquement jamais sanctionnées par le Conseil de sécurité de l’ONU et représentaient donc des violations du droit international. Parmi les pays victimes de ces interventions, on compte par exemple les Philippines, la Yougoslavie, l’Iran, l’Irak, la Libye, la Syrie, la Somalie ou encore l’Ukraine.

Le but de ces interventions était et est toujours un prétendu «changement de régime». Comme ces interventions se sont soldées d’actes de guerre catastrophiques, souvent associés à des guerres civiles antérieures ou postérieures, les perceptions positives se sont transformées en critiques, voire récemment en critiques sévères. Il est vite devenu évident que la plupart de ces interventions servaient principalement à imposer un contrôle américain, notamment sur l’accès aux réserves de pétrole, de gaz et de matières premières dans le monde entier, ainsi que sur leur sécurisation.

L’énorme chaos actuel prévalant au Moyen-Orient et au Maghreb est le résultat de cet interventionnisme américain – soutenu par l’OTAN (dominée par les Etats-Unis) et donc par des membres de l’OTAN comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, le Danemark et d’autres. L’énorme flux de réfugiés des pays ravagés par la guerre arrivant en Europe est une conséquence indirecte de cet interventionnisme américain. Cette politique, imputable aux Etats-Unis et donc à ses organes dirigeants responsables, est dès lors également la cause de millions de morts d’innocents.

Il est évident que cette politique s’approche de la «ligne rouge» ou l’a déjà franchie. La Russie, la Chine et d’autres pays refusent de continuer à accepter à l’avenir cette politique d’agression américaine.

Suite à l’unification des deux Etats allemands, l’ancienne RFA et la RDA, et la fin de la guerre froide, la raison d’être du Pacte de Varsovie et de l’OTAN a disparu. Alors que le Pacte de Varsovie fut aboli après la dissolution de l’Union soviétique, l’OTAN ne continua pas seulement à exister, mais commença à s’étendre progressivement vers l’Est (expansion de l’OTAN vers l’Est). Cela se fit en flagrante contradiction avec les garanties données à la Russie, à savoir de s’abstenir de toute expansion vers l’Est.

Récemment, de grandes unités de combat de l’OTAN ont été déployées à la frontière occidentale de la Russie, et de vastes manœuvres de l’OTAN ont eu lieu à proximité immédiate de cette même frontière dans le but d’intimider la Russie. Il y a 75 ans, dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale, des unités de combat de la Wehrmacht se trouvaient à 200 km de Leningrad. A l’heure actuelle, dans le cadre de l’OTAN, des unités de combat allemandes se trouvent à 150 km de Saint-Pétersbourg – avec quelle justification? En Pologne et en Roumanie, l’OTAN installe des dispositifs de défense antimissile, prétendument dirigés contre l’Iran. Pour toute personne pourvue de bon sens, il est cependant clair que ces dispositifs sont dirigés contre la Russie.

Les responsables de l’élargissement de l’OTAN à l’Est sont les gouvernements américains sous les présidences de George W. Bush, de Bill Clinton et de Barack Obama.

L’élargissement de l’OTAN à l’Est constitue la cause principale de la déstabilisation de l’Europe orientale. Il est évident que la «ligne rouge» a été franchie, par exemple en Ukraine (avec le coup d’Etat de 2014, financé par les Etats-Unis, contre le gouvernement ukrainien légitimement élu mais tombé en disgrâce auprès de l’hégémon). Voilà à quoi ressemble un changement de régime à la mode américaine.

Le résultat de cette provocation est le retour de la Crimée dans la Fédération de Russie, de même que la proclamation de deux «républiques autonomes» dans le Donbass. Il faut noter que les médias occidentaux parlent continuellement de «l’annexion» de la Crimée par la Russie, en omettant régulièrement de parler de la provocation qui l’a précédée.

Si d’autres provocations des Etats-Unis et de l’OTAN à l’encontre de la Fédération de Russie suivent, il faudra s’attendre à une Troisième Guerre mondiale. Tout historiographe objectif devra alors, s’il est honnête, désigner les Etats-Unis comme l’auteur et le déclencheur, et non la Russie qui, depuis la fin de la guerre froide, est restée sur la défensive.

Malgré l’obstination avec laquelle on impute toutes sortes de provocations à la personne de Poutine, il est évident, en prenant en compte les faits décrits, que c’est l’exact contraire qui correspond à la réalité. Les provocations proviennent de l’Occident, plus précisément des Etats-Unis, soutenus par l’OTAN, et, dans de nombreux cas, également par l’Union européenne (cf. sanctions).

Au début de sa présidence, Barack Obama a obtenu le prix Nobel de la Paix. Au cours de ses huit ans de mandat, il a mené sept guerres directes et indirectes contre des régimes indésirables du point de vue américain; deux hérités de son prédécesseur et les cinq autres de son propre fait. Ainsi, Obama et son entourage sont devenus des criminels de guerre. Cela est réel, même si le monde occidental refuse de le reconnaître. Bill Clinton et George W. Bush – les prédécesseurs d’Obama –, y compris les membres de leurs gouvernements responsables de la guerre, sont logiquement eux aussi des criminels de guerre. Il en va de même pour les dirigeants des gouvernements anglais (Tony Blair) et français (Nicolas Sarkozy), dans la mesure où ils ont participé à ces guerres d’agression illégales.
Mais Poutine reste «méchant», bien que pendant toute la durée de son mandat, y compris la phase de changement de postes avec Medvedev, il n’ait déclenché aucune guerre illégale. Il est temps que les esprits «occidentaux» les plus simples réalisent et acceptent ces faits.

La description ci-dessus correspond à des faits prouvés et non pas, comme il est souvent affirmé, à du conspirationnisme. Ces faits historiques n’apparaissent que rarement dans les médias «occidentaux» ou sont présentés de manière erronée. Les grands médias occidentaux ne nous offrent guère plus qu’une «bouillie uniforme». La «Neue Zürcher Zeitung», par exemple, se caractérise par le fait que l’ensemble de ses informations, y compris les lettres de lecteurs publiées et les tribunes, est clairement déséquilibré dans son hostilité envers la Russie et son approbation des puissances occidentales… On est certes en droit de se demander pourquoi.

En Allemagne, l’«Atlantik-Brücke», une organisation de lobbying promouvant les relations entre la République fédérale d’Allemagne et les Etats-Unis (présidée par Friedrich Merz jusqu’au printemps 2019), joue un rôle majeur. Les rédacteurs en chef des plus importants médias publics allemands, journaux et chaînes de télévisions (ARD et ZDF), sont membres de cette organisation.

Comment cela va-t-il évoluer? En 2016, lors de la campagne électorale pour la présidence américaine, Donald Trump a fait de nombreuses promesses. Il a notamment mentionné deux objectifs importants de sa présidence (espérée): d’une part, l’amélioration des relations entre les Etats-Unis et la Russie et d’autre part, le retrait des Etats-Unis de leur rôle de gendarme mondial. Malheureusement, il s’est entre-temps avéré qu’un contre-pouvoir massif s’opposait à ces objectifs.
Pour tout observateur externe, il apparaît clairement que ce contre-pouvoir se compose des dits néo-conservateurs et de «l’Etat profond», complétés par d’autres opposants politiques à Trump. Cependant, la nomination de Mike Pompeo (ancien chef de la CIA) au poste de secrétaire d’Etat [ministre des Affaires étrangères, ndt.] et de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale reste assez incompréhensible, car tous les deux sapent les plans du président Trump par tous les moyens au vu et au su du public.

Erwin Mächler

Ancien colonel d’Etat-major, docteur en science administrative, ancien membre de la direction du groupe Holcim, 9445 Rebstein SG

Source: Première parution dans l’Allgemeine Schweizerische Militärzeitschrift (ASMZ) 6/2019.

Traduction Horizons et débats

Erwin Mächler : Ancien colonel d’Etat-major, docteur en science administrative, ancien membre de la direction du groupe Holcim, 9445 Rebstein SG

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Le président américain Donald Trump a menacé de «tuer 10 millions d’Afghans en une semaine» afin de remporter une victoire rapide dans la plus longue guerre d’Amérique, lors d’une conférence de presse conjointe de la Maison-Blanche lundi avec Imran Khan, premier ministre du Pakistan.

Le commandant en chef américain se vantait cavalièrement de pouvoir effacer l’Afghanistan «de la surface de la Terre» s’il le voulait. Mais il a déclaré qu’il préférait «sortir» les États-Unis de la guerre afghane qui dure depuis dix-huit ans et qu’il attendait du Pakistan qu’il facilite ce processus en aidant à trouver un «règlement» avec les taliban.

«Nous sommes comme des policiers», dit Trump. «Nous ne faisons pas la guerre. Si nous voulions faire la guerre en Afghanistan et la gagner, je pourrais la gagner en une semaine. Je ne veux pas tuer 10 millions de personnes.»
Pour souligner que ses remarques étaient censées être une menace, M. Trump a ajouté: «J’ai un plan pour gagner cette guerre dans un très court laps de temps» et il a répété le chiffre de 10 millions de morts. Il se tourna ensuite vers Khan et déclara: «Vous le comprenez mieux que quiconque.»

La «mère de toutes les bombes» larguée en Afghanistan

Le Premier ministre pakistanais n’a exprimé aucune objection à la menace de Trump de déclencher des violences génocidaires contre le voisin du nord du Pakistan. Au lieu de cela, Khan a salué servilement le président américain en tant que chef du «pays le plus puissant du monde». Plus tard, il a émis un tweet obséquieux remerciant Trump «pour son hospitalité chaleureuse et gracieuse» et «sa merveilleuse façon de mettre toute notre délégation à l’aise».

Le régime fantoche américain à Kaboul a été contraint de demander une «clarification» des propos de Trump, tout en protestant faiblement contre le fait que «les chefs d’Etat étrangers ne peuvent déterminer le sort de l’Afghanistan en l’absence des dirigeants afghans». En revanche, les Afghans de tout le pays ont réagi avec horreur et indignation, sentiments partagés par des dizaines de millions de personnes dans le monde.

Les médias américains ont minimisé les remarques glaçantes de Trump. Le New York Times en a fait mention à la fin d’un article intitulé «Trump tente de refroidir les tensions avec le Pakistan pour accélérer les pourparlers de paix en Afghanistan.»

Les remarques de Trump lundi ne sont que sa dernière menace d’annihiler un pays étranger et révèlent que le président américain – qui a ordonné la «modernisation» de l’arsenal nucléaire américain à hauteur de mille milliards de dollars et le retrait des États-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire avec la Russie – envisage activement de déchaîner la violence nucléaire pour empêcher l’effondrement de l’hégémonie mondiale américaine.

En août 2017, Trump a menacé de déclencher «un feu et une fureur que le monde n’a jamais vus» contre la Corée du Nord, une nation pauvre de 25 millions d’habitants. En juillet 2018, il dirigeait à nouveau une menace similaire contre l’Iran, tweetant que le pays «SUBIRAIT DES CONSEQUENCES DE LA SORTE QUE PEU DE PAYS AIENT JAMAIS SOUFFERTES DANS TOUTE L’HISTOIRE», si le pays osait «JAMAIS MENACER» Washington «ENCORE».

Les menaces grossières de Trump – qui rappellent bien les menaces d’Adolph Hitler à la veille de la Seconde Guerre mondiale – sont considérées comme peu politiques par une grande partie de l’élite de Washington. Mais l’appareil de sécurité militaire et l’establishment politique américain, démocrate et républicain, sont unanimes dans leur soutien à l’utilisation de la violence, de l’agression et de la guerre pour compenser le déclin économique de l’impérialisme américain.

La guerre d’Afghanistan n’est qu’une des nombreuses guerres que les États-Unis ont menées au Moyen-Orient, en Asie centrale et dans les Balkans depuis 1991. De plus, l’hégémonie mondiale des États-Unis s’est maintenant transformée en offensives stratégiques tous azimuts, y compris la menace de déploiements militaires, de guerres commerciales et de sanctions économiques, contre la Russie et la Chine, des puissances nucléaires.

Alors que l’Afghanistan était sans aucun doute au centre des discussions que Khan, le général Qamar Javed Bajwa, chef de l’armée pakistanaise, et le général Faiz Hameed, chef de la célèbre agence de renseignement du pays, l’ISI, ont tenues avec Trump et de hauts responsables de son administration, la campagne américaine contre le voisin occidental du Pakistan, a certainement aussi joué dans la décision d’inviter le premier ministre du Pakistan à Washington pour la première fois en cinq ans.

Le mois dernier, les avions de combat américains étaient à dix minutes seulement du largage de bombes sur l’Iran, lorsque Trump les a rappelés de peur que les forces américaines ne soient pas suffisamment prêtes pour un conflit militaire avec l’Iran qui engloutirait rapidement tout le Moyen-Orient et pourrait attirer d’autres grandes puissances.

Cédant aux sanctions américaines contre l’Iran, qui sont elles-mêmes synonymes de guerre, le Pakistan a une fois de plus mis en place un projet de gazoduc pour l’importation de gaz naturel iranien. Mais le Pentagone et la CIA feront également pression sur le Pakistan, qui entretient des liens étroits avec la monarchie saoudienne violemment anti-iranienne, pour qu’il utilise son territoire comme terrain d’intrigues, voire d’opérations militaires, contre l’Iran.

La débâcle de la guerre en Afghanistan par l’impérialisme américain

L’affirmation de Trump selon laquelle les États-Unis n’ont pas vraiment fait la guerre en Afghanistan est absurde. Au cours des 18 dernières années, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont déployé des centaines de milliers de soldats en Afghanistan, des chars et des avions de combat, déclenché d’horribles violences et commis d’innombrables atrocités. Cela comprend, sous le gouvernement Trump, l’envoi en Afghanistan en 2017 de la bombe conventionnelle la plus puissante jamais déployée.

Cette guerre, selon des estimations prudentes, a fait 175 000 morts. Si l’on inclut les décès indirects, ce chiffre est probablement plus proche du million. Des millions d’autres ont été chassés de chez eux. A ce bilan, il faut ajouter la mort de près de 2300 militaires américains et de 1100 autres soldats étrangers.

Pourtant, aujourd’hui, les talibans contrôlent une grande partie du pays, plus qu’à tout autre moment depuis l’invasion américaine à l’automne 2001.

Si les talibans, malgré leur idéologie islamiste réactionnaire, ont réussi à maintenir leur insurrection face à la puissance de feu américaine, c’est parce que cette guerre est largement reconnue comme une invasion néocoloniale, visant à transformer l’Afghanistan en une dépendance et un avant-poste en Asie centrale de l’OTAN et des États-Unis; et le gouvernement de Kaboul est un régime de collabos, complètement corrompu et composé de profiteurs de guerre, de chefs tribaux et autres éléments de l’élite afghane traditionnelle.

La débâcle afghane – l’échec de Washington à soumettre l’Afghanistan après 18 ans de guerre et les dépenses de plus de mille milliards de dollars – a produit des divisions majeures au sein des établissements politiques et militaires stratégiques américains.

Trump cherche à pousser les talibans vers un règlement politique qui permettra au Pentagone de redéployer ses ressources pour poursuivre son agression ailleurs, que ce soit contre l’Iran, le Venezuela ou les rivaux plus importants de l’impérialisme américain.

Cependant, une grande partie de l’élite dirigeante américaine, en particulier dans l’appareil de sécurité militaire, soutient que tout règlement doit assurer une présence militaire continue en Afghanistan. C’est d’abord et avant tout en raison de son importance stratégique: L’Afghanistan se trouve au cœur de l’Asie centrale, riche en énergie, aux frontières de l’Iran et de la Chine et à proximité de la Russie.

L’effondrement des relations entre les États-Unis et le Pakistan

Washington exige depuis longtemps que le Pakistan «fasse plus» pour exercer des pressions militaires et politiques sur les talibans, afin d’obtenir un règlement de la guerre à des conditions favorables à Washington.
L’appareil de sécurité militaire pakistanais a joué un rôle clé dans le parrainage par la CIA de l’insurrection de la guérilla moudjahidine en Afghanistan dans les années 1980, dans le cadre de la campagne américaine contre l’Union soviétique, et il a ensuite soutenu la montée au pouvoir de sa branche talibane.

Après que Washington eut abandonné ses propres tentatives de parvenir à un accord avec le régime taliban et se soit emparé des événements du 11 septembre pour établir une présence américaine en Asie centrale, le Pakistan a fourni à Washington un soutien logistique essentiel et a ensuite mené une guerre anti-insurrectionnelle brutale contre les forces alignées sur les talibans dans ses propres zones tribales sous administration fédérale.

Mais l’armée pakistanaise, s’inspirant du manuel de la CIA, ne voulait pas couper tout lien avec les talibans, afin de s’assurer qu’Islamabad ait son mot à dire dans tout règlement politique visant à mettre fin à la guerre.

L’affaiblissement par Washington de ses relations avec Islamabad et sa promotion de l’Inde comme principal allié en Asie du Sud, pour le but d’en faire son principal allié contre la Chine, ont rendu Islamabad encore plus soucieux de protéger ses intérêts en Afghanistan et d’étendre son partenariat de longue date avec Beijing dans le domaine militaire et de sécurité. Ce dernier développement, illustré par le corridor économique Chine-Pakistan, d’une valeur de 60 milliards de dollars, a considérablement aggravé les tensions entre Washington et Islamabad.

Au cours de la dernière décennie, et en particulier depuis 2011, les liens entre les États-Unis et le Pakistan se sont affaiblis.

Khan, comme son prédécesseur Nawaz Sharif, avait longtemps insisté pour qu’on l’invite à Washington, afin de tenter de rétablir les relations avec les États-Unis. Pour des raisons à la fois économiques et géopolitiques, Islamabad espère désespérément trouver un moyen, comme par le passé, de parvenir à un équilibre entre la Chine et les États-Unis.

Le mois dernier, le FMI, dominé par les États-Unis, a accepté d’accorder des prêts d’urgence au Pakistan. Islamabad a également été secoué par le soutien que Washington a apporté aux frappes militaires «chirurgicales» menées par New Delhi en septembre 2016 et février de cette année, amenant les puissances nucléaires rivales de l’Asie du Sud au bord de la guerre.

Reste à savoir si le voyage de Khan aux États-Unis permettra effectivement d’arrêter la détérioration des liens entre les États-Unis et le Pakistan.

Trump a résisté aux exhortations de Khan pour le rétablissement immédiat des paiements de la Coalition pour la guerre en Afghanistan et d’autres formes d’aide, déclarant avec arrogance que les relations entre les deux pays sont meilleures que «lorsque nous payions cet argent». Il a ensuite suggéré que si Islamabad s’incline devant les diktats de Washington cela pourraient changer, ajoutant: «Mais tout cela peut revenir, en fonction de ce que nous allons faire.»

Trump a fait plaisir à Khan en disant qu’il «aimerait être» un «médiateur» ou l’«arbitre» du conflit indo-pakistanais au Cachemire. Pendant des décennies, le Pakistan a cherché à impliquer des puissances extérieures, en particulier Washington, dans le règlement de ses différends avec New Delhi.

Les remarques de Trump, dont l’affirmation selon laquelle le Premier ministre indien Narendra Modi aurait demandé l’aide des États-Unis pour trouver une solution au conflit du Cachemire, ont immédiatement déclenché une tempête politique en Inde, New Delhi niant avec colère que Modi ait jamais fait une telle suggestion.
L’élite dirigeante de l’Inde est également perturbée par le fait qu’elle a jusqu’à présent été exclue de tout rôle dans les négociations avec les talibans et des discussions sur un prétendu règlement politique de la guerre en Afghanistan. Mais comme Khan, Modi n’a rien dit sur les menaces de Trump d’anéantir dix millions d’Afghans, vraisemblablement par l’utilisation d’armes nucléaires.

Sampath Perera et Keith Jones

Article paru en anglais, WSWS, le 24 juillet 2019

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«Les Allemands au front» *en Syrie.

James Jeffrey, le représentant spécial des Etats-Unis pour la Syrie et la coalition anti-IS, «a prié» l’Allemagne de mettre à disposition des USA des troupes terrestres pour la guerre en Syrie. Le fait que le gouvernement allemand ait pour l’instant rejeté la «demande» du gouvernement américain le 8 juillet n’est pas une raison pour se réjouir. Willy Wimmer, ancien secrétaire d’Etat au ministère allemand de la Défense, a émis le commentaire suivant.

L’empire demande des soldats allemands. Cette fois-ci, ils seront déployés en tant que troupes terrestres en Syrie. Peu importe que la Syrie soit un pays souverain. Personne ne peut prétendre avoir reçu une invitation du légitime gouvernement syrien à déployer la Bundeswehr allemande. La Charte des Nations Unies ne joue aucun rôle, bien qu’elle soit la seule légitimation à part l’exigence d’aide à la légitime défense. Ce n’est pas rien.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Charte des Nations Unies est la seule légitimation possible pour un recours à la force militaire. Les dévastations causées par cette guerre furent trop grandes pour reprendre l’ordre du jour et poursuivre les vieilles habitudes et pratiques de guerre après cette terrible période. A cet égard, la Charte des Nations Unies représente une importante contribution civilisatrice dans l’intérêt de l’humanité tout entière. Avec et depuis la guerre contre la Yougoslavie en 1999, les Etats-Unis ont systématiquement détruit l’épine dorsale de la Charte des Nations Unies. L’endiguement de la guerre n’est plus l’objectif. Le but est la guerre au profit des Etats-Unis, et comme leur propres forces doivent être protégées ou ne sont plus suffisantes, c’est à la Bundeswehr d’aller au front.
Dans ce contexte, il est absolument essentiel de prendre connaissance des lignes directrices de la politique de sécurité du président américain: selon ces règles, la guerre est liée au fait d’être menée dans l’intérêt des Américains. La Charte des Nations Unies ne joue aucun rôle dans ce document, elle n’apparaît nulle part comme élément-clé. En mettant en pratique les intérêts américains et en renonçant à l’apport civilisationnel de la Charte des Nations Unies, nous sommes revenus au point où la guerre allemande contre la Pologne a commencé le 1er septembre 1939.
Les prochains jours de commémoration seront l’occasion d’échanger sur toutes les considérations faites dans ce contexte. En outre, les actions américaines ont conduit à renoncer aux restrictions demandées par la Charte des Nations Unies. Mais toute la dimension du souvenir sera déterminée à l’avenir – contrairement aux décennies passées – par le fait que, pour des raisons assez transparentes, la «mémoire-clé de Versailles» a été lâchement abandonnée en Occident par les coupables. Il s’agissait et il s’agit toujours de deux ou trois considérations chez nos «amis»: soit l’utilisation du potentiel allemand dans leur propre intérêt, soit la destruction de l’Allemagne si cela ne devait pas réussir. Déjà lors de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne devait retrouver son destin dans l’anéantissement de la Russie. Il n’en va pas autrement aujourd’hui – il s’agit de la Russie … ou de l’Iran ou de la lutte contre la Chine.
Selon la presse française, la présidente actuelle de la CDU, Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, a déjà promis, avant son voyage en Israël, de lever la réserve parlementaire sur l’engagement de la Bundeswehr pour leurs «guerres coloniales» à l’aide de l’UE. C’est le signal donné à Washington de le régler en même temps pour l’OTAN et donc pour les intérêts américains. Alors, nous serons enfin là, où on veut nous avoir depuis des décennies. Par la suite, nous lirons dans la presse, où nos soldats sont déployés. Cela est également évident depuis que la présidente de la CDU est partie en voyage. Une fois de plus, elle a mentionné la raison d’Etat allemande, bien que nous ayons une Loi fondamentale. En même temps, lors d’une conférence internationale, un ancien dirigeant du Mossad s’est exprimé dans la presse en précisant que son pays n’avait aucun intérêt à la paix pour des raisons de politique intérieure.    •

Traduction Horizons et débats

*    Le dicton «The Germans to the front» ou «Les Allemands au front» est attribué à l’admiral britannique Sir Edward Hobart Seymour (1840–1929) pendant l’été 1900. Seymour avait essayé en juin 1900 d’avancer de Tianjin en direction de Pékin pour libérer les légations assiégées. Il a toutefois dû interrompre cette avance et retourner à Tianjin. Il aurait alors envoyé des soldats allemands – avec l’appel: «The Germans to the front/Les Allemands au front!» (note de la rédaction)

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Dans son dernier livre sur le Venezuela, Daniel Kovalik, avocat et ami de longue date des peuples latino-américains de pays comme la Colombie et l’Amérique centrale, déchire le voile de la guerre de propagande : « La partie humanitaire de l’intervention n’est aujourd’hui plus qu’une feuille de vigne sur l’intention véritable et habituelle – le contrôle des ressources pétrolières d’un autre pays. » Pour en savoir plus sur les tenants et aboutissants du « Plan pour renverser le Venezuela », nous nous sommes entretenus avec M. Kovalik.

 Alex Anfruns : Dans un chapitre de votre livre sur la naissance de la Révolution bolivarienne, vous pointez quelques chiffres historiques de la période prérévolutionnaire qui ont été dissimulées à l’opinion publique occidentale. Je cite un extrait : « Un rapport mentionne que la pauvreté critique a triplé, passant de 11% de la population en 1984 à 33% en 1991, ce qui signifie que seulement 57% des Vénézuéliens pouvaient se permettre plus d’un repas par jour. » Quelle conclusion devrions-nous tirer si nous comparons ces chiffres à la situation qui a prévalu au cours des 20 dernières années de gouvernement bolivarien ?

Daniel Kovalik : Certes, entre 1999, l’année où Hugo Chavez est devenu président, et 2015, le gouvernement a fait un excellent travail pour éradiquer la pauvreté et l’extrême pauvreté, pour construire des logements, donner une instruction gratuite aux enfants – ce qui inclut également un repas chaud quotidien, etc. C’était donc un élément essentiel de la Révolution bolivarienne. Le gouvernement s’est débattu après 2015 avec ces programmes sociaux en raison de la baisse des prix du pétrole –intentionnellement provoquée par l’Arabie saoudite et les États-Unis à partir de 2014 – et ensuite, à cause des sanctions imposées en 2015 et encore intensifiées depuis.

Mais malgré les sanctions, le gouvernement a fait des efforts immenses pour distribuer de la nourriture aux gens à travers le programme CLAP et il continue à construire des maisons pour la population. Il a construit 2.5 millions de logements. Les acquis de la révolution perdurent, mais les sanctions sont certainement en train de les réduire.

Vous soulignez également les droits que le gouvernement vénézuélien a restitués aux autochtones et aux afrodescendants, dont la majorité soutient la révolution. Pourriez-vous faire une comparaison avec la situation de ces gens aux États-Unis et comment leurs droits spécifiques sont traités là-bas ?

Bon, on ne peut vraiment pas comparer, parce que les groupes autochtones aux États-Unis ont été traités d’une manière horrible. Depuis les premières années des États-Unis, les attaques contre les populations autochtones ne peuvent être décrites que comme un génocide. Il y a eu une violence génocidaire extrême à leur encontre. Et pourtant, à ce jour, il y a encore une pauvreté massive dans les populations autochtones de ce pays – le taux de suicide est énorme ; il y a des situations où les enfants indigènes sont arrachés à leurs familles à grande échelle. En vérité, les peuples autochtones ont été repoussés aux marges de la société, et ils y restent.

Au Venezuela, en revanche, le gouvernement a fait une immense tentative depuis la Révolution bolivarienne de 1999 pour inscrire les droits des peuples autochtones dans la Constitution, pas seulement reconnaître leurs langues mais effectivement les préserver. Il a fait des pieds et des mains pour créer des programmes afin de préserver les langues indigènes. Il a rendu des terres volées aux peuples autochtones.

Donc je veux dire que les différences entre les deux pays sont très étonnantes, et il en va de même pour les afrodescendants ! Ce pays (les États-Unis) a bien sûr été construit sur la traite des esclaves, ensuite il y a eu Jim Crow et la ségrégation légale, et encore aujourd’hui les Afro-Américains vivent beaucoup plus mal que le reste de la population en termes de pauvreté, de faim et d’accès aux services sociaux et aux infrastructures essentielles. Vous avez chez les Afro-Américains des taux de mortalité infantile élevés de manière disproportionnée. Et il y a l’énorme taux d’incarcération des Afro-Américains dans ce pays. La première chose à dire à ce propos est que les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé au monde – à la fois en chiffres absolus et en pourcentage de la population. Plus de 2.2 millions de gens dans ce pays sont incarcérés, et près de 40% d’entre eux sont des Afro-Américains même s’ils ne représentent qu’environ 14% de la population totale. Donc vous voyez, les Afro-Américains sont toujours très opprimés dans ce pays.

Et de nouveau, au Venezuela, la Révolution bolivarienne a rendu des terres aux afrodescendants, a reconnu leurs droits en tant que peuple, d’une manière qui n’avait vraiment jamais existé avant. C’est la raison pour laquelle les Afro-Vénézuéliens et les peuples autochtones soutiennent le gouvernement là-bas. Et bien sûr, il est logique é bien des égards que le gouvernement étasunien, qui opprime les autochtones et les afrodescendants, se soit rallié à l’élite blanche au Venezuela pour essayer de renverser le gouvernement.

 L’ex-ambassadeur des États-Unis au Venezuela l’a récemment admis avec d’autres mots, expliquant pourquoi une intervention militaire traditionnelle ne pouvait pas être pratiquée au Venezuela contrairement au cas de la Libye, pour au moins deux raisons : l’absence de forces rebelles prêtes à renverser le gouvernement et l’état de l’opinion publique, pas encore assez unanimement opposée à Maduro. Cette « stratégie de l’effondrement » peut-elle bénéficier à l’opposition vénézuélienne d’une manière ou d’une autre ou est-ce plutôt une impasse politique ?

Évidemment, le but est de détruire l’économie vénézuélienne et d’en accuser le gouvernement vénézuélien, dans l’espoir de renverser ce dernier et d’amener l’opposition au pouvoir. Mais même l’opposition et Juan Guaido, bien qu’ils aient soutenu cette stratégie, ont reconnu que si l’économie est détruite de façon irrémédiable – par des sanctions ou d’autres moyens – alors comment allaient-ils gouverner s’ils prennent le pouvoir ? Juan Guaido, par exemple, a demandé à Trump il y a quelques mois de lever les sanctions internationales qui empêchent le Venezuela d’obtenir de l’aide financière et des prêts. Il ne voulait pas voir l’économie frappée au point qu’il hérite d’un chaos s’il arrivait au pouvoir. Trump le lui a pourtant refusé.

Donc même l’opposition reconnaît que les dommages pourraient être trop graves et peut-être irréparables. En effet, nous voyons que les États-Unis imposent des sanctions si draconiennes sur ce pays qu’ils pourraient vraiment détruire l’économie d’une manière qui la rendrait presque impossible à réparer. Je ne pense pas que cette guerre économique parviendra à remplacer le gouvernement de Maduro, mais elle pourrait certainement détruire ce pays.

D’ailleurs, c’est l’objectif de rechange des États-Unis. Si on regarde les opérations américaines de changement de régime au fil des années, si les États-Unis sont incapables de renverser le gouvernement qu’ils veulent éliminer, ils accepteront, en guise d’alternative, de détruire le pays, tout simplement. Le Vietnam en est un bon exemple. Les États-Unis savaient à un moment donné qu’ils ne vaincraient pas les forces de libération nationale au Vietnam et ils ont donc simplement bombardé ce pays jusqu’à le faire revenir à l’âge de la pierre afin de ne rien lui laisser. Si nous regardons la Libye, la situation est similaire, au Venezuela et en Iran aussi. Les États-Unis se contenteraient de les détruire, ce qui est tout à fait choquant et obscène, et les gens devraient s’y opposer. Mais je pense que nous assistons à la mise en œuvre de cette stratégie.

Le gouvernement vénézuélien a nié qu’il y ait une « crise humanitaire ». Au contraire, l’opposition a utilisé ce concept à dessein, puisqu’il est lié à la norme onusienne de la « responsabilité de protéger », qui pourrait conduire à une intervention militaire. Dans quelle mesure les sanctions américaines affectent-elles le peuple vénézuélien ?

 Le Center for Economic Policy Research a publié récemment un rapport co-écrit par Jeffrey Sachs, un économiste très respecté de l’Université Columbia. Les auteurs ont conclu qu’au moins 40 000 Vénézuéliens ont été tués par les sanctions depuis août 2017, lorsque Trump a imposé une série de sanctions très draconiennes qui ont coupé le Venezuela des marchés financiers internationaux. Donc ils ont pratiquement incapables d’obtenir des choses comme des médicaments contre le HIV, du matériel de dialyse, des médicaments pour des chimiothérapies et de la nourriture. Ce rapport conclut qu’à cause de cela, 40 000 autres personnes, ou plus, mourront cette année. Donc les sanctions ont été très dévastatrices pour les gens ici, ce qui évidemment met en évidence le mensonge selon lequel c’est une opération humanitaire. Si vous vouliez vraiment une opération humanitaire, vous ne couperiez pas intentionnellement les gens de l’accès aux médicaments et à la nourriture.

Alors comment le gouvernement vénézuélien a-t-il fait face aux sanctions pour protéger les droits de son peuple ?

La réponse du gouvernement a été le programme CLAP, dans le cadre duquel il achète surtout des aliments produits localement puis les fournit à très bas prix à ceux qui en ont besoin. Pendant longtemps, il n’y fourni de la nourriture aux gens qu’une fois par mois, mais maintenant ils essaient de le faire tous les 15 jours pour être sûrs que les gens reçoivent de la nourriture. Le gouvernement essaie d’obtenir des médicaments sur les marchés de l’Est, comme la Chine, la Russie, l’Iran, parce qu’il ne peut pas les avoir de l’Ouest. Et de nouveau, de manière incroyable, les États-Unis veulent sanctionner le programme CLAP qui fournit de la nourriture aux gens. C’est donc une tentative évidente d’affamer la population. L’espoir des États-Unis est que les Vénézuéliens se mettent à crier pour appeler l’oncle (spécifiquement Oncle Sam) à l’aide et renversent le gouvernement. C’est une forme de terrorisme, claire et simple !

Quelques personnes ont dénoncé la manière dont le public occidental a été désinformé par la propagande en faveur d’un coup d’État pendant la première moitié de cette année. Pensez-vous que le débat sur les questions étrangères dans l’opinion publique américaine va évoluer, en particulier maintenant qu’un dialogue se met en place entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition ?

