La dictature monarchique saoudienne soutenue par les États-Unis a brutalement torturé des prisonniers politiques avant leur exécution imminente et publique par décapitation, selon des organisations de défense des Droits de l’homme.

L’organisation saoudienne de défense des Droits de l’homme Al Qst a déclaré à Al Jazeera que « des prisonniers sont torturés lors d’interrogatoires » dans les prisons de haute sécurité du pays. Selon le fondateur d’Al Qst, Yahya Assiri, les méthodes de torture couramment utilisées contre les prisonniers politiques incluent «l’électrocution, la torture par l’eau et la suspension des victimes au plafond par les mains».

Selon Amnesty International, des militantes des Droits des femmes ont également été victimes de tortures physiques et psychologiques «brutales», notamment d’abus sexuels commis par des hommes masqués. L’organisation de défense des Droits de l’homme a déclaré que « les victimes de ces séances de torture «étaient incapables de marcher ou de se tenir debout convenablement, avaient des tremblements incontrôlés des mains et des marques sur le corps. Une des militantes aurait tenté de se suicider à plusieurs reprises à l’intérieur de la prison. »

Parmi les victimes de ces abus horrifiants, qui devaient être exécutées immédiatement après le Ramadan qui s’est achevé la semaine dernière, figurent trois hommes décrits comme des érudits musulmans «modérés»: le cheikh Salman al-Odah, Awad al-Qarni. et Ali al-Omari, tombés en disgrâce du régime dirigé par le prince héritier Mohammed ben Salmane, souverain de facto de l’Arabie saoudite et allié le plus proche de Washington dans le monde arabe.

Salman al-Odah, Awad al-Qarni et Ali al-Omari

Al-Odah est connu internationalement comme érudit islamique «progressiste»; Al-Qarni est un universitaire, auteur et prédicateur ; al-Omari est un présentateur audiovisuel populaire. Tous trois sont des personnalités publiques bien en vue en Arabie Saoudite. Al-Odah compte 14 millions d’adeptes dans le monde arabe sur Twitter. Al-Qarni en compte environ 2,2 millions et al-Omari un demi-million.

Les trois hommes ont été arrêtés en septembre 2017, al-Odah, après avoir tweeté une prière en faveur de la réconciliation entre l’Arabie saoudite et le Qatar, qui fait l’objet d’un blocus mené par l’Arabie saoudite depuis deux ans, en grande partie à cause de la coopération économique et politique qatarie avec l’Iran.

Le régime monarchique a condamné Al-Qarni à une amende et lui a ordonné de cesser toute activité sur Twitter après avoir publié des déclarations dénonçant la corruption et la tyrannie politique. Al-Omari est dans le viseur du régime après avoir utilisé son émission télévisée pour réclamer davantage de droits pour les femmes saoudiennes.

Des militants des Droits de l’homme, selon Al Jazeera, auraient déclaré que Salmane al-Odah et Awad al-Qarni ont été hospitalisés à la suite de dommages corporels causés par les séances de torture et l’isolement cellulaire. Ali al-Omari, selon leurs informations, souffre de brûlures et de blessures sur tout le corps résultant de tortures par électrocution infligées au cours d’une année d’isolement cellulaire.

Tous trois sont sous le coup d’une condamnation à mort sur la base d’accusations de «terrorisme» fabriquées de toutes pièces par le tribunal pénal spécialisé de Riyad. Deux sources du gouvernement saoudien et un parent ont confirmé à la publication en ligne Middle East Eye (MEE) que le gouvernement envisageait d’exécuter les trois hommes peu de temps après le Ramadan.

L’une de ces sources a également déclaré à MEE que la tuerie ayant eu lieu en avril pendant laquelle 37 hommes avaient été décapités au sabre en une journée, la plupart d’entre eux des chiites accusés de participation aux manifestations massives ayant déferlé sur la province orientale à majorité chiite de l’Arabie saoudite en 2011, constituait un «ballon d’essai».

Selon le reportage, le régime saoudien aurait procédé à des exécutions massives – qui incluaient la crucifixion d’un des cadavres privé de tête – afin de tester la réaction à l’international avant de mettre à mort ses prisonniers politiques les plus en vue. Il aurait été satisfait de ce que le bain de sang avait tout juste provoqué un murmure, et encore moins que cela, de la part de son principal mécène et allié, Washington.

Les décapitations en masse venaient à peine cinq mois après l’assassinat et le démembrement de Jamal Khashoggi, résident américain, journaliste et ancien initié du régime, au consulat d’Arabie Saoudite à Istanboul. L’attention médiatique portée sur ce crime international choquant s’est rapidement dissipée après que l’administration Trump eut clairement fait savoir qu’elle n’avait aucune intention de tenir ben Salman pour responsable d’avoir commandité et supervisé l’assassinat.

L’impunité dont bénéficie la monarchie parasitaire saoudienne dans la perpétration de ses crimes a été renforcée par l’intervention de la Maison Blanche passant outre au Congrès et proclamant l’état d’urgence afin d’accélérer les ventes d’armes au royaume saoudien. Cela permettra à la société Raytheon d’envoyer 120 000 bombes à Riyad et de reconstituer l’arsenal meurtrier ayant servi à massacrer environ 80 000 Yéménites dans une guerre de quatre ans qui a poussé des millions de gens au bord de la famine.

Le contrat d’armes comprend également un soutien logistique aux avions de combat saoudiens F-15 qui bombardent le Yémen, ainsi que des mortiers, des missiles antichars et des fusils. Cela a été justifié par l’administration Trump par la nécessité de contrer «l’agression iranienne». Mais la réalité est que l’Arabie saoudite et les autres monarchies pétrolières sunnites du Conseil de coopération du Golfe dépensent neuf fois plus que l’Iran en équipements militaires.

Parmi ceux qui figurent sur la prochaine liste d’exécutions de masse par décapitation est Murtaja Qureiris, arrêté à l’âge de 13 ans et condamné à mort pour des «crimes» qu’il a commis lorsqu’il avait participé à une manifestation à vélo à l’âge de 10 ans dans la province orientale de l’Arabie saoudite.

Légende: Murtaja Qureiris, arrêté à 13 ans, torturé et risquant la décapitation

Arrêté en 2014, il a été soumis à ce qui semble être une procédure opératoire standard pour les forces de sécurité saoudiennes. Détenu au secret pendant un mois, privé de tout contact avec sa famille et placé à l’isolement, Murtaja Qureiris a été battu et torturé, et informé que seul un aveu signé permettait sa libération.

Parmi les preuves présentées devant le tristement célèbre tribunal pénal spécialisé pour prouver qu’il était un terroriste, on citait sa présence aux funérailles de son propre frère, tué par les forces de sécurité lors des manifestations de 2011 contre le régime.

Au moins trois des personnes exécutées lors de la dernière série de décapitations en avril étaient des mineurs au moment des faits qui leur étaient reprochés, ce qui fait de leur exécution une violation flagrante du Droit international interdisant la peine capitale pour les mineurs. L’un d’eux était Abdulkarim al-Hawaj, âgé de 16 ans, arrêté et accusé d’avoir participé à des manifestations et d’avoir utilisé les réseaux sociaux pour inciter à l’opposition à la monarchie. Il a été reconnu coupable sur la base d’aveux arrachés par des tortures comme les chocs électriques et l’attachement des mains au-dessus de la tête.

Également assassiné en avril, Mujtaba al-Sweikat avait 17 ans quand on l’arrêté à l’aéroport international King Fahd. Il a été empoigné alors qu’il s’apprêtait à monter dans un avion à destination des États-Unis pour commencer une vie d’étudiant à la Western Michigan University. Il a été sévèrement torturé et battu, notamment sur la plante des pieds, jusqu’à ce qu’il fournisse des aveux à ses tortionnaires.

Les chambres de torture et les décapitations publiques du régime saoudien sont l’expression la plus claire du rôle de Washington au Moyen-Orient. Toute la propagande des médias et de l’Etat américains sur la « démocratie », les « droits de l’homme » et la « guerre contre le terrorisme » est fondée sur le meurtre de masse, le terrorisme d’État au grand jour, la torture et l’exécution d’enfants.

Tous ces crimes sont commis dans le but de défendre les intérêts prédateurs de l’impérialisme américain dans ses efforts pour affirmer son hégémonie sur cette région riche en sources d’énergie et cruciale sur le plan géostratégique, et y faire reculer l’influence de l’Iran, de la Russie et de la Chine.

Compter sur le régime saoudien comme pierre angulaire de la défense des intérêts impérialistes américains ne peut aboutir qu’à une débâcle, avec l’intensification de la lutte des classes au Moyen-Orient et aux États-Unis mêmes.

Bill Van Auken

 

 

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 9 juin 2019

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Avec une social-démocratie en crise après 75 ans d’hégémonie bipartisane et la montée du populisme de droite représenté dans des partis et des politiciens que l’on pourrait qualifier de fascisme du XXe siècle (par opposition au prétendu socialisme du XXIe siècle), l’Occident fait face à des défis qui touchent même sa compréhension et sa conception de la démocratie (libérale représentative). Par conséquent, la démocratie ou la polyarchie, comme Robert Dahl a plus justement appelé notre système de gouvernement, est plus dévalorisée que jamais face aux transformations géopolitiques actuelles où le leadership de l’Occident est contesté pour la première fois depuis plus de 500 ans.

En ce moment, les tambours de la guerre et de l’intervention étrangère au Venezuela résonnent depuis un certain temps déjà. La rhétorique officielle a fait du gouvernement actuel un bouc émissaire qui doit être sacrifié afin de protéger les droits de l’homme et la liberté. L’Occident, avec les États-Unis en tête et avec l’appui de l’Union Européenne (à l’exception de l’Italie et de la Grèce) et d’importants pays d’Amérique Latine réunis autour du Groupe de Lima, a fait l’étalage d’une propagande internationale rarement vue auparavant et a consacré comme président légitime, sans aucun contrôle juridique ou électoral Juan Guaidó. Et comme les tentatives de se débarrasser du gouvernement de Nicolás Maduro se sont soldées par un fiasco à maintes reprises, pour chaque échec, l’option militaire est renforcée comme la seule alternative pour que l’Occident réalise son objectif au Venezuela.

En cas de menace de guerre au Venezuela, nous serions confrontés à un scénario sans précédent aux conséquences désastreuses pour la région et aux répercussions mondiales. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la création des Nations Unies, il n’y a pas eu d’intervention armée en Amérique Latine dans un pays aussi grand que le Venezuela. En outre, bien que l’ingérence soit justifiée au motif qu’elle mettrait fin à la tyrannie, la vérité est que le Venezuela appartient à la même orbite que les pays occidentaux, pire encore pendant les décennies de dictatures de la seconde moitié du XXe siècle qui ont dévasté l’Amérique Latine, seuls le Costa Rica et le Venezuela sont restés dans le cadre de ce qui est considéré comme une démocratie libérale. Par conséquent, si l’Occident décide de faire la guerre au Venezuela, il ferait la guerre à l’un des siens, ce qui est très différent de l’invasion ou de la guerre avec des pays comme l’Irak, la Somalie, le Vietnam, la Corée du Nord, la Syrie, la Libye…

Mais que se passe-t-il dans les coulisses et que se décide-t-il réellement pour le destin du Venezuela ?

Certains facteurs que nous expliquerons ci-dessous indiquent que l’Occident (en particulier les États-Unis) a désespérément besoin d’une intervention armée pour mettre de l’ordre dans sa zone d’influence, mais en même temps pour accélérer le démantèlement des institutions et la démocratie libérale représentative telle qu’elle a été comprise jusqu’ici. Pour sortir de la crise définitive de la social-démocratie établie après la Seconde Guerre mondiale, il faut adapter la démocratie aux temps nouveaux, qui est devenue un système non viable et obsolète. Les droits, la participation et le bien-être sont impossibles et les tensions se sont traduites par une droitisation générale progressive de la politique parrainée par des groupes économiques qui se concentrent de plus en plus sur la financiarisation.

Un des nombreux exemples qui exposent la crise de la social-démocratie, nous l’avons vu en mai 2019 dans les résultats des élections au Parlement Européen, où pour la première fois le Parti Populaire Européen et les Socialistes Européens n’avaient même pas ensemble une majorité absolue et où la fragmentation de l’espace politique laissé par l’ancien bipartisme a déjà fait apparaître trois groupes d’extrême droite nationaliste. Ce même processus se reflète plus ou moins rapidement dans les parlements nationaux européens, dont l’extrême droite fait déjà partie du gouvernement, comme le Parti du Progrès en Norvège, la Ligue du Nord en Italie ou le Parti des Finlandais en Finlande. En dehors du contexte européen, on observe également une montée du populisme de droite avec Jair Bolsonaro au Brésil, Ivan Duque en Colombie et – bien sûr – Donald Trump aux États-Unis.

Pour redevenir hégémonique, la nouvelle droite doit, d’une part, mettre un terme définitif à la social-démocratie, mais aussi empêcher la répétition de situations qui pourraient nuire au néolibéralisme, comme ce fut le cas dans la plupart des pays d’Amérique du Sud ces dernières années et comme ce fut le cas au Venezuela de la Révolution Bolivarienne des vingt dernières années. La valeur symbolique du Venezuela est élevée parce que c’est après le triomphe d’Hugo Chávez que d’autres gouvernements post-néolibéraux se sont développés dans toute la région comme une maladie du capitalisme. Se débarrasser une fois pour toutes du Venezuela et de sa Révolution serait un bon coup d’État qui aurait un effet exemplaire pour tout autre aspirant qui tente de tenir tête au libéralisme économique.

Au cours du XXe siècle, les processus révolutionnaires ne sont arrivés au pouvoir que grâce à l’utilisation des armes, nous avons l’exemple de la Révolution Cubaine et Sandiniste, des processus armés contre les dictatures sanglantes de Batista et Somoza. Mais dans la plupart des cas, les dictatures de droite ont triomphé, renversant des gouvernements démocratiques progressistes selon les intérêts des élites, comme ce fut le cas avec Arbenz au Guatemala ou Allende au Chili.

Plus tard, une fois la démocratie considérée comme le mécanisme de domination le plus adéquat et le moins coûteux, ce que Huntington baptisa la troisième vague de démocratisation commencera dans de nombreux pays du monde et en particulier en Amérique Latine, qui s’est consolidé après la chute de l’Union Soviétique dans la dernière décennie du siècle et que le discours de la gauche a appelé la décennie perdue. C’est avec l’entrée dans le nouveau millénaire qu’une série de gouvernements sont arrivés au pouvoir en Amérique Latine, utilisant le même système démocratique libéral pour établir des gouvernements post-néolibéraux, un processus régional dont le Venezuela était le fer de lance et qui a atteint son sommet en 2009, lorsque les gouvernements de gauche étaient clairement hégémoniques.

En conséquence, l’empire a perdu beaucoup de terrain dans sa cour arrière, tant sur le plan politique qu’économique. La réponse a été l’ancienne formule du coup d’Etat mais adaptée aux nouveaux scénarios politiques. Bien que des coups d’État classiques aient continué d’être utilisés comme dans le cas de Manuel Zelaya au Honduras, la légalisation apparaît comme un mécanisme pour persécuter les opposants politiques, et ainsi se sont enchaînés le coup d’État contre Dilma Rousseff, la prison pour Lula et les procédures judiciaires contre Cristina Fernández et Rafael Correa, pour n’en citer que quelques-uns.

La menace progressiste (qualifiée de castro-communiste et de chaviste pour semer la peur dans l’opinion publique) a été éliminée, ou du moins neutralisée, dans la plupart des pays de la région, et le Venezuela est toujours debout, malgré les difficultés et le siège. Ainsi, sous le slogan « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », les attaques contre le gouvernement de Nicolás Maduro sont redoublées. Bien que cette attaque ne soit pas nouvelle, le Venezuela est assiégé par l’Occident depuis le début de la Révolution Bolivarienne, il suffit de se rappeler le coup d’État manqué de 2002.

La nouvelle droite doit mettre fin à la Révolution Bolivarienne, qui est perçue comme le champ de bataille immédiat qui permet d’accélérer les changements structurels recherchés dans le système démocratique occidental. Et si le processus se fait par une guerre c’est mieux, car il est plus facile de justifier la restriction des droits en temps de guerre. Ces changements structurels seraient orientés dans la direction suivante :

La recomposition de l’hégémonie de la nouvelle droite doit démanteler les libertés et les droits pour que le système subsiste, face aux menaces, il doit lâcher du lest, c’est-à-dire être plus compétitif et flexible, et pour cela l’éventuel exercice du pouvoir par les gouvernements de gauche doit être empêché pour une période indéfinie.

La judiciarisation de la politique et la politisation de la justice sont des précédents qui peuvent établir des doctrines irréversibles. L’utilisation égoïste de la corruption et la persécution impunie de certains groupes politiques sapent les piliers de l’état de droit et annulent des acquis qui relevaient du sens commun.

L’Amérique Latine est un territoire contesté et, face au multilatéralisme de ces dernières années, l’impérialisme occidental menacé doit consolider son emprise, et s’il ne peut éliminer le reste de ses concurrents, il doit au moins minimiser drastiquement l’influence des autres dans sa région.

Pour paraphraser Naomi Klein, il faut un nouveau choc pour éliminer ou soumettre ceux qui remettent en cause la démocratie libérale et l’économie de marché, tout en introduisant les transformations nécessaires dans la structure démocratique pour que l’Occident continue à tenir l’hégémonie du marché libre. À cette fin, la destruction de la Révolution Bolivarienne par le sang et le feu est l’occasion parfaite.

Fernando Casado

 

Article original en espagnol : La crisis de la democracia en Occidente en el espejo de la guerra contra Venezuela, Rebelio, le 8 juin 2019.

Traduit par Réseau International

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Selon le site Arab News, des discussions seraient en cours pour obliger l’Iran à accepter de signer un accord « Pétrole contre nourriture » permettant d’« alléger » l’effet grandissant des sanctions économiques qui lui sont imposées par les Etats-Unis et leurs alliés. Espérons qu’il s’agit d’une fausse nouvelle, d’une « fake news »…

Ayant milité pour la levée des sanctions contre l’Irak, été placé en garde à vue en octobre 2005 (incarcération de 72 heures pour interrogatoire), puis jugé huit ans plus tard pour avoir « violé » la résolution de l’ONU dite Pétrole contre nourriture,  je ne peux que mettre en garde les négociateurs iraniens qui s’accommoderaient de ce projet dit « humanitaire » conçu par John Bolton et ses conseillers pro-israéliens.

En Irak, les treize années d’embargo international ont provoqué la mort de plusieurs millions de personnes – parmi lesquelles plus d’1,5 million d’enfants -, ont détérioré les infrastructures du pays, et fait imploser la société. Les deux coordinateurs du programme « Pétrole contre nourriture »l’Irlandais Denis Halliday et l’Allemand Hans von Sponeck – ont démissionné, le considérant à juste titre comme « génocidaire ». Seize ans après le renversement du régime baasiste, l’Irak ne s’est toujours pas relevé des sanctions imposées par l’ONU, bien qu’habillées en 1995 de dispositions soi-disant humanitaires.

Dans le copier-coller du programme « Pétrole contre nourriture » proposé à l’Iran – d’après les « sources sûres » interrogées par Arab News – l’Irak serait « le point de transit des exportations de pétrole et des importations de marchandises ». L’argent des ventes de pétrole iranien, déposé sur un compte ouvert à la Banque centrale irakienne,  permettrait aux Américains « de tout contrôler », notamment d’interdire les aides financières accordées à certaines organisations luttant contre l’impérialisme occidental et le sionisme au Proche-Orient.

En Irak et au-delà, la mise en œuvre de la mouture/Iran de Pétrole contre nourriture favoriserait toutes sortes de trafics et développerait la corruption.

Si le président Hassan Rohani signe l’accord dont parle Arab News, il ouvrira la voie à la déstabilisation progressive de l’Iran.

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Entretien du 6/6/2019 avec Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine. Elle donne son analyse du débarquement du 6 Juin 1944, et de l’importance de l’effort militaire des Etats-Unis dans la résolution du conflit de la Seconde Guerre mondiale. Pour elle, un mythe du sauveur américain s’est développé le long du XXe siècle, à la faveur de la domination économique des Etats-Unis sur le monde, occultant largement la victoire militaire de l’Union soviétique en Europe.

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Aux confins de l’état de Portuguesa, beaucoup de femmes ont appris l’artisanat en suivant les cours de Yaniska Gámez. Nous l’avons rencontrée alors qu’elle préparait ses filles pour leur répétition de danse. « On me demande d’enseigner quelque chose qui soit vraiment utile, alors j’enseigne à faire des chaussures, des sacs à dos, des trousses pour les enfants. Vu la situation actuelle je leur dis « ne vous compliquez pas la vie, apportez une bonne semelle ».

Venezuela, une femme parmi tant d’autres (6): Yaniska Gámez. Durée : 4 min. 45’, ESP sous-titres FR. 

Réalisation : Jorge Henriquez et Victor Daniel Rivera. Mixage: Victor Hugo Rivera.

Production : Betzany Guedez / Venezuelainfos 2019

 

 

 

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0’40: Le Venezuela : un pays riche qui attire les prédateurs

3’30: Genèse de la Révolution Bolivarienne
8’50: Démocratie directe et participative au Venezuela
10’30: Le système des Conseils communaux et des communes 13’30: De nouveaux types de propriété sont inventés
18’15: Les conseils de travailleurs
24’35: Constituante et RIC: une réalité issue des Révolutions
25’45: Extractivisme et écologie
28’20: L’ALBA, contre-modèle de l’Union européenne
32’40: La socialisation des moyens de communication
38’30: Guerre économique et blocus financier des USA
42’15: La réalité de la migration vénézuélienne
44’30: Nicolas Maduro: un président parfaitement élu
49’20: La guerre médiatique contre le Venezuela et les nouvelles formes de guerres impériales
55’50: Le modèle zapatiste et le modèle bolivarien
1’01’19: Que va-t-il se passer au Venezuela dans les temps à venir ? Plus d’infos sur www.romainmigus.info et sur https://www.facebook.com/migusromain/

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La directrice du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a réitéré les avertissements selon lesquels la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine menace de réduire la croissance mondiale et a demandé à Washington et à Pékin de se calmer.

Dans un rapport publié plus tôt cette semaine, le FMI a estimé que la dernière série de tarifs douaniers pourrait voir une réduction de la croissance de 0,3 % l’an prochain et que, si l’on y ajoute les tarifs douaniers antérieurs, la réduction sera de 0,5 %, soit l’équivalent de 455 milliards de dollars, «plus que la taille de l’économie de l’Afrique du Sud».

«Il s’agit de blessures auto-infligées qui doivent être évitées», a déclaré Mme Lagarde dans une note accompagnant le rapport. «Comment? En supprimant les barrières commerciales récemment mises en place et en évitant d’autres barrières sous quelque forme que ce soit.»

L’avertissement du FMI sur la croissance, qui survient au milieu de signes déjà apparents d’un ralentissement de l’économie mondiale, a été émis en prévision d’un sommet du G20 qui se tiendra au Japon les 28 et 29 juin, après une réunion des ministres des Finances de l’organisation ce week-end. La rencontre entre le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping, qui se tiendra en marge du sommet, sera au centre de l’attention.

On avait espéré que les discussions permettraient de faire avancer les négociations commerciales. Mais cette perspective est de moins en moins probable dans des conditions où les États-Unis intensifient leur guerre économique contre la Chine, comme en témoigne l’interdiction faite au géant des communications Huawei d’acquérir des composants américains.

S’adressant hier à des journalistes en France, M. Trump a déclaré qu’après la réunion du G20, il prendrait une décision sur l’opportunité d’imposer des droits de douane sur 325 milliards de dollars supplémentaires de produits chinois. «Je rencontrerai le président Xi et nous verrons ce qui se passera, mais probablement après le G20.»

Depuis l’échec des pourparlers entre les États-Unis et la Chine, l’ensemble du système commercial international a été plongé encore plus dans la tourmente par la décision de Trump d’imposer des droits de douane contre le Mexique, commençant lundi prochain à 5 % et passant à 25 % en octobre, en exigeant qu’il prenne des mesures pour arrêter le flux des immigrants et réfugiés vers les États-Unis.

Des pourparlers entre les responsables mexicains et américains ont eu lieu mercredi et devaient reprendre hier, mais à ce jour, aucune annonce n’a été faite quant à leurs résultats. Si les droits de douane vont de l’avant, ils perturberont complètement le commerce entre les États-Unis et le Mexique, qui est le deuxième exportateur en importance, après la Chine, vers le marché américain.

Quelle que soit l’issue immédiate du conflit, la menace de Trump d’utiliser des tarifs douaniers sur cette question a envoyé une onde de choc dans le système commercial international parce qu’elle indique clairement que les États-Unis sont prêts à utiliser des mesures de guerre économique et commerciale pour poursuivre tous leurs objectifs politiques, et pas seulement ceux du commerce, bien que ceux-ci soient bien graves en soi.

L’échec des négociations commerciales avec la Chine est survenu après que les États-Unis eurent accusé Pékin de revenir sur ses engagements antérieurs. Toutefois, un livre blanc publié par la Chine ce week-end a contesté cette évaluation et décrit en détail les cas où les États-Unis avaient renversé des accords précédents.

Il a constaté qu’au début de février 2018, le gouvernement américain a exprimé le souhait d’une consultation de haut niveau sur les questions commerciales et économiques. Ces discussions se sont poursuivies et ont permis de réaliser des «progrès substantiels» sur un accord visant à accroître les importations chinoises de produits agricoles et énergétiques. Mais le 22 mars de l’année dernière, les États-Unis ont dévoilé leur rapport en vertu de l’article 301 de la loi commerciale de 1974 accusant la Chine de vol de technologie et annonçant un tarif de 25 % sur des biens chinois d’une valeur de 50 milliards de dollars.
La Chine a poursuivi ses discussions et, le 19 mai dernier, les deux parties ont publié une déclaration commune où elles conviennent de s’abstenir d’une guerre commerciale et de poursuivre les discussions. Mais dix jours plus tard, les États-Unis ont annoncé une escalade des tarifs douaniers, avec un tarif de 10 % à imposer sur les exportations chinoises d’une valeur de 200 milliards de dollars à partir de début juillet.

Après la rencontre entre Xi et Trump en marge du sommet du G20 en Argentine en décembre dernier, les négociations se sont poursuivies et, selon le livre blanc, «les pays se sont mis d’accord sur la plupart des questions». Mais le 6 mai, les États-Unis ont accusé les Chinois de faire marche arrière et ont augmenté les droits de douane sur les exportations chinoises de 200 milliards de dollars de 10 % à 25 %.

Le livre blanc disait que l’accusation de retour en arrière de la Chine était «totalement infondée». «Il est de pratique courante pour les deux parties de faire de nouvelles propositions d’ajustements au texte et à la formulation lors des consultations en cours. Au cours des dix dernières rondes de négociations, l’administration américaine n’a cessé de changer ses exigences.» Il a dit que plus qu’on offre au gouvernement américain, plus il en réclame.

Dans un commentaire publié mercredi, le chroniqueur économique du Financial Times, Martin Wolf, qui a déjà qualifié les États-Unis de «superpuissance voyou», a écrit que «sur de nombreux points» soulignés dans le livre blanc «les positions chinoises sont justes».

L’accent mis par les États-Unis sur les déséquilibres commerciaux était «économiquement analphabète», l’opinion selon laquelle le vol de propriété intellectuelle avait causé «d’énormes dommages» à l’économie américaine était «discutable» et la proposition selon laquelle la Chine avait «gravement violé» ses engagements envers l’Organisation mondiale du commerce en 2001 était «énormément exagérée».

Soulignant les implications plus larges du conflit, il a écrit: «La rivalité généralisée avec la Chine est en train de devenir un principe organisateur de la politique économique, étrangère et de sécurité des États-Unis».

Et il a précisé que ce n’était pas seulement un produit de Trump, mais qu’elle avait des racines plus profondes.

«Le président américain a l’instinct d’un nationaliste et d’un protectionniste. D’autres fournissent à la fois le cadre et les détails. L’objectif est la domination américaine. Le moyen est le contrôle de la Chine ou la séparation d’avec la Chine. Quiconque croit qu’un ordre multilatéral fondé sur des règles, sur notre économie mondialisée, ou même sur des relations internationales harmonieuses, soit susceptible de survivre à ce conflit se trompe.»

Le point de vue américain à l’égard de la Chine était celui de la «la force fait la loi», ce qui s’est reflété dans l’insistance des États-Unis à agir en tant que «juge, jury et bourreau» à l’égard de tout accord.

Soulignant l’effondrement du système commercial, il a noté qu’aux États-Unis, «le commerce libéral est de plus en plus considéré comme un « commerce avec l’ennemi »».

Décrivant le conflit américano-chinois comme «l’évolution géopolitique la plus importante de notre époque», Wolf n’a pas explicitement évoqué la menace de guerre, préférant dire qu’elle était «dangereuse» et risquait de se transformer en un «conflit global».

Cependant, d’autres ont été plus directs. À la suite d’un discours belliqueux prononcé par le ministre américain de la défense par intérim, Patrick Shanahan, lors de la conférence du dialogue Shangri-La qui s’est tenue à Singapour le week-end dernier, le ministre de la défense des Philippines, Delfin Lorenzana, a mis en garde contre la guerre.

«Le déliement de nos réseaux d’interdépendance économique s’accompagne d’un risque croissant d’affrontement qui pourrait conduire à la guerre», a-t-il déclaré. «Notre plus grande peur, par conséquent, est la possibilité d’entrer en comme des somnambule dans un autre conflit international comme la première guerre mondiale.»

Nick Beams

 

Article paru en anglais, WSWS, le 7 juin 2019

Cet article a été publié par Global Research le 7 juin 2015.

Pour beaucoup le 4 Juin 2019 a marqué le 30ème anniversaire du massacre de la place Tiananmen à Pékin.

Ceci devrait en fait marquer l’anniversaire d’une des plus spectaculaires opérations de désinformation secrète menée par le Royaume-Uni, une qui est presque à égalité avec celle du mythe des armes de destruction massives irakiennes.

L’histoire originale des troupes chinoises mitraillant des manifestants étudiants chinois innocents et sans défense dans le nuit du 3 au 4 juin 1989 sur la place icônique Tiananmen de Pékin, a depuis été sérieusement discréditée par bien des témoins qui y étaient, parmi eux une équipe de télévision espagnole de TVE, un correspondant de l’agence Reuters et des manifestants eux-mêmes, qui disent que rien d’autre ne s’est produit qu’une unité de l’armée chinoise entrant sur la place pour demander aux quelques centaines de personnes y demeurant toujours de quitter les lieux, tard dans la nuit.

Et pourtant rien de tout cela n’a arrêté le ressassement constant du massacre et la croyance dans les fais rapportés. Tout ce qui a changé est l’endroit, le massacre n’a pas eu lieu sur la place elle-même mais dans les rues adjacentes.

L’histoire originelle a commencé avec un long article en anglais publié six jours plus tard dans le Hong Kong South China Morning Post par un soi-disant manifestant dont on a jamais rien su avec certitude. Des histoires bidons anonymement introduites dans les médias sont une des techniques favorites des autorités britanniques responsables des opérations clandestines de désinformation / propagande. Ceci n’a pas empêché l’histoire d’être reprise et publiée dans le New York Times le 12 Juin, avec des photos de bus transporteurs de troupes en feu suivies par celle de “l’homme au char”, la photo d’un étudiant seul essayant supposément d’arrêter des chars d’entrer sur la place. Le mythe d’un massacre non provoqué a depuis pris racine.

Vrai, personne ne nie qu’un grand nombre de citoyens et d’étudiants ont été tués près de la place Tiananmen par des militaires en apparence hors de contrôle. Mais pourquoi ?

Revenons en arrière sur les photos de ces bus militaires en flamme. La vision populaire est que ces bus furent incendiés par les manifestants en colère APRES que le mitraillage ait commencé. En fait, ils furent incendiés AVANT. La preuve ? Des rapports de cadavres calcinés ayant été suspendus par des cordes sous les passerelles piétonnes (une photo de ces cadavres de militiares prises par un reporter de Reuters n’a jamais été publiée) et des photos de soldats gravement brûlés cherchant refuge dans des maisons avoisinantes. Des soldats dans ce genre de situation ont une tendance à répliquer en ouvrant le feu sur tout ce qui bouge, demandez donc aux bons citoyens irakiens de la ville de Falloujah.

Heureusement, nous avons aussi à notre disposition les rapports horaires de l’ambassade des Etats-Unis à Pékin, qui sont disponibles sur internet et qui nous disent ce qui s’est vraiment passé. Ils notent qu’au départ, les autorités de Pékin avaient voulu envoyer des troupes non-armées pour faire évacuer la place des étudiants qui y demeuraient toujours alors que les manifestants commençaient à diminuer. Bloquées par la foule, les troupes en armes arrivèrent par bus et cette fois furent accueillies et bloquées par une foule armées de bombes incendiaires, ce qui eu un résultat particulièrement laid et néfaste. Il y a eu des cas où certaines unités de l’armée essayèrent de calmer les soldats hors de contrôle. Le rapport d’une ambassade de la foule d’étudiants tuant un militaire qui essayait de pénétrer sur la place pourrait expliquer le carnage qui a eu lieu en périphérie.

En ce qui concerne “l’homme au tank”, nous savons maintenant par le photographe lui-même que sa photo devenue icône fut prise de la fenêtre de sa chambre d’hôtel le jour APRES les émeutes et que les chars n’essayaient pas d’entrer sur la place Tiananmen mais de sortir de la zone.

Un rapport détaillée émanant de la très respectée Columbia Journalist Review, “Le mythe du massacre de Tiananmen et le prix à payer pour une presse passive”, a depuis noté la préférence avérée des médias pour les histoires gore et bien sanglantes. Mais rien de tout ceci ne semble avoir édenté la crédibilité de l’histoire officielle du massacre de Tiananmen.

Il est vrai qu’une certaine responsabilité de ces évènement incombe à Pékin. Sa campagne de chasse des leaders de la protestation étudiante et de tout mettre sur le dos d’un complot contre le régime n’a pas créé une bonne impression. Mais il y a sans doute des raisons. Par frustration alors que leur longue manifestation tendait à se dissiper, quelques uns des leaders étudiants avaient été appelés à l’action par la foule en colère résidant toujours aux alentours de la place. Comment ces personnes dans la foule furent-elles armées et eurent-elles accès à des bombes incendiaires à essence, une arme qui n’est pas utilisée par les manifestants ou émeutiers chinois et qui furent responsables de quelques 400 véhicules détruits ?

Le régime avait toléré les manifestants en les autorisant à occuper la place centrale de Pékin pendant six semaines. Le secrétaire général du PCC (NdT: Zhao Ziyang) avait essayé en vain de négocier avec eux. Les autorités regrettèrent plus tard leur manque d’expertise dans le contrôle des foules ainsi que leur manque d’équipement adéquat, les forçant à se reposer sur des militaires inexpérimentés en la matière. Une fois encore, tout cela ne serait pas arrivé si le régime lui-même n’avait pas fauté dans le passé.

Les mots du célèbre écrivain taiwanese Hu Dedjian, qui se mit en grève de la faim sur la place en solidarité avec le mouvement étudiant expliquent tout: “Des gens disent que 200 personnes sont mortes sur la place et d’autres clâment que 2000 sont mortes. Il y a aussi des histoires de chars d’assaut écrasant des étudiants qui essayaient de partir. Je dois dire que je n’ai rien vu de tout cela. J’étais moi-même sur Tiananmen jusqu’à 6 heures et demie du matin cette nuit là.

“Je n’ai cessé de penser, allons-nous utiliser des mensonges pour attaquer un ennemi qui ment ?”

Gregory Clark

 

Article original en anglais :

The 1989 Tiananmen Square Massacre Is a Myth: British “Black Information Operation”

International Business Times, le 4 juin 2014

Traduction : Résistance71

 

Gregory Clark est un ancien diplomate australien, correspondant parlant mandarin et président d’université résident au Japon. On peut le joindre sur www.gregoryclark.net Les vues exprimées dans cet article ne représentent pas forcément celles d’IBTimes UK.

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« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la réaliser ou la trahir. » Frantz Fanon

Que dire sur ce rapport et sur les travaux de la commission des deux dernières années (l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées — ENFFADA) ? La commission a expérimenté plusieurs défis, tels qu’un mandat trop épars, des démissions multiples et des critiques concernant son manque d’indépendance et de transparence. La plus importante critique fut celle liée à sa méthode de travail. Après la remise de son rapport intérimaire le 1er novembre 2017, les familles et les experts réitéraient l’urgence d’adopter une approche basée sur les droits de la personne en enquêtant sur la faillite des institutions canadiennes et de la société à protéger les droits fondamentaux (droit à la vie, à la santé et à la sécurité) des femmes issues des Premiers Peuples.

Cette critique a finalement été entendue par les commissaires. Ces derniers ont mis en oeuvre le pouvoir d’enquêter de la commission afin d’accéder à 174 dossiers de la police, comme l’avait fait la commission Oppal, en Colombie-Britannique, entre 2010-2012. L’ENFFADA a également rencontré des experts, à travers le Canada, sur les questions entourant la violence sexuelle et coloniale, le racisme systémique, et a intensifié l’implication des familles directement touchées. La commission a donc fait un virage significatif au printemps 2018 dans ses travaux et son approche. Sur cette base, elle demandait une extension de son mandat à l’automne 2018, qui fut reconduit pour une période additionnelle de six mois seulement. Une période nettement insuffisante pour assumer un mandat d’une telle ampleur.

En dépit du manque de temps et des différents problèmes rencontrés, cette réinitialisation officieuse des travaux de la commission fut salutaire : elle apporte une crédibilité aux conclusions du rapport final et aux appels à la justice présentés lundi. La mise en oeuvre effective des recommandations visant à s’attaquer au racisme systémique, à la violence sexuelle et coloniale, déterminant majeur du génocide envers les Premiers Peuples au Canada, et qui touche particulièrement les femmes, demeure l’enjeu central soulevé dans l’histoire des commissions au Canada.

Malgré leur résistance continue et leur force, les femmes ne pourront déraciner seules les causes profondes de ce schéma génocidaire. Le niveau de violence sexuelle et coloniale qu’elles endurent au quotidien et depuis les premiers contacts sera compris le jour où le Québec et le Canada, et en particulier les hommes, auront la maturité d’assumer entièrement les formes de racisme et de misogynie qui subsistent au coeur de leur héritage. Au-delà de la culpabilisation, c’est sur la non-réception des vérités que portent les récits des femmes qu’il faut se questionner, pour que du mutisme forcé des femmes à la surdité des hommes soit tissée une passerelle faisant en sorte qu’elles soient enfin entendues et crues.

Génocide colonial

Les représentations, les stéréotypes et la misogynie touchant les femmes autochtones sont ainsi profondément enracinés dans la société et toujours enchâssés dans les politiques, les législations et les bureaucraties. Si ces constats peuvent sembler s’éloigner des définitions connues du terme « génocide », une connaissance minimale de la condition des Premiers Peuples au Canada, et en particulier de celle des femmes, efface le moindre doute quant à l’existence non seulement historique mais actuelle d’un génocide colonial.

Ce rapport impose l’équation de l’héritage colonial, sinon de l’esprit guidant les institutions canadiennes et causant directement la mort de filles et de femmes. Il appelle au démantèlement de mécanismes sophistiqués, conçus sur mesure au cours des siècles et généralement invisibles à la société dominante, enracinés dans les sphères culturelle, juridique, économique et politique au point qu’il apparaît invraisemblable au citoyen qu’il contribue, volontairement ou non, à perpétuer la condition humaine intenable d’une partie de ses semblables. Ce rapport nous montre le long et pénible chemin qu’il reste à parcourir afin de démystifier la faillite du corps policier à enquêter sur la mort de beaucoup de femmes et, dans certains cas, la participation d’agent de la paix dans la perpétration des crimes.

Le temps n’est plus aux débats sémantiques mais à l’impératif de solidarité et de protection des femmes, ainsi que de la terre qui les porte. Soyons clairs : même s’ils n’étaient pas entendus, les Premiers Peuples ont toujours dénoncé et résisté à ce génocide. Les femmes en particulier n’ont jamais cessé de dénoncer la violence sexuelle à des fins génocidaires dont elles sont la cible et leurs voix résonnent toujours.

Si l’époque requiert une métamorphose des relations mortifères que les sociétés coloniales québécoise et canadienne entretiennent avec les Premiers Peuples et la Terre, cette mutation doit aussi s’incarner dans le rapport de chacun à soi-même, lieux d’enracinement des représentations et des préjugés semés et nourris depuis des siècles. Est-il encore possible, à cette étape de notre histoire humaine et commune, de fermer les yeux et de faire la sourde oreille ? Nous sommes dorénavant devant le choix clair d’honorer ou de trahir notre propre humanité.

Nawel Hamidi et Pierrot Ross-Tremblay

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Les préoccupations des États-Unis au sujet d’une nouvelle installation appuyée par la Chine au Cambodge pourraient placer le pays au milieu d’une nouvelle guerre froide naissante.

Dans un refrain désormais commun, le ministre chinois de la Défense Wei Fenghe a publiquement nié lors d’un récent forum de défense que Pékin avait l’intention de construire une base navale au Cambodge.

C’était la dernière réponse de Pékin à la spéculation répandue selon laquelle un projet d’écotourisme soutenu par la Chine dans la province côtière de Koh Kong, au Cambodge, est secrètement conçu à des fins militaires.

« La Chine n’est pas en train d’établir sa présence militaire au Cambodge. Il n’y a rien de tel là-bas« , a déclaré M. Wei Lors du sommet sur la sécurité du Dialogue Shangri-La à Singapour le week-end dernier, un événement auquel le ministre cambodgien de la Défense Tea Banh a également participé.

Les débats sur la question font rage depuis novembre dernier, lorsqu’un journaliste a rédigé un article pour Asia Timesdans lequel le vice-président américain Mike Pence avait prédit avec justesse que le premier ministre Hun Sen soulèverait ces allégations dans une lettre adressée au Premier ministre Hun Sen lors de sa tournée dans la région.

Plusieurs responsables américains et un rapport du ministère de la défense publié en décembre dernier ont souligné que Washington prend ces allégations au sérieux.

Si elle est construite, une installation navale au Cambodge pourrait permettre à la Chine d’accéder à un nouveau flanc sud dans la mer de Chine méridionale, où la Chine est plongée dans un conflit croissant avec les États-Unis au sujet de la liberté de navigation.

L’intention spéculée de la Chine de baser ses troupes au Cambodge, fortement démentie par Phnom Penh, mettrait certainement la région sur les nerfs à un moment où la pression s’accroît pour prendre parti entre les États-Unis et la Chine.

Des soldats cambodgiens se tiennent prêts alors que des navires de la marine chinoise accostent à Sihanoukville, au Cambodge, en janvier 2019

La législation locale interdit actuellement le stationnement de troupes étrangères sur le sol cambodgien.

Mais si l’état fonctionnel des relations entre militaires de la Chine et du Cambodge est encore largement opaque, il est clair que Pékin est désormais le principal primus inter pares – en tête des alliés stratégiques de Phnom Penh.

Après la suspension des opérations militaires conjointes entre le Cambodge et les États-Unis en 2017, Pékin est devenu le principal créancier des Forces armées royales cambodgiennes (ARC). En juin dernier, Pékin a donné 100 millions de dollars d’aide militaire au Cambodge, en plus des généreux dons des années précédentes.

Sihanoukville, ville côtière, a accueilli trois navires de guerre chinois en janvier. Entre-temps, le plus grand exercice militaire conjoint entre les deux pays, baptisé Golden Dragon, a eu lieu dans la province de Kampot en mars.

La réorientation du Cambodge vers Pékin intervient alors que les États-Unis et la Chine intensifient leur guerre commerciale et se lancent dans une course aux armements beaucoup plus sérieuse sur la technologie et la puissance militaire.

La décision de la Chine d’envoyer son ministre de la défense au sommet du Dialogue Shangri-La de la semaine dernière pour la première fois en huit ans en dit long, tout comme les commentaires de Wei selon lesquels la Chine est prête à « lutter jusqu’au bout » contre les États-Unis.

Le ministre chinois de la Défense, Wei Fenghe, participe au sommet du dialogue Shangri-La de l’IISS à Singapour le 2 juin 2019

Bradley Murg, professeur adjoint de sciences politiques à l’université Seattle Pacific, estime que s’il y a « un intérêt extrêmement vif pour Washington » pour les affaires politiques du Cambodge, l’intérêt est surtout centré sur « le développement d’une base navale chinoise au Cambodge« .

Un rapport actualisé sur la Stratégie indo-pacifique publié par le Département de la Défense des États-Unis au début du mois de juin indique que Washington reste « préoccupé par les informations selon lesquelles la Chine cherche à établir des bases ou une présence militaire sur ses côtes[cambodgiennes], une évolution qui mettrait en cause la sécurité régionale et marquerait un changement clair dans l’orientation de la politique étrangère du Cambodge« .

Le dernier rapport annuel du bureau du directeur du renseignement national américain, Dan Coats, a également souligné que :

« Il semble que la Chine s’empresse d’achever son projet de Union Development Group à Koh Kong ; c’est un endroit très stratégique si elle devait devenir comme par magie une base opérationnelle avancée pour la marine chinoise« , a déclaré Sophal Ear, professeur associé de diplomatie et des affaires mondiales à l’Occidental College à Los Angeles.

Charles Edel, qui a fait partie de l’équipe de planification de la politique du Secrétaire d’État américain de 2015 à 2017, a écrit dans un article paru le 9 mai dans War On The Rocks que l’imagerie satellitaire semble montrer que :

De récentes images satellites montrant une piste d’atterrissage d’aéroport dans la province reculée de Koh Kong, au Cambodge, suffisamment longue pour soutenir les avions de reconnaissance, les chasseurs et les bombardiers militaires chinois

Asia Times a passé en revue les images satellite de cette région pendant des mois et, bien que le développement se soit accéléré, les entretiens avec des experts sur les installations militaires chinoises n’ont pas fourni de preuves suffisantes que le site est bien destiné à un usage militaire.

Certains experts affirment que la piste pourrait servir à la fois à des fins commerciales et militaires, tandis que d’autres affirment que ses caractéristiques distinctives, y compris sa longueur de piste surdimensionnée et ses juteux, pourraient n’être qu’une coïncidence et ne pas nécessairement indiquer des applications militaires.

Malgré les avertissements répétés de Washington, l’ambassadeur cambodgien auprès de l’organisation américaine Chum Sounry a déclaré dans une interview que « les liens de défense entre le Cambodge et les États-Unis ont été resserrés« , une déclaration qui contredit ce que beaucoup considèrent comme des relations encore glaciales après la cessation des exercices conjoints en 2017.

Chum Sounry a souligné les visites effectuées au Cambodge par Joseph Felter, secrétaire adjoint à la Défense pour l’Asie du Sud et du Sud-Est, en janvier, et par le colonel Scott Burnside, du US Indo-Pacific Command, en mars, comme preuve du réchauffement des liens.

Il a également fait remarquer que Hun Manet, le fils du premier ministre Hun Sen, qui a été promu l’an dernier commandant en chef adjoint des Forces Armées Royales Khmères (RCAF) et commandant de l’armée, a été invité aux États-Unis en avril pour participer à une conférence antiterroriste.

Le Premier ministre cambodgien Hun Sen, devant à gauche, et son fils, le général de corps d’armée Hun Manet, derrière à droite, Phnom Penh. Le 24 janvier 2019

Hun Manet, considéré par beaucoup comme l’héritier de Hun Sen lorsque le dirigeant de longue date finira par se retirer, a également rejoint pour la première fois l’année dernière le Comité Permanent du Parti Populaire cambodgien au pouvoir, qui compte 37 membres et qui est le principal organe décisionnel du parti.

L’ambassade des États-Unis à Phnom Penh, quant à elle, a maintenu une ligne dure à l’égard de la répression antidémocratique de Hun Sen, comme en témoigne la décision de 2017 de la Cour Suprême d’interdire la principale opposition du Parti du Sauvetage National du Cambodge (CNRP).

Kem Sokha, le président du CNRP, a été arrêté en septembre 2017 pour trahison pour avoir prétendument tenté de fomenter une « révolution de couleur » soutenue par les États-Unis pour renverser le gouvernement de Hun Sen. Il est toujours en détention provisoire.

Même si la pleine coopération militaire n’est pas à l’ordre du jour à court terme, il semble que les responsables américains considèrent les canaux militaires comme un moyen possible d’influencer la politique alors que les relations avec le gouvernement de Hun restent tendues.

Le porte-parole du gouvernement, Phay Siphan, a répondu avec colère après la visite de Felter en janvier, au cours de laquelle il aurait discuté de politique avec des responsables militaires cambodgiens.

Au cours de sa visite, Felter aurait également discuté des moyens de relancer les exercices militaires conjoints entre les États-Unis et le Cambodge.

Malgré cela, le Cambodge risque de plus en plus d’être considéré comme un satellite chinois à un moment où les pressions s’intensifient pour que les États de la région prennent le parti des superpuissances, en particulier pour ce qui concerne la mer de Chine méridionale.

Les forces armées cambodgiennes en démonstration à Phnom Penh, le 25 juillet 2018

Mais il n’y a pas que les États-Unis qui tentent de raviver les liens militaires avec le Cambodge pour réduire leur dépendance à l’égard de la Chine. En effet, Hun Manet semble prendre des paris stratégiques pour le pays alors que la rivalité sino-américaine menace de basculer vers le conflit.

Depuis février, Hun Manet a dirigé des délégations militaires en Chine, en Russie et en Thaïlande, participé à une conférence sur la lutte contre le terrorisme aux États-Unis et accompagné une délégation militaire lors d’une visite de quatre jours au Vietnam, où il a rencontré les plus hauts responsables de la défense à Hanoi.

Après la visite de Hun Manet au Vietnam le mois dernier, un organe du Parti Communiste a noté que le chef d’état-major général Phan Van Giang « a souligné que les relations de défense ont toujours été l’un des plus importants piliers des relations Vietnam-Cambodge« .

Cela intervient alors que le Vietnam, allié militaire historique du Cambodge, s’est rapproché des États-Unis pour se protéger contre la Chine, qui, selon Hanoi, militarise des parties contestées de la mer de Chine du Sud.

Pourtant, l’exaltation du gouvernement de Hun Sen en faveur de la « neutralité permanente et du non-alignement » apparaît souvent plus rhétorique que réelle à la lumière de l’ampleur de son pivot vers la Chine.

De toute évidence, Phnom Penh ne veut pas être assimilée à la mêlée des officiels de la défense de plus en plus bellicistes aux États-Unis et en Chine. Comme pour le Vietnam, il est clair que le Cambodge ne veut pas devenir un proxy dans une nouvelle guerre froide.

Mais comme la spéculation est forte autour de l’installation émergente soutenue par la Chine dans le sud-ouest du Cambodge, et à moins que Phnom Penh ne réoriente quelque peu ses liens vers les États-Unis, le risque augmente qu’il ne le devienne si les tensions entre les États-Unis et la Chine dégénèrent en conflit.

David Hutt

 

 

Article original en anglais : US, China tensions put Cambodia in potential peril

Traduit par Réseau International

Le vaccin contre l’hépatite B peut-il causer la sclérose en plaques et ouvrir droit à une réparation du préjudice? La Cour de Cassation hésitait à le dire… la Cour de Justice de l’Union Européenne vient de lui confirmer qu’elle avait le droit de le reconnaître. Une décision qui va compliquer l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire annoncée par la ministre Buzyn…

Agnès Buzyn se serait probablement bien passée de cette décision qui va compliquer la mise en oeuvre de sa politique de vaccination obligatoire. La Cour de Justice de l’Union Européenne vient de considérer, dans le cadre d’une question préjudicielle, qu’il était conforme au droit de l’Union Européenne de reconnaître un lien de causalité entre un vaccin de Sanofi Pasteur contre l’hépatite B et la sclérose en plaques.

L’affaire visait un cas français. Un homme en parfaite santé avait déclaré une sclérose après une vaccination. Il est décédé en 2011.

Jusqu’ici, la directive de l’Union sur le sujet imposait aux plaignants d’établir la preuve de la causalité entre la vaccination et la maladie. La CJUE vient de reconnaître que cette preuve ne supposait pas forcément un consensus scientifique, mais pouvait simplement s’appuyer sur des présomptions fortes et sérieuses. Il appartiendra à chaque juridiction nationale de vérifier ce sérieux.

Cette réponse ouvre la voie à une indemnisation des victimes par les fabricants de vaccins incriminés.

Une très mauvaise nouvelle pour Sanofi… et pour Agnès Buzyn.

Extrait du communiqué de presse de la Cour de justice de l’Union Européenne du 21 juin 2017:

« Dans son arrêt de ce jour, la Cour estime comme compatible avec la directive un régime probatoire qui autorise le juge, en l’absence de preuves certaines et irréfutables, à conclure au défaut d’un vaccin et à l’existence d’un lien causal entre celui-ci et une maladie sur la base d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, dès lors que ce faisceau d’indices lui permet de considérer, avec un degré suffisamment élevé de probabilité, qu’une telle conclusion correspond à la réalité. En effet, un tel régime n’est pas de nature à entraîner un renversement de la charge de la preuve incombant à la victime, puisqu’il revient à cette dernière d’établir les différents indices dont la conjonction permettra au juge saisi de se convaincre de l’existence du défaut du vaccin et du lien de causalité entre celui-ci et le dommage subi.

 En outre, exclure tout mode de preuve autre que la preuve certaine issue de la recherche médicale aurait pour effet de rendre excessivement difficile voire, lorsque la recherche médicale ne permet pas d’établir ni d’infirmer l’existence d’un lien causal, impossible la mise en cause de la responsabilité du producteur, ce qui compromettrait l’effet utile de la directive ainsi que les objectifs de celle-ci (à savoir protéger la sécurité et la santé des consommateurs et assurer une juste répartition des risques inhérents à la production technique moderne entre la victime et le producteur).

La Cour précise néanmoins que les juridictions nationales doivent veiller à ce que les indices produits soient effectivement suffisamment graves, précis et concordants pour permettre de conclure que l’existence d’un défaut du produit apparaît, compte tenu également des éléments et des arguments présentés en défense par le producteur, comme étant l’explication la plus plausible de la survenance du dommage. Le juge national doit en outre préserver sa propre liberté d’appréciation quant au point de savoir si une telle preuve a ou non été apportée à suffisance de droit, jusqu’au moment où il se considère en mesure de former sa conviction définitive. »

 

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Le ministère américain de la Justice prépare plus d’accusations encore contre le journaliste et éditeur Julian Assange, a avertit WikiLeaks jeudi.

Ces accusations, dit WikiLeaks, reposeraient sur le témoignage de Sigurdur Thordarson, un informateur du FBI déjà reconnu coupable de fraude, qui s’est rendu aux États-Unis pour y être interrogé afin de préparer de nouvelles accusations.

«La chaîne publique néerlandaise NOS a rapporté qu’on avait fait venir Sigurdur Thordarson en avion aux États-Unis la semaine dernière. Là, il fut ‘interrogé en profondeur’, en vue du dépôt, contre Julian Assange, d’un nouvel acte d’accusation de remplacement à la fin de la semaine prochaine», fait remarquer WikiLeaks.

L’information est arrivée le même jour que de nouveaux avertissements relatifs à la dégradation de la santé d’Assange. Le père d’Assange, John Shipton, devait rendre visite à son fils à la prison de Belmarsh mais on l’a éconduit en lui disant qu’Assange voyait un médecin pour une visite apparemment urgente.

«Ma visite était fixée en même temps qu’un autre rendez-vous, elle a été annulée», a-t-il déclaré au journal australien Herald Sun. «[La visite du médecin] a du être arrangée d’urgence parce qu’il y a eu double rendez-vous».

Plus tôt cette semaine, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer, a averti que Julian Assange pouvait mourir en prison si on ne mettait pas immédiatement fin à sa persécution.

Lorsque le journaliste d’ABC Philip Williams a demandé à Melzer, «si vos appels sont ignorés, craignez-vous qu’il puisse mourir en prison? », celui-ci a répondu : « C’est une crainte qui, je pense, est très réelle».

L’Administration Trump a jusqu’au 14 juin pour présenter la demande d’extradition d’Assange à la Grande-Bretagne. L’acte d’accusation actuel comprend 18 chefs d’accusation relatifs au rôle d’Assange dans la révélation de crimes de guerre américains et de conspirations diplomatiques mondiales; il est assorti d’une peine maximale de 175 ans d’emprisonnement.

Le communiqué de presse de WikiLeaks indique que les États-Unis préparent probablement un acte d’accusation de remplacement. Il inclurait les accusations déjà dévoilées ainsi que de nouveaux chefs d’accusation.

«NOS a rapporté que l’agent spécial du FBI Megan Brown, qui dirige l’enquête du FBI contre Assange, s’est rendu en Islande le 6 mai avec le procureur Kellen Dwyer, du District Est de Virgine pour réinterroger Thordarson, l’informateur du FBI, avec l’aide de la police islandaise» poursuit le communiqué de WikiLeaks.

La collaboration entre le ministère de la Justice et Thordarson montre aussi que les tentatives américaines de poursuivre et d’extrader Assange constituent un complot politique mené en violation des normes juridiques fondamentales.

L’informateur du FBI n’a aucune crédibilité. Il est impliqué de longue date dans l’espionnage illégal et les provocations d’État, possède un casier judiciaire avec des condamnations pour détournement de fonds, fraude et crimes sexuels contre des mineurs. Thordarson ne pourrait être considéré comme un témoin fiable ou honnête dans aucun procès qui maintiendrait le droit de l’accusé à une procédure régulière.

Thordarson, un citoyen islandais, aurait cherché au début de 2010, alors agé de 17 ans, à s’attirer les bonnes grâces de WikiLeaks en faisant du travail volontaire pour cette organisation.

Un an après avoir proposé ses services, WikiLeaks soupçonnait déjà Thordarson de l’avoir volé. En 2014, un tribunal islandais a condamné celui-ci en vertu de 18 chefs d’accusation relatifs à des vols, notamment le transfert sur son compte bancaire privé de dons destinés à WikiLeaks. L’organisation a déclaré que Thordarson lui avait volé jusqu’à 50.000 dollars (44.375 euros).

En août 2011, Thordarson affirme avoir contacté l’ambassade des États-Unis à Reykjavik, offrant d’aider à «l’enquête criminelle en cours aux États-Unis» contre Assange. Il a rapidement été engagé comme informateur par le FBI.

De son propre aveu, Thordarson a rencontré plusieurs fois des agents du FBI à Reykjavik entre 2011 et 2012. Au cours de cette période, les autorités américaines l’ont envoyé trois fois au Danemark et une fois aux États-Unis pour des réunions secrètes sur WikiLeaks.

Thordarson a fourni au FBI huit disques durs dont il affirmait que le contenu provenait de WikiLeaks. Il a reçu des milliers de dollars du gouvernement américain.

Cet informateur du FBI fut impliqué dans un complot des autorités américaines visant à faire accuser Assange de piratage informatique. Il a affirmé qu’au début de 2011, il avait approché le groupe de piratage Lulzsec et lui a demandé de l’aider à pénétrer les systèmes informatiques d’organismes gouvernementaux et d’entreprises islandaises.

Au moment où Thordarson avait contacté Lulzsec, le chef de cette organisation, Hector Xavier Monsegur, connu sous le nom de «Sabu», avait déjà accepté de coopérer avec le FBI pour éviter une inculpation.

Les conversations entre Thordarson et Lulzsec ont donc eu lieu entre une organisation de pirates informatiques dirigée et contrôlée par le gouvernement américain et un adolescent islandais douteux, soupçonné déjà d’avoir volé WikiLeaks. Assange et WikiLeaks ont nié toute connaissance des démarches de Thordarson concernant Lulzsec.

Julian Assange en 2012

En juin 2011, les autorités américaines ont averti l’Islande qu’elle se trouvait devant une cyberattaque imminente. En août, un avion avec huit ou neuf agents du FBI est arrivé à Reykjavik, venant du District Est de Virginie, où les autorités judiciaires avaient constitué un grand jury secret contre WikiLeaks l’année précédente. Le ministre islandais de l’Intérieur de l’époque, Ögmundur Jonasson, a exigé leur départ.

Dans un entretien avec le site web Katoikos.eu en 2013, Jonasson a révélé que ces agents avaient été envoyés pour solliciter «notre coopération dans ce que j’ai compris comme une opération pour mettre en place un coup monté, une machination contre Julian Assange et WikiLeaks». Il a clairement indiqué que le piégeage d’Assange était lié aux mises en garde américaines contre des opérations de piratage informatique en 2011.

Jonasson a ajouté: «Puisqu’ils n’avaient pas été autorisés par les autorités islandaises à effectuer un travail de police en Islande… et qu’une répression contre WikiLeaks n’était pas à l’ordre du jour, pour dire le moins… J’ai ordonné que toute coopération avec eux soit rapidement interrompue et je leur ai aussi fait comprendre qu’ils devaient cesser immédiatement toute activité en Islande».

Interrogé par NOS, Thordarson a indiqué que les nouvelles accusations portées contre Assange, reposant sur son témoignage, concerneraient la machination tentée en 2011. Il a déclaré que ses récentes entrevues avec le FBI avaient porté sur ses contacts avec Monsegur.

WikiLeaks met en garde dans son communiqué: «Alors que l’affaire s’effondrerait aux États-Unis du fait que l’accusation s’appuie sur les témoignages de Thordarson et Monsegur, qui ne sont pas des témoins crédibles, les États-Unis peuvent cacher l’identité de leurs témoins pendant la procédure d’extradition britannique afin d’accroître leurs chances de gagner».

Et poursuit en disant: «Cela empêchera Assange de contester la crédibilité des témoins lors de la procédure d’extradition britannique, qui débutera le 14 juin».

Les préparatifs visant à porter des accusations supplémentaires contre Assange sont la dernière étape de ce que Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, a qualifié le 31 mai dans une déclaration, de « campagne implacable et sans retenue de harcèlement public, d’intimidation et de diffamation contre M. Assange, non seulement aux États-Unis, mais encore au Royaume-Uni, en Suède et, plus récemment, en Équateur».

Le communiqué de WikiLeaks confirme les avertissements de Melzer selon lesquels on bafoue les droits humains et juridiques fondamentaux d’Assange. Melzer a jugé qu’Assange avait été victime de «torture psychologique».

Dans des commentaires faites au site web the Canary jeudi, Melzer a ajouté: «Les preuves qui m’ont été communiquées suggèrent fortement que la responsabilité première des abus soutenus et concertés infligés à M. Assange incombe aux gouvernements du Royaume-Uni, de la Suède, des États-Unis et, plus récemment, de l’Équateur».

«En conséquence, ces gouvernements seraient conjointement responsables de l’effet cumulatif prévisible de leur conduite mais aussi chacun d’eux séparément pour leurs contributions respectives, que ce soit par perpétration directe, incitation, consentement ou acquiescement», a-t-il poursuivi.

Le Rapporteur a mentionné:

• l’enquête suédoise bidon sur les allégations d’inconduite sexuelle à l’encontre d’Assange.

• l’«accusation sécrète par un grand jury aux États-Unis», qui menace le fondateur de WikiLeaks d’emprisonnement à vie.

• l’abrogation illégale par l’Équateur de son asile politique.

• «la partialité manifeste dont font preuve les juges britanniques à l’encontre de M. Assange depuis son arrestation».

La campagne internationale contre Assange est le fer de lance des gouvernements à l’international pour abolir les normes démocratiques fondamentales y compris le droit à la liberté d’expression et la liberté de la presse.

Le dévoilement des accusations portées contre le fondateur de WikiLeaks en vertu de la loi américaine sur l’espionnage a ouvert la voie à des mesures similaires contre des organismes de presse dans le monde entier. En témoignent les descentes de la police australienne cette semaine contre des journalistes ayant révélé l’espionnage et les crimes de guerre du gouvernement australien.

Cela souligne l’importance cruciale de construire un mouvement international des travailleurs, des étudiants, des jeunes et de tous ceux qui défendent les libertés civiles, pour garantir la liberté immédiate d’Assange et défendre tous les droits démocratiques. Contactez le WSWS pour prendre part à ce combat crucial.

Oscar Grenfell

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 7 juin 2019

Cet article a été d’abord publié le 5 juin 2014.

«Soldats, marins et aviateurs des Forces expéditionnaires alliées! Vous êtes sur le point de vous embarquer pour la grande croisade vers laquelle ont tendu tous nos efforts pendant de longs mois. (…) Les espoirs, les prières de tous les peuples épris de liberté vous accompagnent. Vous apporterez la sécurité dans un monde libre. La fortune de la bataille a tourné! Les hommes libres du monde marchent ensemble vers la Victoire! Bonne chance!(…)  Implorons la bénédiction du Tout-Puissant sur cette grande et noble entreprise.»  (Message d’Eisenhower aux troupes d’assaut, le 5 juin 1944)

Nous avons toujours gardé une image fabuleuse du débarquement ; Notamment, nous fûmes subjugués pour ne pas dire conditionnés par le fim culte : « Le jour le plus long » , Ce ne sont pas moins de 5 réalisateurs de nationalités différentes qui nous font découvrir le débarquement allié en Normandie du 6 juin 1944. Nous vîmes et admirâmes une  pleiade d’acteurs tout aussi mythiques les uns que les autres  Un casting de haut vol s’y associe : John Wayne, Bourvil ou encore Sean Connery, Henry Fonda , Robert Mitchum mais aussi des milliers de figurants. Certains événements de cette campagne militaire historique ont été passés sous silence. Les fils connus de l’opération Overlord. Qui se souvient par exemple que les gros ballons des parades d’un grand magasin new-yorkais ont inspiré une supercherie à l’origine de la réussite du D-Day? Les Alliés ont en effet eu l’idée de faire appel à l’entreprise Goodyear pour créer une armée en caoutchouc. Des chars et des barges gonflables devaient faire croire à un débarquement dans le Pas-de-Calais et détourner l’attention d’Hitler.» (1)

L’opération Overlord

On sait que le 6 juin 1944, ils étaient 177 Français à débarquer sur les côtes de Normandie, auprès des Alliés: un abbé, un repris de justice, un ancien légionnaire, un jeune marié, un ouvrier, un gosse de 17 ans, originaires de la métropole, de la Tunisie, de l’Algérie ou de Madagascar. Recrutés en Grande-Bretagne au début de la guerre, ils ont été entraînés à la dure en Ecosse avant de porter fièrement le béret vert du commando Kieffer.

«Aujourd’hui, 70 ans après, l’opération Overlord reste la campagne militaire la plus héroïque de l’histoire. Retour sur des aspects méconnus du débarquement. C’est la phase d’assaut de l’opération Overlord qui vise à créer une tête de pont alliée de grande échelle dans le nord-ouest de l’Europe et l’ouverture d’un nouveau front à l’Ouest. Une fois les plages prises, l’opération se poursuit par la jonction des forces de débarquement et l’établissement d’une tête de pont sur la côte normande puis l’acheminement d’hommes et de matériels supplémentaires. L’opération cesse officiellement le 30 juin 1944. La flotte d’invasion était composée de 6939 navires (1213 navires de guerre, 4126 navires de transport et 1600 navires de soutien dont de nombreux navires marchands) provenant de huit marines différentes. (2)

La mise en place de cette énorme flotte s’effectua dans tous les ports de la côte sud de l’Angleterre, de Plymouth jusqu’à Newhaven.» (2)287.000 personnes embarquées à bord des navires alliés le Jour J dont 177 – Nombre de soldats du commando français Kieffer ayant débarqué sur Sword Beach. 200.000 obstacles de plage installés par les Allemands le long du Mur de l’Atlantique, 200.000 véhicules alliés de toutes sortes débarqués en Normandie le 6 juin 1944 à minuit. 11.590 appareils alliés (chasseurs, bombardiers, transport, reconnaissance et planeurs), 10.395 tonnes de bombes alliées larguées sur la Normandie toute la journée du 6 juin 1944, 9 500 – Nombre d’avions alliés d’attaque et d’appui en vol le Jour J.

7616 tonnes de bombes alliées larguées sur la Normandie dans la nuit du 5 au 6 juin 1944,11.085 missions effectuées par les forces aériennes alliées le 6 juin 1944. 10.750 sorties (aller-retour) de l’aviation alliée pendant les 24 heures du jour J. Nombre de sorties de la Luftwaffe (armée de l’air allemande) le 6 juin 1944». (2) Plusieurs milliers de morts sont aussi à compter parmi les civils.(2)

Opération Torch

Deux ans plus tôt l’opération Torch vit le débarquement des Alliés principalement en Afrique du Nord (Algérie). Les effectifs mobilisés furent moins importants Ce sont principalement des Français d’Alger sous la conduite de José Aboulker qui permirent pour une part importante l’opération de débarquement Opération Torch est le nom de code donné au débarquement des Alliés le 8 novembre 1942. La prise d’Alger se fait en un jour grâce à la Résistance française, alors qu’à Oran et au Maroc, les généraux du régime de Vichy accueillent les Alliés à coups de canon, tout en livrant la Tunisie aux Allemands sans aucune résistance, Si les Alliés réussissaient à y repousser les troupes de l’Afrikakorps de Rommel, l’Afrique du Nord permettrait ensuite de disposer d’une plate-forme pour un projet plus ambitieux qui concernerait l’Europe méridionale». (3)

L’opération qui comprenait 107.000 hommes s’effectua sur 200 bâtiments de guerre et 110 navires de transport. Elle se divisait en trois groupes ayant pour mission d’établir neuf têtes de pont sur près de 1500 km de côte. (…) Le 8 novembre 1942 à l’aube, les premiers vaisseaux de l’Opération Torch abordèrent les plages d’Afrique du Nord. Après une longue préparation, et en exécution d’accords passés secrètement à la conférence de Cherchell le 23 octobre 1942 entre la résistance algéroise et le commandement allié, 400 résistants français, dont les deux tiers étaient des Juifs ont neutralisé le 8 novembre 1942, les batteries côtières de Sidi-Ferruch et le 19e corps d’armée française d’Alger pendant une quinzaine d’heures. (…) Les diplomates et généraux américains ont eu tendance à omettre ou à minorer le rôle de la Résistance pieds noirs dans leurs relations ultérieures de l’opération Torch.» (3)

L’apport « réel » de la résistance lors du débarquement : Un tabou ?

Nous avons vu que les commandos du Commando Kieffer, des Français qui ont fait le débarquement, étaient composé de 177 volontaires sur un total de plus de 200.000 Américains, canadiens anglais et de plusieurs pays du Commonwealth. La doxa officielle  a toujours présenté la « Résistance » comme étant la cheville ouvrière de la réussite du débarquement. Qu’en est-il de l’apport de la résistance (Forces françaises de l’Intérieur)?.

Dans la publication suivante, nous verrons que l’apport est beaucoup plus discret que l’histoire officielle ne l’a présenté. Nous lisons: «Le mythe des maquisards qui auraient joué un rôle très important dans la victoire des Alliés a la vie dure. Dans son ouvrage: «La Résistance expliquée à mes petits-enfants», La résistante Lucie Aubrac déclare: «Dans cette prison qu’était devenue la France, la Résistance a renseigné efficacement les Alliés, a contribué avec peu d’armes à vaincre l’occupant, a libéré seule une partie de notre pays, a aidé les Alliés sur le sol français, a poursuivi avec eux l’armée allemande jusqu’à sa totale défaite, a débarrassé la Patrie du régime de collaboration» (…) Dans son livre intitulé: Les F.T.P.,l’ancien commandant en chef des Francs-Tireurs et Partisans français, Charles Tillon, va même plus loin: il attribue la réussite du Débarquement aux FFI qui, dans les premières heures du 6 juin 1944, auraient apporté à l’opération des moyens… deux fois supérieurs à ceux des Alliés. Sa démonstration vaut la peine d’être exposée. L’auteur s’appuie tout d’abord sur une note du QG allié en 1944 selon laquelle la force des FFI «représentait l’équivalent en hommes de quinze divisions» (…)» (4)

 «L’auteur «oublie» toutefois: -que les premières vagues d’assaut anglo-américaines n’étaient pas seules; elles reçurent l’appui décisif de la marine et de l’aviation qui pilonnèrent-que les «quinze divisions» FFI étaient non seulement peu armées, L. Aubrac avoue que la Résistance avait «peu d’armes» mais surtout, qu’elles n’étaient pas regroupées en Normandie pour attaquer Les forces allemandes présentes sur les lieux. Dans l’ouvrage d’Eisenhower, le satisfecit décerné à la Résistance arrive au seizième chapitre: Eh bien, dans ces 74 pages, seules… onze lignes sont consacrées à l’appui que pourrait fournir la Résistance. Et voici ce que D. Eisenhower écrit: «Notre plan reposait sur l’appoint considérable que nous escomptions de la part des mouvements des maquis en France. On savait qu’ils étaient particulièrement nombreux en Bretagne, et dans les montagnes et les collines proches de la côte méditerranéenne. […] Nous désirions particulièrement que, le Jour J, le général De Gaulle s’adressât avec moi par radio à la population française afin qu’elle ne se soulève pas et ne s’expose pas à des sacrifices inutiles qui n’avaient pas encore d’intérêt mais qu’elle se réservât pour le moment où nous lui demanderions son appui.» C’est net: pour débarquer, les Anglo-américains n’avaient nullement besoin de l’aide de la Résistance. Ils n’en voulaient pas. Ils considéraient que ce serait des «sacrifices inutiles». Les actions de harcèlement n’ont nullement pesé sur le cours des opérations.» (4)

A l’occasion du soixantième anniversaire du Débarquement, la question suivante a été posée à Jean Vanwelkenhuyzen, un historien de référence: «La résistance a-t-elle vraiment représenté un appoint pour les armées régulières?» Il a répondu: «Il y a une légende dorée française qui a été une manière de gommer la défaite de 1940. Les maquis locaux ont pu fournir des renseignements qui échappaient à la reconnaissance aérienne et aussi jouer un rôle dans certains combats. Mais dire que cela a changé les opérations, non».» (4)

Les « dépassements » des GI: un  autre vieux tabou

Un autre tabou « honteux » est la chape de plomb concernant les exactions sexuelles des GI’S autorisés à user et à abuser de leur position de sauveurs pour s’en prendre aux Françaises. Grégoire Kauffmann rapporte les écrits d’un ouvrage à ce propos: «Pour les GI, le Débarquement fut aussi un terrain dangereux d’aventures. Une historienne américaine s’attaque sans nuances au mythe du libérateur. De nombreux boys sont persuadés de la frivolité des Françaises. Le haut commandement US a voulu «vendre» le Débarquement comme une aventure érotique, seul moyen de galvaniser les soldats envoyés sous les orages d’acier d’Utah et Omaha Beach ».(5)

Une fois désinhibée, la libido des GI sera impossible à contenir. Le contraste entre l’indigence française et l’opulence yankee favorise toutes les combines (…) Par crainte des maladies vénériennes, les autorités américaines tenteront vainement d’encadrer le chaos. L’état-major fait des exemples en ordonnant la pendaison publique de soldats noirs accusés de viols – boucs émissaires d’une armée fondée sur la ségrégation raciale. Face à ce tsunami sexuel, une douloureuse «crise de la masculinité» s’empare du mâle français… L’historienne écorne singulièrement la geste héroïque du libérateur accueilli sous les vivats d’un peuple reconnaissant. Le recours péremptoire à la métaphore érotique, le mépris des nuances handicapent la démonstration, qui n’en décrypte pas moins l’un des derniers tabous de la Seconde Guerre.» (5)

De Gaulle tenu à l’écart du débarquement

Après la débâcle de mai-juin 40, l’armistice acceptée par le maréchal Pétain, réfugié en Angleterre dès le 17 juin 1940, De Gaulle lance sur les ondes de la radio britannique, la BBC, un appel à la Résistance le 18 juin 1940. Cela lui vaut le surnom de l’«homme du 18 juin». Rapidement avec le soutien de Winston Churchill, il fonde, à Londres, le Comité de la France libre. En juillet 1940, ils sont environ 7000. Les Alliés ont délibérément exclu De Gaulle qui n’a été informé que la veille du plan de débarquement. Ils l’ont écarté des opérations du 6 juin. De Gaulle, arrivé en Normandie le 14 juin, réussit pourtant à transformer cette humiliation en victoire politique. (6)

Tout a commencé  comme nous l’avons  écrit plutôt avec l’opération «Torch», le débarquement anglo-saxon, Une opération amphibie réussie militairement, qui débouche sur un véritable imbroglio politique: l’amiral Darlan, l’un des acteurs de la collaboration d’État, devient haut-commissaire en Afrique, avec l’assentiment des militaires américains et de Roosevelt. Les Américains imposent alors le général Henri Giraud, et les conflits entre De Gaulle et Guiraud ne tardèrent pas à naître. L’amiral Darlan fut éliminé.

Pourtant, à force d’opiniâtreté et d’indépendance, le 3 juin 1944, De Gaulle se légitimise graduellement malgré ses alliés Le Comité français de la Libération nationale (Cfln) que présidait le général De Gaulle devint Gouvernement provisoire de la République française (Gprf). Les Alliés anglo-saxons considéraient en effet, que, dans l’attente d’assurances démocratiques sur la représentativité du gouvernement, le rétablissement de la loi et de l’ordre dans la France libérée devrait se faire sous la supervision du général Eisenhower. Avec la création du Gprf s’ouvrait donc une période de fortes tensions qui ne prendraient fin qu’avec l’installation à Paris du gouvernement provisoire français, à la fin de l’été. Ces tensions connurent leur acmé dans les jours qui précédèrent le débarquement en Normandie. Tenu à l’écart par les Alliés de la préparation du débarquement, De Gaulle fut invité par Churchill à rejoindre Londres. Parvenu dans la capitale anglaise le 3 juin en fin de journée, il rencontra Churchill puis Eisenhower le 4. Les rencontres se passèrent très mal, De Gaulle refusant toute idée d’administration provisoire de la France par les Alliés. (…) L’opposition aux velléités alliées de prendre provisoirement les commandes en France est donc frontale. (7)

Les principaux acteurs du Jour J en Normandie

Eisenhower, Bradley, Montgomery, Churchill et De Gaulle pour les Alliés, Rommel et von Rundstedt pour les Allemands: même sans être tous en Normandie, ce 6 juin 1944, tous ont été les grandes figures du Jour J. Winston Churchill lancera son fameux appel: «Je n’ai à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur» pour un seul objectif: «la victoire, la victoire à tout prix». Charles de Gaulle tente de maintenir la France dans la guerre afin d’assurer sa présence parmi les vainqueurs. Mais il est tenu à l’écart par les Alliés de la préparation du débarquement. Début juin 1944, il refuse toute idée d’administration provisoire de la France par les Alliés. Il fait son entrée en France le 14 juin. «Depuis plusieurs jours, j’étais prêt à ce voyage. Mais les Alliés ne s’empressaient pas de me le faciliter»». (8)

Le triomphe du mythe de la libération américaine de l’Europe

Il est curieux de constater comment les médias épousant les thèses des pouvoirs peuvent changer du tout au tout. Ainsi, à titre d’exemple concernant le rôle de l’armée rouge vainqueur de Stalingrad, la première rentrée à Berlin, nous lisons: «En juin 2004, lors du 60e anniversaire du «débarquement allié» en Normandie, à la question «Quelle est, selon vous, la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne» l’Ifop afficha une réponse strictement inverse de celle collectée en mai 1945: soit respectivement pour les États-Unis, 58 et 20%, et pour l’URSS, 20 et 57%. Du printemps à l’été 2004 avait été martelé que les soldats américains avaient, du 6 juin 1944 au 8 mai 1945, sillonné l’Europe «occidentale» pour lui rendre l’indépendance et la liberté que lui avait ravies l’occupant allemand et que menaçait l’avancée de l’armée rouge vers l’Ouest. Du rôle de l’Urss, il ne fut pas question. Le (70e) cru 2014 promet pire sur la présentation respective des «Alliés» sur fond d’invectives contre l’annexionnisme russe en Ukraine et ailleurs (9)…

La diabolisation de la Russie surtout avec l’affaire ukrainienne  ne  doit jamais nous faire oublier qu’il y eut plus de 25 millions de morts parmi les Russes, que la bataille de Stalingrad a marqué un tournant dans le conflit et que l’Allemagne après la débâcle de Von Paulus ,ne put jamais relever la tête.  Les médias et les pouvoirs occidentaux  devraient en toute objectivité que sans l’URSS, la guerre ne serait pas gagnée.

Enfin, l’impérialisme amérericano-britannique a tout fait pour marginaliser de Gaulle et aboutir à un protectorat sur la France. On comprend alors la position de  Gaulle qui avait une haute  idée de la France, de se retirer par la suite,  de l’OTAN, d’affermir la dimension nucléaire de la France quitte à saccager le Sahara avec une douzaine d’essais tout aussi catastrophiques les uns que les autres. Il se trouve encore des gens qui pensent que le gaz de schiste exploité par l’ancienne puissance – not in my back yard, pas chez elle-, n’abîmera pas une seconde fois, le Sahara cette fois-çi à Dieu ne plaise,  d’une façon irréversible car il aura touché au meillieur viatique : l’eau. Mais ceci est une autre histoire.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

 

 

Notes :

1.http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/05/22/la-face-cachee-du-debarquement_4420232_3246.html

2.Opération Overlord: Encyclopédie Wikipédia

3.Opération Torch: «Encyclopédie Wikipédia

4. http://forumfrance-en-guerres.clicforum.fr/t2110-Le-mythe-de-la-Resistance-qui-aurait-permis-le-Debarquement-allie-en-Normandie.htm

5.Grégoire Kauffmann Amours… la face cachée du Débarquement L’Express 03/06/2014

6.Jean-Pierre Azéma 6 juin 1944: Opération overlord – 01/05/2004  htpp//histoire.presse.fr
7.http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00312/6-juin-1944-la-bataille-supreme-est-engagee.html

8.http://quebec.huffingtonpost.ca/2014/05/23/les-principaux-acteurs-du_n_5377215.html

9.http://www.mondialisation.ca/le-debarquement-du-6-juin-1944-du-mythe-daujourdhui-a-la-realite-historique/5385061

 

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Une assemblée de politiciens sans scrupules et de bellicistes s’est réunie à Portsmouth, en Angleterre, pour le 75e anniversaire du débarquement de Normandie, la plus grande opération combinée terrestre, aérienne et navale de l’histoire ayant annoncé la défaite finale des armées fascistes de Hitler au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Le 6 juin 1944, les forces alliées, dirigées par la Grande-Bretagne et les États-Unis, ont débarqué à plusieurs endroits en Normandie, en France, dans la première étape de leur invasion réussie de l’Europe occidentale occupée par les nazis. L’opération a impliqué 160.000 soldats, près de 5000 barges et navires de débarquement, 277 dragueurs de mines et 289 vaisseaux escorteurs. Au cours du massacre de masse du jour J et des jours suivants, près de 20.000 soldats – alliés et allemands – ont perdu la vie.

Parmi les participants à l’événement figuraient: le président des États-Unis, Donald Trump, lors du dernier jour de sa visite d’État au Royaume-Uni; la première ministre Theresa May, qui quittera ses fonctions de chef du Parti conservateur aujourd’hui et de première ministre en juillet; le président français Emmanuel Macron; la chancelière allemande Angela Merkel et des dirigeants et représentants du Canada, de l’Australie, de la Belgique, de la République tchèque, du Danemark, de la Grèce, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande, de la Pologne et de la Slovaquie.

L’événement a été présenté comme un rassemblement de principales puissances mondiales, qui a entériné une proclamation s’engageant à garantir que «l’horreur inimaginable» de la guerre n’allait pas se reproduire. Mais rien ne pouvait occulter le fait que cette commémoration se déroulait sur fond de la rupture historique des relations entre les grandes puissances, avec le danger grandissant d’une guerre qui plane sur la politique mondiale.

Macron et Trump en Normandie [Source: C-Span]

La déclaration rédigée par Downing Street [résidence des premiers ministres britanniques] pour cet événement, la «Proclamation du jour J», se lit comme suit: «Au cours des 75 dernières années, nos nations se sont battues pour la paix en Europe et dans le monde, pour la démocratie, la tolérance et l’État de droit.» Par contre, Trump a profité de sa visite au Royaume-Uni pour dénoncer l’Union européenne, sautant sur toutes les occasions pour proclamer son soutien au Brexit dans le cadre des objectifs stratégiques de son administration visant à mettre fin au bloc.

Les ironies historiques étaient présentes en abondance lors des commémorations du 75e anniversaire.

Loin de fuir les horreurs de la guerre, cette fois-ci avec des armes nucléaires, Theresa May – lors d’un discours en juin 2016 devant le Parlement – avait répondu «Oui» à la question d’un député: «La première ministre est-elle personnellement prête à autoriser une frappe nucléaire qui pourrait tuer 100.000 hommes, femmes et enfants innocents?»

Depuis lors, May, en tant que chef d’une puissance de l’OTAN qui a soutenu toutes les guerres menées par l’impérialisme américain, y compris en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, prône une politique militariste dont la ligne directrice a été l’appel à une position plus agressive envers la Russie.

À Portsmouth, le président Emmanuel Macron a eu le culot de lire une lettre envoyée par un jeune combattant de la résistance, Henri Fertet, avant d’être exécuté par des soldats nazis à l’âge de 16 ans. La lettre disait: «Je vais mourir pour mon pays. Je veux que la France soit libre et que les Français soient heureux.»

Pourtant, ce n’est que l’année dernière que Macron, lors d’une tournée des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, a salué le dictateur fasciste français, le maréchal Philippe Pétain. Pétain était le chef du régime collaborateur de Vichy, le plus sanglant et réactionnaire que la France ait connu. Les mêmes nazis qui ont exécuté Fertet ont bénéficié du plein soutien de Pétain. Macron a déclaré qu’il était «légitime» de qualifier Pétain de «grand soldat».

Les tensions entre les rivaux impérialistes se sont manifestées par la décision initiale de Macron de s’absenter de la commémoration jeudi à Courseulles-sur-Mer, située au centre de la plage Juno, l’une des cinq zones de débarquement de l’invasion de Normandie. Un porte-parole de l’Élysée avait déclaré que le premier ministre Édouard Philippe allait le remplacer.

Illustrant les relations tendues entre les puissances impérialistes, François Heisbourg, ancien diplomate français et directeur de l’Institut international d’études stratégiques, a déclaré à l’AFP: «Il existe un risque élevé que Donald Trump instrumentalise les cérémonies pour rappeler la dépendance des Européens vis-à-vis des États-Unis en matière de sécurité et de défense.»

Ce plan n’a été modifié qu’à la dernière minute avec l’annonce que Trump, Macron et May devaient tous assister à la cérémonie à Courseulles-sur-Mer.

La chancelière allemande Angela Merkel a également déclaré à Portsmouth qu’il était «un cadeau de l’histoire» de pouvoir y participer, car «cette opération militaire unique nous a finalement permis de nous libérer des nazis». Cela faisait suite à une déclaration mardi que «Nous pouvons être heureux qu’à la fin de cette terrible Seconde Guerre mondiale déclenchée par l’Allemagne, nous ayons établi un ordre donnant naissance à l’Union européenne, qui assure notre paix, qui assure notre stabilité.»

D’après ces paroles, jamais on ne pourrait deviner que Merkel est à la tête d’un gouvernement qui rebâtit la machine de guerre allemande à une époque de guerre commerciale en pleine expansion que le gouvernement Trump qualifie de «conflit de grande puissance». Rien que le mois dernier, Merkel a, dans une déclaration sans précédent, donné cours à une hostilité envers le gouvernement Trump: «Les anciennes certitudes de l’ordre d’après-guerre ne sont plus valables».

La Chine, la Russie et les États-Unis «nous obligent à trouver des positions communes» [au sein de l’UE], a ajouté Mme Merkel. En ce qui concerne l’objectif déclaré de l’Allemagne et de la France pour la construction d’une armée européenne, elle a déclaré: «En ce qui concerne la coopération en matière de défense, nous progressons de manière satisfaisante.»

Les félicitations de Merkel marquant la «libération» de l’Europe des nazis puaient l’hypocrisie. L’extrême droite, y compris les défenseurs ouverts des crimes hitlériens, s’est vue donner le feu vert par les gouvernements allemands successifs que Merkel a dirigés. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est désormais le plus grand parti de l’opposition au Bundestag contre la Grande Coalition entre l’Union chrétienne-démocrate de Merkel et le Parti social-démocrate.

Citant le texte de la proclamation du jour J, le Guardian a déclaré que la section: «Nous nous engageons à travailler de manière constructive en tant qu’amis et alliés afin de trouver un terrain d’entente où nous avons des divergences d’opinion et de travailler ensemble pour résoudre pacifiquement les tensions internationales» était «une tentative de dissuader le président Trump à poursuivre son isolationnisme et à revenir à la défense de ce que l’on appelle un ordre international fondé sur des règles (RBIO)».

Toutefois, ce n’est qu’un élément de la proclamation – et un élément secondaire. Le Guardian a également noté une autre section qui dit: «Nous agirons résolument, avec courage et ténacité, pour protéger notre peuple contre les menaces à nos valeurs et les défis à la paix et à la stabilité».

Sans qu’elle soit nommée, tous les dirigeants impérialistes savent que la Russie est la principale «menace» à laquelle ils se sont engagés à faire face.

La majeure partie de la couverture médiatique des commémorations du débarquement de Normandie a été axée sur le fait que Trump se mêle de la politique européenne et exige que la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France s’alignent sur les États-Unis. Mais aucun commentaire n’a été fait sur le refus d’inviter la Russie aux commémorations, ni à Portsmouth ni à Courselles-sur-Mer.

Ce fut l’Union soviétique (1917-1991) qui a joué un rôle central dans la défaite des armées fascistes hitlériennes entre 1941 et 1945, face à des pertes dont l’ampleur est encore presque impossible à imaginer. L’Union soviétique a perdu 27 millions de personnes contre le fascisme, soit 14 pour cent de sa population. La porte-parole russe du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a livré une vive critique mercredi, commentant que l’invasion des Alliés du Jour-J ne fut pas déterminante pour le cours de la Seconde Guerre mondiale et que ce fut les actions de l’Union soviétique qui avaient assuré la victoire.

Alors même qu’ils commémoraient les batailles qui ont conduit à la fin de la guerre la plus sanglante de l’histoire du monde, les puissances impérialistes cherchent à partager le monde à nouveau, ce qui prépare la voie à une nouvelle conflagration, encore plus meurtrière.

Robert Stevens

 

Article paru en anglais, WSWS, le 6 juin 2019

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Le storytelling occidental laisse entrevoir la situation au Venezuela comme un conflit interne où s’opposent deux armées, deux légitimités, deux présidents. D’un coté, les «défenseurs de la démocratie» de l’autre, les tenants de la «dictature maduriste», défendue par une armée en lambeaux et une garde prétorienne russo-cubaine (1). Ce récit médiatique permet de passer sous silence la robustesse des forces armées bolivariennes et le soutien non négligeable dont bénéficie le chavisme au sein de la population. Qui plus est, il élude complètement les enjeux géopolitiques et les ingérences prédatrices des Etats-Unis et de leurs complices internationaux.

Déserteurs et civils 

C’est dans cette optique qu’il convient de présenter une armée composée de vénézuéliens. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil caribéen où d’anciens membres des forces de sécurité publique et de défense ont déjà pris les armes contre leur Patrie. Depuis l’accession au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999, l’histoire de la Révolution Bolivarienne a toujours été ponctuée de défections et de complots militaires. Du coup d’Etat d’avril 2002 à celui du 30 avril 2019, en passant par celui de l’ex colonel Palomo (2019), ou encore par les conspirations des généraux Baduel (2007) ou Rodrigues Torres (2018), par l’Opération Jericho (2015) ou par les actes terroristes perpétrés par d’ex militaires (2003), et par le commando de l’ancien policier Oscar Perez (2017), il a toujours existé – et existe encore certainement- des militaires et des policiers prêts à en découdre avec le pouvoir légitime du Venezuela (2).

S’il est évident que les déserteurs, même peu nombreux, constitueront le cœur visible de cette force militaire, ils auront certainement, de par leur expérience de combat, la tâche d’encadrer et de former des civils qui les rejoindront une fois démarré le tragique engrenage de la guerre.

A la différence de la guerre en Syrie et de son Armée Syrienne Libre, il n’existe pas au Venezuela de conflits interethniques, interreligieux ou régionaux significatifs qui puissent servir de catalyseur dans la création d’une armée « rebelle ». En revanche, d’autres dimensions -politiques, identitaires, émotionnelles- ne manqueront pas d’être mises à profit pour grossir les troupes de cette armée de l’ombre. La polarisation politique, la construction dans le temps d’une véritable identité chaviste et de son corollaire contrerévolutionnaire, les visions du monde qui en découlent, les sentiments de haine savamment entretenus par un appareil médiatique aux mains des groupes privés, la perte certaine d’une qualité de vie -acquise durant les premières années de la Révolution bolivarienne- due au blocus économique et aux multiples sabotages des services publics, devraient certainement avoir pour conséquence d’attirer de nombreux civils vénézuéliens dans une aventure guerrière. Sans compter sur ceux à qui on ne laissera pas le choix, et où le refus de combattre dans une zone contrôlée par l’opposition pourrait s’apparenter à une complicité avec le pouvoir légitime chaviste.

Nous avons pu avoir un rapide aperçu de ce type de mobilisations durant les guarimbas, ces épisodes insurrectionnels qu’a connus le Venezuela au cours des années 2014 et 2017. Nous reviendrons plus loin sur ces évènements, car à la lumière des faits récents, l’analyse des guarimbasacquiert une nouvelle dimension.

Ces combattants vénézuéliens recevront sans aucun doute l’appui de certains de leurs compatriotes : les bandes criminelles qui luttent déjà contre l’Etat pour le contrôle de couloirs stratégiques.

Implication des bandes criminelles vénézuéliennes

Si le noms d’El Picure, du Tren de Aragua, d’El Coporo, El Topo ou encore de la Guardia Territorial Pemon ne doivent pas dire grand’chose à nos lecteurs, ils s’agit pourtant de quelques unes des bandes criminelles qui opèrent –ou ont opéré- sur le territoire vénézuélien. Ces bandes armées se livrent à la vente de stupéfiants, au racket, aux kidnappings, ainsi qu’aux meurtres à gages. Mais surtout, elles effectuent un strict contrôle territorial et font régner la terreur dans les zones qu’elles contrôlent.

Ces organisations criminelles sont principalement installées dans les régions centrales du Venezuela (Aragua, Carabobo, Guárico), dans certains quartiers populaires des grandes villes, et dans le riche Etat du Bolivar, situé à la frontière brésilienne.

Les Etats de Guárico, Aragua et Carabobo sont les zones territoriales où transitent la plupart des marchandises produites au Venezuela et de nombreux biens importés soit depuis la Colombie, soit par voie maritime via le port de Puerto Cabello, situé dans l’Etat de Carabobo.

Par ailleurs, la présence de ces bandes criminelles dans ces Etats centraux leur confère une position stratégique sur les couloirs par lesquels s’achemine la drogue provenant de Colombie et destinés à sa revente au Venezuela. Par ce commerce illégal, les bandes criminelles vénézuéliennes entrent d’ailleurs en relation avec les narco-paramilitaires colombiens, un autre acteur de cette armée de l’ombre.

Il en est de même dans l’Etat du Bolivar, frontalier avec le Brésil. Le contrôle de ce territoire est stratégique en raison de sa richesse exceptionnelle en minerais mais aussi en production d’énergie. On y trouve les deuxièmes réserves d’or au monde, ainsi que la ceinture pétrolifère riche en hydrocarbure. Ajoutons à cela que les sous-sols regorgent de bauxite, de coltan, de thorium, de fer et d’autres minerais essentiels. L’Etat du Bolivar détient aussi 82% des réserves d’eau douce superficielles du pays (3), grâce notamment au fleuve de l’Orénoque (le deuxième plus important d’Amérique Latine après l’Amazone) et de son affluent principal la rivière Caroni. C’est sur cette dernière que sont construits les trois barrages qui alimentent à 70% le Venezuela en électricité (4). L’Etat du Bolivar a de quoi attiser les appétits prédateurs, tant de la puissance impériale que de la pègre locale.

Plusieurs groupes armés prétendent d’ailleurs s’arroger le contrôle de ce territoire, et se battent déjà contre l’Etat vénézuélien, pas disposé à laisser ces bandes criminelles se livrer au trafic d’or et d’autres minerais, au racket ou aux enlèvements.

Enfin, les organisations mafieuses des grandes villes, qui s’adonnent principalement à la distribution de la drogue, à la prostitution, au trafic d’armes, au vol de voitures et autres délits. Comme leurs « collègues » des champs, les malfrats des villes sont fortement installés dans certains quartiers populaires, les transformant en zone de « leur droit ». Lorsque la structure pyramidale d’une bande criminelle est déployée dans un barrio, le contrôle territorial est total, et la police locale repoussée hors du territoire. A Caracas, des bandes criminelles ont ainsi gagné le contrôle de certaines zones dans les barrios de Jose Felix Ribas, de la Cota 905, de Boquerón, del Valle et del Cementerio. De par leurs implantations dans les quartiers périphériques populaires, les bandes criminelles exercent ainsi un contrôle sur les voies d’entrée et de sortie des grandes villes, ainsi que sur certaines zones stratégiques à l’intérieur de métropoles.

Ces groupes criminels constituent un bataillon de réserve de poids, qui ne manquera pas de venir grossir les rangs de cette armée de l’ombre qui s’apprête à déferler sur le Venezuela. D’une part, elle est déjà en guerre avec l’Etat vénézuélien. Ce dernier ne se résout pas, à l’inverse de son voisin colombien, à céder des portions de son territoire. D’autre part, les autorités vénézuéliennes ont maintes fois dénoncé les liens qui unissent l’opposition politique à certaines bandes criminelles.

Lors des épisodes insurrectionnels des guarimbas, en 2014 et 2017, les barricades les plus exposées sont constituées par ces délinquants, qui n’hésitent pas à racketter tous ceux qui veulent franchir leurs barricades pour aller travailler ou rentrer chez eux (5).

Les bandes criminelles sont un des acteurs de la guerre qui vient. Leur présence dans les régions centrales et dans le bassin minier en font des alliés militaires de poids pour couper l’Etat vénézuélien de la gestion de ses richesses, et empêcher l’approvisionnement des grandes villes. La présence de membres de ces organisations dans les coups d’éclats les plus violents de l’opposition montre que certains comptent déjà sur leur collaboration, leurs troupes et leur arsenal pour renforcer la lutte militaire contre le gouvernement bolivarien.

Militaires déserteurs, militants de l’opposition, citoyen lambda pris entre deux feux, membres de la pègre… Il existe un vivier important de vénézuéliens prêts à en découdre militairement avec le pouvoir légitime de Nicolas Maduro. Ils constituent la force de frappe vénézuélienne des troupes de l’opposition, celle qui permettra de construire l’image d’un conflit interne que seule une ingérence étrangère pourrait arrêter. A cette façade vénézuélienne ne manqueront pas de s’ajouter de nombreux éléments étrangers, disposés à semer le chaos dans le pays bolivarien.

Romain Migus

Partie 1 : 

Venezuela. Comprendre la guerre qui vient: Le rôle des USA et de leurs alliés, 21 mai 2019

 

Partie 2 :

Venezuela – Comprendre la guerre qui vient: Constitution d’une armée parallèle, le 3 juin 2019

 

Partie 4:

Venezuela – Comprendre la guerre qui vient. Éléments étrangers de l’armée des ombres (paramilitaires, mercenaires et forces spéciales)

 

Notes:

(1) Exactement de la même manière, au début de la guerre en Syrie en 2011, les médias internationaux nous expliquaient que le président Assad ne restait au pouvoir uniquement grâce à sa garde prétorienne alaouite. 8 ans plus tard, on mesure le ridicule du mensonge. Mais celui-ci revient intact au Venezuela. Voir George Malbrunot, “60.000 centurions alaouites protègent le camp Assad”, Le Figaro, 01/08/2011. http://www.lefigaro.fr/international/2011/07/31/01003-20110731ARTFIG00201-60000-centurions-alaouites-protegent-le-clan-assad.php?redirect_premium

(2) En 2015, un projet de coup d’Etat est contré par les services de renseignement. Un groupe de militaires s’apprêtait à bombarder plusieurs endroits stratégiques dont le Palais Présidentiel et la chaine de télévision Telesur, c’est l’opération Jéricho. En janvier 2018, l’ancien policier Oscar Perez et son commando furent abattus lors d’un affrontement avec des militaires et policiers vénézuéliens dans les environs de Caracas. Au cours de l’année 2017, ces hommes avaient bombardé le Tribunal Suprême de Justice et attaqué un poste militaire à San Pedro de Los Altos pour y voler des armes. Plus récemment, en janvier 2019, l’ex colonel Oswaldo Palomo fut capturé par les services de renseignement de Caracas. Cet ancien militaire avait participé à la tentative d’attentat contre le président Maduro et les responsables des pouvoirs publics en août 2018, et préparait une tentative de coup d’Etat, prévue pour coïncider avec l’autoproclamation de Juan Guaido comme président.

(3) Ernesto José González, María Leny Matos, Eduardo Buroz, José Ochoa-Iturbe, Antonio Machado-Allison, Róger Martínez y Ramón Montero, “Agua urbana en Venezuela”, in  Desafíos del agua urbana en las Américas, Paris: ed. Unesco, page 578. Disponible sur https://ianas.org/docs/books/Desafios_Agua.html.

(4) Il s’agit des barrages du Guri, de Caruachi, et de Macagua, où opèrent les trois principales centrales hydroélectriques du pays. Ce sont ces centrales qui ont été hackées lors du sabotage du 7 mars 2019.

  (5)Voir Romain Migus, “2016 et 2017, le calme après la tempête (chronique d’en bas nº2), Venezuela en Vivo, 21/07/2018, https://www.romainmigus.info/2018/07/2016-et-2017-le-calme-apres-la-tempete.html

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Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer, a averti que Julian Assange pourrait mourir en prison si sa persécution ne cessait pas immédiatement lors d’une interview accordée le 1er juin à ABC Radio Adélaïde.

La semaine dernière, Melzer a dénoncé la persécution d’Assange, la qualifiant de «torture psychologique».

Le journaliste Philip Williams a demandé à Melzer: «Si vos appels sont ignorés, avez-vous peur qu’il meure en prison?» Melzer répondit: «Absolument, oui. C’est une crainte qui, à mon avis, est très réelle… les effets cumulatifs de cette pression constante font que son sort devient imprévisible. Ce que nous constatons, c’est que son état de santé se détériore au point où il ne peut même pas comparaître à une audience. Il ne s’agit pas de poursuites, il s’agit de persécution. Il faut que cela cesse immédiatement.»

L’interview radio complète de Melzer peut être entendue ici. Un tribunal britannique a condamné l’éditeur et journaliste de WikiLeaks, Julian Assange, à 50 semaines de prison le 1er mai lors d’un procès-spectacle vindicatif, sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces selon lesquelles il aurait «enfreint sa liberté sous caution». Après qu’on l’eut expulsé de l’ambassade de l’Équateur le 11 avril, où Assange avait demandé l’asile et où il s’est trouvé effectivement détenu pendant sept ans, les autorités britanniques l’ont sorti de force de l’ambassade et l’ont arrêté. Il est actuellement détenu à la prison de Belmarsh, au sud-est de Londres.

Le commentaire de Melzer au sujet de la situation désespérée d’Assange fait suite à une déclaration qu’il a publiée le 31 mai. Dans cette déclaration il demandait la fin immédiate de la «persécution collective» venant des États-Unis et de leurs alliés.

L’expert de l’ONU sur la torture a visité Assange dans la prison de Belmarsh le 9 mai en compagnie d’un médecin et d’un psychologue afin d’évaluer l’état du journaliste héroïque. Melzer a publié sa déclaration une semaine seulement après que le ministère américain de la Justice eut annoncé 17 chefs d’accusation pour violation de la loi sur l’espionnage. Ces nouveaux chefs prévoient jusqu’à 170 ans de prison en cas de condamnation. De surcroit, les États-Unis ont renouvelé la demande d’extradition d’Assange afin qu’il comparaisse à son procès.

Melzer a mis en garde que les neuf années d’«abus persistants et de plus en plus graves» commis envers Assange par les autorités américaines, britanniques et équatoriennes, combinés à la menace de son extradition vers les États-Unis, poseraient «un risque réel de violations graves de ses droits de l’homme, dont sa liberté d’expression et son droit à un procès équitable, et transgresseraient l’interdiction de torture ou autres traitements et peines cruels, inhumains ou dégradants».

S’exprimant depuis Genève lors de son entretien avec ABC Radio Adélaïde, Melzer a réitéré sa mise en garde selon laquelle Assange ne peut obtenir un procès équitable aux États-Unis «à la lumière des préjugés qui prévalent contre lui et de l’image de l’ennemi public qui est véhiculée».

En réponse à une question de Williams sur le rôle du gouvernement australien dans les attaques en cours contre Assange, Melzer a dit: «Le gouvernement australien a été l’absent flagrant dans cette affaire, de mon point de vue. Je me serais attendu à ce que l’Australie prenne des mesures pour protéger son ressortissant… pour le protéger de cette persécution excessive qu’il subit actuellement».

Assange est la cible d’une campagne internationale de diffamation, de persécution et de réduction au silence en raison des crimes de guerre de l’impérialisme américain et ses alliés que WikiLeaks a exposés aux peuples du monde.

L’avertissement de Melzer souligne le besoin urgent d’organiser une lutte pour défendre Assange. Nous exhortons tous nos lecteurs à mener ce combat.

Kevin Reed

 

Article paru en anglais, WSWS, le 6 juin 2019

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Israël prévoit de construire le plus long gazoduc sous-marin du monde avec Chypre et la Grèce pour acheminer le gaz de la Méditerranée orientale vers l’Italie et les États du Sud de l’Union européenne. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo vient de donner son soutien au projet. Il se heurtera à un gazoduc turco-russe concurrent, TurkStream, à un éventuel gazoduc Qatari-Iran-Syrie, ainsi qu’à une tentative de Washington d’acheminer davantage de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’UE pour réduire sa dépendance envers la Russie.

Le projet, en discussion depuis plusieurs années depuis qu’Israël a découvert les importantes réserves de gaz maritimes du gisement Leviathan, est connu sous le nom de projet de gazoduc EastMed. Le gaz naturel s’écoulera du Leviathan via Chypre, la Crète et la Grèce pour atteindre son terminal à Otrante dans le talon sud-est de l’Italie. Les plans prévoient un gazoduc de 2 100 kilomètres de long et de trois kilomètres de profondeur. Le coût est estimé à 7 milliards de dollars pour une période de construction de cinq ans.

Nouvelles lignes de faille

L’EastMed fait partie d’un complexe de nouvelles lignes de faille géopolitiques à travers tout le Moyen-Orient. Il convient de souligner que les Émirats arabes unis ont déjà investi 100 millions de dollars dans un projet que le Jerusalem Post qualifie de « pierre d’angle cachée qui sous-tend un changement des relations entre certaines parties du monde arabe et l’État juif ». Cette phrase semble faire référence à la proposition faite en 2017 par les États-Unis de créer un « OTAN arabe » avec l’Arabie saoudite et d’autres États arabes du Golfe, appuyés par les services de renseignement israéliens, pour contrecarrer l’influence de l’Iran dans la région. Aujourd’hui on parle peu de cet OTAN arabe, mais les liens entre l’Israël de Netanyahou et les principaux pays musulmans sunnites arabes demeurent solides.

Un acteur régional n’apprécie certainement pas l’idée d’East Med : c’est la Turquie d’Erdogan. Quand Israël a proposé pour la première fois EastMed il y a deux ans, Erdogan s’est rapidement tourné vers la Russie dans le but de signer un accord permettant de construire le TurkStream de Gazprom et de concurrencer Israël. EastMed serait connecté aux gisements de gaz de la partie grecque de Chypre – et donc de l’Union européenne. Au cours des derniers mois, Erdogan a rapproché la Turquie de l’Iran et surtout du Qatar, pays où se trouvent des personnalités importantes des Frères musulmans, alors que les tensions avec l’Arabie saoudite et Israël s’aggravent. Le conflit entre sunnites et chiites semble donc s’effacer devant les questions géopolitiques et le contrôle des gazoducs.

À l’été 2017, on a pu assister à une fracture spectaculaire entre les pays arabes du Golfe, l’Arabie saoudite ayant déclaré un embargo contre le Qatar pour son « soutien au terrorisme ». Mais en réalité, cette initiative visait à entraver les pourparlers en cours entre le Qatar et l’Iran, qui partagent tous deux le plus grand champ de gaz naturel du monde dans le golfe Persique. La partie qatarie s’appelle North Field et son GNL est considéré comme le plus économique au monde à extraire, ce qui a fait du Qatar, ces dernières années, le plus grand exportateur mondial de GNL. La partie voisine qui appartient à l’Iran a pour nom South Pars.

Après avoir dépensé la somme estimée de 3 milliards de dollars pour financer des groupes terroristes anti-Assad et anti-Iran en Syrie dans l’espoir futile d’y faire passer un gazoduc pour le faire déboucher en Turquie et accéder ainsi au gigantesque marché gazier de l’Union européenne, on dirait que les versatiles Qataris, au moment de l’intervention décisive des Russes en Syrie fin 2015, ont réalisé qu’ils auraient beaucoup à gagner à changer de camp et à travailler ouvertement avec l’Iran, Assad et Erdogan de manière à colporter conjointement leur gaz et le gaz iranien vers les marchés. Ce fut le motif de la cassure nette entre le Qatar et les Saoudiens. Il convient d’ailleurs de noter que l’Iran et la Turquie sont venus en aide aux Qataris lorsque les Saoudiens ont tenté de leur imposer un embargo.

Le Turk Stream russe

En supplément au cocktail géopolitique d’intérêts concurrents, les tronçons du gazoduc de la mer Noire entre Russie et Turquie ont été achevés à la fin de 2018 avec une pleine exploitation qui débutera en 2019, offrant ainsi 31,5 milliards de mètres cubes de gaz annuels dont la moitié, soit environ 16 milliards de mètres cubes, seront disponibles pour les marchés de l’UE. Le TurkStream, tout comme le NorthStream, convoient tous deux le gaz russe vers l’UE en évitant les trajets habituels qui passent par une Ukraine politiquement hostile. Depuis le terminal de Kiyikoy en Turquie, le gaz russe peut donc être acheminé soit vers la Bulgarie, soit vers la Grèce, soit vers les deux.

La Serbie, qui n’appartient pas à l’UE, vient juste de commencer à construire sa section du Turk Stream pour acheminer le gaz naturel russe vers l’Europe. Le ministre serbe des Affaires étrangères Ivica Dacic a souligné récemment à Moscou que les projets de la Serbie pour la construction du gazoduc ne dépendaient pas des travaux de la Bulgarie. Le TurkStream transportera le gaz russe à travers la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie. Bruxelles n’en est pas enchanté.

Maintenant, c’est Israël qui entre en jeu, plus étroitement lié à l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, soutenu par Washington, financé par une société française, IGI Poseidon, une filiale d’Edison, et offrant ainsi une option rivale à celle du Qatar, de l’Iran, de la Turquie et de la Russie. La Turquie menace de faire des forages de pétrole et de gaz dans la partie turque de Chypre tandis que le Liban conteste le trajet du gazoduc d’Israël à Chypre. Enfin, ExxonMobil vient d’annoncer une découverte majeure de gaz dans les eaux territoriales de Chypre disputées par la Turquie et la Grèce qui appartient à l’Union européenne.
On n’a pas vraiment besoin d’une boule de cristal pour voir que les futurs conflits géopolitiques et énergétiques en Méditerranée orientale sont déjà programmés. Surveillez cette zone…

F. William Engdahl

 

Article original en anglais :

Ever More Complex EU Gas Pipeline Geopolitics, publié le 6 mai 2019

Traduit par Stünzi, relu par San pour le Saker francophone

 


F. William Engdahl
 est consultant et conférencier en risques stratégiques, diplômé en politique de l’Université de Princeton et auteur de best-sellers sur le pétrole et la géopolitique, exclusivement pour le magazine en ligne New Eastern Outlook et collaborateur pour le CRM.

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Huit ans après la guerre de l’OTAN en Libye de 2011, alors que le pays entre dans une nouvelle phase de son conflit, j’ai fait le point sur le nombre de pays dans lesquels le terrorisme s’est propagé comme un produit direct de cette guerre. Le nombre est d’au moins 14. L’héritage de l’élimination du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi – par le Premier ministre britannique David Cameron, le Président français Nicolas Sarkozy et le Président américain Barack Obama – a été durement ressenti par les Européens et les Africains. Pourtant, la perspective de tenir ces dirigeants pour responsables de leur décision de partir en guerre est plus éloignée que jamais.

Portrait de Kadhafi, Ghadames, Libye, 2009. (Wikimedia Commons)

Le conflit de 2011, pendant lequel l’OTAN a collaboré avec des forces islamistes sur le terrain pour chasser Kadhafi, a fait une zone de non-droit de la Libye et un pays inondé d’armes, idéal pour que les groupes terroristes y prospèrent. Mais c’est la Syrie qui en a souffert en premier.

Après le début de la guerre civile au début de 2011, au même moment qu’en Libye, cette dernière était devenue un centre de facilitation et d’entraînement pour quelques 3 000 combattants en route vers la Syrie, dont bon nombre avaient rejoint Jabhat al-Nusra, affilié à Al-Qaida, et le Katibat al-Battar al-Libi (KBL), une entité affiliée à l’État islamique fondée par des militants de Libye.

En Libye même, le changement de nom des groupes liés à Al-Qaida dans le nord-est de Derna a donné naissance à la première branche officielle de l’État islamique dans le pays à la mi-2014, avec l’incorporation de membres de la KBL. En 2015, l’EI Libye a procédé à des attentats à la voiture piégée et à des décapitations et a établi un contrôle et une gouvernance territoriale sur certaines parties de Derna et Benghazi à l’est, et de Sabratha à l’ouest. C’est également devenu le seul organisme gouvernant la ville de Syrte, au centre-nord de la Libye, à travers une occupation comprenant jusqu’à 5 000 combattants sur le terrain.

Fin 2016, l’EI en Libye a été expulsée de ces zones, en grande partie à cause des frappes aériennes américaines, mais s’est retirée dans les zones désertiques au sud de Syrte, poursuivant des attaques de basse intensité. Au cours des deux dernières années, le groupe est réapparu comme une force insurrectionnelle redoutable et mène à nouveau des attaques très médiatisées contre des institutions d’État et des opérations régulières d’embuscades dans le sud-ouest du désert. En septembre dernier, le représentant spécial de l’ONU en Libye, Ghassan Salame, a déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU que la présence et les opérations de l’EI « ne font que s’étendre en Libye ».

Terreur en Europe

Après la chute de Kadhafi, l’EI Libye a établi des camps d’entraînement près de Sabratha, qui sont liés à une série d’attaques et de complots terroristes. « La plupart du sang versé en Europe lors des attaques les plus spectaculaires, à l’aide d’armes à feu et de bombes, tout a commencé au moment où Katibat al-Battar est retourné en Libye », a déclaré Cameron Colquhoun, un ex-analyste antiterroriste au Centre britannique d’interception des télécommunications étrangères (GCHQ) au New York Times. « C’est là que la trajectoire de la menace pour l’Europe a commencé, quand ces hommes sont rentrés en Libye et ont pu prendre leurs aises. »

Hommages floraux aux victimes de l’attaque sur St Ann’s Square au centre de Manchester. (Tomasz “odder” Kozlowski via Wikimedia Commons)

Salman Abedi, qui a fait exploser 22 personnes lors d’un concert pop à Manchester en 2017, avait rencontré plusieurs fois des membres du Katibat al-Battar al-Libi, une faction de l’EI à Sabratha, où il avait probablement été formé. Parmi les autres membres du KBL figuraient Abdelhamid Abaaoud, le meneur des attentats de Paris de 2015 contre le Bataclan et le stade de France, qui ont fait 130 morts, et les militants impliqués dans le complot de Verviers contre la Belgique en 2015. L’auteur de l’attentat de Berlin de 2016, qui a fait 12 morts, a également eu des contacts avec des Libyens liés à l’EI. Il en va de même en Italie, où l’activité terroriste a été liée à l’EI Libye, avec plusieurs individus basés en Italie impliqués dans l’attaque du musée du Bardo à Tunis en 2015, qui a fait 22 morts.

Mémorial aux victimes de l’attaque du Musée national du Bardo en Tunisie. (Yamen via Wikimedia Commons)

 Les voisins de la Libye

La Tunisie a subi son attaque terroriste la plus meurtrière en 2015, lorsqu’un Tunisien de 23 ans armé d’une mitrailleuse a abattu 38 touristes, principalement des Britanniques, dans un hôtel sur la plage de Port El Kantaoui. L’auteur de l’attentat serait un membre de l’EI et, comme Salman Abedi, il aurait été entraîné dans le complexe du camp de Sabratha, d’où l’attentat avait été organisé.

La voisine orientale de la Libye, l’Égypte, a également été frappée par le terrorisme venu de ce pays. Les responsables de l’EI en Libye ont été reliés à, et peuvent avoir dirigé les activités de Wilayat Sinai, le groupe terroriste anciennement connu sous le nom d’Ansar Bayt al-Maqdis qui a perpétré plusieurs attentats meurtriers en Égypte. Après la chute de Kadhafi, le désert occidental est devenu un corridor de contrebande d’armes et d’agents en route vers le Sinaï. L’Égypte a mené des frappes aériennes contre des camps de militants en Libye en 2015, 2016 et de nouveau en 2017, ces dernières après le massacre de 29 chrétiens coptes près du Caire.

 Au Sahel

Mais la Libye est aussi devenue une plaque tournante pour les réseaux djihadistes qui s’étendent au sud jusqu’au Sahel, la zone de transition géographique, en Afrique, entre le désert du Sahara au nord et la savane soudanaise au sud.

Le soulèvement libyen de 2011 a ouvert un flux d’armes dans le nord du Mali, ce qui a contribué à relancer un conflit ethno-tribal qui couvait depuis les années 60. En 2012, les alliés locaux d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) avaient pris le contrôle de la gouvernance quotidienne dans les villes de Gao, Kidal et Tombouctou, au nord du Mali. Après l’intervention de la France au Mali, le vide persistant de pouvoir en Libye a poussé plusieurs groupes, y compris l’AQMI et sa filiale Al-Mourabitoun, à y transférer leurs centres opérationnels, parce que ces groupes allaient pouvoir y acquérir plus facilement des armes.

Avec la Libye comme base arrière, Al-Mourabitoun, sous la direction de son chef Mokhtar Belmokhtar, a été à l’origine de l’attaque contre le complexe d’hydrocarbures d’Amenas, dans l’est de l’Algérie, en janvier 2013, qui a fait 40 morts parmi les travailleurs étrangers ; de l’attaque armée contre le Radisson Blu à Bamako (Mali) en novembre 2015, qui a tué 22 personnes ; de l’attaque à Ouagadougou, au Burkina Faso, qui a tué 20 personnes en janvier 2016, à l’hôtel Splendid. Al-Mourabitoun a également attaqué une académie militaire et une mine d’uranium appartenant à des Français au Niger.

Une politique étrangère désastreuse

Les retombées de la Libye s’étendent cependant encore plus loin. En 2016, des responsables américains ont relevé des indications selon lesquelles les djihadistes nigérians de Boko Haram, responsables de nombreux attentats et enlèvements, envoyaient des combattants rejoindre l’EI en Libye, et que la coopération entre les deux groupes s’était accrue. L’International Crisis Group note que c’est l’arrivée d’armes et d’expertise de la Libye et du Sahel qui a permis à Boko Haram de conduire l’insurrection qui sévit actuellement dans le nord-ouest du Nigeria. Il y a même eu des allégations selon lesquelles Boko Haram rend des comptes à des commandants de l’EI en Libye.

Après des mois de captivité par des militants présumés de Boko Haram, des ex-otages arrivent à l’aéroport international de Nsimalen, à Yaoundé, au Cameroun. (VOA via Wikimedia Commons)

En plus de ces 14 pays, des combattants de plusieurs autres États ont rejoint les militants de l’EI en Libye ces dernières années. En effet, on estime que près de 80% des membres de l’EI en Libye ne sont pas libyens, et viennent de pays comme le Kenya, le Tchad, le Sénégal et le Soudan. Ces combattants étrangers peuvent retourner dans leur propre pays après avoir reçu une formation.

L’ampleur réelle des retombées de la guerre de Libye est extraordinaire : elle a stimulé le terrorisme en Europe, en Syrie, en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. L’État islamique, bien qu’aujourd’hui presque vaincu en Syrie et en Irak, est loin d’être mort. En effet, alors que les dirigeants occidentaux cherchent à vaincre le terrorisme par la force militaire dans certains endroits, leurs choix désastreux en matière de politique étrangère l’ont stimulé dans d’autres.

Mark Curtis

Article original en anglais :
Middle East Eye le 3 mai 2019

Traduction Entelekheia
Photo en vedette: Djihadistes en Libye

Mark Curtis est britannique, historien et analyste de la politique étrangère du Royaume-Uni et du développement international. Il a publié six livres, dont le dernier est une édition mise à jour de « Secret Affairs : Britain’s Collusion with Radical Islam » (« Affaire secrète : La collusion de la Grande-Bretagne avec l’islam radical. ») Son site, British Foreign Policy Declassified (la politique étrangère britannique, déclassifiée) fourmille d’informations importantes sur les dessous de l’histoire récente du Royaume-Uni. 

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Dans cet article, Tithi Bhattacharya se propose d’historiciser et donner une compréhension d’ensemble à la progression des crimes sexistes dans le monde depuis la crise économique. Mettant à profit les intuitions et les hypothèses du féminisme marxiste, elle expose les liens complexes entre l’idéologie de la tradition, les difficultés d’accès au produit social et les stratégies du capital à l’ère du néolibéralisme.

Commençons par cette scène : un homme blanc nu poursuit, dans les couloirs d’un hôtel hors-de-prix situé à Manhattan, une femme noire sous-payée, demandeuse d’asile, dans le but de la forcer à avoir une relation sexuelle avec lui. L’homme, vous l’aurez compris, est alors le directeur du Fonds Monétaire International (FMI), et l’homme politique français, Dominique Strauss-Kahn. La femme, qui a alors 33 ans, est bien Nafissatou Diallo, femme de chambre de l’hôtel où résidait Strauss-Kahn, et qui cherche alors asile aux États-Unis loin de sa Guinée natale, une ancienne colonie française.

Bien que toutes les accusations de viol et d’agression qui pesaient sur cet ancien chef du FMI aient été abandonnées, il a eu à en payer ce qu’on peut considérer comme un prix fort – ceci incluant, parmi bien d’autres choses, sa démission et un dédommagement financier conséquent versé à Mme Diallo. Justice a-t-elle été alors rendue ? La réponse à cette question devrait préoccuper tout•e révolutionnaire marxiste en cela qu’une véritable cartographie de la dépossession se dessine entre ces deux figures, et c’est bien le but de cet article que de la tracer [1].

Cette scène devrait constituer un symbole de notre temps. Elle est iconique en cela qu’elle fige cet instant où la distinction entre l’individu•e et le soci(ét)al s’évapore, et où les individu•e•s – l’homme blanc nu aisé et la femme noire sous-payée – apparaissent comme les parfaites allégories du soci(ét)al.

Nul besoin de le dire, la puissance représentative de l’image de Strauss-Kahn agressant Diallo sous-tend le pouvoir actuel qu’exercent des institutions financières telles que le FMI sur des pays du Sud tels que la Guinée. Des années 1980 jusqu’à aujourd’hui, la stratégie de relance keynésienne a été démantelée de façon systématique, à la faveur d’un nouveau régime d’accumulation. Cette nouvelle séquence, qu’on a choisi d’appeler a posteriori et à juste titre « néolibéralisme », a destitué, selon les termes de Nancy Fraser, « la vieille formule consistant à “utiliser la politique publique pour dompter les marchés” », et a institué un nouveau processus politique utilisant « les marchés pour dompter les politiques publiques ». Dans des pays comme celui dont Nafissatou Diallo a émigré, la Guinée, ce processus a pris la forme de programmes d’ajustement structurel, imposés par le FMI et la Banque mondiale, où la dette est pour ces pays « comme un fusil posé sur la tempe [2] ».

Quand ils abordent le néolibéralisme, les analystes habituels ont tendance à focaliser leurs discussions sur certains secteurs de l’économie formelle – pour la plupart, des sphères économiques sur lesquelles les gens ordinaires n’ont que peu de prise. Selon ce récit, les changements survenus au sein de l’économie mondiale depuis les années 1980 semblent se réduire au fonctionnement des marchés financiers et aux CDS (Credit Default Swap). En tant que marxistes révolutionnaires, notre conception du capitalisme ne se limite pas à l’analyse d’une série de phénomènes économiques, mais l’envisage comme un système intégré de rapports socio-économiques. Nous interprétons le néolibéralisme comme une stratégie spécifique menée par le capital dans l’après-guerre – une stratégie qui a une histoire plus riche et des conséquences plus vastes que la vente et l’achat de produits dérivés.

Dans un récent texte paru dans International Socialism Journal [3], Neil Davidson aborde l’histoire du néolibéralisme dans toute sa profondeur et sa complexité. Cet article décrit avec précision les processus souvent contradictoires qui ont donné lieu à la constitution du néolibéralisme comme stratégie « politico-économique » menée par les « avant-gardes » de la classe dominante (telle que Margaret Thatcher en Grande-Bretagne) en réponse à la crise de profitabilité du milieu des années 1970. Il montre que le néolibéralisme a été à la fois :

  • une nouvelle stratégie d’accumulation du capital mise en œuvre après la crise de 1973-1974
  • un ensemble de politiques économiques favorisant l’accumulation du capital tout en écrasant la classe ouvrière et ses organisations.

Au cours des quatre décennies couvertes par l’analyse de Davidson, il n’est pas rare de constater que les politiques des gouvernements élus à travers le monde n’ont pas toujours coïncidé avec les nouveaux besoins de la restructuration néolibérale du capitalisme. Du point de vue du système, il était devenu nécessaire qu’émergent des avant-gardes politiques de la classe dominante – ceux que Davidson appelle des « anti-Lénine » – et qu’elles remportent des confrontations de classe au sein de leurs économies nationales. Bien qu’il ait fallu du temps et quelques ajustements à la marge, la politique économique, la stratégie politique, et l’idéologie néolibérales sont devenues hégémoniques entre 1973-1974 et l’effondrement financier de 2008 :

  • Une fois que l’ordre néolibéral a été mis en place aux États-Unis et imposé aux institutions économiques transnationales qu’ils dirigent, son modèle a acquis une force cumulative : dans les pays développés, la nécessité de concurrencer les États-Unis a forcé les autres pays à adopter les formes organisationnelles qui semblaient avoir donné jusque là l’avantage économique aux Nord-Américains, tandis que les pays du Sud ont dû accepter les conditions des institutions créancières – restructurer les économies sous des auspices néolibérales – pour obtenir des aides et des financements [4].

Si le récit de Davidson n’aborde pas directement le caractère genré du néolibéralisme, il n’évoque pas moins, par une série d’observations affûtées, l’individualisation de la vie sociale opérée dans ce nouveau système. En premier lieu, il note que les services publics n’ont pas été abandonnés par l’État mais « reconfigurés » de telle manière que la petite enfance ou le troisième et quatrième âge ont été « progressivement […] transférés de l’État vers la famille – ce qui signifiait généralement vers les femmes –, par le biais d’arrangements “informels” soumis par la suite au contrôle des services sociaux. » Plus spécifiquement, dans l’optique de ce que j’aimerais avancer, Davidson nous rappelle à la suite des sociologues Richard Wilinson et Kate Pickett que le potentiel effondrement des rapports sociaux est l’une des conséquences non désirées du caractère inégalitaire de l’ordre néolibéral.

  • Bien qu’il n’y ait pas de volonté gouvernementale derrière ce phénomène, l’affaiblissement de la cohésion sociale, l’accroissement de la violence, des grossesses juvéniles, de l’obésité, de la toxicomanie […] sont les conséquences inattendues de la nouvelle répartition des revenus [5].

Cet article entend développer cette hypothèse. Comment les politiques néolibérales et l’idéologie qu’elles charrient ont-elles affecté les rapports de genre ? Peut-on considérer la violence sexiste comme un produit – souvent érigé en idéologie et en politique par la classe dominante – de processus socio-économiques ? Dans les pas de Davidson, dès lors que nous envisageons la consolidation de l’ordre néolibéral comme fragmenté et irrégulier dans l’espace (entre les États-Nations) et le temps (des années 1970 à nos jours), il est important de souligner que le sort des rapports de genre suit cette trajectoire combinée mais inégale. Cet article cherche à fournir les grandes lignes d’un cadre de compréhension des relations entre genre et politique économique, et non une prise en compte historique détaillée de pays ou de politiques spécifiques. Les éléments clefs de l’argumentation sont :

Premièrement, ces quatre décennies de néolibéralisme ont engendré une réelle escalade des crimes sexistes dans la plupart des pays. La crise financière de 2008 a exacerbé ce qui constituait déjà un sérieux problème ; nous ne pouvons plus faire comme si de rien n’était et les militant•e•s révolutionnaires doivent entamer une réflexion critique sur ce problème.

Deuxièmement, en tant que marxistes, il n’est pas suffisant pour nous de décrire les effets de l’intensification en cours de ces violences : nous devons en fournir une explication.

Troisièmement, le capitalisme, quand il fait face à une crise, s’efforce de trouver une solution qui passe par deux biais étroitement liés : (a) en essayant de restructurer la production, comme on peut en juger par les mesures d’austérité (b) en tentant de réorganiser la reproduction sociale, comme en témoignent la volonté de renforcer les identités de genre et le recyclage des idéologies sur la famille « ouvrière ». Si l’on veut comprendre cette simultanéité et cette unité dans la restructuration du capitalisme, alors nous devons revisiter l’analyse marxiste de l’oppression des femmes qui se voit abordée de meilleure façon par le cadre analytique proposé par la théorie de la reproduction sociale.


La reproduction sociale comme cadre d’analyse

La reproduction sociale est un concept clef de l’économie politique marxiste en ce qu’il permet de montrer en quoi « la production des conditions matérielles d’existence et la production des êtres humains eux-mêmes s’inscrivent dans un même processus d’ensemble. [6] » Selon Marx, le travail humain est la source de toute valeur (au sens économique). Lise Vogel, une importante théoricienne féministe de la « reproduction sociale », définit la force de travail à la suite de Marx comme « une capacité incorporée à un être humain, qui peut prendre une forme indépendante de l’existence physique et sociale de ce dernier [7]. » Dans les sociétés de classe, les classes dominantes parviennent à exploiter la force de travail – et sa capacité à produire des valeurs d’usage – à leur profit. En même temps, les « supports » de la force de travail sont des êtres humains – ils tombent malade, se blessent, vieillissent, finissent par mourir et doivent donc être remplacés. De ce fait, il est nécessaire qu’existe un processus permettant de reproduire la force de travail, de répondre à ses besoins quotidiens et de la renouveler sur le long terme.

Bien que Marx ait considéré la reproduction de la force de travail comme une dimension centrale de la reproduction de la société, il n’a pas rendu compte de toutes ses implications. Vogel propose d’énumérer les trois types de processus par lesquels s’opère la reproduction de la force de travail dans les sociétés de classe :

  • les diverses activités journalières qui rétablissent la capacité de travail des producteurs directs
  • les diverses activités similaires qui concernent les membres inaptes au travail parmi les classes dominées (les enfants, les plus âgés, les infirmes, ou les personnes qui ne font pas partie de la population active pour diverses raisons)
  • l’activité permettant de remplacer les membres des classes dominées qui ne peuvent plus travailler pour quelque raison que ce soit

La théorie de la reproduction sociale est dès lors essentielle pour comprendre des aspects majeurs au fonctionnement du système :

  1. L’unité de la totalité économique et sociale. Il est généralement vrai d’affirmer qu’au sein d’un régime capitaliste la majorité de la population assure sa subsistance et celle de leurs foyers à travers une combinaison de travail salarié et de travail domestique non rémunéré. Il est central d’envisager ces deux formes de travail comme des éléments d’un même processus.
  2. La contradiction entre l’accumulation du capital et la reproduction sociale. L’emprise du capital sur la reproduction sociale n’est pas sans limites. Effectivement, la reproduction fournit à la production ses matériaux essentiels, c’est-à-dire des êtres humains. Mais le développement des pratiques par lesquelles les êtres humains se reproduisent n’est pas sans entrer en conflit avec les impératifs de la production. Si les capitalistes tentent d’extraire autant de travail que possible des travailleurs, les travailleurs en retour essaient d’obtenir les meilleurs salaires et les meilleurs avantages sociaux pour pouvoir se reproduire, individuellement et de génération en génération, d’un jour sur l’autre.
  3. Les employeurs ont un intérêt dans la reproduction sociale. La reproduction sociale ne doit pas seulement se comprendre comme la tâche de la femme au foyer, seule à faire la cuisine et le ménage, pour que son mari salarié retourne au travail tous les matins « frais et dispos ». L’employeur s’intéresse dans le détail à la manière dont la force de travail est socialement reproduite. En ce sens, ce qui compte, ce n’est pas simplement les aliments cuisinés, les habits propres et le fait d’être prêt tous les matins à passer une nouvelle journée dans le sanctuaire du capital. Il s’agit de déterminer la qualité de la force de travail dans tous ses aspects, comme par exemple l’éducation, « les capacités de maniement de la langue […] la santé publique » et même les « prédispositions vis-à-vis du travail [8] ». Chaque capacité culturelle est déterminée par une situation historique et peut se voir renégociée aussi bien par les exploiteurs que les exploités. Le droit du travail, les politiques de santé publique et d’éducation, les aides de l’État aux chômeurs, tous ces aspects ne sont que quelques exemples des conséquences et des domaines de cette négociation.

C’est la raison pour laquelle nous devons penser la reproduction de la société comme une tâche qui se réalise de trois façons interdépendantes : a) comme travail non rémunéré dans la famille, de plus en plus effectué par les femmes et par les hommes b) comme services fournis par l’État sous la forme d’un « salaire social » pour atténuer dans une certaine mesure le travail non rémunéré dans le foyer c) comme services privés dispensés par des acteurs de marché.

Les politiques néolibérales, sous couvert d’une rhétorique de la responsabilité individuelle, ont entrepris de détruire les services publics et de faire basculer la reproduction sociale entièrement sur les foyers individuels ou sur les prestataires privés. Il est important de souligner que le capitalisme en tant que système bénéficie du travail de reproduction sociale non rémunéré au sein de la famille, et de la dépense (limitée) des gouvernements vers le salaire socialisé. Le système ne peut pas se passer de la reproduction sociale « à moins de mettre en danger le processus d’accumulation », dans la mesure où la reproduction assure l’existence continue d’une marchandise dont le capitalisme a besoin par dessus tout : la force de travail (humaine) [9]. Comprendre cette dépendance contradictoire entre production et reproduction sociale est essentiel pour appréhender l’économie politique des rapports de genre, y compris celle de la violence sexiste.

Mais avant d’examiner comment la théorie de la reproduction sociale permet d’expliquer les rapports de genre, nous devons rendre compte de l’ampleur de la violence sexiste qui s’est déployée ces dernières années, afin de saisir l’urgence qu’il y a à mener une telle recherche théorique. Le premier rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé portant sur les violences faites aux femmes dans leur ensemble, publiée en 2013, fait état que plus d’un tiers des femmes du monde à l’échelle mondiale, 35,6 %, subiront des violences sexuelles ou physiques dans leur vie, le plus souvent de la part de leur compagnon. Le niveau le plus élevé de cette mesure est enregistré en Afrique, ou près de la moitié des femmes (45,6%), subiront des violences physiques ou sexuelles. Dans les pays d’Europe à PIB faible ou moyen, la proportion est de 27,2 % ; dans les pays d’Europe à PIB élevé, le même taux est de 32,7 % [10].

Il y aurait donc une corrélation entre pauvreté et violences sexistes. Mais quels sont les mécanismes expliquant ce lien ?

Nombreuses et nombreux sont ceux et celles qui ont cherché la réponse dans le concept marxien d’aliénation. À propos du viol, une autrice observe par exemple que :

  • Le viol n’est pas le fruit des instincts « naturels » de l’homme. Il est le produit de la distorsion de la sexualité et de l’aliénation provoquées par la société de classe […] Nous sommes aliéné⋅e⋅s les un⋅e⋅s et les autres. Le viol et la violence sexuelle sont les formes les plus extrêmes d’une telle aliénation [11].