Je ne peux parler que de ce qui se passe aux États-Unis, et aux États-Unis la presse est très partiale dans sa couverture du Venezuela. Elle couvre à peine les négociations qui ont eu lieu entre le gouvernement et l’opposition. Lorsqu’il est devenu évident que Juan Guaido ne réussirait pas à renverser le gouvernement, la presse a seulement cessé de couvrir le Venezuela comme elle le faisait auparavant. Au lieu d’essayer de traiter la situation d’une manière honnête, et de reconsidérer si ce stratagème de soutien à Guaido était juste au départ, les médias ont passé à autre chose. Le fait est qu’il serait difficile pour la plupart des Américains de ressentir le besoin de réévaluer la situation parce qu’on ne leur donne aucune information ou aucune raison de repenser ce qui se passe là-bas.

 Dans les années 2000, vous avez eu une riche expérience dans la défense de syndicalistes colombiens – il y a un film documentaire qui en parle. Actuellement, nous apprenons quotidiennement les meurtres de dirigeants sociaux, mais il semble que cette question ne soit pas assez importante pour faire les grands titres…

C’est un autre point que je mentionne dans le livre : si on regarde la Colombie, qui est juste à côté du Venezuela, il y a un nombre record de dirigeants sociaux assassinés, y compris des syndicalistes. Cette année a été terrible pour eux, plus de 150 dirigeants de mouvements sociaux ont été tués l’an dernier, et ce nombre est vraiment en hausse. Il y a des déplacements massifs de populations. La Colombie a le plus grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur sur la terre, environ 8 millions. Et de manière disproportionnée, les déplacés sont des Afro-Colombiens et des autochtones. Donc il y a un bilan terrible en matière de droits de l’homme en Colombie, mais de nouveau, la presse n’en parle pas.

La presse chuchote à peine quelque chose à propos de la Colombie. Donc les gens ne comprennent pas ce qu’est la réalité de la Colombie, en particulier comparée à celle du Venezuela. L’autre chose dont les médias ne parlent pas est le fait que 5.8 millions de Colombiens vivent au Venezuela. Il y a eu une migration massive dans l’autre sens, de la Colombie au Venezuela, ce dont on n’a pas parlé. Du coup, les gens sont amenés à croire que le Venezuela est un pays particulièrement troublé dans la région alors que c’est loin de la vérité.

À votre avis, quelle est l’importance de ce pays pour les États-Unis et quelle est votre opinion sur l’avenir de l’accord de paix colombien ?

Le gouvernement n’a jamais respecté sérieusement l’accord de paix. Cent trente anciens combattants des FARC ont été assassinés. Le gouvernement n’a jamais arrêté les paramilitaires comme c’était demandé dans l’accord de paix. Donc cet accord est mort, c’est un fait. La Colombie est la tête de pont des États-Unis en Amérique du Sud. Les États-Unis opèrent depuis au moins sept bases militaires ici, leurs opérations de changement de régime pour le Venezuela sont en grande partie organisées depuis la Colombie. Certaines personnes disent que la Colombie est l’Israël de l’Amérique du Sud, le suppléant des États-Unis en Amérique du Sud. C’est pourquoi les États-Unis sont si protecteurs avec la Colombie et lui accordent tant d’aide militaire, parce que c’est de là qu’ils projettent leur puissance.

 

Traduit par Diane Gilliard pour Le Journal Notre Amérique

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Washington, 23 juillet – Le président des Etats-Unis, Donald Trump, a menacé mardi le Guatemala de taxer ses exportations et de lui imposer des frais sur les envois d’argent parce qu’il n’a pas accepté l’accord de « pays tiers sûr » qui l’obligerait à accueillir les migrants qui traversent son territoire. « Le Guatemala, qui a formé des caravanes et a envoyé aux Etats-Unis un grand nombre de personnes, certaines avec des antécédents criminels, a décidé de rompre le traité qu’il avait avec nous pour signer un Accord de pays tiers sûr nécessaire, » a écrit Trump sur Twitter.

« Nous sommes prêts. Maintenant, nous envisageons « l’interdiction », des droits de douanes, des frais sur les envois d’argent ou tout ce qui précède. Le Guatemala ne s’est pas bien comporté, » a-t-il ajouté.

Le président a rappelé qu’il y a 9 mois, « les grands dollars des contribuables étasuniens » destinés à l’aide au développement du Guatemala ont été supprimés.

Ces fonds ont été suspendus par son Gouvernement parce qu’il considère qu’ils n’ont pas atteint les résultats escomptés et n’ont pas été efficaces pour prévenir la migration illégale vers les Etats-Unis. Dans l’année fiscale 2018 qui s’est achevée le 30 septembre dernier, les Etats-Unis ont destiné quelques 149 000 000 de dollars au Guatemala pour améliorer les conditions qui provoquent la migration.

Trump, que a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un de ses chevaux de bataille, avait prévu de recevoir le 15 juillet à la Maison Blanche son homologue du Guatemala, Jimmy Morales, au moment où augmente l’arrivée en territoire étasunien de sans-papiers d’Amérique Centrale, la plupart guatémaltèques.

Mais Morales a annulé le rendez-vous après que la Cour Constitutionnelle (CC) ait décidé que tout accord pour convertir le Guatemala en « pays tiers sûr » pour les migrants qui demandent l’asile devra être approuvé d’abord par le Congrès.

« Nous avions un accord et ensuite (…) ils ont annoncé qu’ils ne pouvaient pas le signer parce qu’ils avaient une sentence de la Cour Suprême. En d’autres termes, ils ne voulaient pas le signer, » a réaffirmé Trump un peu plus tard, lors d’une rencontre avec des adolescents.

Le Gouvernement de Morales, dont le mandat s’achèvera en janvier, a nié le fait que le but de la réunion avec Trump ait été de signer cet accord bien que des fonctionnaires guatémaltèques aient reconnu l’existence de négociations avec les Etats-Unis.

Dans un message qu’elle a posté sur Twitter mardi, la chancelière guatémaltèque, Sandra Jovel, a rendu responsables des menaces de Trump ceux qui ont agi légalement pour empêcher Morales de concrétiser cet éventuel accord parmi lesquels un ex-candidat à la présidence, un groupe d’ex-chanceliers et le médiateur.

Les candidats au ballotage du 11 août Sandra Torres et Alejandro Giammattei ont critiqué cet accord car ils considèrent que le Guatemala n’est pas prêt à recevoir des migrants.

Le 15 juillet, jour où la visite de Morales a été annulée, le Gouvernement de Trump a annoncé une règle qui restreint l’accès à l’asile aux Etats-Unis pour es migrants qui arrivent du Mexique, ce qui en fait, implique que la plupart des Centraméricains devront chercher refuge au Guatemala ou au Mexique.

Cette mesure, qui est entrée en vigueur il y a une semaine, a déjà été l’objet de plaintes devant les tribunaux.

L’économie guatémaltèque dépend énormément de l’argent que ses émigrés envoient à leur famille, principalement des Etats-Unis. Selon le rapport de juillet de la Banque du Guatemala, les envois d’argent aux familles ont dépassé les 4 900 000 000 de dollars au premier semestre de cette année, 12% de plus qu’à la même période l’année dernière.

Les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial du Guatemala avec lequel il fait partie du Traité de Libre Commerce entre les Etats-Unis, l’Amérique Centrale et la République Dominicaine (CAFTA-DR) en vigueur depuis 2006.

Le commerce bilatéral a atteint quelques 11 365 000 000 de dollars en 2018 sur lesquels quelques 3 900 000 000 correspondent à des produits guatémaltèques, selon les données officielles du Guatemala.

Ce n’est pas la première fois que Trump menace de représailles économiques un pays sous prétexte qu’il ne freine pas l’immigration illégale vers les Etats-Unis. Fin mai, Trump a menacé d’imposer des droits de douanes progressifs de 5% à 25% aux importations du Mexique, son principal partenaire commercial.

Après d’intenses négociations, les 2 pays ont obtenu le 7 juin un accord encore sujet à l’évaluation des 90 jours. Selon ce qui a été négocié, le Gouvernement mexicain s’est engagé à prendre « des mesures sans précédent » pour arrêter les migrants, en particulier sur sa frontière avec le Guatemala. En échange, les Etats-Unis ont « suspendu indéfiniment » les taxes.

Le Gouvernement du Mexique a insisté depuis dans son refus de devenir « pays tiers sûr. »

Les Etats-Unis ont atteint un record de 144 000 immigrants sans papiers sur la frontière avec le Mexique en mai, un pic en 13 ans. En juin, le chiffre s’est situé à 104 000, une augmentation de 142% par rapport à l’année précédente.

La plupart sont des familles de ce qu’on appelle le Triangle d’Amérique Centrale (Guatemala, Honduras et Salvador) qui fuient la pauvreté et la violence dans leurs pays.

 Source en espagnol : la Jornada sin Fronteras

EEUU. Trump presiona a Guatemala para que sea «tercer país seguro», Resumen latinoamericanos, le 23 juillet 2019

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

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Ces derniers mois, l’Iran a soigneusement sélectionné ses mesures politiques et ses cibles militaires, tant dans le Golfe que sur la scène internationale. Son retrait partiel et graduel du Plan d’action global commun (PAGC), appelé communément l’accord sur le nucléaire iranien, suit un parcours prédéterminé. Son objectif clair est d’acculer le président des USA et ses alliés européens et il semble bien que l’Iran se dirige vers un retrait définitif de l’accord. De plus, malgré l’effet des sanctions des USA sur l’économie iranienne et malgré la détermination de l’Iran à rejeter l’hégémonie des USA, les responsables iraniens ont publiquement mis en veilleuse une offre russe consistant à soutenir ses ventes de pétrole.

En Iran, des sources confirment que « la Chine rejette les sanctions des USA et la Russie a offert de vendre un million de barils de pétrole iranien par jour et de remplacer le système financier européen par un autre au besoin. Mais pourquoi l’Iran rendrait-il la vie facile à ceux qui ont signé l’accord (l’Europe)? Si les pays européens sont divisés et qu’ils ne sont pas en position de respecter l’accord, pourquoi l’ont-ils signé initialement? L’Iran va se retirer graduellement, conformément aux dispositions de l’accord sur le nucléaire, jusqu’à son retrait définitif. L’Iran est en récession (Trump devrait être réélu, ce qui la prolongera), mais ne vit pas dans la pauvreté et est bien loin d’être un pays à genoux économiquement et politiquement ».

Malgré les dures sanctions étasuniennes, l’Iran envoie des signes inhabituels et paradoxaux, en minimisant l’effet de la crise économique et en montrant jusqu’à quel point les mesures de Trump sont inutiles : il a mis en veilleuse l’offre de la Russie visant à soulager son fardeau financier en vendant un million de barils de pétrole iranien par jour et en offrant ses services pour remplacer le système financier européen. La seule interprétation plausible est que l’Iran est déterminé à se retirer de l’accord sur le nucléaire sans s’attirer des sanctions mondiales, dans la mesure du possible. Parallèlement, ses actions militaires se poursuivent à un rythme calculé.

Aucun des objectifs militaires de ces derniers mois n’était dû au hasard ou à une réaction impulsive, à commencer par le sabotage d’al-Fujeira, suivi des attaques de drones contre des stations de pompage d’Aramco et du dommage infligé à un pétrolier japonais. La première action n’a pas été revendiquée officiellement par Iran. La deuxième a été revendiquée par les Houthis au Yémen. Rien n’est sorti officiellement de la troisième action contre le pétrolier japonais, dont les responsables sont toujours au large.

Cependant, l’Iran a annoncé publiquement avoir abattu le drone de surveillance des USA et sa capture d’un pétrolier britannique dans le golfe d’Oman, en le forçant à se rendre au port iranien de Bandar Abbas. Chacune des réactions des opposants de l’Iran a été envisagée et calculée par le Corps des gardiens de la Révolution iranienne et les attaques ont été parfaitement planifiées et exécutées. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’Iran n’a pas pris en considération un scénario de guerre possible au cours duquel des missiles risquent d’être lancés dans toutes les directions. L’Iran harcèle et se moque même des menaces de guerre de Trump et de Netanyahu, tout en marchant au bord du précipice.

La plupart des dirigeants iraniens répètent le même message clair : personne ne pourra exporter de pétrole si nous ne le pouvons pas. Il prévient aussi les pays voisins que toute tentative d’exporter leur pétrole en contournant le détroit d’Hormuz sera contrecarrée, d’où les attaques à al-Fujeirah (dans les Émirats) et contre Aramco (en Arabie saoudite). Ces deux pays pourraient éventuellement offrir la possibilité d’exporter le pétrole du Moyen-Orient sans passer par les détroits contrôlés par les Iraniens.

Lorsqu’il a abattu un drone sans pilote, l’Iran s’est gardé d’abattre un avion-espion étasunien avec 38 officiers à bord, ce qui a même amené le président des USA, qui s’est retrouvé dans l’embarras en raison de l’absence de réaction à ce drone abattu, à remercier l’Iran de ne pas avoir abattu l’avion-espion avec du personnel étasunien à bord. C’était une décision magistralement planifiée et les dirigeants du Corps des gardiens qui ont su garder la tête froide en ayant à faire des choix difficiles.

Trump peut justifier son incapacité à réagir par l’absence de victimes humaines, mais il était sûrement conscient du fait que toute friction militaire pourrait compromettre ses chances d’être réélu, un facteur soigneusement calculé par l’Iran. Une guerre limitée n’est pas une option offerte à Trump.

En outre, lorsque les Royal Marines britanniques ont atterri par hélicoptère sur le superpétrolier iranien « Grace 1 » pour le capturer (bien que l’Iran et la Syrie ne soient ni l’un ni l’autre membres de l’UE, un critère nécessaire à l’application et à légitimité des sanctions dans ce cas-ci), l’Iran a donné la chance à l’envoyé français Emmanuel Bonne de trouver une sortie de crise. Mais lorsque le R.-U. a décidé de garder le « Grace 1 » pour un autre mois, les forces spéciales du Corps des gardiens ont capturé le pétrolier britannique « Stena Impero » quelques heures plus tard (en adoptant exactement la même tactique d’abordage), à un moment où le gouvernement britannique est à son plus faible et que sa première ministre est sur son départ. Là encore, il s’agissait d’un risque minutieusement planifié et bien calculé.

Les USA ont poussé le R.-U. à se commettre contre l’Iran, en se contentant d’observer l’humiliation infligée à l’ancien « Empire britannique » qui dominait indirectement l’Iran à l’ère du chah avant l’arrivée au pouvoir de l’imam Khomeini en 1979.

L’Iran a capturé le pétrolier du R.-U. dans le golfe d’Oman sous un prétexte fallacieux, comme celui des Britanniques lorsqu’ils ont capturé le « Grace 1 » à Gibraltar. L’Iran dit aux Britanniques qu’il n’y a pas eu d’affrontement militaire et qu’aucune perte humaine n’a été rapportée jusqu’à maintenant, même si le Moyen-Orient est au beau milieu d’une situation de guerre en raison de la guerre économique livrée par les USA contre l’Iran.

Jusqu’à maintenant, aucune victime n’a été rapportée, malgré des événements majeurs d’une portée massive comprenant plusieurs opérations de sabotage, la perte d’un drone étasunien ultra perfectionné et coûteux, la capture de deux pétroliers et un avertissement à un avion-espion étasunien qui n’a échappé que d’un cheveu à un tir de missile iranien.

Le guide iranien Sayyed Ali Khamenei a ordonné au Corps des gardiens de poursuivre la mise au point du programme de missiles en y injectant des milliards de dollars. Il a critiqué le président Hassan Rouhani et le ministre des Affaires étrangères Jawad Zarif pour avoir entraîné le pays dans un accord avec les USA et l’UE, qui sont des partenaires et à qui on ne peut faire confiance. Par conséquent, la seule porte de sortie semble être la direction prise par l’Iran, d’autant plus que l’Europe demeure divisée. Le R.-U. est sur le point de choisir un dirigeant de la trempe de Trump, Boris Johnson,  qui est d’ailleurs le candidat favori du président des USA. Le R.-U. est dans une situation critique, car une « sortie sans accord » de l’Union européenne affaiblira le pays et l’isolera, et ce n’est sûrement pas Trump qui se donnera la peine de le sauver.

L’Iran fait dorénavant étalage de sa politique : c’est œil pour œil, dent pour dent. L’Iran est prêt à aller en guerre, tout comme les USA se préparent au pire du pire », comme l’a dit Trump. Les USA augmentent leur capacité militaire en rouvrant leur base aérienne en Arabie saoudite (base du désert Prince Sultan), celle-là même que les USA avaient utilisée dans leur guerre contre Saddam Hussein en 1990. Iran s’investit activement auprès de ses alliés, les groupes palestiniens,  le Hezbollah libanais, divers groupes irakiens et ses alliés yéménites, afin de leur fournir suffisamment de missiles pour tenir une longue guerre au besoin, mais sans la provoquer ouvertement.

L’Iran poursuivra sa guerre de l’ombre en continuant de harceler les pays occidentaux, sans égards aux pays arabes, pour ne pas que sa guerre prenne un virage sectaire. Les habitants du Moyen-Orient surveillent ces querelles dangereuses et voient bien que l’Iran a le doigt sur la gâchette. Il la tient d’ailleurs fermement et n’hésitera pas à tirer quand le moment sera venu, peu importe qui sera son ou ses opposants.

Les USA devront probablement attendre et réfléchir sérieusement à leur prochain coup, plus particulièrement la formation d’une coalition pour assurer la sécurité maritime, qui patrouillerait dans le Golfe et protégerait les navires pendant les six heures requises pour transiter par le détroit d’Hormuz. Plus la présence militaire occidentale si près de l’Iran sera grande, plus la banque d’objectifs et de cibles du Corps des gardiens s’enrichira. En cas de guerre, il sera ainsi plus facile pour Téhéran de choisir ses cibles, sans avoir à lancer de missiles à longue portée contre des bases US établies au Moyen-Orient ou d’autres cibles à distance.

Washington n’ira pas en guerre si le résultat n’est pas clair à ses yeux. En ce qui concerne l’Iran, aucun résultat n’est prévisible avec certitude. L’Iran est conscient de cette faiblesse des USA et l’exploite. Il montre que l’Occident, malgré tous ses gros muscles, est fragile et même vulnérable.

Elijah J. Magnier

 

Traduction de l’anglais : Daniel G.

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Les Balkans subissent un remodelage géopolitique

juillet 24th, 2019 by Andrew Korybko

M. Andrew Korybko, merci de votre disponibilité. Avant tout, pouvez-vous commencer par vous présenter à nos lecteurs italiens?

Je suis un analyste politique américain, vivant à Moscou ; j’habite et travaille en Russie depuis 6 ans. Je suis né et j’ai grandi à Cleveland, dans l’Ohio, et je suis diplômé de l’Université d’État de l’Ohio depuis 2010 en trois spécialités : Relations internationales, recherches internationales (Europe de l’Est), et langue russe. Après cela, je me suis rendu à Moscou où j’ai obtenu mon Master en Relations internationales auprès de l’Institut d’État des Relations Internationales de Moscou (Moscow State Institute of International Relations – MGIMO). J’ai suivi de près les événements internationaux au cours des cinq années écoulées, et je publie régulièrement des analyses des derniers événements qui se produisent dans le monde. J’ai en outre publié en 2015 mon premier livre, « Guerre Hybride : La stratégie indirecte et évolutive pour pousser aux renversements de régimes », et je me prépare à en publier un second, dont je ne serai pas le seul auteur, cet été, sur la géostratégie et la gestion de la perception du Pakistan au XXIème siècle.

Que représentent le changement de nom de la Macédoine, ainsi que la victoire du SDSM, pour la Macédoine du Nord, et, plus généralement, pour les Balkans?

La République de Macédoine – qui fut par le passé le nom officiel du pays, et dont on peut affirmer qu’elle l’est toujours légalement, puisque son nom a été modifié par des moyens illégaux suite à l’échec du référendum à ce sujet de satisfaire au seuil constitutionnel – est depuis quelques années victime d’une opération de changement de régime continue, qui vise à bloquer l’influence multipolaire dans les Balkans et à remodeler géopolitiquement la région. L’oléoduc TurkStream russe aurait en théorie pu être tracé en parallèle du projet de voie ferrée à grande vitesse des Routes de la Soie balkaniques, entre Budapest et le Pirée, si le premier ministre Gruevski était resté en fonction et que la guerre hybride contre la Macédoine n’avait jamais eu lieu ; c’est précisément du fait de l’immense impact stratégique que ces projets auraient eu sur la géopolitique européenne, et conséquemment sur la course de la Nouvelle guerre froide, que ladite campagne de déstabilisation a été lancée. Par ailleurs, la composition démographique de la Macédoine fait d’elle un terrain mature pour déclencher une déstabilisation depuis l’extérieur, et une cible de premier choix pour le projet de soi-disant « Grande Albanie », qui en l’occurrence rayerait la Macédoine de la carte et déclencherait une réaction en chaîne de changements géopolitiques dans la région, comme en Serbie et en Bosnie.

Le « changement de nom » récent ainsi que la victoire du SDSM [Union sociale-démocrate de Macédoine, NdT] représentent la réussite des objectifs les plus immédiats de l’opération de changement de régime, mais le projet des USA pour la Macédoine est loin d’être achevé. Le résultat final, dans la vision des stratèges étasuniens, est de « décentraliser » le pays en une suite de « cantons » albanais et macédoniens, avant de constituer une « fédéralisation » et enfin une partition, après laquelle l’État croupion restera géopolitiquement inapte, ou se verra annexé par la Bulgarie voisine. Les USA veulent récompenser leur État client albanais pour ses années de bons et loyaux services, et déclencher d’autres changements régionaux en Serbie et en Bosnie vis à vis du Kosovo et de la République serbe de Bosnie, et tous ces changement affaibliraient l’Europe et implanteraient plus profondément l’influence étasunienne, au travers de la tactique classique du diviser pour mieux régner. En outre, la Macédoine constitue un terrain de test pour perfectionner les technologies politiques qui seront appliquées ailleurs, comme l’application des toutes dernières techniques de Révolution de Couleur, et du « fédéralisme identitaire » (la « bosnification » des États multi-identitaires) : pour cette raison, l’étude des événements de cette région est particulièrement importante aux yeux des gens qui s’intéressent à ces processus de guerre hybride, car les mêmes techniques seront réutilisées sur d’autres théâtres mondiaux.

La Macédoine du Nord, pays qui est finalement petit et profondément divisé, peut sembler insignifiant dans l’équilibre du pouvoir sur la région des Balkans. À y regarder de plus près, les choses sont pourtant différentes. Quel sont le rôle et l’importance géopolitique de la République serbe de Bosnie sur l’échiquier des Balkans?

La Macédoine constitue un État pivot sur de nombreux plans. Sa situation géographique lui accorde un rôle de transit irremplaçable sur la Route de la Soie des Balkans projetée par la Chine, et sa démographie la rend exceptionnellement vulnérable à un conflit identitaire déclenché de l’extérieur, du type de celui que j’ai décrit dans mon réponse précédente. Ce qui va arriver en Macédoine va impacter le reste des Balkans, et par conséquent, l’Europe dans son ensemble, ce qui va porter à conséquences sur d’autres processus dans l’un des théâtres les plus importants de la Nouvelle guerre froide. Si les USA resserrent leur contrôle sur les Balkans, ils peuvent conserver le contrôle sur d’autres grandes puissances, telles que la Russie, l’Allemagne et la Turquie, par leur rôle dans cet espace pivot. Mais ils doivent également prendre garde à ne pas aller trop loin : générer un chaos incontrôlable pourrait leur faire subir des retours de flamme, et amener à des conséquences non voulues qui pourraient abîmer leurs intérêts.

Matthew Palmer, adjoint à l’assistant du secrétaire d’État des USA, dit que Belgrade et Pristina devaient s’inspirer de la Macédoine du Nord pour résoudre le problème du Kosovo. Pensez-vous que Belgrade sera poussée à agir dans cette direction dans un avenir proche?

Cette affirmation montrait clairement que les USA s’intéressent au remodelage géopolitique des Balkans, et veulent utiliser leur réussite en Macédoine comme précédent pour poursuivre le processus dans un futur proche. La « question du Kosovo » est complexe, car Vucic veut sincèrement parvenir à un accord pour satisfaire à ses parrains occidentaux, mais subit une pression intérieure importante pour ne pas le faire. Il a donc hésité à réaliser cette action décisive (et, il faut le dire, inconstitutionnelle). Il ne fait aucun doute que c’est dans cette direction que tout est orienté, mais on revient en fin de compte à une affaire de calendrier.

Vous dites : « Il ne fait aucun doute que c’est dans cette direction on que tout est orienté, mais on revient en fin de compte à une affaire de calendrier ». Pensez-vous que le destin du Kosovo soit déjà écrit et qu’il ne s’agit que d’une affaire de temps et d’opportunité pour que l’épée de Damoclès tombe sur la tête des peuples de Belgrade et de Serbie?

Malheureusement, oui, tout comme je pense que ce n’est qu’affaire de temps avant que la même chose se produise pour le peuple du Donbass. Sur ce second conflit, il est révélateur que Moscou ait facilité récemment l’acquisition de la citoyenneté russe aux habitants de cette région. Cette décision n’a pas été prise pour donner au pays un prétexte légal d’intervenir de manière conventionnelle (si elle avait voulu le faire au cours des cinq dernières années, elle aurait pu sauter sur n’importe quel prétexte), mais de donner aux gens une porte de sortie s’ils craignent les conséquences de la « réintégration » avec l’Ukraine, dans le cadre d’une « nouvelle Détente » convenue entre Moscou et Washington. Si la Russie semble s’être résignée à accepter ce que de nombreux observateurs décriraient comme une défaite stratégique dans le Donbass, il est difficile d’imaginer que la Serbie pourrait remporter une victoire stratégique au Kosovo, surtout avec le camp Bondsteel [une base militaire de l’OTAN, NdT] implanté là bas. Même si aucune reconnaissance formelle de sa soi-disant « indépendance » n’est accordée par Belgrade, le fait restera que la Serbie est incapable de libérer militairement le berceau historique de sa civilisation, et que la région restera sans doute occupée pour une durée indéterminée.

Il est évident qu’aux Balkans, on voit comme principaux acteurs États-Unis, l’Europe (quoique de manière plus limitée), la Russie, la Chine, la Turquie, et également l’Albanie (revigorée par son activisme en politique étrangère) se prêter à un grande lutte de pouvoir. Quels sont les différents intérêts de ces acteurs internationaux dans la région?

Les USA veulent bloquer l’expansion de l’influence russe et chinoise dans les Balkans, et l’Europe veut poursuivre l’intégration de la région dans le bloc. La Chine voit les Balkans comme une porte dérobée vers le marché européen, et la Russie considère surtout la région de par son rôle de transit pour faciliter ses exportations énergétiques vers les grands pays d’Europe de l’Ouest. La Turquie veut renforcer ses liens avec la minorité musulmane, et l’Albanie veut faire progresser sa grande vision stratégique vers une soi-disant « Grande Albanie ». Les objectifs des USA et de l’UE se recoupent, tout comme ceux de la Russie et de la Chine. Certains observateurs soupçonnent que la Turquie est favorable à la « Grande Albanie », mais on peut leur objecter que son intérêt pour ce projet s’est refroidi ces toutes dernières années, après qu’il fût révélé que le pays hébergeait des membres du mouvement Gülen, considérés par Ankara comme des menaces à sa sécurité nationale. Mais les USA sont absolument favorables à une « Grande Albanie » et œuvrent activement à en faire une réalité.

Quelles sont les plus grandes erreurs commises, ou susceptibles d’être commises par ces acteurs dans leurs approches des pays des Balkans?

Les USA s’appuient trop sur la force brute et les manipulations de coulisses, et l’UE est hypocrite : ses plaidoyers pour la « démocratie » ne ressemblent pas du tout à ce qu’elle implémente. La Chine a une approche orientée vers l’économie, mais comprend mal l’importance du soft power, et la Russie utilise trop le soft power sans bien comprendre l’importance des relations économiques concrètes avec ses partenaires, au delà de la sphère énergétique. On avait coutume de voir la Turquie comme inclinée vers la minorité musulmane de la région, mais elle a déjoué cette vision récemment, en concluant des accords mutuellement bénéfiques avec la Serbie et d’autres pays. L’Albanie, pour ce qui la concerne, fait peur à la région à cause de la mémoire restée vivace des nombreux actes terroristes commis par ceux qui luttaient au nom d’une « Grande Albanie »au Kosovo.

À la lumière des différents intérêts divergents et conflictuels en présence, le grand jeu dans les Balkans ne peut constituer qu’un jeu à somme nulle. Qui pensez-vous voir émerger victorieux?

Les deux joueurs importants autour de cette table sont les USA et la Chine. L’UE et l’Albanie constituent des alliés des USA, et la Russie est en partenariat avec la Chine. La Turquie tient lieu de joker dans ce jeu, mais n’est pas en mesure de peser de manière décisive sur les événements régionaux. L’inertie géopolitique pèse en faveur des intérêts étasuniens après les événements récents en Macédoine, et la résolution probable de la « question du Kosovo » en faveur des séparatistes albanais. Mais ces développements pourraient ne pas avoir d’effet notable quant à bloquer la diffusion de l’influence économique de la Chine dans la région. Le scénario le plus probable est celui qui verrait les Balkans remodelés géopolitiquement, selon le modèle ethno-centrique établi par Timothy Less, tout en se rapprochant économiquement de la Chine (chose contre-intuitive) malgré un accroissement probable de l’influence militaire étasunienne en parallèle.

M. Korybko, vos analyses géopolitiques sont basées sur une vision multipolaire du monde. Pouvez-vous expliquer aux lecteurs italiens quels sont les idées sous-jacentes à vos théories. Dans vos articles, vous parlez fréquemment de guerre hybride.

Je développe ce sujet dans mon article de 2017 sur la géopolitique du nouvel ordre mondial multipolaire du XXIe siècle, mais en bref, je crois que l’ère de l’unipolarité touche à sa fin, et que le monopole étasunien sur le pouvoir et l’influence est en train de se voir remplacé par un système moins centralisé, qui n’est pas encore complètement formé, mais dont les figures de proue sont la Russie et la Chine. C’est ce processus que les USA essaient de perturber, de contrôler, et/ou d’influencer, et c’est pour cela qu’ils fomentent des Guerres Hybrides en divers points du monde. Ces guerres hybrides sont des conflits identitaires provoqués de l’extérieur, qui visent à réaliser des ajustements de régime (concessions politiques), des changements de régime, ou une réinitialisation de régime (une réforme constitutionnelle du type de la « bosnification »sur un mode diviser pour régner). On trouve également d’autres composantes à la guerre hybride, ainsi que des manipulations informationnelles et économiques auxquelles les USA ont coutume de recourir, mais ma théorie est surtout centrée sur les tactiques mentionnées ci-dessus, ainsi que leur rôle dans le modelage de l’ordre mondial multipolaire en émergence.

Dans les Balkans, deux visions opposées de l’organisation du monde s’affrontent : une est unipolaire, et l’autre multipolaire. Quels sont les scénarios possibles dans cette matière si importante pour les enjeux internationaux de l’avenir? Quel est le meilleur scénario, et quel est le pire ?

En théorie, le meilleur scénario serait que les pays des Balkans se rassemblent et essayent d’arracher leur indépendance collective, mais c’est très improbable pour les raison évidentes ayant trait à des animosités historiques et l’existence d’États clients des USA. Le pire des scénarios serait que la région s’enfonce à nouveau dans une guerre en résultante du remodelage géopolitique étasunien, mais ce scénario est également peu probable, car les USA semblent garder la situation sous contrôle, au moins pour l’instant. Donc, la sortie la plus probable sera que des changements géopolitiques graduels vont se produire, mais que la région toujours plus divisée se rapproche économiquement de la Chine. Les Balkans pourraient également tomber sous l’influence de l’« Initiative des Trois Mers », menée par la Pologne, qui fonctionne comme un mandataire des USA en mode « diriger depuis l’arrière » dans l’espace centre et Est-européen.

Pourquoi les Balkans restent-ils si importants ?

Les Balkans ont toujours été importants, de par leur situation au croisement des chemins allemands, russes, turcs, et italiens, et tel sera toujours le cas.

L’un de vos articles – récemment publié pour Global Research – a pour titre : « La reconnaissance par la Russie de la Macédoine du Nord s’inscrit dans le projet des ‘nouveaux Balkans’ ». Pouvez-vous en dire plus sur ces « nouveaux Balkans », et sur le changement de paradigme de la Russie quant aux Balkans?

Le projet de « Nouveaux Balkans » fait référence à la vision de Timothy Less, qui veut « balkaniser » les Balkans suivant les lignes ethniques, chose que les stratèges russes semblent désormais résignés à considérer comme inévitable ; on le voit à leur passivité quant à la reconnaissance de la « Macédoine du Nord ». C’est un sens très semblable à ce que réalise la Russie au Moyen-Orient vis à vis du « Plan  Yinon«  d’« Israël » ; Moscou a compris qu’il vaut mieux faciliter passivement certains processus jusqu’à un certain degré, en espérant pouvoir les guider dans la direction des intérêts du pays. Cela ne signifie pas forcément que la Russie estime qu’il s’agit du meilleur projet pour chaque région, mais seulement qu’elle connaît ses propres limites et accepte qu’il serait bien trop coûteux de vouloir changer les choses. Par exemple, on voit la Russie travailler main dans la main avec les kurdes, malgré le fait qu’ils figurent parmi les principaux acteurs du « Plan Yinon », et elle travaille également avec les USA pour résoudre la « Question du Kosovo » d’une manière qui bénéficiera très probablement aux intérêts albanais ; dans les deux cas, elle estime qu’elle ne peut sur le fond rien y changer, et qu’elle devrait donc en tirer le meilleur parti, de manière aussi peu coûteuse que possible.

Un nouvel acteur est apparu dans les Balkans, en plus des USA et de la Fédération de Russie, mais il semble jouer en suivant une logique différente des premiers : il s’agit de la République Populaire de Chine. Comment Pékin peut-elle influencer l’avenir de cette région turbulente, passerelle entre l’Europe et l’Asie ?

La Chine considère les Balkans comme une porte dérobée menant aux grand marché européen, et répond aux besoins des peuples de la région par ses projets d’infrastructure : c’est pour cela qu’elle a aussi bien réussi son implantation là bas ces dernières années. Ses intentions ne sont qu’économiques, aucunement politiques, ce qui lui permet de passer au travers des processus géopolitiques qui se déroulent dans la région. Le modus operandi de la Chine est de nouer des partenariats avec des membres clés des administrations militaires, de renseignements, et diplomatiques (les « États profonds »), avec les élites économiques et politiques, en les laissant absolument libres de poursuivre leurs propres intérêts sans considération de leurs liens avec les USA ; cela les rend très réceptifs aux offres de Pékin. L’impact à long terme de ce processus, si il se poursuit – et c’est pour cela que les USA s’en préoccupent – est que la Chine pourrait un beau jour décider d’utiliser son influence économique à des fins politiques, et vienne défier le rôle de Washington dans ce coin stratégique de l’Europe, et donc sur l’ensemble du continent.

Et l’Europe? Par le passé, Bruxelles a laissé passer nombre d’opportunités dans les Balkans, et à présent l’UE apparaît comme incapable de développer une ligne de politique étrangères commune et autonome. Pourtant, l’Europe aurait beaucoup à gagner d’une situation stable et pacifique de la région.

L’UE est un projet économique et idéologique mené par une bande de bureaucrates non élus, souvent aveugles aux réalités géopolitiques concrètes de la région, et par conséquent incapables d’y saisir certaines opportunités. Au lieu de cela, menée par les désirs interconnectés de « libéraliser » ces sociétés au sens socio-économique, avant de les incorporer dans le bloc comme des États vassaux, elle offense régulièrement les peuples de la région de par ses tendances dictatoriales, ce qui explique la forte montée du scepticisme à son égard. En outre, l’UE ne constitue pas un acteur indépendant, et elle fonctionne en général de concert avec les USA, chose que nul n’a manqué de remarquer.

Des tensions dans les Balkans et des émeutes en Afrique du Nord. L’Italie semble dormir dans l’œil du cyclone. Quel rôle Rome peut-elle jouer dans les Balkans et dans un monde multipolaire ?

L’Italie est mieux positionnée pour jouer un rôle déterminant dans le contrôle de l’immigration illégale en provenance d’Afrique que pour influencer les processus géopolitiques sus-mentionnés dans les Balkans. Le mieux qu’elle puisse espérer est d’étendre son influence économique dans la région, et d’y devenir un acteur qui compte, pour un jour peut-être pouvoir rivaliser avec les autres grandes puissances qu’y sont l’Allemagne, la Russie, la Chine et la Turquie, mais ce scénario reste lointain. Quant à la multipolarité en général, la situation de l’Italie à la croisée des chemins afro-européens fait qu’elle a un rôle à jouer dans la connexion entre ces deux régions. Cela prendre sans doute la forme de constituer une avant-garde pour l’UE vis à vis du continent africain, et en particulier de la côte nord-africaine.

 

Article original en italien : revue Eurasia

Traduit par Vincent, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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Sur fond de tensions qui s’accentuent rapidement, le gouvernement iranien a annoncé lundi qu’il avait arrêté 17 ressortissants iraniens travaillant dans des installations militaires et nucléaires, accusés d’être des agents de renseignement américains.

Selon le Iranian Students News Agency, le service de contre-espionnage du ministère du renseignement a déclaré que certains des agents présumés avaient déjà été condamnés à mort, tandis que d’autres soutiendraient les efforts iraniens pour recueillir des informations sur les activités des États-Unis. L’Iran a déclaré que ceux qui étaient censés être des espions de la CIA étaient employés dans des «centres sensibles» d’installations militaires et nucléaires et avaient été arrêtés au cours d’une période de 12 mois jusqu’en mars de cette année.

Téhéran a affirmé que ces personnes avaient reçu une «formation sophistiquée» et avaient obtenu la promesse de visas américains ou d’emplois aux États-Unis.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a qualifié les affirmations iraniennes de «totalement fausses», tandis que le secrétaire d’État et ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo, a déclaré que «le régime iranien ment depuis longtemps». Il a toutefois admis qu’il existait «une longue liste d’Américains que nous cherchons à rapatrier chez nous de la République islamique d’Iran.»

Les arrestations interviennent après des semaines d’escalade de tensions. Fin juin, le gouvernement Trump était à 10 minutes d’une attaque militaire potentiellement catastrophique contre l’Iran, susceptible de déclencher un conflit régional sans précédent et d’y entraîner les principales puissances mondiales d’après leur parti pris respectif.

Dans les semaines qui ont suivi, le gouvernement américain s’est efforcé d’accroître la pression sur l’Iran. Au cours du week-end, l’arraisonnement par l’Iran du pétrolier Stena Impero, battant pavillon britannique, lors de sa traversée du détroit d’Ormuz, a servi de prétexte à de nouvelles provocations navales et aériennes.

Le Stena Impero a été arraisonné en représailles de l’arraisonnement du pétrolier géant Grace 1 sous pavillon iranien par les Royal Marines britanniques le 4 juillet, au large de Gibraltar, dans un acte de piraterie injustifié.

Marquant une phase nouvelle et dangereuse de la campagne américaine de gangstérisme débridé contre l’Iran, poussant la région au bord de la guerre, la crise du Stena Impero enflamme déjà des divisions profondes au sein des cercles dirigeants britanniques.

Le gouvernement conservateur défend l’accord nucléaire de l’Iran de 2015, que le gouvernement américain a abrogé. A l’instar de l’UE, les entreprises britanniques détiennent des intérêts substantiels en Iran. Mais l’impérialisme britannique s’appuie sur l’influence et soutien militaire des États-Unis depuis des décennies pour jouer dans la cour des grands.

Le ministre des affaires étrangères Jeremy Hunt a fait une déclaration à la Chambre des communes à l’issue d’une réunion du comité d’urgence Cobra du gouvernement présidé hier par la Première ministre sortant Theresa May.

Hunt a décrit l’action de l’Iran comme «un acte de piraterie d’État» et une «atteinte flagrante au principe de la libre navigation sur laquelle repose l’économie mondiale».

Il a déclaré qu’il s’était entretenu avec les ministres des affaires étrangères des États-Unis, d’Oman, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Finlande et du Danemark et qu’il «chercherait maintenant à mettre sur pied une mission de protection maritime dirigée par l’Europe visant à garantir la sécurité du passage des équipages et des marchandises dans cette région vitale.»

Hunt a décrit cette force dominée par l’UE comme un complément aux propositions américaines dans la région, mais a clairement précisé: «Elle ne fera pas partie de la politique de pression maximale des États-Unis sur l’Iran, car nous restons déterminés à préserver l’accord nucléaire iranien.»

La position de Hunt a été immédiatement approuvée par le ministre fantôme du Parti travailliste à la défense, Fabian Hamilton, qui a déclaré: « Les actions de l’Iran au cours des dernières semaines dans le détroit d’Ormuz ont été absolument inacceptables et doivent être condamnées de toutes parts.»

Toutefois, il fallait qu’un conflit militaire soit évité avec l’Iran, a-t-il déclaré, exprimant les préoccupations de larges pans de l’État britannique sur l’imprudence des actions américaines dans le Golfe. «L’escalade est inévitable depuis que les États-Unis ont renoncé à l’accord sur le nucléaire iranien et réimposé les sanctions […] à tout pays ou entreprise qui continue de traiter avec l’Iran.»

Hamilton a demandé savoir si la saisie par le Royaume-Uni du pétrolier iranien Grace 1 au large de Gibraltar le 4 juillet avait été effectuée à la demande des États-Unis. « Nous savons, d’après le journal espagnol El País, que les États-Unis ont dit au gouvernement de Madrid 48 heures à l’avance que Grace 1 se dirigeait vers la péninsule ibérique, ce qui pourrait également expliquer pourquoi, 36 heures à l’avance, le gouvernement de Gibraltar a adopté une nouvelle loi pour consolider le fondement juridique des arraisonnements se déroulant dans leurs eaux territoriales.»

Hunt a refusé de donner une réponse catégorique à la question de Hamilton.

Hamilton a demandé à Hunt comment le gouvernement entendait «remettre l’accord nucléaire sur les rails» et «persuader le gouvernement Trump d’abandonner ses sanctions contre l’Iran» avant «que nous n’atteignions le point de non-retour».

Pour dire les choses sans ménagement, Richard Burgon, secrétaire fantôme du Parti travailliste à la justice, a tweeté ce week-end: «Une guerre contre l’Iran pourrait être encore plus préjudiciable et déstabilisante que la guerre contre l’Irak. Nous devons éviter d’être les acolytes de Donald Trump et [le conseiller à la sécurité nationale américaine et faucon anti-iranien] John Bolton et poursuivre plutôt le chemin de la diplomatie.»

L’ancien secrétaire aux affaires étrangères Boris Johnson, opposant à Hunt pour le poste de chef du parti conservateur, a noué des liens étroits avec Trump depuis le vote du référendum de 2016 en faveur de la sortie de l’Union européenne.

Alors qu’une partie des partisans de Johnson a exigé qu’il adopte une position plus ferme contre l’Iran que celle qui a été préconisée par May, Johnson a jusqu’ici exclu un soutien à toute frappe militaire américaine contre Téhéran.

Cependant, Johnson le partisan du Brexit et l’ancien dirigeant conservateur Iain Duncan Smith ont accusé le gouvernement de Theresa May au weekend de ne pas être prêt à mettre ses menaces à exécution après la capture de Grace 1. «Je comprends […] de sources fiables que Washington avait proposé au gouvernement britannique, même dans le cas où ils ne seraient pas vraiment d’accord avec une telle position, d’utiliser les dispositifs américains pour soutenir les navires britanniques, une proposition restée sans réponse.»

Pompeo a été interrogé lundi sur la capture du Stena Impero par l’Iran et a répondu: «La responsabilité première incombe au Royaume-Uni de prendre soin de ses navires.» Il a ajouté: «Les États-Unis doivent assumer leurs responsabilités mais le monde a également un rôle important à jouer dans le maintien du libre passage de ces voies maritimes.»

Pompeo n’a pas manqué une occasion de continuer à menacer l’Iran, le qualifiant de «mauvais régime» qui a «mené ce que l’on appelle une piraterie nationale, un État-nation s’emparant d’un navire qui navigue dans les eaux internationales […] Nous ne voulons pas de guerre avec l’Iran. Nous voulons qu’ils se comportent comme une nation normale. Je pense qu’ils comprennent cela et je pense que le monde entier est en train de prendre conscience du fait que cette menace est réelle.»

Rien de tout cela n’empêche que les événements pourraient dégénérer en une guerre, avec un certain nombre de personnalités politiques et militaires influentes notant ce week-end – comme l’a fait l’ amiral britannique Lord West – que, «malgré ce que pensent certains, si une guerre devait commencer, il n’y a aucune chance que le Royaume-Uni puisse éviter d’être pleinement impliqué aux côtés des États-Unis.»

Steve James et Robert Stevens

 

Article paru en anglais, WSWS, le 23 juillet 2019

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Par Elijah J. Magnier, 22 juillet 2019

Le Moyen-Orient s’approche d’un niveau d’alerte maximale à la suite du « maximum de pression » imposé à l’Iran par le président Donald Trump qui, il y a un peu plus d’un an, s’est retiré unilatéralement et illégalement du Plan d’action global commun (PAGC), connu aussi sous le nom d’accord sur le nucléaire iranien, en plus d’imposer de dures sanctions contre l’Iran et que Téhéran considère comme une déclaration de guerre économique. Ces gestes de Trump à l’encontre de l’Iran provoquent une tourmente…

 

L’art de la guerre. En Ukraine un vivier OTAN de néonazis

Par Manlio Dinucci, 23 juillet 2019

Les enquêtes se poursuivent sur les arsenaux modernes découverts en Piémont, Lombardie et Toscane, de véritable matrice néonazie comme le montrent les croix gammées et les citations de Hitler trouvées avec les armes. Mais pas de réponse par contre à la question : s’agit-il de quelque nostalgique du nazisme, collectionneur d’armes, ou bien sommes-nous devant quelque chose de bien plus dangereux ?

 

La Chine doit éviter de jouer un rôle dans la destruction de l’Amazonie

Par Pepe Escobar, 23 juillet 2019

Pékin pourrait être ternie à jamais si elle fait de « sales affaires » avec le gouvernement Bolsonaro au Brésil. La Chine est le premier partenaire commercial de l’Amérique du Sud. Ensemble, les banques stratégiques de la Chine – la Banque de Développement de Chine et la Banque d’Import-Export de Chine – sont la principale source de financement du développement pour l’ensemble de l’Amérique Latine. Au cours des dernières décennies, le gouvernement brésilien, des entreprises nationales de premier plan et des multinationales…

 

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Les tensions continuent de monter en raison de l’impasse dans laquelle se trouve l’Iran au sujet de l’arraisonnement d’un pétrolier britannique dans le détroit d’Ormuz vendredi dernier, ce qui risque de provoquer un conflit militaire catastrophique au Proche-Orient.

Le Stena Impero, un navire suédois battant pavillon britannique, a été arraisonné par les Gardiens de la révolution iraniens pour ce qu’ils ont qualifié de violation des règles et règlements maritimes internationaux.

Le gouvernement conservateur britannique en crise, qui a commis un acte de piraterie en arraisonnant un pétrolier iranien au large de Gibraltar et le retient toujours après près de trois semaines, a répondu par une série de menaces contre l’Iran et une mise en garde contre les «graves conséquences». Le Conseil de sécurité d’urgence Cobra a tenu plusieurs réunions au cours desquelles il a été convenu de renforcer la présence militaire de la Grande-Bretagne dans la région, notamment dans le détroit d’Ormuz, une voie maritime de 34 kilomètres de large par où passent un cinquième du pétrole mondial et un tiers du gaz naturel liquéfié du monde.

Dimanche, le ministre britannique de la défense Tobias Ellwood a déclaré que la Grande-Bretagne envisageait une «série d’options», y compris le gel de tous les avoirs de l’Iran, si le pétrolier n’était pas libéré.

Il est déjà convenu, selon les reportages du Sun, qu’un «sous-marin nucléaire britannique de classe Astute, qui serait déjà en mer, devrait se diriger vers la région d’ici quelques jours.»
Le Sun a rapporté que «[l]es Royal Marines […] seraient autorisés à utiliser des mitrailleuses de gros calibre, des snipers et des missiles antichars légers pour dissuader les forces iraniennes.»

Le HMS Duncan, un destroyer de défense aérienne de type 45, est également déployé pour appuyer un autre navire de guerre britannique déjà dans la région, le HMS Montrose. Un navire de soutien de la Royal Navy, le RFA Cardigan Bay, est basé à Bahreïn, et le journal rapporte que «le HMS Kent, une autre frégate anti-sous-marine de type 23, doit partir pour le Golfe dans cinq semaines.»

Bien que la position publique soit que toutes les options sont sur la table, le Daily Telegraph a rapporté samedi soir que «[l]e Royaume-Uni aurait demandé à son allié américain de s’abstenir initialement de faire des déclarations publiques incendiaires sur l’arraisonnement du Stena Impero par l’Iran dans sa recherche d’une solution diplomatique à la crise.»

Le journal a dit : «Jeremy Hunt […] a parlé avec son homologue [américain] Mike Pompeo, qui était en Argentine, vendredi soir. Les responsables britanniques et américains ont continué à parler dans la nuit de vendredi à vendredi. Les responsables de la Maison-Blanche n’ont pas réagi aux informations selon lesquelles le Royaume-Uni aurait fait savoir aux États-Unis qu’il voulait tenter de désamorcer la situation.»

Les événements du détroit d’Ormuz ont considérablement aggravé la crise politique en Grande-Bretagne. Le Premier ministre Theresa May, qui est un canard boiteux depuis des mois, est presque certaine d’être remplacée cette semaine comme chef du parti conservateur et Premier ministre par le concurrent de Hunt, le pro-Brexit Boris Johnson.

May a été mise à l’écart à tel point que, comme l’a rapporté Sky News, elle n’a pas assisté à la réunion de Cobra de vendredi, «pas même par liaison vidéo sécurisée», malgré le fait qu’elles sont normalement présidées par le Premier ministre.

M. Johnson, qui a démissionné de son poste de ministre des affaires étrangères en juillet de l’année dernière, après moins d’un an à ce poste, n’est pas un ministre du Cabinet et n’était pas présent non plus. En tant que conservateur pro-Brexit le plus en vue, M. Johnson préconise d’approfondir les liens avec les États-Unis sur la base d’un accord de libre-échange post-Brexit. Il a noué des relations étroites avec le président américain Trump, qui est anti-européen, et est en contact étroit avec lui avant même depuis qu’il soit installé à Downing Street. Sky News a rapporté vendredi soir, «Boris Johnson a eu un appel secret avec Donald Trump hier soir…»

Étant donné les vastes implications géopolitiques du soutien de la Grande-Bretagne à l’administration Trump dans toute action militaire contre l’Iran – avec une population profondément hostile à tout nouveau pillage impérialiste au Moyen-Orient – Johnson et Hunt ont tous deux ressenti le besoin de s’engager à ne pas soutenir les frappes militaires américaines contre l’Iran pendant la campagne électorale des Tories.

Plusieurs chroniqueurs des médias ostensiblement libéraux et de droite ont exprimé ces réticences, en s’opposant à ce que le Royaume-Uni s’enlise dans une autre guerre au Moyen-Orient contre «l’intérêt national».

Simon Tisdall a écrit dans sa chronique du Guardian titrée «Comment le grand faucon de Trump a attiré la Grande-Bretagne dans un piège dangereux pour punir l’Iran», que suite à l’arraisonnement du pétrolier iranien, «la Grande-Bretagne a été plongée au milieu d’une crise internationale à laquelle elle est mal préparée pour faire face. Le moment ne pourrait pas être pire. Un Premier ministre qui n’a pas fait ses preuves, probablement Boris Johnson, entrera à Downing Street cette semaine. La Grande-Bretagne est au bord d’une sortie désordonnée de l’UE, aliénant ses plus proches partenaires européens. Et sa relation avec l’Amérique de Trump est particulièrement tendue.»

Dans le Financial Times, Gideon Rachman a averti que Johnson, «Est devant [l]a perspective d’avoir à faire face à une crise diplomatique majeure avec l’Iran qui pourrait dégénérer en conflit militaire.»

Les relations entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne risquent de s’effondrer car «une décision britannique d’aligner sa politique iranienne sur celle de Washington mettrait probablement fin aux efforts de l’UE pour maintenir l’accord nucléaire iranien.» M. Rachman a ajouté: «Cela représenterait également l’abandon d’une position de politique étrangère britannique de longue date et pourrait augmenter les chances d’un affrontement militaire plus tard.»

Certains secteurs de l’armée et des grandes entreprises approuvent ouvertement le renforcement militaire contre l’Iran. Lord West, ancien Premier lord de l’Amirauté et un ancien ministre du gouvernement travailliste, a déclaré: «Ce sont eux [l’Iran] qui ont fait monter la crise en attaquant l’un de nos navires marchands, alors s’ils attaquent l’un de nos navires marchands, ils subiront une riposte cinglante.»

Cependant, West a également mis en garde dans une chronique du Guardiansamedi: «Une réponse militaire contre l’Iran n’est pas appropriée et, de toute façon, est au-delà des capacités de nos forces armées agissant seules.»
«Mais nous devons dire clairement aux Iraniens que, même si jusqu’à présent nous avons essayé de parler à Washington sur l’assouplissement des sanctions, nous nous rangerons du côté des États-Unis et renforcerons les sanctions à moins que l’Iran ne libère notre navire et son équipage.»

Il a averti: «Certains groupes puissants en Israël, en Arabie saoudite et aux États-Unis veulent la guerre et pensent qu’une frappe de précision contre des éléments clés de la capacité militaire de l’Iran conduirait à un changement de régime. Ils ont tort. Cela mènerait à une guerre sans fin avec des conséquences catastrophiques dans la région et dans le monde entier.»

West a mis en garde qu’«Il y a des risques réels d’erreur de calcul ou d’action imprudente qui mèneraient à une guerre.» Dans des commentaires destinés à Johnson et Hunt, il a écrit, «malgré ce que certains pensent, si une guerre éclatait, il n’y aurait aucun moyen pour le Royaume-Uni d’éviter d’être pleinement impliqué du côté américain.»

L’escalade des tensions au cours des dernières semaines montre que la tendance générale est aux conflits militaires. Chaque jour, la Grande-Bretagne se rapproche du bord de la guerre. Les partisans d’une augmentation drastique du budget militaire britannique et de l’inversion des coupes dans les forces armées s’emparent de la crise.

Les médias de l’oligarque milliardaire Report Murdoch ont longtemps servi de canal pour diffuser ces positions. Deborah Haynes, rédactrice en chef des affaires étrangères chez Sky News et précédemment rédactrice en chef de la défense au Times de Murdoch, a été révélée comme membre du groupe britannique de journalistes qui font partie du «cluster» britannique de l’Integrity Initiative (II). Le II a été créé par l’Institute of Statecraft basé à Londres pour diffuser la propagande en faveur de l’impérialisme britannique.

Haynes a écrit dans un éditorial de Sky News ce week-end sur le «fait que la Royal Navy n’a plus suffisamment de navires de guerre à consacrer à l’escorte du trafic maritime à travers le Golfe tout en maintenant ses autres engagements à travers le monde.»
Se référant à la diminution de la taille de l’arsenal militaire britannique, elle a déploré le fait que: «La dégradation de la Royal Navy et du reste des forces armées est un choix politique depuis la fin de la guerre froide.»

«Les experts de la défense ont averti pendant des années que le moment où la Grande-Bretagne reconnaîtra enfin ce que certains considèrent comme un acte de vandalisme national auto-infligé (en termes de réduction des coûts pour les forces armées) sera celui où nous subirons une défaite ou un échec catastrophique sur la scène internationale», a-t-elle ajouté.

«L’arraisonnement du pétrolier Stena Impero pourrait-elle être ce signal d’alarme ?»

«À plus long terme, que les limites que la crise du Golfe a mises en évidence dans les défenses britanniques incitent le prochain premier ministre à investir suffisamment d’argent, de réflexion stratégique et d’innovation dans la reconstruction des forces armées pour que le Royaume-Uni ne soit plus pris de court.»
Haynes a insisté: «Dans l’immédiat, les chefs de la défense doivent être habilités par leurs dirigeants politiques à adopter une position plus ferme à l’égard de l’Iran.»

Robert Stevens

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 22 juillet 2019

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Hier, cela faisait un mois depuis la disparition et la noyade présumée de Steve Maia Caniço, éducateur de 24 ans de Nantes. Cela s’est passé lors d’une violente répression policière sur un festival de musique techno au Quai Wilson, samedi 22 juin, aux petites heures de la ville.

Depuis lors, des membres de la famille, d’amis et de sympathisants, en somme, des milliers de manifestants ont protesté pour exiger que la police qui a perpétré et ordonné l’agression policière soit tenue responsable. Le slogan «Où est Steve», affiché sur des statues et peint au pistolet dans tout Nantes et largement diffusé en ligne, est devenu synonyme d’opposition à la brutalité policière en France.

Caniço a été vu pour la dernière fois au festival tôt le 22 juin, près de la fin prévue à 4 h. La musique a duré une demi-heure de plus que prévu. La police a ensuite lancé un raid de type militaire sur l’événement avec des gaz lacrymogènes, des chiens d’attaque, des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes, en frappant brutalement les spectateurs et en leur infligeant des tirs de taser. Quatorze personnes sont tombées à sept mètres du bord du quai dans la Loire alors qu’elles tentaient d’échapper au carnage de la police. Steve Caniço, qui serait tombé dans la Loire, ne savait pas nager. On n’a toujours pas retrouvé son corps.

La semaine dernière, Libération a publié une vidéo du raid obtenue à partir d’images prises par des jeunes lors du festival sur leur téléphone cellulaire. Elle démolit la justification absurde avancée par la police, à savoir que le raid était une réponse défensive à quelques bouteilles jetées sur eux alors qu’ils cherchaient à mettre fin à l’événement.

Vidéos de l’intervention du 21 juin au festival de musique de Nantes sur téléphone portable

Il montre que l’opération policière a été coordonnée et menée en toute connaissance de cause du danger que représentait pour les participants. La police marche en file indienne avec des boucliers anti-émeutes, un policier retenant un chien d’attaque et poussant les jeunes directement vers la rivière. Ils continuent, même si les voix des jeunes qui se dispersent se font entendre en criant: «Il y a la Loire derrière!».

Quelques minutes plus tard, d’autres crient que des gens sont tombés dedans. «Il y a des gens qui ont sauté dans la Loire à cause des gaz lacrymogènes». «Va les sauver maintenant!» Tandis que la police continue de lancer des gaz lacrymogènes en direction de la rivière.

Alors que les preuves continuent de s’accumuler que la mort probable de Steve était le résultat tout à fait prévisible des actions des autorités, le gouvernement de Macron fait plus que d’insister pour défendre la police. Il en profite pour envoyer un message à la population que les forces de l’État peuvent attaquer et tuer la classe ouvrière en toute impunité.

Interrogé hier par des journalistes sur la disparition de Caniço, Macron s’est dit malhabilement «très occupé par la situation». Il a ensuite affirmé qu’«il ne faut pas oublier le contexte de la violence que vit notre pays», en concluant que «le calme doit être restauré dans le pays».

La référence hypocrite de Macron à la «violence» est évidemment une allusion aux protestations de masse contre les inégalités sociales des gilets jaunes et d’autres au cours des six derniers mois. La violence a cependant été presque entièrement du côté des forces de l’État. Ils ont blessé 2.500 personnes, tiré dans l’œil de plus de 20 autres et arraché les mains de cinq d’entre elles avec des grenades assourdissantes. L’hopital a placé Geneviéve Legay, une femme de 73 ans, dans un coma artificiel à la suite d’une agression lors d’un assaut de la police; Zenouab Radouane, 80 ans, est morte d’une grenade paralysante au visage qui provenait de la rue qui lui a cassé la mâchoire quand elle était chez elle. Bien que 7000 à 9000 manifestants se sont fait arrêter, pas un seul policier ne s’est vu mis en cause.

Et Macron utilise ce record maintenant pour déclarer que les manifestations doivent cesser et que «le calme doit être rétabli dans le pays», sinon la répression policière ne fera que s’intensifier.

Le mois dernier, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a décerné des médailles d’honneur à plus de 9000 policiers impliqués dans la répression des «gilets jaunes». Parmi les personnes honorées figurent Grégoire Chassaing, commissaire de police en charge de l’opération policière à Nantes les 21 et 22 juin.

Castaner a ordonné une enquête policière interne sur les événements de Nantes, afin que les responsables du raid qui a conduit à la disparition de Steve soient accusés de mener l’enquête. Fait significatif, la chanson finale du festival qui a déclenché la répression policière — et l’importance de la présence néo-fasciste parmi la police est bien connue — était la chanson punk française des années 1980, Porcherie des Bérurier noir. Un chant associé aux protestations des jeunes contre le Rassemblement national néo-fasciste et son précurseur, le Front national.

Avant-hier, 700 personnes se sont réunies au quai Wilson pour marquer le premier mois de la disparition de Steve et dénoncer les actions des autorités. Ils ont formé deux chaînes humaines près de la Loire et ont observé une minute de silence.

«On a l’impression que la justice va à deux vitesses différentes», a déclaré Alexane, 24 ans, conductrice et amie de Steve, au journal Le Monde lors de la manifestation. «Si c’était un CRS qui était tombé à l’eau, tous les moyens auraient été mobilisés pour le retrouver en un temps record. Et les participants au concert auraient été immédiatement accusés.»

Steve Caniço

Caniço était selon tous les rapports un jeune homme très aimé. Le témoignage de ses collègues de l’école primaire de Treillières, où il a travaillé pendant plusieurs années dans le service de garde après les heures normales, est particulièrement remarquable. «Quand nous avons expliqué aux enfants qu’il avait disparu, certains d’entre eux ont exigé qu’il revienne. D’autres pleuraient. Les élèves ne sont pas retournés dans la pièce où il travaillait parce qu’il n’y est plus. Il a toujours été effervescent, et ça a laissé un trou.».

Un gouffre infranchissable sépare la colère et l’opposition des travailleurs et des jeunes contre cet acte de violence policière de l’intervention cynique du Parti socialiste (PS) et de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon (LFI).

Le 19 juillet, LFI a lancé ce qu’elle a appelé une «campagne de médias sociaux» qui est en fait un coup monté qui n’engage personne à rien. Elle a publié des vidéos sur Twitter de députés regardant silencieusement une caméra et tenant une pancarte disant «Où est Steve?» Elle a en outre demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire, une méthode éprouvée pour prolonger l’enquête et blanchir ainsi la police. C’est une tentative de démobiliser l’opposition ouvrière en promouvant l’illusion que les représentants parlementaires de la classe dirigeante demanderont des comptes à la police.

La sénatrice PS de Loire-Atlantique, Michelle Meunier, a exigé que l’État «change la doctrine du maintien de l’ordre» et a affirmé que «la mission de la police est de protéger la population».

Ces déclarations visent à camoufler l’essentiel: la violence policière est le résultat inévitable de la fonction de classe de la police en tant qu’organe armé de l’État capitaliste. La police est chargé de faire respecter la domination de l’élite financière sur la société en réprimant violemment l’opposition de la classe ouvrière. La lutte contre la violence policière est la lutte de la classe ouvrière pour renverser le capitalisme et établir des gouvernements ouvriers à travers l’Europe et dans le monde, basés sur la réorganisation socialiste de la société.

Le PS et le LFI sont tous deux des partis capitalistes étroitement intégrés dans l’appareil policier. C’est l’ancien président du Parti socialiste François Hollande qui, avec les votes du parti de Mélenchon, a instauré l’état d’urgence en 2015, suspendant les droits démocratiques et étendant considérablement les pouvoirs policiers.

Will Morrow

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 22 juillet 2019

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Durant la guerre Iran-Iraq dans les années 1980, la République islamique d’Iran scandait le slogan « Kerbala, Kerbala, nous arrivons »  ( كربلا كربلا ما دارييم مياييم) pour « défendre la valeur de l’Islam ». En Syrie, le cri de ralliement « Zeinab ne sera pas capturée deux fois »  a contribué à mobiliser les alliés chiites et à inciter des milliers d’hommes à combattre les takfiris sunnites d’al-Qaeda et du groupe armé « État islamique » (Daech). Aujourd’hui, malgré la bataille existentielle entre l’Iran et les USA, la « République islamique » n’utilise plus de slogans religieux, préférant mobiliser le soutien de la population à l’échelle nationale. Même les Iraniens qui étaient en désaccord avec le régime en place soutiennent leur pays devant l’attitude hostile des USA. La révocation illégitime de l’accord sur le nucléaire iranien a déçu les pragmatiques iraniens. De dures sanctions sont imposées sur le peuple iranien parce que Trump a rejeté l’accord pour faire plaisir à Netanyahu et par rancune à l’égard de son prédécesseur Obama. Confrontée à ces sanctions, la République islamique refuse de se plier aux diktats des USA. Contrairement à d’autres pays du Moyen-Orient qui se soumettent volontiers au chantage et à l’intimidation de Trump, l’Iran dit « NON » à la superpuissance. Mais pourquoi? Comment l’Iran arrive-t-il à faire ce que l’Arabie saoudite et d’autres puissances régionales ne peuvent faire et ne feront pas?

L’Iran fabrique ses propres chars,  missiles  et sous-marins en plus d’être membre du club des pays du monde qui s’y connaissent en science nucléaire.

L’Iran a des alliés forts au Liban, en Syrie, en Irak, en Palestine, en Afghanistan et au Yémen, sur qui il peut compter pour combattre dans toute guerre imposée sur Téhéran, même par les USA.

Les députés du parlement iranien sont démocratiquement élus. Le mandat du président iranien dure quatre ans et n’est renouvelable qu’une seule fois s’il remporte les élections, contrairement aux pays arabes qui ont des présidents à vie ou des monarchies héréditaires. Les chrétiens et les juifs sont des minorités reconnues en Iran et ces derniers, qui ont un député au parlement, Siamak Moreh,  se disent « en sécurité et respectés ». Leur nombre tourne autour de 15 000 sur 85 millions d’Iraniens et ils possèdent plus de 25 synagogues.

L’Iran subit des sanctions étasuniennes depuis 40 ans sans avoir cédé aux demandes de l’oncle Sam. Il s’en est pris aux USA sur de multiples scènes au Moyen-Orient et a récemment abattu un drone pour lancer le message clair qu’il est prêt à affronter la guerre et ses conséquences s’il le faut. L’Iran est prêt à payer le prix pour défendre son ciel, ses eaux et son territoire. Il ne fera aucun compromis en cas de violation de sa souveraineté, même par une superpuissance comme les USA. L’Iran envoie le message suivant aux USA, à son principal allié Israël et à tous les pays du Moyen-Orient : en cas d’agression, la riposte sera terrible.

L’Iran ne craint pas les tentatives de changement de régime, parce que son système électoral est entre les mains du peuple et que, s’il est frappé de l’intérieur, le pays a la capacité de riposter contre ses ennemis régionaux partout où ses alliés sont déployés.

La situation de l’Iran ne devrait pas être unique ou surprenante. Il est tout naturel d’avoir des institutions démocratiques. Il est tout naturel pour un pays d’avoir des alliés qui se tiennent prêts à venir en aide au besoin. Il est habituel pour tout pays de recourir à la force, s’il le faut, pour défendre sa souveraineté et protéger ses frontières. Les citoyens soutiennent leur gouvernement et leurs forces armées lorsqu’ils défendent leur pays contre une agression et lorsque leurs dirigeants prennent des décisions difficiles et courageuses.

Aucune voix en Iran n’appelle à la chute du régime en place malgré la « pression maximale » des USA. Le président iranien a fait preuve d’une « patience extrême » en attendant 14 mois avant de faire un premier pas légitime en vue de se retirer partiellement de l’accord sur le nucléaire. Rouhani s’est ensuite tourné vers une « stratégie de confrontation », puis a adopté une « stratégie de « riposte équivalente » contre toute attaque. Le Corps des gardiens de la Révolution iranienne n’aura pas besoin de slogans religieux cette fois-ci, parce que tous les Iraniens, peu importe leur ethnicité, sont unis derrière leurs dirigeants contre les USA. Trump a réussi à unir les pragmatiques et les radicaux sous une même bannière… contre lui.

L’Europe s’est empressée de jouer un rôle de médiateur dans une tentative ratée d’atténuer les tensions entre les USA et l’Iran. Les dirigeants européens ont peu de marge de manœuvre contre le président Trump parce qu’ils sont loin d’être unis, même s’ils sont signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, qu’ils sont tenus de le respecter. L’Iran a forcé l’Europe à mettre au point un nouveau système de paiement, INSTEX, malgré son manque d’efficacité. INSTEX exprime la volonté des Européens à se montrer conciliants envers l’Iran pour l’empêcher de fabriquer des bombes nucléaires. C’est un effort de taille de la part des Européens.