Il est incontestable qu’en régime capitaliste, toutes les manifestation du sexe, de la sexualité et du genre sont aliénées. Marx ne conçoit cependant pas l’aliénation comme des frustrations, des déceptions individuelles ou contingentes – qui pourraient se renforcer ou diminuer dans une période ou une autre – mais comme une condition qui affecte tout le monde au sein de la société de classe, y compris les classes dominantes. L’aliénation, comme mécanisme explicatif en lui-même, ne saurait rendre pleinement compte du fait que la majorité des viols ou des actes de violences sexuelles sont commis par des hommes et non par des femmes. Pour le dire différemment, l’aliénation, telle qu’elle est comprise par les marxistes, est une condition totalement diffuse au sein de la société capitaliste, alors que la violence sexuelle est un phénomène bien plus spécifique – dans la mesure où chacun et chacune est aliéné⋅e par le capitalisme et à chaque instant, tandis que tout le monde ne souffre pas de la violence sexuelle au quotidien [12].

Plutôt que de partir du concept d’aliénation, je voudrais commencer par mettre en évidence les facteurs interdépendants qui permettent de penser les conditions de possibilité de la violence sexiste. Si ces facteurs ont un impact sur les relations genrées au sein de la famille, ils ne se limitent pourtant pas à la « sphère privée » de la vie sociale, hors de l’orbite de l’économie formelle. En effet, les trajectoires de la reproduction sociale sous le néolibéralisme montrent combien les dynamiques au sein de la production (économie formelle) déstabilisent les processus de reproduction sociale (« sphère privée »), et inversement.

La théorie de la reproduction sociale est notamment une théorie de la répartition du produit social (social provisioning), c’est-à-dire une analyse de la façon dont les hommes et les femmes accèdent aux moyens de subsistance, matériels et intellectuels, pour être à mêmes d’endurer une nouvelle journée de travail. Ces moyens sont déterminés historiquement et dépendent de circonstances sociales spécifiques, telles que le niveau général de développement (l’infrastructure) des sociétés et le niveau de vie que la classe ouvrière est parvenue à arracher au capital. Dans certaines sociétés, la montée des prix du pain ou du riz peuvent occasionner la crise de certaines familles ouvrières, tandis que dans d’autres circonstances, cette crise peut se produire en raison de la privatisation des services publics. Dans la mesure où les femmes ont toujours sur leurs épaules, au sein du foyer, le plus gros de l’activité permettant d’accéder au produit social, les rapports de genre sont nécessairement façonnés par les changements qui ont lieu dans le domaine de la répartition du produit social et le fait que celle-ci puisse ou ne puisse pas se dérouler dans un environnement protecteur et sécurisant.

Qu’est-ce que la répartition du produit social (social provisioning) ?

Quelles sont les composantes fondamentales du produit social pour la majorité des populations ? L’alimentation et le logement sont les deux nécessités élémentaires de la reproduction – et, pour continuer sur le même fil, tous les services socialisés nécessaire au maintien d’une vie humaine et digne tels que la santé, l’éducation, les crèches, les retraites, les transports publics.

Le foyer, ou littéralement la « résidence principale » – tout comme la famille – possèdent deux registres opposés en régime capitaliste. D’un côté, le foyer est apparemment l’endroit le plus sûr pour la plupart d’entre nous, par contraste avec la violence et l’incertitude que dégage l’espace public. D’authentiques relations humaines, faites d’amour et de coopération, peuvent s’épanouir entre les quatre murs d’un foyer – des relations que l’on peut discerner furtivement dans l’éclat de rire d’un enfant ou les baisers échangés par un couple. Mais le foyer, bien isolé du regard social, peut aussi être le théâtre de violences inter-personnelles et de secrets honteux. Quiconque a assisté au spectacle d’une femme essayant de cacher de ternes marques de coups avec une écharpe, ou d’un enfant devenant muet lorsqu’un oncle « aimant » est évoqué dans une conversation, quiconque a assisté à ces spectacles connaît l’ampleur de ces actes abjectes. Mais quelles que soient les manifestations psychologiques de la dynamique des institutions de la famille, il n’en reste pas moins que le foyer est un refuge en un sens beaucoup plus grossier et matérialiste. C’est littéralement le refuge physique permettant aux travailleurs et aux travailleuses de récupérer avant la prochaine journée de travail.

Il n’est pas surprenant que dans les pays du Nord, la pression financière liée aux hypothèques et aux saisies immobilières – c’est-à-dire dans les termes de la théorie de la reproduction, liée à la destruction d’un logement sécurisant comme dimension intrinsèque de la reproduction du corps des travailleurs et travailleuses – ait contribué significativement à l’accroissement des violences conjugales après 2008. Aux États-Unis, les données du recensement national des familles et des foyers ont définitivement prouvé que les femmes en général, les femmes africaines-américaines en particulier, sont les plus susceptibles d’être victimes à la fois d’emprunts toxiques et de violences conjugales à la suite d’expulsions et de saisies immobilières. Un rapport sur la récession paru dans le Centre de ressource national sur la violence conjugale décrit ces liens de façon très explicite :

  • Les femmes qui se séparent de leurs compagnons violents sont souvent hébergées par leurs familles et leurs ami⋅e⋅s. […] Si les membres de leurs familles ou leurs ami⋅e⋅s ne peuvent pas les accueillir, elles devront passer par des centres d’hébergement pour les personnes sans-abri ou victimes de violences. Les études indiquent que près d’un cinquième des survivantes de violences conjugales combinent les soutiens informels (famille, sociabilité) et formels (centres d’hébergement) quand elles se séparent de leur partenaire. […] Mais les mêmes études montrent que plus d’un tiers des survivantes de violences conjugales sont devenues SDF quand elles ont mis fin à leur relation. […] Ce pourcentage pourrait grimper dans le contexte actuel de récession économique […] Malheureusement […] les budgets (déjà serrés) des prestataires de service d’hébergement pour les victimes de violences ou pour les sans-abri sont réduits à l’heure où ils sont plus que jamais nécessaires [13].

Nombre d’événements témoignent de cette imbrication entre l’effondrement immobilier de 2008 et les violences conjugales. On peut par exemple citer le suicide en 2008 d’une femme et de son mari plus âgé en Oregon à la suite de la saisie de leur maison [14]. À Los Angeles, en Californie, un homme au chômage qui avait travaillé pour PricewaterhouseCoopers et Sony Pictures a assassiné sa femme, ses trois enfants, et sa belle mère avant de se suicider. Il a laissé une lettre de suicide disant qu’il était ruiné financièrement, qu’il avait envisagé le suicide mais trouvait plus « honorable » au bout du compte d’assassiner toute sa famille [15]. Gardons en tête ce terme « honorable ». Nous aurons des raisons d’y revenir par la suite.

Penchons-nous maintenant sur l’alimentation, l’eau, et les autres produits constitutifs des économies domestiques incarnées par le travail et la responsabilité des femmes. À ce stade, il est important de rappeler que les femmes ont longtemps produit des biens et des valeurs d’usage au sein du foyer. Avant les années 1920 dans les pays du Nord, on pouvait compter parmi ces biens les vêtements cousus à la main, la dentelle, les aliments panifiés, tandis que dans les pays du Sud, avant les plans d’ajustement structurels, les femmes fournissaient le carburant et procuraient les céréales alimentaires à leurs familles. Dans la mesure où ils étaient en dehors du circuit de l’économie marchande, les producteurs comme les produits de ces formes de travail étaient invisibles du point de vue de l’économie formelle. Dans les pays du Nord, à partir des années 1920 et 1930, l’expansion rapide de l’équipement des foyers en électricité et des aliments cuisinés ont radicalement changé cet état de fait. D’abord les femmes blanches de classe moyenne, puis toutes les femmes, ont accru leur participation à l’économie marchande.

Dans les pays du Sud, la destruction de l’économie de subsistance et l’intégration totale des femmes à l’économie marchande a abouti bien plus tard, sur ordre des politiques néolibérales. Dans de larges parties de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, les accords SAP ont contraint les gouvernements à couper les financements pour les compagnies publiques d’acheminement de l’eau. Et l’eau, en tant qu’ingrédient essentiel de la cuisine, du ménage et du care, est la responsabilité des femmes. Dès lors, quand les gouvernements ne fournissent pas l’eau à cause des coupes budgétaires, les femmes remplissent cette tâche. Dans la campagne sénégalaise, les femmes marchent près de dix kilomètres pour ramener de l’eau à leurs familles.

Ce tableau est plus implacable encore du point de vue des questions alimentaires. La dévaluation de la monnaie a été l’une des réquisitions majeures du FMI auprès des économies du Sud. L’objectif d’une telle mesure était d’augmenter le prix des produits importés et ainsi de réduire la consommation de ces derniers. Évidemment, la nourriture, le carburant et les médicaments constituent la grande majorité des produits importés par les pays du Sud.

En régime capitaliste, les foyers sont embarqués dans deux types de processus. D’une part, le foyer demeure l’espace de « soin » (caring), de relations non instrumentales, dans un monde de plus en plus marchandisé et hostile. D’autre part, c’est aussi le lieu d’attentes et de rôles sociaux profondément genrés – où à la fin de la tyrannie de la journée de travail, on attend un plat chaud et un lit accueillant, les deux étant « exécutés » par les femmes. Cette contradiction est valable pour presque toutes les périodes de l’histoire du capitalisme. Mais dans les quatre décennies du néolibéralisme, le foyer a été vidé de toutes les ressources d’auto-subsistance – il n’existe plus de petit jardin de légumes derrière la maison, plus de terres communes pour stocker du bois pour se chauffer, et le seul moulin à riz a dû être vendu pour s’offrir du riz texan conditionné. Et pourtant, les besoins matériels du corps humain au travail, tels qu’ils peuvent être assouvis au sein du foyer, sont toujours là, associés aux attentes idéologiques que les femmes fournissent ce service sous la forme de nourriture, d’eau et de soins. Le réel besoin matériel en nourriture et en lieux de refuge et d’intimité, combiné aux rôles idéologiques dévolus aux femmes, selon lesquels ces dernières ont la responsabilité de répondre à ces besoins au sein du foyer, conditionnent et rendent possibles les violences sexistes.

L’offensive sur la répartition et l’accès au produit social

La restructuration du capitalisme mondial depuis les années 1980 a joué un rôle bien spécifique dans la trajectoire de la reproduction sociale en général et celle de l’accès et de la répartition du produit social en particulier. Il est important de comprendre que l’efficacité des politiques néolibérales dans la sphère de la production et du commerce s’expliquent par le fait que ces politiques ont en même temps éliminé les institutions qui soutenaient le travail de reproduction. De la santé publique à l’éducation, des services municipaux aux transports publics, l’infrastructure publique a été rapidement démantelée de façon assez similaire à la dépossession de nombreuses terres par les nouvelles industries extractivistes.

Comment ce processus est-il venu en aide au capital ? Le démantèlement des appuis institutionnels publics à la reproduction sociale n’impliquaient pas que les travailleurs et les travailleuses étaient désormais dispensé⋅e⋅s d’aller travailler dans la sphère productive. Au contraire, cette offensive a simplement signifié que tout l’appui autrefois assuré par les politiques publiques était soit répercuté sur les familles individuelles, ou privatisé et inabordable pour la grande majorité de la population. Les parcs publics, construits à l’aide des deniers publics, ont parfois reçu les fonds de bailleurs privés, de grandes entreprises, et fermé leurs portes aux enfants de la classe ouvrière. Il y a toujours des piscines, des programmes d’activités extra-scolaires, mais seulement pour ceux qui en ont les moyens.

  • Par défaut et donc par construction, les familles, et en particulier les femmes, durent prendre le relais des activités qui n’étaient plus publiques et qui étaient inabordables à l’échelle individuelle [16].

Ces attaques ont rendu la population laborieuse, homme et femme, plus vulnérable sur son lieu de travail et moins en capacité de résister.

Quand l’ère néolibérale traversa son ultime naufrage en 2008, la reproduction sociale pour la classe ouvrière du monde entier avait déjà subi de larges pressions.

Il est désormais incontestable que la crise financière a suscité une montée de la violence sexiste. En Grande-Bretagne, la violence conjugale a grimpé de 35 % en 2010. En Irlande, on a enregistré une hausse de 21 % de sollicitations de femmes auprès des services d’aide aux victimes de violences par rapport à 2007. Ce chiffre a encore atteint des sommets en 2009, décrivant une hausse de 43 % par rapport aux chiffres de 2007. Aux États-Unis, selon une étude privée de l’année 2011, 80 % des hébergements ont signalé une hausse des cas de violences conjugales pour la troisième année consécutive – 73 % de ces affaires étaient liés à des « questions financières » et notamment la perte d’un emploi. Je me réfère ici à la crise de 2008 en tant qu’exemple de crise capitaliste, en gardant bien en tête que ce n’est ni la dernière du genre, ni la première. En effet, certaine⋅e⋅s chercheurs et chercheuses se sont régulièrement tourné⋅e⋅s vers les chiffres produits pendant la Grande dépression des années 1930 en Occident pour favoriser la compréhension des crises économiques qui ont suivi. Comment une telle esquisse peut-elle étayer une hypothèse qui met l’accent sur la répartition et l’accès au produit social ?

Dans l’incapacité à subvenir aux besoins de leurs foyers, les femmes étaient souvent littéralement forcées à faire du glanage dans les rues. Une étude de la Banque mondiale et d’associations de la société civile ont établi qu’au cours de la crise économique, les plus pauvres « ont eu recours à une participation accrue des femmes et des enfants aux activités de subsistance, comme la collecte de déchets de carton » dans les rues [17].

La crise financière n’a pas seulement ajouté au fardeau de la reproduction : les pertes d’emploi à grande échelle et les baisses de salaires ont poussé les femmes à opter pour plusieurs activités salariées en même temps ou accepter de plus mauvaises conditions de travail dans leur activité.

Mais même alors que les femmes travaillaient toujours plus longtemps, et devenaient de véritables soutiens de famille, le travail des femmes dans la sphère publique est resté frappé du sceau du travail non rémunéré informel qu’elles effectuaient dans la sphère privée. Prenons le cas des États-Unis, quand 65 000 000 emplois ont été créés pendant la période de restructuration néolibérale et que les femmes en ont occupé 60 %, entre 1964 et 1997. De quels types d’emplois s’agissait-il ? La sociologue Susan Thistle montre combien :

  • les femmes ont été la pièce maîtresse de l’extension rapide du tiers le plus mal payé du secteur des services, fournissant la majorité de la force de travail dans la plus rapide et la plus grande niche d’emplois à bas salaires […] Les économistes ont depuis longtemps admis que […] le développement de nouveaux secteurs, et la conversion de travailleurs et de travailleuses non salarié⋅e⋅s en main d’œuvre salariée, sont la source de profits mirobolants, poussant les plus grandes entreprises à se délocaliser […] Il faut bien noter que cette même démarche lucrative était à l’œuvre dans les États-Unis mêmes […] Quand le marché a franchi les portes des cuisines et des chambres, transformant de nombreuses activités domestiques en travail rémunéré, la productivité a observé une forte progression [18].

Dans la mesure où c’est un secteur dépourvu de régulations et de droit du travail, la véritable infamie de ce soi-disant « secteur informel » consiste en ce que, comme le travail domestique dans la sphère privée, les activités qui s’y déroulent sont sans fin et peuvent se mener bien au-delà de ce qui est considéré socialement comme des horaires de travail décents. Deux récentes affaires de viol dans l’Inde néolibérale mettent en évidence le lien entre les politiques néolibérales et l’offensive contre les femmes.

Une méthode bien connue consistant à « blâmer » la victime de viol permet de faire porter les investigations davantage sur la femme victime que sur le violeur. En Inde, les femmes qui ont subi des viols ont été accusées de « sortir tard le soir » – ce qui, d’après les accusateurs, pouvait justifier le destin de ces femmes. À la cour, l’avocat de trois des cinq hommes accusés dans l’affaire de la femme violée et assassinée à Delhi en 2012 a affirmé que les femmes « respectables » n’étaient pas victimes de viol. « Je n’ai pas vu le moindre cas ou d’exemple de viol sur une femme respectable », a déclaré Manohar Lal Sharma à la cour, accusant la victime d’être sortie le soir avec un homme dont elle n’était pas l’épouse [19]. Les deux victimes des affaires les plus publicisées à Delhi – la femme tuée en décembre 2012 et la femme attaquée à Dhaula Kuan – travaillaient dans des centres d’appels délocalisés d’entreprises occidentales. Elles travaillaient de nuit pour pouvoir être au bout du fil pendant les horaires de travail de jour en Occident. À leur position précaire et faiblement rémunérée sur le marché du travail s’ajoute le risque de déplacements à pied, pour rejoindre ou quitter leur lieu de travail, dans une ville qui a par ailleurs un très mauvais bilan du point de vue des protections gouvernementales pour les femmes. À Lesotho, des femmes ont été victimes de viol en quittant leurs usines d’habillement tard le soir, tandis que des travailleuses du même secteur au Bangladesh expliquent que travailler aussi longtemps, et rentrer au foyer aussi tard que deux heures du matin, peut provoquer la suspicion et des attitudes menaçantes de la part de maris ou de parents masculins « en particulier quand leurs employeurs – cherchant à dissimuler les preuves d’une telle surexploitation – pointent leur […] carte de travail de sorte à afficher qu’elles quittent l’usine à 18h [20]. »

Comment comprendre cette anxiété si diffuse autour de la sexualité des femmes, qui est devenue la véritable ombre portée du néolibéralisme dans tous les domaines ? En un sens, c’est le résultat d’une vaste marchandisation de la sexualité, mais je voudrais suggérer que de telles anxiétés sont le reflet de mécanismes plus profonds liés à la discipline de travail et à la violence sociale.

Surveiller et punir dans les Export Processing Zones

Pour mieux évaluer les infamies de la discipline de travail en régime néolibéral, faisons un pas en arrière : revenons sur l’insistance que nous avions portée au début sur le capitalisme en tant que totalité socioéconomique unifiée. Si l’on ne comprend pas la nature mondiale et systémique des stratégies du capital, nos résistances contre lui resteront fragmentaires et incomplètes. Ainsi, les parties du globe où le capital semble moins dominer économiquement doivent être envisagés selon les mêmes critères d’analyse que ceux des économies capitalistes des pays du Nord. Comme David McNally l’affirme :

  • nous occultons une grande partie […] du scénario qui se déroule sous nos yeux si nous faisons l’impasse sur l’expansion phénoménale, sur toute la période néolibérale, des grandes économies est-asiatiques, qui ont bénéficié d’une croissance trois à quatre fois plus élevée que celle du centre économique capitaliste plus classique [21].

Les économies extérieures aux pays du centre économique jouent donc un rôle essentiel dans le processus global d’accumulation du capital. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de parler de violence sexiste et de discipline de travail sans évoquer les Export Processing Zones (EPZ) – une conséquence unique et particulière de l’ordre néolibéral –, dont le lieu d’élection est en grande partie le Sud mondial.

L’instrumentalisation d’une force de travail féminine dans des « zones économiques spéciales », libérées de tout droit du travail par rapport au pays dans lequel elles sont mises en œuvre, a d’abord été tentée en Corée du Sud à l’occasion de son « miracle économique ». L’économiste Alice Amsden prétend que la clé du succès de la Corée du Sud a trait à l’écart salarial entre le travail féminin et le travail masculin [22]. Ces zones sont la réplique macabre du foyer domestique en régime capitaliste. Comme le foyer, il s’agit d’espaces privés, fermés à toute investigation sociale ou étatique, produisant des objets emblématiques du social provisioning (habillement, chaussures, aliments conditionnés, jouets), avec un travail prioritairement féminin, et qui sont le théâtre occulte d’une violence latente.

Les femmes travaillant dans les EPZ sont victimes de violences verbales diffuses, d’heures supplémentaires impayées, de harcèlement sexuel, de rapports sexuels contraints et de violences physiques. Les femmes qui souhaitent y être employées ont été forcées à subir des examens de santé, et notamment des examens de grossesse, examinées nues et interrogées, « avez-vous un petit ami ? », « à quelle fréquence avez-vous des rapports sexuels ? » Au Kenya plus de 40 EPZ employant plus de 40 000 travailleurs et travailleuses produisent près de 10 % des exportations du pays. Dans un contexte de concurrence face à l’emploi entre hommes et femmes, ces dernières sont fréquemment contraintes d’avoir des rapports sexuels – malgré les risques de transmission du VIH – pour être sûres d’être embauchées. L’International Labor Rights Fund a montré que 95 % des femmes kenyanes subissant des harcèlements au travail ne portent pas plainte ; les femmes travaillant dans les EPZ représentaient 90 % de la population de femmes étudiée dans ce rapport.

À Lesotho, les femmes des EPZ sont elles aussi fréquemment soumises à des fouilles au corps complètes, pour vérifier qu’elles n’ont rien volé sur leur lieu de travail, y compris jusqu’à leur demander de retirer leurs serviettes hygiéniques pendant qu’elles ont leurs règles. Aux abords des États-Unis, les usines maquiladoras sont les lieux d’une violence des plus brutales contre les femmes. Ces EPZ, mises en place dans le cadre des Accords de libre échange nord-américains (ALENA) en 1992, se trouvent à Ciudad Juarez à la frontière entre Mexico et les États-Unis. Depuis 1993, plus de 400 femmes travaillant dans ces EPZ ont soit « disparu » soit été assassinées, donnant à Ciudad Juarez le titre de « capitale du féminicide ». En 2003, les EPZ de 116 pays ont employé plus de 43 000 000 de personnes. Ces chiffre sont plus élevés encore aujourd’hui [23].

Le contrôle de la sexualité et le contrôle du travail sont donc les deux maillons inséparables d’une discipline qui contraint les franges les plus vulnérables du monde du travail. Mais qui est l’agent de ce contrôle ? Il est nécessaire de répondre à cette question complexe en distinguant bien les enjeux. Il faut d’abord relever que les salariés masculins ne sont en rien innocents dans ce processus. Une étude commandée par l’International Labor Rights Fund au Kenya a pu montrer que 70 % des hommes interrogés considéraient le harcèlement des travailleuses femmes comme un comportement « normal et naturel » [24]. Dans son étude désormais classique des travailleuses des maquiladoras, Maria Fernanddez-Kelly a réellement pris en considération les craintes diffuses autour de la sexualité des femmes à Juarez, et tisse un lien entre ces différentes paniques morales et la visibilité de plus en plus nette des femmes dans l’espace public. Dans la mesure où le travail salarié procurerait aux femmes un certain degré d’indépendance financière, travailler dans cette industrie, selon Fernandez-Kelly, constituerait pour le regard social une menace aux formes « traditionnelles » de l’autorité des hommes. Les craintes suscitées par cette remise en cause potentielle du contrôle social se « manifestent explicitement, bien que de façon incohérente », par des discours pointant du doigt l’intimité trop grande des femmes entre elles [25]. Nous aurons l’opportunité de mieux conceptualiser ce recours précis à la « tradition » dans la suite de cet article.

S’il convient d’affirmer que les hommes exercent un contrôle sur le temps et la sexualité des femmes prolétaires, ces derniers exercent ce pouvoir selon des règles édictées par le capitalisme. Comme Hester Eisenstein le montre, là où le travail est très mal payé, les femmes reçoivent un « salaire de femme » mais les hommes ne reçoivent pas ce qu’on pourrait appeler un « salaire d’homme » nettement plus élevé [26]. En 2003, le Business Week a publié sur le cas d’un certain Michael A. McLimans, qui travaille comme livreur motorisé pour Domino’s Pizza et Pizza Hut. Sa femme est réceptionniste dans une entreprise hôtelière. Ensemble ils « parviennent à obtenir dans les $40 000 par an – bien loin des $60 000 que le père de Michael, David I. McLimans, gagnait en étant un salarié de la métallurgie avec de l’ancienneté [27]. »

Les travaux de Leslie Salzinger sur les maquiladoras fournissent une explication remarquable et détaillée des raisons qui font de cette féminisation de la force de travail l’une des stratégies les plus efficaces de la discipline de travail du capital néolibéral. Salzinger tente de rendre compte de « l’image » diffuse de ce qu’elle appelle la « féminité productive » – c’est-à-dire « la représentation d’une femme “docile et habile” au travail » en tant que figure de prédilection et incarnation du travail orienté vers l’exportation. Salzinger montre que, tandis que ce lieu commun de la féminité productive semble s’appliquer sans souci à la main d’œuvre particulièrement genrée des maquiladoras, les maquilas ont toujours embauché une forte minorité d’hommes : cela conduit l’autrice à ne pas envisager la féminité productive comme un concept nécessairement lié au sexe de la main d’œuvre mais comme une discipline des corps agressive, affectant les hommes et les femmes de différentes manières, dans le but de constituer une armée de réserve « dédiée aux maquilas » [28].

Si les hommes de la classe ouvrière préfèrent garder des bas salaires plutôt que d’accepter le « travail des femmes » et se solidariser avec les femmes travailleuses, est-ce donc le patriarcat qui unit les hommes dans une conjuration silencieuse des dominants ? Peut-on parler d’une même fraternité masculine ? La suite de notre argumentation consistera à porter un regard neuf sur les questions « d’honneur » et de « tradition » qui apparaissent souvent parmi les justifications de la violence sexiste.

L’invention de la tradition

Un homme égyptien originaire de Borg Meghezel, une petite ville de pêcheurs de la vallée du Nil, a répondu à un questionnaire de la Banque mondiale par une explication matérialiste des violences faites aux femmes :

  • Les revenus trop faibles ont une grande influence sur les rapports hommes-femmes. Ma femme me réveille parfois le matin en me demandant cinq livres, et si je ne les ai pas, je déprime et quitte le domicile conjugal. Et dès mon retour, nous commençons à nous disputer [29].

Il va sans dire que cette partie de la vallée du Nil est en proie à une crise de l’eau depuis les empiétements de la Banque mondiale dans la région. Un homme originaire du Ghana a posé le problème de façon encore plus brutale :

  • C’est à cause du chômage et de la pauvreté que la plupart des hommes de la communauté battent leurs femmes. Nous n’avons pas l’argent pour prendre soin d’elles [30].

Dans ces témoignages directs et francs, on est confronté à la violence dans sa chronologie précise, et on se retrouve de nouveau accablé par une série de questions. Dès lors que l’on a évoqué le contexte des violences, comment les foyers et les communautés basées sur la subsistance sont-ils systématiquement dépossédés et privés de ressources ? Et alors que ce processus rend certainement compte des conditions de possibilité de la violence, nous sommes confronté⋅e⋅s au problème suivant : comment rendre compte de la rationalité historique des agresseurs ? Il n’est pas suffisant de dire que les hommes prolétaires rentrent à la maison après avoir été licenciés, trouvent un avis d’expulsion au lieu d’un bon repas chaud, et commencent alors à battre leur femme. Cette description en effet, bien qu’elle ait une certaine véracité à propos des événements liés à la crise, pose plus de questions qu’elle n’en résout. Par exemple, pourquoi les femmes de la classe ouvrière ne rentrent-elles pas à la maison pour battre leurs maris, à partir du moment où les licenciements sont loin d’être l’apanage des hommes et qu’en réalité plus de femmes que d’hommes ont perdu leur emploi pendant la récession ?

Il n’y a pas de véritable rationalité dans les violences faites aux femmes, et pourtant, les êtres humains sont capables de rationaliser ces actes pour eux-mêmes, y compris au moins a minima comme un comportement funeste mais signifiant. L’idéologie capitaliste cherche à donner du sens à ces violences de deux façons élémentaires :

Une première manière consiste à s’appuyer sur les idées sexistes de la division du travail genrée au sein de la famille. Malgré le fait qu’une vaste majorité de ménages ont besoin que les hommes et les femmes aillent effectuer un travail rémunéré en dehors du foyer, les attentes sexistes envers les femmes continuent à leur demander de prendre soin du domicile conjugal. Les raisons à cela sont complexes et ont suscité des discussions riches dans le marxisme. Pour répondre à notre problème, il faut noter que du point de vue de cet aspect du sexisme, si les femmes ont la responsabilité d’assurer l’accès de leur foyer au produit social, elles sont aussi tenues pour responsables de toute lacune dans cet approvisionnement.

Une deuxième manière dont les idées sexistes se donnent une légitimité consiste à en appeler à la tradition. C’est en quelque sorte une vieille astuce du capital. Dès 1852, Karl Marx explique que quand la bourgeoisie souhaite trouver une justification :

  • ils évoquent craintivement les esprits du passé, [ils] leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l’histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté. C’est ainsi que Luther prit le masque de l’apôtre Paul, que la Révolution de 1789 à 1814 se drapa successivement dans le costume de la République romaine, puis dans celui de l’Empire romain [31] […]

Ce « langage emprunté » dont parle Marx, trouve par ailleurs un usage bien spécifique. La plupart du temps, il se manifeste sous les oripeaux d’idéologies occultant les divisions de classe et accentuant ce que Benedict Anderson a appelé « une camaraderie horizontale [32] ». Les nations sont par exemple représentées comme étant dénuées de divisions de classe et les communautés religieuses dépeintes comme des groupes homogènes dans lesquels tous les membres ont des intérêts similaires, à l’exclusion de la classe. De façon comparable dans le cas du sexisme, de telles idées partent de l’hypothèse d’une fraternité masculine (probablement allant contre une sororité commune de toutes les femmes) qui dénie l’existence réelle de rapports de classe et d’exploitation entre les hommes. En quoi cette référence à une communauté mythique des hommes peut servir à justifier les violences faites aux femmes ? Il faut porter son attention sur les appels à la tradition et à la filiation dans le contexte des violences misogynes et des « crimes d’honneur ».

La pratique des crimes d’honneur, quand un parent assassine une femme accusée d’avoir dégradé l’honneur de la famille, a donné beaucoup d’eau au moulin impérialiste. Les racistes se servent des crimes d’honneur comme de preuves de l’arriération intrinsèque de tous les musulmans. Une source d’information sioniste a récemment titré l’une de ses principales tribunes, « Soyons honnêtes : les crimes d’honneur en Occident sont perpétrés par des musulmans [33]. » Et de la même manière, ces violences sont instrumentalisées pour justifier les interventions impérialistes occidentales au Moyen-Orient au nom de la libération des femmes.

Mais quelle explication donner aux crimes d’honneur ? Car il est indéniable que ceux-ci sont commis dans des familles le plus souvent non blanches et souvent originaires d’un certain nombre de pays du Sud.

Selon l’Organisation de défense des droits des femmes iraniennes et kurdes (IKWRO), plus de 2800 cas de violences « liées à un problème d’honneur » ont été signalés en Grande-Bretagne en 2010. Les chiffres de la police suggèrent une progression de 47 % depuis 2009.

La journaliste du Guardian, Fareena Alam, propose une analyse accablante mais matérialiste de ces meurtres. En 2004, elle écrivait avec justesse que 1°) « Les crimes d’honneur ne sont pas un problème “musulman” » et 2°) « Les crimes d’honneur n’ont pas de rapport avec la religiosité [34]. » Par contraste avec ce type d’explications, elle insiste sur le fait que « beaucoup des familles immigrées, y compris la mienne, sont restées très en lien avec des parents “restés là-bas”. » C’est un lien enrichissant qui procure un « filet de sécurité dans une société hostile. » Alam est pourtant loin de se faire des illusions sur ce type de réseaux :

  • Trop souvent ces réseaux familiaux sont sexistes, étouffent les moindres oppositions et requièrent une loyauté sans borne […] Les jeunes hommes sont autorisés à mener une vie sociale relativement à l’abri des regards – socialiser, boire et courir les femmes. La responsabilité des femmes est d’être les garantes de l’honneur familial, qui se rapporte lui-même au statut social et à la mobilité ascendante. Le simple soupçon d’un comportement impropre – comme le fait d’être vue avec un homme en dehors du réseau de la famille – peut dégrader la réputation d’une femme et conséquemment l’honneur de la famille […] Les crimes d’honneur ne sont ni seulement une thématique hommes-femmes ni une aberration individuelle. Ils sont le symptômes de ce que les familles immigrées ont dû faire pour s’intégrer à une urbanisation aliénante. Dans les villages « là-bas », la sphère de contrôle des hommes était plus large, avec de forts appuis et soutiens systématiques […] Des efforts déçus de reprendre le contrôle peuvent avoir des conséquences désastreuses – suffisamment funestes pour susciter l’incroyable rage nécessaire pour décider de tuer ses propres congénères [35].

De notre point de vue, il faut retenir les analyses d’Alam sur la perception de perte de contrôle qu’ont les hommes comme déclencheur des violences. Si les crimes d’honneur peuvent être considérés comme des exemples extrêmes, un large spectre de violences sexistes semble être perpétué au nom de la perte d’une autorité masculine « traditionnelle ».

Une étude publiée par le British Medical Journal en 2012 a mis en évidence que les taux de suicide en Europe ont fortement progressé de 2007 à 2009, au moment où la crise financière faisait grimper le chômage et cassait les salaires. Les pays les plus sévèrement touchés par ces violents ralentissements économiques, tels que la Grèce ou l’Irlande, ont observé les hausses les plus brutales. En Grande-Bretagne, les hommes sont trois fois plus susceptibles de commettre un suicide que les femmes. L’étude en conclut qu’« une grande partie de l’identité et du sens que donne la population masculine a sa vie est connectée au fait d’avoir un emploi en tantque source de revenu, de statut social et d’importance [36] […] » En 2011, le Time Magazine faisait écho à l’opinion que les rôles « traditionnels » des hommes ont été déstabilisés par la récession, produisant une montée des phénomènes de dépression dans la population masculine :

  • C’est que les hommes sont culturellement envisagés comme les premiers soutiens de famille, et l’un des facteurs de risque principaux de la dépression dans la population masculine dépend le plus souvent de ce rôle-là [37].

Le terme opérant dans ce contexte est celui d’être « culturellement envisagé » pour assouvir un certain rôle. Tous ces rapports et études indiquent que, bien que les hommes n’aient pas toujours historiquement été les principaux soutiens de famille, la population masculine croît ou attend d’elle-même de remplir ce rôle.

Aux États-Unis, comme dans le reste des pays industrialisés, la vérité est que, de plus en plus les hommes et les femmes font un travail salarié pour subvenir aux besoins de leurs foyers ; et les hommes et les femmes effectuent du travail domestique. Les plus récentes enquêtes étatsuniennes sur l’emploi mettent en évidence le fait que les femmes sont les principaux soutiens de 40 % des familles – une grande majorité d’entre elles sont des mères célibataires et des non-Blanches. Il faut présenter ces données en les accompagnant des chiffres de la participation des hommes aux tâches ménagères dans 20 pays industrialisés sur la période 1965-2003, qui indiquent bien une progression de cette contribution masculine.

La même chose se vérifie au sujet de la contribution des pères au sein du foyer. La sociologue Francine Deutsch a enregistré une contribution des pères, en termes d’heures consacrées aux enfants, plus élevée dans le cas des hommes de classes populaires que dans celui des cadre [38]. Selon une enquête de 2011 menée auprès de 963 pères salariés en col-blanc d’entreprises faisant partie du classement Fortune 500, 53 % d’entre eux prétendent qu’ils préféreraient être des parents dédiés au foyer conjugal si leur famille pouvait ne dépendre que du salaire de leur épouse [39]. Tandis que les élites reprochent aux hommes non blancs d’abandonner leurs familles, une étude l’American Psychological Association et l’Institut national de la santé infantile et du développement humain réfutent cette mystification raciste :

  • Les pères au revenu faible, issus de minorités, divorcés qui ont un travail et un bon niveau d’éducation sont plus susceptibles d’être aux côtés de leurs enfants. […] Les hommes africains-américains sont plus susceptibles de s’occuper, de nourrir et de cuisiner pour leurs enfants que les pères blancs ou hispaniques.

Certaines données ethnographiques ont révélé qu’un fort soutien financier paternel (en argent ou en nature) est probablement invisible du point de vue des mesures de l’économie formelle [40].

Voilà effectivement un bien étrange phénomène. Alors que la réalité matérielle pour la plupart des hommes est que les deux membres du couple d’une même famille travaillent pour des salaires de plus en plus faibles et de plus en plus longtemps, les rôles sociaux de genre semblent fondés sur le modèle mythique de l’heureuse épouse qui fait la cuisine en attendant le retour de son mari. Si la grande majorité des femmes travaillent dans des maquiladoras, à Wal-Mart et Starbucks, ou font des ménages pour les plus riches, alors qui servent les rêves que propagent ces images en carton de la féminité ? Nous devons examiner avec rigueur ces images en carton car, à partir du moment où l’on peut retracer leur véritable provenance, il est possible de saisir les liens entre la justification des violences sexistes et la combinaison des conditions matérielles et des idéologies du genre.

La juriste Joan C. Williams fait une observation importante sur la masculinité prolétarienne dans son travail récent sur les relations entre le genre et la classe en Amérique. Selon Wiliams, le genre fonctionne comme « une importante “blessure de classe dissimulée” » qui s’exprime dans « le sentiment d’inaptitude que ressentent les hommes de la classe ouvrière quand ils peuvent de moins en moins remplir leur rôle de soutien de famille [41]. » Il vaut la peine de citer tout le passage où Williams décrit la façon dont cette inaptitude ressentie se joue dans les termes de la classe :

Pour deux brèves générations dans l’après-guerre, cet idéal des deux sphères séparées s’est démocratisé. Mais aujourd’hui, l’accomplissement de l’idéal du soutien de famille est de nouveau un privilège de classe.

  • Dans la mesure où ce modèle de famille dual, avec un soutien de famille d’un côté et une ménagère de l’autre, est un marqueur du statut de la classe moyenne depuis les années 1780, parvenir à remplir ces rôles est vu comme un enjeu vital par les familles des classes populaires […] Les performances de genre conventionnelles sont donc, pour le dire brièvement, des performances de classe [42].

La chronologie adoptée par Williams, pour rendre compte du moment où le modèle « dual » est devenu impossible à assumer par la classe ouvrière, correspond exactement à la chronologie de Neil Davidson sur la mise en place d’un ordre néolibéral. Les rôles de soutien de famille et de ménagère et les rôles de genre qui en découlent, n’ont jamais été une tradition prolétarienne, pour commencer, mais ont été prêtés à la classe ouvrière par le capital. La force d’un tel modèle a précisément la capacité de a) effacer les différences de classe réellement existantes en proposant une fraternité masculine universelle et b) diviser les classes populaires sur des clivages de genre en faisant peser des attentes genrées irréalistes sur les hommes comme sur les femmes – des attentes qui doivent nécessairement être déçues par le cours réel des choses.

Revenons maintenant à notre image en carton. La femme idéale de la famille idéale, qu’on la voie préparer un dîner parfait à New York ou à New Delhi, est en réalité la combattante d’une classe. Sa famille idéale est une relique conservée des temps immémoriaux des heures glorieuses du capital, un temps où les hommes seront toujours des hommes, les syndicats seront toujours invisibles et les esclaves ou castes subalternes devront toujours apporter le coton pour la maison du maître.

Les voies de la résistance

Dans la crise actuelle du capitalisme, le genre est une arme idéologique essentielle pour dissimuler les lignes de fractures de classe. La montée des figures autorisées qui excusent le viol, l’avalanche de décrets et de lois qui s’attaquent aux droits reproductifs et aux droits des personnes LGBTQ, le slut shaming, l’accusation portée sur les victimes de violences, tous ces éléments sont les différentes façons de réorganiser la féminité et réinvoquer la mythique famille duale du soutien de famille et de la ménagère, alimentant des attentes genrées et des modèles irréalistes pour les hommes et les femmes de la classe ouvrière.

Comment combattre les valeurs familialistes du capitalisme ? Pour conclure, il vaut la peine d’examiner les défis auxquels nous sommes confronté⋅e⋅s aujourd’hui pour régénérer notre analyse marxiste de la société et du monde actuel.

Il y a principalement trois défis interdépendants que nous avons à traverser aujourd’hui en tant que militant⋅e⋅s révolutionnaires : 1°) comprendre la nature précise du capitalisme comme système de production ; 2°) identifier le sujet de la transformation révolutionnaire du système ; et 3°) déterminer la nature de ce processus de transformation – qu’est-ce qui initie ce changement, quels sont les lieux qu’il investit, etc. Répondre à ces trois questions doit nous aider à déterminer si l’on peut et comment changer la trajectoire du genre dans le monde actuel.

Le néolibéralisme comme nouvelle manière d’organiser l’accumulation du capital est en place depuis déjà un certain temps. Mais il est nécessaire de clarifier l’ampleur et les limites de cette nouveauté. Nous devons aussi bien débattre des nouvelles formes d’arrangement économiques et de rapports sociaux que la nouvelle configuration du capital nous a imposées, que de souligner les continuités importantes qui demeurent entre une configuration et une autre. L’économie néolibérale, bien qu’ayant des manifestations nationales assez variées, n’a pas vocation à faire naître un capitalisme entièrement nouveau, mais plutôt un ensemble de tentatives hétérogènes, initialement expérimentales puis systématisées, de la part des classes dominantes pour surmonter la crise de rentabilité que doit périodiquement affronter le capitalisme. En d’autres termes, et contrairement à ce qu’en disent certains chercheurs et certaines chercheuses, il ne s’agit pas d’un nouveau capitalisme mais plutôt d’une nouvelle forme par laquelle le capitalisme s’évertue à recouvrir et maintenir ses profits. Cela signifie que les intuitions fondamentales du marxisme classique sur la nature du système capitaliste sont toujours valables, tout comme ses hypothèses sur la manière de combattre ce système – c’est-à-dire par l’auto-activité de la classe ouvrière.

Comme nous l’avons vu tout au long de ce texte, l’une des dimensions clés du triomphe du néolibéralisme a été et demeure une offensive victorieuse et genrée sur la classe ouvrière du monde entier. En fin de compte, c’est un ordre qui s’est construit avant tout par des défaites de notre camp, dont les plus spectaculaires ont été celles des contrôleurs aériens aux États-Unis (1981), des mineurs en Inde (1982) et des mineurs en Grande-Bretagne (1984-1985) [43]. Les syndicats, qui demeurent l’une, sinon la seule, des formes d’organisation du prolétariat et de ses outils pour combattre, continuent d’être l’objet des attaques néolibérales. Mais la longue histoire des défaites et les rares exemples de contre-offensives victorieuses par le monde du travail dans la même période ont conduit certains chercheurs à remettre en question la centralité de la classe ouvrière dans le changement social et à mettre en doute le fait que les travailleurs et les travailleuses aient encore la capacité de briser ce système et de construire une nouvelle société. Par contraste, beaucoup ont cherché le nouveau sujet révolutionnaire dans des collectivités plus amorphes – la plus fameuse étant la notion de multitude forgée par Negri et Hardt [44].

Entre temps, le printemps arabe et le mouvement Occupy aux États-Unis ont mis sur la table une autre remise en question potentielle du marxisme classique, cette fois sur le lieu privilégié de la lutte. Dans la mesure où les mouvements des places – en Espagne, à Tahrir, au parc de Zucotti, et plus récemment le parc de Gezi – ont été les luttes les plus militantes et massives des dernières années, il est tout à fait compréhensible que beaucoup considèrent que la forme politique de mouvements urbains représente un nouveau et meilleur chemin pour renverser le capitalisme, en lieu et place des grèves et de l’agitation des travailleurs et des travailleuse sur le lieu de production [45].

La tâche du marxisme n’est pas de jouer les devins. Il ne s’agit pas de prévoir où la prochaine étape de la lutte aura lieu, ni de dire à l’avance quelle lutte particulière prendra une forme généralisée et s’attaquera au système. Dans le cas de la Grande-Bretagne thatchérienne, le combat le plus attendu était celui des mineurs, précisément sur le lieu de travail. Mais tandis que la lutte des mineurs s’est soldée par un échec, un mouvement plus inattendu, cette fois extérieur au lieu de travail – les émeutes contre la poll tax – ont eu un impact beaucoup plus grand sur le régime de Thatcher. La force des concepts autour de la reproduction sociale est dans leur capacité à comprendre le capitalisme comme un système unitaire où production et reproduction, bien que situées dans des sphères séparées spatialement, sont dans le cours réel des choses totalement interdépendantes. Comme l’affirme Miriam Glucksman, « la nécessité d’analyser chaque pôle de ces deux termes de façon autonome ne doit pas nous faire oublier que leur spécificité se comprend à partir de leur relation mutuelle et de la structure totalisante qui les intègre tous les deux [46]. » À l’heure où nous entendons reconstruire et renforcer nos organisations pour résister à l’ordre néolibéral – qu’il s’agisse des syndicats ou d’organisations marxistes révolutionnaires – nous devons garder à l’esprit cette unité de la production et de la reproduction. Le syndicat des enseignant⋅e⋅s de Chicago (CTU) applique un syndicalisme axé sur la justice sociale dont les principes doivent nous inspirer et être repris plus largement, car c’est justement cette intuition sur la reproduction qu’il tente de mettre en pratique. La grève des enseignant⋅e⋅s de Chicago menée par le CTU n’était pas seulement une grève pour obtenir de meilleures conditions de travail pour les membres du syndicat. La grève s’est construite de manière à relier des questions plus larges au-delà du lieu de travail – les politiques racistes de fermetures des écoles, la situation économique des élèves et de leurs familles, l’histoire urbaine – avec les questions posées au sein du lieu de travail, comme les salaires ou les avantages des enseignant⋅e⋅s [47].

Le combat pour des centres d’aides pour les victimes de viol beaucoup plus accessibles ne peut dès lors pas être séparés de la défense des services publics qui facilitent la répartition du produit social et de nos combat pour de meilleurs salaires et la justice reproductive. Mais la victoire finale contre l’injustice du genre sera remportée quand nous nous rebellerons contre la tyrannie fondamentale du capital qui vole notre travail pour faire des profits. La bataille peut démarrer partout dans la société, mais elle devra être victorieuse sur le lieu de travail, sur nos lieux de travail et sur les barricades, là où par l’unité des trajectoires de nos luttes spécifiques nous pourront faire le fameux saut « à l’air libre de l’histoire [48]. »

Tithi Bhattacharya

 

Ce texte a été initialement publié en anglais dans le n° 91 de International Socialist Review. Traduction de Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem avec l’aimable autorisation de l’autrice.

Source la version française : revueperiode.net via le CADTM

illustration : http://trasvorder.tumblr.com/

Notes :

[1Je souhaite remercier ici Snehal Shingavi, Ashley Smith et Bill V. Mullen pour leurs précieux commentaires sur les premières versions de ce texte

[2Nancy Fraser, Fortunes of Feminism (London : Verso, 2013), p. 218.

[3Neil Davidson, « The Neoliberal Era in Britain : Historical Developments and Current Perspectives », International Socialism, n° 139, Juillet 2013.

[4Ibid.

[5Cité in Ibid.

[6Meg Luxton, “Feminist Political Economy in Canada and the Politics of Social Reproduction,” in Kate Bezanson, Meg Luxton (coord.), Social Reproduction : Feminist Political Economy Challenges Neo-Liberalism, McGill-Queens University Press, Toronto, 2006, p. 36.

[7Lise Vogel, « Domestic Labor Revisited », Science and Society, vol. 64, n°2, été 2000, p. 156.

[8Cité in Davidson.

[9Meg Luxton, “Feminist Political Economy in Canada and the Politics of Social Reproduction,” in Kate Bezanson, Meg Luxton eds, Social Reproduction : Feminist Political Economy Challenges Neo-Liberalism (Toronto : McGill-Queens University Press, 2006), p. 36.

[10Sarah Boseley, “One in Three Women Suffers Violence, Global Study Finds,” Guardian (UK), June 20, 2013.

[11Sadie Robinson, « What Causes Rape ? », Socialist Worker [UK], 7 Juin 2011.

[12Je tiens à remercier Colin Barker et Phil Gasper pour avoir évoqué cet argument lors de notre échange.

[13Claire M. Renzetti & Vivian M. Larkin, « Economic Stress and Domestic Violence, » rapport du National Resource Center on Domestic Violence, 2011.

[14Stephanie Armour, « Foreclosures Take an Emotional Toll on Many Homeowners », USA Today, 16 mai 2008.

[15Christina Hoag, « 6 Die in Family Murder-Suicide in Los Angeles, » USA Today, 7 Octobre 2008. Le New York Times a rapporté cette actualité avec le titre bien choisi « Man Kills His Family and Himself Over Market. » Voir Rebecca Cathcart, « Man Kills His Family and Himself Over Market », New York Times, 7 octobre 2008.

[16Kate Bezanson and Meg Luxton, eds., Social Reproduction : Feminist Political Economy Challenges Neo-Liberalism(Toronto : McGill-Queen’s University Press, 2006), p. 5.

[17Rapport de la banque mondiale de 2003, cité in Marianne Fay, Lorena Cohan, & Karla McEvoy, « Public Social Safety Nets and the Urban Poor », in Marianne Fay ed., The Urban Poor in Latin America (Washington D.C. : The World Bank, 2005), p. 244.

[18Susan Thistle, From Marriage to the Market : The Transformation of Women’s Lives and Work (Berkeley : University of California Press, 2006), p. 110, p. 112.

[19Andrew MacAskil, « Delhi Rape Victims Are to Blame, Defendants’ Lawyer Says », Bloomberg News, 10 janvier 2013. Voir aussi mon article dans le Socialist Worker [US], du 10 janvier 2013.

[20Kate Raworth, Trading Away Our Rights : Women Working in Global Supply Chains (Oxford : Oxfam Publishing, 2004), p. 28.

[21David McNally, Global Slump : the Economics and Politics of Crisis and Resistance (Oakland : PM Press, 2011), p. 37.

[22Alice H. Amsden, Asia’s Next Giant : South Korea and Late Industrialization (New York : Oxford University Press, 1989), p. 204.

[23Pour plus de détails, voir Jacqui True, The Political Economy of Violence Against Women (New York : Oxford University Press, 2012).

[24Regina G. M. Karega, Violence Against Women in the Workplace in Kenya : Assessment of Workplace Sexual Harassment in the Commercial, Agriculture and Textile Manufacturing Sectors in Kenya, International Labor Rights Fund, 2002.

[25Maria Patricia Fernandez-Kelly, For We Are Sold, I and My People : Women and Industry in Mexico’s Frontier (Albany : State University of New York Press, 1983), p. 141.

[26Hester Eisenstein, Feminism Seduced : How Global Elites Use Women’s Labor and Ideas to Exploit the World (Boulder, London : Paradigm, Publishers, 2009), p. 151.

[27« Waking Up From The American Dream », Business Week, 30 novembre 2003.

[28Leslie Salzinger, Genders in Production : Making Workers in Mexico’s Global Factories (Berkeley : University of California Press, 2003), p. 10.

[29Deepa Narayan et al., Voices of the Poor Crying Out for Change, publié par Oxford University Press pour la Banque mondiale (New York : Oxford University Press, 2000), p. 110.

[30Ibid, p. 123.

[32Benedict Anderson, Imagined Communities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism (Londres & New York : Verso, 2006), p. 50.

[33« Let’s Admit It : Honor Killings in the West is by Muslims », tribune, Israel National News, 3 février 2012.

[34Fareena Alam, « Take the Honor out of Killing », The Guardian, juillet 2004.

[35Ibid.

[36Kate Kelland, « Study links British recession to 1,000 suicides », Reuters, 15 août 2012.

[37Alice Park, « Why the Recession May Trigger More Depression Among Men », Time Magazine, 1e mars, 2011

[38Francine Deutsch, Halving It All : How Equally Shared Parenting Works (Cambridge, MA : Harvard University Press, 1999), p. 180–94.

[39B. Harrington, F. Van Deusen, and B. Humberd, The New Dad : Caring, Committed and Conflicted (Chestnut Hill : MS : Boston College Center for Work and Family), 2011.

[40« The Changing Role of the Modern Day Father », Report of the American Psychological Association, 2012.

[41Joan C. Williams, Reshaping the Work-Family Debate : Why Men and Class Matter (Cambridge, MA : Harvard University Press, 2010), p. 59, p. 158.

[42Ibid.

[43Paul Volcker, qui a introduit le néolibéralisme aux États-Unis, a explicité ce lien entre la mise en place du néolibéralisme et le démantèlement des syndicats. « La plus importante action de l’administration [Reagan] pour combattre l’inflation a été de briser la grève des contrôleurs aériens », cité in David McNally, op. cit., p. 35.

[44Pour une critique de Negri et Hardt, voir Tom Lewis, « Empire Strikes Out », International Socialist Review, n° 24, 2002

[45David Harvey représente probablement la plus enthousiaste et créative approche de ces mouvements qui résistent à la « dépossession ». Voir Rebel Cities : From the Right to the City to the Urban Revolution (London : Verso, 2013). Pour une critique charitable du travail de Harvey, on peut écouter l’enregistrement audio de Geoff Bailey, « Accumulation by Dispossession » sur WeAreMany.org.

[46Miriam Glucksman, Women Assemble : Women Workers and the New Industries in Inter-War Britain (London : Routledge, 1990), p. 258.

[47Voir Lee Sustar, Striking Back in Chicago : How Teachers Took on City Hall and Pushed Back Education “Reform.,à paraître chez Haymarket

[48Walter Benjamin, « Theses on the Philosophy of History », in Illuminations : Essays and Reflections (New York : Schocken Books, 1969), p. 261.

 

Tithi Bhattacharya enseigne l’histoire à Purdue University. Son premier livre porte le titre de The Sentinels of Culture : Class, Education, and the Colonial Intellectual in Bengal et Social reproduction theory : remapping class, recentering oppression(Pluto press, 2017). Elle est membre du mouvement International Women’s Strike aux Etats-unis.

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Venezuela: 40 opposants veulent la présidence

juin 7th, 2019 by Alba Ciudad

Le journal étasunien The Washington Post a révélé mercredi le profond mécontentement du secrétaire d’État des États-Unis (USA) Mike Pompeo concernant l’opposition vénézuélienne dont il a dit qu’il a été « diablement difficile » de la garder unie. Il a affirmé qu’au cas où l’opposition prendrait le pouvoir, il y a « plus de 40 personnes » qui se croient « les successeurs légitimes » du président Nicolás Maduro. Les experts cités signalent que les opposants sont tellement éloignés les uns des autres qu’ils « ne se re-twittent même pas » entre eux.

The Washington Post a fait un reportage à partir d’un enregistrement audio de cette réunion.

Pompeo a aussi déclaré que maintenir la cohésion de l’opposition est un problème pour lui depuis le jour où il est devenu directeur de la CIA. Pour résoudre ce problème, le fonctionnaire a expliqué que le Gouvernement de Donald Trump cherche à soutenir des institutions religieuses pour « que l’opposition s’unisse. »

Il a aussi affirmé que consolider le soutien au député d’opposition Juan Guaidó que Washington reconnaît comme « président par interim » du Venezuela dans les rangs de l’opposition « a pris beaucoup de temps » aux États-Unis mais que la situation « continue à être faible. »

Les déclarations de Pompeo arrivent au moment même où divers agents de l’opposition vénézuélienne ont manifesté publiquement leurs différends, surtout après la seconde ronde de conversations en Norvège entre le Gouvernement et les envoyés de Guaidó.

Dans ce contexte, les nouvelles failles de l’opposition se focalisent sur le soutien ou non à d’éventuelles élections et même la reconnaissance ou la non reconnaissance du processus de dialogue à Oslo où les parties ont démontré leur « volonté d’avancer » pour trouver une solution à la crise qui comprend justement « le problème des élections » selon un communiqué du Gouvernement de Norvège.

Pompeo a aussi déclaré qu’il serait difficile de maintenir la droite au pouvoir au Venezuela même si Maduro était renversé :

D’autre part, il a déploré l’échec du coup d’État perpétré par l’opposition au mois d’avril dernier contre le Président Nicolás Maduro. Il reconnaît ainsi une fois de plus sa participation au coup d’État raté qui a fait 5 morts et provoqua plus de 200 arrestations.

Shannon O’Neil, une spécialiste du Venezuela au Conseil des Relations Extérieures interviewée par The Washington Post, a signalé que :

« Pompeo est le premier fonctionnaire de haut rang qu’elle a entendu être aussi sincère publiquement à propos de la faiblesse de l’opposition ».

Article original en espagnol : Pompeo muy molesto por divisiones de la oposición: Aseguró que 40 personas desean la Presidencia de Venezuela

Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Photo en vedette : Le secrétaire d’état américain Mike Pompeo à Berlin, Allemagne, le 31 mai 2019 (capture d’écran, source: Fabrizio Bensch / Reuters)

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Y-a-t-il une révolution au Vénézuela?

juin 7th, 2019 by Atilio A. Boron

Quelques voyages récents en Espagne et en Italie m’ont donné l’occasion de m’entretenir avec de nombreux intellectuels, universitaires et politiciens progressistes existant encore dans ces pays. Après avoir passé en revue la situation européenne inquiétante et l’avancée de l’extrême droite, mes interlocuteurs m’ont demandé de leur parler de l’actualité latino-américaine, car, m’ont-ils assuré, ils avaient du mal à comprendre ce qui s’y passait. J’ai commencé par passer en revue l’offensive brutale du gouvernement de Donald Trump contre le Venezuela et Cuba ; j’ai poursuivi en passant en revue l’involution politique malheureuse subie par l’Argentine et le Brésil aux mains de Macri et Bolsonaro et les vents encourageants de changement qui sont venus du Mexique ; le caractère central des prochaines élections présidentielles qui auront lieu en octobre en Argentine, en Bolivie et en Uruguay clôturant ainsi ce premier panorama de la politique régionale, dénonçant la perpétuation du terrorisme d’Etat en Colombie, avec un nombre choquant d’assassinats de dirigeants politiques et sociaux qui ont surpris mes interlocuteurs parce qu’ils étaient presque totalement ignorés en Europe, ce qui en dit long sur les médias déjà définitivement convertis en organes de propagande de droite et impérialiste. Lorsque je me suis arrêté pour donner des informations plus détaillées sur l’ampleur criminelle de l’agression perpétrée contre la République bolivarienne du Venezuela, surgissait, telle un coup de tonnerre, la question :  » peut-on vraiment parler d’une révolution au Venezuela ? »

Ma réponse a toujours été oui, bien qu’il faille la nuancer car les révolutions – et pas seulement au Venezuela – sont toujours des processus, jamais des actes consommés une bonne fois pour toutes. Impressionné par une visite à la Chapelle Sixtine pour contempler, une fois de plus, l’œuvre géniale de Michel-Ange, il m’est venu à l’esprit que pour beaucoup de mes interlocuteurs – et pas seulement européens – la révolution est quelque chose comme le peintre florentin a représenté la création des hommes ou des étoiles : Dieu, avec un geste, le sourcil froncé, un doigt qui montre un lieu et là est l’homme, là est Jupiter, là est la révolution ! Ce « créationnisme révolutionnaire » soutenu avec une ardeur religieuse même par les athées – qui à la place de Dieu installent l’Histoire avec un H majuscule, bien hégelienne – contraste avec l’analyse marxiste des révolutions qui à partir de Marx, Engels et Lénine ont toujours été interprétées comme des processus et jamais comme des éclairs divins qui, un jour tranquille, tournent irrémédiablement une page de l’histoire. Poursuivant l’analogie inspirée par la Chapelle Sixtine, on pourrait dire que contre le « créationnisme révolutionnaire », expression d’un idéalisme résiduel profondément anti-matérialiste, s’impose le « darwinisme révolutionnaire », c’est-à-dire une révolution conçue comme un processus continu et évolutif de changements et réformes économiques, sociaux, culturels et politiques qui aboutit à la création d’un nouveau type historique de société. En d’autres termes, la révolution est une longue construction dans le temps, où la lutte de classe est exacerbée jusqu’à l’inimaginable. Un processus qui remet en cause le déterminisme triomphaliste des « créationnistes » et qui a toujours une fin ouverte, car chaque révolution porte en son sein les germes de la contre-révolution, qui ne peut être neutralisée que par la conscience et l’organisation des forces révolutionnaires. Ce serait la conception séculière et darwinienne – c’est-à-dire marxiste – de la révolution, et non théologique. Et ce n’est pas trop, anticipant mes critiques habituels, de se rappeler que ce n’est pas par hasard que Marx a dédié le premier volume de Capital à Charles Darwin.

Les révolutions sociales sont donc des processus accélérés de changement dans la structure et aussi, ne l’oublions pas, dans la superstructure culturelle et politique des sociétés. Des processus difficiles, jamais linéaires, toujours soumis à d’énormes pressions et devant faire face à d’immenses obstacles de la part des forces intérieures mais surtout de l’impérialisme américain, gardien suprême de l’ordre capitaliste international. Cela s’est produit avec la Grande Révolution d’Octobre puis avec les révolutions en Chine, au Vietnam, à Cuba, au Nicaragua, en Afrique du Sud, en Indonésie, en Corée. L’image vulgarisée, malheureusement dominante dans une grande partie des militants et de l’intellectualité de la gauche, d’une révolution comme une flèche s’élevant en ligne droite vers le ciel du socialisme est d’une grande beauté poétique mais n’a rien à voir avec la réalité. Les révolutions sont des processus dans lesquels les confrontations sociales acquièrent une brutalité singulière parce que les classes et les institutions qui défendent l’ordre ancien font feu de tout bois pour avorter ou noyer dans leur berceau les sujets sociaux porteurs de la nouvelle société. La violence est imposée par ceux qui défendent un ordre social fondamentalement injuste et non par ceux qui luttent pour se libérer de leurs chaînes. Nous le constatons aujourd’hui au Venezuela, à Cuba et dans tant d’autres pays de Notre Amérique.

Cela dit, quelle a été ma réponse à mes interlocuteurs ? Oui, il y a une révolution en cours au Venezuela et la meilleure preuve en est que les forces de la contre-révolution se sont déchaînées dans ce pays avec une intensité inhabituelle. Une véritable tempête d’agressions et d’attaques de toutes sortes, qui ne peut être comprise que comme la réponse dialectique à la présence d’une révolution dans le processus de construction, avec ses contradictions inévitables. C’est pourquoi un test infaillible pour savoir si un processus révolutionnaire est en cours dans un pays est fourni par l’existence de la contre-révolution, c’est-à-dire d’une attaque, ouverte ou cachée, plus ou moins violente selon les cas, destinée à détruire un processus que certains « docteurs ès révolution » considèrent inoffensif, réformiste ou même pas. Mais les sujets de la contre-révolution et de l’impérialisme, comme leur grand chef d’orchestre, ne commettent pas de telles erreurs grossières et avec un certain instinct ils essaient par tous les moyens de mettre un terme à ce processus car ils savent très bien que, une fois franchie une mince ligne sans retour, le rétablissement de l’ancien ordre avec ses exactions, privilèges et prérogatives serait impossible. Ils ont appris de ce qui s’est passé à Cuba et ils ne veulent pas prendre le moindre risque. La révolution est-elle toujours inachevée au Venezuela ? Sans aucun doute. Elle fait face à des défis très sérieux en raison des pressions de l’impérialisme et de ses propres faiblesses, du cancer de la corruption ou de certaines politiques gouvernementales mal conçues et mal exécutées ? Sans aucun doute. Mais c’est un processus révolutionnaire qui tend vers une fin inacceptable pour la droite et l’impérialisme, et c’est pourquoi il est combattu avec fureur.

En Colombie, par contre, les forces de la contre-révolution agissent de concert avec le gouvernement pour tenter d’écraser la révolution naissante qui frémit de l’autre côté de la frontière. Ces forces visent-elles à renverser les gouvernements du Honduras, du Guatemala, du Pérou, du Chili, de l’Argentine, du Brésil ? Non, parce que dans ces pays il n’y a pas de gouvernements révolutionnaires et donc l’empire et ses pions ne ménagent pas leurs efforts pour soutenir ces gouvernements lamentables. Ils attaquent le Venezuela ?. Oui, et aussi durement que possible, en appliquant chacune des recettes des guerres de cinquième génération, parce qu’ils savent qu’une révolution s’y déroule. Et pourquoi tant de colère contre le gouvernement de Nicolas Maduro ? Facile : parce que le Venezuela possède la plus grande réserve de pétrole de la planète et est, avec le Mexique, l’un des deux pays les plus importants au monde pour les Etats-Unis, même si ses diplomates, son académie et ses « paniaguados » des médias rejettent avec moquerie cet argument. C’est fatigant de les combattre parce que ces gens remplissent simplement le rôle qui leur est assigné et pour lequel ils sont généreusement récompensés. Le Venezuela a plus de pétrole que l’Arabie Saoudite, et beaucoup plus d’eau, de minéraux stratégiques et de biodiversité. Et tout cela à trois ou quatre jours de navigation des ports américains. Et le Mexique a aussi du pétrole, de l’eau (surtout au Chiapas), de grandes réserves de minéraux stratégiques et, comme si cela ne suffisait pas, c’est un pays frontalier avec les États-Unis. Un empire qui se croit imprenable parce qu’il est protégé par deux grands océans mais qui se sent vulnérable par le sud, où une longue frontière de 3169 kilomètres est son talon d’Achille irrémédiable qui le place face à une Amérique latine en perpétuelle fermentation politique en quête de sa seconde et définitive indépendance. D’où l’importance absolument exceptionnelle que revêtent ces deux pays, une question qui est incompréhensiblement sous-estimée, même par la gauche. Et Cuba ? Comment expliquer les plus de soixante ans de harcèlement contre cette île rebelle héroïque ? Parce que depuis 1783, John Adams, deuxième président des Etats-Unis, affirmait dans une lettre de Londres (où il avait été envoyé pour rétablir des liens commerciaux avec le Royaume-Uni) qu’étant donné le grand nombre de colonies que la Couronne britannique possédait dans les Caraïbes, Cuba devait être annexée sans plus attendre afin de contrôler la porte d’entrée au bassin des Caraïbes. Cuba, enclave géopolitique exceptionnelle, est une vieille et maladive obsession américaine qui commence bien avant le triomphe de la Révolution cubaine.

Mais l’offensive contre-révolutionnaire ne s’arrête pas dans les trois pays mentionnés ci-dessus. C’est aussi contre le gouvernement d’Evo Morales en Bolivie, qui a réalisé une prodigieuse transformation économique, sociale, culturelle et politique, faisant de l’un des trois pays les plus pauvres de l’hémisphère occidental (avec Haïti et le Nicaragua) l’un des plus prospères de la région, selon des organisations comme la CEPAL, la Banque mondiale et la presse financière mondiale. Il a repris le contrôle de ses richesses naturelles, a sorti des millions de personnes de l’extrême pauvreté et il l’a fait avec Evo Morales, membre d’un de ces groupes ethniques autochtones qui est devenu président, un exploit historique sans pareil dans cette partie du monde. Et le Nicaragua est aussi dans la ligne de mire, parce que peu importe le nombre de défauts ou d’erreurs que peut avoir la révolution sandiniste, la simple présence d’un gouvernement qui ne veut pas s’agenouiller devant le Caligula américain (comme le font Macri, Bolsonaro, Duque et compagnie) est plus que suffisante pour déchaîner les furies de l’enfer contre son gouvernement. Et, en outre, il y a la question cruciale – en termes géopolitiques – du nouveau canal inter-océanique que les Chinois pourraient construire et qui constitue un véritable crachat sur le visage de ceux qui se sont emparés à nouveau du canal de Panama et l’ont saturé, une fois encore, de bases militaires prêtes à semer la mort et la destruction dans nos pays.

Je termine en rappelant une phrase sage de Fidel quand il a dit que  » la principale erreur que nous avons faite à Cuba a été de croire qu’il y avait quelqu’un qui savait comment faire une révolution « . Il n’y a pas de manuel ou de livre de recettes. Il s’agit de processus continus. Il est nécessaire de fixer nos regards non seulement sur le moment présent, sur la foudre déconcertante de la situation qui accable aujourd’hui le Venezuela, mais aussi de visualiser la direction du mouvement historique et de prendre en compte toutes ses contradictions. Ce faisant, il ne fait aucun doute que le Venezuela est au milieu d’un processus révolutionnaire convulsé qui, espérons-le, et « pour le bien de tous », comme l’a dit Martí, finira par l’emporter sur les forces de l’empire et la réaction. Notre Amérique a besoin de cette victoire. Tout effort pour faciliter un résultat aussi heureux sera bienvenu.

Atilio Boron

Article original en espagnol : ¿Hay una revolución en Venezuela? Diálogos con la izquierda europea, Le blog d’Atilio Boron, le 2 juin 2019.

Traduit par Réseau International

Il est étonnant de voir combien de fois on entend encore des gens bien informés, raisonnables par ailleurs, dire de Julian Assange : « Mais il a fui les accusations de viol en se cachant à l’ambassade de l’Equateur à Londres. »

Cette courte phrase comporte au moins trois erreurs factuelles. En fait, pour la répéter, comme tant de gens le font, il faut au moins avoir vécu sur une île déserte ces dix dernières années ou, ce qui revient à peu près au même, compter sur les grands médias pour obtenir des informations sur Assange, y compris des médias supposément progressistes tels que The Guardian et la BBC.