L’Iran n’abandonnera pas ses alliés et pour cause, parce qu’ils forment la première ligne de sa sécurité nationale et défendent ses valeurs et de son existence. Sans eux, une politique d’affrontement à l’endroit des USA ne serait pas possible. Les dures sanctions contre l’Iran frappent ses alliés aussi, sans toutefois réussir à détériorer ou même à affecter leurs capacités militaires.

L’Iran n’abandonnera pas ses capacités de missiles, parce que c’est son seul mécanisme de défense. L’Iran étant prêt à aller en guerre, il n’abandonnera pas sa production et sa mise au point de missiles. Il en a d’ailleurs livré beaucoup à ses alliés en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen.

L’Iran ne se soumettra pas au chantage de Trump, qui extorque des centaines de milliards de dollars de pays du Moyen-Orient en les obligeant à acheter des armes et des pièces de rechange des USA. Des pays comme l’Arabie saoudite, les Émirats et le Qatar paient d’immenses rançons pour limiter les dommages causés par l’intimidation de Trump.

Si tous ces pays du Moyen-Orient se levaient contre le harceleur du voisinage, comme l’Iran le fait, et investissaient une fraction de ce qu’ils paient à Trump dans le développement et la prospérité de la région, les USA seraient incapables d’escroquer l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats.

Dernier point, mais pas le moindre, l’Iran rejette le plan que Trump veut imposer aux Palestiniens, soit vendre leurs territoires pour une poignée de dollars. Bien des pays du Moyen-Orient ont adopté le plan enfantin d’un amateur, Jared Kushner, qui détient un pouvoir seulement parce qu’il est le beau-fils de Trump et qui croit pouvoir arriver là où maints présidents et diplomates expérimentés ont échoué depuis des décennies. L’Iran, à l’instar de l’Irak, du Liban et du Koweït, a rejeté « l’Accord du siècle ».

Trump reconnaît ne comprendre que « le langage des chiffres et de l’argent ». La réponse de l’Iran au chantage étasunien incarne la perception que ce monde ne respecte que la force, le refus de se contraindre à la coercition et la puissance morale de la résistance.

Elijah J. Magnier

 

Traduction de l’anglais : Daniel G.

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La Chine est le premier partenaire commercial de l’Amérique du Sud. Ensemble, les banques stratégiques de la Chine – la Banque de Développement de Chine et la Banque d’Import-Export de Chine – sont la principale source de financement du développement pour l’ensemble de l’Amérique Latine.

Au cours des dernières décennies, le gouvernement brésilien, des entreprises nationales de premier plan et des multinationales ont configuré ce que Fernando Mires, déjà en 1990, définissait comme le « mode de production amazonien » : un mode de production et de destruction terriblement prédateur, à forte intensité technologique, incluant la soumission des populations indigènes à des conditions de travail basées sur l’esclavage, avec tout orienté vers les marchés internationaux.

L’Amazonie s’étend sur 6,5 millions de kilomètres carrés couvrant les deux cinquièmes de l’Amérique Latine – la moitié du Pérou, un tiers de la Colombie, une grande partie de la Bolivie, le Venezuela, la Guyane, la Guyane française, le Suriname, et surtout, 3,5 millions de kilomètres carrés au Brésil.

La diversité de la population d’origine était stupéfiante. Avant l’arrivée des Européens au Brésil en 1500, il n’y avait pas moins de 1 400 tribus, dont 60% en Amazonie. Les ethnologues s’émerveillaient de ce que nulle part ailleurs dans le monde la diversité linguistique de l’Amérique du Sud tropicale n’était comparable à celle de l’Amérique du Sud.

La tribu Tupi-guarani constituait même une sorte « d’empire », occupant un vaste territoire allant des Andes aux Pampas dans le sud du Brésil. Une sorte de « proto-état » commerçant avec les Andes et les Caraïbes. Tout cela a mis fin au mythe occidental d’une Amazonie « sauvage » et non civilisée.

Passons maintenant rapidement à l’actuel tollé occidental sur la destruction de l’Amazonie par le gouvernement de Jair Bolsonaro.

Le Brésil, pendant le second mandat présidentiel de Dilma Rousseff – plus tard mise en accusation sous de faux prétextes – a signé l’accord de Paris sur le changement climatique en 2015. L’article 5 de l’accord prévoit que les parties « doivent prendre des mesures » pour préserver les forêts menacées. Brasilia s’est engagée à protéger l’Amazonie en restaurant 12 millions d’hectares de forêts d’ici 2030.

Et pourtant, sous Bolsonaro, « doivent prendre des mesures » se métastase en « action inverse ». Le nouveau mantra est « le développement de l’Amazonie ». En fait, une version 2.0 turbocompressée et encore plus prédatrice du « mode de production amazonien », à la grande horreur des environnementalistes occidentaux, qui craignent une transformation imminente de l’Amazonie en savane sèche, avec de terribles conséquences pour la planète entière.

Des richesses naturelles stupéfiantes

L’armée brésilienne aime à noter que la richesse naturelle de l’Amazonie a été évaluée à 23 billions de dollars. Il s’agit d’un chiffre de 2017 annoncé par le général Eduardo Villas Boas, qui ajoute :

En fait, il existe un projet national (militaire) pour « développer » l’Amazonie à un rythme effréné, tout en empêchant, par tous les moyens, la « balkanisation de l’Amazonie » et l’action des ONG occidentales.

En avril de cette année, l’un des fils de Bolsonaro a posté une vidéo de son père engagé dans une conversation « surprenante » avec quatre autochtones de Brasilia.

Une zone déboisée au milieu de la jungle amazonienne trouvée dans l’état de Para, Brésil en 2014. Greenpeace a déclaré que les camions transportaient des arbres abattus illégalement vers les scieries la nuit, qui ont ensuite été exportés.

L’anthropologue Piero Leirner, spécialiste de l’armée brésilienne et de ses activités en Amazonie, explique le contexte. Le gouvernement Bolsonaro a soigneusement choisi quatre autochtones impliqués dans le commerce du soja et de l’exploitation minière. Ils ont parlé pour eux-mêmes. Immédiatement après, une association officielle de peuples autochtones a publié une lettre les reniant.

« C’était un classique de Diviser pour mieux régner, soutenait Leirner. Personne n’a fait attention à la lettre. Pour la plus grande partie du Brésil, l’affaire a été classée en termes de « communication sociale », ce qui a renforcé le discours du gouvernement sur les ONG luttant pour l’internationalisation de l’Amazonie« .

Les géants miniers du Brésil préféreraient que les peuples autochtones soient les porte-parole plutôt que les militaires. En fait, il s’agit d’un labyrinthe d’intérêts imbriqués – comme dans le cas des capitaines et des colonels en affaires avec des entrepreneurs miniers agissant dans des zones autochtones protégées.

Ce qui s’est passé ces dernières années, c’est que la plupart des peuples autochtones ont fini par comprendre qu’ils ne pouvaient pas gagner, quel que soit le scénario. Comme Leirner l’a expliqué :

C’est donc le projet pervers du « développement de l’Amazonie », qui consiste à transformer les peuples autochtones en une main-d’œuvre sous-prolétaire dans les exploitations minières.

Et puis il y a l’angle crucial – pour l’Occident industrialisé – du niobium (un métal connu pour sa dureté). Environ 78 % des réserves brésiliennes de niobium sont situées dans le sud-est, et non en Amazonie, qui en renferme au mieux 18 %. L’abondance du niobium au Brésil durera jusqu’en 2200 – même en tenant compte de la croissance exponentielle et ininterrompue du PIB chinois. Mais l’Amazonie ne concerne pas le niobium. Il s’agit d’or – pour être dûment expédié à l’Occident.

Le long de la rivière

Bolsonaro a à cœur d’acheminer les routes, les ponts et les centrales hydroélectriques vers les régions les plus reculées de l’Amazonie. Sous le mantra de la « souveraineté », il a promis d’imposer la main de l’État dans la zone stratégique Triple-A – Amazonie, Andes, Océan Atlantique – contrecarrant ainsi l’intention présumée des ONG occidentales de créer une bande indépendante pour la préservation de l’environnement.

Alors, comment la Chine s’inscrit-elle dans le puzzle de l’Amazonie ? Un rapport récent aborde certaines des questions difficiles.

Depuis l’année dernière, Pékin a officiellement commencé à considérer l’ensemble de l’Amérique Latine comme un « prolongement naturel » de l’Initiative Ceinture et Route (BRI), ainsi que comme un « partenaire indispensable ». C’est ce qu’a déclaré le Ministre des Affaires Étrangères Wang Yi lors du Forum Ministériel Chine-Communauté des États d’Amérique Latine et des Caraïbes en 2018.

Toutes les directives de la BRI s’appliquent maintenant – et cela inclut l’Amazonie : coopération politique, développement des infrastructures, investissement et facilitation du commerce, intégration financière, et échanges culturels et sociaux.

La dynamique verte interne de la Chine – limiter la production de charbon, soutenir les usines de panneaux solaires, transformer l’île de Hainan en une zone d’éco-développement – devra se traduire dans ses projets en Amazonie. Cela signifie que les entreprises chinoises devront être extrêmement attentives aux communautés locales, en particulier aux populations autochtones. Et cela signifie également que les Chinois feront l’objet d’un examen minutieux de la part des ONG occidentales.

Le Brésil a peut-être ratifié la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail sur les peuples indigènes et tribaux, connue sous le nom de OIT 169, qui consacre le droit des communautés autochtones d’être consultées par l’État sur les décisions qui les concernent directement.

Pourtant, avec moins de sept mois de Bolsonaro au pouvoir, tout cela est en effet nul et non avenu.

Les peuples autochtones demandent la démarcation des terres à Sao Paulo en janvier 2019. Partout dans le monde, des gens se sont dits préoccupés par la politique du Président brésilien Jair Bolsonaro.

Il y a peu d’espoir qu’un ensemble exhaustif de directives pour les grands projets en Amazonie établi par le Centre d’Études de Durabilité de la Fondation Getulio Vargas à Sao Paulo, en liaison avec la Banque Mondiale, puisse être respecté par le gouvernement. Mais personne ne retient son souffle.

Parmi les principaux projets avec la participation de la Chine, on peut citer la voie navigable amazonienne au Pérou, qui a fait l’objet de consultations préalables avec plus de 400 villages autochtones, selon le gouvernement à Lima.

Mais surtout, il y a les 2,8 milliards de dollars, en construction sur la ligne de transport d’électricité de Belo Monte, d’une longueur de 2 500 km et d’une puissance de 11,2 gigawatts. La sociéte chinoise State Grid fait partie du consortium, dont le financement provient de la Banque Nationale de Développement du Brésil. Les première et deuxième lignes de transport affectent directement l’écosystème amazonien et s’étendent à proximité de 10 zones de conservation et d’un ensemble de groupes ethniques.

Le rapport « La Chine en Amazonie » note à juste titre que :

« Les entreprises chinoises ne sont pas bien conscientes de l’importance d’un engagement direct avec les parties prenantes non gouvernementales locales, et ont dû faire face à des coûts, des arrêts de travail et des retards répétés en conséquence. La déférence de la Chine à l’égard des politiques du pays hôte devrait s’étendre aux engagements des pays hôtes à l’égard des traités et du droit internationaux, comme la Convention 169 de l’OIT et sa norme de consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones. Les organisations autochtones et les organisations de la société civile de la région amazonienne ont une longue et forte tradition de participation active aux décisions gouvernementales relatives à l’utilisation des territoires et des ressources naturelles autochtones » .

Le rapport suggère la création d’un « groupe de travail multidisciplinaire composé d’ONG, de groupes autochtones locaux, d’universitaires et de scientifiques pour examiner les principes et les normes existants » pour les projets d’infrastructure durable.

Les chances que cela soit adopté par l’administration Bolsonaro et approuvé par l’armée brésilienne sont moins que nulles. Le tableau d’ensemble de la situation au Brésil sous Bolsonaro évoque la dépendance néocoloniale, la surexploitation des travailleurs, sans parler des peuples autochtones, et l’expropriation totale des richesses naturelles du Brésil.

Le Président brésilien Jair Bolsonaro prononce un discours à Davos en janvier. Ses politiques sont considérées comme une menace majeure pour les forêts d’Amazonie.

Juste un pion dans leur jeu

La Chine est peut-être le premier partenaire commercial du Brésil, mais Pékin doit aller de l’avant avec prudence – et appliquer strictement les directives de la BRI lorsqu’il s’agit de projets impliquant particulièrement l’Amazonie.

Le Conseil de Sécurité de l’ONU, avec le changement climatique à l’esprit, ne sanctionnerait jamais le Brésil pour la destruction de l’Amazonie. La France et la Grande-Bretagne seraient d’accord. Mais la Russie et la Chine – tous deux membres du BRICS – s’abstiendraient certainement, et les États-Unis sous Trump voteraient contre.

Le Brésil est aujourd’hui un pion privilégié dans le jeu géopolitique le plus important du 21ème siècle : l’affrontement entre les États-Unis et le partenariat stratégique Russie – Chine.

La dernière chose dont Pékin a besoin en termes de relations publiques mondiales, c’est d’être qualifié de complice de la destruction de l’Amazonie.

Pepe Escobar

 

 

Article original en anglais :

China Must Avoid a Role in Destruction of Amazon

Cet article a été publié initialement par Asia Times.

Traduit par Réseau International

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En Ukraine un vivier OTAN de néonazis

juillet 23rd, 2019 by Manlio Dinucci

Les enquêtes se poursuivent sur les arsenaux modernes découverts en Piémont, Lombardie et Toscane, de véritable matrice néonazie comme le montrent les croix gammées et les citations de Hitler trouvées avec les armes. Mais pas de réponse par contre à la question : s’agit-il de quelque nostalgique du nazisme, collectionneur d’armes, ou bien sommes-nous devant quelque chose de bien plus dangereux ?

Les enquêteurs -d’après le Corriere della Sera– ont enquêté sur des “extrémistes de droite proches du bataillon Azov”, mais n’ont découvert “rien d’utile”. Pourtant il y a depuis des années des preuves amples et documentées sur le rôle de cette formation armée ukrainienne, et d’autres avec elle, composées de néonazis entraînés et utilisés dans le putsch de Place Maïdan en 2014 sous régie USA/OTAN, et dans l’attaque contre les Russes d’Ukraine dans le Donbass. 

Image : AFP. Source : Tribune de Genève

Il faut préciser avant tout que l’Azov n’est plus un bataillon (comme le définit le Corriere) de type paramilitaire, mais a été transformé en régiment, c’est-à-dire en unité militaire régulière de niveau supérieur. Le bataillon Azov fut fondé en mai 2014 par Andriy Bilietsky, connu comme le “Führer blanc” en tant que soutien de la “pureté raciale de la nation ukrainienne, empêchant que ses gènes ne se mélangent avec ceux de races inférieures”, assurant ainsi “sa mission historique de conduite de la Race Blanche mondiale dans sa croisade  finale pour la survie”. 

Pour le bataillon Azov, Biletsky recruta des militants néonazis qui étaient déjà sous ses ordres en tant que chef des opérations spéciales de Pravy Sektor. L’Azov se distingua immédiatement par sa férocité dans les attaques contre la population russe d’Ukraine, notamment à Mariupol. 

En octobre 2014 le bataillon fut incorporé dans la Garde nationale, dépendant du Ministère de l’intérieur, et Biletsky fut promu colonel et décoré de l’”Ordre pour le courage”. Retiré du Donbass, l’Azov a été transformé en régiment de forces spéciales, doté de chars d’assaut et de l’artillerie de la 30ème Brigade mécanisée. Ce qu’il a  conservé dans cette transformation est l’emblème, calqué de celui des SS Das Reich, et la formation idéologique des recrues modelée sur celle nazie.

Comme unité de la Garde nationale, le régiment Azov a été entraîné par des instructeurs étasuniens et par d’autres venant de l’OTAN. “En octobre 2018 -lit-on dans un texte officiel- des représentants des Carabiniers italiens ont visité la Garde nationale ukrainienne pour discuter de l’expansion de la coopération dans différentes directions et signer un accord sur la coopération bilatérale entre les institutions”. En février 2019 le régiment Azov a été déployé en première ligne dans le Donbass. 

L’Azov n’est pas seulement une unité militaire, mais un mouvement idéologique et politique. Biletsky -qui a créé en octobre 2016 son propre parti, “Corps national”- reste le chef charismatique en particulier pour l’organisation de jeunesse qui est éduquée, avec son livre “Les paroles du Führer blanc”, dans la haine contre les Russes et entraînée militairement. 

Simultanément, Azov, Pravy Sektor et d’autres organisations ukrainiennes recrutent des néonazis de toute l’Europe (Italie comprise) et des USA. Après avoir été entraînés et mis à l’épreuve dans des actions militaires contre les Russes du Donbass, on les fait rentrer dans leurs pays, en conservant évidemment des liens avec les centres de recrutement et d’entraînement.

Ceci se passe en Ukraine, pays partenaire de l’OTAN, déjà de fait membre, sous étroit commandement USA. On comprend donc pourquoi l’enquête sur les arsenaux néonazis en Italie ne pourra pas aller jusqu’au bout. On comprend aussi pourquoi ceux qui en ont plein la bouche de l’antifascisme restent muets face au nazisme renaissant au coeur de l’Europe.

Manlio Dinucci

 

Article original en italien :

In Ucraina vivaio NATO di neonazisti

Édition de mardi 23 juillet 2019 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/in-ucraina-vivaio-nato-di-neonazisti/

 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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Dans un reportage explosif, le site d’information Publico allègue que le Centre national de renseignement (CNI) espagnol a suivi de près la cellule terroriste du groupe État islamique (EI)

qui a perpétré les attentats du 17 août 2017 à Barcelone, jusqu’au jour même de l’attaque. Loin d’arrêter la cellule avant qu’elle n’effectue les attentats, qui ont fait 21 morts et 130 blessés, le CNI les a laissé procéder. Les responsables du siège du CNI ont ensuite tenté de supprimer le dossier du chef de cellule Abdelbaki Es-Satty au début de l’enquête sur l’attaque.

Le reportage de Publico constitue une preuve d’un comportement criminel au plus haut niveau de l’État espagnol, soutenu par les agences de renseignement d’autres puissances de l’OTAN qui ont lancé la guerre par procuration en Syrie en se servant des islamistes, dont l’EI est issu. Les gouvernements des pays de l’OTAN et les principaux organes de presse américains et européens ont réagi avec un silence assourdissant.

Le reportage de Publico, s’appuyant sur des documents fournis par le CNI aux fonctionnaires de police enquêtant sur l’agression et sur des entretiens avec la police et le CNI, commence par expliquer comment les liens d’Es-Satty avec le CNI ont été connus. L’attentat de Barcelone a été déclenchée de manière inattendue, lorsque Es-Satty s’est accidentellement fait exploser dans une planque à Alcanar où la cellule fabriquait des bombes. Les survivants de la cellule ont rapidement décidé de faire foncer un camion sur les passants de l’avenue La Rambla à Barcelone. Plusieurs sont morts plus tard, lors d’une fusillade avec les forces de l’ordre à Cambrils.

Dans les ruines de la maison d’Alcanar, les enquêteurs ont trouvé une feuille de papier avec un nom d’utilisateur ([email protected]) et un mot de passe (PEREJUAN18). Selon Publico, «Pour les enquêteurs qui ont découvert ce message, il n’y avait aucun doute que le responsable CNI d’Es-Satty avait créé une adresse e-mail pour communiquer avec lui.»

Le compte Gmail, dont Publico fournit des captures d’écran, contenait deux brouillons d’emails «en espagnol parfait». La première, datée du 24 mai 2017, dit: «Je vois que vous avez pu vous connecter, vous n’avez qu’à me laisser un message comme celui-ci comme brouillon et je vais le lire. Vous pouvez déjà commencer à écrire des choses. Merci mon ami.» Le second dit: «N’avez-vous rien à écrire ou est-ce que c’est que vous ne pouvez pas écrire ? Aujourd’hui, c’est lundi 19 juin.»

Es-Satty était connu du CNI, qui a confirmé trois mois après les attentats de Barcelone qu’il était un informateur. Né au Maroc en 1973, il s’était d’abord rendu en 2002 en Espagne, où il avait été arrêté pour traite d’êtres humains. Il a coopéré à l’Opération Chacal, une enquête sur les attentats à la bombe perpétrés par Al-Qaïda en 2004 à Madrid, et a ensuite été emprisonné de 2010 à 2014 pour trafic de haschisch. En prison, il partageait une cellule et aurait noué une «amitié spéciale» avec Rachid Aglif le poseur de bombe dans l’attentat de Madrid de 2004.

Les services de renseignement de l’OTAN savaient qu’Es-Satty était lié aux activités d’Al-Qaïda au plus haut niveau. Les services de renseignement français et le CNI avaient conjointement conclu après l’opération Chacal que les attentats de Madrid de 2004 avaient été perpétrés avec des explosifs payés en haschisch. Selon des documents du CNI fournis aux enquêteurs de la police et cités par Publico, «Satty était considéré par les institutions pénitentiaires (IP) comme un islamiste, se montrant radical dès le début de sa peine à la prison de Castellón».

Néanmoins, selon le reportage de Publico, le CNI a protégé Es-Satty de manière agressive. Lorsqu’il a été traduit devant un juge pour expulsion après sa peine de prison, ses avocats disposaient de documents prouvant que le juge considérait qu’il était «fermement établi» en Espagne – même si une grande partie de son temps en Espagne avait été passée en prison pour trafic de drogue. Publico affirme que ses sources de renseignement «affirment que le CNI avait fourni les recommandations et les autorisations qui ont ouvert la porte à l’admission d’Es Satty en tant qu’imam à Ripoll.»

Tout en protégeant Es-Satty, le CNI et d’autres agences des deux côtés de l’Atlantique ont consacré d’énormes ressources à la surveillance de sa cellule. Les documents les plus remarquables révélés par Publico concernent peut-être la surveillance intensive par le CNI des jeunes membres inexpérimentés de la cellule qui se sont rendus en France juste avant les attentats. Les autorités françaises ont confirmé qu’elles étaient impliquées dans cette surveillance.

Publico dit que ces documents «ont fait surface en raison d’une erreur d’édition des services secrets, révélant qu’à la veille du massacre de Las Ramblas, des espions espagnols surveillaient et transcrivaient toutes les conversations (sur leurs téléphones portables) des personnes qui ont commis les meurtres.»

Omar Hichamy et Younes Abouyaaaquoub, l’homme qui a fait foncer un véhicule sur la foule de Las Ramblas, se sont rendus à Paris les 11-12 août 2017. Le CNI a noté les autoroutes qu’ils ont empruntées et les moments où ils sont arrivés dans différents quartiers de Paris et ont approché différents monuments, dont la Tour Eiffel. Il note que les deux ont acheté un appareil photo au prix de €129 au magasin Fnac-St. Lazare. Les deux appels téléphoniques qu’ils ont passés pendant le voyage ont été analysés en détail.

Un document du CNI publié par Publico rapporte: «Les appels ont été passés par les numéros de téléphone liés à Omar et Younes (34600314111 et 3461252637378), mais ils se sont avérés être les deux fois entre Mohamed Hichamy et Younes Abouyaaquoub, qui a raccourci ses phrases afin de ne pas révéler ses activités concrètes.»

Les allégations selon lesquelles le CNI ignorait que ces jeunes étaient impliqués dans un complot terroriste ne tiennent pas la route. Le CNI a consacré un niveau de surveillance extraordinaire à ces deux jeunes, qui n’avaient pas de casier judiciaire. Le CNI, écrit Publico, «écoutait et transcrivait toutes les conversations entre ces jeunes musulmans, qui n’étaient pas encore censés être liés à un complot djihadiste, en effectuant les contrôles de renseignement les plus exhaustifs possibles, qui exigent des ressources matérielles et humaines considérables.»

Quelques jours auparavant, en outre, les agences américaines avaient donné à Madrid des rapports détaillés selon lesquels la cellule préparait des attaques. Le 31 juillet 2017, des agents d’Exeintel, une agence privée américaine dont le compte Twitter indique qu’il fournit des «renseignements exploitables» qui «ne seront accessibles qu’aux forces de l’ordre», ont discuté en ligne avec Abouyaaquoub. Ils ont ensuite envoyé un avis d’«alerte rouge» à Madrid, signalant qu’il s’était vanté maladroitement que sa cellule préparait des attentats terroristes.

Le quotidien El Nacional a posté des captures d’écran de leur conversation sur Internet avec Abouyaaquoub, qui a écrit: «Nous devons attaquer plusieurs petites villes, quand toute la police vient à nous pour se déplacer à un autre endroit et pour se déplacer à un autre endroit et pour l’attaquer. Ils ne pourront pas se défendre contre nous.» Par la suite, Exeintel a retiré les images de la capture d’écran de son site Web.

Néanmoins, le CNI a simplement continué à surveiller la cellule, à mesure qu’elle assemblait des produits chimiques et de la ferraille pour fabriquer des bombes, puis, après l’explosion d’Alcanar, a décidé d’une nouvelle attaque. «Les services secrets espagnols ont continué à surveiller et à suivre les terroristes jusqu’au jour même des attentats de Las Ramblas», écrit Publico, ajoutant: «Ce n’est que le lendemain du massacre que le dossier Es-Satty a été supprimé du registre central du CNI.» Une telle suppression, rapporte Publico, ne peut se faire qu’à partir du siège central du CNI à Madrid,

Ce récit souligne les liens entre les agences de l’OTAN et les terroristes islamistes, qui ont évolué au cours de la guerre de huit ans en Syrie, qui sont à l’origine de toutes les attaques de l’EI en Europe. Les attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre 2015 à Paris, les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, de Noël 2016 à Berlin et de 2017 à Manchester ont tous été perpétrés par des réseaux étroitement surveillés par les services de renseignement.

Ces attentats ont ensuite été utilisées pour justifier des mesures d’État policier de grande portée. Cela va de la répression des manifestations du G20 à Hambourg et du bouclage de Bruxelles à l’intensification des pouvoirs de la police autour de l’état d’urgence français, qui a culminé avec le déploiement de l’armée contre les «gilets jaunes» qui protestaient contre les inégalités sociales. Les événements espagnols soulignent comment ces attaques impopulaires contre les droits démocratiques et sociaux fondamentaux ont été menées sur la base de la criminalité de l’État.

Le CNI n’a pas arrêté les attaques de la cellule Es-Satty car Madrid cherchait une justification pour imposer la loi martiale avant le référendum d’indépendance catalan du 1er octobre 2017. Les représentants de l’État ont été consternés lorsque des manifestations de masse ont éclaté à Barcelone, dénonçant la complicité de l’État dans cette attaque. La répression policière brutale du référendum sur l’indépendance a été suivie d’un vaste virage à droite dans la politique officielle: procès-spectacles de prisonniers politiques nationalistes catalans, réhabilitation du dictateur fasciste espagnol du XXe siècle, Francisco Franco, et promotion du parti pro-franquiste Vox.
Aucune explication crédible n’a été donnée jusqu’à présent pour expliquer l’inaction du CNI pour faire cesser les attaques. L’année dernière, le PSOE, le parti de droite Ciudadanos et le Parti Popular ont opposé leur veto aux appels dans le Congrès espagnol à une enquête sur le rôle du CNI dans ces attentats. La question qui se pose est de savoir si le CNI et les services de renseignement alliés ont permis qu’ils aient lieu afin de fournir, par des moyens criminels, un prétexte pour tenter d’imposer un régime fasciste en Espagne et à travers l’Europe.

Alex Lantier

 

Article paru en anglais, WSWS, le 20 juillet 2019

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L’Iran opte pour une «contre-pression maximale»

juillet 22nd, 2019 by Pepe Escobar

Tôt ou tard, la «pression maximale» étasunienne contre l’Iran, se heurtera inévitablement à une «contre-pression maximale» ce qui fera sûrement des étincelles.

Ces derniers jours, les milieux du renseignement eurasiatique ont poussé Téhéran à considérer un scénario assez simple : il ne serait pas nécessaire de fermer le détroit d’Ormuz si le commandant de la Force Quds  [Gardiens de la révolution], le général Qassem Soleimani, ultime bête noire du Pentagone, expliquait en détail dans les médias mondiaux que Washington n’avait tout simplement pas la capacité militaire de maintenir le détroit ouvert.

Comme je l’ai déjà signalé, fermer le détroit d’Ormuz détruirait l’économie étasunienne en faisant exploser le marché des dérivés de $1,2 quadrillions  ($1,2*1024, soit $1 200 000 000 000 000 000 000 000) ; provoquant ainsi l’effondrement du système bancaire mondial, détruisant les 80 000 milliards de dollar du PNB mondial, ce qui causerait une dépression sans précédent.

Soleimani devrait également déclarer sans détours que l’Iran pourrait fermer le détroit d’Ormuz si le pays était empêché d’exporter les deux millions de barils de pétrole par jour qui lui sont essentiels, principalement en Asie. Les exportations, qui, avant les sanctions illégales des États-Unis et le blocus de facto, devaient normalement atteindre 2,5 millions de barils par jour, pourraient se réduire peut-être à seulement 400 000 barils.

L’intervention de Soleimani s’alignerait sur les signes cohérents déjà fournis par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). Le golfe Persique est décrit comme un imminent «stand de tir au pigeon». Le brigadier général Hossein Salami a souligné que les missiles balistiques iraniens sont capables de détruire des «navires en mer» avec une extrême précision. Tout le long de la frontière iranienne au nord du golfe Persique sont alignées des batteries de missiles anti navires – ce qui m’a été confirmé par des sources liées au CGRI.

Nous vous ferons savoir quand le détroit sera fermé

Et puis, c’est arrivé.

Le  chef d’état-major des forces armées iraniennes, le major-général Mohammad Baqeri, est allé directement au but ; «Si la République islamique d’Iran était déterminée à empêcher l’exportation de pétrole à partir du golfe Persique, compte tenu de la puissance du pays et de ses forces armées, cette détermination serait intégralement mise en œuvre et annoncée publiquement.»

Les faits sont frappants. Téhéran n’acceptera tout simplement pas, passivement, une guerre économique totale qui l’empêcherait d’exporter le pétrole qui protège sa survie économique. La question du détroit d’Ormuz a été officiellement abordée. Il est maintenant temps de parler des produits dérivés financiers.

Présenter une analyse détaillée des produits dérivés, ainsi qu’une analyse militaire, aux médias mondiaux obligerait le troupeau des médias, principalement occidentaux, à s’adresser à Warren Buffett pour voir si c’est vrai. Et c’est vrai. Soleimani, selon ce scénario, devrait en dire autant et recommander aux médias d’aller parler à Warren Buffett.

L’ampleur d’une éventuelle crise des produits dérivés est un thème extrêmement tabou pour les institutions du consensus de Washington. Selon l’une de mes sources bancaires étasuniennes, le chiffre le plus exact – $1,2 quadrillions – provient, à titre officieux, d’un banquier suisse. Il doit le savoir ; la Banque des règlements internationaux (BRI) – la banque centrale des banques centrales – est basée à Bâle, en Suisse.

Le point clé est que la façon dont le détroit d’Ormuz serait bloqué importe peu.

Ce pourrait être une opération sous faux drapeau. Ou bien le gouvernement iranien se sentant attaqué déciderait de couler un cargo ou deux. Ce qui compte, c’est le résultat final. Tout blocage du flux de produits énergétiques fera grimper le prix du pétrole à 200, 500, et même, selon certaines prévisions de Goldman Sachs à 1 000 dollars le baril.

Une autre source bancaire américaine explique : « La clé de l’analyse est ce qu’on appelle le notionnel. Il est tellement éloigné de la valeur réelle que l’on prétend qu’il ne  signifie rien. Mais dans une crise, le notionnel peut devenir réel. Par exemple, si j’achète une option pour un million de barils de pétrole à 300 dollars le baril, le coût de ma couverture ne sera pas très élevé, car on pense qu’il est inconcevable que le prix atteigne un niveau aussi élevé. C’est un notionnel. Mais si le détroit est fermé, cela peut devenir un chiffre extraordinaire. »

La BRI ne s’engage, officiellement, qu’à indiquer le montant total du notionnel restant dû pour les contrats à terme sur le marché des dérivés, lequel est estimé à 542 000 milliards de dollar. Mais ce n’est qu’une estimation.

La source bancaire ajoute : «Même ici, ce chiffre a un sens, des montants énormes sont des dérivés de taux d’intérêt. La plupart sont notionnels, mais si 45% du PIB mondial est constitué de pétrole et si celui-ci atteint 1 000 dollars le baril, cela affectera les taux d’intérêt. C’est ce qu’on appelle dans les affaires un passif contingent.»

Goldman Sachs a estimé que quelques semaines après la fermeture du détroit d’Ormuz, le baril pourrait vraisemblablement atteindre 1 000 dollars. Ce chiffre, multiplié par 100 millions de barils de pétrole produit par jour, nous amène à une valeur représentant 45% d’un PIB mondial de 80 000 milliards de dollars. Il va de soi que l’économie mondiale s’effondrerait uniquement à cause de cela.

Les chiens de guerre aboient comme des fous furieux

Près de 30% des réserves mondiales de pétrole transitent par le golfe Persique et le détroit d’Ormuz. Les commerçants perspicaces du Golfe Persique – qui le savent mieux que quiconque – sont pratiquement unanimes ; si Téhéran était vraiment responsable de l’incident du pétrolier dans le golfe d’Oman, les prix du pétrole auraient déjà grimpé en flèche; mais ça n’a pas été le cas.

Les eaux territoriales de l’Iran dans le détroit d’Ormuz sont à 12 miles nautiques (22km). Depuis 1959, l’Iran n’y permet que le transit non-militaire.

Depuis 1972, les eaux territoriales d’Oman dans le détroit d’Ormuz, sont également de 12 miles nautiques. À son passage le plus étroit le détroit mesure 21 miles nautiques (39km). Ce qui signifie que la moitié du détroit d’Ormuz est dans les eaux territoriales iraniennes et l’autre moitié dans celles d’Oman. Il n’y a pas d’«eaux internationales».

À cela s’ajoute le fait que Téhéran a déclaré que l’Iran déciderait publiquement, et non en cachette, de fermer le détroit d’Ormuz.

Si l’Iran, devait adopter une tactique de guerre asymétrique en réponse à toute aventure étasunienne, cela aurait un effet très douloureux. Le Professeur Mohammad Marandi de l’université de Téhéran a de nouveau reconfirmé que «même une frappe limitée [par les US] rencontrera une réponse majeure et disproportionnée.» Ce qui veut dire qu’on enlève les gants, c’est du sérieux ; tout pourrait arriver, depuis les pétroliers qui explosent jusqu’aux – ce sont les mots de Marandi, – «installations pétrolières saoudiennes qui s’enflamment».

Le Hezbollah lancera des dizaines de milliers de missiles contre l’Israël. Comme l’a souvent répété dans ses discours le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah : «une guerre contre l’Iran ne se limitera pas à l’intérieur des frontières de ce pays, elle embrasera tout le Moyen-Orient. Toutes les forces étasuniennes et intérêts dans la région seront éliminés, et avec elles les conspirateurs et en tout premier lieu Israël et la famille saoudienne au pouvoir»

Il est assez éclairant d’écouter à ce que disent les services de renseignement israéliens :  «Les chiens de guerre aboient comme des fous furieux»

Au début de cette semaine, le secrétaire d’État, Mike Pompeo s’est rendu au CENTCOM [Commandement central] à Tampa pour discuter «des problèmes de sécurité régionale et des opérations actuelles» avec des généraux – qui sont sceptiques – un euphémisme pour la «pression maximale» qui conduirait à la guerre avec l’Iran.

La diplomatie iranienne a déjà informé discrètement l’Union européenne — et la Suisse — de la capacité de l’Iran à détruire toute l’économie mondiale. Cependant cela n’a pas suffit pour faire lever les sanctions étasuniennes.

Une zone de guerre, de fait

Dans le contexte actuel au Trumpistan, Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA – actuel plus haut diplomate étasunien – a avoué lors d’une intervention dans une université du Texas «Nous avons menti, Nous avons triché, Nous avons volé». Cet homme dirige virtuellement le Pentagone, dont le secrétaire à la Défense «par intérim», Shanahan s’est «politiquement immolé». Pompeo tente activement de vendre l’idée que «la communauté du renseignement est convaincue» que l’Iran est responsable de l’incident des pétroliers dans le golfe d’Oman. Washington est enflammé par les rumeurs d’une prochaine paire sinistre au gouvernement : Pompeo à la tête du Pentagone et le psychopathe John Bolton comme secrétaire d’État. Cela signifiera la guerre.

Pourtant même avant que les étincelles ne commencent à jaillir, l’Iran pourrait déclarer que le golfe Persique est en état de guerre, déclarer que le détroit d’Ormuz est devenu une zone de guerre ; et interdire alors tout le trafic militaire et civil «hostile» dans sa moitié du détroit. Sans tirer un coup de canon, aucune compagnie maritime sur la planète ne ferait transiter ses pétroliers par le golfe Persique.

Pepe Escobar

 

Article original en anglais :

Iran Goes for “Maximum Counter-pressure”. Is Closing the Strait of Hormuz an Option?

Strategic Culture Foundation le 20 juin 2019

Traduit par Alexandre Moumbaris, relu par Marie José Moumbaris pour le Saker Francophone

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Le président Donald Trump et ses sbires menacent de déclencher de nouvelles guerres. Le célèbre cinéaste Oliver Stone signe avec Dan Kovalik, professeur de droit international, une tribune pour appeler à la reconstruction d’un mouvement pour la paix. Alors que de nombreux citoyens sombrent dans la pauvreté, que les infrastructures se délabrent et que le déficit se creuse malgré une conjoncture favorable, les dépenses militaires augmentent et l’armée US apparaît comme l’un des pires contributeurs au réchauffement climatique. « Un mouvement pour la paix est nécessaire, c’est même une question de vie ou de mort« , expliquent Oliver Stone et Dan Kovalic. (IGA)


L’ancien président Jimmy Carter a récemment fait une déclaration profonde et accablante : les États-Unis sont « la nation la plus belliqueuse de l’histoire du monde« . Carter a comparé les États-Unis à la Chine, soulignant que la Chine construit des trains à grande vitesse pour son peuple tandis que les États-Unis investissent toutes leurs ressources dans la destruction massive. Où sont les trains à grande vitesse aux États-Unis? s’est demandé Carter à juste titre.

Comme s’il voulait prouver l’affirmation de Carter, le vice-président Mike Pence a déclaré aux élèves de l’académie militaire de West Point :  » C’est une quasi-certitude que vous allez vous battre sur un champ de bataille pour l’Amérique à un moment de votre vie. . . . Vous dirigerez des soldats au combat. Ça arrivera. » Faisant clairement référence au Venezuela, Pence a poursuivi : « Certains d’entre vous pourraient même être appelés à servir dans cet hémisphère. » En d’autres termes, Pence a déclaré que la guerre était inévitable, c’était une certitude pour ce pays.

De plus, il a récemment été rapporté que le Pentagone se préparait à la guerre à la fois contre la Russie et la Chine. Cela arrive au moment même où Trump et ses sbires menacent ouvertement d’attaquer l’Iran et le Venezuela, allant jusqu’à doubler la guerre d’Afghanistan déjà vieille de près de 20 ans, tout en soutenant et en encourageant l’Arabie saoudite dans sa guerre génocidaire contre le Yémen. On pourrait penser, et même espérer qu’il y aurait une levée massive de boucliers contre ce qui apparait comme la menace imminente d’une nouvelle guerre.

Et pourtant, cette menace n’a rencontré qu’un silence quasi total. En effet, dans la mesure où les médias mainstream ont réagi aux menaces belliqueuses de Trump, ils ont plutôt affiché leur déception. Le président n’irait pas assez vite vers une agression militaire. Un article du New York Times du 11 mai illustre la tendance, « Trump a déclaré qu’il apprivoiserait les États voyous. Maintenant, ils le défient« . Cet article pousse essentiellement Trump à utiliser la force militaire contre la Corée du Nord, l’Iran et le Venezuela.

Ce que le Times et d’autres médias ne reconnaissent pas, c’est que ce sont les États-Unis qui sont l’État voyou à tous points de vue. Et cette vérité n’est pas oubliée par les citoyens du monde qui, dans deux sondages mondiaux, ont classé les États-Unis comme la plus grande menace à la paix mondiale.

Entre-temps, on n’évoque plus les promesses désespérément nécessaires de remettre en état les infrastructures de ce pays; des villages de tentes abritant des SDF se dressent dans presque toutes les grandes villes US; près de la moitié des Étasuniens ne peuvent s’offrir les produits de première nécessité; et les soins de base sont toujours hors de portées pour des millions de citoyens.

Le mammouth dans la pièce que tout le monde refuse de voir, c’est l’insatiable complexe militaro-industriel. Il détourne des ressources précieuses de ces causes et les consacre à la destruction d’autres nations. Pendant ce temps, la machine de guerre US est sans doute le plus grand contributeur mondial au réchauffement climatique. Comme pour illustrer la menace environnementale qu’elle représente, l’armée US vient d’ouvrir une piste d’atterrissage dans l’archipel des Galapagos.

Alors que la campagne présidentielle de 2020 commence, il est déconcertant de constater que rien de tout cela ne fait l’objet de débats. La seule candidate qui est prête à aborder ce sujet – la vétérane militaire Tulsi Gabbard – est calomniée et ridiculisée. Les gens ne se rendent-ils pas compte qu’il n’y aura pas de « Green New Deal », ou de « Medicare for All », ou d’autres louables programmes sociaux tant que nous continuerons sur notre chemin sans fin de la guerre ? En effet, les États-Unis viennent d’entrer dans l’histoire cette année en connaissant une augmentation historiquement élevée du déficit malgré une conjoncture économique favorable. Et la raison à cela, c’est que nous sommes maintenant engagés dans des dépenses déficitaires pour la guerre au lieu de répondre aux besoins humains.

En fin de compte, la plus grande chose que nous puissions faire, tant pour nous-mêmes que pour le reste du monde, c’est d’empêcher les États-Unis de déclencher leur prochaine guerre, tout en exigeant de mettre fin aux conflits déjà en cours. Nous devons exiger que notre gouvernement cesse de consacrer des ressources à la guerre et à la destruction et qu’il les consacre plutôt à la construction, à la satisfaction des besoins humains et à la protection de notre environnement. Cela nécessitera la reconstruction aux États-Unis du mouvement pour la paix, mouvement qui a contribué à arrêter la guerre du Vietnam et la guerre US contre l’Amérique centrale, mouvement qui a également mobilisé un nombre record de personnes contre l’invasion de l’Irak en 2003. Un tel mouvement pour la paix est plus que jamais nécessaire aujourd’hui, et c’est littéralement une question de vie ou de mort.

Oliver Stone et Dan Kovalik

 

Article orignal en anglais : We must stop our nation’s push for relentless war, Boston Globe, le 1er juillet 2019.

Introduction et traduction de l’anglais par Investig’Action

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La crise de la dette mexicaine et la Banque mondiale

juillet 22nd, 2019 by Eric Toussaint

En 2019, la Banque mondiale (BM) et le FMI atteignent l’âge de 75 ans. Ces deux institutions financières internationales (IFI), créées en 1944, sont dominées par les États-Unis et quelques grandes puissances alliées qui agissent pour généraliser des politiques contraires aux intérêts des peuples.

La BM et le FMI ont systématiquement prêté à des États afin d’influencer leur politique. L’endettement extérieur a été et est encore utilisé comme un instrument de subordination des débiteurs. Depuis leur création, le FMI et la BM ont violé les pactes internationaux sur les droits humains et n’hésitent pas à soutenir des dictatures.

Une nouvelle forme de décolonisation s’impose pour sortir de l’impasse dans laquelle les IFI et leurs principaux actionnaires ont enfermé le monde en général. De nouvelles institutions internationales doivent être construites. Nous publions une série d’articles d’Éric Toussaint qui retrace l’évolution de la BM et du FMI depuis leur création en 1944. Ces articles sont tirés du livre Banque mondiale : le coup d’État permanent, publié en 2006, aujourd’hui épuisé et disponible gratuitement en pdf.

Robert McNamara et le président Luis Echeverria (1970-1976) s’entendent très bien. Le président mexicain a dirigé une répression féroce contre la gauche radicale. A partir de 1973, les revenus en devises du Mexique croissent rapidement grâce au triplement du prix du pétrole. Cette augmentation des revenus en devises devrait mettre le Mexique à l’abri de la nécessité de s’endetter. Pourtant le volume des prêts de la Banque mondiale au Mexique augmente fortement : il est multiplié par 4 entre 1973 et 1981 (passant de 118 millions de dollars prêtés en 1973 à 460 millions prêtés en 1981). Le Mexique s’endette également auprès des banquiers privés avec l’aval de la Banque mondiale. Le volume des prêts des banques privées au Mexique est multiplié par 6 entre 1973 et 1981. Les banques des États-Unis dominent largement, suivies dans l’ordre par les banques britanniques, japonaises, allemandes, françaises, canadiennes et suisses. Les montants prêtés par les banquiers privés sont plus de 10 fois supérieurs à ceux prêtés par la Banque mondiale. Quand la crise éclate en 1982, on dénombre 550 banques créancières du Mexique ! Pour la Banque mondiale, en prêtant au Mexique, l’enjeu est de garder une influence sur les autorités mexicaines. En 1974-1976, la situation des finances publiques mexicaine se détériore gravement. La Banque mondiale pousse le Mexique à continuer à s’endetter alors que les signaux d’alerte clignotent.

Le 3 février 1978, la Banque mondiale fait la projection suivante : «  Le gouvernement mexicain est à peu près certain d’obtenir un accroissement important des ressources à sa disposition au début des années 1980. Nos projections les plus récentes font état d’un surplus de la balance des transactions courantes en 1982, d’un accroissement important des revenus d’exportation, principalement grâce au pétrole, ce qui devrait faciliter le problème de la dette extérieure et la gestion des finances publiques au début des années 1980. Le service de la dette extérieure qui représentait 32,6 % des revenus d’exportation en 1976 augmentera progressivement jusqu’à 53,1 % en 1978 et va par la suite décroître à 49,4 % en 1980 et jusqu’à environ 30 % en 1982  ! » [1] C’est le contraire qui se passe en réalité. L’entièreté du pronostic cité est contredit par les faits !

Au moment où, en octobre 1979, Paul Volcker, directeur de la Réserve fédérale des États-Unis, décrète la forte augmentation des taux d’intérêt qui va conduire inexorablement à la crise de la dette, déclenchée justement à Mexico, la Banque mondiale se veut rassurante. Le 19 novembre 1979, elle écrit : « Tant l’accroissement de la dette extérieure du Mexique que l’augmentation du ratio du service de la dette par rapport aux exportations qui pourra s’élever jusqu’à 2/3 des exportations (…) donnent à penser qu’il s’agit là d’une situation très critique. En fait, c’est le contraire qui est vrai [2] ». C’est littéralement ahurissant.

Le message émis par la Banque mondiale consiste à dire que même si tout suggère que tout va mal, il n’y a rien à craindre, la situation réelle est excellente et il faut continuer à s’endetter. Que dirions-nous d’un garde-barrière qui encouragerait les piétons à traverser la voie ferrée alors que le feu rouge indique l’arrivée imminente d’un train ? Que ferait la justice si ce type de comportement avait entraîné mort d’homme ?

Les banquiers privés du Nord augmentent d’une manière exponentielle les montants prêtés aux PED, à commencer par le Mexique.

Un des économistes de la Banque chargé de suivre la situation écrit un rapport très alarmant le 14 août 1981 [3]. Il explique qu’il est en désaccord avec la position optimiste du gouvernement mexicain et de son représentant Carlos Salinas de Gortari, directeur général au ministère de la Programmation et du Budget [4]. La hiérarchie lui fait des ennuis très graves, au point qu’il décide d’intenter plus tard un procès à la BM (qu’il gagne) [5]. En 1981, la Banque mondiale octroie au Mexique un prêt de 1,1 milliard de dollars (à débourser sur plusieurs années) : de loin le plus gros prêt de la Banque depuis 1946. Début 1982, la Banque mondiale affirme que la croissance du produit intérieur brut mexicain atteindra annuellement 8,1 % entre 1983 et 1985. Le 19 mars 1982, six mois avant que la crise n’éclate, le président de la Banque mondiale, Alden W. Clausen, envoie la lettre suivante au président du Mexique, José Lopez Portillo [6] : « La rencontre que nous avons eue à Mexico avec vos principaux conseillers a renforcé la confiance que je place dans les dirigeants économiques de votre pays. Monsieur le président, vous pouvez être fier des réalisations de ces cinq dernières années. Peu de pays peuvent s’enorgueillir de tels taux de croissance ou d’autant d’emplois créés… Je voulais vous féliciter pour les nombreux succès déjà obtenus. Comme je l’ai dit lors de la rencontre, la régression récente de l’économie mexicaine ne peut être que temporaire et nous serons heureux de vous aider pendant le processus de consolidation [7]. »

Moins d’un an auparavant, Alden W. Clausen était encore président de la Bank of America et celle-ci prêtait à plein rendement au Mexique.

Le 20 août 1982, le Mexique après avoir, au cours des sept premiers mois de l’année, remboursé des sommes considérables, annonce qu’il n’est plus en mesure de continuer les paiements. Le Mexique décrète un moratoire (suspension de paiement) de six mois (août 1982 à janvier 1983). Il lui reste 180 millions de dollars en caisse alors qu’il est censé rembourser 300 millions le 23 août. Le Mexique avait prévenu le FMI dès le début du mois d’août que ses réserves de change n’atteignaient plus que 180 millions de dollars. Le FMI se réunit fin août avec la Réserve fédérale, le Trésor des Etats-Unis, la Banque des Règlements Internationaux (BRI) et la Banque d’Angleterre. Le directeur du FMI, Jacques de Larosière, annonce aux autorités mexicaines que le FMI et la BRI sont disposés à prêter des devises en décembre 1982 à la double condition que l’argent serve à rembourser les banques privées et que le Mexique applique des mesures de choc d’ajustement structurel. Le Mexique accepte. Il dévalue très fortement la monnaie, augmente radicalement les taux d’intérêt nationaux, sauve de la faillite les banques privées mexicaines en les nationalisant et décide d’assumer leurs dettes. En contrepartie, il saisit 6 milliards de dollars qu’elles ont en caisse. Le Président José Lopez Portillo présente au peuple mexicain cette dernière mesure comme un acte nationaliste. Il se garde bien de dire que les 6 milliards de dollars saisis serviront largement à rembourser les banquiers étrangers.

En fait, qui a provoqué la crise de la dette mexicaine ? Est-ce le Mexique qui en a pris l’initiative ?

En termes généraux, les causes sont claires : l’augmentation des taux d’intérêt décidée à Washington, la chute des revenus pétroliers et le surendettement colossal sont les causes structurelles. Les deux premiers facteurs constituent des chocs externes et le Mexique n’y est pour rien. Le troisième facteur, le surendettement, est le résultat du choix des dirigeants mexicains qui ont été encouragés à endetter leur pays par les banquiers privés et la Banque mondiale.

Au-delà des causes structurelles qui sont fondamentales, une analyse de l’enchaînement des faits montre que ce sont les banques privées des pays industrialisés qui ont provoqué la crise en réduisant de manière drastique les prêts octroyés au Mexique en 1982. Alertées par le fait que le Trésor public mexicain avait utilisé presque toutes les devises disponibles pour payer la dette, elles ont considéré qu’il était temps de réduire fortement les prêts. Elles ont ainsi mis à genoux un des plus grands pays endettés. Voyant que le Mexique était confronté à l’effet combiné de la hausse des taux d’intérêt dont elles profitaient et à la baisse de ses revenus pétroliers, elles ont préféré prendre les devants et se retirer. Fait aggravant, les banquiers étrangers ont été complices des élites mexicaines (dirigeants d’entreprises, dirigeants du parti-État, le Parti Révolutionnaire Institutionnel) qui transféraient frénétiquement des capitaux à l’extérieur pour les placer en sécurité. On estime qu’en 1981-1982, pas moins de 29 milliards de dollars ont quitté le Mexique sous la forme de la fuite des capitaux [8]. Après avoir précipité la crise, les banquiers privés en ont ensuite profité. Ils laissent à d’autres le soin de payer les pots cassés. Voici la preuve en quelques tableaux.


Tableau 1 : Prêts des banques étrangères sans garantie de l’État mexicain et les remboursements aux banques
(en millions de dollars)

Source : World Bank, Global Development Finance 2005

Ce tableau reprend l’évolution des prêts des banques privées étrangères ne bénéficiant pas de la garantie de l’État mexicain. On constate qu’après une énorme augmentation entre 1978 et 1981, les prêts chutent drastiquement en 1982. Par contre, les remboursements ne diminuent pas. Au contraire, ils augmentent de près de 40 % en 1982. En 1983, les prêts bancaires sont totalement stoppés. Pourtant les remboursements se poursuivent. L’évolution du transfert net sur la dette qui a été positif jusqu’en 1981 devient très négatif à partir de 1982. Au total, entre 1978 et 1987, le transfert net négatif représente plus de 10 milliards de dollars au bénéfice des banquiers.


Tableau 2 : Prêts des banques étrangères avec garantie de l’État mexicain et les remboursements aux banques
(en millions de dollars)

Source : World Bank, Global Development Finance 2005

Le tableau 2 montre l’évolution des prêts des banques privées étrangères qui bénéficient de la garantie de l’État mexicain. On constate une croissance des prêts entre 1978 et 1981. En 1982, les prêts diminuent de 20 % tandis que les remboursements ne cessent pas, au contraire ils augmentent. Les prêts bancaires connaissent alors une très forte baisse jusqu’en 1986. Par contre, les remboursements de la part de l’État mexicain se poursuivent à un niveau très élevé. Le transfert net sur la dette publique garantie par l’État auprès des banques étrangères, qui a été positif de 1978 à 1982, devient très fortement négatif à partir de 1983. Au total, entre 1978 et 1987, le transfert net négatif représente là aussi plus de 10 milliards de dollars au bénéfice des banquiers.

Le cumul des transferts négatifs des deux tableaux atteint plus de 20 milliards de dollars. Les banquiers privés du Nord ont fait de juteux profits sur le dos de la population mexicaine.


Tableau 3 : Prêts de la Banque Mondiale au Mexique et les remboursements de celui-ci à la BM
(en millions de dollars)

Source : World Bank, Global Development Finance 2005

Le tableau 3 montre l’évolution des prêts de la Banque mondiale au Mexique. On constate une augmentation forte des prêts de 1978 à 1981. La Banque était alors lancée dans une course effrénée avec les banques privées dans l’augmentation des prêts. En 1982 et 1983, on constate une baisse modérée de ses prêts. Ceux-ci augmentent fortement à partir de 1984. La Banque se comporte en prêteur de dernier ressort. Elle prête à l’État mexicain à condition que celui-ci rembourse les banquiers privés, en majorité nord-américains. Le transfert net reste positif car le Mexique utilise effectivement les prêts de la Banque mondiale pour rembourser les banques privées.


Tableau 4 : Prêts du FMI au Mexique et les remboursements de celui-ci au FMI
(en millions de dollars)

Source : World Bank, Global Development Finance 2005

Le tableau 4 montre l’évolution des prêts du FMI aux autorités mexicaines. Ces prêts sont inexistants entre 1978 et 1981. Par contre, pendant la même période, le Mexique rembourse au FMI d’anciens emprunts. A partir de 1982, le FMI prête massivement au Mexique à deux conditions : 1) celui-ci doit utiliser l’argent pour rembourser les banquiers privés ; 2) le Mexique doit mettre en œuvre une politique d’ajustement structurel (réduction des dépenses sociales et d’infrastructures, programme de privatisation, augmentation des taux d’intérêt, augmentation des impôts indirects…). Le transfert net reste positif car le Mexique utilise effectivement les prêts du FMI pour rembourser les banques privées.


Tableau 5 : Prêts des États du Nord au Mexique et les remboursements de celui-ci
(en millions de dollars)

Source : World Bank, Global Development Finance 2005

Le tableau 5 montre l’évolution des prêts octroyés par les États des pays les plus industrialisés. Comme les banquiers privés et la Banque mondiale, les États du Nord augmentent fortement leurs prêts au Mexique de 1978 à 1981. Puis ils font grosso modo la même chose que la Banque mondiale et le FMI. Alors que les banquiers privés réduisent leurs prêts, les États accompagnent le FMI et la Banque pour prêter au Mexique afin qu’il rembourse les banquiers privés et qu’il applique le programme d’ajustement structurel.


Tableau 6 : Évolution de la dette extérieure mexicaine de 1978 à 1987
(en millions de dollars)

Source : World Bank, Global Development Finance 2005

Le tableau 6 montre l’évolution de la dette extérieure totale du Mexique. Elle a été multipliée par 3 entre 1978 et 1987. Pendant ce laps de temps, le total des remboursements représente 3,5 fois le montant de la dette de 1978. Le transfert net négatif total s’élève à plus de 26 milliards de dollars.

A partir de 1982, le peuple mexicain se saigne aux quatre veines au bénéfice des différents créanciers. En effet, le FMI et la Banque mondiale sauront se faire rembourser jusqu’au dernier centime ce qu’ils ont prêté au Mexique pour payer les banquiers privés. Le Mexique se retrouve implacablement soumis à la logique de l’ajustement structurel. Dans un premier temps, le choc imposé en 1982 a produit une forte récession, des pertes d’emplois massives et une forte chute du pouvoir d’achat. Ensuite les mesures structurelles ont entraîné la privatisation de centaines d’entreprises publiques. La concentration de la richesse et d’une grande partie du patrimoine aux mains de quelques grands groupes industriels et financiers mexicains et étrangers est phénoménale [9]

Dans une perspective historique, il est clair que la route vers le surendettement dans les années 1960-1970, l’éclatement de la crise en 1982 et la gestion qui s’en est suivie ont marqué une rupture radicale et définitive avec les politiques progressistes menées entre le début de la révolution mexicaine en 1910 et les années 1940 sous la présidence de Lazaro Cardenas. De la révolution aux années 1940, les conditions de vie de la population se sont fortement améliorées et le Mexique a fortement progressé du point de vue économique. Il a adopté une politique internationale indépendante. Entre 1914 et 1946, le Mexique n’a pas payé la dette et, en fin de compte, il a obtenu une victoire éclatante sur les créanciers quand ceux-ci acceptèrent de renoncer à 90 % du montant dû en 1914 et sans obtenir le paiement des intérêts dus. Depuis la crise de 1982, le Mexique a perdu le contrôle de son destin. C’était un objectif historique que les États-Unis poursuivaient depuis le 19e siècle.

En 1970, la dette publique externe du Mexique s’élève à 3,1 milliards de dollars. 33 ans plus tard, en 2003, elle est 25 fois plus élevée, elle atteint à 77,4 milliards (la dette externe publique et privée atteint 140 milliards). Pendant ce laps de temps, les pouvoirs publics mexicains ont remboursé 368 milliards de dollars (120 fois la somme due en 1970). Le transfert net négatif sur la période 1970 à 2003 s’élève à 109 milliards de dollars. Entre 1983 et 2003, sur 21 années, seules deux (1990 et 1995) ont connu un transfert net positif sur la dette externe publique.

Un jour prochain, c’est sûr, le peuple mexicain saura reconquérir la liberté de déterminer son destin.

Eric Toussaint

 

Cet article fait partie de la série : 1944-2019, 75 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI (partie 16)

Notes :

[1D. Kapur, J. Lewis, R. Webb. 1997. 1997. The World Bank, Its First Half Century, Volume 1 : History, Brookings Institution Press, Washington, D.C., 1275 p., vol. 1. p. 499

[2Idem, p. 499

[3Memorandum to files, « Mexico : Present Economic Situation – Problems and Policies », August 14, 1981.

[4Carlos Salinas de Gortari est devenu président du Mexique en 1988 après avoir organisé une fraude électorale massive pour ravir la victoire au candidat progressiste Cuauthémoc Cardenas. Il quittera la présidence en 1994, peu de temps après avoir signé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Voir chapitre suivant.

[5Voici ce qu’en disent les historiens de la Banque mondiale : « L’économiste (car il travaillait encore pour la Banque à cette époque) a une vision beaucoup plus préoccupante des perspectives macroéconomiques mexicaines pour 1981 et a fait connaître sa vision divergente sous forme de mémo ajouté aux dossiers. Sa carrière future s’en est trouvée compromise : après une bataille de plusieurs années, il a été réintégré dans son poste par une décision de justice. Pieter Bottelier, interview avec les auteurs, le 19 janvier 1993. » in D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 603.

[6José Lopez Portillo a présidé le Mexique de 1977 à 1982.

[7Letter, A. W. Clausen to His Excellency Jose Lopez Portillo, president, United Mexican States, March 19, 1982, in D.. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 603

[8Morgan Guaranty Trust Co. Of New York, World Financial Markets, mars 1986, p. 15.

[9J’ai analysé les effets des politiques d’ajustement structurel au Mexique dans la première édition en 1998, du livre La Bourse ou la Vie. La Finance contre les peuples, Chapitre 15, Étude de cas 2. « Le Mexique : endettement extérieur et crise politico-sociale », p. 270 à 277.

BRÉSIL : C’est le bazar

juillet 22nd, 2019 by Emir Sader

La réunion du Tribunal supérieur de justice concernant l’habeas corpus de Lula n’était pas encore terminée que l’information tombait : un militaire de la force aérienne brésilienne (FAB) avait été arrêté à Séville, sur un vol présidentiel qui l’emmenait à la réunion du G20 au Japon, en possession de 29 kilos de cocaïne.

La surprise passée – bien que cette année un cas semblable se soit produit, celui d’un militaire brésilien sur un vol vers Paris –, les questions se posent : avant tout, comment avait-il pu quitter le Brésil avec des sachets de cocaïne dans son sac de voyage ? Que signifie qu’un membre de la FAB soit impliqué dans un cas de trafic de drogue ?

Outre les spéculations sur les manquements concernant la sécurité de la présidence du Brésil, d’autres ont circulé sur le risque d’extension du trafic vers les Forces armées brésiliennes (FFAA). On a immédiatement associé l’utilisation des FFAA dans la lutte contre le narcotrafic à Rio de Janeiro à la contamination possible par contact de cette institution. La participation d’un militaire lié à la présidence, voyageant en toute impunité dans un avion de la suite présidentielle, est le signe que sont impliquées d’autres personnes au sein de la Force aérienne ou même des Forces armées.

Une autre préoccupation est que ce manque de sécurité sur un vol présidentiel reflète le désordre généralisé au sein de ce gouvernement qui change de ministres et de secrétaires toutes les semaines. En pleine crise des dénonciations de The Intercept [1], le président du Brésil a ouvert un autre front de crise dans deux secteurs fondamentaux du gouvernement. Il a relevé de leurs fonctions quatre assesseurs militaires importants, y compris celui du plus haut rang du gouvernement, pour le remplacer par un membre de la police fédérale, d’un rang très inférieur. Le principal militaire remplacé a déclaré, dans un entretien, que le gouvernement est un vrai bazar qui ne se concentre que sur ce qui n’est pas prioritaire, engendrant ainsi crise sur crise.

Par ailleurs, le président a demandé la démission du directeur général de la BNDES, une grande banque publique de financement, car aucune irrégularité dans le fonctionnement de la banque n’a été détectée contrairement à ce que le président a toujours prétendu. Les chefs d’entreprise ont très mal pris la façon abrupte et sans motif du remplacement du directeur général de la banque.

Dans ce climat, le président du Brésil a modifié son itinéraire pour se rendre à la réunion du G20, troquant Séville contre Lisbonne, comme si cela résoudrait le problème. Il a manifesté son mécontentement suite aux déclarations d’Ángela Merkel qui a déclaré être très préoccupée par la situation grave que connait le Brésil et qui a l’intention d’avoir une conversation sérieuse avec le président du Brésil, en particulier sur le thème de la dévastation des forêts. Le président brésilien contrarié a déclaré qu’il accepterait les critiques lors de la réunion du G20, dans laquelle il n’aura aucune représentation significative y compris parce qu’il a publié un document donnant ses positions extravagantes sur la mondialisation et les thèmes prioritaires de la réunion du Japon.

Pendant cela, le Tribunal suprême fédéral (STF), votait deux requêtes présentées par la défense de Lula. La première est une demande d’annulation d’un procès, en raison d’un comportement partial de la part du juge qui le préside. La seconde est une demande de récusation du juge Moro, ce qui, dans le cas où elle serait retenue, devant les évidences présentées par The Intercept, impliquerait que toutes les accusations portées par ce juge seraient annulées, ce qui conduirait à la remise en liberté de Lula.

La présidente du Parti des travailleurs (PT), Gleisi Hoffman, a déclaré que Lula est soumis à une vraie torture judiciaire. Régulièrement un nouveau recours de la défense de Lula crée un climat de tension et d’expectative, comme s’il s’agissait de la finale d’un championnat. Prévisions, analyses, entretiens avec les juges, transmission par la voie du canal judiciaire, expectatives : tout cela inonde les médias, autant traditionnels qu’alternatifs.

Lula recommande toujours de garder les pieds sur terre, reste serein, sans illusions exagérées. Mais les décisions actuelles du Tribunal suprême fédéral (STF) revêtent des caractéristiques particulières. Ce sont les premières depuis les révélations des conversations dévoilées par The Intercept, où des données réitérées confirment ce que la défense de Lula a toujours soutenu : Moro et tous ceux de Lava Jato, ne sont pas impartiaux, n’agissent pas comme des juges mais comme membre d’un parti, se mettent d’accord, agissant comme un parti politique, qui a eu un objectif : poursuivre Lula, l’empêchant d’être candidat aux élections de 2018, alors que toutes les enquêtes prédisaient la victoire de Lula au premier tour.

Parmi les déclarations absurdes du STF il y a la déclaration réitérée que le juge Moro est apte à juger Lula. La révélation des conversations entre le juge et les accusateurs de Lula qui les instruisait directement sur la façon d’agir, – ce qui est absolument interdit– a remis en cause cette décision.

La première requête de la défense de Lula a été rejetée, la seconde a été repoussée au mois d’août, après les vacances du pouvoir judiciaire. L’un des juges s’est montré inquiet des révélations, un autre a déjà dit que sa position n’a pas varié.

Ce qui est certain c’est que ces révélations ont modifié le climat politique. Suite à leurs publications la situation de Moro et de ses collègues est de plus en plus compromise. Bizarrement, Moro et ses plus proches collaborateurs se sont envolés vers les États-Unis. Moro a l’intention de rendre visite à des organismes de sécurité du gouvernement états-unien. Le jour même où éclatait le scandale du trafic de drogue dans l’avion présidentiel brésilien, Moro était en visite à la DEA, organe nord-américain chargé de la lutte contre le trafic de drogue, pour signer un accord avec le gouvernement brésilien.

 Emir Sader

Photo en vedette : Bolsonaro.

Photo par Orlando Brito/Os Divergentes

Article original en espagnol : El quilombo brasileño, Alai, le 27 juin 2019.

http://www.alterinfos.org/spip.php?article8506

Traduction française : Françoise Couëdel, Bolivar Infos

Emir Sader, sociologue et politiste brésilien, est coordinateur du Laboratoire des politiques publiques de l’Université d’État de Rio de Janeiro (UERJ).

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Le Moyen-Orient s’approche d’un niveau d’alerte maximale à la suite du « maximum de pression » imposé à l’Iran par le président Donald Trump qui, il y a un peu plus d’un an, s’est retiré unilatéralement et illégalement du Plan d’action global commun (PAGC), connu aussi sous le nom d’accord sur le nucléaire iranien, en plus d’imposer de dures sanctions contre l’Iran et que Téhéran considère comme une déclaration de guerre économique. Ces gestes de Trump à l’encontre de l’Iran provoquent une tourmente qui balaie les pétroliers, comme l’illustre la détention mutuelle de navires par l’Iran et la Grande-Bretagne. L’administration étasunienne a poussé Londres à s’en prendre à l’Iran en capturant un superpétrolier iranien (le Grace 1) à Gibraltar le 4 juillet, qui a entraîné des représailles réciproques de la part de l’Iran (en capturant un pétrolier britannique dans le détroit d’Hormuz). Alors que les USA et le R.U. se dirigent tout droit vers le précipice en entraînant avec eux l’Iran, le guide suprême iranien, Sayyed Ali Khamenei, a annoncé publiquement « trois orientations » à l’intention des responsables du pays, qui comprennent une feuille de route à suivre même en sa propre absence.

L’Iran a détenu un pétrolier britannique, le « Stena Impero », quelques heures après que la Haute Cour de justice de Gibraltar eut annoncé le prolongement d’un mois de la détention du pétrolier iranien « Grace 1 », qui transporte deux millions de barils de pétrole. Lorsque cette nouvelle est parvenue aux dirigeants iraniens, ils ont réalisé que les efforts de médiation du président français Emmanuel Macron avaient échoué et que l’heure était venue pour l’Iran de prendre les choses en main.