Ce week-end, un éditorial du Guardian – la voix officielle du journal et probablement la rubrique la plus suivie par ses cadres dirigeants – a fait une déclaration tout aussi fausse :

Il y a ensuite l’accusation de viol à laquelle M. Assange était confronté en Suède et qui l’a conduit à se réfugier à l’ambassade de l’Équateur en premier lieu.

Le fait que le Guardian, soi-disant le principal défenseur des valeurs progressistes des médias britanniques, puisse faire cette déclaration erronée après près d’une décennie de couverture sur Assange est tout simplement stupéfiant. Et qu’il puisse faire une telle déclaration quelques jours après que les Etats-Unis aient finalement admis qu’ils voulaient enfermer Assange pendant 175 ans pour de fausses accusations d’ »espionnage » – il fallait être volontairement aveugle pour ne pas comprendre que les Etats-Unis avaient l’intention de le faire depuis le début – est encore plus choquant.

Assange n’est pas accusé en Suède, pas encore, et encore moins accusé de « viol ». Comme l’a récemment expliqué l’ancien ambassadeur du Royaume-Uni Craig Murray, le Guardian a induit ses lecteurs en erreur en prétendant à tort qu’une tentative d’extradition d’Assange par une procureure suédoise – même si elle n’a pas reçu l’approbation de la justice suédoise – équivaut à son arrestation pour viol. Ce n’est pas le cas.

En outre, Assange n’a pas cherché refuge dans l’ambassade pour échapper à l’enquête suédoise. Aucun État au monde n’accorde l’asile politique à un non-ressortissant pour éviter un procès pour viol. L’asile a été accordé pour des raisons politiques. L’Équateur a accepté à juste titre les préoccupations formulées par Assange selon lesquelles les États-Unis demanderaient son extradition et l’enfermeraient à l’abri des regards pour le reste de sa vie.

Eu égard aux récents développements, l’Histoire, bien-sûr, a donné raison, une fois de plus, à Assange.

Coincés dans leur pensée grégaire

Il y a une explication très évidente pour laquelle tant de gens ordinaires continuent de commettre ces erreurs fondamentales : c’est parce que les grands médias persistent à les répéter.

Ce ne sont pas des erreurs que l’on peut expliquer par ce qu’un journaliste a décrit comme du « journalisme d’abattage » : le fait que les journalistes, à la poursuite des toutes dernières infos et travaillant dans des bureaux dégarnis par des compressions budgétaires, sont trop surmenés pour couvrir correctement leurs sujets.

Les journalistes ont eu de nombreuses années pour mettre leurs dossiers à jour. À l’ère des médias sociaux, les journalistes du Guardian et de la BBC ont été bombardés de messages par les lecteurs et les militants leur expliquant en quoi ils se trompaient sur les faits fondamentaux dans l’affaire Assange. Mais les journalistes persistent malgré tout. Ils sont coincés dans pensée grégaire totalement coupée de la réalité.

Plutôt que d’écouter les experts, ou le bon sens, ces « journalistes » continuent de régurgiter le discours de l’État sécuritaire britannique, similaire à celui de l’État sécuritaire US.

Ce qui est si frappant dans l’affaire d’Assange, c’est le nombre d’anomalies juridiques qui se sont accumulées sans cesse depuis le premier jour. Presque rien dans cette affaire ne s’est déroulé selon les règles normales d’une procédure judiciaire. Et pourtant, ce fait très révélateur n’est jamais souligné ou commenté par les grands médias. Il faut avoir un angle mort de la taille de Langley [siège de la CIA – NDT], en Virginie, pour ne pas le remarquer.

Si Assange n’avait pas dirigé Wikileaks, s’il n’avait pas embarrassé les États occidentaux les plus importants et leurs dirigeants en divulguant leurs secrets et leurs crimes, s’il n’avait pas créé une plate-forme permettant aux lanceurs d’alerte de révéler les outrages commis par l’establishment occidental, s’il n’avait pas sapé le contrôle exercé par cet establishment sur la diffusion de l’information, ces dix dernières années se seraient déroulées de manière bien différente.

Si Assange ne nous avait pas fourni une révolution de l’information qui sape la matrice narrative créée pour servir l’État sécuritaire US, deux Suédoises – mécontentes de la sexualité d’Assange – auraient obtenu exactement ce qu’elles demandaient dans leurs déclarations : la pression des autorités suédoises pour lui faire passer un test de dépistage du Sida [ce qu’il fit, volontairement – NdT], pour avoir l’esprit tranquille.

Il aurait été autorisé à retourner au Royaume-Uni (comme le procureur suédois l’avait d’ailleurs autorisé à le faire) et aurait poursuivi le développement et le perfectionnement du projet Wikileaks. Cela nous aurait tous aidés à prendre conscience de manière plus aiguë de la manière dont nous sommes manipulés – non seulement par nos services de sécurité, mais aussi par les grand médias qui agissent souvent comme leur porte-parole.

C’est précisément la raison pour laquelle cela ne s’est pas produit et pourquoi Assange est sous une forme ou une autre en détention depuis 2010. Depuis lors, sa capacité à jouer son rôle de dénonciateur de crimes d’État en série de haut niveau a été de plus en plus entravée, au point qu’il ne sera peut-être plus jamais capable de superviser et diriger Wikileaks.

Sa situation actuelle – enfermé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, à l’isolement et privé d’accès à un ordinateur et de tout contact significatif avec le monde extérieur – repose jusqu’à présent uniquement sur le fait qu’il a commis une infraction mineure en violant les conditions de sa liberté surveillée. Une telle violation, commise par quelqu’un d’autre, ne donne presque jamais lieu à des poursuites et encore moins à une longue peine d’emprisonnement.

Voici donc une liste, loin d’être exhaustive, de certaines des anomalies les plus flagrantes des problèmes juridiques rencontrés par Assange – liste alimentée par les recherches de John Pilger, Craig Murray et Caitlin Johnstone, et le travail d’enquête original de la journaliste italienne Stefania Maurizi. Il y en a 17. Chacune, prise individuellement, aurait pu être concevable. Mais ensemble, elles constituent une preuve accablante qu’il n’a jamais été question d’appliquer la loi. Dès le début, Assange a été confronté à une persécution politique.

Aucune autorité judiciaire

  • A la fin de l’été 2010, aucune des deux Suédoises n’a accusé Assange de les avoir violées lorsqu’elles firent leurs déclarations à la police. Elles se rendirent ensemble au poste de police après avoir appris qu’Assange avait couché avec elles à quelques jours d’intervalle et voulaient l’obliger à passer un test de dépistage du Sida. Une des femmes, SW, refusa de signer la déclaration de la police lorsqu’elle a compris que la police cherchait à obtenir un acte d’accusation pour viol. L’enquête relative à la deuxième femme, AA, portait sur une agression sexuelle propre à la Suède. On a découvert qu’un préservatif produit par AA que, selon elle, Assange avait déchiré pendant les rapports sexuels, ne contenait ni son ADN ni celui d’Assange, ce qui nuit à sa crédibilité.
  • Les médias suédois ont violé les lois suédoises strictes qui protègent les suspects pendant les enquêtes préliminaires en qualifiant Assange de violeur. En réponse, la procureure générale de Stockholm, Eva Finne, prit en charge l’enquête et l’a rapidement clos : « Je ne crois pas qu’il y ait de raison de suspecter qu’il a commis un viol. » Elle a conclu plus tard : « Il n’y a aucun soupçon de crime. »
  • L’affaire fut relancée par une autre procureure, Marianne Ny, bien qu’elle n’ait jamais interrogé Assange. Ce dernier passa plus d’un mois en Suède en attendant l’évolution de l’affaire, mais les procureurs lui ont ensuite dit qu’il était libre de partir pour le Royaume-Uni, laissant entendre que les soupçons à son encontre n’étaient pas considérés comme suffisamment graves pour le détenir en Suède. Néanmoins, peu après, Interpol émit une alerte rouge – généralement réserveé aux terroristes et aux criminels dangereux – contre Assange,.
  • La Cour suprême du Royaume-Uni approuva une extradition vers la Suède sur la base d’un mandat d’arrêt européen (MAE) en 2010, bien que le mandat n’avait pas été signé par une « autorité judiciaire », mais seulement par la procureure suédoise. Peu après l’arrestation d’Assange, les termes de l’accord MAE furent modifiés par le gouvernement britannique pour faire en sorte qu’un tel abus de procédure judiciaire ne se reproduisent plus.
  • La Cour suprême du Royaume-Uni approuva également l’extradition d’Assange, même si les autorités suédoises refusaient d’assurer qu’il ne serait pas extradé vers les États-Unis, où un grand jury préparait déjà des accusations draconiennes en secret contre lui en vertu du « Espionage Act ». De même, les États-Unis refusaient de donner l’assurance qu’ils ne demanderaient pas son extradition.
  • Après que la procureure Marianne Ny ait bloqué la possibilité pour Assange de faire appel devant la Cour européenne des droits de l’homme, Assange se réfugia à l’ambassade de l’Équateur à Londres à l’été 2012, pour demander l’asile politique.
  • Non seulement l’Australie a refusé toute aide à Assange, un citoyen, pendant sa longue épreuve, mais le premier ministre Julia Gillard a même menacé de lui retirer sa citoyenneté, jusqu’à ce qu’on lui fasse remarquer qu’il serait illégal pour l’Australie de le faire.
  • La Grande-Bretagne, quant à elle, a non seulement encerclé l’ambassade d’une importante force de police aux frais de l’État, mais William Hague, ministre des Affaires étrangères, menaça de déchirer la Convention de Vienne et de violer le territoire diplomatique de l’Équateur en envoyant la police britannique à l’ambassade pour arrêter Assange.

Un affaire qu’on a volontairement laissé traîner pendant six années

  • Bien qu’Assange faisait toujours officiellement l’objet d’une enquête, Ny refusait de se rendre à Londres pour l’interroger, alors que des entretiens similaires ont été menés 44 fois au Royaume-Uni par des procureurs suédois pendant la période où Assange s’est vu refuser ce droit.
  • En 2016, des experts juridiques internationaux du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, qui décide si les gouvernements se sont conformés à leurs obligations en matière de droits de l’homme, jugèrent que M. Assange était détenu illégalement par la Grande-Bretagne et la Suède. Bien que les deux pays participèrent à l’enquête de l’ONU et qu’ils aient déjà appuyé le tribunal lorsque d’autres pays étaient reconnus coupables de violations des droits de la personne, ils ont constamment ignoré sa décision en faveur d’Assange. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Phillip Hammond, a menti en affirmant que le panel de l’ONU était « composé de gens ordinaires et non de juristes ». Le tribunal est composé d’experts de premier plan en droit international, comme il ressort clairement de leur curriculum vitae. Néanmoins, le mensonge est devenu la réponse officielle de la Grande-Bretagne à la décision de l’ONU. Les médias britanniques n’ont pas fait mieux. Un éditorial du Guardian rejeta le verdict comme n’étant rien de plus qu’un « coup de pub ».
  • Ny accepta finalement qu’Assange soit interviewé en novembre 2016, avec un procureur suédois envoyé à Londres après six années d’atermoiements. Cependant, la présence de l’avocat suédois d’Assange fut refusé. Ny elle-même devait être interrogée par un juge de Stockholm en mai 2017 au sujet de l’interview, mais elle décida de clore le jour même son enquête sur Assange.
  • En fait, la correspondance qui fut révélée plus tard dans le cadre d’une demande d’accès à l’information – effectuée par la journaliste d’investigation italienne Stefania Maurizi – montre que le parquet britannique avait fait pression sur la procureure suédoise pour qu’elle ne se rende pas à Londres pour interroger Assange en 2010 et 2011, créant ainsi une impasse.
  • De plus, le parquet britannique, pour esquiver les demandes d’accès à l’information, avait détruit la plupart de la correspondance. Les courriels retrouvés ne l’ont été que parce que certaines copies avaient été accidentellement oubliées lors de la destruction. Ces copies étaient déjà assez gênants. Elles montrent qu’en 2013, la Suède voulait abandonner les poursuites contre Assange, mais qu’elle avait subi de fortes pressions de la part des Britanniques pour continuer à faire semblant de demander son extradition. Il y a des courriels du parquet qui disent : « Ne vous avisez pas » d’abandonner l’affaire, et le plus révélateur de tous : « Ne croyez pas que cette affaire soit traitée comme une simple extradition de plus ».
  • Malgré son entrevue avec un procureur suédois à la fin de 2016, M. Assange n’a pas été inculpé par contumace par la suite – une option que la Suède aurait pu prendre si elle avait pensé que les preuves étaient suffisamment solides.
  • Après l’abandon par la Suède de l’enquête contre Assange, ses avocats ont cherché l’année dernière à faire annuler le mandat d’arrêt britannique émis pour violation de sa liberté sous caution. Ils avaient de bonnes raisons de le faire, à la fois parce que les allégations pour lesquelles il avait été libéré sous caution avaient été abandonnées par la Suède et parce qu’il avait des raisons valables de demander l’asile étant donné l’intérêt évident des États-Unis à l’extrader et à l’enfermer à vie pour des crimes politiques. Ses avocats pouvaient également soutenir de façon convaincante que le temps qu’il avait passé en détention, d’abord en résidence surveillée, puis à l’ambassade, était plus qu’équivalent au temps qu’il aurait du accomplir suite à l’infraction de sa liberté surveillée. Cependant, la juge, Emma Arbuthnot, rejeta les solides arguments juridiques de l’équipe Assange. Elle n’était guère une juge impartiale. En fait, dans un monde bien ordonné, elle aurait dû se récuser, puisqu’elle est l’épouse d’un dirigeant du gouvernement qui était également partenaire d’affaires d’un ancien chef du MI6, la version britannique de la CIA.
  • Les droits d’Assange furent de nouveau violés de manière flagrante la semaine dernière, avec la collusion de l’Équateur et du Royaume-Uni, lorsque les procureurs US furent autorisés à saisir les affaires personnelles d’Assange à l’ambassade alors que ses avocats et les fonctionnaires des Nations unies se virent refuser le droit d’être présents.

L’ère sombre de l’information

Même aujourd’hui, alors que les Etats-Unis préparent leur dossier pour enfermer Assange pour le reste de sa vie, la plupart des gens refusent toujours de faire le lien. Chelsea Manning a été emprisonnée à plusieurs reprises et fait face à des amendes ruineuses chaque jour où elle refuse de témoigner contre Assange alors que les États-Unis cherchent désespérément à soutenir leurs fausses accusations d’espionnage. Au Moyen-age, les autorités étaient plus honnêtes : elles se contentaient de torturer.

En 2017, alors que les médias prétendaient encore qu’Assange fuyait la « justice » suédoise, John Pilger déclara :

En 2008, un document secret du Pentagone préparé par la « Cyber Counterintelligence Assessments Branch » présenta un plan détaillé pour discréditer WikiLeaks et salir personnellement Assange. La « mission » était de détruire la « confiance » qui était le « centre de gravité » de WikiLeaks. Ce qui serait réalisé par des menaces d’ »poursuites pénales ». L’objectif était de réduire au silence et de criminaliser une source aussi imprévisible de vérité. » …

Selon les câbles diplomatiques australiens, la tentative de Washington de mettre la main sur Assange est « sans précédent par son ampleur et sa nature ». …

Le ministère US de la Justice a inventé des accusations d’ »espionnage », de « conspiration en vue de commettre des actes d’espionnage », de « vol de biens publics », de « fraude et abus informatiques » (piratage informatique) et de « conspiration » en général. La loi sur l’espionnage, qui visait à dissuader les pacifistes et les objecteurs de conscience pendant la Première Guerre mondiale, prévoit l’emprisonnement à vie et la peine de mort. …

En 2015, un tribunal fédéral de Washington bloqua la divulgation de toutes les informations relatives à l’enquête de « sécurité nationale » contre WikiLeaks, parce qu’elle était « active et en cours » et que cela nuirait « aux poursuites en cours » contre Assange. La juge, Barbara J. Rothstein, déclara qu’il était nécessaire de faire preuve de « déférence appropriée à l’égard de l’exécutif en matière de sécurité nationale ». C’est un tribunal fantoche.

L’ensemble de ces informations était à la disposition de tout journaliste ou journal qui souhaitait les chercher et les faire connaître. Pourtant, aucun grand média – à l’exception de Stefania Maurizi – ne l’a fait au cours des neuf dernières années. Au lieu de cela, ils ont diffusé une série de récits grotesques de l’État américain et britannique conçus pour maintenir Assange derrière les barreaux et nous propulser dans l’ère sombre de l’information.

Jonathan Cook

 

 

Article original en anglais :

Endless Procedural Abuses Show Julian Assange Case Was Never About Law, publié en anglais le 29 mai 2019.

Traduction par VD pour le Grand Soir.

Note du traducteur : « Si la presse ne fait pas son boulot, on essayera de la faire modestement à sa place » 

Note de l’auteur: Toute cette information était à la disposition de tout journaliste ou journal soucieux de la rechercher et de le publier. Et pourtant, aucun média d’entreprise ne l’a fait au cours des neuf dernières années. Au lieu de cela, ils ont couvert une série de récits insensés des États-Unis et du Royaume-Uni, conçus pour maintenir Assange derrière les barreaux et propulser le reste d’entre nous dans le noir de l’information.

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Les premiers commentaires chinois concernant le résultat des élections générales en Inde ont été publiés. Le moment est important, car le décompte des voix n’a pas encore eu lieu en Inde. Cependant, les commentaires ont présumé que le résultat ne pouvait pas être contraire à la tendance indiquée par les sondages à la sortie des urnes, à savoir que le Premier ministre Modi se voit confier un mandat renouvelé pour présider un nouveau gouvernement.

Cette présomption est globalement conforme aux estimations des commentateurs chinois des dernières semaines et des derniers mois. Ces derniers n’ont pas ménagé leur enthousiasme pour le gouvernement Modi. Contrairement à l’opinion répandue parmi les Indiens selon laquelle le gouvernement Modi a montré une inclination pro-américaine en politique étrangère, l’opinion chinoise – et russe – s’est montrée globalement favorable à la politique indienne au cours des cinq dernières années.

La Chine n’a pas été particulièrement troublée par le fait que l’Inde a renforcé ses relations avec les États-Unis ou que son non-alignement est en grand danger. Cette opinion a été renforcée après le sommet informel de Modi avec le président chinois Xi Jinping en avril à Wuhan et avec le président russe Vladimir Poutine un mois plus tard à Sochi. On peut raisonnablement considérer que Xi et Poutine ont côtoyé Modi de très près, intimement, et ont décidé de faire affaire avec lui, même dans les nouvelles conditions de la guerre froide.

En fait, dans un geste extraordinaire de camaraderie, le Kremlin a annoncé la décision de conférer à Modi le prix national le plus prestigieux de Russie, après le début des élections indiennes.

Un commentaire de l’Observer dans le journal du parti communiste chinois Global Times du 20 mai révèle de manière éloquente le soulagement de savoir que Modi sera à la barre des affaires à Delhi à un moment critique de la géopolitique dans la région. Les extraits suivants sont intéressants :

1. « La réélection de Modi stabilisera et améliorera davantage les relations sino-indiennes. Pendant le mandat de Modi, les relations entre l’Inde et la Chine ont témoigné d’une tendance au développement soutenu. La rencontre entre le président Xi Jinping et Modi en 2018 a ouvert un nouveau chapitre pour les relations bilatérales des deux pays et jeté les bases des relations futures. »

2. Certes, les actions de Modi ont également suscité la controverse en Chine – comme sa bonhomie initiale avec la direction tibétaine basée à Dharamsala, ses trois visites à l’État du Arunachal Pradesh ou la montée du nationalisme hindou qui « restreignait en quelque sorte la politique de Modi à l’égard de la Chine ». Mais c’étaient là des actes en direction de la politique intérieure de l’Inde dans le but de « rallier du soutien » au parti Bharatiya Janata, alors que « de manière générale, la politique de Modi était saine ».

3. « Modi a séparé les conflits politiques de la coopération économique, un geste judicieux qui produit des résultats réciproques pour les deux pays – Inde et Chine. Modi sait que les relations tendues avec la Chine ne vont pas dans le sens des intérêts de l’Inde. »

4. « L’Inde a rejoint la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures bien que les États-Unis et le Japon s’y soient fermement opposés… L’Inde a maintenu sa politique de non-alignement et n’a pas ajusté ses politiques chinoises conformément à la stratégie de Washington pour Beijing. Ce sont toutes des réalisations diplomatiques positives de l’administration Modi. »

5. À l’avenir, « Ces politiques se poursuivront si Modi est réélu… La réélection de Modi est bénéfique pour la continuité de ses politiques à l’égard de la Chine et la confiance mutuelle des deux pays ».

6. « Le conflit entre l’Inde et le Pakistan est un facteur important qui influence les relations entre la Chine et l’Inde. La Chine encourage toujours les deux pays à établir une confiance réciproque par le biais d’une coopération dans les domaines du commerce, de l’économie, de la lutte contre le terrorisme et dans d’autres domaines. Comme le Pakistan et l’Inde sont tous deux membres de l‘Organisation de coopération de Shanghai, ils auront davantage de coopération dans ce cadre ».

WuhanLe Premier ministre Narendra Modi et le président chinois Xi Jinping lors du sommet informel à Wuhan, Chine, en avril 2019

Le commentaire se félicite de la tendance récente, selon laquelle le déficit de l’Inde dans les échanges commerciaux bilatéraux se réduit progressivement. Et il envisage que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine « offre plus de probabilité… que la Chine se tourne vers l’Inde lorsqu’elle cherche un substitut aux importations ». Les produits pharmaceutiques et les logiciels informatiques sont des domaines particulièrement prometteurs. De même, le commentaire est optimiste quant à la possibilité que l’Inde envisage de nouveau les projets Belt and Road [Nouvelle Route de la Soie] en Asie du Sud.

Les commentateurs chinois ont toujours salué Modi en tant que « réformateur » qui entraîne l’Inde sur la voie de la modernisation et de la croissance rapide. Selon eux, Modi est loin d’être dogmatique en matière de politique étrangère, il est ouvert au développement de la coopération avec la Chine, conscient des avantages qu’une telle coopération peut apporter pour faire avancer son programme de développement.

Sur le plan stratégique, la Chine ne craint pas ouvertement que, sous la direction de Modi, l’Inde continue à étendre son soi-disant « partenariat clé » avec les États-Unis. Mais la « ligne rouge » sera l’autonomie stratégique de l’Inde, qui, dans le contexte Indo-Pacifique, se réduit au fait que Modi place ses chariots en cercle  face aux stratégies régionales de Trump. Dans l’évaluation chinoise, Washington souhaite ardemment attirer l’Inde dans son mouvement, mais Modi a agi intelligemment en prenant toutes les bonnes choses venant des grandes puissances sans rien perdre de ce qui pourrait nuire à la liberté de pensée et d’action de l’Inde.

Curieusement, la Russie partage également le point de vue chinois. Nous ignorons dans quelle mesure les politiques indiennes ont figuré dans les discours sino-russes – et nous risquons de ne jamais le savoir. Mais l’Inde étant un « État pivot » dans la situation mondiale actuelle, ses politiques ont un impact sur le processus d’intégration eurasienne, qui est au cœur des stratégies russe et chinoise. Il est donc tout à fait concevable que Moscou ait joué un rôle important en coulisses pour obtenir la suppression du blocage chinois sur le dénouement de l’affaire Masood Azhar.

Sans aucun doute, le règlement de la controverse sur Azhar dans la litanie des discordes entre l’Inde et la Chine est un moment décisif dans la trajectoire des relations entre les deux pays. Il est concevable qu’une période de diplomatie créative s’annonce alors que la Chine assume la présidence du Financial Action Task Force (GAFI) pour la prochaine année, à compter de juillet – Xiangmin Liu, actuellement directeur général du département juridique de la Banque centrale de Chine et en même temps vice-président du GAFI, prend le relais de la présidence, pour un mandat d’un an, des mains de l’Américain Marshall Billingslea à la réunion du groupe d’Orlando, en Floride.

Entre l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et le GAFI, une réflexion dialectique pourrait aboutir à un règlement raisonnable du problème apparemment contradictoire et insoluble du terrorisme dans les relations indo-pakistanaises. C’est là que la position unique de la Chine pour promouvoir la réconciliation entre en jeu. La réunion plénière du GAFI revêt une importance vitale pour le Pakistan, car il sera décidé si le pays doit être retiré de la « liste grise » [du terrorisme] ou maintenu sur cette liste en raison d’éventuelles lacunes résiduelles. Bien entendu, cela pèsera beaucoup pour améliorer la réputation du Pakistan vis-à-vis des prêteurs multilatéraux tels que le FMI, la Banque mondiale, la BAD, etc., ainsi que sur la notation du risque par des agences telles que Moody’s, S & P et Fitch. Islamabad attache une grande importance à la décision du GAFI.

De manière significative, Sushma Swaraj participe à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OCS à Bichkek le 20 mai. Swaraj rencontrera certainement ses homologues chinois et pakistanais à Bichkek. La réunion au sommet de l’OCS doit avoir lieu les 13 et 14 juin. Autant dire que si la Chine réussit à trancher le nœud gordien du terrorisme dans les relations indo-pakistanaises, une nouvelle perspective s’ouvre dans les relations sino-indiennes et nous verrons peut-être une nouvelle ère dans la politique de la région.

De toute évidence, la Chine est consciente que le triangle Chine-Pakistan-Inde est à un point d’inflexion. Ma Jiali, chercheur principal à l’Institute of Contemporary International Relations, a été cité dans un article paru hier dans Global Times : « La présence croissante des États-Unis aura une influence limitée sur l’ensemble des relations sino-indiennes » et dans le domaine de la sécurité régionale, il a souligné que la Chine continuerait à jouer un rôle de médiation dans les relations indo-pakistanaises. Ma a ajouté que la Chine accordait une grande importance à ses relations avec l’Inde et le Pakistan. La Chine poursuivra ses relations avec le Pakistan et accordera une grande importance aux préoccupations de l’Inde.

M.K. Bhadrakumar

 

Article original en anglais : China hails Modi victory. This is why., Indian Punchline, le 21 mai 2019.

Traduit par jj, relu par San pour le Saker Francophone

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Alors que le président américain Donald Trump arrivait en Grande-Bretagne lundi pour une visite d’État et les célébrations du 75e anniversaire du débarquement de Normandie durant la Seconde Guerre mondiale, la presse espagnole faisait état de nouvelles menaces américaines contre le projet de construction d’une armée européenne.

Un conflit acerbe entre Washington et ses alliés impérialistes européens au sujet du plan d’une armée européenne avait déjà éclaté le mois dernier. Le 13 mai, le quotidien espagnol El Pais relatait que le Pentagone avait écrit à Federica Mogherini, la responsable de la politique étrangère de l’UE et averti que ce plan endommagerait les relations entre les États-Unis et l’UE. Selon l’Institut international d’études stratégiques de Londres, l’Europe pourrait dépenser 110 milliards de dollars en forces navales et 357 milliards en forces terrestres dans le cadre d’un renforcement militaire massif si Washington se retirait de l’OTAN.

Dimanche soir, El Pais publia un autre article citant les procès-verbaux d’une réunion «explosive» du 22 mai entre des responsables de la sécurité de l’UE non identifiés et le sous-secrétaire d’État adjoint américain aux affaires européennes et eurasiatiques, Michael Murphy. Selon le journal, Murphy a lancé «un ultimatum à l’Europe pour rectifier ses plans de défense».

Murphy a apparemment menacé l’UE et dit que si elle ne changeait pas ses projets militaires pour permettre aux entreprises américaines de défense de participer aux appels d’offres de l’UE, les États-Unis pourraient ne pas défendre l’UE contre une hypothétique attaque russe. Cela contrevient à l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique qui dit que l’OTAN doit répondre collectivement à toute agression militaire contre un État membre.

Dans son discours du 22 mai à Washington, Murphy s’en est pris au Fonds européen de défense (FED) et au PESCO (Coopération structurée permanente, le nom bureaucratique de l’armée européenne). «Si le libellé de la législation sur le FED et les lignes directrices du PESCO ne changent pas », a déclaré Murphy, l’UE «devra alors faire un choix. Soit elle renonce à utiliser les meilleures technologies existantes, soit elle devra développer les siennes».

Murphy a accusé sans ambages les puissances de l’UE d’avoir induit Washington en erreur sur la nature du plan PESCO. «L’UE et beaucoup de ses gouvernements ont présenté des initiatives européennes de défense dans le cadre d’une politique de sécurité européenne, et nous vous avons cru» a-t-il dit. Il ajouta toutefois, «Certains d’entre vous du moins développent une politique industrielle sous couvert d’une politique de sécurité».

Dans un encadré, le journal espagnol notait l’âpre lutte entre entrepreneurs américains et européens de la défense pour le contrôle des marchés mondiaux d’armement. En 2016, les exportations d’armements des États-Unis se sont élevées à 135 milliards d’euros, un montant qui éclipse les exportations d’armements de l’UE (16 milliards d’euros). «Les États-Unis semblent craindre une répétition du phénomène d’Airbus», le géant franco-allemand de l’aérospatiale, fondé en 1969 pour concurrencer la firme américaine Boeing. Maintenant, il «s’est emparé de 50 pour cent du marché de Boeing», écrit-il.

Murphy a rejeté les arguments des responsables de l’UE selon lesquels l’armée européenne serait compatible avec l’OTAN, accusant à nouveau l’UE de mentir à Washington: «Certaines des réponses que nous avons reçues sont basées sur des informations incorrectes. Je vais être clair avec vous. Les États-Unis ne peuvent soutenir ni le FED ni PESCO s’ils évoluent comme ils semblent le faire d’après ce que les textes législatifs et réglementaires actuels indiquent clairement».

Selon El Pais, Murphy a affirmé que «l’Occident est de nouveau confronté, après la fin de la guerre froide, à des nations hostiles». L’une d’entre elle, que Murphy n’a apparemment pas nommé mais que El Pais a identifié comme étant la Russie « a une frontière physique avec l’UE et constitue une menace physique directe pour ses États membres», dit-il.

El Pais cite Murphy ainsi: «Toute crise importante en Europe nécessitera inévitablement une réponse commune avec les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et la Norvège». Si l’UE développait une industrie de défense séparée «nos armées pourraient devenir moins inter-opérationnelles et ne pourraient pas combattre ensemble» a-t-il ajouté.

C’était là d’une menace à peine voilée: la poursuite de la construction d’une armée européenne pourrait mener à une rupture totale des relations avec Washington. Résumant les commentaires de Murphy, El Pais conclut: «Les États-Unis ont dit très clairement que si le projet continuait sur sa base actuelle, l’UE devrait se défendre avec ses propres armes, ce qui mettrait l’Europe dans une position d’infériorité évidente» et ajoute, «Ses paroles constituent la plus grande menace que Washington ait faite depuis que Bruxelles a commencé à élaborer une politique de défense commune».

Ces menaces jettent une lumière crue sur la visite officielle de Donald Trump en Grande-Bretagne. Non seulement Trump a soutenu des politiciens britanniques comme Boris Johnson qui préconisent un Brexit dur et une rupture avec l’UE, il a encore pris la décision singulière de ne pas commémorer officiellement le débarquement de Normandie le 6 juin, date du débarquement des troupes américaines et britanniques en France en 1944. La commémoration internationale officielle a eu lieu le 5 juin à Portsmouth, en Grande-Bretagne, d’où partirent les navires américains et britanniques pour débarquer sur les plages normandes.

Ces décisions sont liées à des conflits géopolitiques historiques profonds entre les États-Unis et les puissances continentales européennes alors que Berlin et Paris ont pris la tête d’efforts pour construire une armée européenne indépendante. Le vote de 2016 pour le Brexit, retirant la Grande-Bretagne de l’UE, a fait que Londres ne peut plus opposer son veto aux projets d’armée européenne indépendante au nom de Washington. Aujourd’hui, la menace américaine de se débarrasser du traité de l’Atlantique reflète des rivalités commerciales et militaires entre puissances impérialistes qui ont par deux fois au XXe siècle, dégénéré en guerre mondiale.

Le fait que les conflits éclatent autour de l’armée de l’UE – qu’on veut construire avec des centaines de milliards d’euros soutirés à la classe ouvrière au moyen de l’austérité sociale et pour entreprendre des opérations sanglantes comme la guerre et l’occupation franco-allemande du Mali – souligne le caractère de classe de ces conflits. Ce sont d’âpres luttes entre puissances impérialistes rivales pour le butin à piller à l’économie mondiale, piétinant le sentiment anti-guerre croissant dans la classe ouvrière.

Alors que l’Administration Trump menace de faire la guerre à l’Iran et impose des droits de douane à la Chine dans une guerre commerciale de plus en plus intense, Washington se heurte de plus en plus aux ambitions commerciales et militaires des puissances européennes menées par l’Allemagne. Celles-ci ont critiqué les déploiements d’armes nucléaires américaines en Europe après que Washington eut annulé le Traité des Forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) avec la Russie ; elles intègrent l’entreprise chinoise Huawei dans les réseaux de télécommunications de l’UE malgré les objections américaines.

Les puissances de l’UE continuent de soutenir le traité nucléaire iranien de 2015 longtemps après que Trump l’ait mis au rebut, alors que les sociétés pétrolières, automobiles et d’ingénierie européennes cherchent à conquérir les marchés aux dépens de leur rival américain.

Les révélations d’El Pais le mois dernier avaient paru au moment où les responsables américains cherchaient à intimider les européens pour qu’ils soutiennent la campagne guerrière de Trump contre l’Iran. Ce mois-ci, son article parait au moment où la tournée outre-mer de Trump rappelle étrangement les alignements stratégiques d’il y a 75 ans – le président américain portant depuis la Grande-Bretagne, par-dessus la Manche, un regard noir sur le continent européen

Alex Lantier

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 4 juin 2019

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Dernière minute

Un conseiller du prince héritier d’Abou Dhabi incuclpé aux Etats Unis pour détention de matériel pornographique.
Coup dur pour la stratégie d’endiguement de l’Iran, un des missi dominici américain en direction de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis, Georges Nader, homme d’affaires américain d’origine libanaise, a été inculpé pour détention de matériel pornographique.

Son arrestation est intervenue le 4 juin 2019 une semaine après l’échec du triple sommet de la Mecque (islamique, arabe et Golfe), fin mai, et la décision de Benyamin Netanyahu d’organiser de nouvelles élections législatives israéliennes en septmebre, faute de pouvoir former un gouvernement. Deux echecs qui ont renvoyé aux calendes grecques le lancement de la transaction du siècle, conconctée sous l’égide de Jared Kusgner, le gendre présidentiel américain.

Agé de 60 ans, Georges Nader a été conseiller du prince héritier d’Abou Dhabi, Mohamamd Ben Zayed et son chargé de mission auprès de l’équipe de campagne présidentielle de Donald Trump, en vue d’établir un partenariat privilégié entre les Emirats arabes Unis et les Etats Unis.
L’intermédiaire libano américain avait entrepris des démarches similaires auprès d’Israël, la Russie et l’Arabie saoudite.
Georges Nader avait été entendu par Robert Mueller chargé de l’enquête sur les interérecnes russes de la campagne présidentielle américaine.
Objet d’une première interpellation en 1987, il a été arrêté le 4 juin 2019 à son arrivée à l’aéroport John F. Kennedy de New York, en vertu d’un mandat d’arrêt délivré en 2018, en raison du fait que «sur son portable, il conservait des photos de mineurs en position obscène».

BREAKING: George Nader, figure linked to Trump transition, charged with transporting child pornography https://www.washingtonpost.com/world/national-security/figure-linked-to-trump-transition-charged-with-transporting-child-pornography/2019/06/03/caee8aca-862a-11e9-98c1-e945ae5db8fb_story.html?tid=ss_tw&utm_term=.86e3ed82509c …


L’offre globale saoudienne
  • Une paix permanente au Moyen Orient.
  • Une base américaine sur la Mer Rouge
  • Instrumentalisation de la religion musulmane et du secteur de l’information dans la lutte contre l’extrémisme.

Dès l’élection de Donald Trump en Novembre 2016, une équipe saoudienne s’est envolée vers les Etats Unis. Le prince Mohamad Ben Salmane n’avait pas de temps à perdre; pressé de faire acte d’allégeance au président élu, sans attendre son entrée en fonction, en janvier 2017.

MBS était porteur d’un document secret que le journal libanais «Al Akhbar» s’est réussi à se procurer, dont les grandes lignes sont révélées ci-joint.

Riyad n’était pas l’unique capitale à chercher à s’attirer les bonnes grâces du nouveau président américain, mais l’offre saoudienne ne se limitait pas à un catalogue d’initiatives visant à renforcer la coopération saoudo-américaine.

Par son offre globale, MBS livrait en fait les clés du Royaume, dans ses deux volets internes et externes, aux mains de Donald Trump, jusqu’alors très critique à l’égard du partenariat stratégique saoudo américain, avant son élection.

Intitulé «Vision saoudienne pour un partenariat stratégique avec les Etats-Unis sur le plan politique, sécuritaire, militaire, économique et culturel», le document préconise de RENFORCER LA POSITION DES ETATS UNIS DANS SES NEGOCIATIONS AVEC LA RUSSIE EN FAISANT ALLUSION AUX MENACES AMERICAINES DE CONTRAINDRE L’ARABIE SAOUDITE D’ACCROITRE SA PRODUCTION DE PETROLE JUSQU’A HAUTEUR DE 15 MILLIONS DE BARILS PAR JOUR.

POLITIQUE : Engagement de faire usage de son influence au sein du Monde arabe et musulman en vue de satisfaire les objectifs communs, notamment l’établissement d’une paix permanente au Moyen orient et le règlement du conflit israélo-palestinien.

ECONOMIQUE: Aménagement d’une zone franche commerciale américaine sur les rivages de la Mer Rouge qui fasse office de porte d’entrée des Etats Unis vers l’Afrique et le Moyen Orient.

-Création d’un fond d’investissement commun aux pétromonarchies pour le développement de l’Afrique au capital de 50 milliards de dollars.

MILITAIRE: Aménagement d’une base militaire américaine sur la Mer Rouge. Faire pression sur le Soudan en vue de le contraindre à accepter l’installation d’une base américaine sur son territoire et œuvrer en vue de limiter la coopération militaire entre l’Egypte et la Russie et entraver l’édification d‘une base russe sur le territoire du plus grand pays arabe.

Œuvrer en vue du développement des relations entre les Etats Unis st les pays musulmans, notamment sur le plan militaire avec le Pakistan.

Riyad promet en outre d’affecter un budget de 50 milliards de dollars échelonnés sur 4 ans, dans le cadre des efforts visant à amplifier la coopération saoudo américaine en matière de défense. En sus de la contribution financière, le Royaume s’engage à mettre à la disposition du président des Etats Unis un contingent en provenance des pays arabes et musulmans, dont les effectifs se situeraient entre 34.000 à 58.000 membres provenant de 37 pays, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sous la conduite des Etats Unis. Ce contingent déjà disponible est d’ores et déjà à la disposition du président élu pour peu qu’il en fasse la demande.

Saoud Al Qahtani est passé par là

La lune de miel se déroulait en toute harmonie jusqu’au surgissement de l’affaire Jamal Khashoggi.

Une des rencontres majeures du périple américain du prince saoudien aura été son entretien avec les dirigeants du CSIS., au siège de l’institution.

Le Center for Strategic and International Studies (CSIS), basé à Washington DC est un cercle de réflexion, d’influence et de conseil américain en matière de politique étrangère, fondé en 1962 par l’amiral Arleigh Burke et l’historien David Manker Abshire, originellement dans l’enceinte de l’Université de Georgetown.

Le centre conduit des études politiques et des analyses stratégiques sur de nombreux sujets en relation avec la politique, l‘économie, la sécurité, la finance la technologie et l’énergie.

Le centre fut originellement crée dans le cadre de la Guerre froide, avec pour objectif d’encourager et renforcer un lien fort entre Européens et Américains face à l’URSS. Il compte dans son conseil d’administration Zbigniew Brzezinski (Conseiller sécurité de Jimmy Carter) et Henry Kissinger (Conseiller sécurité Richard Nixon).

MBS y rencontra Frank A. Verrastro, vice-président du CSIS et John Alterman, directeur des programmes pour le Moyen Orient. Le CSIS a fait état d’une requête de Saoud Al Qahtani.

Saoud Al Qahtani

En sa qualité de superviseur du «Centre des Etudes pour les Affaires de Communication auprès du cabinet royal», Saoud Al Qahtani était en charge de la bonification de l’image du prince hériter auprès de l’opinion internationale, particulièrement américaine.

Ce titre pompeux cachait en fait une réalité hideuse. Chef de la brigade cybernétique royale, il était chargé de traquer la messagerie hostile à MBS et au Royaume. Il passe à ce titre pour être l’ordonnateur des basses œuvres du Prince.

En collaboration avec la firme israélienne NSO, Saoud Al Qahtani avait mis au point un système de repérage et de traque des opposants saoudiens au Moyen orient et en Europe notamment au Qatar, en Turquie, en France et au Royaume Uni. Opérationnel depuis fin 2017, ce dispositif fonctionnait parallèlement au projet « Dark Matter», mis sur pied par Abou Dhabi, dès 2015, en collaboration avec d’anciens fonctionnaires de la CIA.

Le nom de Saoud Al Qahtani a été mêlé à l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul, le 2 octobre 2018.

Objet d’un mandat d’arrêt de la part de la Turquie, il sera le premier bouc émissaire de Mohamad Ben Salmane, sacrifié sur l’autel de la raison d’état pour disculper le prince héritier de sa responsabilité dans l’élimination de Jamal Khashooggi, point de départ d’un scandale médiatique mondial qui pourrait mettre à mal tout l’édifice patiemment construit par MBS pour hisser l’Arabie saoudite au rang de partenaire stratégique des Etats Unis au même rang qu’Israël.

Pour aller plus loin sur l’affaire Jamal Khashoggi, cf ces liens : https://www.madaniya.info/2018/10/10/la-dynastie-wahhabite-la-version-bedouine-des-borgia-au-21-me-siecle/

https://www.madaniya.info/2018/10/19/arabie-saoudite-jamal-khashoggi-non-un-parangon-de-la-liberte-de-la-presse-mais-un-pur-produit-de-la-matrice-wahhabite-takfiriste/

Epilogue de cette idylle: Des concessions arabes sans contrepartie israélienne

La «transaction du siècle», visant à régler a minima la question palestinienne pour solde de tout compte, repose sur un principe basique: Des concessions arabes sans contrepartie israélienne, selon le schéma imaginé par Jared Kushner, un membre actif du lobby juif américain, qui en est le maître d’œuvre, selon les révélations contenues dans l’ouvrage de la journaliste Vicky Ward «Jared Kushner and inc: Greed, ambition and corruption».

https://www.democracynow.org/2019/3/21/kushner_inc_vicky_ward_on_how

La transaction reposerait sur les principales articulations suivantes :

  • Israël conservera la totalité des terres qu’il juge nécessaire à sa sécurité.
  • La Jordanie a refusé l’idée de confédération tripartite Jordano- israélo-palestinienne de crainte que la souche bédouine de la population originelle de la Transjordanie ne soit submergée par la densité démographique palestinienne sur les deux rives du Jourdain. Le Royaume Hachémite s’est borné à réclamer une cogestion des Lieux Saints Musulmans de Jérusalem (Al Aqsa) et devrait céder une parcelle de son territoire aux Palestiniens afin de permettre l’édification d’un «état palestinien» sur le reliquat de la Cisjordanie non annexé par Israël. (NDLR Curieux procédé qui consiste à céder à la Jordanie une portion de la Palestine pour édifier un royaume hachémite à la solde d’Israël et de l’Occident, avant de rétrocéder une parcelle de la terre palestinienne spoliée aux Palestiniens, ses propriétaires originels, afin de consolider la sécurité d’Israël) .
L’Arabie Saoudite compensera à la Jordanie la portion de son territoire cédé aux Palestiniens, par une superficie équivalente du territoire du Royaume wahhabite.

Le prince héritier Mohamad Ben Salmane a proposé à Mahmoud Abbas la somme de dix milliards de dollars pour emporter l’adhésion du président de l’Autorité Palestinienne à cette transaction ainsi que l’installation d’une ambassade saoudienne à Abou Diss, la capitale de substitution à Jérusalem du futur état fantoche palestinien.

L’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis s’engagent à construire un oléoduc reliant Gaza au Royaume wahhabite ainsi qu’une raffinerie de manière à y créer des emplois et à réduire le taux de chômage élevé dans l‘enclave.

Des dizaines de milliards de dollars seront déversés par les pétromonarchies du Golfe notamment à l’Egypte et à la Jordanie, les deux autres pays arabes parties prenantes à la transaction en vue de relancer leur économie.

Un sommet économique devrait se tenir le 25 et 26 juin 2019, à Manama, point d’ancrage de la V me flotte américaine dans la zone Golfe Océan indien, en vue de dégager la voie à l’aide économique des pétromonarchies aux Palestiniens en compensation de la perte de leur identité et de leur souveraineté.

GAZA

L’Egypte a refusé de céder une portion du Sinaï à l’état palestinien croupion en vue d’élargir la superficie l’enclave palestinienne de Gaza pour la rendre viable. L’Egypte a donné à savoir qu’elle n’était pas disposée à s’encombrer des Frères Musulmans Palestiniens, majoritaires sous le Hamas à Gaza, alors qu’elle menait un combat sans répit contre les Frères Musulmans égyptiens.

Sur les suggestions du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Donald Trump a accepté que la transaction du siècle ne soit pas sous le parrainage exclusive de l‘Arabie saoudite, discréditée depuis l’affaire Khashoggi, mais qu’elle soit coparrainée par le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi, afin de la rendre acceptable par la grande majorité des états sunnites arabes.

Pour une étude plus détaillée de la «Transaction du siècle», cf à ce propos l’analyse de l’influent journaliste Abdel Bari Atwane.

https://www.madaniya.info/2019/02/01/palestine-la-transaction-du-siecle-a-l-oeuvre/

Au début du XX me siècle, Abdel Aziz, fondateur du Royaume wahhabite, à l‘époque sultan du Najd, avait renoncé à la Palestine la cédant aux Juifs pour prix de son accession au trône. Un siècle plus tard, son fils et lointain successeur, le Roi Salmane en tandem avec son fils le prince héritier Mohamad Ben Salmane, bradait la question palestinienne pour solde de tout compte à leurs turpitudes: le Roi pour son rôle de collecteur de fonds du djihad afghan et du terrorisme islamique, son héritier, pour son rôle d’exterminateur de l’opposition saoudienne, glanant au passage l’un comme l’autre le qualificatif de porte étendard de l’«Islam des Lumières».

Auteur de deux plans de paix du conflit israélo-arabe, le chef de file du Monde sunnite n’a jamais pu freiner la colonisation de la Palestine, en dépit de toutes les prosternations du meilleur allié des Etats Unis dans le Monde arabe. La dynastie wahhabite mérite à ce titre la «laisse d’or de la servilité». Pour la postérité.

La dynastie wahhabite et le bradage de la Palestine https://www.madaniya.info/2017/12/06/la-dynastie-wahhabite-et-le-bradage-de-la-palestine-1-2/

As Charq al Awsat, le journal du Roi Salmane, le plus grand collecteur de fonds du djihad Afghan

https://www.madaniya.info/2016/03/08/salmane-israel-2-3-moujtahed-acte-3/

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Cette interview d’Eric Toussaint a été réalisée par Wilder Pérez Varona, sous-directeur scientifique de l’Institut de Philosophie de La Havane pendant la conférence internationale dédiée à Trotsky qui s’est déroulée pendant trois jours dans la capitale de Cuba du 6 au 8 mai 2019. Une quarantaine d’invités étrangers parmi lesquels Robert Brenner, Suzi Weissman, Paul Le Blanc, Dan La Botz, Gabriela Pérez Noriega, directrice du Musée Léon Trotsky à Mexico, Eric Toussaint, Gabriel Garcia y ont présenté des contributions, de même qu’une douzaine d’intervenants cubains. Cette interview porte principalement sur le sens de la lutte anti bureaucratique.

Wilder Pérez Varona (WPV) : Avant 1917 le thème de la transition socialiste est une chose : depuis la Révolution de 1848, le Commune de Paris (qui est un épisode fondamental, mais de caractère éphémère) il s’est trouvé toujours limité au mieux à des questions de théorie, de principes, d’hypothèse (nous savons que Marx et Engels étaient réticents à en donner des descriptions détaillées). La Révolution de 1917 a posé cette problématique de la transition dans d’autres termes, sur un autre plan ; sur un plan qui revêt des éléments pratiques fondamentaux. L’un d’eux se rapporte au thème de la bureaucratie qui est apparu progressivement tout au long des années 1920. Comment définissez-vous cette fonction de la bureaucratie en lui donnant un rôle en tant qu’acteur éminent, au niveau de la triade classique : classe ouvrière / paysannerie / bourgeoisie ? Pourquoi lui attribuer une place aussi importante ? J’aimerais aussi que vous vous expliquiez sur sa caractérisation comme « classe ». Vous êtes très réticent à considérer la bureaucratie comme une classe, alors que d’autres auteurs n’hésitent pas à le faire.

Eric Toussaint (ET) : Effectivement, l’expérience de la Révolution Russe et ensuite de l’Union Soviétique est pour ainsi dire la deuxième expérience de tentative de prendre le pouvoir pour engager une transition de rupture avec le capitalisme. La première est celle de la Commune de Paris, qui a duré trois mois en 1871, limitée géographiquement à Paris proprement dit, isolée du reste de la France et confrontée à ses agresseurs. Il est donc clair que les révolutionnaires comme Lénine, Trotsky et les autres dirigeants du Parti Bolchevique n’avaient pas de point de comparaison et concevaient le problème de la transition, comme je l’ai exposé dans ma communication[1] dans une relation triangulaire, le prolétariat et la paysannerie devant s’allier pour mettre en échec la bourgeoisie, et résister à l’agression impérialiste après la prise du pouvoir.

La question de la survivance et du poids de l’appareil d’État tsariste, de sa bureaucratie, et par là-même de la lutte contre la bureaucratie et le bureaucratisme était plutôt conçue au départ comme un legs du passé, un héritage du tsarisme. Avec le développement de la phase de transition, dès les premières années, Lénine aussi bien que Trotsky et d’autres, se sont trouvés confrontés à un problème nouveau et ils ont dû commencer à l’analyser et  à le cerner. Lénine n’a pas pu élaborer, à proprement parler, une théorie de la bureaucratie  avant sa mort en janvier 1924, mais ce qui est absolument certain c’est que Lénine a dénoncé la déformation bureaucratique de l’État ouvrier en construction, à l’occasion d’interventions extrêmement claires et catégoriques. Déjà lors de la discussion sur les syndicats en 1920-1921, il a affirmé que l’État ouvrier dirigé par le Parti Bolchevique avait des déformations bureaucratiques et que, de ce fait, les ouvriers et leurs syndicats devaient garder un certain degré d’indépendance vis-à-vis de l’État ouvrier bureaucratiquement déformé. Cela me paraît très important.

Un autre aspect de la position de Lénine fin 1922 et début 1923 se trouve dans sa critique d’une institution créée par le gouvernement lui-même, l’Inspection Ouvrière et  Paysanne, dont Lénine dit qu’elle est censée servir à la lutte contre le bureaucratisme et que chaque citoyen (prolétaire ou paysan) doit pouvoir s’y présenter pour dénoncer des comportements bureaucratiques, mais qu’elle est elle-même totalement bureaucratisée. Et cet organisme qui comptait douze mille fonctionnaires était dirigé par Joseph Staline. Lénine propose de le réformer complètement car l’IOP qui était supposée lutter contre le bureaucratisme contribuait en réalité au développement de l’emprise de celle-ci. Cela a aggravé le problème auquel l’État ouvrier bureaucratiquement déformé devait déjà faire face. Il faut également relever, parce que c’est peu connu, que Staline a fait tout son possible pour faire disparaître et empêcher même que soient connues les lettres de Lénine qui affirmaient qu’il fallait relever Staline de sa charge de Secrétaire général du Parti.

Voilà pour ce qui concerne Lénine. Dans mon exposé j’ai expliqué ensuite que le problème de la transition au socialisme ne se limite pas au triangle bourgeoisie / prolétariat /paysannerie, et qu’intervient un quatrième acteur, la bureaucratie.  La bureaucratie n’est pas seulement un héritage du passé, du passé tsariste pour ce qui concerne la Russie, elle se développe aussi au sein même du processus de transition et se consolide en tant qu’acteur qui prend progressivement confiance de ses intérêts propres.  Ses intérêts ont commencé à s’éloigner de ceux  du prolétariat aussi bien que de la paysannerie et même, d’une certaine manière de la bourgeoisie, dans le sens où la bureaucratie n’avait pas pour objectif conscient la restauration du capitalisme et du pouvoir de la bourgeoisie. Je dirais que la bureaucratie n’était pas favorable à la restauration du capitalisme et qu’elle défendait ses propres intérêts ; en l’occurrence, ses intérêts étaient de s’assurer le monopole du pouvoir politique et, en s’appuyant sur l’appareil d’État, de diriger et orienter le processus. D’une certaine façon, il s’est agi de transformer le Parti en instrument de la bureaucratie, de transformer les syndicats en courroie de transmission du pouvoir bureaucratique vers la base, et de mettre en place un type de développement économique dans lequel ni le prolétariat ni la paysannerie ne peuvent assurer véritablement la défense de leurs intérêts, et se retrouvent bientôt (dans le cas de la Russie) exploités par la bureaucratie. La bureaucratie sous la direction de Staline a instauré non seulement un régime autoritaire mais une véritable dictature sur le peuple travailleur aussi bien dans les campagnes que dans les entreprises industrielles et dans d’autres secteurs économiques contrôlés par l’État.

Néanmoins la bureaucratie ne génère pas à proprement parler une nouvelle idéologie. Elle ne peut pas s’approprier et assumer l’idéologie de la bourgeoise alors qu’elle est censée l’affronter. Elle prend donc, en général, comme couverture idéologique et comme programme le programme « officiel » du socialisme, et parle au nom de l’approfondissement du processus de construction d’une société socialiste.  Si la bureaucratie se dotait d’une idéologie propre, cela la conduirait à s’éloigner du programme officiel de la Révolution. D’une certaine façon elle opère masquée en faveur de ses propres intérêts, et elle peut en arriver à détruire aussi bien les personnes que les organismes qui sont réellement favorables à un approfondissement du processus, à les détruire en prétendant le faire au nom de la défense du socialisme.

Au cours des années 1920, des dirigeants comme Christian Rakovsky, un révolutionnaire bolchevique de premier plan qui a écrit en 1928 « Les Dangers professionnels du Pouvoir » https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/kr28dang.htm[2], et ensuite Trotsky, ont commencé à comprendre la spécificité de la bureaucratie. Il a fallu des années pour comprendre réellement de quoi il s’agissait et c’est, en 1935, avec la rédacton de La Révolution trahie que Trotsky a abouti à une analyse complète de ce qu’était un État ouvrier bureaucratique, non seulement déformé mais dégénéré. En 1935, les liens qu’entretenait le régime de l’Union Soviétique avec la Révolution et les années qui ont suivi la prise du pouvoir se sont totalement distendus. Restait une société qui n’était plus capitaliste, il n’y avait plus de capitalistes en Union soviétique, mais la transition vers le socialisme qui exigeait la démocratie, le contrôle ouvrier, des formes d’autogestion, une création culturelle indépendante et libre, la possibilité de débats entre révolutionnaires, de débats ouverts, s’était dégradée et totalement rétractée et ces espaces n’existaient plus. C’est pourquoi Trotsky a appelé à une « révolution politique » en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une révolution sociale pour changer des rapports de propriété dans le secteur de la production, qu’il ne s’agissait pas d’une révolution de caractère anticapitaliste qui transforme les rapports sociaux. La révolution politique est une nécessité pour permettre au prolétariat, à la paysannerie, à l’ensemble des travailleurs qui produisent des richesses et au peuple en général de se réapproprier le pouvoir politique. C’est ce que signifie le concept de révolution politique. Il en découle des revendications qui sont avant tout politiques : liberté d’expression, liberté d’organisation, contrôle ouvrier, autogestion, pluralisme des partis qui respectent la constitution.

Trotsky a également ouvert la discussion sur la nécessité ou non d’étendre la révolution : à l’échelle internationale : dans quel but ? quel est le rôle de l’Internationale Communiste ? Trotsky était partisan de l’extension de la révolution à l’échelle internationale et de la révolution permanente. Il faut rappeler qu’avait été créée en 1919 une Internationale Communiste, la IIIe Internationale, dirigée alors par Lénine, Trotsky, Zinoviev, Radek (au début, Staline n’y jouait aucun rôle dirigeant et n’était pas un responsable reconnu internationalement de la politique d’extension de la révolution). C’est seulement après que Staline a réussi à exclure Trotsky du Parti Communiste en 1927 et à l’expulser du pays en 1929, qu’il a commencé à diriger seul la IIIe Internationale stalinisée et qu’il a mis cette Internationale au service des propres intérêts de la bureaucratie de l’Union soviétique, et plus du tout au service du développement réel de la révolution à l’échelle internationale.

WPV : Même si la bureaucratie ne génère pas sa propre idéologie, pourtant, en pratique (si on considère le devenir historique de ce qu’on appelle les « socialismes réellement existants »), elle a assuré la restauration capitaliste dans ces pays. Vous dites qu’en outre elle exploitait les classes ouvrière et paysanne, les producteurs en général : comment distinguer alors cette gestion et cette exploitation bureaucratiques d’une exploitation capitaliste, celle réalisée par la bureaucratie et celle réalisée par la bourgeoisie ?

ET : Cela tient au fait que pendant toute cette longue période de monopolisation du pouvoir à son profit, la bureaucratie a considéré que les conditions n’étaient pas réunies pour passer à un processus qui lui permettrait en tant que couche sociale de se transformer en une classe vouée à l’accumulation privée de richesses. Ce qui est, je pense, typique de la classe capitaliste : une accumulation privée de richesses.

Mais par ailleurs la leçon qu’apporte l’Union Soviétique, c’est que, au bout du compte, cette bureaucratie qui ne s’est pas livrée à l’édification d’un nouveau type de système, a fini par opter pour la restauration capitaliste et les bureaucrates eux-mêmes se sont transformés en capitalistes. D’une certaine façon, ils franchissent les limites liées à leur nature de couche sociale et se transforment en classe capitaliste.

En tant que bureaucrates, avant cette restauration capitaliste, ils peuvent accumuler un certain niveau de richesse, des privilèges, etc., mais ces avantages proviennent de la gestion d’une société où la grande propriété privée, la propriété capitaliste, n’existe pas ou est totalement marginale. Cette situation n’a pas d’avenir mais elle peut durer des décennies jusqu’à ce que, à un moment donné, cette couche sociale considère que le moment est venu de restaurer le capitalisme. C’est ce qui s’est produit à la fin des années 80 et au début des années 90 du siècle dernier en Union Soviétique. Je pense que cela s’est également produit en Chine à partir des réformes de Den Xiaoping à la fin des années 80, et nous avons connu également la même évolution au Vietnam.

Bien sûr, l’histoire aurait pu suivre un autre cours, si les producteurs (prolétariat, paysannerie et travailleurs intellectuels) avaient pu reprendre le pouvoir au prix d’une révolution politique, mais ce n’est pas ce qui s’est produit et ce n’était pas l’objectif de Gorbatchev. Il a préconisé la Glasnost, en faveur de la liberté du débat politique, mais dans le même temps la Perestroïka visait à introduire des réformes permettant la restauration progressive du capitalisme. C’est le grand défi d’une société de transition : comment faire face au problème de la bureaucratisation et de la consolidation de la bureaucratie en tant que couche sociale dirigeante et dominante, et d’autant plus quand le pays est isolé, et rencontre de graves difficultés pour développer sa production et son développement endogène et pour satisfaire les besoins des travailleurs.

WPV : Dans une large mesure, les réformes des années 80 ont également été menées sous le slogan de la démocratisation du socialisme bureaucratisé. Pourtant, l’histoire du rapport entre Socialisme et Démocratie a produit de nombreux conflits, de nombreuses contradictions, de nombreux malentendus…

ET : C’est une question particulièrement complexe (à Cuba vous en êtes parfaitement conscients) parce que la transition au socialisme conduit l’impérialisme à une politique d’agression qui peut prendre diverses formes. Cette politique agressive rend difficile une totale liberté d’expression dans le cadre du processus. L’agression en elle-même produit des réactions de limitation des possibilités de débat, etc. Mais il est clair qu’à un moment donné la bureaucratie utilise la menace extérieure pour imposer une restriction du débat politique parce qu’elle n’est pas intéressée à permettre que le peuple s’engage dans un tel débat politique qui pourrait fragiliser le contrôle exercé par elle sur la société.

C’est ce qui rend la question si complexe. Je crois que la nécessité de faire face à une agression extérieure, aux formes multiples, ne doit pas conduire, sous ces conditions d’agression, à limiter drastiquement la liberté d’expression, d’organisation, de manifestation, etc.

Dans ma communication, j’ai fait référence à Rosa Luxemburg qui a soutenu totalement la Révolution Bolchevique. Comme vous le savez, c’est sous les ordres de ministres sociaux-démocrates qu’elle a été assassinée en janvier 1919. Mais au cours de l’année 1918 elle a écrit plusieurs lettre aux Bolcheviques, qu’elle a rendues publiques, pour dire « camarades Lénine et Trotsky, attention aux mesures que vous prenez concernant la restriction des libertés politiques », parce que cela peut conduire à un processus qui sera fatal à la Révolution Soviétique.

Quel équilibre doit-on alors trouver pendant la période de transition ? Sur cette question il faut également rediscuter des positions de Lénine, de Trotsky et d’autres. Que s’est-il passé à Kronstadt lors de la révolte des marins dans les environs de Pétrograd ? Que s’est-il passé avec la police secrète (la Tchéka) qui avait la possibilité de se livrer à des exécutions extra-judiciaires, de procéder à l’emprisonnement d’opposants ? Et la question des syndicats ? C’est important d’être capables de revenir sur ces questions.

C’est important pour nous aussi de revenir sur ce qui s’est passé dans un pays comme Cuba. Toute la problématique des libertés dans les années 1960 à Cuba, suivie par l’accroissement de l’influence négative de la bureaucratie de l’URSS à partir, notamment, des difficultés économiques postérieures à la zafra de 1970[3], tout cela exige une analyse qui permette de tirer des leçons de l’expérience cubaine. C’est également très important.

WPV : Il faut évidemment analyser les processus dans leur contexte particulier, mais il faut aussi prendre en compte certaines contraintes dans les prérogatives qui relèvent du gouvernement révolutionnaire lui-même dans son rôle, disons, de direction et de contrôle du processus. En ce qui concerne les rapports entre Socialisme et Démocratie, vous êtes favorable à fixer les caractéristiques de la démocratie. Autrement dit, il ne s’agit pas de la Démocratie sans plus, ce n’est pas la démocratie qui a été surdéterminée par les perspectives capitalistes, mais une démocratie avec ses spécificités (démocratie socialiste, ou autre, démocratie des travailleurs).

ET : Pour moi, une des leçons de l’expérience russe est la nécessité du pluripartisme, autrement dit la possibilité qu’existent différents partis pour autant qu’ils acceptent et respectent la Constitution socialiste, ouvrière. Dans la société de transition au socialisme on ne peut pas laisser agir un parti pro-impérialiste qui en appelle à une intervention étrangère, ou s’en fasse le complice, ni le laisser s’organiser librement, recruter des adhérents et faire le lit de l’impérialisme. Mais il peut y avoir plusieurs partis qui coexistent, avec une conception différente de la transition, et le peuple doit avoir la capacité, grâce à sa formation politique et en l’approfondissant, de choisir entre les différentes options. Il faut favoriser le débat et organiser des consultations sur les décisions à prendre.

Une autre leçon qu’il est important de tirer de l’expérience des sociétés dites « du socialisme réel » du XXe siècle, c’est que, et cela me paraît fondamental, elles doivent préserver dans leur système économique un secteur important de propriété privée, la petite propriété privée. La petite propriété privée de la terre, des ateliers, des restaurants, des commerces. L’expérience soviétique qui a procédé à une étatisation pratiquement totale à un moment donné, a influencé Cuba et cela a eu des conséquences négatives sur le processus. Je me trouvais à Cuba quand a été annoncée en 1993 la possibilité de travailler en tant que petit producteur indépendant, ou encore l’ouverture des marchés libres paysans où les paysans peuvent venir vendre eux-mêmes leurs produits en ville, et cela m’a paru de bonnes mesures. Il aurait fallu maintenir cet espace en Union Soviétique, où la collectivisation forcée imposée par Staline à partir de 1929 a été un désastre, avec des conséquences catastrophiques pour l’agriculture. Il y a donc d’une part la question de la démocratie politique et, d’autre part, la question de la différences de statut des producteurs et de la petite production privée ; la petite propriété privée ou production privée doit être garantie pendant le processus.

Dans le cas de la Chine, du Vietnam et de l’Union Soviétique jusqu’à sa dislocation en 1991, puis de la Fédération de Russie, de l’Ukraine, etc., aucune limite n’a été imposée à la propriété privée et la grande propriété privée capitaliste a été restaurée. Les bureaucrates et leurs amis se sont transformés en oligarques et ont accumulé une fortune colossale en tant que nouveaux capitalistes, souvent en s’opposant de façon très agressive aux travailleurs et en volant à la collectivité nationale une grande partie de la richesse créée par les producteurs.

Le débat ne concerne donc pas seulement la démocratie mais également les réformes économiques et le contenu social des réformes économiques.

WPV : Sur la question des limites du marché, des limites de l’entreprise privée, dans ces expériences socialistes (y compris à Cuba), la discussion a souvent porté sur le rapport planification/marché. Jusqu’où l’État planificateur doit-il intervenir, fixer des limites au développement du marché ? La nécessité d’un Plan central est quelque chose d’implicite, qui n’est pas remis en cause. A ce sujet, la planification ainsi conçue n’est-elle pas aussi un des instruments les plus efficaces aux mains de la bureaucratie ?

ET : Je me souviens de discussions à Cuba sur le rôle du marché, à commencer par le débat qui s’est développé quand le Che était ministre de l’Industrie en 1963-1964[4]. Dans les années 1990, la question a de nouveau été débattue. J’ai été invité à toutes les conférences sur la globalisation financière et la mondialisation entre 1999 et 2008-2009. Fidel Castro a participé à toutes ces conférences qui réunissaient pendant 3 voir 4 jours au Palais des Congrès à La Havane de mille à mille deux cents invités cubains et étrangers. Fidel à plusieurs occasions a posé précisément cette question du rôle du marché et des limites qu’il faut lui fixer[5].

De mon point de vue, il est fondamental d’autoriser et de soutenir la petite entreprise privée, la petite production agricole, qui peut même être majoritaire tout en restant de taille modeste, s’il y a par exemple une majorité de familles paysannes qui assurent la plus grande partie de la production agricole. C’est un stimulant pour augmenter la production et atteindre la souveraineté alimentaire, et pour améliorer le niveau de vie en augmentant la production et en vendant davantage ; et c’est aussi un stimulant puissant pour améliorer la qualité, parce que le paysan sait que s’il ne fournit pas des produits de qualité il n’arrivera pas à les vendre sur le marché ou à l’Etat.

Je crois donc qu’il y a eu sur ce plan de graves erreurs dans la conduite de la politique agricole de nombreux pays dits socialistes, qui ont voulu nationaliser ou imposer des coopératives qui n’étaient pas vraiment efficaces. Pour autant je considère que la planification est fondamentale et j’ajouterai qu’elle l’est d’autant plus dans les économies modernes. Imaginons un instant une révolution socialiste en Europe ou aux États-Unis. La planification est fondamentale. Comment imaginer la lutte contre le changement climatique si on ne définit pas un plan pour en finir avec les centrales à charbon, pétrole ou gaz et les remplacer par des formes d’énergie renouvelables ? Cela exige un plan, parce que ce ne sont pas les communautés locales, les familles, qui peuvent prendre de telles décisions, parce que la production d’énergie aujourd’hui se fait à grande échelle. Néanmoins, la lutte contre le changement climatique est aussi liée au mode de production familial qui recourt à des méthodes organiques de production agricole, capables de combattre le changement climatique ou d’en limiter les effets déjà à l’œuvre.