Cela ne signifie pas que l’Iran ferme la porte à la diplomatie française ou aux tentatives d’autres États intermédiaires de désamorcer la situation extrêmement tendue qui s’intensifie quotidiennement au Moyen-Orient, notamment avec l’arrivée de nouveaux navires de guerre britanniques et de forces militaires étasuniennes supplémentaires en Arabie saoudite.

Le conseiller en chef du président Emmanuel Macron, l’ambassadeur Emmanuel Bonne, s’est rendu à Téhéran ce mois-ci pour rencontrer les dirigeants iraniens, à qui il a promis d’intervenir pour obtenir la libération du superpétrolier iranien Grace 1, et de jouer un rôle de médiation entre Téhéran et Washington.

Selon des sources iraniennes, la détention du superpétrolier iranien est le fruit des efforts des USA pour impliquer davantage l’Europe dans l’offensive étasunienne contre l’Iran. Les USA se cachent derrière Londres et observent le premier affrontement entre le R.U. et Téhéran dégénérer, alors que les forces spéciales iraniennes ont pris la situation en main en confisquant un pétrolier britannique.

Les USA semblent avoir poussé le R.-U. à prendre la décision de détenir le Grace 1 au début de la crise des pétroliers, après que l’Iran eut abattu un drone étasunien. Malheureusement, Londres a accepté de s’impliquer au nom de son allié étasunien, confirmant ainsi davantage les appréhensions européennes ayant trait aux effets du retrait étasunien de l’accord sur le nucléaire, que les pays européens n’ont pas soutenu,  puisque l’Iran n’a violé aucune clause de l’accord en 14 mois.

La décision des USA de révoquer l’accord sur le nucléaire iranien et le « maximum de sanctions » imposées à l’Iran ne font qu’augmenter la pression et accroître le danger d’une guerre possible au Moyen-Orient.

Il est clair que l’Iran n’a pas l’intention d’abdiquer devant les sanctions et l’agression des USA. Le Moyen-Orient s’approche d’un « niveau d’alerte maximale » parce que l’Iran se considère déjà en guerre (économique) avec les USA et ses alliés. À ce moment-ci, l’Iran ne fait pas de différence entre la guerre économique imposée par l’administration étasunienne et une guerre militaire : les résultats sont dévastateurs dans les deux cas.

J’ai appris que Sayyed Ali Khamenei s’est réuni avec les dirigeants iraniens et a donné trois directives à suivre par l’Iran, peu importe les difficultés pouvant surgir à tout moment dans l’avenir, en tant que principes arrêtés.

Le détroit d’Hormuz

« Les USA semblent conscients de ce que Téhéran planifie et vise. Voilà pourquoi cette administration, comme toutes celles d’avant, veut nuire au développement nucléaire et de missiles de l’Iran et au soutien qu’il accorde à ses alliés, mais en vain », a indiqué la source

Voici les directives de Khamenei :

1 – Adhérence au droit de l’Iran à l’enrichissement nucléaire et à tout ce qui est lié à cette science à tout prix. L’enrichissement nucléaire est un sabre que l’Iran peut brandir au visage de l’Occident, qui veut lui enlever. C’est la carte dont l’Iran dispose pour bloquer toute intention des USA « d’anéantir » l’Iran.

2 – Poursuite du développement des capacités de missiles et des programmes balistiques de l’Iran. C’est l’arme de dissuasion qui empêche ses ennemis de lui faire la guerre. Sayyed Ali Khamenei considère le programme de missiles comme un moyen d’équilibrer le rapport de forces et ainsi prévenir les dommages pour l’Iran.

3 – Soutien des alliés de l’Iran en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen sans jamais les abandonner, parce qu’ils sont essentiels à la sécurité nationale de l’Iran.

Les trois points de Sayyed Khamenei constituent la réponse aux 12 conditions annoncées par le secrétaire d’État Mike Pompeo, qui a demandé au gouvernement iranien d’abandonner ses programmes nucléaires et de missiles ainsi que ses alliés au Moyen-Orient, ce qui priverait l’Iran de tout moyen de défense en le transformant en pays vulnérable.

Les sources ont ajouté ceci : « Sayyed Khamenei a recommandé ces commandements afin de préserver la République islamique d’Iran, et ces trois points sont tout aussi importants pour la protection de l’Iran, la poursuite de son existence et sa sécurité nationale et stratégique. »

L’Iran a commencé à développer ses capacités de missiles sous les sanctions des USA. Il a élaboré son programme nucléaire pendant les 40 ans d’imposition d’un blocus suffocant par les USA. Aujourd’hui, l’Iran a atteint un stade très avancé dans les deux cas, au point qu’il n’abandonnera jamais les deux programmes et continuera d’avancer.

Pour ce qui est de ses alliés, les dernières années ont démontré comment l’Iran et ses alliés au Yémen, en Irak, en Syrie et au Liban ont pu prendre l’initiative au Moyen-Orient et tourner les choses en leur faveur.

Il n’est pas à exclure que Téhéran installe des missiles balistiques à proximité d’ennemis ou de pays qui pourraient être ciblés par ces missiles. Les alliés de l’Iran le défendront au pied levé.

La situation aujourd’hui est la suivante : l’Iran détient le pétrolier britannique « Stena Impero » et ses 23 membres d’équipage à Bandar Abbas, d’ici à ce que le Grace 1 soit libéré. Le commandement central des USA a annoncé qu’il collaborait avec ses alliés pour sécuriser la liberté de mouvement. L’Iran a menacé d’empêcher toute exportation de pétrole de la région du golfe Persique s’il ne peut exporter son propre pétrole. Téhéran a abattu un drone étasunien. Trump a annoncé lui-même avoir abattu un drone iranien (une affirmation niée  par l’Iran), se plaçant au même niveau que le Corps des gardiens de la Révolution iranienne, que Trump considère comme un groupe terroriste!

Les USA dépêchent de nouvelles troupes en Arabie saoudite et la Grande-Bretagne envoie d’autres navires de guerre dans le golfe Persique. Tout ce déploiement se fait dans un petit secteur du Moyen-Orient, un détroit tout mince qui peut difficilement être le centre de tant d’événements. La région s’approche d’un niveau d’alerte maximale alors que tous les pays et leurs alliés ont le doigt sur la gâchette au lieu de se rendre à la table de négociations et de respecter les accords signés. Mais il se pourrait que le pire reste à venir.

Elijah J. Magnier

 

Photo en vedette : Forces spéciales de la marine iranienne dirigées par le général Mohammad Nazeri (2017)

Traduction de l’anglais : Daniel G.

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Un scandale politique a éclaté récemment à Puerto Rico qui a poussé la population à descendre dans la rue pour des manifestations rassemblant plusieurs milliers de personnes autour d’un mot d’ordre : « Ricky Renuncia ! », Ricardo, démissionne ! – Ricardo Rossello est l’actuel gouverneur de l’île.

Le 11 juillet, une source anonyme a publié les messages personnels du compte Telegram (application de messagerie cryptée équivalente à Whatsapp) du gouverneur, lié à Donald Trump. 2 jours plus tard, le Centre de Journalisme d’Investigation de Puerto Rico les publiait en ligne, révélant des messages d’une teneur profondément misogyne et homophobe, tenus par le gouverneur Rossello et de nombreux hommes politiques proches de lui. Deux d’entre eux ont démissionné immédiatement après la publication, dont le Secrétaire d’État Luis Rivera Marín. Mais cela n’a pas suffit à calmer la colère de la population, qui avait commencé à se rassembler dans la rue dès que le scandale a éclaté.

Les manifestations ont atteint un pic, mercredi 17 juillet, avec près de 100.000 personnes dans les rues de San Juan, la capitale, lorsque le consortium de journalistes a révélé un « réseau de corruption de plusieurs millions de dollars », mettant en cause plusieurs sociétés publiques.

Depuis 2016, Puerto Rico est sous le contrôle d’un conseil de supervision financière (Financial oversight board) instauré par la loi PROMESA (Puerto Rico Oversight, Management and Economic Stability Act), elle-même adoptée durant l’administration Obama. Le but de ce conseil de représentants non-élus est de mettre en place un plan de remboursement des créanciers de l’île (principalement de grands fonds d’investissement étasuniens) en appliquant un plan d’austérité radical, incluant des fermetures d’écoles, des coupes énormes dans les pensions et surtout pas le moindre investissement dans l’économie locale, les infrastructures ou les politiques sociales.

Pour en savoir plus : La dette néocoloniale de Puerto Rico

C’est dans ce contexte, illustrant parfaitement la Doctrine du Choc de Naomi Klein, que l’île fut frappée, 2 fois consécutivement, par des ouragans qui ont causé d’énormes ravages sur l’île, tués plus de 3000 personnes et détruits le réseau électrique. Il aura fallu 11 mois pour restaurer le courant sur toute l’île, ce qui a passablement augmenté le nombre de décès résultant à la fois de l’ouragan, du manque d’entretien du réseau électrique et des choix catastrophiques qui ont été fait dans la gestion de cette crise. Les révélations du consortium de journalistes confirment largement ce dernier point.

Pour la restauration du réseau électrique, détenu par l’entreprise publique PREPA (Puerto Rican Electric Power Authority), celle-ci a d’abord passé un contrat avec une entreprise qui n’avait aucune expérience dans la région mais qui avait des liens étroits avec le secrétaire du ministère de l’Intérieur Ryan Zinke. Le contrat a fini par être annulé et un nouveau contrat fut signé avec une entreprise liée au géant des énergies fossiles Mammoth Energy Services, alors que la situation de l’île et son exposition face aux ouragans ont largement démontré qu’il était nécessaire pour elle de s’appuyer sur une production locale d’énergie renouvelable.

Ricardo Rossello ne résistera certainement pas à cette vague de mécontentement. Ses adversaires politiques préparent déjà un recours pour tenter de mettre en place une mesure d’empêchement (impeachment). Mais cela ne retirera pas le mal fait, et ne changera pas le programme du conseil de supervision financière qui poursuivra dans sa voie austéritaire, en faveur des créanciers de l’île qui dégagent des profits pharamineux. La saison des ouragans débute maintenant…

Rappelons que le CADTM international s’était rendu à Puerto Rico en décembre 2018 et qu’un programme d’activités très réussi avait été organisé par son partenaire local, le front citoyen pour l’audit de la dette.

Pierre Gottiniaux

- À voir : reportage photos du Guardian

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Dans la paroisse d’Antímano, dans la capitale Caracas, se dresse un bloc de maisons très particulier. Ses habitants l’ont construit de leurs propres mains, après qu’en 2011, à l’initiative du président Hugo Chávez, un peu moins d’un hectare de terre a été exproprié de la société Polar. L’idée était de sauver des terrains urbains abandonnés qui ne remplissaient aucune fonction sociale, au profit de familles en situation de « risque social, sans logement propre et de jeunes couples qui fondent des familles ». 

En janvier 2011, la loi d’urgence sur la terre et le logement a été approuvée, dont le décret Area A Vivir (Zone à Vivre, NdR) a rendu possible la récupération des terres et le développement du logement social : « l’État ne permettra pas l’existence de biens non résidentiels ou de terrains abandonnés, inutilisés, sous-utilisés ou dont l’utilisation est insuffisante et dont les conditions actuelles remplissent le potentiel pour répondre à l’objet de la loi ». C’est sous la proclamation de Chávez, « le drame du logement n’a pas de solution dans le cadre du capitalisme, seulement dans celui du socialisme », que le camp des pionniers a pu prendre forme.

Le camp Amatina est situé dans une zone industrielle, mais d’autres camps ont également été mis en place « dans des zones abritant les classes supérieures, les classes moyennes et périurbaines, s’adaptant à des contextes urbains aux caractéristiques différentes », explique Nelson Rodríguez, vice-ministre du logement. À Amatina, il y a environ 140 familles qui se réunissent en assemblées hebdomadaires. Iraida Morocoima, l’une de leurs porte-paroles, accueille les visiteurs pour partager cette expérience : « Beaucoup de gens dans ces familles n’avaient pas la moindre idée de comment fixer une brique. Il y en avait certainement d’autres qui étaient maçons, mais la plupart d’entre nous étions des femmes. Le premier défi était de reconnaître que la construction d’un bâtiment de cinq ou six étages était nécessaire ; c’était difficile, nous ne pouvions même pas le concevoir ». Pour y parvenir, les pionniers se sont appuyés sur les matériaux de construction et les conseils techniques fournis par l’État dans le cadre de la Gran Misión Vivienda Venezuela.

Les plans architecturaux ont été étudiés et finalisés sous la supervision des futurs habitants, en fonction des besoins spécifiques de chacune des familles. « Cela nous a servi d’outil pour donner une approche différente à ce type d’urbanisme. Si nous n’avions pas politisé cette construction, nous serions tombés dans l’erreur de reproduire le modèle familial préconisé par le capital : des espaces de vie conçus uniquement pour un homme et une femme, et changeant même de couleur… Mais nous avons dit non, car il existe ici un prototype de famille différent. Notre but était de bâtir une communauté ». Un exemple ? « Il n’y a pas d’ascenseur dans le bâtiment, les personnes âgées et handicapées vivent donc au rez-de-chaussée. Avant de venir ici, cette fille handicapée n’avait nulle part où partager. Maintenant, nous avons ici cet espace de réunion, où elle peut venir et participer à des fêtes », assure Moracaimo.

Une fois que le soutien de l’État fut obtenu par le biais de l’assistance technique, le camp a établi un modèle de construction autogérée, sans entreprise de construction. De cette façon, « pour l’État, le coût du projet a été réduit de moitié », concède Nelson Rodríguez. Mais le plus important, c’est la dynamique de participation qu’elle a provoquée, avec « des centaines d’heures d’organisation des familles et les 11 autres mouvements d’habitants qui leur sont venus en aide : du matériel et des ressources ont été prêtés, elle fonctionne comme un réseau, un système dans lequel on échange des travailleurs, on fait un achat commun de machines, etc. »

Une fois le droit au logement établi, le retour de l’usage d’un terrain abandonné, l’outil permettant à la communauté de consolider son objectif était d’assumer l’auto-gouvernement. C’est l’une des notions de base de ce camp. « C’est le premier projet qui a été réalisé, et il y a sûrement beaucoup d’erreurs que nous avons faites, avec des fissures dans le mur, mais nous apprenons. Et le plus important, c’est ce que nous avons appris avec cette conception participative, parce que nous sommes très conscients que vivre ici doit être différent ». C’est une idée bien établie parmi les familles, y compris parmi les plus jeunes. Alors que je monte les escaliers de l’immeuble, je m’adresse à un enfant qui m’accompagne pour lui dire combien la communauté doit être reconnaissante envers le gouvernement bolivarien. Sa réponse spontanée casse en mille morceaux le concept « d’assistanat » appliqué de façon récurrente comme le sceau caractéristique des processus latino-américains du socialisme au XXIe siècle : « Nous faisons cette Révolution, personne ne nous la donne ».

Nelson Rodríguez insiste sur l’idée que le camp d’Amatina n’est pas seulement une maison : « ce ne sont pas seulement des maisons, mais aussi des espaces communautaires, des espaces productifs comme des coopératives, des jardins communautaires, des services communaux comme une banque, une boulangerie, une usine… Ce qui est recherché, c’est la construction d’une communauté de vie et des moyens de production basés sur l’auto-gestion. C’est un projet intégral de production et d’approvisionnement ». Il y a ceux qui relativisent ce type de lutte pour le droit au logement, en donnant des leçons depuis leur tour d’ivoire, mais pour d’autres, c’est intolérable et il faut y mettre fin de quelque façon que ce soit :« beaucoup de secteurs économiques n’ont pas accepté cette intervention étatique. La droite dit qu’il y a des processus de confiscation des terres. Elle a l’intention de les rendre, car selon la droite, elles ont été confisquées par la Révolution. C’est une bataille, l’entreprise veut initier un processus pour les récupérer ». Loin d’être conçue comme une expérience isolée, ses protagonistes cherchent à l’étendre à toute la géographie vénézuélienne afin de renforcer la construction de « l’État communal », destiné à saper les fondements de l’institutionnalité et à remplacer ainsi progressivement les anciennes structures étatiques, adaptées aux besoins de la classe dirigeante pendant les décennies de gouvernements issus du Pacte de Punto Fijo. Il s’agit donc d’approfondir la démocratie participative au détriment de la « démocratie restreinte ».

Sans aucun doute, ce sont les expériences communales comme celle d’Amatina qui expliquent le mieux l’esprit donquichottesque et l’attachement incorruptible de ce peuple à son gouvernement ; c’est aussi pour cette raison que Nicolás Maduro a été réélu président en mai 2018, défiant la crise économique, les menaces de putsch de la droite, l’annonce de la non reconnaissance de l’UE et les sanctions de l’empire Obama, puis Trump. Morocoima résume ainsi la situation : « Nous ne sommes pas venus vivre ici pour ensuite devenir une autre classe sociale. Nous vivons ici pour défendre la Révolution, pour maintenir ce processus révolutionnaire. Nous sommes un peuple digne et combattant : Chávez est venu, Bolivar nous a fait revivre et maintenant nous sommes Guaicaipuro, Bolivar et Chávez ensemble ! » Les Indiens, les Créoles et les métis sont les symboles de la souveraineté du Venezuela et de sa généreuse identité en faveur de l’intégration ; sa incarnation en ces trois personnages historiques prouve bien que ce peuple a rendu réalité ce qui semblait impossible : tenir les rênes de son destin contre vents et marée.

Alex Anfruns

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Autrefois une région agricole tranquille, la Silicon Valley est aujourd’hui le centre d’une industrie mondiale qui transforme l’économie, façonne notre discours politique et modifie la nature même de notre société. Alors que s’est-il passé ? Comment ce changement remarquable s’est-il produit ? Pourquoi cette région est-elle l’épicentre de cette transformation ? Découvrez les sombres secrets de l’histoire réelle de la Silicon Valley et des géants de la technologie dans cette importante édition du Rapport Corbett.

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Silicon Valley. Nichée dans le sud de la baie de San Francisco, dans le nord de la Californie, la vallée n’est pas seulement un lieu géographique. C’est une idée. C’est l’expression de l’envie de numériser toute l’information disponible dans le monde, et de créer des bases de données, de suivre et de stocker cette information. Et comme nous commençons maintenant à le découvrir, le résultat de cette absolue numérisation est un monde sans vie privée. Un monde où notre capacité à participer au débat public est soumise aux caprices des grands milliardaires de la technologie. Un monde où la liberté appartient au passé et où personne n’est hors de portée de Big Brother.

Photo aérienne du nouveau bâtiment du campus d’Apple – Cupertino en Californie – 23 avril 2017

Pour beaucoup, ce n’est qu’une heureuse coïncidence à l’usage des services de renseignements qui cherchent à saisir et à conserver tous les détails de chaque instant de notre vie. Pour beaucoup, c’est encore un hasard si le complexe industriel de l’information dispose maintenant de suffisamment d’informations pour suivre chacun de nos mouvements, écouter chacune de nos conversations, cartographier nos réseaux sociaux et — de plus en plus — prévoir nos plans d’avenir. Pour beaucoup, ce n’est qu’une série d’événements aléatoires qui ont conduit au monde tel qu’il est aujourd’hui.

Mais ce que les masses ne savent pas, c’est que la Silicon Valley a une histoire très particulière. Une histoire qui explique comment nous en sommes arrivés à notre situation difficile actuelle, et qui parle de l’avenir dans lequel nous sommes tous somnambules. Un futur de surveillance absolue et de contrôle total par les milliardaires des géants de la technologie et leurs bailleurs de fonds qui agissent dans l’ombre.

Voici les secrets de la Silicon Valley et ce que les grandes entreprises technologiques ne veulent pas que vous sachiez.

Autrefois connue sous le nom de « La Vallée des délices du cœur », la vallée de Santa Clara était une région bucolique et agraire connue pour son climat doux et ses arbres fruitiers en fleurs. Jusqu’aux années 1960, c’était la plus grande région de production et de conditionnement de fruits au monde.

 

© InconnuVergers et contreforts de Californie – Le printemps dans la vallée de Santa Clara

Aujourd’hui, il y a peu de souvenirs du tranquille passé agricole de la vallée. Aujourd’hui surnommée « Silicon Valley », elle abrite bon nombre des plus grandes entreprises de technologie et de médias sociaux du monde, de Google et Facebook à Apple et Oracle, de Netflix et Cisco Systems à PayPal et Hewlett-Packard. C’est le centre d’une industrie mondiale qui transforme l’économie, façonne notre discours politique et modifie la nature même de notre société.

Commentaire : Après deux siècles d’une tradition agricole engagée par les missionnaires espagnols, la « Vallée des délices » est officiellement devenue la « Silicon Valley » en 1971. C’est toutefois en 1939 que la firme Hewlett-Packard s’y implante devançant IBM en 1943. La nouvelle appellation provient du silicium (silicon en anglais) qui est le matériau de base des composants électroniques, et donc symbole des industries de l’électronique et de l’informatique.à

Alors que s’est-il passé ? Comment ce changement remarquable s’est-il produit ? Pourquoi la Silicon Valley est-elle l’épicentre de cette transformation ?

La réponse est étonnamment simple : La Seconde Guerre Mondiale a eu lieu.

L’afflux dans la région de la recherche et de l’industrie des hautes technologies est le résultat direct de l’avènement de la Seconde Guerre Mondiale et des actions d’un seul homme : Frederick Terman.

Frederick était le fils de Lewis Terman, un pionnier de la psychologie de l’éducation à la Stanford Graduate School of Education. Eugéniste avoué, Lewis Terman a popularisé les tests de QI aux États-Unis en favorisant l’organisation de la première campagne massive de tests de QI pour l’armée étasunienne pendant l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre Mondiale.

Commentaire : « Naguère, l’intelligence était entendue comme la faculté de résoudre des problèmes complexes. Mais la pratique des tests de QI en a réduit l’envergure pour la restreindre à la faculté de résoudre un maximum de problèmes élémentaires dans un temps imparti. Ce marathon mental ne saurait prendre en compte ce que les psychologues qualifient de « sens stratégique », à savoir la capacité de recul par rapport à une situation. Il est inopérant pour apprécier la capacité de synthèse et la plasticité d’approche qui, ensemble, provoquent des renversements de perspective conduisant à l’émergence de solutions originales. La chronométrie ignore cette composante créative, pourtant la plus fondamentale, de l’intelligence, parce qu’elle est incapable de la quantifier « objectivement ». La psychométrie est donc avant tout une mesure de ce qui se quantifie aisément dans l’intelligence, et non pas de ce qui est réellement important d’estimer.Le succès des tests de QI tient également au contexte de leur développement. L’idée de mesurer l’intelligence, jusqu’alors considérée comme un phénomène complexe, par une batterie de tests élémentaires à exécuter chacun dans un temps limité et toujours insuffisant, fait parfaitement écho à la décomposition du processus complexe de production artisanale en une série d’étapes simples ordonnées sur une chaîne de production. Dans ce contexte, le concepteur du test devient l’homologue de l’ingénieur chargé de décomposer la production en une série de gestes élémentaires, d’en déterminer l’ordre de succession et la vitesse de déroulement.

En cela, les tests de QI sont un outil remarquable d’estimation de l’adaptation des individus « socialement inutiles » ou inadaptés**. Que le test de QI mesure ou non l’intelligence, les promoteurs de la modernisation y trouvaient de toute façon leur compte.

Rapidement, les psychologues américains ont développé des tests mesurant les performances mentales ne nécessitant pas de savoir lire ni écrire, et exigeant une connaissance très limitée de la langue. Par ce moyen, la réussite au test de QI devenait indépendante des influences socioculturelles. Pour la première fois, il devenait ainsi possible d’outrepasser le conditionnement imprimé par l’éducation pour mesurer la dimension biologique innée, et donc héritable, de ce qui était regardé comme l’intelligence. Le rêve eugéniste prenait forme. En 1916, un psychologue eugéniste américain, Lewis Terman (1877-1956), vantait déjà l’utilité de ce genre de tests pour épargner des efforts éducatifs inutiles envers les individus regardés comme constitutivement déficients : « Aucune quantité d’instruction scolaire ne fera d’eux des citoyens intelligents et responsables, dans le vrai sens du mot. Les enfants de ces groupes devraient être regroupés dans des classes particulières pour recevoir une instruction concrète et pratique. Ils ne peuvent diriger, mais on peut souvent en faire des travailleurs efficaces. ».

Terman soulignait également la nécessité d’utiliser les tests de QI comme critère de stimulation ou de limitation de la reproduction, dans le cadre d’une politique publique autoritaire en matière de contrôle des naissances. Il déplorait en effet que : « Il n’existe pas de possibilité aujourd’hui de convaincre la société qu’ils [les adultes au bas QI] ne devraient pas être autorisés à se reproduire. C’est d’autant plus vrai que, d’un point de vue eugénique, ils constituent un grave problème par leur taux de reproduction anormalement élevé. ».

Dans l’attente de l’adoption officielle de mesures nécessairement impopulaires, les eugénistes américains arrivèrent à leur fins par des moyens détournés. Le premier fut la pratique du test de QI sur les quelque deux millions de soldats américains recrutés durant la Première guerre mondiale. […] Une fois la guerre terminée, ces mêmes tests furent encore utilisés aux États-unis, toujours pour des motivation eugéniques, comme critères de sélection dans l’immigration. Ils ont depuis lors connu bien d’autres usages de par le monde. »

Note : ** Notion de critère de sélection ouvertement exprimée par Laughlin en 1922 dans un rapport relatif à un projet américain de loi eugénique.

Source : La réforme du vrai – Enquête sur les sources de la modernité, Gérard Nissim Amzallag – Pages 243 à 245

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© InconnuFrederick Emmons Terman

Frederick Terman a étudié à Stanford, où il a obtenu un diplôme de premier cycle en chimie et une maîtrise en génie électrique avant de se diriger vers le MIT pour obtenir son doctorat en génie électrique sous Vannevar Bush.

Ce lien entre les deux hommes a commencé au début de la Seconde Guerre mondiale, lorsque Vannevar Bush — qui dirigeait alors le US Office of Scientific Research and Development [OSRD, Bureau de recherches et de développement scientifiques – NdT] qui lui-même gérait presque toute la recherche et le développement pour l’armée des États-Unis en temps de guerre — a demandé à Terman de diriger le Laboratoire de recherche radio ultra-secret de l’Université Harvard.

Terman y a dirigé huit cent des meilleurs chercheurs du pays dans le domaine émergent de la guerre électronique. Leurs travaux comprenaient la mise au point de certains des premiers équipements de renseignement électromagnétique et de renseignement électronique, notamment des détecteurs de radars, des brouilleurs de radars et des paillettes d’aluminium qui devaient servir de contre-mesures contre les défenses antiaériennes allemandes.

Commentaire : L’OSRD sera dissous en 1947 avant d’être remplacé en 1958 par l’actuelle DARPA [pour Defense Advanced Research Projects Agency, « Agence pour les projets de recherche avancée de défense »] qui reprend les mêmes fonctions ; la DARPA est notamment à l’origine du développement de l’ARPAnet qui est ensuite devenu Internet, entre autres applications d’abord à visée militaire qui deviennent ensuite répandues dans le domaine civil.

La Silicon Valley telle que nous la connaissons aujourd’hui est née après la Seconde Guerre mondiale, lorsque Terman est retourné à Stanford en tant que doyen de l’École d’ingénierie et a entrepris de la transformer en « MIT de l’Ouest ».

Steve Blank : « Terman, avec son expérience de la guerre, a décidé de faire de Stanford un centre d’excellence en micro-ondes et en électronique, et il était l’homme de la situation. Le Laboratoire de recherche radio de l’université Harvard était aux États-Unis le summum de tout ce qu’on pouvait imaginer en ce qui concerne les émetteurs et récepteurs hyperfréquences de pointe. Et pour ce faire, il a recruté onze anciens membres du Laboratoire de recherche radio et leur a dit : « Vous savez, nous n’avons pas vraiment de laboratoire, mais félicitations ! Vous êtes tous professeurs à Stanford ! » « Oh super, merci. ». Ils ont rejoint Stanford et ont mis sur pied leur propre laboratoire : le Laboratoire de recherche en électronique pour la recherche fondamentale non classifiée. Et ils ont obtenu du Bureau de la recherche navale que ce dernier leur donne leur premier contrat — pour financer à Stanford la recherche d’après-guerre sur les micro-ondes. En 1950, Terman transforme le département d’ingénierie de Stanford en MIT de l’Ouest, essentiellement en transférant à Stanford tout le secteur militaire d’innovations de la recherche et du développement en micro-ondes du Laboratoire de l’université Harvard, et en y faisant venir les directeurs de département et le personnel essentiel. »

Source : Histoire secrète de la Silicon Valley [vidéo en anglais – NdT]

Avec l’arrivée des fonds de recherche militaire dans la région, Terman a commencé à transformer le secteur de la baie de San Francisco en un point névralgique de la recherche de haute technologie. En 1951, il a dirigé la création du Stanford Industrial Park — maintenant connu sous le nom de Stanford Research Park — une coentreprise entre Stanford et la ville de Palo Alto pour attirer de grandes entreprises technologiques dans la région. Le parc technologique a connu un énorme succès, attirant finalement Hewlett-Packard, General Electric, Kodak et d’autres entreprises technologiques importantes, établissant la Silicon Valley en maillon reliant Stanford, les grandes entreprises technologiques et la recherche financée par le gouvernement.

Et cette connexion n’était pas de nature anodine. Comme l’écrit le chercheur Steve Blank dans sa propre histoire des racines militaires de la Silicon Valley :

« Au cours des années 1950, Fred Terman a été conseiller auprès de toutes les grandes branches de l’armée américaine. Il a siégé au Conseil consultatif de recherche & développement du Corps des transmissions de l’Armée de terre, au Conseil consultatif scientifique sur les contre-mesures électroniques de la Force aérienne, il fut aussi un des administrateurs de l’Institut d’analyse de la défense ; il a également siégé au Comité consultatif de recherche navale, au Conseil scientifique de la défense et fut expert-conseil au Comité consultatif scientifique du Président. Ses activités commerciales l’ont amené à siéger aux conseils d’administration de HP, Watkins-Johnson, Ampex et au conseil d’administration et à la vice-présidence de SRI [Stanford Research Institute – NdT]. Ce gars-là ne devait vraiment pas dormir. Terman était la machine ultime pour construire le réseau nécessaire aux contrats militaires de Stanford. »

Ce n’est un secret pour personne que la Silicon Valley a prospéré depuis le tout début grâce aux fonds de recherche du Pentagone et aux connexions du département de la Défense. De William Shockley — un eugéniste enragé qui a passé la Seconde Guerre Mondiale comme directeur du Groupe des opérations de guerre anti-sous-marine de l’Université Columbia et qui est parfois cité comme l’autre père fondateur de la Silicon Valley pour son travail sur les semi-conducteurs de silicium — au Stanford Research Institute — un fournisseur militaire crucial qui avait des liens étroits avec la DARPA —, le département de la Défense des États-Unis a eu un rôle clé dans le modelage du développement de la région.

Le Stanford Research Institute (SRI) a été dirigé par Terman et créé par les administrateurs de l’Université de Stanford en 1946. Dès sa création, le SRI a reçu pour instruction d’éviter de chercher à obtenir des contrats fédéraux qui risqueraient d’entraîner Stanford dans des affaires politiques. Mais six mois plus tard, il avait déjà enfreint cette directive en signant des contrats avec l’Office of Naval Intelligence. Dans les années 1960 — au moment même où le Centre d’intelligence artificielle de l’institut créait « Shakey », le « premier robot mobile qui pouvait analyser son environnement » — SRI a été pris pour cible par les manifestants qui étaient contre la guerre du Vietnam pour son travail sous contrat avec la DARPA, le service du Pentagone dédié au développement de technologies de pointe. Ces pressions ont poussé l’université de Stanford à rompre officiellement ses liens avec le SRI dans les années 1970, mais la recherche de l’Institut financée par l’armée ne s’est pas arrêtée là.

Le Stanford Research Institute devait devenir le deuxième cœur de l’ARPAnet, le réseau de commutation par paquets créé par le Pentagone qui a donné naissance à l’Internet moderne. Le premier message jamais envoyé entre deux ordinateurs a été envoyé sur l’ARPAnet entre un ordinateur de l’UCLA et un ordinateur du SRI.

C’est Robert Kahn, chef de la division commandement et contrôle de l’ARPA, qui a mis en place le premier réseau mobile expérimental (connu sous le nom de « PRNET ») aux environs de la Silicon Valley et qui a formé le premier réseau satellite (« SATNET »), celui-là même qui a connecté l’Internet international. En 1973, Kahn a demandé l’aide de Vint Cerf, professeur assistant à l’Université de Stanford, pour développer — en tant que projet du département de la Défense — la suite de protocoles TCP/IP qui rendrait Internet possible.

Lors d’une récente réunion-débat organisée par la DARPA — la dernière appellation pour ce qui était à l’origine ARPA — Vint Cerf a admis que l’ensemble du projet ARPAnet était dicté par les besoins du Pentagone d’obtenir un système de commandement et de contrôle qui serait adapté aux besoins militaires :

Vint Cerf : « Internet était motivé par la conviction que le commandement et le contrôle pouvaient utiliser les ordinateurs afin de permettre au département de la Défense d’utiliser ses ressources mieux qu’un adversaire. Dans ce cas particulier — Bob en particulier a commencé le programme à la DARPA au début des années 1970 — [nous] nous sommes rendu compte que nous devions avoir des ordinateurs à bord des navires en mer, dans les avions et dans les véhicules mobiles, et l’ARPAnet n’avait élaboré que des ordinateurs spécialisés, fixes… Vous savez, des machines qui se trouvaient dans des pièces climatisées reliées entre elles — en gros, des circuits téléphoniques dédiés. On ne pouvait donc pas relier des tanks entre eux avec des câbles parce qu’ils rouleraient dessus en les écrabouillant, et les avions ne décolleraient jamais du sol, c’est facile de se faire une image… Il en est résulté un besoin de radiocommunication mobile et de communication par satellite dans un environnement en réseau.