La planification est donc essentielle. La question est de comment faire pour que le peuple, les citoyens puissent peser sur les mesures fixées dans le plan. Nous disposons aujourd’hui de nouveaux outils pour ça : Internet, la télévision, les nouveaux moyens de communication, etc. Différentes options peuvent être présentées à la population et les décisions peuvent être prises par elle en prenant en compte leurs conséquences sur les conditions de vie. Il s’agit de permettre le débat sur ces différentes options et, le moment venu, que les gens se prononcent en regard des priorités du Plan quinquennal, décennal, etc.

La leçon des expériences dites socialistes du siècle dernier, pour moi, c’est qu’il s’agissait d’une planification dirigée par des appareils bureaucratiques qui décidaient de ce qui était intéressant et imposaient leurs priorités. Il aurait fallu, au contraire, soumettre au débat différentes options. Il ne faut donc pas renoncer à la planification, mais il faut démocratiser la planification.

Nous avons besoin d’une nouvelle option socialiste, autogestionnaire, écologique, féministe. Nous devons défendre cette perspective.

WPV : Pour terminer, revenons au cadre de cette conférence, qui a offert l’opportunité de  vous interviewer : quelle importance donnez-vous à ce que se réalise à Cuba cette rencontre internationale autour de la figure de Trotsky ? Quelle importance y a-t-il pour vous de dialoguer avec Trotsky aujourd’hui ?

Je trouve cette initiative de tenir une conférence sur Trotsky très positive. C’est une conférence de nature académique, ce n’est pas une tribune pour des organisations politiques qui voudraient faire du prosélytisme, il y a d’autres lieux pour cela, mais bien un débat sur de nombreux aspects de l’élaboration, de l’apport et du combat de Léon Trotsky. Elle a permis de revenir sur la lutte de Trotsky contre la bureaucratie, la lutte pour l’extension de la révolution, la lutte pour faire face à l’agression extérieure. Trotsky, ne l’oublions pas, était le chef de l’Armée Rouge qui a réussi à mettre en échec la contre-révolution et l’agression extérieure en 1919-1920 en Russie Soviétique. Ont également été abordés dans cette conférence les apports de Trotsky sur les problèmes de la vie quotidienne, dans le domaine de la littérature, de la culture (un thème très présent), la réalité de la société soviétique dans les années 1920…

Et en quoi est-ce important qu’elle se soit tenue à Cuba ? Cuba est, pour moi, le seul pays de ceux qu’on appelait « pays socialistes » où le capitalisme n’a pas été restauré (la Corée du Nord constituant un cas à part vu la dictature qui y règne). C’est une question essentielle pour Cuba que de prendre en compte les leçons du siècle dernier, les luttes internes en Union Soviétique dans les années 1920 et 1930 d’une part, et les expériences récentes de restauration capitaliste en Russie, en Chine et dans d’autres pays, pour que les Cubains puissent définir souverainement leur voie et construire leur futur.

C’est évidemment compliqué parce que l’agression externe perdure. Il y a Trump, qui réduit le peu d’espace qui avait été ouvert pour Cuba durant le mandat d’Obama, certes limité mais qui marquait une ouverture. Avec Trump aujourd’hui, ces espaces se referment de nouveau. Les enjeux pour le peuple cubain et les défis pour le socialisme cubain sont très importants.

Internationaliste convaincu, j’ai toujours soutenu la Révolution cubaine, j’ai soutenu activement la lutte contre le blocus imposé à Cuba et je continue de le faire. Constater qu’il y a un espace à Cuba pour repenser les apports de Trotsky, l’importance qu’ils peuvent avoir dans les débats actuels à Cuba, c’est pour moi une grande joie. Parmi les participants, il y a ici des dizaines de camarades qui sont des révolutionnaires dans leurs pays respectifs, qui peuvent avoir des positions différentes, des vues différentes sur le trotskysme, évidemment, des visions différentes du marxisme, des visions différentes du léninisme, du fidélisme, du guévarisme, il n’y a pas une vision unique. Les débats sont ouverts, mais je ressens l’enthousiasme de ces camarades engagées dans la lutte depuis des décennies et qui voient dans cette initiative à Cuba un événement très positif.

 

Cette interview a été publiée en premier lieu en espagnol sur le blog cubain La Tizza le 31 mai 2019: https://medium.com/la-tiza/la-lecci%C3%B3n-de-la-uni%C3%B3n-sovi%C3%A9tica-es-que-la-burocracia-elige-la-restauraci%C3%B3n-capitalista-be801bb25126  Voir aussi : https://medium.com/la-tiza L’interview a ensuite été reproduite par les sites Rebelion.org, VientoSur, etc.

La traduction en français a été réalisée par Robert March.

 

 

Notes 

[1] La communication faite par Eric Toussaint à la conférence de La Havane s’appuyait sur Lénine et Trotsky face à la bureaucratie – Révolution russe et société de transition,  http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37007 Pour un court compte-rendu de cette conférence de La Havane voir : Les idées de Trotsky ont été débattues à Cuba, https://www.revolutionpermanente.fr/Les-idees-de-Trotsky-ont-ete-debattues-a-Cuba

[2] Deux extraits de ce texte : « Quand une classe s’est emparée du pouvoir, une certaine partie de cette classe devient l’agent de ce pouvoir. C’est ainsi qu’apparaît la bureaucratie. Dans un Etat prolétarien, où l’accumulation capitaliste est interdite aux membres du parti dirigeant, cette différenciation commence par être fonctionnelle, par la suite elle devient sociale. Je ne dis pas de classe, mais sociale. Je pense ici à la position sociale d’un communiste qui dispose d’une voiture, d’un bon appartement, de vacances régulières, et qui perçoit le salaire maximum autorisé par le parti. Sa position diffère de celle du communiste qui travaille dans les mines de charbon et qui reçoit un salaire de 50 à 60 roubles par mois (parce que ce dont nous discutons ici, c’est des ouvriers et des employés, et vous savez qu’on les a classés en dix-huit catégories différentes) » (…) « La bureaucratie des soviets et du parti constitue un phénomène d’un nouvel ordre. Il ne s’agit pas de faits isolés ou passagers, de lacunes individuelles, de défaillances dans la conduite de tel ou tel camarade, mais plutôt d’une nouvelle catégorie sociologique, à laquelle il faudrait consacrer tout un traité. » https://www.marxists.org/francais/rakovsky/works/kr28dang.htm

[3] Voir Fernando Martinez Heredia interviewé par Eric Toussaint « Du 19e au 21e siècle : une mise en perspective historique de la Révolution cubaine »  – CONTRETEMPS, https://www.contretemps.eu/martinez-heredia-revolution-cubaine/

[4] Che Guevara, El Gran Debate – Ocean Sur, https://oceansur.com/catalogo/titulos/el-gran-debate-2

[5] Voir par exemple : http://www.fidelcastro.cu/es/discursos/discurso-en-la-clausura-del-v-encuentro-sobre-globalizacion-y-problemas-del-desarrollo-en

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Le tragique décès de Kamel Eddine Fekhar a suscité beaucoup d’émoi et a fait couler beaucoup d’encre.

De nombreux articles ont été consacrés à ce triste événement et de multiples pancartes à son effigie ont été brandies lors des dernières manifestations.

Mais ce qui attire l’attention, c’est cette déclaration conjointe publiée sur le site de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH):

Déclaration conjointe

Bruxelles, 31 mai 2019

EuroMed Droits, Front Line Defenders, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), SOS DisparusCFDA (Collectif des familles de disparus en Algérie), le Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (SNAPAP)et le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) condamnent de la manière la plus ferme les mauvais traitements infligés à Kamel Eddine Fekhar lors de sa détention arbitraire, qui ont entraîné son décès le 28 mai 2019 à l’hôpital Frantz Fanon de Blida. C’est un fait d’une gravité extrême qui témoigne des conséquences de la répression de la liberté d’expression, de l’instrumentalisation de la justice, et du mépris de la vie humaine. Nos organisations présentent leurs plus sincères condoléances à sa famille. […]

Source

 

En effet, tous les organismes algériens (sans exception) qui sont mentionnés dans cette déclaration, sont ou ont été en relation avec la principale organisation étasunienne en charge de  l’exportation de la démocratie: la NED (National Endowment for Democracy)[1] .

Cliquez sur les hyperliens pour consulter les documents

Organismes Relation avec la NED
LADDH Financement:

Année

Montant ($)

2002

20 000

2004

N/A

2005

20 000

2006

40 000

2010

37 000

CFDA Financement:

Année

Montant ($)

2005

40 000

2006

43 500

2007

46 200

2009 38 200

2010

40 000

2011 40 000
2012 à 2017 ?
2018 30 000 [2]
SOS Disparus Organisme financé à travers:

RAJ Financement:

Année

Montant ($)

2011

25 000

Autre relation:

Lire cet article

SNAPAP Relation avec le Solidarity Center

(un des 4 satellites de la NED)[5]

Lettres de Kathy Feingold,

directrice du Département International

 

Autre précision: en 2011, tous ces organismes ont été membres de la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie) qui avait pour objectif de « printaniser » l’Algérie.

Simple coïncidence?

Ahmed Bensaada


Notes

[1], [3] et [5] Pour plus de détails, consultez cette référence.

[2] et [4] À travers le financement de la FEMED (Fédération Euro-Méditerranéenne Contre les Disparitions Forcées)

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Sélections d’articles :

Voie de sortie de crise au Venezuela: le référendum consultatif

Par Oscar Fortin, 03 juin 2019

La Constitution vénézuélienne a prévu aux articles 70 et 71 cette disposition  permettant au peuple de prendre la parole pour exprimer ce qu’il pense d’une situation que les pouvoirs existants n’arrivent pas à résoudre. La voix du peuple, dans cette constitution, est l’expression du pouvoir suprême auquel tous les autres pouvoirs doivent se soumettre. C’est ce que la Constitution vénézuélienne appelle la démocratie participative.

 

Venezuela – Comprendre la guerre qui vient: Constitution d’une armée parallèle

Par Romain Migus, 03 juin 2019

L’alliance civico-militaire est un des piliers de la Révolution Bolivarienne. Elle puise ses sources dans l’histoire de l’indépendance du Venezuela, et amène les forces armées à jouer un rôle primordial dans la vie politique de la Nation. Les appels du pied de l’opposition aux militaires pour tenter de renverser Hugo Chávez, puis Nicolas Maduro, ont été récurrents depuis l’avènement de la Révolution bolivarienne en 1999. L’armée est l’objet de toutes les attentions et de toutes les convoitises.

 

Mort de Kamel Fekhar: Le projet de société en question

Par Chems Eddine Chitour, 03 juin 2019

De compromis en compromis avec les forces négatives nous arrivons à la compromission. Ce qui s’est passé nous interpelle et il ne suffit pas d’une minute de silence et même d’une commission pour, dit-on faire la lumière pour passer à autre chose. Nous ne devons pas passer à autre chose avant une anamnèse de ce qui s’est passé, pourquoi cela s’est passé ?

 

Algérie – L’enjeu principal

Par Djamel Labidi, 03 juin 2019

Dans quel pays a-t-on vu des militaires réclamer avec insistance le respect de la Constitution tandis que des partis politiques de la société civile le refusent ? Où a-t-on vu des militaires demander la tenue rapide d’élections alors que des partis d’opposition s’y opposent ? Quelles sont les raisons données à ces refus et comment pourrait-on expliquer cette situation paradoxale à laquelle elles aboutissent.

 

Le bras long du groupe Bilderberg

Par Manlio Dinucci, 04 juin 2019

Trois Italiens ont été invités cette année à la réunion du groupe Bilderberg, qui s’est tenue à Montreux en Suisse du 30 mai au 2 juin. Aux côtés de Lili Gruber, l’animatrice télévisée de La7, hôte désormais permanente du Bilderberg, a été invité un autre journaliste : Stefano Feltri, directeur-adjoint du Fatto Quotidiano dirigé par Marco Travaglio. Le “troisième homme” choisi par le Bilderberg est Matteo Renzi, sénateur du Partito Democratico, ancien président du Conseil. 

 

Le bellicisme de Trump assure la vente d’armes, mais sert aussi la cause de l’Iran et des Palestiniens

Par Elijah J. Magnier, 04 juin 2019

Lorsque le groupe armé « État islamique » (Daech) occupait des pans entiers de l’Irak et de la Syrie, l’attention du Moyen-Orient et du reste du monde s’est tournée vers lui, au détriment de la cause palestinienne. Les pays touchés par l’horreur daéchienne se sont alors employés à reprendre les territoires occupés du Levant et de la Mésopotamie, en éliminant l’infrastructure du groupe terroriste et en stoppant le recrutement de combattants nationaux et étrangers.

 

Contre-analyse des dernières élections européennes

Par Daniel Vanhove, 05 juin 2019

Difficile pour toute analyse des élections européennes du dernier week-end de mai d’aborder les résultats sans tomber dans le travers d’une approche aux couleurs plus nationales que strictement européennes. A suivre les médias – presse, radio, télé – tout observateur a pu s’en rendre compte. Et le plus cocasse lors de ces élections dites ‘européennes’ en est leur interprétation par les ténors politiques eux-mêmes.

 

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Difficile pour toute analyse des élections européennes du dernier week-end de mai d’aborder les résultats sans tomber dans le travers d’une approche aux couleurs plus nationales que strictement européennes. A suivre les médias – presse, radio, télé – tout observateur a pu s’en rendre compte. Et le plus cocasse lors de ces élections dites ‘européennes’ en est leur interprétation par les ténors politiques eux-mêmes. La plupart d’entre eux se sont poussés au-devant de la scène sur base de leur politique nationale, et au soir des résultats même s’ils ont perdu des points, comme le président Macron, ils l’évaluent comme un blanc-seing pour poursuivre leur politique pourtant décriée par les urnes.

Sans aborder le cas de chacun des pays qui constituent l’UE, je n’en prendrai que quelques-uns pour illustrer mon propos. De manière globale, si l’on constate une augmentation générale de participation des électeurs, celle-ci reste marquée par une abstention majeure – près de 50% des citoyens européens se sont abstenus – soit, un électeur sur deux, ce qui en dit long sur l’intérêt que les citoyens portent à une institution dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Et au vu des résultats, cela en dit long également sur la notion de « démocratie » dont je parlais dans mon précédent billet (https://www.mondialisation.ca/avant-les-elections-dans-lue-arret-sur-la-notion-de-democratie/5633570). 

Ainsi, un parti et/ou un candidat qui se proclame vainqueur en arrivant autour de 20% des voix sur 50% de participation implique qu’environ 10% d’électeurs imposent leurs choix aux 90% des autres. En termes de « démocratie », c’est effectivement brillant !

A ce stade, je rappelle aussi qu’il n’existe pas un ‘peuple européen’, quoi qu’en prétendent certains ‘eurolâtres’ qui veulent à tout prix s’en persuader. De façon très prosaïque, sans même aborder la question des 24 langues officielles (!) reconnues dans l’UE, comment par exemple, penser qu’un Lituanien ait les mêmes repères qu’un Portugais ou qu’un Finlandais se reconnaisse dans les critères d’un Chypriote ou d’un Maltais ?! Bonne chance à ceux qui tentent d’y croire ! 

N’est qu’à voir à l’intérieur de certains Etats les dissensions qui animent parfois leurs citoyens (en Espagne avec les Catalans et les Basques contre l’Etat central ; en Belgique entre les Wallons et les Flamands avec l’épineuse question de Bruxelles ; en Italie entre ceux du Nord et du Sud ; sans oublier l’Irlande où les tensions restent à fleur de peau ; ni la France où la Corse n’est pas en reste, etc… dans une liste où les particularités régionales ne manquent pas d’exacerber les tensions)… sans aborder l’épineuse question du Kosovo imposé à la Serbie, au cœur de l’Europe et qui pourrait à tout moment déstabiliser la région et ses voisins ; ni de l’ombre de l’Ukraine dont les mêmes cinglés voudraient la rattacher à l’UE comme ils l’ont fait avec empressement avec les pays de l’Est, plus en conformité avec l’agenda de l’OTAN qu’avec celui des citoyens européens, pourtant premiers concernés et plus que réservés sur la question. 

Par ailleurs, l’augmentation relative de participation dont on nous a parlé s’explique en partie par le fait que dans plusieurs Etats étaient organisés des scrutins régionaux voire nationaux, comme en Belgique, Espagne, Grèce, Irlande, Lituanie et Roumanie. Si ces scrutins intérieurs n’avaient pas été couplés aux élections européennes, on peut raisonnablement penser que l’abstention à ces dernières eût été plus forte.

Mais soit, que peut-on malgré tout retenir de ces élections ? Que dans la majorité des cas, ce que l’on observe de manière nationale se répand comme une tache d’huile : l’Europe vire à droite toute et la plupart des pays semblent opter pour un repli sur soi. Les partis qui l’emportent sont souvent ceux qui ont prôné une autre Europe, moins ouverte, plus nationaliste, quand ce n’est pas une sortie de celle-ci. En effet, les plus gros scores sont réalisés par les responsables politiques qui n’ont cessé de critiquer la politique européenne menée jusqu’à présent, et pour preuve, la chute des deux partis majoritaires au Parlement européen que sont le PPE (Parti populaire européen) et le S&D (Sociaux-Démocrates) furieux adeptes d’un libéralisme débridé, qui perdent ensemble plus de 50 sièges et n’ont plus la confortable majorité qui était la leur.

Les technocrates peuvent bien se féliciter d’une meilleure participation à ces élections et trompeter que ‘les peuples européens’ sont plus que jamais attachés à l’idée d’Europe, en fait elles consacrent exactement le contraire, à savoir le rejet des électeurs de l’Europe qui leur est proposée. Après ces élections, les eurosceptiques devraient donc être plus nombreux au sein du Parlement européen. Que ce soit en Grande-Bretagne où le parti de N. Farage culmine et entérine donc un Brexit que le parti de Th. May tentait par tous les moyens d’empêcher avec l’interminable mauvais feuilleton que l’on a vu ; que ce soit en Pologne où le PiS conservateur rejette nombre de directives européennes au point que le pays se fait régulièrement remonter les bretelles par les responsables de Bruxelles ; que ce soit l’Italie avec la victoire de M. Salvini qui défie la politique d’austérité de l’Europe à chaque occasion et risque de se voir imposer des mesures disciplinaires pour non-respect des normes budgétaires ; ou de la Hongrie avec le triomphe du parti de V. Orban, qui défie lui aussi nombre de directives, sans parler de la France où le RN dépasse le parti du président en place, et ainsi de suite…

La leçon à retenir de ces élections est donc un mouvement de rejet de cette Europe au profit d’un repli national identitaire bien à droite. A force de ne pas entendre la volonté et les souhaits des citoyens, quoi d’étonnant à ce que ceux-ci choisissent les partis les plus réticents à une Union Européenne dans laquelle ils ne se reconnaissent pas tant leurs acquis sociaux sont lentement mais sûrement détricotés ? Le meilleur exemple en est le ‘Brexit’… qui pourrait à terme, faire des émules.

Un arrêt cependant sur le cas de la France, pour pointer le peu de conscience et de lucidité politique de l’électorat, et la manipulation grossière dont il est l’objet. Plusieurs enquêtes ont tenté de déterminer quel était le profil des électeurs du FN/RN de M. Le Pen. Et il semble que bon nombre des forces de l’ordre – police, gendarmerie, armée, CRS, … – y soient favorables. Certains ‘Gilets Jaunes’ – dont deux listes se présentaient à ces élections avec à peine 1% de votes – se sont ouvertement déclarés sympathisants du FN/RN et se heurtent donc de face lors des manifestations hebdomadaires, à ceux qui se trouvent du même côté qu’eux dans l’isoloir. Quelle farce ! Pour une analyse plus détaillée des votes français, en fonction de la classe sociale, lire : https://lemediapresse.fr/politique/elections-europeennes-un-vote-de-classe-avant-tout/

L’un des problèmes majeurs de l’Europe, est qu’en-dehors de rares cas – Espagne, Portugal – les ‘gauches’ nationales européennes n’existent quasiment plus. Elles ont lentement glissé au centre, par de minables calculs électoralistes et de malheureux compromis – pour ne pas dire ‘compromissions’ – avec pour résultat leur effondrement dans nombre de pays européens au profit d’une droite plus dure, plus nationaliste, souvent raciste et tendant vers l’extrême. 

Dès lors que les soi-disant ‘partis de gauches’ ont entériné la privatisation de tous les secteurs de l’économie, reprenant en chœur le mensonge des « Etats désargentés », les citoyens ont malgré eux assisté au fait que même l’information se privatise avec les résultats que l’on sait : en France les médias sont aux mains d’une poignée de milliardaires qui font donc passer l’info qui convient le mieux à leurs affaires. En Italie, S. Berlusconi avait fait pareil. On en a vu l’imposture après quelques années.

A force de répéter sans discontinuer des mensonges sur les ondes, ceux-ci rentrent lentement dans l’inconscient collectif et devient ‘vérité’. C’est une technique vieille comme le monde qui fait toujours recette. D’autant plus aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux et de la surinformation. Or cette info est complètement fausse : les Etats sont désargentés par la faute de leurs choix. S’ils voulaient vraiment récupérer l’argent là où il coule en abondance, ils devraient s’en prendre aux paradis fiscaux où des milliards sont recyclés, y compris l’argent le plus sale qui soit. Le problème est que les responsables devraient sans doute s’en prendre à leurs pratiques personnelles… ce qui ne leur convient pas vraiment.

Ensuite, ils devraient arrêter leur fuite en avant de guerres qu’ils alimentent loin de chez eux, mais qui les ruinent. Voyez les budgets des Ministères de la Défense qui en réalité s’appuient là-aussi sur des mensonges. Non, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, la Palestine, le Yémen, le Soudan, l’Iran, la Russie, la Chine, la Corée du Nord ne nous menacent pas, bien au contraire, par nos méthodes néocoloniales beaucoup de ces pays participent, malgré eux, à notre propre confort. Mais le lobby de l’armement agite des menaces inexistantes sur base de ‘fake news’ répétées, là aussi en boucle, dont on finit par voir l’imposture. En attendant, nos Etats ‘ruinés’ multiplient taxes et impôts pour financer ces budgets guerriers au profit d’une poignée de nantis qui s’engraissent sur les cadavres d’innocents, bien éloignés de leurs lieux de vie !

Cette orientation débridée vers un libéralisme à tout crin, sans prendre garde aux effets collatéraux d’élus se liant de la sorte aux principaux acteurs financiers – puisque là aussi, les campagnes électorales voient affluer des donations privées – est d’une dangerosité extrême : vous voulez notre argent, faites tourner nos usines, et de préférence à moindre coût. Si la boucle semble ainsi bouclée, ces politiques mettent véritablement la vie de tous les citoyens en danger. Parce qu’à terme, la réponse des pays que ces politiques dévastent finira par nous revenir en pleine figure. 

Ce n’est pas un scénario pessimiste, c’est ce que l’Histoire nous enseigne. Mais comme le résume très justement Bruno Guigue : « Avec le totalitarisme dans les médias, difficile d’avoir la démocratie dans les urnes ». 

Fait à noter : cette droite dure qui s’affirme ouvertement a la particularité d’être en parfaite symbiose avec l’actuel gouvernement du régime d’apartheid israélien. Ce qui d’une part, illustre l’esprit qui anime ce beau monde, et d’autre part présage que rien ne sera fait au niveau européen pour empêcher l’occupant sioniste qui se sent, avec l’appui inédit du gouvernement de D. Trump, les coudées décidément franches pour poursuivre le démantèlement de ce qui reste de la Palestine historique.

Les analyses de ces ‘euroïnomanes’ proclamés sont donc étranges voire amusantes à lire, avant de devenir sans doute dramatiques dans le quotidien des citoyens qui par manque de lucidité et de réflexion se seront fait berner, une fois de plus !

Daniel Vanhove

 

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Quelle que soit la lenteur de son agonie, le destin de la démocratie représentative (ou république parlementaire) en Algérie semble scellé.
Tous les partis politiques algériens sans exception, du plus gros au plus petit, ont déclaré boycotter l’élection présidentielle. Si soixante-dix-sept formulaires de candidature ont paraîf-il été retirés, seuls deux ont été remplis et déposés. C’est évidemment suite à une entente interpartisane générale, et avec une assurance mutuelle de non participation, que chaque parti a pu décider de ne pas présenter de candidat en étant certain que les autres partis feraient de même. Cela ne les empêche cependant pas, aujourd’hui, de critiquer non seulement l’annonce d’un nouveau scrutin (évidemment) mais également l’annulation de l’élection du 4 juillet (bizarrement) faute de candidats. Les mêmes partis qui déclaraient hier qu’une élection était impossible et indésirable reprochent aujourd’hui au Conseil Constitutionnel d’officialiser ce constat, et le caractérisent de reculade du « pouvoir ».
Quand aux deux malheureux candidats non partisans, il est plus que vraisemblable qu’ils ne s’attendaient pas à être les seuls, mais ils ont été pris au piège puisque si leur candidature avait été agréée par le Conseil Constitutionnel ils n’auraient pas pu la retirer jusqu’à la tenue du second tour. L’un d’entre eux aurait nécessairement été élu, car la loi organique électorale d’août 2016 ne dicte aucun quorum ou aucune participation minimum pour la validité d’une élection présidentielle. Ainsi quel que soit le taux de participation électorale, si aucun candidat n’obtient la majorité absolue des suffrages au premier tour les deux candidats ayant réuni le plus de voix sont proposés au deuxième tour, où celui réunissant le plus de voix est alors élu, le retrait d’un candidat étant interdit après l’agrément de sa candidature. Une démission présidentielle n’aurait pu intervenir qu’après l’investiture, donc en août, et le nouveau président aurait été obligé de rester en fonction jusqu’à l’intronisation du prochain président (article 103 de la constitution).
Cette solution d’un président électoralement peu représentatif, bien qu’élu de la manière la plus régulière possible dans les conditions actuelles, aurait permis de remettre les partis politiques en face de leurs responsabilités nationales. Pour leur part les deux petits candidats inconnus au mandat suprême, entrepreneurs, chefs d’entreprise et déjà candidats à des mandats électifs, sont certainement des hommes responsables (quelles que soient leurs capacités politiques), conscients des devoirs d’un volontaire investi envers la collectivité, et qui n’ont certainement aucune leçon de civisme, ou de sens du service public, à recevoir des chefs de partis déserteurs. Il est vraisemblable qu’ils avaient chacun réuni les six cents parrainages d’élus ou soixante mille soutiens de citoyens, faute de quoi ils n’auraient pas déposé leurs dossier, mais le Conseil Constitutionnel a dû leur trouver un défaut de l’une des nombreuses conditions subsidiaires (conformité politique des parents…).
En annonçant ce 2 juin le rejet des deux candidatures, le Conseil Constitutionnel a également enjoint au chef de l’Etat par interim, le président du sénat dit Conseil de la Nation, de convoquer de nouveau une élection présidentielle, en application de son mandat essentiel. Interprète suprême de la constitution, le Conseil Constitutionnel juge donc que l’organisation d’une élection présidentielle valable prime sur le délai initialement accordé au chef de l’Etat par interim pour ce faire, en l’occurrence quatre-vingt-dix jours. Abdelkader Bensalah ne saurait rentrer chez lui (ou au sénat) le 8 juillet en se lavant les mains du futur du pays, et tous ceux, chefs de partis irresponsables et journalistes ignares, qui jubilaient bruyamment de la prochaine chute de l’Etat par péremption de la légitimité de son chef intérimaire, peuvent tempérer leur empressement anarchiste. Comme disait Charles Maurras, la république gouverne mal mais elle se défend bien. La deuxième république algérienne, comme la vingtaine de nouveaux régimes français depuis un peu plus de deux siècles, ne peut advenir que par un véritable coup d’Etat contre le régime antérieur. C’est justement ce que n’ont pas compris, ou pas voulu assumer en 2017, les admirables et consciencieux constitutionnalistes constructeurs de la république catalane, capables de construire un Etat de droit imparable et accompli, mais incapables de prononcer la simple mais fondamentale phrase de déclaration de sécession de l’Espagne.
Alors que les apparatchiks de partis politiques algériens croient se gagner les faveurs de « la rue » en refusant l’exercice de la démocratie représentative organisée, au prétexte de rejeter « le système » et sans réaliser qu’ils disqualifient irrémédiablement leurs partis, une poignée d’hommes d’Etat avisés et expérimentés ont tenté il y a deux mois de confier, anticonstitutionnellement certes, la direction de la nécessaire transition à un intérimaire aux pouvoirs limités mais exceptionnels. L’homme pressenti pour être investi de cette dictature de salut public, l’ancien président de la république Liamine Zéroual, a refusé ce mandat, puis le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, dernier rempart actuel de la légalité, a fait arrêter ces « comploteurs ». Ce fut d’ailleurs la plus grande faute du général Ahmed Gaïd Salah jusqu’à présent. Le général Mohamed Mediène, ancien homme le plus puissant d’Afrique bien que dénué d’ambition personnelle, n’a plus aucun pouvoir ou soutien et ne représentait certainement pas un danger pour l’Algérie, mais son trop facile défèrement à la justice, sans protestation d’aucun défenseur, éteindra sûrement la vocation de tout homme providentiel qui aurait pu espérer trouver des soutiens pour tenter de sauver l’Etat pour le salut du pays.
La justice algérienne, de son côté, ne chôme pas. Contrairement aux accusations infondées, le chef d’état-major n’a pas pris le pouvoir et ne donne pas d’ordre à la justice. Mais celle-ci a été libérée du joug des gérontocrates FLN corrompus, et a pu commencer à lancer une opération « mains propres » contre la nomenklatura dont les détournements saignaient le pays. Des dizaines de parasites voleurs, aux confins des milieux politique et économique, sont déjà sous les verrous. C’est d’ailleurs le signe principal montrant que l’oligarchie FLN est bien tombée et qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre la révolution jusqu’à la destruction de l’Etat et de la jeune démocratie. Le nettoyage judiciaire de la haute direction des entreprises publiques ou parapubliques n’a d’ailleurs pas entraîné, pour l’instant, l’arrêt immédiat du peu d’activité économique algérienne et l’arrêt du versement des salaires et des prestations sociales, nécessaire au déversement de la population par-delà la Méditerranée. Au contraire la réduction sensible de l’émigration, depuis le début du mouvement, semble indiquer que les Algériens ont une certaine foi en l’avenir de leur pays, et pas encore de sentiment d’insécurité. Les instigateurs discrets n’arrêteront donc pas le hirak (« mouvement ») avant l’épuisement des belles réserves financières du pays, et le désordre social complet.
Contrairement aux titres inflammatoires de certaine presse étrangère anglophone ou arabophone, il n’y a pas de répression en Algérie. Certes la police est parfois intervenue face aux provocateurs infiltrés pour déstabiliser par la violence les manifestations pacifiques, certes aussi la gendarmerie a parfois tenté d’empêcher l’entrée à Alger de manifestants amenés d’ailleurs en autobus (dont on ignore qui les a commandés), mais aucun pouvoir sécuritaire n’a cherché à faire appliquer l’interdiction légale de manifestation dans la capitale, dont les habitants sont ainsi de facto autorisés à manifester comme leurs concitoyens. Pour filmer de la violence provocative ou répressive quelque part entre Dunkerque et Tamanrasset, il est plus productif de couvrir les manifestations de quelques milliers de participants au nord de la Méditerranée que celles de plusieurs millions au sud.
L’un des derniers thèmes spontanément brandis par les manifestants du vendredi à la sortie de la mosquée consiste, sous des libellés divers, à refuser un pouvoir militaire et exiger un « Etat civil ». En réalité, le refus de toute tentative de transition ordonnée le montre bien, c’est tout forme d’Etat, civil ou pas, que les ressorts cachés du hirak rejettent. On a rejeté la proposition de conférence nationale constituante faite, sous peu discret parrainage international (onusien et panafricain), aux derniers jours de la présidence Bouteflika. On a rejeté l’idée de transition constituante sous régime d’exception préparée par Toufik. Et on rejette la solution constitutionnelle de changement démocratique de chef d’Etat puis de lancement du chantier constituant organisé, toujours soutenue par le chef d’état-major et dernier vrai ministre respecté. Et maintenant on accuse celui-ci de militarisation du régime, ce qui est bien la dernière de ses intentions. C’est aussi la dernière des aspirations d’une armée algérienne suffisamment occupée à protéger les frontières des infiltrations atlantico-islamistes, et dernièrement préoccupée par l’annonce du parachutage du chef de l’Etat Islamique (surnommé al-Baghdadi) en ex-Libye, après qu’il ait été exfiltré par ses protecteurs de sa précédente zone d’opérations, la Syrie orientale sous occupation étatsunienne.
En fait il était évident, lorsque les chefs des trois principaux partis islamistes d’Algérie ont déclaré ne plus avoir confiance en aucune institution sauf l’Armée Nationale Populaire, et publiquement appelé celle-ci à diriger la transition, il y a un mois, qu’ils en attendaient bien sûr la liquidation de l’Etat, mais surtout l’incarnation d’un dernier représentant de la légalité, en l’occurrence le chef d’état-major, afin de le blâmer ensuite et disqualifier la dernière institution solide, si possible après l’avoir amenée à une confrontation violente avec « la rue ». On n’a pas réussi à faire mal réagir l’armée, mais on accuse le très légaliste général Gaïd Salah de despotisme et dictature militaire, dont on aurait du mal à déceler la moindre trace dans les rues d’Algérie, certainement bien moins patrouillées que les lieux publics de France et de Navarre par exemple.
Les politiciens déserteurs, répétés par la presse inconséquente, appellent maintenant « solution politique » ce qu’ils appelaient initialement « solution consensuelle », c’est-à-dire avant tout anticonstitutionnelle et anarchique. Cela ne les amène par pour autant à proposer le moindre schéma de nature politique, ni à s’engager personnellement, comme politiciens expérimentés dans la gestion de l’Etat ou dans la collecte des suffrages, dans le règlement de la crise. Tous n’ont comme référence que l’article 7 de la constitution (qu’ils rejettent pourtant), selon lequel « le peuple est la source de tout pouvoir », en omettant l’article 8 selon lequel sa souveraineté, et son pouvoir constituant, s’exercent « par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne […] par voie de referendum et par l’intermédiaire de ses représentants élus ». Dans leurs discours consciemment révolutionnaires et inconsciemment anarchiques, le fameux rejet du système signifie le rejet de tout processus organisé de solution. Une soixantaine de coordinations estudiantines, syndicats de salariés et ordres professionnels tentent bien de se proclamer collectivement « société civile », mais il apparaîtra inévitablement qu’ils ne représentent que leurs adhérents, une fraction de la petite population active. Même s’ils arrivent à élaborer un schéma commun de sortie de crise ou de processus constitutionnel, d’abord ils seront à leur tour accusés de confiscation par les chefs islamistes, et ensuite et surtout ils n’arriveront pas à faire légitimer et valider leur projet par un plébiscite.
Les très irresponsables chefs de partis politiques ont réussi à discréditer non seulement le gouvernement déchu mais également tout processus électoral, qu’ils assimilent au « système », alors qu’un accord des partis d’opposition, voire mieux de tous les partis, aurait permis d’organiser et de superviser un scrutin libre d’ingérence gouvernementale. Lorsque des urnes existent il ne se pose que la question de l’emplacement et la sécurité des isoloirs, et du contrôle du vote libre et unique de chaque électeur. Mais en Algérie les hommes politiques de tout niveau ont, cette année, unanimement rejeté l’exercice de la démocratie représentative. Or, si la démocratie directe est possible à l’échelon d’une petite cité, aucune place publique d’Algérie ne peut accueillir vingt millions d’électeurs, et aucune personne physique ou morale n’a la capacité et la crédibilité (encore moins la légitimité) d’effectuer en temps réel le décompte du vote à main levée de millions de personnes.
Le 30 mai, par un communiqué très largement diffusé, l’association des oulémas (dignitaires mahométans), silencieuse depuis l’explosion spontanée massive de la contestation à la sortie des mosquées le 22 février, a enfin publié sa préconisation. Les oulémas veulent eux aussi une conférence nationale, mais moins pour rédiger une constitution que pour établir des règles contre le « pourrissement politique, économique, social et culturel ». Ensuite, comme tout le monde ils voient une période de transition politique, à commencer dès juillet, avant l’avènement du prochain régime. Ils demandent que cette transition soit dirigée par une « personnalité consensuelle » non élue, comme l’avaient déjà réclamé les chefs des partis islamistes début avril, en l’occurrence une personne non préalablement compromise dans la politique sous l’ancien régime. Ils estiment que le peuple s’est déjà assez exprimé, ou plus précisément que « le referendum fait par le peuple durant les vendredis du hirak suffit à lui-même ». Après la période de transition, c’est une « compétition saine entre les acteurs de la scène politique » (pas un processus électoral) qui déterminera l’avenir du pays. A ce stade des recommandations, les oulémas ne précisent pas la procédure de détermination des acteurs de la scène politique, non compromis sous l’ancien régime, aptes à la saine compétition dans le futur contexte épuré de pourrissement politique, économique, social et culturel. Les oulémas ne font pas non plus, pour l’instant, de suggestion quant à la personnalité à désigner comme chef de l’Etat, par un « consensus » non électoral entre des décideurs pour l’instant indéfinis.
A titre anecdotique on remarquera que la mobilisation des masses est entretenue avec des thèmes nouveaux chaque vendredi, spontanément exhibés à la sortie des mosquées. Tour à tour le rejet de la candidature de Bouteflika, le rejet du scrutin du 18 avril, le rejet de la conférence nationale constituante, le rejet du gouvernement Bedoui, le rejet (en Kabylie) du totalitarisme arabe, le rejet du scrutin du 4 juillet, le rejet du « pouvoir militaire », la libération de Louisa Hanoune, la vérité sur le décès en prison de Kamal-Eddine Fekhar, et toujours bien sûr la mise à bas du système et le départ des politiciens. Mais tout cela reste informel et personne n’a présenté de processus fiable pour le décompte des manifestants du vendredi ou des opposants à telle ou telle option, aussi est-il facile de dire que le peuple refuse ceci ou cela, sans risquer de démenti. Si, vu d’hélicoptère, on peut estimer que quelques millions de personnes rejettent la politique du FLN, vu d’un balcon d’El Mouradia ou des Tagarins rien ne permet d’assurer que la majorité des vingt millions d’électeurs refusent tout processus démocratique représentatif.
Par ailleurs on notera aussi, après la désertion collective des politiciens (et l’absence du parlement dont les députés du peuple touchent pourtant leur salaire), l’écrasant silence du seul corps incontestablement élu, représentatif et proche des électeurs, à savoir les dizaines de milliers de maires et conseillers municipaux, seul corps qui serait pourtant capable, lorsque l’armée aura pris acte de la chute de l’Etat, d’organiser un chantier constituant national. Quant aux deux grands commis de l’étranger, discrètement retirés en mars, ils attendent peut-être qu’un carnage supérieur à celui de la décennie quatre-vingt-dix débouche, après effacement de l’armée algérienne, sur un mandat international.
Finalement, tout ce que l’on a anticipé ou exposé sur le sujet depuis octobre dernier se confirme, tant sur la décision de déstabilisation (http://stratediplo.blogspot.com/2018/10/tant-qua-destabiliser.html), que sur son déclenchement sans surprise (http://stratediplo.blogspot.com/2019/03/destabilisation-de-lalgerie.html) et sur son apparente irréversibilité (http://stratediplo.blogspot.com/2019/04/loffensive-de-destabilisation-de.html).
Note : il ne faut pas voir dans ces lignes un plaidoyer en faveur de la démocratie mais une étude de cas de science politique.
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Introduction

Depuis la révolte de Spartacus en 73 avant Jésus-Christ contre l’oppression de l’esclavage dans la Rome antique, aucun peuple asservi ne s’était soulevé avec succès contre le joug des chaînes. En 1791, Toussaint Louverture, fidèle au principe selon lequel les droits naturels de l’être humain étaient imprescriptibles, reprit le flambeau de la lutte pour l’émancipation, tout comme le légendaire gladiateur romain, revendiquant ainsi le droit du peuple noir à la liberté[1].

L’insurrection des exploités brisa les chaînes de l’asservissement colonial et ouvrit la voie à l’indépendance d’Haïti, première nation du Nouveau-Monde à conquérir sa liberté. L’influence décisive de Toussaint Louverture et du peuple haïtien dans l’indépendance de l’Amérique latine n’est toujours pas considérée à sa juste valeur. Les esclaves noirs de Saint-Domingue, en menant une lutte acharnée contre les oppresseurs français, montrèrent le chemin de l’affranchissement aux peuples assujettis du continent et changèrent le cours de l’Histoire.

Quelle fut la trajectoire du héros national haïtien ? Comment a-t-il réussi à renverser le système esclavagiste, conquérant ainsi la liberté de son peuple ? Comment est-il devenu le premier organisateur de la nation ?

Toussaint Louverture, révolté dès son plus jeune âge par l’esclavage qu’il subira dans sa propre chair, mènera la révolte des écrasés et combattra la violence coloniale de l’Empire français. Le Premier des Noirs rejoindra ensuite la Révolution émancipatrice menée par Maximilien Robespierre, réunifiera l’île en chassant les Espagnols et les Anglais et organisera la nation en la dotant d’une ambitieuse Constitution. Trahi par Napoléon Bonaparte, qui refusera obstinément d’accepter la destinée de la première nation d’Amérique latine à conquérir son indépendance, Toussaint Louverture finira ses jours dans un cachot du Jura, loin de la terre qu’il a libérée, léguant au Nouveau-Monde l’exemple de la dignité conquise par la lutte. En effet, la Révolution haïtienne, mère de toutes les Révolutions d’Amérique latine, ouvrira la voie à l’émancipation des peuples du continent de la tutelle coloniale européenne.

1.Toussaint avant la Révolution haïtienne

François-Dominique Toussaint naquit esclave le 20 mai 1743 au sein de la plantation Bréda sous le règne de Louis XV, à Haut-du-Cap, dans le nord de l’île de Saint-Domingue, au sein d’une famille de cinq enfants dont les ancêtres furent arrachés à la terre africaine du Bénin. L’île était alors la plus riche colonie de la France, grâce à la production sucrière qui était la culture phare de l’époque, l’or blanc du XVIIIe siècle. Tout comme ses frères et sœurs, il était employé en tant que domestique et cocher par son maître Bayon de Libertat, alors intendant de la propriété appartenant au Comte de Noé, ce qui lui évitait l’exploitation, rythmée à coups de fouet, qui sévissait dans les champs de canne à sucre. Il observait néanmoins avec indignation et impuissance le sort des siens, éreintés par le poids de la servitude. Ils tombaient les uns après les autres d’épuisement, subissaient la cruauté des maîtres ou étaient emportés par les maladies. L’espérance de vie d’un esclave était alors de 37 ans. Ceux qui essayaient d’échapper à leur sort étaient pourchassés et châtiés de manière impitoyable. En effet, ils étaient mutilés d’un bras lors de la première tentative de fuite, d’une jambe la deuxième fois et étaient assassinés lors de leur troisième capture. Les colons semaient ainsi la terreur parmi les populations noires[2].

En 1776, Toussaint Bréda, ainsi se nommait-t-il, obtint son affranchissement et échappa à l’esclavage qui frappait l’immense majorité des habitants noirs. Jouissant d’une relative liberté, il se dédia à l’agriculture et prit la tête d’une petite propriété entretenue par 13 esclaves, dont l’un d’eux – Jean-Jacques Dessalines – deviendrait son fidèle lieutenant et marquerait l’histoire d’Haïti[3].

Toussaint était également un homme doté d’une intelligence remarquable, d’une culture riche et variée, qui s’était nourri des idées des grands penseurs des Lumières. En 1789, lorsque qu’éclata la Révolution française menée par la bourgeoisie d’affaires qui tenait entre ses mains le pouvoir économique et qui aspirait à obtenir le pouvoir politique, l’île, composée de 30 000 blancs et de 40 000 mulâtres, jouissait d’une prospérité notable grâce à l’exploitation de quelque 550 000 esclaves. Quatre catégories composaient alors la colonie de Saint-Domingue : les grands colons qui possédaient la majeure partie des richesses issues de l’asservissement du peuple noir, les petits propriétaires et ouvriers dénommés les « petits-blancs », les mulâtres qui étaient des hommes libres mais exploités par les possédants et les esclaves noirs dont le sort était de vivre une existence de misère. Le message émancipateur de la Révolution française porté par la voix de Maximilien Robespierre, guide moral et politique du processus de transformation sociale, irrigua les consciences de tous habitants des colonies. Les exploités remirent alors en cause les privilèges établis et dénoncèrent les hiérarchies sociales, revendiquant leur droit à la liberté et à l’égalité[4].

2.La révolte des esclaves de 1791 et l’émergence de Toussaint Louverture

Le 14 août 1791, sous l’égide de Dutty Boukman, George Biassou et de Jean-François Papillon, les esclaves du Nord, révoltés par leur condition et poussés par l’élan révolutionnaire venu de métropole, entrèrent en insurrection contre l’oppression coloniale lors de la cérémonie de Bois Caïman, acte fondateur de la Révolution haïtienne. Toussaint, alors âgé de 48 ans, s’engagea aux côtés des insurgés en tant que médecin, grâce à ses connaissances homéopathiques. Son intelligence, son autorité naturelle et sa bravoure au combat lui permirent de devenir rapidement le premier lieutenant de Biassou et d’obtenir le grade de colonel[5].

Son nouveau rang l’amena ainsi à fréquenter les royalistes opposés au processus révolutionnaire en France et des officiers fidèles à Louis XVI. Clairvoyant, il tira rapidement profit de ces contacts en apprenant d’eux les principes de l’art de la guerre, ce qui lui permit de former des soldats capables de rivaliser avec les meilleures troupes coloniales. Sa vaillance sur le champ de bataille et sa capacité à ouvrir des brèches dans les lignes ennemies lui valurent de surnom de « L’ouverture[6] ».

En 1793, l’Espagne, qui occupait l’autre moitié de l’île (future République dominicaine), entra en guerre contre la France, suite à l’exécution de Louis XVI, membre –tout comme le souverain espagnol Charles IV –de la dynastie des Bourbons. Madrid soutint alors les insurgés haïtiens et leur proposa de rejoindre ses rangs et de mener la lutte contre la métropole coloniale. Toussaint Louverture et ses hommes acceptèrent l’offre pour des raisons tactiques et tissèrent une alliance de circonstance contre un ennemi commun. En effet, l’esclavage sévissait également du côté espagnol et ne serait aboli qu’en 1844, lors de la conquête de l’indépendance de la République dominicaine. Le 29 août 1793, il lança un appel au peuple et proposa à ses compagnons une destinée nouvelle : « Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire exister. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. Déracinez avec moi l’arbre de l’esclavage[7] ».

3.Au service de la Révolution française

Le 4 février 1794, face à l’insurrection de Saint-Domingue, la République française décida d’abolir l’esclavage, convaincue de la nécessité morale, historique et politique d’un tel acte. Maximilien Robespierre, membre de la société des « Amis des Noirs » aux Jacobins, avait milité dès 1791 contre l’asservissement colonial des peuples de couleur. Dans un discours à l’Assemblée constituante du 13 mai 1791, l’Incorruptible avait dénoncé la traite négrière :

Dès le moment où dans un de vos décrets, vous aurez prononcé le mot ‘esclaves’, vous aurez prononcé et votre propre déshonneur et le renversement de votre Constitution.

[…] Si je pouvais soupçonner que, parmi les adversaires des hommes de couleur, il se trouvât quelque ennemi secret de la liberté et de la Constitution, je croirais que l’on a cherché à se ménager un moyen d’attaquer toujours avec succès vos décrets pour affaiblir vos principes, afin qu’on puisse vous dire un jour, quand il s’agira de l’intérêt direct de la métropole : vous nous alléguez sans cesse la Déclaration des droits de l’homme, les principes de la liberté, et vous y avez si peu cru vous mêmes que vous avez décrété constitutionnellement l’esclavage. L’intérêt suprême de la nation et des colonies est que vous demeuriez libres et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de la liberté. Périssent les colonies, s’il doit vous en coûter votre bonheur, votre gloire, votre liberté. Je le répète : périssent les colonies, [même si] les colons veulent, par des menaces, nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts. Je déclare au nom de l’Assemblée, au nom de ceux des membres de cette Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution, au nom de la nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons aux députés des colonies, ni la nation, ni les colonies, ni l’humanité entière[8].

Lorsque la France décréta officiellement l’abolition de l’esclavage, elle fit citoyens français près d’un million d’esclaves dans toutes les colonies. Le gouverneur général Etienne Lavaux, en charge de l’île, entra alors en contact avec Toussaint Louverture afin de le convaincre de rejoindre les rangs de la Révolution française. Quelques mois plus tôt, Félicité-Léger Sonthonax, commissaire civil de la République, avait décidé de décréter unilatéralement l’abolition de l’esclavage dans la province Nord de Saint-Domingue afin de mettre un terme à la révolte des insurgés. Ainsi, en mai 1794, le leader haïtien, qui s’était déjà affranchi de l’autorité de Biassou, décida d’abandonner l’armée espagnole et de s’allier aux Français, convaincu que la liberté du peuple noir se trouvait désormais du côté de la République[9].

Leader aguerri ayant une parfaite connaissance du terrain, combattant respecté par ses hommes et redouté par ses adversaires, à la tête d’une armée disciplinée de 4000 hommes, Toussaint Louverture était un allié de choix. Le général Lavaux, qui devait faire face aux colons réfractaires, aux royalistes séditieux, aux soldats espagnols et anglais, était conscient de l’apport du leader noir à la cause républicaine. Il décida alors de le nommer général de brigade et de rétablir la paix dans le Nord. Grâce au dévouement de ses hommes, payant lui-même le prix du sang avec pas moins de dix-sept blessures de guerre, Toussaint Louverture reprit le contrôle de la région, neutralisant les Anglais, mettant en déroute les bandes insurgées de ses anciens alliés et obligeant les Espagnols à quitter le territoire français. Un an plus tard, en 1795, l’Espagne, vaincue, capitula et signa un traité de paix avec la France, renonçant à sa souveraineté sur Saint-Domingue[10].

L’ascension de Toussaint Louverture fut fulgurante. En 1796, il devint lieutenant gouverneur de Saint-Domingue et général en chef de l’armée en 1797. En 1798, acculés par les forces du général en chef, les Anglais finirent par abandonner leurs derniers bastions et signèrent un accord d’évacuation général en échange d’un partenariat commercial. Le Conseil des Cinq-cents, l’une des deux assemblées législatives du Directoire de 1795 à 1799, équivalent à l’Assemblée nationale d’aujourd’hui, décida alors de le nommer « Bienfaiteur de Saint-Domingue », grâce au soutien du gouverneur Lavaux, élu député et qui s’était lié d’amitié avec Toussaint Louverture. Le chef noir devint ainsi le leader emblématique et incontesté du peuple de l’île et notamment des exploités qui voyaient en lui l’espoir d’un affranchissement définitif et le symbole de leur aspiration à une vie décente[11].

4.La guerre Nord/Sud

Face à la popularité de Toussaint Louverture et inquiet de son influence, le gouvernement français – le Directoire – décida en avril 1798 d’envoyer le général Hédouville observer la situation à Saint-Domingue. Le Nord était alors contrôlé par Toussaint Louverture et était composé majoritairement d’une population noire. Le Sud, principalement métis, se trouvait sous le contrôle du général André Rigaux, issu lui-même d’une puissante famille mulâtre[12].

Pour contenir l’influence des deux leaders, le représentant du Directoire manigança un plan afin de créer un conflit entre eux. Il demanda alors à Toussaint Louverture de procéder à l’arrestation de Rigaux, accusé d’être responsable de sérieux troubles dans le Sud de l’île. Sagace, le Bienfaiteur de Saint-Domingue comprit rapidement le stratagème de la division du Directoire et ne tomba pas dans le piège. Il exprima alors son refus au général, lui rappelant le concours décisif de Rigaux dans la défense de la République et dans la lutte contre les Anglais[13].

Toussaint Louverture se rapprocha de Rigaux pour lui faire part de la conspiration échafaudée par le gouvernement français à leur égard. Il lui proposa alors de mettre de côté différends et de tisser une alliance contre Hédouville au nom de l’intérêt du peuple de Saint-Domingue. Le salut de l’île passait par l’union des forces en présence. Mais, refusant de saisir la main tendue par le leader du Nord, Rigaud décida au contraire de s’allier à Hédouville pour éliminer Toussaint Louverture[14].

En homme prudent et avisé, Toussaint Louverture découvrit la déloyauté du chef sudiste. Il conclut que le conflit était inévitable. Le leader de l’île était conscient que le déclenchement des hostilités n’était qu’une question de temps. A la fin de l’année 1798, il prit la décision d’expulser le conspirateur Hédouville qui n’avait eu de cesse de conspirer dans le pays. Ce dernier, comme ultime acte de sédition, incita Rigaux à entrer en rébellion contre le pouvoir militaire central de Saint-Domingue dirigé par Toussaint Louverture : « Je vous dégage de l’obéissance au général de l’armée de Saint-Domingue. Vous commanderez en chef toute la partie du Sud[15] ».

Se sentant investi du soutien du Directoire, Rigaud lança une offensive dans le but d’éliminer son adversaire et d’asseoir sa domination sur l’île. Le 9 juin 1799, il s’empara du Petit Goâve, initiant une guerre fratricide et sanglante. Une grande partie des officiers mulâtres de l’armée de Toussaint Louverture désertèrent les rangs pour rejoindre Rigaud. En fin stratège, Toussaint Louverture répliqua en prenant le contrôle de Jacmel, point stratégique du Sud, en janvier 1800, suite à un siège de plusieurs mois. Acculés de toutes parts par les forces louverturistes, Rigaud et son cercle intime furent contraints d’abandonner la lutte et de se réfugier en France[16].

Salim Lamrani

Notes

[1] Max Gallo, Les Romains : Spartacus, la révolte des esclaves, Paris, Fayard, 2006.

[2] Jean-Louis Donnadieu & Philippe Girard, « Nouveaux documents sur la vie de Toussaint Louverture », Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, numéro 166-167, septembre 2013, décembre-janvier-avril 2014, p. 118.

[3] Jacques de Cauna, « Dessalines, esclave de Toussaint ? », Outre-Mers : Revue d’Histoire, juin 2012, 319-322. https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2012_num_99_374_4936 (site consulté le 11 mars 2019).

[4] Revue de la Révolution française, « Plan pour la conquête de Saint-Domingue (1806) », , Volume 8, 1886, p. 91.

[5] Victor Schoelcher, Conférence sur Toussaint Louverture, général en chef de l’armée de Saint-Domingue, Pointe-à-Pitre, Editions Panorama, 1966, p. 9.

[6] Saint-Rémy, Vie de Toussaint Louverture, Paris, Hoquet, 1850, p. 112.

[7] Jean Fouchard, Les marrons de la liberté, Paris, Editions de l’Ecole, 1972, p. 551.

[8] Maximilien Robespierre, Discours contre l’esclavage, 13 mai 1791.

[9] Marcel Dorigny (dir.), Léger-Félicité Sonthonax. La première abolition de l’esclavage. La Révolution française et la Révolution de Saint-Domingue, Paris, Société française d’histoire d’Outre-Mer et Association pour l’étude de la colonisation européenne, 2005 (1ère édition, 1997).

[10] Toussaint Louverture, Mémoires du Général Toussaint Louverture, Paris, Pagnerre, 1853, p. 93-94.

[11] Gragnon-Lacoste, Toussaint Louverture, Général en chef de l’armée de Saint-Domingue, surnommé le Premier des Noirs, Paris, Durand & Pedone-Lauriel, Bordeaux, Feret et Fils, 1877, p. 176.

[12] Alain Yacou (dir.), Saint-Domingue espagnol et la révolution nègre d’Haïti, Paris, Editions Karthala, 2007, p. 239.

[13] Ibid., p. 239-41.

[14] Thomas Madiou fils, Histoire d’Haïti, Pot-au-Prince, Imprimerie Courtois, 1847, Tome 1, p. 252.

[15] Victor Schoelcher, Colonies étrangères et Haït. Résultats de l’émancipation anglaise, Paris, Pagnerre Editeur, 1843, Tome Second, p. 123.

[16] Thomas Madiou fils, Histoire d’Haïti, Tome 1, op. cit., p. 252.

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son dernier ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

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« La biofortification est une stratégie commerciale, pas une solution à la malnutrition globale. »

Sylvia Mallari de la Coalition populaire pour la souveraineté alimentaire[1]

Fin 2018, le gouvernement indien a annoncé que l’utilisation du riz biofortifié deviendrait obligatoire dans tous les programmes de repas scolaires et les programmes publics de nutrition dans tout le pays d’ici à décembre 2019. L’Inde est l’un des pays ciblés pour l’introduction de plusieurs cultures biofortifiées, telles que le millet perlé enrichi en fer et en zinc, le riz enrichi en fer et en zinc et le riz enrichi en provitamine A.

Depuis la première diffusion des cultures biofortifiées en 2004, l’utilisation de ces dernières a progressé dans de nombreux pays en développement. La biofortification est un processus consistant à augmenter la teneur de quelques nutriments dans des plantes grâce à la sélection végétale, que ce soit à l’aide de techniques conventionnelles ou en recourant aux biotechnologies. Du Pérou à la Tanzanie en passant par l’Indonésie, les gouvernements acceptent ces cultures à bras ouverts. Les organismes nationaux de recherche agricole ont fait de la biofortification une priorité et les donateurs investissent beaucoup d’argent dans ce domaine. L’argument selon lequel il s’agit d’un moyen peu coûteux de lutter contre la malnutrition semble avoir convaincu les gouvernements. Mais ces cultures permettent-elles vraiment de résoudre les problèmes de santé ? Qui est derrière et quelle est la stratégie ? Ces cultures pourraient-elles en fait aggraver la situation ?

GRAIN s’est intéressé à la situation actuelle de la biofortification en Asie, en Afrique et en Amérique latine, ainsi qu’aux nouvelles critiques issues des points de vue féministes et des mouvements de souveraineté alimentaire. Ce que nous avons pu observer, c’est une pression inquiétante en faveur d’une approche descendante et anti-diversité de l’alimentation et de la santé qui pourrait à terme nuire à la capacité des populations à renforcer leurs systèmes alimentaires locaux.

Principaux enseignements

  • En privilégiant la dépendance vis-à-vis de quelques cultures axées sur les marchés, la biofortification favorise en fait un mauvais régime alimentaire, avec une faible diversité nutritionnelle.
  • Les projets de biofortification utilisent les femmes comme un levier en les ciblant avec des programmes de formation, des efforts de marketing et des essais d’alimentation.
  • Alors que la première vague de plantes biofortifiées a été produite par sélection conventionnelle, la prochaine vague utilisera la modification génétique.
  • Pour favoriser des régimes alimentaires sains et diversifiés, nous devons promouvoir une agriculture biodiversifiée. Une agroécologie paysanne qui autonomise les femmes est l’approche la plus durable pour produire des aliments divers, nutritifs et culturellement appropriés, tout en améliorant la santé.
  • Nous espérons que les groupes de femmes examineront de plus près la question de la biofortification et nous invitons tous nos alliés à envisager un boycott mondial des cultures biofortifiées.

Contexte

La Révolution verte – qui, à partir des années 1960, visait à créer de nouvelles variétés de quelques cultures de base comme le riz, le blé et le maïs – a permis une augmentation de la consommation de calories dans les pays en développement, mais a contribué à détruire la diversité dans les champs des agriculteurs. Bien qu’on lui accorde souvent le mérite d’avoir résolu le problème de la faim dans le monde, 821 millions de personnes restent sous-alimentées (ne consomment pas assez de calories) et 2 milliards souffrent de malnutrition (manquent de nutriments essentiels), selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La malnutrition touche plus sévèrement les femmes et les enfants : la FAO estime qu’elle est encore responsable de plus de la moitié des décès d’enfants dans les pays en développement.

Il est bien connu qu’un régime alimentaire varié, riche en légumes, fruits, légumineuses, noix et céréales complètes, fournit tous les nutriments nécessaires à une bonne santé.[2] Cependant, au cours des dernières décennies, la recherche agricole s’est presque entièrement concentrée sur l’augmentation du rendement d’un petit nombre de cultures, notamment les céréales, sans accorder tellement d’attention à la qualité nutritionnelle. Des études menées aux États-Unis montrent que l’alimentation actuelle contient moins de fer, de zinc, de protéines, de calcium, de vitamine C et d’autres nutriments que par le passé.[3] Par exemple, des chercheurs de l’université de l’État de Washington ont analysé 63 variétés de blé de printemps cultivées entre 1842 et 2003 et ont constaté une diminution de 11 % de la teneur en fer, de 16 % pour le cuivre et de 25 % pour le sélénium.[4] Des études similaires ont été menées en Inde, au Royaume-Uni et ailleurs, confirmant ce que l’on considère généralement comme une tendance mondiale.[5] La sélection est le principal responsable de la diminution de la qualité nutritionnelle, devant l’épuisement des sols et les méthodes de production.

Au milieu des années 90, des scientifiques du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), le consortium mondial des institutions de recherche qui ont piloté la Révolution verte, ont décidé de revenir à la question de la nutrition. Mais plutôt que de se tourner vers une agriculture diversifiée, une alimentation variée, les connaissances locales et l’agroécologie pour trouver une solution, ils ont choisi de persévérer dans la même voie. Ce qui revenait à continuer à promouvoir les monocultures et se concentrer sur un tout petit nombre de cultures. Les régimes alimentaires restent monotones, ou le deviennent encore plus, mais ils sont focalisés sur des aliments « nutritionnellement améliorés ».

Un mot sur la terminologie

Les partisans de la biofortification utilisent souvent un discours trompeur pour promouvoir les cultures biofortifiées, à commencer par le mot « biofortifié » lui-même. Comme le soulignent les mouvements sociaux au Brésil, le mot suggère que tous les autres aliments ou plantes sont intrinsèquement faibles ou déficients. Des termes comme « riz doré », « super banane » et « maïs orange » s’inscrivent en réalité dans des stratégies marketing visant à convaincre les consommateurs que les versions biofortifiées de ces semences ou aliments sont supérieures à leurs équivalents non biofortifiés. Ces dénominations, sans parler des plantes elles-mêmes, font parfois l’objet de l’enregistrement d’un droit de propriété intellectuelle, même si elles sont destinées à être utilisées gratuitement.

Aux fins du présent rapport, nous choisissons de parler de maïs enrichi en provitamine A ou de haricots enrichis en fer, indiquant qu’ils sont sélectionnés pour être riches en cet élément nutritif, au lieu d’utiliser d’autres adjectifs (comme « super ») ou des couleurs (« doré ») qui relèvent avant tout du jargon du marketing. Nous parlons spécifiquement de provitamine A et non de vitamine A, car ces plantes contiennent du bêta-carotène, qui ne devient vitamine A que par le métabolisme de notre corps après sa consommation.

Nous avons également jugé important d’utiliser l’expression « modification génétique » et d’éviter le mot « transgénique », car de nouvelles techniques de sélection, telles que l’édition de gènes, permettent d’obtenir des plantes OGM même si elles ne sont pas transgéniques.

Panorama mondial

« Ce n’est pas plus difficile que cela. Nous devons juste prendre tout le maïs blanc en Afrique et le remplacer par du maïs orange. »
– Dr Howarth Bouis, lauréat du Prix mondial de l’alimentation 2016 pour la biofortification[6]

La recherche mondiale sur les cultures biofortifiées est dirigée par le système du CGIAR. Ce dernier mène actuellement des recherches pour développer du riz, du blé, du sorgho, des bananes, des lentilles, des pommes de terre, des patates douces, du manioc, des haricots et du maïs biofortifiés. Ce travail est géré par trois unités du CGIAR : l’Institut international de recherche sur le riz, qui se concentre sur le riz génétiquement modifié ; le Centre international de la pomme de terre, axé sur les patates douces ; et le programme HarvestPlus, qui coordonne tout le reste.

Qu’est-ce que HarvestPlus ?

HarvestPlus est un programme du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR). Il exerce ses activités dans le cadre du programme de recherche du CGIAR sur l’Agriculture pour la nutrition et la santé. Le travail de HarvestPlus est coordonné par deux des 15 centres de recherche internationaux du CGIAR : l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) à Washington, où se trouve HarvestPlus, et le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) à Cali, en Colombie. Son objectif principal est que les cultures biofortifiées parviennent aux agriculteurs du Sud.

HarvestPlus a été officiellement lancé en 2003 et est principalement financé par le Royaume-Uni (qui a fourni 41 % de son financement en 2017), la Fondation Bill et Melinda Gates (30 %), les États-Unis (9 %) et l’Union européenne (6 %).

Pour plus d’informations voir : https://www.harvestplus.org

La main dans le sac. Suite à son speech sur la lutte contre la malnutrition, le Dr Howarth Bouis, « père » des cultures biofortifiées, vide un Coca-Cola Light.

 Alors que nous devons obtenir 40 nutriments par notre alimentation pour être en bonne santé, ces institutions ne se concentrent que sur trois : le zinc, le fer et la vitamine A. Pourquoi ? Selon le directeur de HarvestPlus, « parmi les 40, ce sont ceux qui sont à l’origine des trois problèmes de santé publique les plus répandus et les plus importants ».[7] Mais le Rapport sur la nutrition mondiale, qui fait intervenir plusieurs parties prenantes, remet en question cette affirmation.[8] Et certains chercheurs se demandent si les initiatives de biofortification légitiment une focalisation réductrice sur les carences en vitamine A, en fer et en zinc.[9]

À ce jour, environ 300 variétés de cultures biofortifiées ont été mises au point et diffusées dans le monde avec l’aide de HarvestPlus. Dix millions d’agriculteurs les cultivent et 30 millions de personnes en consomment (voir tableau). Bien que les cultures biofortifiées ne représentent qu’une très petite partie des cultures des 1,5 milliard d’agriculteurs des pays en développement, le CGIAR espère accroître de manière significative leur diffusion. Son objectif est de faire de la sélection de cultures biofortifiées la stratégie par défaut, de sorte qu’elle puisse représenter 90 % de l’approvisionnement alimentaire mondial.[10]<

Jusqu’à présent, aucune des plantes biofortifiées fournies aux agriculteurs n’a été modifiée génétiquement (OGM). Cependant, un certain nombre d’entre elles sont en cours de développement (voir la carte). Bien que HarvestPlus se soit inquiété du fait que les gens vont confondre « biofortifié » avec « OGM » et rejeter les cultures biofortifiées, leur développement est en train de passer de la sélection classique à la modification génétique.

Si certains éléments indiquent que la consommation de plantes biofortifiées a des effets positifs, les méthodes utilisées pour promouvoir ces cultures, comme la façon dont les femmes sont ciblées, ont été vivement critiquées.[11] Dans de nombreuses régions du monde, les femmes et les enfants souffrent de manière disproportionnée de malnutrition. Dans le même temps, les femmes sont considérées comme des décideurs en matière d’alimentation dans leur ménage. Par conséquent, de nombreuses initiatives visant à promouvoir la biofortification sont axées sur les femmes. Par exemple, les femmes reçoivent une formation sur les avantages de passer des cultures traditionnelles aux cultures biofortifiées et ce sont souvent elles qui sont soumises à des essais d’alimentation permettant d’analyser les effets sur la santé des aliments biofortifiés.

Une grande partie de ce travail est financée par le système du CGIAR, ses gouvernements membres, des fondations privées et des sociétés multinationales. Le CGIAR a consacré 500 millions de dollars à la biofortification depuis 2002.[12] Sur ce montant, environ 21 millions USD ont été dépensés pour un programme de développement de manioc OGM enrichi en fer, zinc et provitamine A. Cent millions de dollars supplémentaires ont été consacrés aux efforts de développement d’un riz OGM enrichi en provitamine A.

La Fondation Bill et Melinda Gates, le plus important bailleur de fonds privé du CGIAR, a alloué des dizaines de millions de dollars au soutien de la biofortification de la patate douce, du riz et du manioc en Afrique.[13] Entre 2009 et 2016, la Fondation Gates a dépensé 69 millions USD pour la patate douce biofortifiée destinée à l’Afrique, dont 80 % sont allés au Centre international de la pomme de terre du CGIAR.[14]La fondation aurait également investi 15 millions USD dans le développement d’une banane génétiquement modifiée enrichie en provitamine A pour l’Ouganda dans une université australienne.[15]

Autre exemple de financement privé de la biofortification, Aliko Dangote, l’homme d’affaires le plus riche d’Afrique, a affecté 50 millions de dollars américains par l’intermédiaire de sa fondation à la lutte contre la malnutrition en Afrique, notamment par la biofortification. Le secteur privé s’implique également très activement au travers de subventions, de recherches en interne, de production et de distribution de semences et de création d’une demande en cultures biofortifiées.

Préoccupations politiques globales concernant les cultures biofortifiées

Sur le plan international, la promotion des cultures biofortifiées pose plusieurs problèmes juridiques majeurs :

Débat sur l’étiquetage : Il n’existe pas de définition internationalement acceptée de la biofortification. Il n’existe donc pas de norme sur ce qui peut être commercialisé comme « biofortifié ». Le Zimbabwe et l’Afrique du Sud mènent actuellement une offensive visant à modifier cela dans la Commission du Codex Alimentarius.[49] L’un des obstacles est que l’Union européenne refuse de formaliser quoi que ce soit en utilisant le préfixe « bio », car cela signifie « biologique » dans la législation de l’UE, et les cultures biofortifiées ne sont pas nécessairement biologiques. D’autres membres ne sont pas certains que le Codex devrait formellement adopter une définition de la biofortification, dans la mesure où cela favoriserait une approche nutritionnelle mono-nutriment (ou basée sur un petit nombre de nutriments), par opposition à un régime biodiversifié. Un autre risque est que ce terme puisse masquer l’existence d’OGM (biofortifiés), ce que certains gouvernements considèrent comme trompeur. Le choix du niveau d’amélioration nutritionnelle à atteindre pour pouvoir prétendre au label « biofortifié » pose aussi problème. Les autorités américaines, par exemple, ont indiqué que, dans le cadre de la loi américaine, les propriétés nutritionnelles du riz doré ne pouvaient figurer sur l’étiquette car la quantité de bêta-carotène qu’il contient n’est pas assez élevée.

Contamination par les OGM : L’introduction de cultures GM est contestée dans de nombreux pays en raison de préoccupations liées à la santé humaine et à la protection de l’environnement. Le débat est encore compliqué aujourd’hui par le fait que les gouvernements décident de réglementer ou non comme des « OGM » les plantes produites à l’aide de nouvelles techniques de sélection, telles que l’édition de gènes.[50] Un grand nombre de cultures biofortifiées sont maintenant en cours de développement par modification génétique et cette pression ne fera donc que s’accentuer. L’Organisation mondiale de la santé considère que la biofortification peut faire peser la double menace d’une contamination croisée par des cultures génétiquement modifiées biofortifiées et d’une perte de biodiversité.[51] Le transfert de matériel génétique de plantes génétiquement modifiées vers des plantes non génétiquement modifiées par croisement naturel pose problème avec pratiquement toutes les cultures biofortifiées d’OGM en cours de développement (maïs, blé, riz, moutarde, sorgho et manioc). Même dans le cas de la banane, la contamination mécanique par le partage des drageons est problématique. Mais comme aucune culture OGM biofortifiée n’a encore été introduite, nous ne disposons pas encore de données sur la contamination réelle. Ironiquement, un transfert génétique en sens opposé peut également se produire. Les chercheurs qui procèdent aux essais ont découvert que le maïs normal peut polliniser le maïs OGM enrichi en zinc et diluer son amélioration nutritionnelle, car il provient de gènes récessifs.[52]

Brevets et biopiratage : Des problèmes de brevets peuvent également se poser. Par exemple, un maïs OGM biofortifié mis au point en Espagne pour être utilisé en Asie et en Afrique fait intervenir 36 technologies brevetées pour lesquelles des licences peuvent devoir être négociées. Syngenta, une société suisse rachetée par ChemChina en 2018, détient plus de 70 brevets sur du riz doré. Jusqu’à présent, du fait des dispositions des licences, la technologie peut être utilisée gratuitement dans les pays en développement et la société maintient qu’elle n’a aucun intérêt à exploiter commercialement la technologie sur les marchés des pays développés, mais cela pourrait changer. Plus récemment, un professeur de l’Université Purdue s’est appuyé sur les recherches qu’il avait menées avec HarvestPlus pour mettre au point du maïs enrichi en provitamine A et a créé avec son fils sa propre société à responsabilité limitée. En février 2019, ils ont lancé une ligne de produits exclusive aux États-Unis, basée sur leurs recherches financées par des fonds publics.[53]

Bien que peu discutée, la question du biopiratage est également une source de préoccupation. Les millets biofortifiés actuellement développés par l’ICRISAT en Inde tirent leur caractéristique nutritionnelle améliorée des millets mis au point par les paysans agriculteurs du Togo, la région d’origine du millet.[54] Les agriculteurs du Togo recevront-ils quelque chose pour leur contribution ? De même, en Afrique, les patates douces, le manioc et le maïs biofortifiés dont on fait en ce moment la promotion sont dérivés de variétés latino-américaines. Ces contributions seront-elles reconnues ? Certains disent également que la banane enrichie en provitamine A était déjà présente dans toutes les communautés insulaires, de l’Indonésie à Hawaï.[55] En fait, le gène isolé par les scientifiques australiens travaillant sur une banane biofortifiée pour l’Ouganda a été isolé à partir d’une variété utilisée en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Quels avantages en retireront les communautés agricoles qui sont initialement responsables du développement et de la gestion des variétés de plantes actuellement utilisées dans la biofortification ?Sur le terrain en AsieL’Asie du Sud abrite la plupart des habitants de la planète souffrant de malnutrition en micronutriments. Paradoxalement, la région recèle une incroyable diversité de fruits et de légumes qui constituent d’excellentes sources de micronutriments. Les taux d’anémie chez les femmes enceintes, par exemple, sont plus élevés en Asie du Sud que partout ailleurs, et plus de la moitié des femmes enceintes souffrent de cette maladie.[16] L’Asie du Sud compte également le plus grand nombre d’enfants souffrant de retard de croissance ou d’altération de la croissance et du développement dus à la malnutrition, souvent avec des conséquences irrémédiables.[17]<Situation de la biofortification en Asie Les centres du CGIAR tels que l’IRRI et l’ICRISAT (Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides) ont été à la pointe du développement des cultures biofortifiées en Asie.

La culture biofortifiée la plus connue est le riz enrichi en provitamine A de l’IRRI, surnommé le riz doré. Il s’agit d’une culture OGM qui n’a encore été introduite nulle part en raison de la forte résistance des agriculteurs et de la société civile depuis le début des années 2000. Son autorisation réglementaire est actuellement à l’étude au Bangladesh et aux Philippines.

L’IRRI a également mis au point une variété de riz non génétiquement modifié, enrichi en zinc et en fer, qui n’a pas rencontré les mêmes obstacles que le riz doré. Il a été introduit en Indonésie en décembre 2018, ainsi que plus tôt en Chine, sans faire l’objet de beaucoup de débats.[18] L’IRRI travaille actuellement au développement d’un autre riz riche en zinc et en fer par modification génétique.[19]Son objectif ultime est d’obtenir un riz OGM biofortifié trois-en-un : enrichi en zinc, en fer et en provitamine A. Par le biais de HarvestPlus, de la patate douce enrichie en provitamine A et des haricots riches en fer ont également été diffusés dans plusieurs pays asiatiques. Un sorgho à haute teneur en fer et en zinc est également en cours de développement.

Les instituts de recherche nationaux indiens se lancent également dans la biofortification. L’Institut national de biotechnologie agroalimentaire du Pendjab a mis au point une banane enrichie en provitamine A en utilisant la technologie CRISPR.[20] Et une moutarde OGM, très controversée, développée par le Centre de manipulation génétique des plantes cultivées de l’Université de Delhi, est considérée comme un candidat à la biofortification, pour apporter de la provitamine A. Comme la Chine et l’Inde ont toutes deux leurs propres programmes de biofortification financés par des fonds nationaux indépendants, on peut s’attendre à voir apparaître d’autres projets de recherche nationaux.

Le secteur privé indien s’implique aussi activement dans ce domaine. Par exemple, le Conseil indien de la recherche agricole effectue des travaux de biofortification avec PepsiCo.[21] Et depuis 2016, l’ICRISAT collabore avec des sociétés de semences indiennes comme Karnataka State Seeds Corporation Ltd et Maharashtra State Seeds Corporation Ltd pour fournir aux agriculteurs des semences de millet perlé à haute teneur en fer.[22]

En outre, l’Institut John Innes du Royaume-Uni a mis au point une variété de blé OGM utilisant la technologie CRISPR qui permet de produire 20 milligrammes de fer par kilo de farine moulue. Une demande d’essais au champ de cette culture biofortifiée vient d’être approuvée et ces essais débuteront fin 2019. Outre son utilisation possible au Royaume-Uni, les partisans de ce blé génétiquement modifié biofortifié souhaiteraient le voir cultivé au Pakistan, en Inde et au Bangladesh.

Critiques émergentes 

La critique numéro un de la biofortification en Asie est qu’elle est un prolongement de la révolution verte, qui a conduit à l’érosion de l’agrobiodiversité en n’imposant que quelques variétés de cultures moins nutritives et à haut rendement. Jusque dans les années 1970, les agriculteurs indiens cultivaient 110 000 variétés de riz; aujourd’hui, seulement 6 000 ont survécu.[23] En favorisant un si petit nombre de cultures, les centres du CGIAR ont beaucoup contribué au renforcement de la monotonie du régime asiatique. Les régimes alimentaires en Asie du Sud-Est comprenaient autrefois un large éventail d’aliments de base comme le manioc, le maïs, les haricots, le taro et la patate douce ; maintenant, les habitants de cette région mangent du riz trois fois par jour, en grande partie à cause de l’objectif de la Révolution verte qui consistait à promouvoir le riz. Ce régime entraîne non seulement des carences en micronutriments, mais contribue également à des maladies liées au régime alimentaire, comme le diabète. (Voir encadré : Riz et diabète.)

Riz et diabète

Le riz offre un bon exemple des conséquences néfastes pour la santé publique de la promotion d’un régime alimentaire basé sur une seule culture. La majeure partie du riz dans le monde est produit et consommé en Asie. La révolution verte lancée dans les années 1960 a imposé aux agriculteurs asiatiques de nouvelles formes de riz, potentiellement à haut rendement, comme moyen d’accroître la production alimentaire et, de ce fait, de mettre un terme à l’expansion des mouvements politiques de gauche dans la région (que l’on pensait être attisés par la faim). En conséquence, le riz blanc a fini par dominer les régimes asiatiques jadis diversifiés, avec des conséquences dramatiques pour la santé.[56] L’indice glycémique du riz blanc est particulièrement élevé : il provoque une augmentation rapide de la glycémie suivie d’une baisse, ce qui perturbe la capacité de l’organisme à produire de l’insuline et à réguler la glycémie. Aujourd’hui, 60 % du total des personnes atteintes de diabète se trouvent en Asie, dont 90 % souffrent de diabète de type 2, la forme évitable de la maladie. Le président de la Société de médecine endocrinienne et métabolique de Malaisie affirme que la hausse de l’obésité dans son pays est due non pas à la malbouffe occidentale, mais au riz blanc.[57] De l’Inde à la Chine, le diabète de type 2, ainsi que l’épidémie croissante d’obésité en Asie, seraient causés par le riz blanc.[58]

Enrichir le riz en ajoutant quelques nutriments supplémentaires, avec l’idée que les gens vont en manger plus, ne va-t-il pas aggraver la situation ?

Les cultures biofortifiées font partie d’une approche très occidentale dominée par des hommes blancs selon laquelle l’alimentation et l’agriculture sont des marchés capitalistes entretenus par la recherche scientifique formelle.

Les promoteurs des cultures biofortifiées affirment que la biofortification est l’approche la plus efficace pour lutter contre les carences en micronutriments parmi les communautés à faible revenu qui ne peuvent pas se permettre d’acheter des aliments diversifiés, tels que les fruits et les légumes. Toutefois, des recherches participatives menées dans les États d’Andhra Pradesh et de Telangana avec des populations adivasi et de petites communautés paysannes montrent que les systèmes agricoles traditionnels fournissent des régimes très nutritifs, qui procurent de grandes quantités de vitamine A, d’acide folique, de vitamine D, de zinc et d’autres micronutriments.[24] La question est donc de savoir quel système on choisit de promouvoir : des régimes traditionnels divers basés sur des systèmes agricoles diversifiés ou le remplacement de ces systèmes diversifiés par un petit nombre de cultures « nutritionnellement améliorées ».

L’ONG UBINIG, basée à Dhaka, a mené des recherches qui montrent que la monoculture de cultures biofortifiées, comme le riz enrichi en zinc, inquiète les populations et détruit les fondements écologiques de l’agriculture au Bangladesh.[25] L’inquiétude porte également sur la façon dont les femmes et les enfants sont ciblés dans le cadre d’une stratégie marketing en faveur des cultures biofortifiées. Selon eux, « s’il est vrai que les femmes et les adolescentes souffrent de carences nutritionnelles qui ont entraîné un fort pourcentage de retard de croissance (40 %), la solution n’est pas d’avoir un aliment « médicament », comme les variétés industrielles de riz biofortifié. Nous devons plutôt changer pour une agriculture biodiversifiée. »[26] Les Bangladais ne consomment pas du riz seul, soulignent-ils, mais avec des légumes, du poisson et des lentilles. Même les plus pauvres consomment aussi des pommes de terre, des épinards et des lentilles avec le riz. La distribution de nouveaux riz et blé biofortifiés au Bangladesh ne repose pas sur des données scientifiques, mais plutôt sur l’hypothèse selon laquelle les femmes pauvres sont carencées en zinc, en fer et en vitamine A. En fait, les femmes bénéficiaires pauvres ne savent souvent pas pourquoi on leur donne du riz biofortifié.

Les communautés rurales et les groupes de femmes de la région considèrent que les systèmes alimentaires locaux diversifiés et les régimes traditionnels sont la véritable solution à la pauvreté et à la malnutrition. Nombre de ces communautés s’opposent activement à la prise de contrôle de leurs champs, de leur bétail, de leurs territoires et de leurs cultures. Dans le cadre de ces luttes, les femmes se battent pour préserver leurs connaissances traditionnelles, qui constituent les fondements de leur santé et de leur culture, par exemple la connaissance des différentes utilisations des légumes verts à feuilles et d’autres aliments trouvés dans les forêts et les zones semi-arides où elles vivent.

Sur le terrain en Afrique

En Afrique, qui est toujours décrite comme un continent « affamé », les cultures biofortifiées sont commercialisées comme une solution miracle pour remédier aux carences en éléments nutritifs. Le président de la Banque africaine de développement, le Dr Akinwumi Adesina, a déclaré : « Les cultures biofortifiées vont changer la donne dans la réponse à apporter au problème de la malnutrition dans notre monde d’aujourd’hui. »[27] En 2018, l’Union africaine est allée jusqu’à adopter la biofortification en tant que nouvelle stratégie de sécurité alimentaire pour le continent. Cependant, l’Afrique possède de riches cultures culinaires locales, qui s’appuient sur des relations sociales locales spécifiques dans lesquelles les femmes jouent souvent un rôle central. L’offensive en faveur de la biofortification sur le continent suscite donc le scepticisme dans de nombreux milieux.

Situation de la biofortification en Afrique 

Des haricots biofortifiés en vente au Rwanda. (Photo : HarvestPlus)

Le cas le plus emblématique de la promotion des cultures biofortifiées en Afrique est celui de la banane OGM enrichie en provitamine A en Ouganda. Cette culture a été développée pour répondre à la carence en vitamine A, qui affecte actuellement 28 % des enfants d’âge préscolaire dans le pays. Les bananes sont l’aliment de base des populations Baganda, qui représentent 17 % de la population ougandaise. À partir de la fin des années 2000, la Fondation Bill et Melinda Gates a commencé à financer des travaux à la Queensland University, en Australie, afin de produire une variété OGM. Bien qu’il existe plus de 20 types de bananes couramment cultivées et consommées en Ouganda, le travail se concentre sur l’un d’entre eux, la variété Nakitembe. Environ 10 millions USD ont été investis dans le projet jusqu’à présent. Des essais d’alimentation ont été menés en 2014 aux États-Unis et cette variété devrait être introduite en 2021, sous réserve de la finalisation de la réglementation récemment adoptée par l’Ouganda en matière de biosécurité.

La patate douce est une autre culture biofortifiée importante pour les Africains. Alors que beaucoup d’Africains mangent des variétés blanches et jaunes, des travaux ont été entrepris en 1995 pour développer des variétés à chair orange riches en provitamine A. Ces recherches étaient à l’origine dirigées par le Centre international de la pomme de terre (CIP) du CGIAR et l’Institut de recherche agronomique du Kenya, mais en 2006 la Fondation Bill et Melinda Gates est intervenue avec des fonds supplémentaires. Cette patate douce non-OGM a déjà été introduite dans 15 pays, dont la Tanzanie, l’Ouganda, le Mozambique, le Rwanda, la Côte d’Ivoire et le Nigéria. autre aliment de base dans de nombreuses communautés africaines, est également biofortifié pour apporter du fer, du zinc et de la provitamine A. Certaines de ces recherches s’accompagnent d’une sélection conventionnelle et d’autres, d’une modification génétique.

L’une des initiatives les plus connues est le travail mené par le Centre des sciences végétales Donald Danforth financé par Monsanto/Bayer aux États-Unis, en partenariat avec le Centre international d’agriculture tropicale du CGIAR ainsi que des instituts de recherche nationaux. Ce travail vise à développer un manioc OGM enrichi en fer et en zinc pour le Kenya, le Nigeria et l’Ouganda. Jusqu’à présent, un essai au champ a été réalisé à Porto Rico pour une introduction au Kenya prévue pour 2020 ou 2021. L’introduction d’un sorgho OGM enrichi en provitamine A est également prévue au Kenya, après des années de recherche financées par la Fondation Gates, DuPont et d’autres.

Un maïs est également biofortifié par le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) du GCRAI afin d’apporter de la provitamine A et du zinc. Comme la patate douce biofortifiée, il est orange au lieu du jaune ou du blanc habituel. Il a été introduit dans environ huit pays, dont le Ghana, le Mali, le Nigéria, le Zimbabwe, la Tanzanie, le Malawi et le Rwanda, avec un financement des gouvernements et du secteur privé. Un millet perlé enrichi en fer a été introduit pour la première fois en Afrique en 2018 au Niger, le pays historique du millet.

Les grandes sociétés poursuivent elles aussi leurs propres programmes de biofortification. Nestlé travaille au développement de manioc, de mil, de riz et de maïs biofortifiés pour la Côte d’Ivoire, Madagascar, le Nigéria et le Sénégal.[28] Ces travaux sont réalisés dans le centre de recherche de Nestlé à Abidjan. En 2018, la société intégrait du maïs enrichi en vitamine A dans sa gamme de produits à base de céréales Golden Morn au Nigéria, ce qui n’a pas été sans problèmes. Le manque d’incitations pour les agriculteurs a conduit à un approvisionnement insuffisant en maïs.[29] Et selon certaines informations, la teneur en vitamine A dans le maïs orange serait inférieure au niveau d’enrichissement nécessaire pour le porridge.[30] À Madagascar, les travaux portent sur le riz et remontent à 2010.[31] En 2019, seulement 1 000 agriculteurs avaient reçu des semences et l’entreprise se concentre maintenant sur la formation des producteurs de semences.[32]

Dans le cadre de la stratégie de HarvestPlus, il est prévu que des entreprises privées produisent et commercialisent des semences de cultures biofortifiées pour les agriculteurs.[33] En Zambie, HarvestPlus collabore directement avec Zamseed, qui fournit à la société des supports marketing et une expertise en matière de commercialisation. La culture biofortifiée la plus rentable de Zamseed est le maïs enrichi en provitamine A. Au Zimbabwe, HarvestPlus a signé des accords avec Prime Seed Co et Zimbabwe Super Seeds pour diriger la production de semences.[34] Bien que HarvestPlus affirme qu’aucun avantage en matière de propriété intellectuelle ne peut être tiré de la commercialisation de leurs variétés de cultures, les entreprises sont encouragées à développer des variantes hybrides, qui doivent être achetées à chaque saison de plantation, à leur propre profit.[35] Des hybrides de ce type sont déjà cultivés en Zambie, au Nigeria, au Ghana, au Zimbabwe, au Malawi et en Tanzanie.[36]

Critiques émergentes 

L’expérience des cultures biofortifiées en Afrique a soulevé un certain nombre de problèmes. Premièrement, elles sont considérées comme une approche descendante pour lutter contre la malnutrition. Certains projets prétendent consulter les femmes, mais il est difficile de savoir l’étendue des consultations et dans quelle mesure ces dernières ne visent qu’à convaincre les femmes d’accepter les nouvelles cultures en tant que « consommatrices » des produits de l’établissement de recherche. Ce type de processus a été documenté à Mwasongowe, en Tanzanie, autour de la patate douce enrichie en provitatime A préconisée par la Fondation Bill et Melinda Gates.[37] En Tanzanie, les patates douces ne sont pas une marchandise ; elles constituent plutôt une culture vivrière de subsistance, généralement cultivée par les femmes. La patate douce biofortifiée a été introduite à Mwasongowe sans consultation appropriée auprès des femmes, des praticiens de santé ou des « mama lishes » – des vendeuses de rue qui jouent un rôle culturel important et fournissent des repas sains et nutritifs. Lorsque les femmes ont adopté la nouvelle patate douce biofortifiée, elles l’ont fait pour gagner de l’argent en la vendant, et non pour des raisons de santé.

La biofortification en Afrique ne tient pas compte non plus des plantes nutritives déjà cultivées par les agriculteurs. Par exemple, au Malawi, comme dans d’autres pays, on a tenté de commercialiser du maïs biofortifié à haute teneur en provitamine A. Mais cette initiative n’a pas tenu compte de l’existence d’une variété locale populaire appelée mthikinya, à teneur élevée en provitamine A, mais également en protéines et en lipides, qui nécessite peu d’engrais, mûrit tôt et se conserve bien. Le mthikinya (maïs orange) a été perdu dans les années 1960, mais a récemment été repris par des agriculteurs locaux et il est maintenant largement utilisé par les fermes-écoles pour promouvoir l’agroécologie. Cette variété de maïs est très résistante à la sécheresse et permet aux agriculteurs de résister à la pression croissante du changement climatique.

Des questions similaires peuvent être posées sur le palmier africain. L’huile de palme rouge, qui est pressée et purifiée à partir de graines de palmiers à huile traditionnels, a une teneur en provitamine A supérieure à celle de tout autre aliment naturel.[38] Mais au lieu de soutenir la production et la transformation de l’huile de palme par les communautés, des activités souvent dirigées par les femmes, les banques de développement et les gouvernements subventionnent une production industrielle à grande échelle dirigée par des multinationales étrangères et à destination des marchés internationaux. L’huile de palme industrielle est extrêmement raffinée, ce qui détruit sa teneur en provitamine A. Le soutien à la production traditionnelle d’huile de palme rouge devrait constituer une approche évidente de la lutte contre les carences en vitamine A, qui favoriserait également la biodiversité indigène, l’entrepreneuriat féminin et les économies locales. Mais au lieu de cela, une campagne est menée en faveur de plantes enrichies en provitamine A.

Enfin, de nombreuses cultures biofortifiées en Afrique sont génétiquement modifiées et posent de graves risques pour la biodiversité et la santé des populations. De nombreuses pressions ont été exercées sur les États africains pour qu’ils adoptent des lois permettant l’approbation des OGM et la privatisation des semences afin d’inciter les entreprises à les produire. Mais cela est contesté par des paysans, des femmes, des jeunes et d’autres mouvements sociaux du continent qui se battent pour protéger leurs cultures, leurs terres et leurs systèmes alimentaires locaux.

Sur le terrain en Amérique latine

Si les efforts en faveur des cultures biofortifiées se concentrent en Asie et en Afrique, des tendances similaires en Amérique latine soulèvent des questions sur les menaces pesant sur les systèmes alimentaires locaux et la diversité des cultures au niveau des femmes et des organisations paysannes.

Situation de la biofortification en Amérique latine 

Les légumes indigènes tels que les « quelites » au Mexique sont partie intégrante des diètes locales, ont de multiples propriétés thérapeutiques et atténuent la faim quand celle-ci s’installe. Pourtant, les intérêts réductionnistes qui encouragent la biofortification ignorent cette diversité. (Photo : Larousse de la cuisine Mexicaine)

Comme en Asie et en Afrique, quelques centres du CGIAR ont dirigé des recherches sur les cultures biofortifiées en Amérique latine. Le CIMMYT, par exemple, a joué un rôle important dans la biofortification du maïs, une culture originaire du Mexique qui possède une valeur culturelle et symbolique considérable pour les communautés autochtones et d’autres communautés en Amérique latine. Le CIMMYT a commencé ses recherches sur la biofortification sur le maïs en 2004 et commence maintenant à introduire des variétés. Le CIP occupe aussi une place importante en raison de ses travaux non seulement sur la patate douce, mais également sur la pomme de terre, originaire des Andes. Le CIAT, basé en Colombie, joue lui aussi un rôle actif, notamment avec l’introduction récente de nouveaux haricots biofortifiés. Dans la région, ces trois centres collaborent avec des programmes nationaux visant à tester, introduire et promouvoir des cultures biofortifiées, souvent en collaboration avec le secteur privé et des organisations non gouvernementales. En fait, le Panama et la Colombie ont été parmi les premiers à inclure la biofortification dans leurs plans nationaux de sécurité alimentaire, et le Brésil dispose maintenant d’un programme de biofortification très solide bénéficiant d’un financement public.

Dans les Caraïbes, l’Institut interaméricain de coopération agricole (IICA) s’associe aux centres du CGIAR pour développer des haricots, du manioc, du maïs, du riz et de la patate douce biofortifiés non génétiquement modifiés. Comme ailleurs, les nutriments ciblés sont le zinc, le fer et la provitamine A. En novembre 2018, les ministres de l’Agriculture des Caraïbes et le Conseil du développement économique et commercial ont adopté la proposition de l’IICA visant à promouvoir les cultures biofortifiées pour lutter contre le cancer, l’obésité, les maladies cardiaques et le diabète dans la région.

En 2018, le Guatemala a introduit le premier maïs hybride enrichi en zinc dans le monde. Ses promoteurs prétendent qu’il possède des formes de protéines améliorées, d’une qualité presque égale à celle du lait, ainsi qu’une teneur en zinc de 15 % supérieure à celle des variétés non enrichies. Les semences sont produites par le gouvernement ainsi que par des producteurs de semences locaux, ce qui suscite de vives inquiétudes quant à la manière dont elles pourraient remplacer les variétés locales dans un pays qui fait partie du centre d’origine du maïs. Dans d’autres pays, comme le Panama et la Colombie, il est fait la promotion de formes de maïs biofortifiées riches en provitamine A, en protéines et/ou en zinc non hybrides et non génétiquement modifiées.

En février 2019, le premier riz biofortifié, contenant 30 % plus de zinc que les variétés ordinaires, a été introduit en Amérique latine, après des années de travail du CIAT en Bolivie.[39] Une version OGM contenant du zinc et du fer est également en cours de développement, grâce à une recherche commune entre le CIAT et d’autres chercheurs.[40]

Le Brésil possède probablement le programme national de biofortification le plus important au monde. Il s’appelle BioFORT et est financé entre autres par la Fondation Bill et Melinda Gates et la Banque mondiale. Il regroupe pratiquement tous les travaux sur les cultures biofortifiées sous la coordination de l’Embrapa, l’agence nationale brésilienne de recherche agronomique. Et tout en se concentrant sur le même trio composé du zinc, du fer et de la provitamine A, BioFORT s’engage à ne produire que des semences biofortifiées conventionnelles.[41] De nombreuses plantes ont déjà été enrichies et ont trouvé leur place dans l’alimentation de la population. Par exemple, une nouvelle variété de patate douce, appelée Beauregard, contient 10 fois plus de provitamine A que la variété commerciale courante.[42]La même chose a été faite avec le manioc, générant des variétés avec des teneurs dix fois supérieures en bêta-carotène, le précurseur de la vitamine A.[43]

Des entreprises privées se lancent également dans la biofortification. PepsiCo, l’un des plus grands fabricants mondiaux de malbouffe, comme les chips et les boissons sucrées, finance depuis de nombreuses années des recherches sur le maïs biofortifié. Ce financement prend la forme de subventions directes au CIMMYT au Mexique et d’un soutien financier aux chercheurs des universités et des laboratoires du monde entier. Au Brésil, PepsiCo South America Foods s’est associé à l’Embrapa pour développer des snacks à base d’ingrédients biofortifiés riches en provitamine A, en fer et en zinc.[44]

Au Brésil, une partie des travaux de BioFORT est également financée par un contrat à long terme avec Monsanto (maintenant détenu par Bayer), notamment à partir des redevances provenant de leur travail conjoint de production de semences de soja OGM.[45] Monsanto, Nestlé et PepsiCo financent également des conférences sur la biofortification au Brésil.

Critiques émergentes 

L’une des préoccupations majeures des mouvements sociaux de la région porte sur le fait qu’une grande partie des plantes transformées par biofortification, telles que le maïs, les pommes de terre et les haricots, proviennent d’Amérique latine. La crainte est que les nouvelles variétés remplacent les semences indigènes et traditionnelles, qui ont été développées et sont protégées en particulier par les femmes. C’est le maïs, qui revêt une profonde signification culturelle et spirituelle dans la région, qui suscite le plus d’émotions. Les formes hybrides de maïs biofortifié, qui peuvent rapidement remplacer les variétés paysannes, constituent une menace immédiate pour les systèmes alimentaires locaux.

À cela s’ajoute le rôle de sociétés privées telles que Nestlé, PepsiCo et Monsanto. Elles défendent énergiquement un modèle de production et de consommation alimentaire fondé sur l’accaparement des terres, la pollution des sols et des eaux, l’utilisation de produits agrochimiques, la déforestation, l’ultra-transformation, l’ultra conditionnement et les marchés mondiaux. Ce modèle détruit les systèmes alimentaires locaux, nuit aux travailleurs, nuit à la santé publique et entraîne la dégradation du climat. Pourtant, cela n’est guère discuté dans la promotion de la biofortification en tant que stratégie de lutte contre la malnutrition en Amérique latine ou ailleurs.

Une autre critique porte sur le fait que les cultures biofortifiées représentent une mauvaise approche pour améliorer la santé. Les mouvements sociaux au Brésil, par exemple, se sont intéressés à la campagne en faveur de la biofortification et ont conclu que des régimes alimentaires variés ainsi que des cultures et un élevage diversifiés constituaient de bien meilleures solutions que l’augmentation de la teneur en micronutriments de quelques aliments de base.[46] La vraie solution – non seulement contre la malnutrition, mais aussi contre la pauvreté et les injustices sociales et environnementales – réside dans la promotion de la diversité des régimes alimentaires et des systèmes agricoles en Amérique latine sous le contrôle des communautés autochtones et locales. Autrement, ces systèmes ne feront que généraliser le contrôle des entreprises sur les systèmes agricoles locaux et éclipser les cultures alimentaires locales.

Au Mexique, la culture de la production, de la cueillette, de la cuisson et de la conservation des légumes locaux, appelés « quelites », est très importante pour la santé et la nutrition de la population.[47] Les quelites – qui peuvent être des amarantes adventices ou sauvages, du chénopode, des pousses de toutes sortes, des bourgeons et des fleurs – font partie intégrante du régime alimentaire local. Ils représentent également tout un trésor de plantes médicinales et apaisent la faim pendant les périodes de sécheresse ou d’autres problèmes. De nombreuses cultures à travers le monde montrent une dépendance similaire à l’égard des légumes verts locaux pour la nutrition et la santé. Pourtant, ce type de diversité n’est absolument pas pris en compte par la stratégie réductionniste qui pousse à la généralisation de quelques cultures de base biofortifiées.

Comme dans d’autres régions du monde, les populations d’Amérique latine craignent que les semences biofortifiées ne soient un cheval de Troie pour l’expansion des OGM. L’argument nutritionnel est difficile à défendre et, même si des instituts comme l’Embrapa prétendent utiliser uniquement des techniques de sélection conventionnelles pour développer des cultures biofortifiées, les chercheurs et les entreprises qui les sous-tendent ont un intérêt direct dans les biotechnologies.[48]

Un appel à l’action

Une animatrice communautaire contribue à une enquête sur les systèmes alimentaires traditionnels dans le village de Sikandelapur, en Inde, en 2018. (Photo : Food Sovereignty Alliance Inde)

L’establishment scientifique international est de plus en plus financé par des intérêts privés non responsables, de la Fondation Gates à Pepsico en passant par Bayer et DuPont. Ensemble, ce sont les acteurs qui défendent le plus bruyamment la biofortification. Au-delà du battage médiatique autour du riz doré ou de la super banane, il existe une stratégie des entreprises qui vise à renforcer la privatisation de l’alimentation et de l’agriculture en exploitant le problème, à forte charge émotionnelle, de la faim et en utilisant les femmes pour exercer une influence.

Si la première vague de cultures biofortifiées ne s’est pas appuyée sur des modifications génétiques, l’acceptation des cultures biofortifiées ouvre la voie à la commercialisation de la prochaine vague de plantes biofortifiées OGM auprès des agriculteurs et des consommateurs.

GRAIN lance un appel à l’action et invite les groupes de femmes et les organisations paysannes à se pencher sur la question de la biofortification aux niveaux local, régional, national et mondial. Nous pensons qu’il existe suffisamment d’informations et d’expérience pour justifier un boycott de toutes les cultures et de tous les aliments biofortifiés, ainsi que des demandes d’investissement dans une approche différente de la recherche agronomique basée sur l’agroécologie, la culture locale et la souveraineté alimentaire.

Nous proposons que les approches alternatives de lutte contre la faim et la malnutrition soient basées sur les cinq principes suivants :

1. Partager les informations et sensibiliser aux modes de vie sains et une alimentation saine, l’accent étant mis sur les femmes et l’égalité des sexes ;

2. Renforcer le leadership des femmes dans la prise de décision en matière de politique alimentaire et la recherche sur les systèmes alimentaires ;

3. Promouvoir la diversité dans l’agriculture et les régimes alimentaires, et non les monocultures ou les régimes alimentaires monotones. Cela passe par la valorisation des plantes et des animaux locaux, des cultures vivrières, des semences et des connaissances locales qui assurent la santé et maintiennent la force des communautés ;

4. Réduire les coûts et augmenter la disponibilité des fruits et légumes en partie en réorientant les subventions et autres fonds publics favorisant actuellement les produits industriels et les aliments transformés ;

5. Résister à la prise de contrôle néolibérale de l’alimentation et de l’agriculture qui traitent l’alimentation et les cultures comme des marchandises et une propriété intellectuelle brevetable afin de favoriser les profits des entreprises. Pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de la faim, il est nécessaire de maintenir le contrôle du public et des communautés sur l’alimentation et l’agriculture.

Pour aller plus loin

▪ Le rapport 2017 du Forum brésilien sur la souveraineté alimentaire intitulé « Biofortification : A threat to food security and sovereignty ? » est disponible en portuguais, en espagnol et en anglais : https://fbssan.org.br/2017/05/boletim-sobre-biofortificacao-em-espanhol-eingles/

▪ Aya Hirata Kimura, « Hidden hunger : Gender and the politics of smarter foods », Cornell University Press, 2013, http://www.cornellpress.cornell.edu/book/?GCOI=80140100834350

▪ Sheila Rao, « Sweet success ? Interrogating nutritionism in biofortified sweet potato promotion in Mwasongwe, Tanzania », 2018, https://curve.carleton.ca/system/files/etd/a7ded06b-6df1-428f-94a5-85ca7e4bdec8/etd_pdf/fde32c889036a0e6aaf98e358fe47470/rao-sweetsuccessinterrogatingnutritionisminbiofortified.pdf.
▪ Food Sovereignty Alliance India and Catholic Health Association of India, « Exploring the potential of diversified traditional food systems to contribute to a healthy diet », 2018, https://foodsovereigntyalliance.files.wordpress.com/2018/12/Report-1.pdf

▪ GRAIN, « Engineering solutions to malnutrition », 2000, https://grain.org/e/54

Résumé des critiques émergentes vis-à-vis des cultures biofortifiées1. Le problème fondamental des cultures biofortifiées tient à la conviction que la santé peut être réduite à quelques nutriments. La question de la malnutrition ne peut être isolée de celles de la pauvreté et des inégalités. Comme la biofortification ne s’attaque pas aux causes profondes de la pauvreté et de la malnutrition, elle risque de la renforcer aveuglément.

2. Le deuxième problème majeur tient à la conviction qu’il vaut mieux ajouter des éléments nutritifs à quelques cultures de base censées être les plus accessibles aux pauvres, plutôt que de promouvoir un régime alimentaire riche en aliments divers. Cette stratégie favorise les pratiques agricoles dangereuses, telles que les monocultures et les régimes monotones.

3. Les cultures biofortifiées s’inscrivent dans une approche dominée par des hommes blancs occidentaux qui vise à façonner l’alimentation et l’agriculture de demain : des marchés capitalistes qui bénéficient des recherches scientifiques officielles (et souvent parrainées par des entreprises).

4. Les femmes et les enfants souffrent de nombreuses formes de discrimination et de malnutrition, mais ils ne doivent pas servir de prétexte pour imposer une solution technologique qui risque de creuser les injustices sociales. Il y a un manque de consultation et de dialogue constructifs et inclusifs avec les femmes avant ces projets de recherche et leur évaluation.

 5. Les cultures biofortifiées sont une solution imposée d’en haut. Elles ne visent pas à renforcer les systèmes agricoles et alimentaires locaux, mais à les remplacer par des cultures supposées supérieures.

6. Même si, dans leur présentation, de nombreux programmes de biofortification utilisent des techniques de sélection ordinaires, ils constituent un cheval de Troie pour l’introduction des OGM. Pour intégrer des éléments nutritifs dans des aliments de base, les scientifiques utilisent un certain nombre d’outils biotechnologiques, notamment la transgenèse, la mutagenèse et l’édition du génome. Ceux-ci servent à créer des OGM brevetés qui représentent une menace importante pour la souveraineté alimentaire.

7. L’agro-industrie et des entreprises agroalimentaires comme PepsiCo, Nestlé, Bayer et DuPont jouent un rôle préoccupant dans la promotion de la biofortification. Ces sociétés font partie d’un système alimentaire industriel basé d’une part sur des monocultures qui détruisent les systèmes de production biodiversifiés et d’autre part sur des aliments transformés qui sont une cause majeure de la malnutrition globale et des maladies liées au régime alimentaire.


Notes
[1]    PCFS Global, « On World Consumer Rights Day : Rural groups slam market release of GM rice in Bangladesh » (PCFS mondial, « Journée mondiale des droits des consommateurs : des groupes ruraux dénoncent la diffusion de riz OGM au Bangladesh »), 15 mars 2019, https://foodsov.org/on-world-consumer-rights-day-rural-groups-slam-market-release-of-gm-rice-in-bangladesh/
[2]    Organisation mondiale de la santé, « Alimentation saine », 23 octobre 2018, https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/healthy-diet
[3]    Les chiffres font l’objet de débats, tout comme les méthodes de mesure. Pour une analyse critique de la littérature scientifique voir Robin J. Marles, « Mineral nutrient composition of vegetables, fruits and grains : The context of reports of apparent historical declines », Journal of Food Composition and Analysis, mars 2017, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0889157516302113
[4]    Voir Alana Herro, « Crop yields expand, but nutrition is left behind », Worldwatch Institute, http://www.worldwatch.org/node/5339, Donald Davis, « Declining fruit and vegetable nutrient composition : What is the evidence ? », American Society for Horticultural Science, février 2009, https://journals.ashs.org/hortsci/view/journals/hortsci/44/1/article-p15.xml, et « Dirt poor : Have fruits and vegetables become less nutritious ? », Scientific American, https://www.scientificamerican.com/article/soil-depletion-and-nutrition-loss/
[5]    Vibha Varshney, « Food basket in danger », Down to earth, 1er décembre 2017, https://www.downtoearth.org.in/news/health/food-basket-in-danger-57079
[6]    Center for Strategic and International Studies, « Biofortification : Better crops, better nutrition », 16 juin 2017, https://youtu.be/OZ6DRNsB4YM (27:30)
[7]    Dr Howarth Bouis, communication personnelle, 6 mars 2019.
[8]    Voir par exemple Sheila Rao « Sweet success ? Interrogating nutritionism in biofortified sweet potato promotion in Mwasongwe, Tanzania », 2018, https://curve.carleton.ca/system/files/etd/a7ded06b-6df1-428f-94a5-85ca7e4bdec8/etd_pdf/fde32c889036a0e6aaf98e358fe47470/rao-sweetsuccessinterrogatingnutritionisminbiofortified.pdf
[9]    Dans le « Rapport sur la nutrition mondiale 2018 », ils estiment que les données sont insuffisantes pour corroborer de telles affirmations. https://globalnutritionreport.org/reports/global-nutrition-report-2018
[10]  Swagata Yadavar, « Fighting hidden hunger : « Our mission is 90 % of crops must be biofortified », IndiaSpend, 17 février 2019, https://www.indiaspend.com/fighting-hidden-hunger-our-mission-is-90-of-crops-must-be-biofortified/
[11]  Les éléments de preuve sont résumés dans Howarth Bouis et Amy Saltzman, « Improving nutrition through biofortification : A review of evidence from HarvestPlus, 2003 through 2016 », ScienceDirect, mars 2017, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211912417300068.
[12]  Charles Hymas, « British government sparks new green revolution with £100m investment in ‘super-crops’ » The Telegraph, 25 mai 2018, https://www.telegraph.co.uk/news/2018/05/25/british-government-sparks-new-green-revolution-100m-investment/
[13]  Matthew Schnurr et al., « Limits to biofortification : farmer perspectives on a vitamin A enriched Banana in Uganda », Journal of Peasant Studies, 27 novembre 2018, https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03066150.2018.1534834
[14]   Sheila Rao « Sweet success ? Interrogating nutritionism in biofortified sweet potato promotion in Mwasongwe, Tanzania », 2018, https://curve.carleton.ca/system/files/etd/a7ded06b-6df1-428f-94a5-85ca7e4bdec8/etd_pdf/fde32c889036a0e6aaf98e358fe47470/rao-sweetsuccessinterrogatingnutritionisminbiofortified.pdf
[15]  John Woodhouse, « Say no to GMO bananas in Hawaii & biopiracy news », 25 octobre 2015, https://mauihawaiitheworld.wordpress.com/2015/10/25/say-no-to-gmo-bananas-in-hawaii/
[16]  Hannah Ritchie et Max Roser, « Micronutrient deficiency », Our world in data, août 2017, https://ourworldindata.org/micronutrient-deficiency
[17]  UNICEF, « Malnutrition rates remain alarming : stunting is declining too slowly while wasting still impacts the lives of far too many young children », avril 2019, https://data.unicef.org/topic/nutrition/malnutrition/
[18]  Peg Willingham et Ben Uchitelle-Pierce, « Launch of high-zinc rice in Indonesia could help stem childhood stunting », HarvestPlus, janvier 2019, https://www.harvestplus.org/knowledge-market/in-the-news/launch-high-zinc-rice-indonesia-could-help-stem-childhood-stunting
[19]  IRRI, « Healthier rice varieties. High iron and high zinc rice », janvier 2017, http://books.irri.org/Healthier_Rice_Varieties_brochure.pdf
Le sigle CRISPR signifie « clustered regularly interspaced short palindromic repeats » (« courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées »).[20]          C’est une technique qui permet aux scientifiques de découper ou de coller des segments d’ADN dans une cellule végétale ou animale. C’est pourquoi on l’appelle aussi « édition » de gènes ou de génomes, bien que le terme soit contesté.
[21]  « CGIAR-ICAR collaboration », 2017, https://icar.org.in/file/2957/download?token=B9DeiKAS
[22]  ICRISAT, « Mainstreaming biofortification of pearl millet to tackle malnutrition », 10 mars 2017, https://www.icrisat.org/mainstreaming-biofortification-of-pearl-millet-to-tackle-malnutrition/
[23]  Debal Deb, « We have more hardy, nutritious grains than GM can offer », India Water Portal, 16 février 2017, https://www.indiawaterportal.org/articles/we-have-more-hardy-nutritious-grains-gm-can-offer
[24]  Lire l’excellente étude réalisée par l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Inde et par l’Association catholique pour la santé en Inde, « Exploring the potential of diversified traditional food systems to contribute to a healthy diet », 2018, https://foodsovereigntyalliance.files.wordpress.com/2018/12/Report-1.pdf
[25]  Communication personnelle, mars 2019.
[26]  Ibid.
[27]  « Biofortified crops will be game changers », HarvestPlus, 7 juillet 2017, https://youtu.be/3lWPuWpOiu4
[28]  « Combler les carences en micronutriments : L’approche de Nestlé par la biofortification en Afrique », Nestlé, 4 août 2015, https://www.nestle-cwa.com/en/media/newsandfeatures/documents/bio-fortification%20fr.pdf
[29]  « Biofortification » par Yerry Mendoza, Nestlé, mai 2018, https://www.nestle.com/stories/biofortification-addresses-micronutrient-deficiencies
[32]  Communiqué de presse sur le projet Voly Vary sur le riz, 12 mars 2019, https://www.nestle-ea.com/en/media/pressreleases/voly-vary-rice-project
[34]  CGIAR, « A4NH annual performance monitoring report – January to December 2016 », https://a4nh.cgiar.org/files/2018/08/2016-A4NH-Annual-Performance-Monitoring-Report_final.pdf
[36]  Margaret Sowa et al, « Retention of carotenoids in biofortified maize flour and β-cryptoxanthin-enhanced eggs after household cooking », ACS Omega, American Chemical Society, 27 octobre 2017, https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acsomega.7b01202
[37]   Sheila Rao « Sweet success ? Interrogating nutritionism in biofortified sweet potato promotion in Mwasongwe, Tanzania », 2018, https://curve.carleton.ca/system/files/etd/a7ded06b-6df1-428f-94a5-85ca7e4bdec8/etd_pdf/fde32c889036a0e6aaf98e358fe47470/rao-sweetsuccessinterrogatingnutritionisminbiofortified.pdf.
[38]  La consommation de deux à six cuillères à café seulement peut couvrir 100 % des besoins quotidiens d’une personne, depuis les nouveau-nés jusqu’aux adultes.
[39]  « Bolivia ya produce arroz biofortificado con zinc », El Deber, 18 février 2019, https://www.eldeber.com.bo/rural/Santa-Cruz-ya-produce-arroz-biofortificado-con-zinc-20190218-7017.html
[40]  « Desarrollan arroz transgénico biofortificado en hierro y zinc para combatir la desnutrición”, Chile Bio, 23 août 2016, https://www.chilebio.cl/2016/08/23/desarrollan-arroz-transgenico-biofortificado-en-hierro-y-zinc-para-combatir-la-desnutricion/
[41]  Voir Rede BioFORT, https://biofort.com.br/rede-biofort/: « No Brasil, a biofortificação vem consistindo em melhoramento genético convencional, ou seja, por meio de seleção e cruzamento de plantas da mesma espécie, gerando cultivares mais nutritivos, excluindo assim ações transgênicas. » Bien sûr, cela pourrait changer à l’avenir.
[42]  « Embrapa apresenta o potencial da batata-doce biofortificada para a merenda escolar », Embrapa, 18 avril 2018, https://www.embrapa.br/busca-de-noticias/-/noticia/33490417/embrapa-apresenta-o-potencial-da-batata-doce-biofortificada-para-a-merenda-escolar.
[43]  BioFORT, « Resultados », https://biofort.com.br/resultados/
[45]  Convênio Embrapa-Monsanto coloca mais de R$ 1 milhão no projeto Biofort, Suino Cultura Industrial, 3 juin 2009, https://www.suinoculturaindustrial.com.br/imprensa/convenio-embrapa-monsanto-coloca-mais-de-r-1-milhao-no-projeto-biofort/20090603-141907-u605
[46]  Forum brésilien de souveraineté et sécurité alimentaire et nutritionnelle (FBSSAN), « Biofortification : a threat to food security and sovereignty ? », 2017, https://fbssan.org.br/2017/05/boletim-sobre-biofortificacao-em-espanhol-e-ingles/
[47]   Voir UNAM : « Quelites. Historia de sabores y saberes », 12 janvier 2018, https://youtu.be/e62KVDSo5hI.
[48]  « Estudio : La edición genética se usa principalmente para desarrollar cultivos de alto rendimiento, más saludables y resistentes », Chilebio, 29 novembre 2017, https://www.chilebio.cl/2017/11/29/estudio-la-edicion-genetica-se-usa-principalmente-para-desarrollar-cultivos-de-alto-rendimiento-mas-saludables-y-resistentes/.
[49]  Voir Codex Alimentarius, Rapport de la 39e session du Comité sur la nutrition et les aliments diététiques ou de régime, 4-8 décembre 2017, http://www.jhnfa.org/k173.pdf et le Rapport de la 40esession du Comité sur la nutrition et les aliments diététiques ou de régime, 26-30 novembre 2018, http://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/sh-proxy/en/?lnk=1&url=https%253A%252F%252Fworkspace.fao.org%252Fsites%252Fcodex%252FMeetings%252FCX-720-40%252FREPORT%252FREP19_NFSDUe.pdf
[50]  L’Argentine, le Brésil, les États-Unis et le Japon ont décidé de ne pas traiter les produits de nouvelles techniques de sélection, telles que la technologie CRISPR, comme des OGM dans leur réglementation. Les autorités de l’UE, en revanche, leur appliquent actuellement la législation en vigueur sur les produits génétiquement modifiés. L’Australie a adopté une approche intermédiaire tandis que la position de l’Inde doit être publiée prochainement.
[51]  OMS et FAO, « Technical consultation : Staple crops biofortified with vitamins and minerals:considerations for a public health strategy », 6-7 avril 2016, https://www.who.int/nutrition/events/2016_consultation_staplecrops_biofortified_vitminerals_5to8april.pdf?ua=1
[52]  Muhammad Amir Maqbool et Abdu Rahman Beshir, « Zinc biofortification of maize (Zea mays L.) : Status and challenges », Plant breeding, 22 novembre 2018, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/pbr.12658
[53]  Evan Rocheford, PDG de Nutramaize, communication personnelle avec GRAIN, 7 février 2019.
[54]  « Presque toutes les sources de fer identifiées sont basées sur le germoplasme iniadi (matériels de variétés primitives à maturation précoce et grosses graines provenant d’une zone géographique adjacente au Togo, au Ghana, au Burkina Faso et au Bénin) ou ayant une grande proportion de germoplasme iniadi dans leur filiation », rapports de l’ICRISAT dans « Biofortification progress briefs » de HarvestPlus, août 2014, https://www.harvestplus.org/sites/default/files/Biofortification_Progress_Briefs_August2014_WEB_0.pdf
[55]  John Woodhouse, « Say no to GMO bananas in Hawaii & biopiracy news », 25 octobre 2015, https://mauihawaiitheworld.wordpress.com/2015/10/25/say-no-to-gmo-bananas-in-hawaii/
[56]  Historiquement, le riz blanc était la forme préférée dans ces pays, car l’huile de l’endosperme du grain devient rapidement rance sous les tropiques. Il est donc impossible de conserver le riz brun trop longtemps, il se gâte.
[57]  Voir Simon Baroke, « White rice exacerbates diabetes threat in Asia », Euromonitor International, 8 septembre 2014, https://blog.euromonitor.com/white-rice-exacerbates-diabetes-threat-in-asia-pacific/
[58]  Voir Arun Nanditha et al., « Diabetes in Asia and the Pacific : Implications for the global epidemic », Diabetes Care, American Diabetes Association, mars 2016, http://care.diabetesjournals.org/content/39/3/472
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Lorsque le groupe armé « État islamique » (Daech) occupait des pans entiers de l’Irak et de la Syrie, l’attention du Moyen-Orient et du reste du monde s’est tournée vers lui, au détriment de la cause palestinienne. Les pays touchés par l’horreur daéchienne se sont alors employés à reprendre les territoires occupés du Levant et de la Mésopotamie, en éliminant l’infrastructure du groupe terroriste et en stoppant le recrutement de combattants nationaux et étrangers. L’objectif était de geler l’expansion de Daech et de l’empêcher de s’étendre à d’autres pays du Moyen-Orient. Bien des militants de groupes palestiniens comme le Hamas avaient pris les armes pour épauler soit al-Qaeda, soit Daech, principalement en Syrie, mais aussi, dans une certaine mesure, en Irak. Entre 2012 et 2018, les dirigeants politiques du Hamas ont même soutenu la guerre de l’OTAN visant un changement de régime en Syrie, ce qui leur a valu les foudres du président Bachar al-Assad, dont le gouvernement défendait le Hamas et la cause palestinienne depuis des décennies. Pendant des années, Assad a résisté aux appels des USA l’exhortant à expulser le Hamas de la Syrie, qui l’a remercié par une trahison.

Mais ces deux dernières années, la cause palestinienne a repris énormément de galon malgré les trahisons et les distractions de la dernière décennie. Aujourd’hui, tous ceux qui soutiennent la cause palestinienne sont non seulement unis contre un même ennemi (la coalition USA-Israël), mais aussi prêts à combattre à l’unisson sur de multiples fronts.

En donnant en cadeau au premier ministre israélien Benyamin Netanyahu le Golan syrien et l’ensemble de Jérusalem qu’occupe Israël, Trump a causé une énorme montée d’adrénaline parmi tous les acteurs non étatiques et mouvements de résistance au Moyen-Orient. Ces groupes, qui ont bénéficié du soutien financier et militaire de l’Iran, sont non seulement unis contre l’hégémonie des USA, mais ont réussi à se rallier pour former un front commun contre les USA et Israël. Cette nouvelle unité en faveur de la Palestine ressort clairement au Yémen, en Irak, en Syrie et au Liban.

En mai, l’acte de sabotage au port émirati d’al-Fujairah, suivi d’une attaque de drone armé que les Houthis du Yémen ont lancée contre Aramco en Arabie saoudite, constituaient des messages clairs et forts. Ces plaques tournantes émiraties et saoudiennes, qui permettent d’exporter des millions de barils de pétrole du Moyen-Orient sans avoir à passer par le détroit d’Hormuz, prendront de l’importance au cours des prochaines années. D’où la force du message : l’acte de sabotage et l’attaque du drone n’étaient qu’un avant-goût de ce qui pourrait survenir ensuite aux voies de contournement du détroit d’Hormuz pour assurer l’approvisionnement en pétrole. Aucun pays du Moyen-Orient ne pourra exporter son pétrole si on empêche l’Iran de le faire.

En outre, la politique israélienne de strangulation de Gaza a permis de réunir les différents groupes palestiniens actifs dans la ville dans un même centre opérationnel militaire contre Tsahal. Douze groupes militaires palestiniens ont uni leurs forces à Gaza et coordonnent les bombardements des villes israéliennes et d’autres cibles en réponse à la strangulation de Gaza et de ses habitants par Netanyahu.

La conclusion est simple : plus l’administration américaine et Israël méprisent de façon flagrante le droit des pays du Moyen-Orient et de leurs populations à vivre en paix entre eux et de récupérer leurs territoires occupés par Israël, plus les acteurs non étatiques prendront de la force au sein des populations où ils sont actifs.

L’Iran profite énormément des conséquences des politiques des USA et d’Israël. Son influence augmente dans diverses parties du Moyen-Orient. Il peut demander à ses partenaires de défendre ses intérêts et de le soutenir si sa sécurité nationale est menacée.

Il ne fait aucun doute que les USA profitent financièrement du maintien de l’instabilité parmi les pays du Moyen-Orient, qui renforce leur hégémonie sur les pays riches en pétrole. Continuer à dépeindre l’Iran comme l’ennemi modèle favorise la vente d’armes américaines à un niveau sans précédent. Les luttes tribales et ethniques au Moyen-Orient contribuent à maintenir les pays de cette partie du monde divisés. Les dissensions régionales empêchent aussi les pays riches en pétrole de coordonner leurs politiques, de façon à ce qu’aucun marché d’échanges commerciaux ou union monétaire ne soit possible à moyen et à long terme.

Lors de la plus récente crise entre Téhéran et Washington, l’administration américaine n’a rien fait pour protéger les pays du Golfe contre l’acte de sabotage aux Émirats et l’attaque contre Aramco. N’empêche que sa démonstration de force et ses menaces verbales – l’envoi d’un porte-avions et de bombardiers B-52 en réponse à la prétendue menace de l’Iran – ont assuré la vente d’encore plus de matériel militaire Made in USA, notamment de missiles d’interception Patriot en réponse à la menace de tirs de missiles iraniens contre les pays du Golfe, pour la modique somme de 8 milliards de dollars.

Il n’y a bien sûr pas eu de guerre et tant l’Iran que les USA ont démontré leur volonté de l’éviter à tout prix. Le secrétaire d’État des USA Mike Pompeo semble maintenant disposé à laisser tomber son ultimatum en 12 points, en disant que son pays est prêt à négocier avec l’Iran sans conditions préalables. L’empressement de Pompeo à laisser tomber ses conditions ne veut pas dire grand-chose, car l’Iran a exprimé clairement les siennes pour amorcer le dialogue avec l’administration américaine : respecter l’accord sur le nucléaire iranien et lever les sanctions. L’Iran serait alors ouvert aux discussions, mais il serait peu probable qu’il fasse la moindre concession d’ici la fin du mandat de Trump en 2020. L’Iran apparaît aujourd’hui bien plus fort et les USA bien plus faibles.

Le Hezbollah serait prêt à faire la guerre pour l’Iran et à bombarder Israël. Le Yémen sert déjà les objectifs de l’Iran en utilisant des drones contre les installations pétrolières saoudiennes. Les acteurs non étatiques irakiens ont démontré leurs capacités et les USA ont compris le message : les forces US seront prises pour cibles en Irak. À Gaza, les groupes palestiniens ont déployé leurs nouvelles armes et se sont montrés prêts à faire front commun en cas de guerre contre Israël. Cette mobilisation générale a « tordu le bras » des USA et d’Israël, en imposant une situation de « ni guerre, ni paix » au Moyen-Orient dans un avenir prévisible. Aujourd’hui, les USA et Israël possèdent des armes perfectionnées et la technologie militaire dernier cri, sauf que leurs adversaires au Moyen-Orient sont également bien équipés, même s’ils ne sont pas à un pied d’égalité. Leurs missiles de précision et leurs drones armés pourraient toutefois suffire pour maintenir le rapport de forces « nécessaire ».

Elijah J. Magnier

 

Traduction : Daniel G.

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Le vice-président américain Mike Pence s’est rendu à Ottawa jeudi dernier pour discuter avec le premier ministre Justin Trudeau et d’autres hautes personnalités de son gouvernement libéral du rôle toujours croissant du Canada dans les offensives stratégiques de Washington contre la Chine et la Russie, ainsi que de son opération en faillite de changement de régime au Venezuela.

Le vice-président de Trump joue un rôle de plus en plus important dans l’articulation et la mise en œuvre de l’agression impérialiste américaine, en particulier contre la Chine et le Venezuela. Dans un important discours prononcé l’automne dernier, M. Pence a fait savoir que l’impérialisme américain allait déployer toute sa puissance économique et militaire pour contrecarrer la montée en puissance de la Chine.

La déclaration commune d’Ottawa et de Washington publiée à l’issue des pourparlers de M. Pence avec M. Trudeau indiquait clairement que la Chine était un sujet clé de leurs discussions et que le Canada s’aligne de plus en plus complètement sur Washington dans sa confrontation avec Beijing. Cela inclut le soutien à la guerre commerciale de Trump contre la Chine – Washington a récemment augmenté ses tarifs douaniers sur 200 milliards de dollars de marchandises chinoises à 25 % – et la volonté des États-Unis d’empêcher la Chine de se lancer dans la 5G et d’autres technologies d’avant-garde.

La déclaration demandait la libération de deux citoyens canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, que Beijing a détenus à la fin de l’année dernière en représailles de l’arrestation, par Ottawa, de Meng Wangzhou, directrice financière de Huawei, en vertu d’un mandat d’extradition américain. Il a poursuivi en affirmant que le Canada et les États-Unis préconisent «un engagement constructif et axé sur les résultats avec la Chine qui démontre concrètement le respect de la primauté du droit, des droits de la personne et du commerce équitable et réciproque».

La déclaration de jeudi marque un approfondissement de l’étroite collaboration du Canada avec l’impérialisme américain, qui cherche à contrer le déclin de sa position mondiale par l’agression militaire et la guerre commerciale. Ces politiques unilatérales et protectionnistes font écho à celles des grandes puissances de l’avant-guerre des années 1930 et soulèvent le spectre de la guerre totale entre puissances nucléaires.

Dans ce conflit, l’impérialisme canadien ne laisse aucun doute quant à sa position. Le gouvernement conservateur de M. Harper a signé l’accord anti-Chine «Pivot vers l’Asie» de M. Obama, y compris la signature d’un accord secret en 2013 pour coordonner plus étroitement les opérations militaires canadiennes et américaines dans la région Asie-Pacifique. Sous Trudeau, le Canada a annoncé un programme de réarmement massif qui augmentera les dépenses militaires de plus de 70 p. 100 d’ici 2026 et a entrepris des déploiements navals réguliers dans le sud de la mer de Chine et le détroit de Malacca.

En décembre dernier, le jour même où Trump rencontrait le président chinois Xi Jinping en marge du sommet du G-20, les autorités canadiennes, en étroite consultation avec leurs homologues américaines, ont arrêté Meng à Vancouver, en Colombie-Britannique, pour de fausses accusations d’activités illégales avec l’Iran. Ces accusations pourraient entraîner l’emprisonnement de Meng aux États-Unis pour une période pouvant aller jusqu’à 30 ans.

En reconnaissance de l’appui fiable du Canada à sa campagne contre la Chine, M. Trump a annoncé le mois dernier que les droits de douane de 25 % et de 10 % imposés sur les importations canadiennes d’acier et d’aluminium, respectivement, seraient levés. L’année dernière, le président américain a imposé les tarifs douaniers comme moyen de pression lors des négociations sur la révision de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Néanmoins, l’administration Trump veut qu’Ottawa aille encore plus loin. Jeudi, M. Pence a demandé publiquement au gouvernement Trudeau d’interdire à Huawei l’accès au réseau 5G du Canada, ce qui s’inscrit dans la foulée de ses actes d’intimidation à l’endroit des alliés américains en Europe sur la même question. «Nous avons été très clairs avec le Canada, a déclaré M. Pence, et avec tous nos alliés, que nous jugions que Huawei est incompatible avec les intérêts de sécurité des États-Unis d’Amérique ou de nos alliés… à travers le monde.»

Des fonctionnaires de l’administration Trump et des démocrates de premier plan, comme Mark Warner, vice-président de la commission du renseignement du Sénat américain, ont menacé à plusieurs reprises de réduire la coopération avec le Canada en matière de sécurité si celui-ci ne cède pas à leurs demandes concernant Huawei.

Trudeau a répondu à la demande de Pence en faisant remarquer que le rôle de Huawei dans le développement du réseau 5G du Canada fait actuellement l’objet d’un examen par l’appareil de renseignement militaire du Canada, et que cet examen devrait se terminer bientôt. L’opposition officielle conservatrice et le Nouveau Parti démocratique (NPD) social-démocrate ont demandé au gouvernement de suivre l’exemple des États-Unis et d’interdire Huawei.

Les pressions exercées par Pence et Trudeau pour faire adopter l’ALENA révisé, qui a été surnommé par Trump le traité États-Unis-Mexique-Canada ou USMCA, doivent être considérées dans le contexte du ferme appui de l’impérialisme canadien à la volonté de Washington de maintenir son hégémonie mondiale.

USMEC transformera l’Amérique du Nord en un bloc commercial plus explicite et plus agressif dirigé par les États-Unis dans le but de défier tous ses rivaux économiques. Il comprend un droit de veto effectif des États-Unis sur tout accord de libre-échange entre le Canada ou le Mexique et la Chine.

Reflétant la dépendance de l’impérialisme canadien à l’égard de Washington pour la poursuite de ses propres intérêts prédateurs mondiaux, le gouvernement Trudeau a été contraint de faire cette concession, et d’autres, aux grandes entreprises américaines lors des négociations de l’ALENA. M. Pence l’a presque reconnu jeudi lorsqu’il a tenté d’aider M. Trudeau à repousser les critiques à l’endroit de l’USMCA en prétendant que le premier ministre du Canada avait mené une «dure négociation».

Les syndicats canadiens appuient le gouvernement libéral dans son étroite collaboration avec l’administration Trump et dans son rôle mondial de plus en plus agressif. Ils ne critiquent pas la politique de défense nationale et les plans de réarmement du gouvernement Trudeau et ils collaborent étroitement avec le gouvernement et les grandes entreprises dans le cadre des négociations de l’ALENA. Le président du Congrès du travail du Canada (CTC), Hassan Yussuff, a siégé au comité consultatif de l’ALENA de Trudeau et Dias d’Unifor a été conseiller et négociateur semi-officiel du gouvernement.

La veille de la visite de Pence à Ottawa, les libéraux ont déposé au parlement un projet de loi pour l’adoption de l’USMCA. Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a pris une mesure similaire jeudi, et l’administration Trump devrait bientôt déposer des documents l’engageant à présenter l’accord au Congrès dans les 30 jours.

Au-delà de la Chine, Pence et Trudeau ont également discuté des efforts des deux pays pour renverser le gouvernement élu du Venezuela. M. Pence a fait l’éloge du rôle de premier plan joué par le Canada au sein du Groupe de Lima, un groupe d’alliés américains dans les Amériques qui a suivi Washington en déclarant que le président intérimaire Daniel Guaido, qui s’est autoproclamé, était le chef légitime du Venezuela, et en imposant des sanctions punitives au peuple du Venezuela.

Le fait que M. Pence, qui a ouvert la voie en lançant des menaces militaires sanglantes contre le Venezuela, ait tenu des propos aussi élogieux sur le rôle du Canada est une reconnaissance du fait qu’Ottawa, en se présentant comme un défenseur des «droits de la personne» et en s’opposant «en ce moment» aux interventions militaires américaines au Venezuela, fournit une couverture utile à l’opération de changement de régime orchestrée par les États-Unis dans le pays qui possède les réserves de pétrole avérées les plus importantes du monde.

Pence et Trudeau ont également parlé de l’Ukraine, où les États-Unis et le Canada mènent une politique antirusse provocatrice. L’appui de plusieurs milliards de dollars d’Ottawa et de Washington au coup d’État fasciste de Kiev, il y a cinq ans, qui a porté au pouvoir un gouvernement d’extrême droite et antirusse, a été suivi du déploiement de 200 soldats canadiens dans l’ouest de l’Ukraine. Ils y forment des soldats ukrainiens et des membres de la Garde nationale ukrainienne à «libérer» le territoire ukrainien, selon les mots de Trudeau, une référence aux enclaves à majorité russe de l’est de l’Ukraine qui ont fait sécession après la prise du pouvoir des ultranationalistes en 2014 à Kiev.

En mars, le gouvernement Trudeau a annoncé que le déploiement militaire en Ukraine, qui complète les opérations menées par des milliers de militaires canadiens et américains le long des frontières de la Russie, en Baltique et en Pologne, était prolongé de trois ans jusqu’en 2022.

Comme c’est le cas chaque fois que des conspirateurs impérialistes se réunissent, le contenu réel des pourparlers Pence-Trudeau était caché derrière un mur de propagande. Les lecteurs et téléspectateurs des journaux canadiens et des émissions de nouvelles télévisées ont été informés que l’un des points clés des pourparlers a été le moment où Trudeau a fait part au fondamentaliste chrétien Pence de ses préoccupations au sujet des attaques contre le droit à l’avortement aux États-Unis et dans le monde. Cela survient alors que l’administration Trump encourage toute une série d’États américains, y compris ceux dirigés par des gouverneurs démocrates, à imposer une législation antiavortement sévère dans le but de renverser la décision rendue en 1973 par la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Roe v. Wade, qui a légalisé l’avortement.

Cette pièce de théâtre politique transparente visait à mettre un peu de distance les libéraux de Trudeau et l’administration d’extrême droite de Trump dans des conditions où, sur les questions clés de politique étrangère et de sécurité militaire, ils marchent main dans la main.

Le gouvernement libéral a aussi soulevé la question de l’avortement pour tenter de se présenter comme une alternative «progressiste» aux conservateurs avant les élections fédérales de cet automne. Chrétien socialement conservateur, le chef conservateur Andrew Scheer a déjà milité en faveur d’une loi antiavortement et, dans le cadre de sa campagne à la direction du Parti conservateur de 2017, il a déclaré qu’il donnerait aux députés conservateurs un vote libre sur cette question si elle était soumise au parlement.