Il est facile ici de répondre à la question du caractère mondial de ce réseau. Humblement, je pensais que nous le faisions pour le ministère de la Défense, qui serait amené à opérer partout dans le monde. Il ne pouvait donc pas s’agir d’un modèle qui, d’une certaine manière, se limitait au CONUS [États-Unis continental – NdT], par exemple. Il ne pouvait pas non plus s’agir d’une conception qui dépendait de la coopération d’autres pays pour l’attribution, par exemple, des espaces d’adresse [relatifs aux protocoles réseau d’Internet – NdT]. Imaginez le genre de modèle stupide que représenterait l’utilisation des codes pays pour indiquer différents réseaux… ou différents identificateurs de réseau. Si par exemple vous devez envahir le pays B et qu’avant de le faire, vous êtes dans l’obligation de lui dire : « Bonjour, nous allons envahir votre pays dans quelques semaines et nous avons besoin d’un espace d’adresses pour exécuter un autre système d’appel ». Franchement, ça n’avait aucune chance de fonctionner. Nous savions donc que ce réseau devait avoir une portée mondiale. »

Source : « D’ARPAnet à Internet, Web, Cloud et au-delà : Quelle est la prochaine étape ? » [vidéo en anglais – NdT]

L’une des premières démonstrations du protocole — un essai réalisé en 1977 sur une camionnette équipée par SRI d’un équipement radio et aujourd’hui surnommée la naissance de l’Internet moderne — a même simulé « une unité mobile sur le terrain, disons en Europe, tentant de communiquer en plein milieu d’une action quelconque avec les États-Unis à l’aide d’un réseau satellite. »

Mais si les investissements directs dans cette révolution technologique convenaient aux objectifs du Pentagone, la communauté du renseignement des États-Unis cherchait d’autres moyens, plus secrets, d’exploiter l’incroyable potentiel de la Silicon Valley et de ses technologies de surveillance. Avec l’avènement de la guerre froide et les tensions croissantes entre les États-Unis et l’URSS dans un nouveau jeu hautement technologique d’« espion contre espion », le financement de la recherche et du développement de technologies de pointe a été placé sous le couvert de la sécurité nationale et classifié.

Steve Blank : « Mais au début des années 1950, la guerre de Corée a changé la donne. Après la Seconde Guerre mondiale — pour ceux d’entre vous qui connaissent leur histoire — nous avons essentiellement démobilisé nos troupes, mis nos bombardiers et nos chasseurs en réserve et déclaré : « Nous allons profiter des avantages de l’après-guerre ». 1949, les Soviétiques font exploser leur première arme nucléaire. Avec la guerre de Corée, la guerre froide devient chaude. Tout à coup, les États-Unis se rendent compte que le monde a encore changé, et l’espionnage fait son entrée à Stanford.

L’armée se rapproche de Terman et lui demande de mettre sur pied le Laboratoire d’électronique appliquée pour effectuer des programmes militaires classifiés, et double la taille du programme électronique à Stanford. Ils ont déclaré : « On va séparer cette partie du Laboratoire de recherche en électronique non classifié ». Mais pour la première fois, l’Université Stanford devient de facto un partenaire à part entière de l’armée dans le programme de recherche et développement du gouvernement. »

Source : Histoire secrète de la Silicon Valley [vidéo en anglais – NdT]

L’arrivée des fonds d’investissement des services de renseignement a créé une nouvelle relation entre le gouvernement et les chercheurs de la Silicon Valley. Plutôt que d’embaucher directement les entreprises technologiques pour produire la technologie, c’est l’électronique grand public qui serait utilisée ; elle deviendrait ensuite de plus en plus réglementée, dirigée, supervisée et infiltrée par des fonctionnaires, qui pourraient alors exploiter cette technologie comme fondement d’une opération mondiale d’écoutes clandestines, dirigée non seulement contre les militaires des pays étrangers, mais contre la population mondiale dans son ensemble.

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Aujourd’hui recouvert d’un voile de sécurité nationale, le rôle du gouvernement dans le développement des grandes entreprises technologiques a largement été occulté. Mais, si vous savez où chercher, l’empreinte des services de renseignement est encore visible sur la quasi totalité des grandes entreprises de la Silicon Valley et des principales technologies qui en émergent.

Prenons Oracle Corporation, par exemple. Troisième éditeur de logiciels au monde, Oracle est connu pour son logiciel de base de données éponyme. Ce que beaucoup ne savent pas, c’est que le nom « Oracle » lui-même vient du premier client de l’entreprise : la CIA. « Project Oracle » était le nom de code de la CIA pour une gigantesque base de données relationnelle qui a été construite sous contrat par Ampex, une entreprise de la Silicon Valley. Larry Ellison, Bob Miner et Ed Oates ont été affectés au projet. Bien que le projet Oracle « ait été une sorte de désastre », il a conduit Ellison et ses partenaires à se séparer d’Oracle Corporation, qui à ce jour réalise vingt-cinq pour cent de ses affaires commerciales avec des contrats gouvernementaux. 

Ou prenez Sun Microsystems. L’emblématique ordinateur de bureau du géant du logiciel et du matériel informatique Unix issu de la Silicon Valley a été fondé en 1982. Comme l’explique ComputerWorld, le « Sun-1 » [première génération d’ordinateurs de bureau et de serveurs Unix- NdT] « doit plutôt directement ses origines à une demi-douzaine de technologies majeures développées dans plusieurs universités et entreprises, toutes financées par ARPA ». L’entreprise Sun Microsystems a été acquise par Oracle en 2010 pour un montant de 7,4 milliards de dollars. 

Mais pour toute une génération qui grandit aujourd’hui, c’est de l’histoire ancienne. Bien sûr, les agences de renseignement et le ministère de la Défense ont participé à la fondation de ces piliers de la Silicon Valley. Mais qu’en est-il de la Silicon Valley aujourd’hui ? Qu’est-ce que cela a à voir avec Google ou Facebook ou PayPal ou ces géants de la technologie qui sont devenus synonymes de l’informatique à l’ère d’Internet ? 

L’ère moderne de la Silicon Valley a commencé dans les années 1990, lorsque l’avènement du World Wide Web a apporté tout le potentiel de la révolution informatique dans les foyers étasuniens et mondiaux. C’était l’époque de la bulle Internet, où les petites entreprises en démarrage sans business plan et sans revenus pouvaient devenir des entreprises d’un million de dollars du jour au lendemain. Et derrière tout cela, orientant la révolution dans l’ombre, se trouvaient les agences de renseignement qui ont aidé à financer les principales technologies et plates-formes de l’Internet moderne. 

L’un des premiers problèmes auxquels ont été confrontés les premiers utilisateurs du Web a été de savoir comment faire des recherches dans l’éventail vertigineux de sites Web personnels, de pages Web d’entreprises, de sites gouvernementaux et d’autres contenus qui étaient mis en ligne chaque jour. Pour que le Web devienne un outil de communication omniprésent plutôt qu’un terrain de jeu pour les amateurs et les geeks de la technologie, il fallait trouver un moyen de trier rapidement la vaste quantité d’information disponible et être capable de retourner une liste pertinente de sites Web pour diriger les utilisateurs vers des informations utiles. Les premières itérations de la recherche en ligne, y compris les listes de sites intéressants gérés de façon personnelle et les moteurs de recherche primitifs qui reposaient sur la simple recherche par mots-clés, n’ont pas été à la hauteur de la tâche. 

Californie et Silicon Valley

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Localisation de la Silicon Valley en Californie

Par une heureuse coïncidence, le problème du catalogage, de l’indexation, du tri et de la requête de vastes quantités d’informations était un problème sur lequel les services de renseignement travaillaient également. Comme les masses de données circulant sur Internet ont donné naissance à l’ère des grandes données, la NSA, la CIA et d’autres membres de la communauté du renseignement des États-Unis ont recruté les meilleurs et les plus brillants jeunes esprits du pays pour les aider à stocker, rechercher et analyser cette information… et stocker, rechercher et analyser les renseignements sur ceux qui recherchent cette information. Et, comme d’habitude, ils se sont tournés vers les jeunes prodiges de l’Université de Stanford et la Silicon Valley pour obtenir de l’aide.

Google — dont l’histoire nous est maintenant familière — a commencé par un projet de recherche de Larry Page et Sergey Brin, deux étudiants diplômés de l’Université de Stanford. Sans surprise, il n’est pas nécessaire de creuser très profondément pour trouver le lien avec le ministère de la Défense. La DARPA — l’actuel nom de l’ARPA qui fut souvent rebaptisé — était l’un des sept commanditaires militaires, civils et policiers du « Stanford Digital Libraries Project » [Projet Stanford de librairies digitales – NdT], qui a aidé à financer la recherche de Page et Brin. La DARPA a même été remerciée en étant citée dans le livre blanc où l’idée de Google a été présentée pour la première fois : « L’anatomie d’un moteur de recherche hypertextuelle à grande échelle. »

Moins connu est le projet « Massive Digital Data Systems » [Systèmes massifs de données numériques – NdT], dirigé par la communauté du renseignement des États-Unis et financé par des agences indépendantes comme la National Science Foundation [Fondation nationale pour la science – NdT]. Comme l’explique un mail de présentation du projet aux chercheurs des grandes universités étasuniennes en 1993, il a été conçu pour aider les agences de renseignement à jouer « un rôle proactif en stimulant la recherche dans la gestion efficace de bases de données massives et en s’assurant que les exigences de la communauté du renseignement des États-Unis puissent être intégrées ou adaptées dans des produits commerciaux ».

Ancien directeur des affaires législatives et publiques de la National Science Foundation, Jeff Nesbit expliquait en détail la véritable origine de Google dans un article révélateur de 2017 pour qz.com :

« Les services de recherche de la CIA et de la NSA espéraient que les meilleurs informaticiens du monde universitaire pourraient identifier ce qu’ils appelaient des « qui se ressemble s’assemble » : [sic] Tout comme les oies volent ensemble en prenant la forme d’un grand V, ou les volées de moineaux exécutent ensemble des mouvements instantanément harmonieux, ils prévoyaient que des groupes humains aux vues similaires pourraient se réunir en ligne.
[…]
Leur objectif de recherche était de suivre les empreintes digitales numériques à l’intérieur du réseau mondial d’information en pleine expansion, qui était alors connu sous le nom de World Wide Web. Pourrait-on organiser tout un monde d’informations numériques pour que les requêtes humaines effectuées à l’intérieur d’un tel réseau soient suivies et triées ? Leurs requêtes pourraient-elles être liées et classées par ordre d’importance ? Pourrait-on identifier des « qui se ressemble s’assemble » à l’intérieur de cet océan d’information afin que les communautés et les groupes puissent être suivis d’une manière organisée ? »

Le projet a distribué plus d’une douzaine de subventions de plusieurs millions de dollars chacune pour aider à atteindre cet objectif de suivi, de tri et d’exploitation des comportements en ligne afin d’identifier et de catégoriser les communautés et de suivre les groupes dans la vraie vie. Et quel fut l’un des premiers bénéficiaires de cette subvention ? L’équipe de Sergey Brin à Stanford et leurs recherches sur l’optimisation des requêtes de recherche.

Depuis sa création et jusqu’à aujourd’hui, Google a entretenu des liens étroits avec les services de renseignement, l’armée et les forces de l’ordre des États-Unis. Cependant, et comme pour toutes les questions dites de « sécurité nationale », seul un aperçu de cette relation à partir du dossier public et déclassifié des contrats et accords que le géant de la technologie a laissés dans son sillage est accessible.

En 2003, Google a signé un contrat de 2,1 millions de dollars avec la National Security Agency, l’agence de surveillance de la communauté du renseignement des États-Unis, qui est responsable de la collecte, du stockage et de l’analyse du renseignement d’origine électromagnétique** dans les opérations étrangères d’espionnage et de contre-espionnage. Google a construit pour la NSA un outil de recherche personnalisé « capable de rechercher quinze millions de documents dans vingt-quatre langues ». Cette relation était si importante pour Google que lorsque le contrat a expiré en avril 2004, ils l’ont prolongé pour une autre année sans frais pour le gouvernement.

Commentaire : ** Un renseignement d’origine électromagnétique ou ROEM, est un renseignement dont les sources d’information sont des signaux électromagnétiques : des communications utilisant les ondes — radio, satellitaire — et des émissions d’ondes faites par un radar ou par des instruments de télémesure. Le plus célèbre d’entre eux est le système Echelon. Assuré par les services de renseignement, le ROEM n’est pas soumis à autorisation des instances judiciaires et n’a pas besoin que les correspondants interceptés soient supposés criminels. Le ROEM ne définit pas une nature de renseignement mais un type d’acquisition du renseignement.

En 2005, il a été révélé qu’In-Q-Tel — la branche de capital-risque de la CIA qui représente la parfaite synthèse des relations des agences de renseignement des États-Unis avec la Silicon Valley — avait vendu plus de cinq mille actions de Google. On ne sait pas exactement comment la société de capital-risque de la CIA s’est retrouvée avec cinq mille actions de Google, mais on suppose qu’elle les a obtenues lorsque Google a racheté Keyhole Inc, le développeur du logiciel qui est devenu plus tard Google Earth. Le nom de la société, « Keyhole », est une référence pas vraiment subtile à la classe des satellites de reconnaissance Keyhole que les agences de renseignement des États-Unis utilisent depuis des décennies pour réaliser des analyses d’imagerie et de cartographie 3D. Keyhole, Inc. a travaillé en étroite collaboration avec la communauté du renseignement des États-Unis et s’est même vanté que sa technologie était utilisée par le Pentagone pour soutenir l’invasion en Irak. Jusqu’à ce jour, la CIA elle-même décrit Google Earth comme une « technologie assistée par la CIA » sur sa propre page consacrée à « L’impact de la CIA sur la technologie ».

>La NSA et la Silicon Valley

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NSA et Silicon Valley : « tous les piliers de la Silicon Valley qui dominent le Web aujourd’hui ont des liens similaires avec le monde obscur des espions et des hommes de l’ombre. »En 2010, les détails d’une relation officielle entre la NSA et Google ont commencé à faire surface, mais les deux parties ont refusé de divulguer toute autre information sur cette relation. Des rapports ultérieurs ont suggéré que Google avait « accepté de fournir des informations sur le trafic sur ses réseaux en échange de renseignements de la NSA sur ce qu’elle savait des pirates étrangers ». Plus de détails ont émergé d’une demande de Freedom of Information Act en 2014, qui a révélé que Sergey Brin et Eric Schmidt n’étaient pas seulement familiers avec le général Keith Alexander, alors chef de la NSA, mais que Google faisait partie d’une « initiative gouvernementale secrète appelée Enduring Security Framework » [cadre de sécurité durable – NdT], et que cette initiative impliquait un partenariat entre la Silicon Valley, le Pentagone et la communauté du renseignement des États-Unis pour partager l’information « à la vitesse du réseau ».Le projet Enduring Security Freedom [opération Liberté immuable – NdT] n’est qu’un aperçu de la façon dont les grandes entreprises technologiques peuvent faire fortune grâce à leurs relations avec la NSA. En 2013, il est apparu que les participants au programme PRISM — le programme illégal de surveillance qui permettait à la NSA d’accéder par la porte dérobée à toutes les informations et données des utilisateurs des grandes entreprises technologiques — ont été remboursé pour les dépenses dudit programme par une branche parallèle de l’agence appelée « Special Source Operations » [division de la NSA — nom de code : S35 — responsable de tous les programmes visant à recueillir des données à partir des principaux câbles et commutateurs à fibre optique, tant aux États-Unis qu’à l’étranger, ainsi que dans le cadre de partenariats d’entreprises. – NdT].

Marina Portnaya : « D’après certaines informations, l’ensemble du processus aurait coûté des millions de dollars aux participants de PRISM pour la mise en œuvre de chaque extension réussie, et ces coûts, selon des documents américains, ont été couverts par une branche de la NSA connue sous le nom de « Special Source Operations ». Selon le journal The Guardian, le dénonciateur de la NSA Edward Snowden a décrit « Special Source Operations » comme le « joyau de la couronne » de l’agence qui gère tous les programmes de surveillance qui reposent sur un partenariat d’entreprise avec des fournisseurs de télécommunications et Internet pour accéder aux données de communication. Aujourd’hui, cette révélation est considérée comme une preuve de l’existence d’une relation financière entre les grandes entreprises technologiques et la NSA. Et comme l’a déclaré le journal The Guardian, la divulgation selon laquelle l’argent des contribuables a servi à couvrir les frais de conformité de l’entreprise soulève de nouvelles questions concernant la relation entre la Silicon Valley et la NSA. »
Source : La NSA a payé Google, Microsoft, Facebook et Yahoo pour vous espionner [vidéo en anglais – NdT]

Le programme PRISM lui-même prouve que les liens de l’agence militaire et de renseignement avec la Silicon Valley moderne ne s’arrêtent pas à Google. En fait, tous les piliers de la Silicon Valley qui dominent le Web aujourd’hui ont des liens similaires avec le monde obscur des espions et des hommes de l’ombre.

En juin 2003, le Bureau des techniques de traitement de l’information — l’aile des technologies de l’information de la DARPA qui avait supervisé le projet ARPANnet initial dans les années 1960 — a affiché discrètement sur son site Web une « annonce d’agence générale » pour obtenir des propositions dans le cadre d’un nouveau projet ambitieux. Intitulée « BAA # 03-30 », cette « brochure d’information à l’usage de tous ceux en mesure de formuler des propositions » sollicitait auprès des développeurs des suggestions pour concevoir un « (sous-)système de type ontologique » appelé LifeLog qui « capture, stocke et rend accessible le flux de l’expérience d’une personne et ses interactions avec le monde ».

L’idée, qui semblait quelque peu fantastique en 2003, était que les utilisateurs de LifeLog portaient un appareil qui saisissait et enregistrait toutes leurs transactions et interactions, leurs mouvements physiques, leurs mails, leurs appels téléphoniques et une variété d’autres renseignements. Le LifeLog serait présenté aux utilisateurs « comme un système autonome qui servirait de puissant agenda et album multimédia automatisés », mais, et comme la brochure continuait de le révéler, les données recueillies seraient utilisées pour aider la DARPA à créer une nouvelle classe de systèmes véritablement « cognitifs » capables de raisonner de diverses façons.

S’il avait été mis en œuvre, LifeLog aurait été un journal virtuel de tous les déplacements de ses utilisateurs, de tout ce qu’ils ont fait, de tous ceux à qui ils ont parlé, de tout ce qu’ils ont acheté, de tout ce qu’ils ont vu et écouté et de tout ce qu’ils comptent faire à l’avenir. Ce système a immédiatement attiré les critiques comme étant une tentative évidente du gouvernement de créer un outil pour dresser le profil des ennemis de l’État, et même les partisans du projet ont été forcés d’admettre que LifeLog « pourrait faire sourciller si [DARPA] ne précisait pas la façon dont les préoccupations relatives à la protection de la vie privée seraient prises en compte ».

Mais alors, et sans aucune explication, « annonce d’agence générale » de la DARPA a été retirée et le projet a été abandonné. Le porte-parole de la DARPA, Jan Walker, a qualifié l’annulation de « changement de priorités » de l’agence, mais les chercheurs proches du projet ont admis qu’ils étaient déconcertés par l’arrêt soudain du programme. « Je suis sûr que cette recherche continuera d’être financée sous un quelconque autre intitulé », a écrit un chercheur du MIT dont le collègue avait passé des semaines à travailler sur la proposition. « Je ne peux pas imaginer que la DARPA abandonne un domaine de recherche aussi important. »

L’annulation de LifeLog a été signalée par Wired.com le 4 février 2004. Le même jour, un étudiant de premier cycle de Harvard nommé Mark Zuckerberg a officiellement lancé « TheFacebook.com », la première incarnation de Facebook, qui recueille de grandes quantités de données sur ses utilisateurs, leur offrant la promesse d’un « puissant agenda et album multimédia automatisés », mais — et comme cela est devenu de plus en plus évident ces dernières années — en utilisant et vendant toutefois ces données dans un but dont les motivations restent opaques.

Facebook Darpa Pentagone CIA

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Mais ce n’est pas seulement cette coïncidence intéressante qui relie Facebook à DARPA. Une fois de plus, l’argent qui a aidé « TheFacebook » à passer d’un « projet étudiant » de Harvard à un géant d’Internet de plusieurs milliards d’utilisateurs a nécessité un déménagement dans la Silicon Valley et des injections massives de capital-risque de la part de spécialistes connectés au renseignement. Facebook a déménagé à Palo Alto, en Californie, en 2004 et a reçu son premier investissement de cinq cent mille dollars de Peter Thiel, co-fondateur de PayPal. Mais l’argent réel et l’intérêt réel pour Facebook sont arrivés en 2005, sous la forme d’un investissement de 12,7 millions de dollars d’Accel Partners et d’un million de dollars supplémentaire de Jim Breyer d’Accel. Il s’avère que Breyer avait lui-même des relations intéressantes.

Narrateur : « Le premier financement de cinq cent mille dollars a été versé à TheFacebook par Peter Thiel, fondateur et ancien PDG de PayPal. Il siège également au conseil d’administration du groupe conservateur radical Vanguard DAC. Un financement supplémentaire de 12,7 millions de dollars a été fourni par la société de capital-risque Accel Partners. Le gérant d’Accel, James Breyer, a été président de la National Venture Capital Association. M. Breyer a siégé au conseil d’administration de la sus-nommée aux côtés de Gilman Louie, PDG de In-Q-Tel, une société de capital-risque créée par la CIA en 1999. Cette société travaille dans divers aspects des technologies de l’information et du renseignement, y compris — et plus particulièrement — le développement des technologies d’exploration de données. Breyer a également siégé au conseil d’administration de BBN Technologies, une société de recherche et de développement connue pour être le fer de lance de l’ARPAnet, ou de ce que nous appelons aujourd’hui Internet.

En octobre 2004, le Dr Anita Jones et Gilman Louie ont rejoint BBN Technologies, mais ce qui est le plus intéressant, c’est l’expérience du Dr Jones avant de rejoindre BBN. Mme Jones a elle-même siégé au conseil d’administration d’In-Q-Tel et était auparavant directrice de la recherche et de l’ingénierie de défense pour le département de la Défense des États-Unis. Elle a notamment été conseillère du secrétaire à la Défense et superviseure de l’Agence des projets de recherche avancée en matière de défense.

Cela va plus loin que les apparences initiales. La DARPA s’est adressée à la fme nationale en 2002, lorsque l’existence du Information Awareness Office (IAO) [Bureau de la sensibilisation à l’information – NdT] a été mise au jour. L’IAO a déclaré que sa mission était de recueillir autant d’informations que possible sur tout le monde dans un endroit centralisé pour que le gouvernement des États-Unis puisse les consulter facilement, y compris, mais sans s’y limiter : les activités sur Internet, les achats par carte de crédit, les achats de billets d’avion, les locations de voitures, les dossiers médicaux, les relevés de notes, les permis de conduire, les factures des services publics, les déclarations fiscales et toute autre information disponible. »

Source : La connexion Facebook CIA [vidéo en anglais – NdT]

Il n’est donc pas surprenant que l’ex-directrice de la DARPA, Regina Dugan, ait été embauchée par Google en 2012 pour diriger son groupe Advanced Technology and Projects, puis par Facebook en 2016 pour diriger leur groupe de recherche « Building 8 », axé sur les technologies expérimentales comme les capteurs cérébraux et l’intelligence artificielle. Il n’est pas non plus surprenant d’apprendre que la DARPA travaille déjà à la transformation armée de la technologie de réalité virtuelle Oculus de Facebook pour lutter contre la cyberguerre.

Pas plus qu’il n’est surprenant que Peter Thiel, cofondateur de PayPal et investisseur en capital de départ pour Facebook, ait développé Palantir — un outil d’analyse et d’exploration de données utilisé par la NSA, le FBI, la CIA et d’autres agences de renseignement, antiterroristes et militaires — à partir du propre algorithme de détection des fraudes de PayPal. Ou qu’In-Q-Tel ait été l’un des premiers investisseurs extérieurs dans la technologie Palantir, qui a gagné en notoriété ces dernières années pour « l’utilisation des outils de la Guerre contre le terrorisme pour suivre et localiser les citoyens des États-Unis ».

Il n’est pas non plus surprenant d’apprendre qu’Eric Schmidt, ancien PDG de Google et actuel conseiller technique de la société mère Alphabet [Alphabet Inc. est une entreprise étasunienne basée en Californie, créée en 2015 et dirigée par les deux cofondateurs de Google, Larry Page (CEO) et Sergey Brin (président) – NdT], est aujourd’hui président du « Defense Innovation Board » [Conseil de l’innovation pour la défense – NdT] du Pentagone, qui cherche à apporter l’efficacité et la vision de la Silicon Valley aux initiatives d’innovation high-tech du ministère de la Défense.

Nous ne sommes pas plus surpris que Schmidt, en plus d’être membre de la Commission trilatérale élitiste, fasse partie du comité directeur du Bilderberg Group, une cabale de financiers, d’industriels, de hauts fonctionnaires, d’officiers militaires et de membres de la royauté qui se réunit annuellement dans le plus grand secret depuis 1954. Il n’est pas non plus surprenant que le groupe Bilderberg compte aujourd’hui dans ses rangs un certain nombre de piliers de la Silicon Valley, de Schmidt et Thiel à Alex Karp, PDG de Palantir, en passant par Esther Dyson, ancienne présidente de Electronic Frontiers Foundation [EFF : Organisation non gouvernementale internationale de protection des libertés sur Internet basée à San Francisco, Californie – NdT].

En fait, il serait plus surprenant de trouver une grande entreprise de la Silicon Valley qui ne soit pas liée à l’armée ou aux agences de renseignement des États-Unis d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas un accident de l’histoire ou une simple coïncidence. Les origines mêmes d’Internet étaient dans les programmes secrets du Pentagone pour développer les technologies parfaites de maîtrise et de contrôle.

Big-Tech Silicon Valley

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Les Big-Tech en Californie

Depuis les premières tentatives pour constituer des bases de données électroniques d’informations sur la contre-insurrection au Vietnam jusqu’à même aujourd’hui, cette technologie a été conçue pour être utilisée comme un outil de guerre contre les populations cibles — comme l’explique Yasha Levine dans son livre Surveillance Valley: The Secret Military History of the Internet [« Les activités de surveillance de la Silicon Valley : L’histoire militaire secrète de l’Internet », ouvrage non traduit en français – NdT).

« Pour comprendre ce qu’est Internet et ce qu’il est devenu, il faut revenir au tout début. Il faut revenir dans les années 60, quand le Pentagone a créé Internet. À l’époque, l’Amérique des États-Unis était un empire mondial relativement nouveau, confronté à un monde de plus en plus chaotique et violent. Il y a eu la guerre du Vietnam — qui était centrale — mais les États-Unis faisaient face à des insurrections dans le monde entier, de l’Amérique latine à l’Asie du Sud-Est. Le pays est alors également confronté à un contexte national de plus en plus instable et violent. Il y avait le mouvement anti-guerre, l’activisme noir militant et des groupes comme « The Weather Underground » qui faisaient exploser des bombes apparemment tous les jours dans toutes les villes du pays. Il y avait aussi des émeutes raciales dans les grandes villes.

Et les généraux paranoïaques des États-Unis observaient tout cela, en y voyant bien sûr vu une vaste conspiration communiste. Ils ont vu l’Union soviétique s’étendre à l’échelle mondiale, soutenant les insurrections partout dans le monde, soutenant les pays qui s’opposaient aux États-Unis. En même temps, ces généraux paranoïaques soutenaient des mouvements d’opposition aux États-Unis, en interprétant ces événements comme un nouveau type de guerre en cours. Il ne s’agissait pas d’une guerre traditionnelle que l’on pourrait mener avec des armes traditionnelles. Il ne s’agissait pas d’une guerre où une bombe atomique pouvait être lâchée. Il ne s’agissait pas d’une guerre dans laquelle on pouvait envoyer une division de chars, parce que les combattants ne portaient pas d’uniformes et ne marchaient pas en formation. Ces combattants faisaient partie de la population civile dans un conflit auquel ils participaient.

Il s’agissait donc d’un nouveau type de guerre et d’une nouvelle forme d’insurrection mondiale. Et dans certains milieux exotiques de l’armée, des gens qui connaissaient le nouveau type de technologie informatique en cours de développement pensaient que la seule façon de combattre et de gagner cette nouvelle guerre était de développer de nouvelles armes de l’information — une technologie informatique qui pourrait ingérer des données sur les populations et les mouvements politiques, et qui serait en mesure de combiner des sondages d’opinion, des données économiques, des antécédents criminels, des projets d’histoires, des photographies, des conversations téléphoniques interceptées par les services de sécurité, et qui permettraient aux analystes d’effectuer des analyses complexes et des études prédictives. L’idée était de découvrir qui est l’ennemi et de l’isoler de la population générale, puis d’éliminer cet ennemi. Et à l’époque, certains rêvaient même de créer un jour un système mondial de gestion qui pourrait surveiller le monde en temps réel et intercepter les menaces avant qu’elles ne se produisent, à peu près de la même façon que le système de défense radar d’alerte rapide des États-Unis l’a fait pour les avions ennemis.

C’est dans ce contexte général qu’Internet a vu le jour. Aujourd’hui, les origines anti-insurrectionnelles d’Internet ont été occultées. Elles ont été perdues pour la plupart. Très peu les mentionnent, ne serait-ce que brièvement. Mais au moment de sa création dans les années 1960, les origines d’Internet et les origines de cette technologie en tant qu’outil de surveillance et de contrôle étaient très évidentes. À l’époque, les gens ne considéraient pas les ordinateurs et les réseaux informatiques comme des outils de libération ou des technologies utopiques, mais comme des outils de contrôle politique et social — et cela incluait spécifiquement l’ARPAnet, le réseau qui deviendrait plus tard Internet. »

Internet n’a jamais été conçu pour être un outil de libération. Dès sa création, il a été conçu comme un outil de suivi, de surveillance et, en fin de compte, de contrôle d’une population cible. Et dans l’environnement instable des années 1960, cette « population cible » qu’étaient les contre-insurgés vietnamiens s’est rapidement transformée pour devenir la population des États-Unis elle-même, et plus largement tous ceux qui pourraient constituer une menace pour les ambitions du Pentagone sur le plan national ou international.

La mise en lumière de ces origines donnent plus de sens aux plus récents développements d’Internet. La Silicon Valley n’a pas jailli du sol californien d’elle-même. Les agences militaires et de renseignement qui ont besoin de cette technologie pour combattre la guerre de l’information du XXIe siècle en ont soigneusement semé toutes les graines.

Le département de la Défense n’a pas annoncé en 2003 qu’il allait « combattre le Net » — comme s’il s’agissait d’un système d’armes ennemi — parce qu’ils craignaient qu’Internet puisse être utilisé comme arme contre eux par leurs ennemis quels qu’ils soient. Ils savaient que c’était déjà une arme parce qu’ils l’avaient eux-mêmes créée.

Le gouvernement des États-Unis n’a pas peur des Russes et de leur capacité à « saper la démocratie étasunienne » en achetant des milliers de dollars de publicité sur Facebook. Ce sont eux qui ont en premier lieu imaginé un système LifeLog pour observer et contrôler la population.

Le Pentagone ne s’inquiète pas des failles de sécurité d’Internet. Il exploite ces vulnérabilités pour mettre au point certaines des cyberarmes les plus destructrices jamais lâchées, y compris le Stuxnet développé par les États-Unis et Israël.

Et comme la prochaine génération de technologies de réseau menace d’ajouter non seulement nos données Facebook et nos recherches sur Google et nos tweets et nos achats aux bases de données du gouvernement, mais aussi de connecter tous les objets du monde directement à ces bases de données, l’armée est de nouveau à la fine pointe de la prochaine révolution d’Internet.

Sean O’Keefe : « L’Internet des objets pénètre de plus en plus loin dans la vie quotidienne et l’économie mondiale. Nos bons amis et serviables propagateurs d’informations utiles de Wikipedia définissent l’Internet des objets comme étant un réseau d’objets physiques — des choses intégrées à l’électronique (capteurs « logiciels », connectivité réseau) — réseau qui permet à ces objets de collecter et d’échanger des données. Essentiellement, il permet aux objets d’être détectés et contrôlés à distance, créant ainsi une intégration entre le monde physique et les systèmes informatiques. Pensez réseau intelligent : des systèmes énergétiques reliés entre eux pour en maximiser l’efficacité et qui sont tous dédiés à cet objectif. L’Internet des objets transforme les entreprises modernes en tirant parti des capteurs embarqués, de la connectivité, de l’analyse numérique et de l’automatisation pour en accroître l’efficacité et l’efficience sur un large éventail du marché.

L’armée a été un chef de file dans le développement de nombreuses composants technologiques de l’Internet des objets, mais elle peut faire davantage pour tirer parti des avantages des solutions de l’Internet des objets. L’ensemble du secteur de la sécurité nationale fait également face à des défis uniques dans l’adoption des technologies de l’Internet des objets, allant de la sécurité et de l’assurance de mission** à l’infrastructure et aux contraintes de coût et aux obstacles culturels. En septembre dernier, il y a quelques mois à peine, le « CSIS Strategic Technologies Program » [Programme des technologies stratégiques du Centre d’études stratégiques et internationales – NdT] a publié un rapport : Tirer parti de l’Internet des objets pour une armée plus efficace et plus efficiente, qui décrit comment les militaires peuvent tirer des leçons du secteur privé pour tirer parti des avantages plus vastes de l’Internet des objets. ».

Source : Tirer parti de l’Internet des objets pour une armée plus efficace et plus efficiente – Discours d’ouverture [vidéo en anglais – NdT]

Commentaire : ** L’assurance de mission est un processus d’ingénierie du cycle de vie complet visant à identifier et à atténuer les lacunes en matière de conception, de production, d’essais et de soutien sur le terrain qui menacent le succès de la mission.

Depuis les premiers jours de l’informatique en réseau — alors que l’ARPAnet n’était encore qu’un scintillement dans les yeux de ses ingénieurs et que le célèbre informaticien J. C. R. Licklider écrivait des mémos à ses collègues de Palo Alto pour les informer de sa vision d’un « réseau informatique intergalactique » — jusqu’à présent — alors que les scientifiques du DARPA planifient des utilisations militaires pour l’Internet des objets — la technologie sur laquelle s’appuie le gouvernement des États-Unis dans le cadre de ses plans de domination du spectre complet du cybermonde a progressé à pas de géant. Mais la vision en elle-même reste la même.

Cybermonde

© GettyImages

Dans cette vision, chaque personne est pistée, ses conversations enregistrées, ses achats surveillés, ses réseaux sociaux cartographiés, ses habitudes étudiées et, finalement, ses comportements prévus, afin que le Pentagone et les espions de la Silicon Valley puissent mieux contrôler la population humaine. Et, avec l’avènement de technologies qui font en sorte que chaque objet que nous possédons nous espionnera et diffusera ces données par l’entremise de réseaux qui sont compromis par les services de renseignement, cette vision est plus près que jamais d’être une réalité.