Roger Jordan

Article paru en anglais, WSWS, le 3 juin 2019

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Le bras long du groupe Bilderberg

juin 4th, 2019 by Manlio Dinucci

Trois Italiens ont été invités cette année à la réunion du groupe Bilderberg, qui s’est tenue à Montreux en Suisse du 30 mai au 2 juin. Aux côtés de Lili Gruber, l’animatrice télévisée de La7, hôte désormais permanente du Bilderberg, a été invité un autre journaliste : Stefano Feltri, directeur-adjoint du Fatto Quotidiano dirigé par Marco Travaglio. Le “troisième homme” choisi par le Bilderberg est Matteo Renzi, sénateur du Partito Democratico, ancien président du Conseil. 

Le groupe Bilderberg, constitué en 1954, formellement par l’initiative d’”éminents citoyens” étasuniens et européens, fut en réalité créé par la Cia et par le service secret britannique MI6 pou soutenir l’OTAN contre l’URSS. Après la guerre froide, il a gardé ce même rôle en soutien de la stratégie USA/OTAN.

À ses réunions sont invités chaque année, venant presque exclusivement d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, environ 130 représentants du monde politique, économique et militaire, des grands médias et des services secrets, qui formellement participent à titre personnel. Ils se réunissent à huis clos, chaque année dans un pays différent, dans des hôtels de luxe blindés par de draconiens systèmes de sécurité militaires. N’est admis aucun journaliste ou observateur, et aucun communiqué n’est publié. Les participants sont tenus à la règle du silence : ils ne même peuvent pas révéler l’identité des intervenants qui leur ont fourni des informations (au mépris de la “transparence” proclamée). On sait seulement que cette année on a surtout parlé de Russie et Chine, de systèmes spatiaux, d’un ordre stratégique stable, de l’avenir du capitalisme. 

Henry Kissinger et Mike Pompeo à leur arrivée à Montreux pour la visite du groupe Bilderberg 

Source : https://news-24.fr/mike-pompeo-et-henry-kissinger-visitent-bilderberg-2019-video-rt-world-news/

Les présences les plus importantes ont été, comme d’habitude, celle d’Étasuniens : Henry Kissinger, “figure historique” du groupe avec le banquier David Rockefeller (fondateur du Bilderberg et de la Commission Trilatérale, mort en 2017) ; Mike Pompeo, ancien chef de la Cia et actuel secrétaire d’État ; David Petraeus, général et ancien chef de la Cia ;  Jared Kushner, conseiller (et gendre) du président Trump pour le Moyen-Orient et ami intime du premier ministre israélien Netanyahu. Venant à leur suite Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, qui a reçu un second mandat pour ses services rendus aux USA.

Pendant quatre jours, dans des rencontres secrètes multilatérales et bilatérales, ces représentants, et d’autres, des grands pouvoirs (affichés et occultes) de l’Occident ont renforcé et élargi le réseau de contacts qui leur permet d’influer sur les politiques gouvernementales et sur les orientations de l’opinion publique. 

Les résultats sont visibles. Sur Il Fatto Quotidiano Stefano Feltri défend à couteaux tirés le groupe Bilderberg, expliquant que ses réunions de tiennent à huis clos “pour créer un contexte de débat franc et ouvert, justement en tant que non institutionnel”, et s’en prend aux “nombreux complotistes” qui diffusent des “légendes” sur le groupe Bilderberg et sur la Commission Trilatérale. 

Il ne dit pas que, parmi les “nombreux complotistes” se trouve le juge Ferdinando Imposimato, président honoraire de la Cour Suprême de Cassation (décédé en 2018), qui résumait ainsi le résultat des enquêtes qu’il avait effectuées : “Le groupe Bilderberg est un des responsables de la stratégie de la tension et donc aussi des massacres” à commencer par celui de Piazza Fontana, de concert avec la Cia et les services secrets italiens, avec Gladio et les groupes néo-fascistes, avec la loge P2 et les loges maçonniques USA dans les bases OTAN.

Dans ce prestigieux club a été à présent admis même Matteo Renzi. Étant exclus qu’ils l’aient invité pour ses talents d’analyste, reste l’hypothèse que les puissants du Bilderberg soient en train de préparer de façon occulte quelque autre opération politique en Italie.  Feltri nous excusera de nous joindre ainsi aux “nombreux complotistes”.

Manlio Dinucci

 

 

Article original en italien :

Le lunghe mani del gruppo Bildenberg

Édition de mardi 4 juin 2019 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/le-lunghe-mani-del-gruppo-bilderberg/ 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Note pour la version française

Outre Henri De Castries, (premier Français) président du Directoire du Bilderberg depuis 2012, les participants français à la session Bilderberg de 2019 sont :

Azoulay, Audrey, Directrice Générale de l’UNESCO, présente au titre des institutions internationales. 

Barbizet, Patricia, ex Pinault, AXA etc. Et Young Leader20 (1996) de la French-American Foundation (https://fr.wikipedia.org/wiki/French-American_Foundation où le lecteur trouvera la liste des journalistes et faiseurs d’opinion anti-complotistes).

Beaune, Clément, Bureau du Président de la République (Affaires Européennes et G20).

Buberl, Thomas, de nationalité allemande mais présent au titre de Directeur général du groupe AXA, “leader mondial de l’assurance, (né) de la volonté d’une poignée de personnes, avec en tête Claude Bébéar, dont le rêve était de transformer une petite mutuelle normande en un leader mondial de l’assurance” (https://group.axa.com/fr/timeline/aventure-axa ). 

Caine, Patrice, PDG de Thales.

Godement, François, historien, sinologue, membre de l’Institut Montaigne.

Parenthèse sur l’Institut Montaigne, exemple des relations entre les “groupes de réflexion”, cabinets d’affaires, groupes financiers et/ou industriels, faiseurs d’opinion et le groupe Bilderberg. 

“L’Institut Montaigne est un groupe de réflexion français, basé à Paris qui regroupe des cadres d’entreprises, des hauts-fonctionnaires, des universitaires et des représentants de la société civile. Il est d’orientation “libérale“ nous dit wikipédia. 

Il est présidé par Henri De Castries, ancien PDG d’AXA et président du Bilderberg.

Le président d’honneur et fondateur de l’Institut Montaigne est Claude Bébéar, fondateur du groupe AXA. 

Autre membre de l’Institut Montaigne, Nicolas Baverez, économiste, avocat chez “Gibson Dunn & Crutcher” “parmi les dix premiers cabinets juridiques internationaux basés aux Usa. Baverez a été fonctionnaire de la Cour des comptes française, assistant du président de l’Assemblée Nationale, membre du CA de Fimalac, une holding active dans des investissements financiers et immobiliers, membre du Comité éthique du Medef et il enseigne à l’Ena (…)”.  Il a été invité au Bilderberg en 2014.

Plume aussi de l’Institut Montaigne, invité plusieurs fois au Bilderberg, Dominique Moïsi intervient fréquemment dans les médias audiovisuels comme “géopolitologue, spécialiste des relations internationales et du Moyen-Orient” ou économiste, selon les besoins. Il enseigne dans les écoles formant les futurs cadres administratifs, politiques, médiatiques et autres (ENA, IEP de Paris, EHESS etc.).

Lien solide et durable avec un autre “groupe de réflexion”, Thierry de Montbrial a été membre du comité directeur du groupe Bilderberg de 1976 à 2012. Il prend part, en 1976, à la création de la French-American Foundation puis “introduit en 1979 la notion de think tank dans son pays, en créant l’Institut français des relations internationales (Ifri), aujourd’hui classé parmi les plus influents dans le monde”( https://thierrydemontbrial.com/biographie/ ). Fin de la parenthèse.

Le Maire, Bruno, Ministre des Finances.

Nora, Dominique, directrice de la rédaction de L’Obs, French Young Leader (1996, même année que Patricia Barbizet, François Hollande, Anne Lauvergeon, Pierre Moscovici etc. ).

Pouyanné, Patrick, Total S.A.

Parmi les Français invités au Bilderberg au printemps et entrés l’été suivant au gouvernement, on connaît les cas d’Emmanuel Macron et de Fleur Pellerin (2014). Bilderberg à Montreux sera-t-il l’adoubement nécessaire de Clément Beaune pour devenir ministre des Affaires étrangères et européennes ?

Pour une connaissance approfondie du groupe Bilderberg, voir :

Le groupe Bilderberg, l”élite” du pouvoir mondial, 

du sociologue et économiste italien Domenico Moro (traduction M-A Patrizio) Éditions Delga, Paris 2015 (19 euros).

Avec une “Présentation au lecteur français” de Bernard Genet (animateur de comaguer ).

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Une fraude se prépare-t-elle pour les élections argentines?

juin 3rd, 2019 by Claudio Fabián Guevara

L’administration de Mauricio Macri a introduit un changement fondamental dans le scrutin qui lui permettrait de manipuler le décompte provisoire. Avec l’aide des conglomérats de médias, on peut construire une réalité virtuelle très difficile à démanteler. Que pensent les intellectuels, les historiens et les législateurs de l’opposition ?

Une fraude se prépare-t-elle pour les élections argentines ?

En arrière-plan, derrière l’euphorie que suscite le lancement de la formule Fernandez-Fernandez, de nombreuses voix mettent en garde contre le danger de manœuvres qui falsifieraient la volonté populaire lors des prochaines élections en Argentine en octobre.

L’administration coloniale de Mauricio Macri, dont le capital électoral a été pulvérisé par l’effondrement progressif de l’économie et les scandales politico-judiciaires, a promu par décret depuis le début de l’année une série de changements dans les mécanismes électoraux qui affaiblissent la transparence du système.

Le plus grave est la contractualisation d’un logiciel qui centralise la réception des rapports de dépouillement provisoire et permet de les modifier et/ou de les remplacer. En même temps, les télégrammes, la méthode traditionnelle de communication des résultats, sont éliminés. D’autres innovations qui permettent de nouvelles modalités dans l’acte du vote et de compter les voix sont promues de différentes manières.

Accusations portées contre le système électoral

Cambiemos, la coalition au sein du gouvernement, a été pendant des années le protagoniste d’une attaque contre le système électoral argentin. Le chef de cabinet Marcos Peña considère comme une « honte nationale » le fait que l’Argentine continue à voter avec un bulletin de vote papier (bien que cela reste la base des systèmes électoraux les plus sûrs du monde).

Le macrisme fait la promotion de la loi sur le vote électronique depuis des années, qui a perdu son statut parlementaire lorsque l’opposition a montré que le vote électronique unique était très facile à falsifier. Jusqu’à présent, seules deux provinces – Salta et Neuquén – ont mis en place des systèmes électroniques de suffrage des citoyens et ont enregistré des plaintes concernant des aspects peu sûrs et frauduleux.

Le gouvernement argentin s’est ensuite concentré sur l’introduction de changements subreptices dans le système électoral actuel. En janvier, par trois décrets, le gouvernement a modifié les conditions dans lesquelles les Argentins vivant à l’étranger, les forces de sécurité et le personnel des forces armées, ainsi que les personnes privées de liberté, peuvent voter.

Un système de vote par correspondance a été créé pour les Argentins vivant à l’étranger. Un système de vote anticipé a été mis en place pour les prisonniers et les agents de sécurité. Le groupe le plus important est celui qui vit à l’étranger : il y a plus de 360 000 Argentins.

Début mai, la juge fédérale Servini de Cubría a déclaré inconstitutionnel le décret portant création du système postal pour les Argentins de l’étranger. Elle a accédé au procès de Jorge Landau, agent de la PJ. Selon ce raisonnement, « si quelqu’un qui va voter doit faire la queue et présenter le document aux procureurs et aux autorités de dépôt« , il est « insensé » que 360 000 citoyens soient autorisés à voter par correspondance, dans des enveloppes non contrôlées et sans contrôle d’identité.

Le candidat à la présidence Alberto Fernandez d’Unité Citoyenne et sa candidate à la vice-présidence Cristina Fernandez de Kirchner, lors d’une cérémonie dans la ville de Merlo, dans la province de Buenos Aires, Argentine 25 mai 2019

Les changements dans le système électoral doivent passer par le Congrès de la Nation et ne sont pas du ressort de l’Exécutif. Encore moins dans une année électorale aussi décisive.

Cependant, l’administration Macri est allée plus loin et a introduit un changement fondamental dans les mécanismes de contrôle, ce qui lui a permis de manipuler le recomptage provisoire.

Un logiciel pour « transformer et manipuler l’information »

Le gouvernement argentin a contracté un logiciel appelé Election 360 – de la société SmartMatic, dénoncé pour fraude et manipulation dans différents scénarios internationaux – par lequel passeront les résultats électoraux envoyés par les 15 000 écoles disséminées dans tout le pays. Le logiciel dans son dossier technique admet que l’acheteur du logiciel a le pouvoir de « transformer et manipuler l’information », prévient le spécialiste Ariel Garbarz, ingénieur en électronique et télécommunications.

SmartMatic a reçu des plaintes du public au sujet de la manipulation des données. La société enregistre des scandales internationaux aux États-Unis et en Ouganda. En 2012, elle a été interrogée en Belgique lorsqu’elle a proposé le système de vote électronique dans la région flamande pour un contrat de 40 millions d’euros. Elle a été condamnée à une amende de six millions d’euros parce que le système était techniquement défectueux. Lors des élections de 2017 pour l’Assemblée générale constituante du Venezuela, elle a dû être retirée en raison d’anomalies. SmartMatic a été mandatée par le Tribunal Electoral Suprême du Brésil (TSE) pour effectuer la transmission par satellite des données, mais finalement interrogée pour des accusations de fraude similaires à celles du Venezuela.

En janvier, le gouvernement a autorisé l’achat du logiciel SmartMatic par décret, en violation de l’article 103 du Code électoral national, et a supprimé les télégrammes traditionnels signés par les autorités de la table. La Chambre électorale nationale a approuvé cette décision dans son dernier accord du 28 mars, dans lequel elle ordonne de conserver le recomptage sur papier, mais déclare qu’elle n’interviendra pas dans l’élection provisoire.

Ainsi, la cour a permis « l’incorporation d’innovations technologiques qui permettront la numérisation et la transmission » des résultats directement depuis les établissements de vote.

Bilan provisoire : un choc médiatique

Avec le logiciel SmartMatic, l’administration de Mauricio Macri a pu manipuler à volonté les résultats du scrutin provisoire. Avec l’aide de conglomérats de médias, étroitement associés au gouvernement, une réalité virtuelle très difficile à démanteler pourrait être construite.

Pour les Argentins, le souvenir des élections de 2017 est frais, où le gouvernement a organisé une « victoire » sur les écrans de télévision à travers un recomptage provisoire qui a donné un grand avantage au candidat du parti au pouvoir. Cependant, la victoire dans le recomptage final a été remportée par l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner… Bien que de nombreux Argentins ne le savaient pas !

Que peut-il se passer si le gouvernement répète une manœuvre similaire lors des élections présidentielles ?

Pour l’écrivain et militant Mempo Giardinelli,

Giardinelli prévoit que :

La fraude électorale en Argentine : un regard rétrospectif

L’historienne Araceli Bellotta a écrit un article intitulé « L’ombre de la fraude électorale recouvre les prochaines élections« . Là, elle se souvient que lorsqu’ils étaient membres de l’opposition du bloc parlementaire de Cambiemos, ils avaient présenté un document intitulé Accord interpartis pour la transparence électorale, avec « des exigences pour éviter des irrégularités ». Bellota se demande :

« Qu’est-ce qui a changé en seulement quatre ans pour qu’aujourd’hui ils proposent d’éliminer les télégrammes dont ils se souciaient tant« , et en même temps elle répond : « C’est simple. Maintenant, ils forment le gouvernement et ils ont le contrôle de la loi électorale. D’un autre côté, les sondages ne les favorisent pas… »

Bellota conclut que :

Pour l’historien Carlos Ciappina, l’actuel gouvernement de Cambiemos est l’héritier des traditions proscrites, frauduleuses et putschistes de l’histoire politique argentine. C’est pourquoi il faut relativiser la question :

Ciappina observe que :

Et il se demande :

Tour d’Europe à la recherche d’observateurs

L’Argentine a 36 ans de vie démocratique sans mauvaises surprises en ce qui concerne le respect de la loi électorale. C’est peut-être pour cette raison que la majorité des dirigeants de l’opposition reste en dehors du débat sur les garanties des élections générales de cette année.

Jorge Taiana

La tournée que l’ancien ministre des Affaires Étrangères Jorge Taiana et un groupe de législateurs de l’Unité Citoyenne ont effectuée à travers l’Europe à la recherche d’observateurs pour contrôler les élections et contre toute probabilité de fraude fait figure d’exception.

Existe-t-il des soupçons de manœuvre frauduleuse en cours ? Taiana et les législateurs ont souligné le « fort affaiblissement de la démocratie argentine » et ont averti que :

Claudio Fabián Guevara

 

Article original en espagnol : ¿Se prepara un fraude en las elecciones argentinas? Diario Vallarta, le 28 mai 2019

Traduit par Réseau International

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Pourquoi la révolution tunisienne est une exception

juin 3rd, 2019 by Hedy Belhassine

« Démocratie, aristocratie, ploutocratie…toutes ces craties -là se valent. Il n’y a qu’une seule bonne cratie : c’est la théocratie ». Mais, s’empressait d’ajouter ironiquement Clemenceau. « À condition qu’il y ait un theos » La formule désabusée résume les états d’âmes de ceux qui en 2011 ont cru que le printemps arabe avait fleuri. De cet espoir déçu il ne reste que son incubateur : la Tunisie, vaillante résistante aux assauts de la réaction. C’est une singularité dont il faut peut-être aller rechercher l’explication dans les profondeurs de son histoire.

La mémoire de l’histoire

Il y a trois mille ans, à Carthage, une assemblée du peuple légiférait et commandait à tous, y compris aux généraux. Au terme de siècles de batailles, les romains ont détruit cette civilisation que la reine Elyssa-Didon avait osé fonder. Ils ont effacé la mémoire des exploits de celle qui portait deux prénoms à une époque où les femmes étaient affublées d’un numéro. Athènes et Rome étaient machos. Ce ne sont pas seulement les armées d’Hannibal qu’ils craignaient mais aussi cette forme de cratie républicaine et femen, genèse de notre moderne démocratie. L’Histoire, propriété des vainqueurs, a occulté les sept cents printemps de gloire et de prospérité carthaginoise. Par la suite, la Berbérie devenue Tunisie – appellation récente dérivée de l’ancienne Tunez faubourg de Carthage – , a méthodiquement été domestiquée par des envahisseurs venus de tous horizons. Est-ce la déesse Tanit qui a réveillé les gènes de la cathagocratie qui sommeillaient dans l’ADN des révolutionnaires tunisiens de 2011 ?

Allaherie<

Le gouvernent du peuple, par le peuple et pour le peuple selon la formule d’Abraham Lincoln c’est l’égalité des droits, la reconnaissance des minorités, la liberté d’expression, le respect de l’alternance… En tout cela, la Tunisie est irréprochable. Laborieusement mais avec détermination la constitution a été loyalement approuvée et les échéances électorales respectées. Pourtant, à chaque scrutin, la participation recule. La conversion à l’électocratie est en panne, le taux de participation est l’un des plus faible dans le monde. Alors que 66% de la population est branché sur Facebook, seulement un électeur inscrit sur trois s’est déplacé lors des dernières élections municipales. Est-ce pour autant un échec ? Après tout le « like » est une expression politique tout comme la clameur de la foule qui crie « dégage ». Pas une journée sans protestation, revendication, cortège de manifestants. La souveraineté est dans la rue. Le peuple se méfie des scrutins trop longtemps truqués qui délèguent des représentants caméléons préoccupés par leurs seules petites affaires personnelles. Alors pour aller à la pèche aux suffrages, les quelques 200 partis politiques font appel au sauveur suprême. Tout comme en France où ils se convertissent à l’écologie, ceux de Tunisie bondieutisent leur programme pour mieux draguer l’électorat islamiste. L’Allaherie est-elle pour autant une perversion de la démokratiya ?

Demokratiya<

Il n’existe pas de mot pour traduire en arabe, demos-kratos (pouvoir-peuple) jonction de deux signifiants grecs. Démokratiya est un hellénisme dénué de sens. Pourtant, d’autres termes ont été arabisés comme musika, cinema… ou traduit comme république par jamhouriya rassemblement, peuple; employé pour la première fois dans son sens moderne par Bonaparte en Égypte. Mais pour un arabophone unilingue, le mot « démokratiya », c’est de l’hébreu codé car dans sa langue, chaque mot est décliné à partir d’une racine de trois lettres, base de toutes recherches dans le dictionnaire. Alors au mieux, « democratiya » est une marque déposée à l’étranger qui renvoie à un mode de gouvernance malicieux venu d’ailleurs. Aucun des grands leaders de histoire politique du monde arabe – et pour cause – ne l’employait. À Tunis, Tripoli, Le Caire, Damas, Manama, Sanaa…et hier encore à Khartoum et Alger, la foule scandait horriya « liberté », karama (dignité), adala (justice) , silmya (pacifique) rarement demokratiya. Mais à l’inverse de la rue, tous les hommes politiques emploient ce mot à tous propos. Chacune de leurs phrases en est truffé. C’est à celui qui s’en gargarisera le mieux. Cet appel de détresse subliminal à des recettes de gouvernances importées est sans doute une manière de stigmatiser un régime fragile qui penche vers la militocratie, la cleptocratie, l’anocratie ou démocrature…vilains néologismes qui sont autant de menaces pour la liberté.

La Tunisienne

Cinq cents ans après la fondation par une femme de la république délibérative de Carthage, Aristote inventait la démocratie machiste qui écartait le genre « mauvais » au prétexte que « la femelle est un mâle mutilée ». Il faudra patienter des siècles pour que dans le monde, une citoyenne soit autorisée à mette un bulletin dans l’urne : en Suède en 1718, en Corse en 1755…. en France en 1945.

Entretemps en Ifrikya, Dihya la Kahina régna de 688 à 703. Elle libéra les côtes de Carthage et repoussa les envahisseurs Omeyades jusqu’à Gabès aux portes du désert de Libye avant d’être contrainte de capituler face aux barbares à Tabarka au nord de l’actuelle Tunisie. Hélas, de cette glorieuse épopée, l’histoire qui appartient aux hommes n’a pas retenu grand chose. Il faudra attendre le milieu du 20ème siècle pour que la Berbérie se libère à nouveau.

Le 25 juillet 1957, au Palais du Bardo, la monarchie était abolie et la république tunisienne proclamée. Des cohortes de femmes (aucune n’était voilée) emmenées par la militante féministe Radhia Ben Ammar Haddad défilaient devant les photographes pour embrasser Bourguiba. Très vite, l’homme providentiel qui sait l’histoire de son pays va libérer la Tunisienne. Il impose la contraception, autorise l’avortement, généralise l’enseignement. C’est une révolution sans pareil dans le monde. En France, Marianne attendra l’après mai 68 pour que lui soit reconnu le libre usage de son corps ; alors qu’en Tunisie, par la volonté d’un visionnaire, la femme cessait d’être une marchandise que l’on achetait, cloitrait, répudiait en toute légalité. Aujourd’hui, la Tunisienne, est la femme la plus libre du monde arabe et pas seulement. C’est une combattante exigeante et vigilante aguerrie par des années de lutte pour la parité et l’égalité des droits. Sans elle, la révolution tunisienne n’aurait pu éclore, sans elle, elle ne saurait perdurer. La femme est le seul avenir de l’homme arabe, il ne sera pas libre tant qu’il ne l’aura pas libérée.

Hedy Belhassine

Références :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_de_Carthage

http://www.debatunisie.com/archives/2019/05/30/37391042.html#utm_medium=email&utm_source=notification&utm_campaign=debatunisie

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dihya_(reine)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Radhia_Haddad

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La brume des hauteurs populaires de Caracas rafraîchit les muscles de l’équipe de foot. C’est pour ces enfants du barrio qu’Elizabeth, entraîneuse sportive, a choisi de travailler, malgré la résistance initiale de ses parents. Il y a un autre frisson: le plaisir de voir, au fil des matches, ses efforts et sa passion porter leurs fruits. « Même si ce ne sont que six heures par semaine, tu connais chaque enfant, il fait partie de toi. Mon projet est qu’ils cessent d’avoir peur en tant que personnes, qu’ils puissent déployer la même énergie dans tous les aspects de la vie ».

Venezuela, une femme parmi tant d’autres. Microportrait 5: Elizabeth Noite. Durée: 3 min. ESP sous-titres français.

Son direct: Victor Hugo Rivera (photos).

Caméra, montage, photos: Jesús Reyes.

Production: Venezuelainfos / Ecole Populaire et Latinoaméricaine de Cinéma et de Télévision 2019.

République Bolivarienne du Venezuela 2019

 

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Le mois dernier, l’Intercept a rendu compte d’une étude réalisée par un consortium international de journalistes et d’organes d’information sur le recours généralisé à l’isolement cellulaire, qualifié de torture par les Nations Unies, dans les centres de détention pour immigrants aux États-Unis.

Les conditions horribles et illégales dans lesquelles sont détenus les travailleurs et les enfants immigrés sont de plus en plus exposées, alors même que le président Donald Trump réagit aux menaces croissantes de destitution par de nouvelles attaques contre les réfugiés et de nouveaux appels à sa base fascisante.

Vendredi, CNN a cité un rapport de l’inspecteur général du département de la Sécurité intérieure sur les conditions inhumaines, insalubres et dangereuses au Centre de traitement d’El Paso Del Norte, au Texas. L’inspecteur général a découvert les conditions dans les salles où on ne peut que se tenir debout et a constaté que les détenus «se tenaient sur des toilettes dans les cellules pour faire de la place, limitant ainsi l’accès aux toilettes».

Un conteneur à déchets où se trouvent les biens personnels des détenus, vu le 8 mai 2019 [Source: Bureau de l’Inspecteur général]

Une inspection impromptue a permis de trouver des registres indiquant que les 7 et 8 mai, il y avait «environ 750 et 900 détenus, respectivement» à l’établissement, qui est conçu pour accueillir un maximum de 125 personnes. D’après le rapport, une cellule d’une capacité maximale de 12 détenait 76 détenus, une autre d’une capacité maximale de huit en détenait 41, et une autre d’une capacité maximale de 35 en détenait 155.

«Avec un accès limité aux douches et à des vêtements propres,» le rapport continue, «les détenus portaient des vêtements souillés pendant des jours ou des semaines.»

Il y a de bonnes raisons de croire que des conditions similaires existent dans d’autres centres de détention et pénitenciers pour les dizaines de milliers d’immigrants emportés par la guerre croissante du gouvernement américain contre les immigrants.

El Paso Del Norte était l’un des cinq postes de patrouille frontalière et l’un des deux ports d’entrée de la région d’El Paso, au Texas, y compris le grand El Paso et l’est du Nouveau-Mexique, qui ont fait l’objet de visites d’inspection inopinées effectuées en mai aux installations de détentions du Service des douanes et de la protection frontalière.

Le département de la Sécurité intérieure (DHS) recommande la construction d’établissements de détention supplémentaires à El Paso pour faire face à la vague croissante de travailleurs et de jeunes qui traversent la frontière mexicaine pour demander l’asile contre la violence des gangs, la répression de l’État et la pauvreté brutale dans leurs pays d’Amérique centrale.

L’Immigration and Customs Enforcement (ICE), une agence du DHS, a construit une installation en type de tente pouvant accueillir 500 personnes sur le site, prévoit d’ouvrir une «installation modulaire de 800 places» d’ici le 31 juillet et un centre de traitement permanent pour environ 1800 personnes d’ici le 1er décembre 2020.

L’impérialisme américain est le principal responsable des conditions horribles au Honduras, au Guatemala et au Salvador. Ce sont des pays qu’il opprime et exploite depuis plus d’un siècle, intervenant à plusieurs reprises pour renverser des gouvernements et installer des dictatures soutenues par la CIA, plus récemment au Honduras, où l’administration Obama et alors secrétaire d’État Hillary Clinton ont soutenu le renversement militaire du président élu, Manuel Zelaya.

Des femmes entassées dans une cellule, vu le 8 mai 2019 [Source: Bureau de l’Inspecteur général]

La répression de Trump contre l’immigration a stimulé l’afflux accru de réfugiés à la frontière en mettant pratiquement fin aux tentatives des immigrants de demander l’asile aux points d’entrée. La Maison-Blanche a demandé au Congrès un financement d’urgence supplémentaire de 4,5 milliards de dollars pour étendre la police des frontières et construire davantage de centres de détention. Le mois dernier, il est apparu que son administration envisageait un plan pour procéder à l’arrestation de masse de 10.000 immigrants dans les grandes villes des États-Unis.

Les conditions à El Paso ne sont que la dernière révélation du traitement sadique des travailleurs et des jeunes immigrés. Le Washington Posta publié jeudi un rapport selon lequel 2000 enfants non accompagnés sont détenus dans des «installations surpeuplées de la US Border Patrol… au-delà des limites de temps légalement autorisées, y compris des enfants de 12 ans ou moins».

Les enfants souffrent de la varicelle et de maladies respiratoires. Six enfants – cinq Guatémaltèques et un Salvadorien – sont morts sous la garde des États-Unis depuis septembre.

Le mois dernier, l’Intercept a rendu compte d’une étude réalisée par un consortium international de journalistes et d’organes d’information sur le recours généralisé à l’isolement cellulaire, qualifié de torture par les Nations Unies, dans les centres de détention pour immigrants aux États-Unis.

Ces conditions ne sont ni aberrantes ni involontaires. Elles sont le résultat d’une politique délibérée d’infliger des souffrances aux immigrants afin de les dissuader de chercher à entrer aux États-Unis et de renforcer la promotion par l’administration du chauvinisme et du racisme de «l’Amérique d’abord».

Dans la foulée de la déclaration faite mercredi par le Conseiller spécial Robert Mueller, qui suggérait que M. Trump était coupable d’obstruction à la justice en rapport avec son enquête sur l’«ingérence» supposée de la Russie dans les élections américaines et la collusion possible de la campagne électorale de 2016, et de son encouragement à une enquête du Congrès pour destitution, Trump a répondu en doublant ses poursuites contre les immigrants et ses efforts pour attiser des éléments fascisants et arriérés.

Jeudi, il a annoncé qu’il imposerait des droits de douane sur toutes les marchandises en provenance du Mexique, commençant à 5 % et passant à 25 %, à moins que le gouvernement mexicain n’arrête toute immigration en provenance d’Amérique centrale via son territoire. Il a déclaré aux cadets diplômés de l’École de la Force aérienne dans un discours de campagne électorale qu’il allait bientôt faire une annonce importante sur l’immigration et sa répression à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Politico a indiqué que Trump prévoyait d’édicter une nouvelle règle qui «étoufferait l’asile aux Centraméricains» en interdisant les demandes d’asile aux réfugiés qui arrivaient aux États-Unis par un pays tiers, c’est-à-dire le Mexique. Cela aurait pour effet immédiat de refuser l’asile à des milliers de migrants qui attendent depuis des mois juste au sud de la frontière américaine en vertu d’un accord conclu l’année dernière entre Trump et le président mexicain Andrés Manuel López Obrador. L’accord, surnommé le programme «rester au Mexique», empêche les demandeurs d’asile de rester aux États-Unis en attendant le traitement de leur demande.

L’intensification des attaques contre les immigrants s’accompagne d’affirmations de plus en plus agressives du pouvoir présidentiel illimité et de menaces de résister aux efforts visant à le démettre de ses fonctions. Le mois dernier, Trump a menacé d’annuler les élections de 2020 et de prolonger son mandat jusqu’en 2022. Il a en effet rejeté la surveillance du Congrès en défiant les citations à comparaître de la Chambre des représentants sous contrôle démocrate pour obtenir le témoignage de ses collaborateurs ainsi que des documents relatifs à l’enquête menée par M. Mueller sur la Russie. Cela coïncide avec sa déclaration d’urgence nationale d’utiliser l’armée pour construire son mur frontalier.

La réponse du Parti démocrate au discours de Mueller est également de droite. Soulignant la base réactionnaire de l’opposition des démocrates à Trump, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, et la candidate présidentielle de 2016, Hillary Clinton, ont profité de la déclaration de Mueller, dans laquelle il a réitéré les allégations sans fondement selon lesquelles le gouvernement russe avait subverti les élections de 2016 pour installer Trump au pouvoir, en intensifiant leur hystérie anti-russe. Toutes deux ont réagi à une vidéo éditée de Pelosi publiée sur Facebook en dénonçant Facebook comme un agent «conscient» des complots de la Russie contre les États-Unis.

Dans la guerre en cours à Washington, qu’elle prenne ou non la forme d’une destitution, les démocrates continueront de se concentrer sur le bellicisme contre la Russie et sur les demandes de censure plus sévère d’Internet tout en ignorant pratiquement la guerre de Trump contre les immigrants et les atteintes aux droits démocratiques.

Barry Grey

 

Article paru en anglais, WSWS, le 1er juin 2019

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Mort de Kamel Fekhar: Le projet de société en question

juin 3rd, 2019 by Chems Eddine Chitour

«Quand ils sont venus chercher les communistes. Je n’ai rien dit. Je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les juifs. Je n’ai pas protesté. Je n’étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les catholiques, Je n’ai pas protesté, Je n’étais pas catholique. Puis ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester» Pasteur Niemoller  

Cette citation du Pasteur Niemoller qui eut à se battre contre la nazisme nous met en garde contre l’indifférence qui comme l’écrit si bien Antonio Gramsci est une forme de lâcheté… De compromis en compromis avec les forces négatives nous arrivons à la compromission. Ce qui s’est passé nous interpelle et il ne suffit pas d’une minute de silence et même d’une commission pour, dit-on faire la lumière pour passer à autre chose. Nous ne devons pas passer à autre chose avant une anamnèse de ce qui s’est passé, pourquoi cela s’est passé ? Et comment conjurer le retour pour qu’il n’y ait plus jamais cela La mort du docteur Fekhar nous rappelle celle du journaliste Mohamed Tamalt, condamné pour offense au chef de l’Etat , mort en détention après une grève de la faim. La mort du docteur Fekhar n’est que la partie visible d’un iceberg des non-dits des renvois aux calendes grecques d’un problème récurrent celui du projet de société et de l’idée de Nation qui devait être un héritage indivis et un plébiscite de tous les jours comme l’écrit si bien Renan.

Les faits  

Le militant des droits humains, Kamel Eddine Fekhar, décédé en prison, a été maltraité les derniers jour de sa vie dans la prison de Ghardaïa et dans le pavillon carcéral de l’hôpital de la même ville, M. Kamel Eddine Fekhar qui a été arrêté le 31 mars dernier, où il est resté en garde à vue pendant 48 heures chez la police, il a ensuite été présenté devant le procureur de la République puis le juge d’instruction de la première chambre du tribunal de Ghardaia. Ce dernier avait décidé de l’incarcérer avant de voir son dossier. Selon l’avocat, il y a 14 chefs d’accusations dans le dossier, parmi lesquels la diffamation, atteinte à un corps constitué, incitation à attroupement armé, atteinte à l’unité nationale…

« Ce pack d’accusations est sorti à chaque fois que quelqu’un critique les autorités et que cette critique ne leur plaît pas. Ils pensent que quand on lance des poursuites et quand on utilise la mise en détention provisoire, les gens auront peur et arrêteront de critiquer les autorités. Avant son hospitalisation, il a été incarcéré dans une pièce de 02 m², en compagnie de son co-détenu, Hadj Brahim Aouf. (…) Après la dégradation de l’état de santé de Fekhar et son co-détenu, ils ont été transférés à l’infirmerie de la prison où ils ont passé 10 jours sans traitement. Là aussi les conditions d’hygiènes étaient jugées dégradantes par l’avocat qui a pu rendre visite aux détenus.  Ils ont été, là aussi, très mal pris en charge, aucun confort ne leur a été assuré» (1).

Les réactions  

La nouvelle de sa mort a bouleversé les Algériens et suscité une avalanche d’indignation, à l’internationale. Comment est-il possible de laisser mourir en prison un détenu politique et d’opinion durant l’Algérie de la révolution du Sourire qui a ému le monde? Les réactions furent nombreuses surtout dans ce contexte social propice aux protestations dans la superstructure et ses façons de faire, bien que les chefs ne soient plus là. Il en est ainsi du corps judiciaire qui devrait aussi faire son aggiornamento, notamment, en dénonçant les responsables zélés qui en rajoutent pour plaire aux princes du moment et en recueillir quelques avantages. La question qui se pose est la suivante : Est-ce que les juges sont au-dessus de toute critique ? Qui doit juger les juges en cas de défaillance ? Il faut bien convenir, mise à part quelques individualités dont il faut saluer le courage qui ont eu la dignité de protester de ne pas cautionner et naturellement de compromettre leur carrière pour la vision qu’ils avaient d’une justice impartiale. Il en est ainsi de l’ancien procureur qui a eu le courage de lancer un mandat d’arrêt international contre l’ancien ministre de l’Energie, il fut destitué et jeté aux oubliettes. Il vient d’être réhabilité, la Révolution tranquille étant passé par là !

Les manifestants qui sont sortis à Ghardaïa ont scandé des slogans hostiles au pouvoir. Les mêmes qu’on a l’habitude d’entendre en Kabylie, « Pouvoir assassin ! », et des appels au wali pour quitter la wilaya :

« Le wali, dégage !», une façon pour les protestataires de signifier leur non-reconnaissance de l’autorité de l’Etat dont ils réclament le départ. Les manifestants brandissaient le drapeau berbère. (…) Pour ce 15e vendredi de manifestations, une nouvelle figure fait son entrée parmi les contestataires qui sont nombreux à brandir des photos et slogans, en hommage au militant des droits de l’Homme, le Docteur Kamel Eddine Fekhar. (2)

L’épouse a bien fait observer que le détenu avait perdu réflexes et sens mais n’a pas été entendue. Manifestement, il y a au mieux «non-assistance à personne en danger», au pire, «préméditation» comme n’hésitent pas à le dire les proches du défunt » (3) Me Dabouz avocat du docteur Fekhar accuse aussi, le médecin des deux militants, notamment dans le cas de Fekhar de « non-assistance à une personne en danger, vu que ce dernier refusait de soigner Fekhar et de discuter avec lui, de son cas de santé qui était très délicat ». « Il a commencé à perdre la mémoire. Même sa femme m’a appelé la veille de son décès pour me dire qu’il ne l’a même pas reconnue », révèle Me Dabouz.

Une Commission d’enquête  

La commission a été chargée par le ministère de la Justice d’enquêter de manière «approfondie» sur les circonstances de ce décès constaté à l’hôpital «Frantz Fanon» de Blida.Y prennent part des magistrats, des fonctionnaires des ministères de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense. Il semble que l’exécutif ( justice et wilaya ) se partagent la responsabilité de ce qui s’est passé:

« Le procureur général Mohamed Bensalem devra s’expliquer pour la première fois. (…) Trop puissant pour condescendre à écouter les plaintes de deux humains, le haut magistrat n’a rien entendu jusqu’au moment où un cri d’épouvante a jailli du fond de la société, diffusant son écho au-delà des frontières où la mort de Fekhar couvre le pays d’opprobre. Composée de représentants de la présidence, du ministère de la Défense et du ministère de la Justice, elle a déjà entendu le procureur général, considéré comme le principal responsable de la tragédie. »(3)

« Preuve que le pourvoir du procureur Mohamed Bensalem est déjà entamé, il n’a pas empêché la libération de Hadj Brahim Aouf, qui a partagé la cellule de M. Fekhar. À l’heure où le respect de la Constitution est érigé au rang de dogme, le magistrat et ses complices doivent partir comme le demande la population locale qui les accuse de maints dépassements. Comment a-t-il (le pouvoir) permis un tel acte au moment où plus de 22 millions d’Algériens sortent, quotidiennement, se battre pour l’instauration d’un Etat démocratique et de droit et pour reprendre sa liberté, quand on la cote d’un digne fils de ce pays chèrement libéré des griffes du colonialisme, puis de l’islamisme et du régime autoritaire et dictateur.  L’affaire Fekhar restera gravée dans l’histoire algérienne, « lui qui est mort parce qu’il voulait tout simplement vivre libre», (3)

Qui est le docteur Kamel Eddine Fekhar ?

Kamel Eddine Fekhar, né le 1er janvier 1963 à Ghardaïa est un médecin et militant politique algérien. Militant des droits de l’Homme dans la région de Ghardaïa, emprisonné à plusieurs reprises et est décédé à l’hôpital de Blida après une grève de la faim. Il étudie la médecine et travaille dans les hôpitaux algériens en tant que médecin. Licencié par l’administration locale, il ne reprend plus son travail malgré une décision de la justice pour le réintégrer. Le wali actuel affirme qu’il l’a autorisé à ouvrir une cabinet. Il est devenu militant de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), où il a été arrêté et emprisonné plus d’une fois.  Il a rejoint le Front des forces socialistes, en 1999, a assumé des responsabilités pour occuper un poste au Secrétariat national, en plus de superviser la fédération de Ghardaïa, mais il a été expulsé du parti(… » Il n’avait pas caché d’être influencé par l’idée d’autonomie proposée par Ferhat Mehenni.»(4)

Le Collectif des Mozabites d’Europe dénonce le wali de Ghardaïa 

Pour le président du Collectif Abddallah Zekri, le décès de M. Fekhar est «la conséquence directe d’une détention arbitraire orchestrée par le wali de Ghardaïa et une justice aux ordres». «Kamel Eddine Fekhar, militant politique, était un détenu d’opinion. Il n’avait commis ni délit ni crime. Les institutions judiciaires et carcérales du pays portent la pleine et entière responsabilité de son décès. «Les autorités locales méprisantes à l’égard de la population mozabite et notamment le wali Azzeddine Mechri se sont acharnés contre lui, parce qu’il était militant politique et parce qu’il était Mozabite. Il a subi depuis 2001 un véritable harcèlement judiciaire », Aujourd’hui, le procureur général Mohamed Bensalem pour avoir causé la détention arbitraire de Kamel Eddine Fekhar c’est dire que le système porte une lourde responsabilité dans le décès de ce martyr de la liberté », décrit le texte. En conséquence, le Collectif affirme se joindre à la population locale pour « réclamer le départ immédiat du procureur général Mohamed Bensalem, du juge d’instruction et tous ceux qui sont impliqués dans cette triste tragédie, sans oublier Azzedine Mechri, wali de Ghardaïa, accusé de division et de corruption».(5)

Historique des événements de Ghardaïa  

Pour comprendre les fondements de la situation actuelle il est intéressant d’en faire l’archéologie et comprendre comment ces évènements font partie d’un contentieux qui n’a jamais été traité sérieusement. On réagit toujours à chaud. Comme nous le lisons dans la publication suivante, pour la période récente tout commence au début des années 80 : « En 1984, des affrontements causent plusieurs dommages, notamment des magasins incendiés ainsi que des blessés.

De nombreux différends, notamment d’ordre foncier, opposent les communautés Chaâmba et berbères (Mozabites), qui cohabitent depuis des siècles. Des litiges fonciers sont aussi à l’origine d’échauffourées en 1985, en 1991 et en 2004 entraînant des blessés ». En 2008, de rudes confrontations entre deux communautés à Berriane font plusieurs morts ainsi que des blessés En 2009, à Berriane, il est fait état de plusieurs blessés. Depuis 2013, la région connaît régulièrement des heurts entre populations arabophones et populations berbérophones. (…) En 2014, à la suite des affrontements dans la région, 10 mille policiers et gendarmes sont déployés pour contenir les rivalités entre communautés. En juillet 2015, dans la vallée du Mzab, des affrontements font au moins 22 morts et des centaines de blessés . La cause de ces affrontements serait des conflits fonciers entre les deux communautés, conflits exacerbés par les différences religieuses entre Châambas sunnites et mozabites ibadites Après les affrontements, l’armée prend le contrôle de la ville de Ghardaïa » (6)

Les causes profondes.  Les racines de la mal-vie 

C’est un lieu commun pour les boutefeux de caractériser le conflit à Ghardaïa comme étant un conflit ethnique ou religieux ( rite ibadite contre rite sunnite). Pourtant et comme l’écrit en réaction aux événements, l’anthropologue Ahmed Bennaoum, le conflit à Ghardaïa n’est pas ethnique puisque les Chaâmbas sont berbères Zénètes arabisés (7) Par contre ce qui peut être le facteur principal, c’est l’espace qui font que des populations allogènes venues s’installer après le boom pétrolier ont déséquilibré le tissu démographique à la foi, au niveau du nombre mais aussi au niveau social: «La région est confrontée à une lutte pour l’appropriation d’un espace de plus en plus réduit sur fond de libéralisation économique et l’arrivée de nouveaux habitants menace l’équilibre démographique largement favorable aux Mozabites, majoritaires dans la région. Depuis les découvertes pétrolières, à la fin des années 1950, la population de la région a été considérablement modifiée et Ghardaïa est devenue le chef-lieu d’une wilaya. La région a été déstabilisée par des intervenants extérieurs liés aux intérêts économiques (…).  De même, des populations sont venues de toute l’Algérie s’installer dans une région où vivent depuis des siècles des communautés solides, ce qui a engendré des rivalités sociales et économiques entre les migrants pauvres et les Mozabites mieux organisés ainsi que l’introduction récente du wahhabisme.(7) Indépendamment de la manipulation que l’on ne peut pas exclure eu égard, les citoyens de Ghardaïa estiment que l’Etat n’assure pas leur sécurité et que le problème dure depuis trop longtemps.

Les causes classiques sont connues: manque de perspective, manque de projets de développement, propagation des fléaux sociaux. La majorité des jeunes Ghardaouis sont insatisfaits des projets de développement réalisés dans leur wilaya. Les élus et notables dénoncent la drogue. Ce sont les barons de la drogue et du crime qui seraient derrière ces incidents. Est-ce que la morale à l’ancienne est suffisante avec une jeunesse «facebookisée» qui étouffe et qui ne voit pas de perspective. La gestion de la crise par la « tribalisation » de la société, avec des accords avec des chefs qui ont, de moins en moins, de légitimité ne mène pas loin. Car les vrais interlocuteurs devraient être les citoyens, c’est à l’Etat régalien d’affirmer la citoyenneté de chacun.  

Une autre cause tout aussi importante, le docteur Kamel Eddine Fekhar a toujours assumé sa tentation d’autonomie pour la « communauté mozabite » Justement une publication nous parle d’Union Sacrée entre les trois mouvements amazigh. C’est une des facettes du docteur Fekhar qui en est arrivé à cette solution au vue pense-t-il du traitement par l’Etat de la communauté mozabite. Une rencontre controversée a eu lieu, à Paris, en 2014. Nous lisons:

« Union sacrée de la Kabylie, du M’zab et des Aurès. Rencontre historique sur le parvis des droits de l’Homme, à Paris, entre Ferhat Mehenni, le président du gouvernement provisoire kabyle en exil, Kameleddine Fekhar, militant des droits de l’Homme et défenseur de l’identité et de la culture mozabites et de Yella Houha, fondateur du Mouvement autonomiste chaoui (MAC).  Le 20 avril 2014 restera dans les annales de l’Histoire des peuples amazighs. La commémoration des printemps amazigh de 1980 et noir de 2001, événements fondateurs pour l’éveil de la conscience identitaire kabyle, en particulier et amazigh (berbère) en général, a permis aux peuples frères que sont les Kabyles, les Mozabites et les Chaouis de se réunir sur le parvis des droits de l’Homme et de rappeler au monde entier leur droit à la liberté, au respect de leurs langues et cultures respectives et à l’autodétermination pour la Kabylie.»(8)

Le modèle sociologique et de développement des citoyens algériens de rite ibadite   

Le modèle social mozabite est basé sur une forte solidarité entre membres de la communauté. Il est perçu parfois comme un « empêchement à l’adhésion à la nation » dans un pays dirigé par un pouvoir politique centralisé où l’injonction est faite à la renonciation à sa spécificité, vue comme un processus de désintégration.

« Depuis sa création, écrit l’universitaire Rostom Djazaïri, le M’zab est devenu une terre de repli, de paix et une fin en soi. Et les Mozabites s’abstenaient de tout prosélytisme pour leur rite. C’est l’Islam humble, attractif, non démonstratif, serein, et loin de tout positionnement social, politique ou autre. L’attachement sans fin des Mozabites au M’zab n’a jamais été exclusif de leur enracinement profond dans leur Algérie à travers les siècles, durant lesquels leur disponibilité totale pour la servir est indiscutable. Le M’zab venait de faire, généreusement, don au peuple algérien de l’un des symboles de tout Etat indépendant: l’Hymne national.   C’est pour le M’zab, un témoignage es-qualité de son identification à cet être (l’Algérie) qui est le sien.»(9) 

« Sur le plan de l’effort et du sacrifice humain: dans le néant du désert aride où les eaux pluviales sont d’une grande rareté, et les sécheresses se relaient de manière cyclique, atteignant souvent jusqu’à sept ans d’absence de crue, surgit, dans une incroyable aventure de la création humaine, une oasis artificielle, verdoyante et défiante, mettant au pas les ingratitudes des terres et des cieux dans un élan de courage et d’abnégation qui dépassent l’entendement.      Cette oasis, témoin vivant du génie humain, est l’expression conjuguée du labeur, de la persévérance, de la patience, et de l’endurance, fruit de l’amour n’tmourt.[ du pays, ndt] C’est par touches successives, opiniâtrement, plants après plants, lopins après lopins, puits après puits, parcelles après parcelles que les palmeraies du M’zab ont jailli. En outre, le système du partage des eaux, rajoute au génie humain et au travail valeur suprême, l’admirable ingéniosité de l’esprit imaginatif et l’équité du partage du don de Dieu que sont les pluies pourtant rares.»(9) 

Appel à l’unité du pays  

Dans une contribution en 2015 après les évènements de Ghardaîa, l’avait appelé à l’unité du pays: Encore une fois, dans l’Algérie du sud, la situation à Guerrara et Ghardaïa s’est dégradée. Au-delà des motifs qu’il faudra, nécessairement, chercher dans le cadre d’une enquête impartiale, le sang des Algériens a coulé pour un motif que l’on pensait ne pas toucher : l’identité. Pour l’histoire, pendant la période de l’indépendance et jusqu’à la mort de Boumediene il n’y eut pas de problèmes pour le vivre-ensemble, le premier grand clash a eu lieu durant le Ramadhan de 1985 entre les Mozabites de Ghardaïa et les M’dabih. Il est donc malvenu de restreindre ces évènements à seulement ces deux dernières années. La brusque flambée de violences a été déclenchée, mardi peu avant minuit lorsque des hommes aux visages masqués et armés de fusils de chasse ont ouvert le feu sur des habitants, selon une version des faits non confirmée.(10) 

Il est curieux de constater que les intellectuels que nous sommes sont plus enclins à signer des pétitions dans tous les sens – comme celle de protéger la Fac des sciences, objet de la dernière pétition – que de se sentir interpellés par le drame de Ghardaïa. Faut-il rappeler mes multiples mises en garde contre cette bête immonde de la division? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un feu mal éteint depuis 30 ans. Comme dit le proverbe amazigh « Isgharen irqaqen serghayen izuranen ». « Les brindilles mettent le feu aux grosses bûches.»  

Justement nous sommes au XXIe siècle et peut-être les jeunes Algériens de Ghardaïa n’ont pas de problème avec la modernité. Ils sont comme les autres jeunes du pays en contact avec la blogosphère facebook. Je me souviens que pendant la parenthèse de l’ouverture des médias de la libération de la parole en 1990, les autres citoyens algériens découvraient un orchestre de musique des jeunes Mozabites. Nous le voyons aussi avec les universitaires algériens de ce rite quand ils sont dans les grandes villes ils s’adaptent et globalement leur spécificité est diluée dans le vivre-ensemble et ce qu’on appelle la modernité.

De mon point de vue, un aggiornamento de ces citoyens algériens de rite ibadite s’impose. Il est vrai que le challenge est de taille, comment aller vers la modernité et la crainte de la dilution de la spécificité, sans perdre son âme. Il faut bien le dire que l’Etat ne fait rien pour accompagner les citoyens vers l’ouverture de la modernité. Les citoyens algériens de rite ibadite savent ce qu’ils vont perdre en termes de cohésion de solidarité, mais ils ne savent pas ce qu’ils peuvent gagner en larguant les amarres de leur « identité ». D’où la tentation des extrêmes croyant trouver dans l’autonomie et pire la partition une réponse à leurs interrogations. C’est peut-être cela qui devrait être discuté dans le cadre du vivre ensemble chantier du futur président. Les Algériennes et les Algériens de rite ibadite devraient de mon point de vue, dans tous les cas comme les autres concitoyens, rentrer la modernité avant de la subir. C’est un phénomène planétaire qui lamine même les identités que l’on croyait gravées dans le marbre. Cet aggiornamento devra définir un nouveau être ensemble qui préserve l’essentiel.

Qu’est-ce qu’être algérien au XXIe siècle?  

Depuis l’indépendance, le problème du projet de société a toujours été éludé, Pourquoi ? Nous sommes en 2019, il y a encore des Algériens qui s’identifient à leurs tribus, leurs régions, leurs quartiers, mais jamais en tant qu’Algériens. Il y a ceux qui sont encore arrimés, mentalement, à une sphère moyen-orientale au nom d’une arabité de la résurrection (El Baâth), mâtinée de religiosité, Mieux encore. Benbella a clos le débat identitaire d’un véhément: «Nous sommes arabes, nous sommes arabes, nous sommes arabes!». il y a ceux qui pensent qu’il faut en revenir au socle rocheux amazigh maghrébin. Il y a ceux qui pensent qu’il faille s’arrimer à l’ancienne puissance coloniale pour trouver le salut ! On annonce, çà et là, des partitions en cours dans les pays arabes. Nous avons, tous, en tête la partition de l’Irak en trois régions, la partition du Soudan et le chaos qui s’en est suivi; la guerre civile en Libye qui n’a plus les attributs d’un Etat, le calvaire syrien et dit-on, le projet de partition actuel du Yemen en six régions. 

Tout ceci est la conséquence de l’incurie arabe qui a donné lieu au Mepi (Middle East Partenaireship Inititiative). Plus que jamais nous sommes victimes d’un Rapport ,le Rapport Lugano conçu par l’Empire et dont le message global est celui de provoquer l’errance identitaire qui touche, à des degrés divers, tous les pays et d’une façon dangereuse les pays vulnérables. Sommes-nous Algériens par la naissance, par la religion, par l’ethnie ou par la présence lointaine dans le pays? Toutes ces questions attendent d’être résolues. Sommes-nous une nation? Le jeune Algérien dont la conscience est ouverte à tout vent, du fait d’une éducation désastreuse, de médias indigents et d’une sous-culture, s’identifie au gré des vents à son quartier, à sa tribu, à son ethnie, rarement il ne se sent algérien.(11)  

Cette inquiétude serait due au système qui a toujours gardé le flou. Cela c’était avant le 22 février 2019; avènement de la Révolution Tranquille. Tout devrait changer et peut-être que les positions extrêmes auxquelles ont été confrontés certains n’ont plus raison d’être, avec un Etat soucieux d’apaisement un Etat de tous les citoyens sans exclusifs. Comment conjurer les démons de la division et aller vers le vivre-ensemble? Renan formule l’idée qu’une nation repose à la fois sur un héritage passé qu’il s’agit d’honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer. L’avènement d’une nation passe par une Histoire assumée par tous.

Les dangers qui guettent l’unité du pays  

S’agissant des nuages qui s’accumulent autour de l’Algérie, les événements de Ghardaïa ne sont pas à minimiser, nous nous souvenons avec douleur de Tiguentourine, nous croyons à tort que nous ne sommes pas concernés, que nous avons payé, que le « printemps arabe » pour nous c’était octobre 1988 et que non satisfaits de cela nous nous sommes étripés à qui mieux mieux, pendant une dizaine d’années sous le regard indifférent de l’Occident qui comptait les points. 200.000 morts plus tard, nous en sommes au même point. Les évènements de Ghardaïa ne doivent pas être minimisés. Ainsi « Le célèbre journaliste palestinien Abdel Bari Atwan avait lancé à l’époque un véritable pavé dans la mare. Dans son éditorial il est revenu sur les événements tragiques et sanglants qui ont secoué l’Algérie à travers la région de Ghardaïa. « Il y a un plan diabolique qui vise à transformer l’Algérie en une autre Syrie », avertit tout simplement Abdel Bari Atwan qui a dirigé pendant des années le célèbre journal arabophone al-Quds al-Arabi, un prestigieux quotidien basé à Londres. « L’Algérie est visée. Et quand nous disons qu’elle est visée, c’est parce que les informations en notre possession sont très fiables. Les promoteurs du scénario sanglant qui est en train de ravager la Syrie veulent l’exporter vers l’Algérie»».(12)

Quelles seraient les solutions ?  

Nous sommes plus que jamais vulnérables. Ainsi en implantant en dehors de toute logique, toute rationalité pédagogique des lycées, dans chaque village, un centre universitaire pratiquement par wilaya, c’est assurément un non-sens pour le vivre-ensemble, on condamne le jeune à naître, à faire sa scolarité, son lycée et ses études « universitaires » ou réputées telles et à y mourir dans la même ville ne connaissant rien de l’Autre algérien L’Algérie se réduit, pour lui, à sa ville à ses traditions, aussi nobles soient elles, mais qui pour certaines tournent le dos à la modernité et de ce fait, contribuent à lui briser les ailes s’il veut s’élancer vers la modernité. Le grand drame des Algériens, c’est qu’ils ne se connaissent pas pour s’apprécier. Il fut une époque où ce type de conflit, peut-être latent, n’avait pas cours. Des institutions comme le Service national outre le fait qu’elles participaient à l’édification du pays, étaient le creuset du vivre-ensemble et ciment de la nation. De plus, le développement des lycées et des écoles ne s’est pas conçu comme une instance à la fois de savoir et de brassage. Résultat des courses, chaque « communauté », ce mot est cependant dangereux, a ses propres écoles et lycées, voire institutions culturelles. Les deux communautés à Ghardaïa ne se rencontrent qu’à l’interface commerciale réduite à sa plus simple expression.  

Les partis politiques ont une mission historique, celle de contribuer à sauver le pays sans rien demander en échange. Le peuple se souvient, le moment venu, de ceux qui jouent les Ponce Pilate alors que le feu est dans la maison Dans ce type de situation, la politique de l’autruche n’est pas une option. Dans les pays démocratiques dans les crises graves du pays, l’opposition est consultée. Pourquoi pas chez nous? Le jacobinisme, hérité de l’ancienne puissance coloniale, a montré ses limites. Il est temps d’innover et d’élaborer un projet de société fédérateur pour le XXIe siècle .Peut-être que l’instauration graduelle d’un État fédéral trouvera sa justification. L’autonomie des régions est une alternative à envisager. Les USA sont formés de 50 Etats. La Suisse est un pays fédéral. Il est composé de 26 cantons (chacun de ces États possède un gouvernement (qui gère l’exécutif), et un Parlement (pour le législatif). La vie politique citoyenne est très décentralisée, les cantons et communes jouant un rôle important. Ajoutez l’Allemagne, l’ Autriche, l’Australie, le Canada, la Belgique, etc. 

Tous ces pays ont une qualité de vie qui atteint la perfection. Seule l’armée, le système éducatif, la monnaie et le drapeau sont des invariants de l’Etat fédéral Peut-être que les centres de recherches universitaires pourraient y contribuer par des recherches pour évaluer les enjeux. Plus que jamais nous devons nous unir pour conjurer les périls. L’effritement identitaire est un projet planétaire, notamment décrit dans le rapport Lugano qui postule en direction des nations faibles; les citoyens de ces pays doivent passer leur temps à se demander ce qu’ils sont, qu’à se mettre au travail, à s’instruire, à s’éduquer. C’est ce qui nous arrive ! Le M’zab, bâti depuis des siècles sur des valeurs arabo-islamiques, fait partie intégrante de l’Algérie. Et à ce titre, tous les citoyens de Ghardaïa, sans discrimination aucune, sont des Algériens à part entière; ils ont le droit imprescriptible d’y vivre dans la sécurité et la paix, sous la protection de la loi et du droit qui garantissent l’inviolabilité de leur vie et de leurs biens. Qu’on prenne garde! Nous devons barrer la route à l’aventure et mais sans nous gargariser de mots – l’Algérie du million de martyrs, nous avons déjà payé…. – La bête immonde de la partition qui a eu raison de civilisations millénaires aussi prestigieuses, comme l’Irak, la Syrie, ne nous fera pas de cadeaux.

Avec des convictions pareilles partagées par le plus grand nombre. Les tentatives de fitna (chaos) n’ont pas d’avenir. C’est assurément l’un des chantiers prioritaires de la deuxième République, le futur président devra proposer aux citoyennes et aux citoyens un projet de société dans le calme et la sérénité de définir le contour d’une identité basée sur un socle rocheux Nous devons prouver, chacun à sa façon, que nous sommes unis dans la diversité et appeler à la concorde et se convaincre que les vrais défis du pays sont, aussi et surtout, d’ordre éducationnel, scientifique et technologique.  

La mort du docteur Kamel Eddine Fekhar est une tragédie. C’est une suite d’erreurs d’appréciation qui puise dans les certitudes du pouvoir de continuer comme avant, comme cela est arrivé au journaliste Mohamed Tamalt et à tous ceux qui se lèvent contre un pouvoir injuste. Le pouvoir judiciaire continue à fonctionner selon un ancien logiciel basé sur la brimade de toutes idées dites subversives comme celles de réclamer la liberté d’expression, la justice l’égalité, le vivre ensemble dans l’égale dignité de chacun. Toutes les valeurs qui continuent à animer la Révolution Tranquille et Juste du 22 février. Ces mêmes valeurs que n’auraient pas reniées le docteur Fekhar qui s’y serait retrouvé, naturellement, et comme chacun de nous, il a l’Algérie unie dans le cœur. Son  sacrifice ne sera pas vain.

Professeur  Chitour Chems Eddine

Ecole Polytechnique Alger

 

 

 

 

 

 

Notes :

1 Lynda Abbou https://maghrebemergent.info/maitre-dabouz-narre-la-lente-agonie-de-kamel-eddine-fekhar/ 

2..https://www.algeriepatriotique.com/2019/05/29/la-mort-de-kamel-eddine-fekhar-risque-denflammer-le-mzab-a-nouveau/ 

3.https://www.elwatan.com/edition/actualite/kamel-eddine-fekhar-une-histoire-31-05-2019 

4..https://fr.wikipedia.org/wiki/Kamel_Eddine_Fekhar 

5.Nidal Aloui https://www.tsa-algerie.com/le-collectif-des-mozabites-deurope-denonce-le-wali-de-ghardaia-et-une-justice-aux-ordres/ 30 Mai 2019 

6. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_de_Gharda%C3%AFa 

7.Hebba Selim, « L’anthropologue Ahmed Ben Naoum dénonce un mensonge «construit»: le conflit à Ghardaïa n’est pas ethnique », Huffington Post,ý 13 juillet 2015 

8. https://www.youtube.com/watch?v=Vl8nePVx3c4 

9.https://www.mondialisation.ca/algerie-appel-a-lunite-du-pays-nous-sommes-tous-des-ghardaouis/5461983 

10.Rostom El Djazaïri. De la responsabilité du pouvoir algérien dans la crise du M’zab Ghardaïa, Janvier2015 

11.Chems Eddine Chitour http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_ professeur_chitour/189581-comment-eviter-la-partition.html 

12.http://www.algerie-focus.com/blog/2015/07/abdel-bari-atwan-avertit-les-algeriensils-veulent-transformer-lalgerie-en-une-autre-syrie/ 

Article de référence : Professeur Chitour Chems Eddine http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5277495

 

 

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Algérie – L’enjeu principal

juin 3rd, 2019 by Djamel Labidi

Dans quel pays a-t-on vu des militaires réclamer avec insistance le respect de la Constitution tandis que des partis politiques de la société civile le refusent ? Où a-t-on vu des militaires demander la tenue rapide d’élections alors que des partis d’opposition s’y opposent ? 

Quelles sont les raisons données à ces refus et comment pourrait-on expliquer cette situation paradoxale à laquelle elles aboutissent.

La première raison avancée est que  les élections ne peuvent se dérouler et être honnêtes tant que demeurent  le président actuel de l’État,, Mr Bensalah, ainsi que le Gouvernement  Bedoui. En contradiction avec cet argument, il faut rappeler que le FIS avait remporté les élections à deux reprises, les communales en 1990 et les législatives en 1991, malgré un pouvoir qui lui était totalement hostile.

Il est question, en même temps, du danger du trucage  électoral, le Premier ministre du gouvernement actuel étant accusé d’en être « un spécialiste ». Cet argument de trucage des élections fonctionne comme un postulat, et il est à la base d’un ensemble d’arguments politiques qui, sans lui, s’effondrerait. Mais n’ayons pas peur de bousculer ce qui peut paraitre une évidence. Est-ce si  évident ? Y a-t-il eu jamais un ensemble de preuves matérielles, indiscutables, systématiques en démontrant la réalité. Y a-t-il eu jamais des procès intentés en justice par des partis politiques , à ce sujet, contre le pouvoir ou ses représentants. Des livres  blancs ont été promis qui n’ont jamais vu le jour ou qui n’ont rien révélé de vraiment décisif.. 

Le problème réel n’est-il pas en réalité ailleurs, celui de l’abstention,  une l’abstention massive, de 70 à 80% du corps électoral. Ce sont ceux-là aujourd’hui qui sont dans le Hirak ou qui le soutiennent. Avec un tel taux d’abstention, il suffisait que votent les centaines de milliers de militants et sympathisants du FLN et du RND, partis électoralistes par excellence, pour que  la plupart du temps, ils l’emportent. Il n’est donc pas besoin de recourir à l’argument du trucage pour expliquer les choses. 

 Un système politique qui a produit l’abstention 

Ce qu’il y a à reprocher au pouvoir , c’est justement cette abstention, c’est de l’avoir à la fois suscité, au moins par défaut, et exploité. 

 Le système politique, très vite après l’indépendance, comme tous les systèmes semblables de cette époque, et après Octobre 1988,  malgré les changements importants survenus depuis, ,était un système qui produisait l’abstention et s’en nourrissait. Il fonctionnait ainsi, aussi bien pour les partis soutenant le pouvoir que pour la plupart des  partis de l’opposition. Il permettait aux uns de se maintenir au pouvoir, et aux autres de trouver dans le pouvoir, l’explication de leurs échecs. Cela peut expliquer le rejet de tous par le Hirak, le rejet de tout le système politique comme il fonctionnait.

Dans ce système, la conviction , chez  la grande  majorité, était que les élections étaient sans enjeux et qu’aucune des  forces politiques en lice ne méritait qu’on se mobilise massivement pour elle. Être mobilisateur, c’est ce qu’avait su faire le FIS en 90 et 91. Avant lui d’ailleurs, et depuis l’indépendance , il y avait le même phénomène d’abstention, si ce n’est qu’elle n’était pas comptabilisée. C’est dire que le phénomène est ancien. D’ailleurs, contre le FIS aussi, l’argument de la fraude électorale avait été utilisé. Mais le pouvoir n’avait pas , en réalité, songé à refaire les élections, il les avait simplement annulées, persuadé que le FIS pouvait les emporter de nouveau.

La question des enjeux est en effet cruciale dans toute élection, en Algérie comme partout ailleurs. Il faut dire tout cela pour qu’on ne se retrouve pas sans arrêt,  dans l’avenir, devant la remise en question permanente d’ élections futures, pour une raison ou une autre, chaque perdant devenant un mauvais perdant et accusant l’autre d’avoir triché.

Cette question des enjeux se confond avec celle du changement. En 1990 et 1991, la participation aux élections était très forte car le FIS apparaissait alors, à une grande partie du peuple, comme une force de changement. Un peuple n’a d’autre raison de se mettre en mouvement que par l’espoir, la perspective de changement. D’ailleurs, au fond, le mot d’ordre principal du Hirak est celui-ci , le changement, auquel il ajoute celui de « changement de régime » ou « du régime ». 

Certes, les partis d’opposition  pourraient légitimement se plaindre d’ingratitude du Hirak, eux qui n’ont cessé de faire la critique du pouvoir. Mais telle n’est pas, quand même, la réalité. Le Hirak est apparu comme un mouvement en dehors des forces politiques existantes car aucune ne  présentait à ses yeux, une véritable alternative politique. Le peuple s’est dressé seul contre la putréfaction et la bureaucratisation de la vie politique, telle qu’elle a culminé avec le cinquième mandat mais telle qu’elle apparaissait aussi à travers des incidents marquants comme juste auparavant, le cadenassage  des portes de l’Assemblée nationale.