Et là, contribuant à faire de cette vision une réalité, se trouvent les géants de la technologie qui ont été fondés, financés, accompagnés et, au besoin, compromis par les hommes de l’ombre, les espions et les soldats qui désirent le contrôle total du cybermonde.

C’est le secret de la Silicon Valley. Dans sons sens le plus profond, les géants de la technologie sont le Pentagone et la communauté du renseignement. Le département de la Défense et les agences de renseignement sont les grandes entreprises technologiques. C’était déjà le cas à l’aube de l’informatique moderne, et c’est encore le cas aujourd’hui.

Il ne faut pas s’étonner que le monde de l’Internet — le monde que nous a légué l’ARPAnet — ressemble de plus en plus à un dispositif de surveillance permanente. C’est sa raison d’être primordiale et son objectif intrinsèque.

Pourtant, le public, parfaitement inconscient de cette réalité (ou volontairement ignorant de cette réalité) continue d’enregistrer chacun de ses déplacements dans son carnet de vie intime Facebook, de se grouper en « qui se ressemble s’assemble » pour poser ses questions les plus intimes à Google, et continue de nourrir de ses données personnelles la gueule béante du monstre PRISM.

Il est peut-être trop tard pour s’éloigner du bord de cet abîme de perpétuelle surveillance mobile… mais tant que nous n’aurons pas pleinement examiné les faits démontrant que les grandes entreprises technologiques sont une façade pour le gouvernement des États-Unis, nous ne pourrons jamais ne serait-ce qu’espérer échapper au piège du silicium qu’il nous ont posé.

James Corbett

Source originale de la transcription et la vidéo : https://www.corbettreport.com/siliconvalley/

Source de la version française : Traduction SOTT

Via le Réseau international

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Le 13 juin dernier, la défense iranienne a abattu un drone américain, près du détroit d’Ormuz, où transite 1/3 du pétrole mondial. Suite à cela, Donald Trump a annoncé avoir annulé à la dernière minute des frappes en représailles, ce qui auraient causé, selon lui, la mort de 150 personnes.

Avons-nous échappé de peu cette nuit au début d’une troisième guerre mondiale ? L’Iran menace-t-il les Etats-Unis, comme ces derniers le prétendent ? Qui menace qui ? C’est pour répondre à ces questions que la chaîne Guerre & Paixa interrogé Michel Raimbaud, géopoliticien, essayiste et ancien Ambassadeur de France.

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Photo: Des éléments du drone américain abattu par un missile iranien ont été récupérés

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Dans le but de renforcer le contrôle de l’État sur l’Internet et les contenus numériques, le gouvernement libéral du Canada a annoncé la création d’un fonds de plusieurs millions de dollars pour les médias qui sera distribué aux créateurs de «contenu fiable». Le fonds de 600 millions de dollars, qui sera lancé cet automne, sera distribué par un comité de huit membres nommés par le gouvernement.

Ce fonds, composé de crédits d’impôt et d’incitatifs qui seront distribués au cours des cinq prochaines années, a été annoncé pour la première fois en novembre dernier, sous prétexte de protéger «le rôle vital que jouent les médias indépendants dans notre démocratie et dans nos collectivités».

Derrière tous les discours bidon sur la défense des médias indépendants et du journalisme canadien, les nouvelles structures de financement visent explicitement à censurer l’Internet avant et après l’élection fédérale de cet automne. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une attaque mondiale contre les droits démocratiques et la liberté d’expression menée par les élites dirigeantes de chaque pays, qui a trouvé son illustration la plus flagrante dans la persécution de l’éditeur et journaliste Julian Assange et de la courageuse lanceuse d’alerte Chelsea Manning.

Soulignant le caractère international des efforts de censure, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a accueilli la Conférence mondiale sur la liberté des médias au début du mois avec le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt, qui a promis à plusieurs reprises de rendre Assange au gouvernement Trump.

Faisant la promotion d’une réunion qui a eu lieu à un peu plus de 10 km de la cellule de la prison d’Assange, où il est détenu aux côtés de terroristes et de criminels pour le «crime» d’avoir dénoncé les conspirations mondiales de l’impérialisme américain et de ses alliés, le ministère des Affaires étrangères de Freeland a cherché à susciter un souci d’intégrité journalistique. «Le Canada et le Royaume-Uni travaillent ensemble pour défendre la liberté des médias et améliorer la sécurité des journalistes qui font des reportages dans le monde entier», déclare Affaires internationales Canada sur son site Web dans un passage qui ne serait pas déplacé dans le roman d’Orwell, 1984.

Le langage même utilisé par le gouvernement Trudeau pour justifier la création du fonds des médias, avec ses références à des «contenus fiables» et à des «médias indépendants», ne rappelle rien de plus que le vaste programme de censure de Google sur Internet. Lancée en avril 2017, la campagne mondiale de rétrogradation des sites d’information jugés indésirables par les pouvoirs publics a entraîné une forte baisse du trafic des publications de gauche, antiguerres et socialistes, dont en premier lieu, le World Socialist Web Site.

Le comité choisi par le gouvernement comprendra des représentants de Médias d’information Canada, de l’Association de la presse francophone, de l’Association des journaux communautaires du Québec, du Conseil national de la presse ethnique et des médias du Canada, de l’Association canadienne des journalistes, de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, d’Unifor et de la Fédération nationale des communications.

Ce comité consultatif est tout sauf indépendant. Le fait que les libéraux aient inclus Unifor, le plus grand syndicat du Canada qui représente 12.000 journalistes, démontre que Trudeau considère les syndicats comme un pilier clé du soutien à l’État capitaliste et à ses politiques d’austérité et de guerre. Depuis trois décennies, Unifor et la bureaucratie syndicale dans son ensemble sabotent et étouffent les luttes de la classe ouvrière. Les libéraux sont donc convaincus que les bureaucrates d’Unifor seront d’une aide inestimable pour appuyer l’offensive menée par l’État contre les voix de l’opposition et de la dissidence.

Unifor a appuyé les libéraux pendant la campagne électorale de 2015, tandis que le président d’Unifor, Jerry Dias, a été un conseiller de confiance du gouvernement libéral pendant la renégociation de l’ALENA. C’est ce fait qui a provoqué la seule critique provenant des cercles dirigeants à l’égard du fonds, le Parti conservateur affirmant que le gouvernement Trudeau remplit le groupe de représentants prolibéraux.

Comme on pouvait s’y attendre, les conservateurs n’ont exprimé aucune préoccupation quant aux prémisses fondamentalement antidémocratiques et autoritaires de l’initiative. C’est parce que tous les principaux partis, y compris les libéraux, les conservateurs et les néo-démocrates, ont été complices de l’érection de l’échafaudage d’un État policier au cours des 15 dernières années au nom de la lutte contre le «terrorisme».

Le Fonds des médias est la plus récente mesure prise par Ottawa pour accroître le pouvoir de l’État de contrôler et de censurer le contenu numérique. Il fait suite à une série de rencontres internationales et de mesures coordonnées qui, selon le premier ministre Trudeau, visent à protéger les Canadiens contre «l’ingérence étrangère», principalement de la Russie et de la Chine.

La menace «d’ingérence étrangère» dans les prochaines élections fédérales a été énoncée par le Centre de la sécurité des télécommunications, qui fait partie du réseau mondial d’espionnage «Five Eyes» dirigé par la National Security Agency (NSA) des États-Unis, dans sa mise à jour du rapport intitulé «Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada» publié en avril. Selon le rapport, il est très probable que les électeurs canadiens soient confrontés à de la cyberingérence étrangère avant et pendant l’élection générale de 2019.

Peu après, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a annoncé, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 en France, que «notre opinion est que l’ingérence [dans les élections fédérales] est très probable et nous pensons que des acteurs étrangers malveillants ont probablement déjà fait des efforts pour perturber notre démocratie».

À la mi-mai, lors du sommet «Christchurch call» à Paris, au cours duquel les chefs d’État et les hauts fonctionnaires du secteur des technologies ont discuté d’une relation de travail plus étroite, M. Trudeau a annoncé les plans d’une charte numérique visant à accroître la réglementation du secteur des technologies. La Déclaration canadienne sur l’intégrité électorale, publiée plus tard le même mois et signée par le gouvernement et les entreprises de médias sociaux, engage les plateformes de médias sociaux à «intensifier leurs efforts» pour lutter contre la «désinformation» et «promouvoir des mesures de protection qui contribuent efficacement à régler les incidents de cybersécurité».

En ce qui concerne la réglementation des médias sociaux, Trudeau a annoncé lors d’une réunion devant le Grand Comité international sur les mégadonnées, la protection de la vie privée et la démocratie, «Je préférerais de loin le faire en partenariat avec les plateformes, mais, si c’est le cas, nous prendrons des mesures que nous pourrions regretter, car notre impératif est de protéger les citoyens.»

Après la publication des détails de la Charte numérique fin mai, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, a averti en termes vagues que «les violations des lois et règlements qui soutiennent ces principes» entraîneront des «sanctions claires et significatives».

Il n’est pas clair si l’expression «sanctions significatives» signifie des millions de dollars d’amendes pour les organes de presse et les sociétés de technologie, ou pire, la persécution, l’emprisonnement et la torture de journalistes individuels et de dissidents politiques comme Assange, qui risquent l’extradition vers les États-Unis pour espionnage parce qu’il a révélé les crimes de guerre et les complots de l’impérialisme américain.

Le passage d’Ottawa à la censure numérique est également reflété dans le budget fédéral de 2019. Les mesures visant à «sauvegarder la démocratie canadienne» comprennent un financement de 19,4 millions de dollars sur quatre ans pour que le ministère du Patrimoine canadien lance le Projet sur la démocratie numérique, une initiative internationale dirigée par le Canada visant à créer des «principes directeurs» pour combattre la «désinformation» en ligne, et l’Initiative citoyenne numérique visant à sensibiliser le public aux «pratiques trompeuses» utilisées en ligne.

Confrontée au militantisme ouvrier croissant et à l’opposition de masse à la politique gouvernementale, la classe dirigeante canadienne, en collaboration avec ses alliés impérialistes, s’emploie à établir et à officialiser des mécanismes de censure d’État.

Le virage vers la censure d’Internet et d’autres pratiques autoritaires doit être considéré dans le contexte de la montée du militantisme de la classe ouvrière contre les régimes provinciaux de droite en Ontario et au Québec.

Alors que les premiers ministres populistes de droite Doug Ford et François Legault éviscèrent les services publics et les droits des travailleurs, l’élite dirigeante dans son ensemble craint que les protestations croissantes ne débouchent sur une remise en question totale du programme d’austérité et de guerre capitaliste soutenu par tous les partis établis. Cela comprend le gouvernement Trudeau, qui procède à une augmentation de plus de 70% de ses dépenses militaires et qui collabore à la répression d’extrême droite exercée par l’administration Trump contre les réfugiés et les immigrants.

Penny Smith et Roger Jordan

 

Article paru en anglais, WSWS, le 18 juillet 2019

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Soixante-dix ans après l’indépendance de l’Afrique, quinze pays d’Afrique de l’Ouest sont convenus de l’instauration d’une monnaie commune dès 2020, en remplacement du Francs CFA pour la moitié d’entre eux.

L’ECO, la nouvelle monnaie remplacerait les huit monnaies en cours dans la région. Elle apparaît comme une victoire posthume pour le colonel Mouammar Kadhafi, guide la Révolution libyenne, qui préconisait une monnaie unique à l’Afrique, comme terme ultime du processus de décolonisation.

Avec la multiplication des opérations de troc entre la Russie et les pays du Moyen orient, le lancement de la bourse Shanghai pour le règlement en yuan des transactions pétrolières, la suprématie absolue du dollar comme instrument de référence des échanges internationaux pourrait être compromise à terme

La décision a été prise par les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le 28 juin à Abidjan. Cette monnaie était à l’ étude depuis une trentaine d’années.

Le nom de la future monnaie, l’éco, a été préféré à afri et kola. La Cédéao a opté pour un «régime de change flexible» par rapport aux monnaies internationales, ce qui signifie que le taux de change évoluerait au gré des marchés, comme l’euro ou le dollar.

Le Nigéria exige un «plan de divorce» avec le Franc CFA

Pour huit des 15 pays concernés, l’ECO remplacerait le Franc CFA. Cette monnaie, créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est indexée à l’euro et garantie par le Trésor français. Ce vestige de la colonisation est décrié par certains, mais garantie une stabilité de la monnaie. Le Nigeria, pays leader de la Cédéao, exige un « plan de divorce » avec la France, où reste déposés la moitié des réserves de change (avoirs en monnaie étrangère ou en or) de ces pays.

Le franc CFA ou le nazisme monétaire de la France à l’encontre de ses anciennes colonies d’Afrique occidentale

Interview René Naba à propos du Franc CFA

Lors de la manifestation contre le Franc CFA devant le siège de la Banque de France à Marseille Samedi 23 Février 2019

Pour aller plus loin sur ce thème

Le Franc CFA, une imposture financière

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En France, «La coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme» (CNRLT) a discrètement publié lundi la première mise à jour de son document publique de stratégie quinquennale. Le rapport, mis en ligne sur un site web ministériel, n’était accompagné d’aucun communiqué de presse présidentiel. Il affirme que le rôle des agences antiterroristes françaises est de lutter contre les «mouvements subversifs» et la menace de «violence insurrectionnelle» dans la population.

La CNRLT est une agence du Palais présidentiel de l’Élysée. Elle conseille le Président et elle rend compte directement au Premier ministre. Rédigé en collaboration directe avec le Premier ministre, le rapport titré «La Stratégie nationale du renseignement» a été écrit en collaboration directe avec, et approuvé personnellement par, le Président, Emmanuel Macron.

Ce document de stratégie «constitue la feuille de route du Renseignement», dit-on dans la préface. Une comparaison avec la première «feuille de route» quinquennale montre clairement les objectifs de l’actualisation. La version 2014 identifie ses cinq domaines d’opérations comme le terrorisme, l’espionnage et l’ingérence économique, la prolifération des armes de destruction massive, ainsi que les cyberattaques et le crime organisé.

Le rapport actuel établit une nouvelle catégorie: «l’anticipation des crises et des risques de ruptures majeures». Sous le titre «Subversion violente», il est écrit: «La montée en puissance des mouvements et réseaux à caractère subversif constitue un facteur de crise d’autant plus préoccupant qu’ils visent directement à affaiblir voire à ruiner les fondements de notre démocratie et les institutions républicaines par la violence insurrectionnelle».

Le document explique que par mouvements «subversifs», il faut entendre non seulement «des actions violentes contre les personnes ou contre les biens», mais aussi l’ensemble «des revendications traditionnelles que ces mouvements s’emploient à infiltrer afin de les radicaliser».

Il s’agit d’une formule de criminalisation et de répression violente de toute expression d’opposition sociale au sein de la population. Dans ce cadre, les prétendues «revendications traditionnelles», c’est-à-dire contre les licenciements, pour des salaires plus élevés, un meilleur niveau de vie, contre la guerre et pour l’égalité sociale, ne représentent pas les revendications légitimes de la population. Ils sont simplement «employés» par des forces «subversives» dont le but est la destruction de la démocratie. C’est l’argument d’un État policier fasciste.

«La radicalisation de ces modes d’action appelle à une vigilance accrue des services de Renseignement dans leur fonction d’anticipation et de défense de l’État pour prévenir les violences de toute nature et la déstabilisation de nos institutions», poursuit le rapport.

Sous le titre «Les crises d’ordre public», le rapport décrit la réponse des agences de renseignement à la croissance de l’opposition sociale dans la classe ouvrière. «L’anticipation, l’analyse et le suivi des mouvements sociaux et crises de société par les services de Renseignement constituent une priorité à double titre», affirme-t-il. «La connaissance de la vie locale et le lien à entretenir avec ses acteurs (élus, relais associatifs, médias…) sont des enjeux importants pour les services de renseignement compétents».

Ces politiques, esquissées par une agence «antiterroriste» de premier plan en France, soulignent la vaste expansion des pouvoirs policiers durant les quinze dernières années. Mais cela souligne aussi le fait qu’en vidant les droits démocratiques de leur contenu au motif de la «guerre contre le terrorisme» on a toujours visé l’opposition sociale et politique de la classe ouvrière. En même temps l’État a mené les opérations néocoloniales de l’impérialisme français au Moyen-Orient et en Afrique.

En France, la construction d’un État policier s’est faite à la fois sous l’égide du parti Les Républicains et du Parti socialiste. Avec le soutien de l’ensemble de la classe politique, c’est de ce milieu qu’est issu le parti au pouvoir, la République en marche (LREM) de Macron. Avec le soutien du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, le Président François Hollande (Parti socialiste) s’est emparé des attentats terroristes de novembre 2015 afin de les utiliser comme prétexte pour déclarer un état d’urgence qui a duré près de deux ans.

Le rapport constitue une mise en garde contre les préparatifs très avancés d’un régime autoritaire en France et dans toute l’Europe. La source objective de ce processus universel est la croissance vertigineuse des inégalités sociales dans tous les pays et la concentration de la richesse entre les mains d’une petite élite financière et d’entreprises, qui est déterminée à s’enrichir encore plus en anéantissant les acquis de la classe ouvrière dans les luttes acharnées du XXe siècle.

La classe dirigeante se tourne vers des mesures policières étatiques et la promotion des forces fascistes et d’extrême droite pour réprimer l’opposition croissante de la classe ouvrière au capitalisme et le soutien croissant au socialisme.

En Allemagne, l’agence Étatique, la Verfassungschutz (protection de la constitution), a placé le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP — Parti de l’égalité socialiste), la section allemande du Comité international de la Quatrième Internationale, sur une liste d’organisations «d’extrême gauche». Les organisations sur cette liste sont censées subir une surveillance. Afin de justifier l’ajout du SGP la Verfassungschutz cite son opposition au militarisme et au capitalisme, et son appel pour la construction d’un mouvement socialiste de masse dans la classe ouvrière. En même temps, l’élite politique promeut l’Alternative pour l’Allemagne ouvertement néonazie et couvre les réseaux terroristes d’extrême droite au sein de l’appareil d’État.

Aux États-Unis, le président Donald Trump, avec ses déclarations presque quotidiennes selon lesquelles «l’Amérique ne sera jamais un pays socialiste», parle et agit toujours plus ouvertement en tant que fasciste cherchant à construire un mouvement extra-parlementaire s’appuyant sur l’anticommunisme et de violentes attaques contre les immigrants.

En France même, l’Administration Macron a réagi aux protestations massives contre les inégalités sociales au cours des six derniers mois, non par des concessions, mais par l’escalade de la violence policière. Cela s’est fait notamment par des arrestations massives, des balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et le déploiement de l’armée.

Les préparatifs en vue de l’avènement d’un régime autoritaire en France ont été soulignés par les actions du gouvernement le 14 juillet, jour de la fête nationale.

L’Administration était terrifiée par la possibilité une éruption des protestations au moment où des milliers de soldats défilent à Paris pour les célébrations du 14 juillet, qui aura été un revers humiliant pour Macron. Les forces de sécurité ont interdit à tous ceux qui avaient une sympathie politique pour les gilets jaunes d’entrer dans de grandes zones de Paris autour de la zone de défilé sur l’avenue des Champs-Élysées.

Avant le défilé, la police a rassemblé des centaines de personnes identifiées comme des leaders potentiels de la protestation. Des gilets jaunes connus, dont Éric Drouet, Maxime Nicolle et Jérôme Rodrigues, ont été rassemblés et détenus jusqu’à la fin de la cérémonie. La police a ensuite transporté les détenus dans un camp du 18e arrondissement de Paris, près d’un poste de police entouré de barbelés dans une zone d’entrepôts abandonnés.

Néanmoins, une foule de gens ont hué et se sont moqués de Macron alors que son cortège de voitures descend les Champs-Élysées pendant le défilé du 14 juillet.

Le gouvernement français donne maintenant son feu vert à une nouvelle escalade de la violence policière. Cette semaine, le site Médiapart a révélé que le gouvernement Macron avait décerné le mois dernier à plus de 9000 policiers un gilet jaune en reconnaissance de leur rôle dans la répression violente de ces manifestations.

Parmi les récipiendaires de médailles figurent:

· Grégoire Chassaing, commissaire de police chargé du raid policier sur un festival de musique à Nantes le 22 juin qui a causé la disparition et la probable noyade de Steve Caniço, 24 ans

· Rabah Souchi, qui a dirigé la charge policière ayant failli tuer Geneviève Legay à Nice, une manifestante gilet jaune pacifique de 73 ans

· Bruno Félix, chef du service de police antiémeute impliqué dans la disparition à Marseille de Zinab Redouane.

Will Morrow

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 19 juillet 2019

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Trump déborde l’Iran par l’ouest et l’est

juillet 21st, 2019 by M. K. Bhadrakumar

Photo : La base aérienne d’Incirlik en Turquie orientale abritant des avions de guerre américains et 50 bombes nucléaires.

L’agence de presse nationale turque Anadolu a diffusé une analyse intitulée « Les sanctions américaines contre l’Iran accroissent le malaise public », très critique de l’approche de l’élite dirigeante iranienne vis-à-vis de l’affrontement actuel avec les États-Unis.

Le cœur de l’argumentaire est que les élites dirigeantes iraniennes provoquent délibérément une confrontation avec les États-Unis en rejetant les offres répétées du président Trump pour des négociations inconditionnelles. En effet Téhéran nourrit l’idée qu’il est possible de paralyser sa candidature pour un second mandat aux élections de 2020 en empêtrant les États-Unis dans une guerre asymétrique et en les jetant dans un bourbier moyen-oriental. L’arrière-plan de l’analyse est que la nouvelle belligérance de Téhéran est attribuable au chef suprême et n’est pas dans l’intérêt de la nation iranienne.

Cet article d’opinion arrive à un moment où la Turquie se satisfait du pragmatisme du président Trump qui a accepté qu’elle achète le système antibalistique S-400 à la Russie. Cela renforce l’impression donnée par les remarques surprenantes de Trump sur le président turc Erdogan, lors de la conférence de presse à Osaka du 29 juin : en l’occurrence, que les deux dirigeants étaient parvenus à un accord. Trump a tout fait pour défendre la décision d’acheter les missiles S-400, qui n’est « pas vraiment la faute d’Erdogan » car « il a[vait] été traité très injustement » par l’administration Obama. Trump a ajouté qu’il travaillait sur l’accord S-400 : « Nous verrons ce que nous pourrons faire. »

Erdogan a affirmé plus tard que Trump lui avait promis, lors de leur réunion à Osaka, que les États-Unis n’imposeraient pas de sanctions à la Turquie en raison de son accord avec la Russie sur les S-400. Pendant ce temps, la livraison du système S-400 en Turquie est prévue pour la semaine prochaine. (Erdogan a également déclaré récemment qu’une visite de Trump en Turquie en juillet était « en cours de discussion ».)

Une sorte d’entente entre Trump et Erdogan au sujet de l’Iran ne peut être écartée. Car bien sûr, la Turquie est en mesure de fournir une aide inestimable à l’Iran pour l’aider à faire échec aux sanctions américaines (ce qu’elle a déjà fait, dans le cadre du tristement célèbre accord pétrole contre or entre les élites commerciales turques et iraniennes pendant la présidence Obama.) Trump doit savoir que si la Turquie refuse sa « profondeur stratégique » à l’Iran, cela peut changer les données de la stratégie de « pression maximale » contre Téhéran.

De manière intéressante, le Premier ministre du Pakistan, Imran Khan, devrait également se rendre aux États-Unis pour rencontrer Trump le 22 juillet. La Turquie et le Pakistan ne sont pas exactement comparables, mais il y a des points communs entre les deux. La Turquie, allié mis à l’écart de l’OTAN, est ouvert à la réconciliation, tandis que le Pakistan cherche vivement à rétablir ses liens stratégiques moribonds avec les États-Unis.

En fin de compte, les États-Unis ont tout à gagner de la coopération gagnant-gagnant avec ces deux anciens alliés de la Guerre froide sur l’épineux problème de l’Iran.

La coopération de la Turquie est vitale pour que les États-Unis puissent connecter la route terrestre de l’Iran aux ports de la Syrie en Méditerranée orientale et les bases américaines dans l’est de la Turquie sont des avant-postes de renseignement clés qui surveillent l’Iran. De même, les États-Unis espèrent maintenir une « très grande » présence de leur renseignement dans les bases afghanes, ce qui nécessite l’assentiment du Pakistan. Il est certain que les services de renseignement américains ne se concentrent pas uniquement sur le problème du terrorisme, mais ciblent aussi la Russie, la Chine et l’Iran. Pour résumer, les services de renseignements américains en Turquie et au Pakistan joueront un rôle crucial dans toute confrontation militaire avec l’Iran.

Au fond, pour ce qui concerne la Turquie et le Pakistan, leur éloignement en tant qu’alliés s’est produit en raison des politiques défaillantes des États-Unis, qui ne répondaient pas adéquatement à leurs intérêts légitimes. Dans les deux cas, la dégradation et la vrille consécutive des relations ont eu lieu sous le président Obama. La mise à l’écart de la Turquie a commencé lorsque l’administration Obama a ralenti sur le projet de changement de régime en Syrie en 2012 et elle s’est exacerbée après la tentative ratée de coup d’État en 2016 pour renverser Erdogan.

Dans le cas du Pakistan également, le moment décisif a été atteint en 2011 quand une série d’incidents ont secoué les liens entre les États-Unis et le Pakistan : la détention de l’ancien employé de la CIA, Raymond Allen Davis, à Lahore en janvier, l’opération d’Abbottabad pour tuer Oussama ben Laden en mai et le massacre de 28 militaires pakistanais dans deux postes frontaliers pakistanais dans le district tribal de Mohmand par des hélicoptères Apache de l’OTAN, un navire de guerre AC-130 et des avions de chasse en novembre.

Évidemment, lors de la conférence de presse à Osaka, Trump n’a pas dévoilé ce qu’il avait demandé à Erdogan pour conclure ce marché. Mais le commentaire d’Anadolu laisse entendre que la Turquie ne sapera pas la « pression maximale » des États-Unis sur l’Iran. La Turquie a fermé ses ports au pétrole iranien, se conformant entièrement aux sanctions américaines contre son principal fournisseur, et bien qu’Erdogan ait précédemment critiqué ces mêmes sanctions en déclarant qu’elles déstabilisaient la région. Avant mai 2018, lorsque les États-Unis se sont retirés de l’accord nucléaire avec l’Iran, la Turquie importait en moyenne 912 000 tonnes de pétrole par mois de l’Iran, soit 47 % de ses importations totales.

Le 11 décembre 2011, le drapeau américain a été descendu à la base stratégique Shamsi au Baloutchistan, à environ 160 km de la frontière iranienne, utilisée par la CIA et l’USAF pour des opérations de surveillance et de drones.

Une fois de plus, mardi dernier [2 juillet, NdT], les États-Unis ont inscrit le Front de libération du Baloutchistan sur leur liste de surveillance du terroriste mondial et jeudi [4 juillet, NdT], Islamabad a fait l’annonce officielle de la visite d’Imran Khan aux États-Unis. Le Pakistan se trouve dans le théâtre d’opérations du Commandement central américain, de même que l’Iran. Actuellement, il n’y a pas de bases américaines au Pakistan.

Pays dans la zone du CentCom

Mais le Pakistan, comme la Turquie, a aussi une longue histoire d’accueil des bases militaires américaines. Rien qu’au Baloutchistan, il y avait plusieurs bases de drones américaines : l’aérodrome de Shamsi, nimbé de secret, servait exclusivement à mener des opérations par drones et abritait le personnel militaire américain ; une base aérienne des Forces aériennes pakistanaises sur la frontière Sindh-Baloutchistan, avait également été utilisée pour les opérations de drones de la CIA ; l’aéroport de Pasni où les avions espions américains étaient basés, et ainsi de suite.

M. K. Bhadrakumar

 

Article original en anglais : Trump outflanks Iran to the west and east, Indian Punchline, le 9 juillet 2019

Traduit par Stünzi, relu par San pour le Saker francophone

Nous avons lu avec intérêt l’article de synthèse sur la crise de santé publique au Venezuela1 et nous ne pourrions être plus catégoriquement d’accord avec ses auteurs. Toutefois, les causes profondes de cette crise économique, en particulier l’impact des sanctions économiques américaines, méritent un examen plus approfondi. Depuis 2014, 43 mesures coercitives unilatérales ont été appliquées contre le Venezuela par l’administration US. Celles-ci ont effectivement paralysé l’économie, bloqué l’exportation de pétrole dans le monde et gelé les avoirs financiers vénézuéliens à l’étranger tout en leur refusant l’accès aux systèmes financiers internationaux. Cette perte de revenus et d’actifs pétroliers s’est traduite par un manque à gagner de plusieurs milliards de dollars américains, interdisant l’importation de produits essentiels, vitaux.

L’impact des sanctions US sur la population vénézuélienne ne saurait être surestimé. Plus de 300 000 Vénézuéliens sont en danger en raison d’un manque de médicaments et de traitements vitaux. On estime que 80 000 patients séropositifs n’ont pas reçu de traitement antirétroviral depuis 2017.2 L’accès aux médicaments tels que l’insuline a été restreint parce que les banques US refusent de prendre en charge les paiements vénézuéliens à cet effet.3 Des milliers voire des millions de personnes n’ont pas eu accès à la dialyse, au traitement du cancer, ou aux médicaments contre l’hypertension et le diabète.2Les enfants sont particulièrement affectés par les retards en matière de vaccination ou par l’indisponibilité des médicaments anti-rejet après une greffe d’organe solide. Des enfants leucémiques en attente d’une greffe de moelle osseuse provenant de l’étranger meurent actuellement. Le financement de ces programmes d’assistance sanitaire était assuré par la compagnie pétrolière publique PDVSA. Ces fonds sont à présent gelés.4 Les importations alimentaires ont chuté de 78 % en 2018 par rapport à 2013.2 La menace très sérieuse pour la santé et les dommages à la vie humaine causés par ces sanctions américaines aurait contribué à un excédent de 40 000 décès pour la seule période 2017-20182.

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rappelé que « l’utilisation de sanctions économiques à des fins politiques viole les droits humains et les normes de conduite internationales. De telles actions peuvent déclencher des catastrophes humanitaires d’origine humaine d’une ampleur sans précédent. Le changement de régime par des mesures économiques susceptibles de conduire à la négation des droits humains fondamentaux, voire à la famine, n’a jamais été une pratique acceptée dans les relations internationales ».5 Ces sanctions correspondent à la définition du châtiment collectif de la population civile, telle que décrite dans les Conventions de Genève (article 33) et de La Haye, dont les États-Unis sont signataires.2 Ces sanctions sont également illégales en vertu du droit international et fédéral US.2Étant donné l’action intentionnelle de détruire un peuple, en tout ou en partie, les sanctions économiques US et leurs effets sur la mortalité évitable des Vénézuéliens correspondent à la définition du génocide par l’ONU.6

De plus, le Département d’État US s’est récemment vanté des difficultés économiques qu’il a causées dans son communiqué, maintenant expurgé, publié le 24 avril 20197. Il déclare que « la politique américaine a empêché et continue d’empêcher le gouvernement vénézuélien de participer au marché international et a conduit au gel de ses avoirs à l’étranger ».7 Le conseiller américain pour la sécurité nationale John Bolton a déclaré qu’ils soutenaient le coup d’État illégal au Venezuela, car « cela fera une grande différence économique pour les États-Unis si les compagnies pétrolières américaines peuvent investir et exploiter les ressources pétrolières du Venezuela ». Comme les sanctions ont entraîné des pertes globales de 38 milliards de dollars au cours des trois dernières années, de nouvelles réductions des importations de médicaments, de nourriture, d’équipement médical et d’intrants nécessaires à l’entretien des infrastructures d’eau, de santé et d’assainissement sont prévisibles dans un très proche avenir 9. Ces mesures causeront sans aucun doute d’autres préjudices graves à la population vénézuélienne3.

La paix mondiale est fragile étant donné la position belliqueuse du gouvernement US, qui provoque la déstabilisation dans de nombreux pays à l’approche d’une année électorale. C’est une longue tradition pour les professionnels de la santé publique de condamner catégoriquement le châtiment collectif des populations, la violation du droit international et la mort prématurée et les souffrances qui résultent des mesures économiques punitives. De fait, nous avons réussi à établir des relations de respect et de compréhension mutuels entre les populations lorsque la diplomatie au niveau gouvernemental a échoué, par exemple dans le cas de Cuba.10 Le fait de souligner les échecs économiques du Venezuela pour justifier d’autres sanctions économiques, entraînant de nouveaux échecs économiques, est un argument cyclique et fallacieux et non une approche légitime en santé publique. Nous sommes d’accord avec la lettre ouverte des universitaires américains qui réclament la non-ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures du Venezuela, la fin des sanctions et un règlement négocié sans contrainte étrangère.11 Notre rôle en tant que praticiens de la santé publique est d’éviter les dommages causés aux population par nos politiques, tant dans notre pays qu’à l’étranger, en menant sérieusement des enquêtes en amont (et en profondeur) des causes des conflits.

Tanya L Zakrison & Carles Muntaner

Article original en anglais :US sanctions in Venezuela: help, hindrance, or violation of human rights?, The Lancet, le 13 juin 2019.

Traduction : Venesol

Références

  1.  Venezuela’s public health crisis: a regional emergency. Lancet. 2019; 393: 1254-1260
  2. Economic sanctions as collective punishment. The case of Venezuela. Center for Economic and Policy Research, Washingon; 2019
  3. UN Human Rights Council – Report of the Independent Expert on the promotion of a democratic and equitable international order on his mission to the Bolivarian Republic of Venezuela and Ecuador.
  4. TeleSUR – Second Venezuelan child dies as us blockade stops transplant.
  5. ACNUDH – US sanctions violate human rights and international code of conduct, UN expert says.
  6. UN – Office on Genocide Prevention and the Responsibility to Protect. Genocide.
  7. US Department of State Fact sheet: US actions on Venezuela.
  8. Rowell A John Bolton: “Big difference” if “US oil companies invest in & produce oil in Venezuela”.
  9. ICSLATAM – Venezuela loses $38 billion for US sanctions.
  10. The Editors of MEDICC Review, US-Cuba Health and Science Cooperation: They Persisted. MEDICC Rev. 2018; 20: 4-5
  11. Chomsky – Open letter by over 70 scholars and experts condemns US-backed coup attempt in Venezuela.
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