Le Hirak, c’est l’immense majorité qui sort de l’abstention, c’est son entrée massive dans la vie politique. Les grands mouvements populaires comme le Hirak drainent et font entrer d’un coup, dans la vie politique active, dans le débat et dans l’initiative politiques, des masses énormes qui n’y participaient pas auparavant. C’est une chance inouïe car, pour reprendre une formule connue, « ce sont les masses qui font l’Histoire ». En mouvement,  elles apprennent très vite. Elles cherchent leurs amis véritables et leurs ennemis. Les évènements alors se succèdent rapidement, sans cesse. Cependant, Il ne faut pas idéaliser le Hirak. Des millions de personnes entrent, interviennent dans l’action politique mais elles y viennent avec ce qu’elles sont, avec leurs sensibilités, leurs visions, leurs croyances, leurs expériences, leur inexpérience, bref avec leurs représentations. Dans le Hirak, il y a par exemple, ce vieux rêve d’un consensus, celui d’une harmonie générale. C’est peut-être là la raison du succès d’une proposition comme celle d’une ou plusieurs personnalités de consensus, Nous aurions  donc  inventé en Algérie, la recette miracle d’ un président représentatif sans  élections.  Alors, pourquoi les faire, et pourquoi ne pas déjà  les reporter. Le consensus est une notion non démocratique. La démocratie sert, au contraire, à gérer pacifiquement les différences, les divergences, les conflits, les contradictions.

On peut trouver, de même dans le Hirak l’expression de positions quasiment anarchistes. Le désir ardent de changement, combiné à la méfiance et l’hostilité envers une bureaucratie d’État étouffante et méprisante, explique des slogans comme « qu’ils partent Tous » où ce « Tous » est indéfini, et où il peut s’apparenter à des positions nihilistes de destruction d’un État qui est tour à tour considéré par les uns comme le prolongement de l’État colonial et par d’autres comme un État dictatorial, totalitaire, qui étouffe les libertés. Cet anarchisme peut converger avec une vision  qui estime qu’il faut faire table rase de ce qui a été fait jusqu’à présent et construire l’État sur de nouvelles bases « saines ». 

Il s’est accumulé une méfiance générale envers tout ce qui se fait officiellement. Cet élément subjectif devient  dès lors un élément politiquement  objectif et il doit nécessairement être pris en compte, dans la gestion des évènements et dans l’accompagnement du Hirak, pour que les tensions inévitables trouvent toujours un esprit de compromis, et une issue pacifique.

Il y a, enfin, aussi, l’argument que le pays n’est pas préparé à la tenue d’élections. De quelle préparation s’agit-il ? Celle du peuple ? Des élections durent une journée. Ou celle des forces politiques ?

L’armée

Tous les arguments précités ont un point commun: ils convergent vers l’exigence du report des élections présidentielles. Ils peuvent avoir un écho, dans de larges couches populaires et notamment dans une partie de la jeunesse de statut social instable et fragile (25% des jeunes sont en chômage), du fait de la méfiance accumulée contre l’État,.

On remarquera cependant que ces arguments n’abordent pas au fond la question des garanties d’élections régulières, en la plaçant ou en la reportant derrière la question d’un changement des instances exécutives, c’est-à-dire d’un changement immédiat de pouvoir.

On se retrouve ainsi au final, à quelque formulation prés, devant le même problème qu’en 90-91. Là, il était demandé l’arrêt du processus électoral, ici il est demandé son arrêt immédiat et son report sine die.

C’est d’ailleurs en partie le même casting qu’à l’époque grâce…à l’allongement de l’espérance de vie en Algérie. Beaucoup des protagonistes sont les mêmes, ils ont simplement vieilli.

Il y a cependant une différence, et elle est de taille: en 90-91 , le courant démocrate laïque occidentaliste demandait l’intervention de l’armée et a soutenu l’état-major de l’époque , et son chef, tout au long du conflit qui s’en est suivi. Aujourd’hui, il  ne soutient pas l’état-major de l’armée et exprime son opposition à son chef le général Gaid Salah, autour duquel se regroupe le courant nationaliste. 

Le Chef de l’état-major a la réputation d’être un nationaliste. Il a voulu, dès le début du Hirak, prendre solennellement l’engagement que jamais plus l’armée ne fera couler « une goutte de sang » de son peuple  Il refuse tout achat significatif  d’armes en France et en Occident.. Il a maintenu la politique de non intervention de l’armée algérienne à l’extérieur des frontières. Il ne s’exprime ostensiblement qu’en Arabe et en a généralisé l’usage dans l’armée.  Il proclame la filiation de l’ANP avec l’ALN. Chaque inauguration d’un site, au nom d’un chahid, est l’occasion de ce rappel nationaliste. 

On retrouve ainsi la vieille  fracture socio-culturelle entre deux sociétés, l’une occidentaliste  et l’autre nationaliste arabo-musulmane. Cette fracture rebondit, et elle est réactivée dramatiquement chaque fois que la question du pouvoir se pose.

On arrive, alors,  probablement, à l’explication de la situation paradoxale décrite au début de cet article. Les raisons invoquées ne le seraient que pour traduire une opposition à l’état-major de l’armée. Ce n’est pas la question des élections présidentielles qui serait actuellement l’enjeu principal, mais celle de la direction de l’armée. Pas celle du pouvoir, mais celle du pouvoir dans l’armée. Et la tenue de ces élections ne résoudrait pas précisément cette question  aux yeux des forces politiques qui s’y opposent. On aurait alors là le secret du paradoxe, la logique cachée de chaque proposition. 

Mais il faut se demander aussi si une telle position, celle du refus de la Constitution, celle du refus de la tenue des élections, quelles que soient les motifs invoqués, est défendable sur le plan des principes, et est tenable avec le temps qui passe, et l’accumulation des retards et des difficultés économiques et sociales.

Aujourd’hui, l’inquiétude en Algérie est grande. Va-t-on tirer réellement les leçons des déchirements tragiques d’il y a trente ans. Un pas avait été fait avec la politique de concorde et de réconciliation nationale. La sécurité et la paix retrouvées avait permis des progrès économiques et sociaux. Mais tout cela s’est avéré insuffisant. Des blessures sont restées ouvertes. Le développement économique n’a pas atteint le rythme capable de répondre aux besoins et aux aspirations d’une population multipliée par plus de 4 en 60 ans. Des questions comme celles du dépassement de l’influence coloniale et d’une démocratie véritable n’ont pas été réglées.  Le Hirak a surgi  pour montrer qu’elles restaient à résoudre en même temps que, tirant les leçons des années 90,  il a indiqué la voie à suivre:  le faire  dans l’esprit du Hirak, fait entièrement pour la grande majorité,, d’amour du pays, de tolérance, de fraternité humaine, d’esprit de compromis et de pacifisme, de volonté d’union nationale. Espérons que c’est cette voie qui l’emportera. Tel est le véritable enjeu principal.

Djamel Labidi

 

Paru dans « Le Quotidien d’Oran du jeudi 30 mai  2019

L’alliance civico-militaire est un des piliers de la Révolution Bolivarienne. Elle puise ses sources dans l’histoire de l’indépendance du Venezuela, et amène les forces armées à jouer un rôle primordial dans la vie politique de la Nation. Les appels du pied de l’opposition aux militaires pour tenter de renverser Hugo Chávez, puis Nicolas Maduro, ont été récurrents depuis l’avènement de la Révolution bolivarienne en 1999. L’armée est l’objet de toutes les attentions et de toutes les convoitises.

Depuis 2002, de nombreux ex militaires, généralement corrompus, ont pu être captés par l’opposition ou se sont soustraits à la justice de leur pays en devenant des informateurs des Etats-Unis (1). Avec l’autoproclamation de Juan Guaido comme président, les soldats vénézuéliens sont devenus une cible prioritaire des Etats-Unis. A quel commandant en chef les forces armées vont-elle se rallier dès lors qu’il y a, en apparence, deux présidents de la République ?

Dès le 18 janvier 2019, l’opposition lance l’opération Amnistie. L’Assemblée nationale, en outrage judiciaire et dont les décisions sont nulles et non avenues, approuve une loi d’amnistie pour les militaires qui reconnaitraient Juan Guaido comme président. Les autres s’exposeraient à des représailles judiciaires, et aux sanctions de Washington. Les militants de l’opposition et les médias privés se rendent aux portes des garnisons pour harceler les soldats vénézuéliens. Peine perdue.

C’est le 23 février 2019 que va se jouer un tour de force contre les membres des forces armées. Cette date avait été retenue par les Etats-Unis et leurs alliés vénézuéliens pour faire passer en force un convoi « d’aide humanitaire ». Les 20 tonnes proposées étaient dérisoires si on les compare aux importations de nourriture et de médicaments réalisés par le gouvernement vénézuélien. Mais le but de l’opération était autre. Il s’agissait de tester la loyauté des forces armées.

L’armée est la garante de la défense de la souveraineté du territoire. La frontière ayant été fermée par le gouvernement bolivarien, l’entrée des «convois humanitaires» aurait signifié le refus des militaires d’obéir à leur commandant en chef, le président Nicolas Maduro. A la fin de la journée, les ennemis du Venezuela bolivarien ne pouvaient que constater que l’ensemble des militaires était resté fidèle à la Constitution et au gouvernement légitime. Ce qui ne manquera pas de provoquer l’ire de Mike Pence, le vice président des Etats-Unis contre Juan Guaido (2).

Pour appuyer cette offensive, l’opposition a fait circuler de nombreux appels à la désertion, promettant même 20.000 dollars à chaque soldat qui abandonnerait le gouvernement légitime. La récompense augmentant selon le grade. Cette opération avait un but précis : construire médiatiquement l’image d’une armée de vénézuéliens prête à en découdre avec le président Maduro. Une sorte «d’Armée Vénézuélienne Libre», construite sur le modèle déjà testé en Syrie.

Selon les chiffres les plus optimistes de l’opposition, à peine 0,2% des forces publiques de sécurité et de défense a déserté (3). Il n’y a eu aucune désertion collective, aucun commandant de troupes avec son bataillon n’a répondu positivement à l’appel de Juan Guaido. Ces désertions individuelles ont toutes été motivés par l’appât du gain et non par la volonté politique de renverser le gouvernement bolivarien ; encore moins par le désir de mettre son pays à feu et à sang. En effet, la plupart des militaires qui pourraient revenir se battre sur le sol de leur Patrie ne sont pas nombreux, et ont fuit le Venezuela depuis longtemps (4). Mais l’objectif recherché tient plus à la construction médiatique d’une armée vénézuélienne luttant pour la «liberté dans son pays» qu’à sa réelle constitution. Cette armée fantoche permettrait d’accréditer la thèse d’une «guerre civile», et rendrait légitimes de possibles ingérences militaires étrangères, à la demande de ces «militaires vénézuéliens».

Les récents déserteurs ont pu expérimenter à leurs dépens cette stratégie. Alors qu’on leur avait promis monts et merveilles s’ils trahissaient leur Patrie, ceux-ci se retrouvèrent très vite abandonnés à leur sort dans la zone frontalière colombienne, allant même jusqu’à exiger le gite et le couvert à leur «président» Guaido. Pour les politiciens d’opposition, il ne s’agit ni d’un oubli ni d’une faute politique.

En les abandonnant à une misère certaine, avec l’impossibilité de retourner dans leur pays, l’opposition les précipite dans les rangs des nombreux groupes paramilitaires présents le long de la frontière, et auxquels les déserteurs commencent déjà à monnayer leur connaissance (5). La désobéissance dans ces structures d’extrême droite étant punie par la mort, ils n’auront d’autre choix que d’être la face vénézuélienne de ces bataillons criminelles (6).

Le fiasco du coup d’Etat du 30 avril 2019 a finalement participé à cette même stratégie. De nombreuses fake news originaire du Pentagone ont laissé croire que des hauts gradés bolivariens étaient en négociation avec l’opposition. En réalité, il est apparu que Washington et ses sbires vénézuéliens ont été dupés. Mais qu’importe, par le truchement du système médiatique international, cette défaite patente a finalement servi pour laisser croire que l’armée vénézuélienne compterait de nombreux déserteurs potentiels dans ses rangs.

Le nombre de désertions augmentera certainement au fur et à mesure que les menaces ou les hostilités des Etats-Unis grandiront. Sans pour autant fracturer l’armée bolivarienne. L’étape suivante sera alors de grossir artificiellement, via le réseau d’ONGs de l’opposition (7), le nombre de ces désertions afin de légitimer dans l’opinion publique internationale l’existence d’une armée vénézuélienne aux ordres de Juan Guaido, et de transformer une guerre d’agression étrangère contre le Venezuela en un conflit interne. Cette construction d’une armée parallèle entre dans une stratégie de conflit institutionnel, et de substitution des pouvoirs politiques légitimes.

Dès juillet 2017, en toute illégalité, l’opposition a créé un Tribunal Suprême de Justice «en exil» basé au Panama, ainsi qu’un poste de Procureur Général de la Nation «en exil» à Bogota. Depuis le 23 janvier, l’opposition a même constitué une présidence parallèle, avec à sa tête Juan Guaido. Ces instances fantoches essaient depuis de se substituer aux pouvoirs légitimes vénézuéliens. La lutte institutionnelle rejoint désormais le terrain militaire. Jusqu’à maintenant l’armée vénézuélienne ne s’est pas fissurée car une des ses préoccupations principales est d’éviter une confrontation interne et une guerre civile. Ce qui nous amène à nous demander qui donc formera le gros des troupes de «l’armée de Guaido» ?

Romain Migus

 

Prochaine partie: Les combattants vénézuéliens (déserteurs, civils, et pègre locale) 

Première partie :

Venezuela. Comprendre la guerre qui vient: Le rôle des USA et de leurs alliés, le 21 mai 2019

Notes:

(1) Citons quelques uns des militaires vénézuéliens qui ont trahi leur Patrie depuis l’accession au pouvoir d’Hugo Chávez. Cette liste de généraux ou de hauts gradés est très loin d’être exhaustive: Nestor Gonzalez, Manuel Rosendo, Hector Ramirez, Giussepe Piliery, Raphael Isea, Raul Baduel, Hugo Carvajal, Cliver Alcala, Miguel Rodriguez Torres, Oswaldo Perdomo, Leasmy Salazar, etc.

(2) “Mike Pence recrimina a Guaidó por su fracaso en Venezuela”, Telesur, 28/02/2019, https://www.telesurtv.net/news/mike-pence-reclamo-juan-guaido-fallo-intervencion-militar-venezuela-20190228-0023.html

(3) Le calcul est fait à partir des 1000 déserteurs revendiqués par l’opposition en fonction des 235.000 militaires et 190.000 policiers actifs. Ce chiffre baisse considérablement si l’on incorpore dans les calculs les 2.000.000 de miliciens bolivariens.  

(4) Nous pensons ici aux militaires qui se sont opposés d’entrée au projet politique d’Hugo Chávez, ainsi que des éléments qui n’ont pas hésité à commettre des attentats terroristes sur le sol vénézuélien. Néanmoins, ces militaires contrerévolutionnaires radicaux ont quitté l’armée et le pays il y a plusieurs années. 

(5) Voir L’interview de Efren Fernandez, porte parole des déserteurs vénézuéliens en Colombie réalisé par Audrey Carrillo pour W Radio, 16/04/2019, https://twitter.com/AudreyCarrillo/status/1118174563865636870   

(6) Jorge Chavez Morales, “Offensive paramilitaire au Venezuela”, Ultimas Noticias, 12/07/06, pp. 34-35. Disponible en français sur http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=32272,%20%7BBellaciao.org%7D

(7) Dans la myriade d’ONGs liés aux différents clans de l’opposition (et en grande majorité financé par les Etats-Unis), ce rôle reviendra certainement à l’ONG Control Ciudadano, qui s’est spécialisé dans le “contrôle citoyen des forces armées”. En réalité, cette ONG est chargée de propager des rumeurs, ou de révéler des documents confidentiels. Elle est l’unique source pour la plupart des ONGs et des médias internationaux qui relaient sans aucune vérification les fake news de Control Ciudadano.

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Selon une nouvelle analyse publiée lundi, les dépenses militaires mondiales ont atteint leur plus haut niveau depuis deux décennies. En tête de file des augmentations – les États-Unis et la Chine.

Dans son dernier rapport annuel, l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (SIPRI) révèle que, en 2018, l’ensemble des pays ont injecté collectivement 1,82 mille milliards de dollars dans leurs forces armées respectives, 2,6 % de plus que l’année précédente. Les dépenses des États-Unis et de la Chine totalisent conjointement environ la moitié de ces dépenses.

« L’augmentation des dépenses des États-Unis est imputable à la mise en œuvre dès 2017 de nouveaux programmes d’achat d’armement sous l’administration Trump », a déclaré Aude Fleurant, directrice du programme Armements et dépenses militaires (AMEX) de SIPRI.

L’année dernière, les dépenses militaires étatsuniennes, qui représentent plus du tiers des dépenses mondiales en cette matière, ont augmenté pour la première fois en sept ans. La hausse était de 4,6 %, pour atteindre 649 milliards de dollars.

Nan Tian, chercheuse au SIPRI, a déclaré au diffuseur allemand Deutsche Welle que cette tendance va se poursuive.

« Les É.-U. ont amorcé la mise en œuvre d’un nouveau programme de modernisation de l’armée qui débutera en 2019 ou 2020 », ajoute madame Tian. « Cela est une dépense d’environ 1,8 mille milliards de dollars au cours des 20 prochaines années. Ce montant astronomique englobe aussi bien les armes classiques que l’arsenal nucléaire ».

Les progressistes ne cessent de critiquer la priorité qu’accorde le président Trump aux dépenses militaires, particulièrement dans un contexte de manque de fonds dans d’autres domaines, tels que l’éducation, le logement, l’assainissement de l’air et de l’eau.

La récente proposition budgétaire de M. Trump « consacre des milliards de dollars à la militarisation, alors qu’il coupe dans de plus petits programmes, tel la lutte à la pauvreté », comme l’ont écrit le mois dernier dans The Guardian, Lindsay Koshgarian du National Priorities Project et les Rév. William J. Barber II et Liz Theoharis.

« Depuis trop longtemps, les budgets assurent la sécurité d’un petit nombre de personnes riches et puissantes plutôt que celle des nombreuses personnes démunies et en situation d’exclusion », ont-ils ajouté, reconnaissant du même souffle la contribution des présidents précédents à l’expansion militaire. « Une véritable sécurité suppose l’instauration de la paix, de la justice et la garantie du bien-être matériel et de la liberté pour tous, y compris pour les générations futures ».

La Chine, qui est arrivée deuxième selon l’analyse de SIPRI, a dépensé 250 milliards de dollars dans le secteur militaire en 2018.

Madame Tian a déclaré que « la hausse des dépenses militaires chinoises suit la croissance économique globale du pays ». « Chaque année, depuis 2013, la Chine a alloué 1,9 % de son PIB au domaine militaire ».

Le rapport énumère les pays qui attribuent des sommes colossales au secteur militaire, notamment l’Arabie saoudite (67,6 milliards de dollars), l’Inde (66,5 milliards de dollars), la France (63,8 milliards de dollars), la Russie (61,4 milliards de dollars), le Royaume-Uni (50 milliards de dollars), l’Allemagne (49,5 milliards de dollars), le Japon (46,6 milliards de dollars) et la Corée du Sud (43,1 milliards de dollars).

L’Arabie saoudite a diminué ses dépenses militaires par rapport à l’année précédente. Cependant, le royaume — qui, de concert avec les Émirats arabes unis, mène une guerre au Yémen, avec l’appui des É.-U. et de la Grande Bretagne — se classe toujours en tête du peloton mondial en termes de dépenses militaires par habitant. Les États-Unis occupent le deuxième rang.

Dans l’ensemble, le SIPRI a constaté que les dépenses militaires ont augmenté en Amérique centrale et dans les Caraïbes, en Europe centrale, en Asie centrale et du Sud, en Asie orientale, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Europe occidentale. Elles ont cependant diminué en Europe de l’Est, en Afrique du Nord, en Océanie, en Asie du Sud-Est, en Afrique subsaharienne et dans les pays du Moyen-Orient pour lesquels des données sont disponibles.

SIPRI a établi une fiche d’information (PDF) qui ventile les dépenses militaires des pays en fonction des items suivants : les forces armées, les ministères de la défense et les organismes gouvernementaux connexes, les forces paramilitaires et les activités spatiales militaires. Ce tableau comprend également les salaires et régimes de retraite de tout le personnel concerné « ainsi que les dépenses liées aux opérations et à l’entretien, aux achats, à la recherche et au développement militaires et à l’aide militaire ».

Près de la moitié des 15 pays qui dépensent le plus — le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis — sont membres de l’OTAN, une alliance militaire internationale regroupant 29 pays nord-américains et européens. En 2018, les pays de l’OTAN ont investi au total 963 milliards de dollars dans leurs forces armées, soit plus de la moitié des dépenses mondiales.

Jessica Corbett

 

 

Article original en anglais : Led by US Under Trump, Global Military Spending Soared to Highest Level in Recorded History Last Year, Common Dreams, le 29 avril 2019.

Traduction : Claire Lapointe ; révision : Échec à la guerre, Montréal, Qu.bec, Canada

Jessica Corbett: rédactrice attitrée Common Dreams

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Une étude révèle que plus de Yéménites meurent des effets secondaires de la guerre que des combats.

 

De nouvelles statistiques émanant de l’ONU – selon lesquelles la guerre au Yémen a tué bien plus de personnes qu’il n’a été rapporté antérieurement – établissent à 102 000 le nombre de vies qui auront été fauchées par les combats à la fin de 2019.

Un rapport commandé par l’ONU à l’Université de Denver révèle par ailleurs que davantage de Yéménites sont morts de faim, de maladie et du fait de la pénurie de cliniques médicales ou autres infrastructures que de la guerre elle-même. Intitulé Assessing the impact of War on Development in Yemen (Étude d’impact de la guerre sur le développement au Yémen), ce rapport de 68 pages évalue à environ 131 000 le nombre de décès provoqués par des effets secondaires du conflit entre 2015 et la fin de 2019. Le bilan combiné des morts dues et aux combats et à la maladie est de 233 000, soit 0,8% de la population du Yémen, qui s’élève à 30 millions. Selon les mêmes chercheurs, ces cinq années de conflit auront coûté 89 milliards de dollars à l’économie du pays.

« Cela dépasse les prévisions, a déclaré Jonathan Moyer, professeur assistant et auteur principal du Rapport, à la revue en ligne Middle East Eye. Ce conflit compte parmi ceux qui ont eu le plus sérieux impact à l’interne depuis la fin de la Guerre froide. Il se compare aux guerres en Irak, en Sierra Leone, au Libéria et en République démocratique du Congo, dont la durée d’impact sur le développement équivaut à une génération. »

D’après le professeur Moyer, la grande majorité des victimes du conflit au Yémen sont des enfants de moins de cinq ans. La guerre elle-même, mais aussi ses effets secondaires, tuent un enfant toutes les onze minutes et cinquante-quatre secondes, affirme le Rapport.

Le professeur Moyer conclut : « Davantage peut être fait pour arrêter ce conflit ; davantage devrait être fait. »

L’équipe du professeur Moyer s’est également livrée à une projection, calculant les pertes yéménites en cas de prolongation de la guerre jusqu’en 2030. Si les combats se poursuivaient jusque-là, le bilan des décès atteindrait 1,8 millions, l’économie aurait perdu 657 milliards de dollars, 84% des Yéménites seraient malnutris et 71% d’entre eux vivraient dans des conditions d’extrême pauvreté, prédisent les chercheurs.

Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, souligne que le conflit en cours au Yémen y a déjà retardé de 21 ans le développement humain. « Le Rapport, avertit-il, met en garde contre l’accroissement exponentiel de l’impact de ce conflit sur le développement humain. Il prévoit que, si la guerre se termine en 2022, les gains en développement enregistreront un recul de 26 années, soit presque une génération ».

L’Arabie Saoudite dirige une coalition militaire soutenue par l’Occident, qui est intervenue au Yémen en 2015 afin de restaurer le gouvernement du président Abd Rabbuh Mansour Hadi, chassé du pouvoir dans la capitale, Sanaa, par les rebelles houthis en 2014.

À la faveur de pourparlers tenus à Stockholm en décembre dernier sous l’égide de l’ONU, les parties engagées dans ce conflit sont parvenues à s’entendre sur un cessez-le-feu et un retrait des troupes de la ville portuaire d’Hodeïda, au bord de la Mer rouge, ville jouant un rôle vital dans l’approvisionnement en nourriture, en carburant, en médicaments et autres formes d’aide auprès de millions de Yéménites.

La trêve a généralement tenu bon, mais le redéploiement des soldats s’est interrompu, chaque partie accusant l’autre d’avoir fait dérailler l’accord, première percée importante dans les efforts de paix de plus de quatre années consacrées à la recherche d’une solution politique élargie.

Le conflit, qui a conduit la nation la plus pauvre de la péninsule arabique au bord de la famine, est largement vu comme une guerre par procuration entre l’Arabie Saoudite et l’Iran – alors que les Houthis nient recevoir le soutien de Téhéran.

« Le degré de souffrance infligée aux enfants du Yémen est dévastateur, clame le Rapport. La communauté internationale doit se rassembler afin d’assurer une solution pacifique à ce conflit et de promouvoir une voie vers la reconstruction. »

James Reinl

 

 

Texte original en anglais : Yemen death toll to surpass 230,000 by end of 2019: UN reports,Middle East Eye, le 26 avril 2019.

Adaptation française : Geneviève Manceaux, écrivain; révision : Échec à la guerre, Montréal, Québec, Canada.

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La Constitution vénézuélienne a prévu aux articles 70 et 71 cette disposition  permettant au peuple de prendre la parole pour exprimer ce qu’il pense d’une situation que les pouvoirs existants n’arrivent pas à résoudre. La voix du peuple, dans cette constitution, est l’expression du pouvoir suprême auquel tous les autres pouvoirs doivent se soumettre. C’est ce que la Constitution vénézuélienne appelle la démocratie participative.

« Article 71« Les questions revêtant une importance particulière pour le pays peuvent être soumises à un référendum consultatifà l’initiative du Président de la République en conseil des ministres et en accord avec l’Assemblée nationale, approuvée par le vote de la majorité de ses membres; ou à la demande d’un nombre d’au moins dix pour cent des électeurs inscrits au registre civil et électoral. »

Le  15 mai dernier a été initiée l’Alliance pour la tenue du Référendum consultatif (ARC) comme prévu dans la Constitution nationale. Cette initiative émerge de partis d’opposition qui se démarquent complètement du parti radical au service des intérêts de Washington. Leurs raisons d’être prennent racine dans les intérêts du peuple et leur objectif est de servir ces intérêts. Ces partis politiques, à caractère nationaliste, participent également aux négociations qui se réalisent présentement à OSLO entre le gouvernement et les divers partis d’opposition.

Il faut noter que pour le parti radical, celui qui répond aux intérêts de Washington, la seule issue envisageable pour ces négociations est que le président Nicolas Maduro donne sa démission et qu’il ne participe pas aux nouvelles élections présidentielles. Il s’agit d’un ultimatum qui n’a aucune chance de succès. Nicolas Maduro a été élu président le 20 mai 2018 et demeure le Président officiellement reconnu para les Nations unies et les 144 États membres de l’Assemblée générale qui n’ont pas suivi les directives de Washington.

La semaine dernière, l’Alliance pour le Référendum consultatif a écrit une lettre à l’Ambassadeur de Norvège pour que le référendum consultatif soit pris en compte dans les présentes négociations, entre le gouvernement et l’opposition. Dans cette missive, ils précisent certains paramètres dont ceux-ci :

·      Le premier accord, même partiel, doit être la désignation d’un nouveau CNE

·      Les négociations devraient porter une attention particulière aux victimes de la crise

·      Nous exigeons que les États-Unis lèvent les sanctions à la demande de la majorité de l’opposition démocratique.

Ils continuent avec le rejet de toute violence en tant que moyen de résoudre les problèmes internes du Venezuela.

·      Nous rejetons de la manière la plus stricte toute suggestion qui pourrait devenir une confrontation violente entre les Vénézuéliens. »

·      La violence est la sanction économique et financière imposée au Venezuela par le gouvernement américain, qui pourrait être définie comme un terrorisme économique interférant, qui ne nuit pas au gouvernement, mais à tous les Vénézuéliens, en particulier les plus pauvres, de sorte que l’ARC demande qu’ils soient levés immédiatement.

Cet appel pour la tenue d’un Référendum consultatif tel que prévu à la Constitution ainsi que les paramètres tels qu’énoncés n’est pas de nature à plaire à l’opposition radicale au service des intérêts de Washington. Ce n’est pas pour rien s’ils ont commencé à proclamer que ces négociations à Oslo avaient pris fin, ce qui n’est évidemment pas le cas. L’opposition modérée au service des intérêts du Venezuela n’a pas renoncé à ces échanges et se propose à ce que la voix du peuple puisse se faire entendre à travers ce RC. Je ne vois pas le gouvernement  se refuser à un tel Référendum. Je n’en dirais pas autant pour les radicaux. Même Washington reprend la menace d’intervention militaire  directe, sachant que la tenue de ce Référendum irait totalement à la l’encontre de ses projets de domination.

Il suffit de 1 800 000 signatures + ou- (10% des électeurs et électrices inscrites au registre électoral, pour donner suite à ce référendum.. Si l’opposition modérée et le gouvernement s’entendent sur ce référendum et les paramètres exigés, ces signatures seront vite recueillies. Il n’y certes pas de temps à perdre. L’entrée en scène du peuple par la voie de ce référendum signera la fin du parti radical et n’augurera rien de bon pour les prétentions de Washington. Le gouvernement et l’opposition modérée ont tout intérêt à ce que ce processus de référendum se mette en marche dans les meilleurs délais.

Oscar Fortin

 

 

Note : les traductions ont été réalisées avec Google traduction

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Une centaine de personnes ont manifesté devant le tribunal de première instance de Westminster jeudi matin pour s’opposer à la procédure d’extradition américaine qui vise Julian Assange, fondateur de WikiLeaks.

L’audience d’hier aurait été la première depuis que le ministère américain de la Justice a porté 17 accusations supplémentaires contre Assange en vertu de la loi sur l’espionnage. Ils étaient assortis d’une peine d’emprisonnement de 175 ans. Mais on a reporté l’audience, l’avocat d’Assange, Gareth Peirce, ayant confirmé que son client était trop malade pour y assister.

Les autorités pénitentiaires ont transféré Assange à l’hôpital de la prison de Sa Majesté à Belmarsh et il n’a pu se présenter même par liaison vidéo. Depuis que la police a arrêté Assange illégalement à l’ambassade de l’Équateur à Londres, il a été détenu pratiquement au secret dans la prison de haute sécurité. Il purge une peine sadique de 50 semaines de prison imposée par les tribunaux pour une infraction mineure à la liberté sous caution dans des installations normalement réservées aux terroristes et aux figures du crime organisé.

Protestants à l’extérieur du tribunal

Au tribunal, Gareth Peirce a dit à la juge, Emma Arbuthnot, qu’Assange n’était pas «très bien». Mais rien ne doit faire obstacle à l’establishment judiciaire britannique, qui s’acharne à faciliter l’extradition d’Assange. Arbuthnot a annoncé que la prochaine audience aurait lieu le 12 juin ou le 11 ou bien le 13 au tribunal de première instance de Belmarsh, voire à la prison de Belmarsh.

En dehors du tribunal, les partisans de Julian Assange ont fait sentir leur présence avec une protestation déterminée organisée par le Julian Assange Defence Committee (JADC) et soutenue par le Parti de l’égalité socialiste (SEP). Ils ont chanté des slogans comme «Les États-Unis, le Royaume-Uni — bas les pattes d’Assange!». «Il n’y a qu’une seule décision: pas d’extradition!» et «Dire la vérité n’est pas un crime — libérez Julian Assange».

Les pancartes faites maison comprenaient «Libérez Assange, Criminels de guerre en prison», «Libérez Julian Assange, nominé au prix Nobel de la paix» et «Libérez la Presse, Libérez Assange». Des banderoles et des pancartes du SEP exigeaient la liberté d’Assange et la lanceuse d’alerte Chelsea Manning a été emprisonné.

Lors de l’ouverture du rassemblement, Emmy Butlin du JADC a déclaré aux personnes présentes: «Le juge a reconnu que Julian Assange ne se portait pas bien. Évidemment, les informations parues dans la presse sur son état de santé et par le fait qu’il se trouve actuellement à l’hôpital de la prison de Belmarsh nous rendent extrêmement préoccupés. Nos pensées et nos prières l’accompagnent.»

Gordon Dimmack s’adresse à la manifestation

Butlin a lancé un appel en faveur d’une participation maximale à l’audience du mois suivant et a présenté chacun des autres conférenciers.

Le vidéo-blogueur indépendant Gordon Dimmack a lu à haute voix la lettre qu’il avait reçue de Julian Assange la semaine précédente et a été applaudi en citant les mots d’Assange, «jusqu’à ce que je sois libre, chacun doit prendre ma place».

Chris Marsden exige la liberté de Julian Assange

Chris Marsden, secrétaire national du Parti socialiste pour l’égalité, a déclaré: «Une abomination juridique a eu lieu dans cette cour aujourd’hui. Un homme innocent est en train de se faire trainer aux États-Unis par extradition… Julian Assange est désespérément malade et se trouve dans un service médical de la prison de Belmarsh. Rien n’arrêtera la brutalité de l’État britannique dans ses efforts de complicité avec les États-Unis pour faire taire Julian Assange. On doit qu’on arrête ça. Le moyen de l’arrêter est de mobiliser le pouvoir massif de la classe ouvrière, de mettre fin à cette parodie, à ce crime contre le journalisme, contre la vérité, dans la lutte contre la guerre.»

Marsden conclut: «Nous parlons au nom de millions de personnes dans le monde qui sont défenseurs de Julian Assange, défenseurs de WikiLeaks et défenseurs de la vérité… Tout dépend de la mobilisation des travailleurs, des jeunes contre l’establishment, contre les grands médias, contre les partis du grand capital et pour un véritable mouvement de masse contre la guerre, le colonialisme et l’oppression.»

Maxine Walker parle devant le tribunal de première instance de Westminster

Maxine Walker, du JADC, a déclaré aux manifestants: «Nous sommes ici aujourd’hui pour soutenir Julian Assange. En nous tenant à ses côtés, qu’est-ce que nous défendons? Nous défendons la vérité, nous défendons la liberté et nous défendons la démocratie. Et contre quoi nous battons-nous? Nous nous dressons contre la machine de guerre impérialiste qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour diaboliser et détruire Julian Assange et WikiLeaks. Le secret, les mensonges de la machine de guerre des pays impérialistes. Leur meurtre, leur torture, leurs restitutions, leurs coups d’État et leurs guerres. C’est ce que WikiLeaks nous a révélé.

«Nous avons choisi un camp. Nous avons choisi le côté de la justice. Et les tyrans et les psychopathes qui gouvernent le monde font tout ce qui est en leur pouvoir pour détruire Julian Assange, physiquement et mentalement. Ils veulent l’enfermer pour toujours, de l’enterrer et le rend un exemple aux autres si vous prenez position pour la vérité, voilà ce qui va vous arriver. C’est pourquoi cette lutte est si vitale».

À la fin du rassemblement, les manifestants se sont alignés sur le sentier en face de Marylebone Road, tenant leurs pancartes et banderoles bien en hauteur. La circulation était très dense dans les deux sens. Des dizaines de chauffeurs d’autobus, de camionneurs, de chauffeurs de taxi et de commerçants londoniens ont fait retentir leurs klaxons bruyamment. Ils ont salué les manifestants dans un geste de soutien soutenu. C’était la voix de la classe ouvrière, la puissante force sociale qui gagnera la liberté d’Assange.

Voitures klaxonnant à l’appui de la démonstration de Julian Assange

Après s’être rassemblé devant le tribunal, un groupe de manifestants a décidé de piqueter les bureaux d’Amnesty International et du Guardian. Ils ont dénoncé le refus d’Amnesty d’inscrire Assange et Manning sur la liste des prisonniers de conscience et ont protesté contre la diffamation, la calomnie et l’assassinat du fondateur et journaliste de WikiLeaks par le Guardian.

 

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 31 mai 2019

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Les éducateurs au Honduras sont en grève générale depuis le 23 mai et des étudiants, des médecins et des infirmières ont organisé des manifestations et des grèves partielles depuis le 20 mai contre le gouvernement de Juan Orlando Hernández (JOH) du Parti national (PNH).

Toutes les régions du pays ont connu des barrages routiers, des défilés et des occupations universitaires, y compris une marche de dizaines de milliers de personnes lundi et mardi dans la capitale du pays, Tegucigalpa. Pratiquement tous ont subi une répression violente de la part de la police et de l’armée honduriennes.

Cela fait suite à une première semaine de grèves qui a débuté le 26 avril contre deux projets de réformes visant à privatiser les soins de santé, les retraites et l’éducation. Les réformes sont dictées par le Fonds monétaire international (FMI) et impliquent des réductions budgétaires accélérées et des licenciements de masse.

Lundi soir, un important contingent a manifesté devant l’ambassade des États-Unis à Tegucigalpa, reconnaissant du même coup que les attaques sociales imposées par la classe dirigeante hondurienne avaient pour origine les salles de conférence de Wall Street et de Washington DC.

Manifestation de masse lundi à Tegucigalpa (@TONYDIAZGALEAS)

Face à la recrudescence de la lutte des classes, notamment parmi les dizaines de milliers d’enseignants américains qui luttent pour la défense de l’éducation publique, les syndicats et les partis d’opposition honduriens ont tout mis en œuvre pour empêcher les travailleurs de faire appel à leurs frères et sœurs de classe de la région, et en particulier les États-Unis, dans leur lutte politique commune contre l’austérité sociale, la militarisation et les attaques des entreprises dirigées par l’impérialisme américain.

Le 21 mai, alors que le mouvement de protestation atteignait de nouvelles proportions, le Syndicat des employés de l’éducation publique (SIEMPE) et l’Association médicale hondurienne ont convoqué une «Assemblée nationale des plates-formes départementales pour la défense de la santé et de l’éducation», afin de contenir les manifestations et les canaliser dans des discussions avec le Parti national au pouvoir.

Les grands médias, ainsi que les organisations étudiantes et de pseudo-gauche, y compris celles qui orbitent autour du prétendu parti d’opposition, Libre, ont promu le président de l’association médicale, la docteure Suyapa Figueroa, porte-parole des manifestations, citant ses condamnations à haute voix de la crise sociale.

Dans une interview accordée à CNN vendredi dernier, par exemple, Figueroa a déclaré: «Le système de santé n’est pas en mesure d’effectuer des chirurgies. Il y a eu des cas d’absence d’eau pour le développement de rayons X. Il n’y a pas d’eau dans les salles d’opération pour se laver les mains». Elle a toutefois vite ajouté que le mouvement de protestation était «apolitique» et que «cette lutte a beaucoup de gens qui appartiennent au parti au pouvoir, ce qui est naturel, et ils nous soutiennent».

Cependant, le gouvernement a clairement indiqué qu’il répondrait à toute contestation des intérêts des élites financières honduriennes et internationales de manière totalement intransigeante et impitoyable.

Les ministres correspondants ont annoncé mardi des sanctions et des licenciements à l’encontre d’enseignants, ainsi que des poursuites pénales à l’encontre du personnel médical et l’embauche de briseurs de grève.

Un nouveau code pénal entré en vigueur le 15 mai criminalise les manifestations au sens le plus large, avec jusqu’à quatre ans d’emprisonnement et 15 ans d’emprisonnement pour les dirigeants ou ceux qui en font la publicité. Il prévoit également une peine de prison de 3 à 10 ans pour avoir pratiqué un avortement.

Au cours de la semaine écoulée, des enseignants ont à plusieurs reprises dénoncé aux journalistes et aux médias sociaux la présence des forces spéciales, les Tigres, participant à la répression contre les manifestations. Des officiers de la police nationale et les Tigres ont été recensés. Ils ont accompagné lundi un agent en civil qui a tenté sans succès de kidnapper deux enseignants en quête d’un refuge dans un restaurant de la ville de Santa Cruz de Yojoa.

Le 29 avril, un policier en civil a tiré à balles réelles sur un enseignant manifestant à Tegucigalpa.

Les forces spéciales honduriennes déployées contre les travailleurs et les jeunes ont été formées par les Bérets verts aux «combats urbains». En 2015, l’armée américaine a décrit leur entraînement: «De nombreuses périodes d’instruction ont été consacrées à la mise en place des principes fondamentaux du combat rapproché et comment les exécuter dans le chaos qui règne dans ce contexte». Le colonel Christopher Riga, commandant du 7e groupe des forces spéciales américaines chargé de la formation, a déclaré lors de la remise des diplômes: «Je vous promets qu’un jour, nous serons ensemble, pour nous débarrasser des terroristes et des narcotrafiquants».

La dernière décennie a été marquée par une répression meurtrière de la part de l’armée et de la police contre des manifestations de masse et des activistes antigouvernementaux au Honduras qui résistent à la détérioration dramatique du niveau de vie. Cette escalade des mesures d’État policier pour imposer des attaques sociales s’est révélée être l’objectif du coup d’État militaire orchestré par l’administration démocrate de Barack Obama en juin 2009 pour renverser le président Manuel Zelaya.

Les courriels publiés en 2010 par WikiLeaks montraient que le département d’État sous Hillary Clinton avait soutenu le coup d’État et utilisé l’Organisation des États américains pour saper l’opposition des autres gouvernements. C’est la préparation de nouveaux crimes impérialistes, y compris le soutien continu du régime meurtrier de Tegucigalpa, qui alimente la persécution en cours par Washington du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, et l’emprisonnement de l’ancienne spécialiste de l’armée qui a divulgué ces câbles diplomatiques, Chelsea Manning.

Le Congrès hondurien a approuvé les projets de loi relatifs à l’éducation et à la santé après un mois de négociations entre le régime et le Fonds monétaire international (FMI), qui a finalement conclu un contrat de deux ans prévoyant une ligne de crédit et des politiques visant à «améliorer le cadre des politiques macroéconomiques, élever la qualité des dépenses publiques et renforcer l’état de droit».

La première étape annoncée par le négociateur en chef du FMI, Esteban Vesperoni, consistait en un prêt de 311 millions de dollars au gouvernement hondurien, en partie pour «secourir» la Empresa Nacional de Energía Eléctrica (ENEE), une entreprise publique d’électricité. Ironiquement, cet argent facilitera la «mise en œuvre de la loi structurelle sur le secteur de l’électricité», qui a privatisé la distribution d’électricité en 2014. Vesperoni a également ordonné «de réviser le contrat avec la Empresa Energía Honduras (EEH), une entreprise privée, afin d’y incorporer les incitatifs nécessaires».

En 2016, selon les termes du directeur général d’EEH, German García, «l’ensemble du réseau de distribution du pays a été confié à Ficohsa [Banque commerciale de financement du Honduras] et nous avons remporté l’appel d’offres».

L’exemple de l’ENEE annonce le sort des mesures non encore annoncées en matière de santé et d’éducation. Le dernier prêt vient s’ajouter aux centaines de millions de dollars supplémentaires dépensés par le FMI au cours de cette période par le biais de l’ENEE défaillante, dont la privatisation a permis un immense transfert de richesse en faveur de l’élite financière hondurienne et internationale – en distribuant des parts aux créanciers de Wall Street via le FMI. Parmi les autres bénéficiaires figurent Camilo Atala, propriétaire de Ficohsa et milliardaire hondurien, ainsi que le magnat colombien William Vélez, propriétaire majoritaire de EEH via son groupe ETHUSS. L’une des autres utilisations de ces fonds a été l’extension de l’armée hondurienne, qui est devenue l’un des principaux débiteurs de l’ENEE.

En dernière analyse, la classe ouvrière a payé les coûts à travers plus de 2000 licenciements et autres concessions à ENEE, ainsi que des hausses constantes des tarifs de l’électricité.

Des milliers d’autres personnes ont été licenciées à l’Autorité des aqueducs et des égouts (SANAA), des télécommunications au Honduras, de la Compagnie nationale des ports, de la National Port Company, de l’administration fiscale nationale (DEI) et d’autres organismes publics dans le cadre de la multiplication des privatisations et des réductions sociales dictées par le FMI.

Le gouvernement a nié le fait que les projets de loi relatifs à l’éducation et à la santé entraîneraient des licenciements massifs, mais il a ouvertement déclaré son objectif: «économiser» 300 millions de dollars, dont la plus grande partie sera consacrée au service de la dette publique à la faveur des vautours financiers et à la mise en place d’un appareil répressif. Les ruines du système de santé, y compris le vol de centaines de millions de dollars par le régime de la PNH sous Porfirio Lobo, ont entraîné des milliers de morts inutiles tout en alimentant les affaires des cliniques privées.

Au Honduras, les super-riches se sont multipliés, mais le taux de pauvreté a augmenté de plus de 10% depuis le coup d’État de 2009 pour atteindre environ 70% de la population. Les économistes de l’Université nationale autonome (UNAH) ont prédit que 110.000 personnes supplémentaires tomberont sous le seuil de pauvreté officiel cette année.

En dépit de la répression brutale de l’État hondurien, les luttes contre ces conditions intolérables, qui alimentent des milliers de meurtres annuels dus à la guerre des gangs, ne feront que grandir et devenir plus militantes.

Des centaines de milliers d’éducateurs, de médecins, d’étudiants, d’autres travailleurs et paysans du Honduras et de la région continuent de rechercher des conditions plus sûres et meilleures pour eux-mêmes et leurs familles en migrant vers le nord, risquant de tomber sur les politiques anti-immigrants des administrations démocrates et républicaines successives. Ces mesures ont abouti à la militarisation de la frontière, à des camps de détention sordides, à la séparation de familles et à la destruction progressive du droit d’asile par la Maison-Blanche de Trump.

Le nombre d’arrestations à la frontière américano-mexicaine, principalement de migrants originaires du nord de l’Amérique centrale, a dépassé les 100.000 par mois en mars et en avril, soit près du double du record de 2014.

Andrea Lobo

 

Article paru en anglais, WSWS, le 29 mai 2019

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Pur hasard ou fâcheuse coïncidence qui masque une intention provocatrice ?

Traditionnelle ritournelle de la diplomatie américaine à l’égard des Arabes (1), la transaction du siècle, le règlement au rabais de la question palestinienne, devrait être révélée après la fin du mois de Ramadan 2019, soit vers le 5 juin, une date coïncidant avec la date de la défaite arabe lors de la 3ème guerre israélo-arabe de juin 1967.

Si cette date était confirmée, elle constituerait une nouvelle illustration de l’instrumentalisation du calendrier comme fonction traumatique à l’ égard des Arabes, comme en témoigne la décision de Donald Trump d’ordonner le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, le 15 Mai 2018, à la date anniversaire de la proclamation de l’indépendance de l’Etat hébreu.

Nullement une vue de l’esprit ou une interprétation relevant d’une psychose complotiste, l’intention provocatrice n’est pas à exclure compte tenu de l’usage constant du calendrier comme fonction traumatique fait par les Israéliens en vue de contraindre les Arabes à intégrer leur infériorité, à la manière des zoos zoologiques de l’époque coloniale.

Pour aller plus loin sur cet aspect de la guerre psychologique menée par Israël contre les Arabes, ce lien: https://www.renenaba.com/du-calendrier-comme-fonction-traumatique/

52 ans après la défaite de juin, 35 ans après l’invasion israélienne du Liban, –deux événements intervenus un 5 juin–, la transaction du siècle, par la négation des droits nationaux du peuple palestinien qu’elle implique, s’apparente à l‘ «arnaque du siècle» (2), à en juger par ses principales dispositions révélées par la presse arabe et internationale.

Toutefois, cet échafaudage patiemment construit pour la pérennisation au pouvoir de l’ultra-droitier Benyamin Netanyahu et la réélection de Donald Trump pourrait s’effondrer, tel un château de cartes, du fait de la psychorigidité israélienne et de l’impasse gouvernementale y afférente, illustration pathologique des dérives de la puissance américaine et du délire de ses servants aussi bien Arabes qu’Américains qu’Européens.

L’objectif sous-jacent: La Palestine contre la Syrie

A l’arrière-plan de l’accentuation des sanctions économiques contre l’Iran, le chef de file de la contestation anti occidentale dans la zone, l’objectif sous-jacent de la transaction du siècle est la promotion d’un nouvel ordre régional qui se substituerait à l’ordre ancien établi par les anciennes puissances coloniales européennes, dans la perspective d’un monde post occidental et la montée en puissance de l‘Eurasie. En somme un accord Trump-Poutine qui se substituerait aux accords Sykes-Picot.

Cent après les accords Sykes-Picot (1916), les Etats Unis, en phase de reflux au Moyen orient, viseraient à remodeler la zone en fonction des nouveaux rapports de force dégagés par la séquence dite du «printemps arabe»: Une désarticulation du Monde arabe par l’aménagement d’un glacis stratégique de l’Otan cimenté par une alliance judéo-sunnite (Israël et les pétromonarchies sunnites), en contrepartie de la reconnaissance du primat de la Russie sur le front nord anti-israélien: Iran, Syrie, Irak, Liban, adossés à la Russie et la Chine.

Schématiquement: Troquer la phagocytose de la Palestine par Israël en contrepartie de la reconnaissance de la prééminence russo-chinoise sur la verticale Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth et son prolongement, le Sud Liban et Gaza. L’aménagement d’une base aérienne russe en Syrie, doublée d’une plateforme militaire navale russo chinoise à Tartous et d’un grand port commercial russe dans cette ville syrienne de la côte méditerranéenne, ainsi que la visite officielle en 2019 à Moscou du président libanais Michel Aoun, la première depuis l’indépendance du Liban en 1943, constituent les prémisses de ce bouleversement stratégique.

L’Egypte, ancien chef de file du combat nationaliste arabe, se cantonnera à son rôle de passeur de plat de la stratégie américaine pour la satisfaction des rêves pharaoniques de son président, le Maréchal Abdel Fattah Al Sissi; La Turquie, puissance régionale incontournable aux capacités limitées, dans son rôle de nuisance confrérique réformatrice en direction de la dynastie wahhabite et son jeu de bascule entre Russie et Amérique.

Retour sur cette forfaiture menée conjointement par les Etats Unis et l’Arabie saoudite, deux états voyous par excellence de la scène internationale,  représentés dans le cas d’espèce par Jared Kushner, gendre du président Donald Trump, artisan du Muslim Ban et, le prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane, un équarisseur émérite de ses opposants.

Les prémisses d’une idylle insolite.

Contrairement à tous les usages, Donald Trump a réservé à l’Arabie saoudite, son premier déplacement officiel à l’étranger, en 2017, en sa qualité de président des Etats Unis. Et dès son atterrissage à Riyad, il avait d‘ores et déjà mis la main sur le trésor saoudien.

Mais sa mainmise sur le pactole saoudien ne résultait toutefois pas du hasard, ni non plus de l‘exploit individuel du président américain.

Le New York Times en association avec le quotidien libanais «Al Akhbar» dans un dossier intitulé «Saudi-Leaks», en date du 6 décembre 2018, révèlent les dessous de cette idylle insolite entre l’artisan du «Muslim Ban» et un pays supposé être le chef de file spirituel du monde musulman.

Pour aller plus loin sur le voyage de Donald Trump en Arabie saoudite, ce lien: https://www.madaniya.info/2017/05/17/donald-trump-en-arabie-saoudite-ladoubement-de-lartisan-du-muslim-ban-par-le-petromonarchies-sunnites/

L’homme a ainsi réussi à soustraire des milliards de dollars au trésor saoudien pour assurer le plein emploi au bénéfice de l’économie américaine. Cet homme-là que la volonté du peuple américain a propulsé à la tête des Etats Unis a été redevable de sa bonne fortune politique à une dynastie, pour être précis à un seul homme au sein de cette dynastie: Mohamad Ben Salmane.

Le fils du Roi Salmane n’a pas hésité un seul instant à mettre toutes ses cartes sur la table devant l’équipe de campagne du nouveau président élu, l’ancien candidat du Parti Républicain à la présidence des Etats Unis.

MBS n’a pas été avare de promesses d’investissements, de dons en moyens financiers et humains au point de faire du Royaume saoudien un instrument affecté au service de la satisfaction des intérêts et des ambitions américaines.

Saudi Leaks constituent un ensemble de documents secrets saoudiens datant de 2016, l’année où les regards du monde entier s’étaient fixés sur cet homme plein de morgue qui allait gouverner les Etats-Unis.

«Nul personne au monde ne peut se dispenser de se poser la question de savoir ce que pensent les Etats-Unis», avait prétendu un jour Zbigniew Brezenski, l’ancien président du Conseil National de Sécurité du président démocrate Jimmy Carter (1976-1980).

Certes, des pays cherchent à prévoir ou à anticiper les intentions américaines dans le cadre de leur compétition internationale ou de la guerre qu’ils mènent contre la puissance américaine.

Dès sa phase d’approche avec l’administration Donald Trump, MBS a paru aller au-devant des désirs américains, comme s’il voulait anticiper son asservissement aux Etats Unis, à une période de l’humanité où la majorité des peuples de la terre avait réussi à se débarrasser autant se peut que faire des chaînes qui les enchainaient. Par son comportement, MBS a ainsi privé «son peuple, ses frères arabes et les Musulmans» de richesses considérables.

«Chèque en blanc»

Un «chèque en blanc»: C’est ainsi que le prince saoudien s’est présenté en substance à ses interlocuteurs américains. Mon argent, mon peuple, ma religion à votre service, gout sera votre propriété pour peu que vous y consentiez. Prenez tout cela pour peu que consentiez à nous aménager un strapontin dans votre entourage.

La visite de Donald Trump en Arabie saoudite avait donc été minutieusement planifiée. Au prix d’une entourloupe en ce que la législation américaine proscrit formellement toute démarche diplomatique, sans mandat express du pouvoir exécutif.

Mais le prince héritier était pressé, allant au-devant des désirs du président élu, affectant de gros moyens financiers pour gagner sa sympathie.

Il a ainsi enrôlé Kenneth Dobristyne, ancien Haut fonctionnaire à la Maison Blanche sous l’ère Ronald Reagan (1980-1988) et s’est arrangé pour nouer des contacts avec Jared Kushner, multipliant les messages via SMS avec le gendre présidentiel devenu son compagnon de chasse en vue de fixer la ligne diplomatique du président élu, au mépris des règles en vigueur au sein de l’exécutif américain.

L‘offre globale.

En Mars 2016, Mohamad Ben Salmane avançait une offre globale politique, économique, sécuritaire et culturelle. Une offre qui ne souffrait pas une seconde d’hésitation et se résumait à la question suivante: QUE FAUT IL POUR QUE LE ROYAUME SOIT UN ALLIE DES ETATS UNIS AU MËME NIVEAUI QU ISRAEL?

Les réformes étaient déjà incluses dans l’offre. Mais selon la correspondance officieuse saoudo américaine, les réformes, –notamment l’autorisation aux femmes de conduire leur voiture, la lutte contre le terrorisme- étaient destinées à l’opinion américaine et non en faveur des ressortissants saoudiens.

L‘Islam

L’Arabie saoudite dispose de deux mille (2.000) penseurs musulmans en mesure de faire prospérer les enseignements de la religion musulmane selon la conception wahhabite sur l‘ensemble du Monde musulman. Même notre religion sera au service de vos projets.

ENSEMBLE NOUS REGLERONS LE PROBLEME PALESTINIEN et nous investirons des milliards de dollars aux Etats Unis.

Zone franche sur la Mer rouge

Que pensez-vous d’une zone franche américaine sur la Mer Rouge (Le projet NEOM 2030), qui fera office de porte d’entrée des Etats Unis vers l’Afrique et Moyen orient.

Avec en prime, un potentiel humain arabe combattant (les groupements terroristes islamiques) à la disposition du président américain. Choisissez ce que bon vous semble. Nous sommes prêts à satisfaire la moindre de vos requêtes. Telle était la substance du message saoudien. Ainsi donc bien avant l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, MBS s’était placé à la disposition du président américain, donnant le coup d’envoi à ce voyage d’allégeance absolue au Président le plus xénophobe de l’histoire américaine.

Du rôle des centres de recherches et des firmes de conseils et communications et des relations publiques.

  • Le rôle du Fonds Général des Investissements Saoudien et de Yasser Ar Ramyane.

Peu de mois avant la fin du mandat de Barack Obama (2008-2016), Mohamad Ben Salmane a entrepris de conquérir les Etats-Unis.

Le président démocrate, premier président afro américain de l’histoire des Etats Unis était réservé à l’égard de certains aspects de la politique saoudienne et réticent à établir un partenariat avec le Royaume dans la guerre contre Daech (l’Etat Islamique), en juin 2016, en Syrie et en Irak.

MBS a entrepris son voyage aux Etats Unis alors que les relations saoudo américaines étaient caractérisées par une certaine tiédeur dans la foulée de la conclusion d’un accord international sur le nucléaire iranien.

A l’époque l’image du jeune prince n’était pas souillée de sang auprès de l’opinion américaine ni des médias du pays. La guerre du Yémen ne faisait pas l’objet de critiques, quand bien même elle constituait un cas typique de guerre d’agression. La quasi-totalité des journalistes réputés couvraient de louanges les reformes du prince et son audacieuse vision d’avenir –Le projet NEOM 2030.

Ce concert de louanges ne résultait pas du fruit du hasard.

Riyad avait engagé une vaste offensive de charme auprès des centres de Recherches, des firmes de conseils, de communications et de relations publiques, y allouant des millions de dollars en vue de façonner une image positive du Royaume et de son jeune prince et de faciliter ainsi son admission au sein des cercles décisionnaires du pouvoir aux Etats Unis.

En dépit de la tonalité positive de la grande presse américaine, des critiques subsistaient. Ainsi la revue économique Forbes a mis en doute la réalité de la Révolution en cours en Arabie saoudite, soulignant que la visite de Mohamad Ben Salmane et son contrat de partenariat avec la firme UBER ne lui seront pas d‘une grande utilité pour parvenir à ses fins.

Deux ans après son voyage américain, force est d’admettre que MBS est loin d’avoir atteint son but.

La question qui se pose est de savoir à quel titre le Fonds Général des Investissements saoudien s’immisce dans les affaires politiques, sauf à servir les desseins politiques de MBS, à l’aider à creuser son sillon aux Etats-Unis.

Le câble de Yasser Ben Ousmane Ar Ramyane, en date du 18 juin 2016, au chef du cabinet royal saoudien.

Au printemps 2016, soit quatre mois avant l’élection présidentielle qui mettait en compétition Donald Trump (Républicain) et Hillary Clinton (Démocrate), un câble du conseiller du secrétariat général du gouvernement saoudien Yasser Ben Ousmane Ar Ramyane, en date du 12/9 1437 de l‘hégire (18 juin 2918), adressé au chef du cabinet royal sous la mention «secret et très urgent» recensait les rencontres du prince saoudien durant la période du 8 au 18 juin 2016

-Sur la côte Ouest, visite à la Silicon Valley, le centre mondial de la technologie de pointe. Rencontre avec les présidents exécutifs de Microsoft, d’Apple et de Twitter, de même que de la firme Uber et Makana Capital management.

Sur le rôle de twitter dans la traque des opposants saoudiens

https://www.les-crises.fr/twitter-a-donne-a-larabie-saoudite-des-informations-ayant-finalement-conduit-a-la-mort-dun-journaliste/

Martin Indyk

-Sur la côte Est, rencontre avec le chef de la CIA, le ministre du commerce, le président de la chambre de commerce américaine ainsi que de des dirigeants de la banque Morgan Stanley et du Brookings Institution en présence du directeur de cette institution, Martin Indyk, un membre éminent du lobby juif américain.

Promoteur de la théorie du double endiguement de l’Irak et de l’Iran, Martin Indyk, ancien assistant du secrétaire d’état sous la mandature de Bill Clinton, a été chargé de relancer les négociations israélo-palestiniennes en 2013-2014, sous la mandature de Barack Obama. Membre de l’AIPAC, la principale formation du lobby juif américain, Martin Indyk est aussi membre du centre de recherches «Washington Institute For Near East Policy».

Le document de 15 pages mentionne des contacts avec des centres de recherches, des firmes spécialisées dans le domaine du conseil, des communications et des relations publiques, tant à Washington, qu’à New York qu’à San Francisco.

Ces rencontres préliminaires déblayaient en fait le terrain à la «Révolution de Palais» que le prince héritier préparait avec la constitution d’une équipe spéciale sur les questions ayant trait aux relations internationale.

MBS avait très tôt entrepris d’éliminer ses rivaux afin de dégager la voie à sa monopolisation des relations bilatérales saoudo-américaines à son profit exclusif.

A l’aide d’une équipe dévouée à sa personne, inconnue des initiés, il a entrepris de neutraliser les traditionnels centres du pouvoir saoudien.

Dès l’accession de son père au trône, en Janvier 2015, MBS s’est emparé du sceau royal, théoriquement détenu par son père, cumulant les fonctions de chef du cabinet royal, de ministre de la défense et de président du conseil des affaires politiques et sécuritaires.

Monopolisant les postes sensibles, il commença son travail de sape en vue d’abolir méthodiquement les obstacles visant à entraver son intronisation progressive, comme futur Roi, successeur de son propre père.

En Avril 2015, trois mois après l‘accession de son père au pouvoir, MBS destituait le prince héritier en titre, Mouqren Ben Abdel Aziz pour le remplacer par le prince Mohamad Ben Nayef, un petit fils du fondateur du royaume, effectuant dans l‘ordre subliminal un saut générationnel dans les règles de succession du pouvoir, régies jusque-là par la loi de primogéniture, qui consiste à confier le pouvoir à l’aîné de la génération la plus ancienne.

La 2eme phase de la purge a concerné les autres composantes de la dynastie, aussi bien les fils du Roi Fondateur que ses petits-fils., avec une attention particulière pour les héritiers du Roi Abdallah, le prédécesseur direct de son père le Roi Salmane.

MBS évince ainsi coup sur coup, Saoud Al Fayal, l’inamovible ministre des Affaires étrangères pendant 40 ans et fils du Roi Faysal, et le Prince Mouteb, fils du Roi Abdallah et chef de la garde nationale, la garde prétorienne de la dynastie, constituée exclusivement de tribus loyales au trône. Dans la foulée, il supprime douze offices gouvernementaux.

En Mars 2015, MBS déclenche la guerre du Yémen, verrouillant le domaine militaire et sécuritaire.

Un an plus tard, en Août 2016, à son retour de son voyage des Etats Unis et à 3 mois des élections américaines, MBS se proclamait chef effectif du pays avec son plan de planification des prospectives de développement économique du pays pour sa transition à l’ère post-pétrole;

Ce plan est connu sous le vocable de «Vision 2030». Sorte de «Silicon Valley» du désert, Le projet NEOM 2030 devait drainer des capitaux juifs américains en joint-venture avec les Saoudiens et Israéliens et constituer en même temps un nouveau paradis fiscal au Sinaï et en mer Rouge.

Le NEOM 2030 devrait remplacer Beyrouth et Dubaï, mais pas Tel-Aviv. Le projet prévoit sa jonction avec la place financière de Londres qui devrait le connecter avec les différents paradis fiscaux de la Couronne dont la City de Londres -qui n’est pas anglaise, mais dépend directement de la Reine Elisabeth- pour garantir l’opacité du commerce international.

René Naba

Notes

1 –La Transaction du siècle, une ritournelle de la diplomatie américaine à l’égard des Arabes

https://www.madaniya.info/2018/12/14/etats-unis-monde-arabe-la-transaction-du-siecle-une-ritournelle-de-la-diplomatie-americaine-a-l-egard-des-arabes/

2 – A propos de l’arnaque du siècle, cf à ce propos l’article de René Backman publié sur le site Mediapart le 9 avril 2019

http://www.ujfp.org/spip.php?article7119

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La démocratie génocidaire

juin 2nd, 2019 by Bruno Guigue

S’exprimant devant les diplômés de l’académie militaire de West Point, le vice-président américain Mike Pence vient de leur annoncer qu’ils iraient bientôt se battre « contre les terroristes en Afghanistan et en Irak », bien sûr, mais aussi « contre la Corée du Nord qui continue de menacer la paix », « contre la Chine qui défie notre présence dans la région » et « contre la Russie agressive qui cherche à redéfinir les frontières par la force ». Autrement dit, M. Pence parle comme si les Etats souverains cités dans son propos avaient quelque chose de commun avec les organisations criminelles que Washington affirme combattre sans répit depuis les attentats du 11 septembre 2001. Amalgame stupéfiant, menace militaire à peine voilée, arrogance d’un Etat qui se croit dépositaire à vie d’un imperium planétaire, cette déclaration cumule les travers symboliques de l’idéologie yankee appliquée au reste du monde.

Mais puisque la « nation exceptionnelle » veut en découdre avec tous ceux qui lui déplaisent, il serait beaucoup plus simple qu’elle indique contre qui elle n’envisage aucune action militaire, on gagnerait du temps. Le monde n’est-il pas à sa disposition, objet passif de ses initiatives salvatrices et de ses élans purificateurs ? Dispensatrice d’une justice immanente taillée à sa mesure, la nation au « destin manifeste » ne fixe aucune limite physique à son aura bienfaisante. L’extraterritorialité est sa seconde nature. Et pour atteindre ses objectifs, elle pratique sans vergogne une rhétorique de l’inversion accusatoire qui atteint aujourd’hui, contre l’Iran, des sommets inégalés. Etranglé par un embargo auquel Washington veut convertir la terre entière, cerné par une trentaine de bases militaires américaines, menacé par le déploiement d’une armada aéronavale à proximité de ses côtes, ce pays qui n’a jamais envahi ses voisins est accusé de « s’approcher dangereusement » des forces de l’Oncle Sam. On croit rêver.

Cette propagande surréaliste faisant partie du soft power de l’empire, il n’est pas étonnant qu’elle soit relayée par les médias dominants. Dans un autre registre, la presse occidentale multiplie les condamnations indignées et les mises en garde comminatoires envers la Chine à l’occasion du trentième anniversaire du drame de Tiananmen (1989). Pour le quotidien Le Monde, ce déchaînement de « violence inouïe » a révélé le visage totalitaire du régime post-maoïste. Mais cette presse férue des droits de l’homme devrait compléter le tableau pour édifier ses lecteurs. Les millions de victimes des guerres occidentales, en effet, ont démontré la supériorité morale de la démocratie et attesté l’universalité de son message salvateur. Enfin débarrassé de son rival soviétique, l’Occident triomphant s’en est donné à cœur joie. Il a multiplié les frappes chirurgicales à fins humanitaires, les « changements de régime » pour le triomphe du Bien, les embargos sur les médicaments pour former la jeunesse et les « plans d’ajustement structurel » destinés à mettre au travail les fainéants des contrées tropicales.

Le triomphe planétaire de la démocratie libérale, combien de morts au juste ? Quelques millions, mais c’est sans importance : la lutte contre le totalitarisme était à ce prix. Pour Madeleine Albright, icône des droits de l’homme et secrétaire d’État de l’administration Clinton, les 500 000 enfants irakiens tués à petit feu par l’embargo ne comptent pas : « le prix à payer en valait la peine » (« the price worth it »). Victimes insignifiantes, passées par pertes et profits, de mesure nulle devant l’immensité des bienfaits prodigués par la démocratie d’importation. En 2019, elle a publié un livre dans lequel elle dénonce le « fascisme » qui menace l’Europe et les Etats-Unis. Mais qu’on ne compte pas sur cette belle âme pour s’émouvoir des conséquences de la politique américaine. L’économiste Jeffrey Sachs a récemment révélé les résultats d’une étude consacrée aux effets de l’embargo américain contre le Venezuela. 40 000 morts depuis 2017, tel est le bilan. Pour la plupart, des enfants privés de traitements trop coûteux ou de médicaments désormais inaccessibles. Mais ce n’est pas du « fascisme », bien sûr. C’est le châtiment mérité des ignominies commises par les chavistes, coupables d’avoir nationalisé le pétrole et endigué la pauvreté. C’est le « prix à payer » pour restaurer les « droits de l’homme » dans un pays où le parti au pouvoir, pourtant victorieux aux élections, est accusé d’installer une affreuse dictature.

La coïncidence est frappante entre la promotion de la démocratie occidentale et le massacre de masse qui en est l’application pratique. Le scénario est toujours le même : on commence avec la déclaration des droits de l’homme et on finit avec les B 52. Or ce tropisme de la politique étrangère des Etats-Unis – et de leurs alliés – est une conséquence directe de leur libéralisme. Cet aspect de l’histoire des idées est peu connu, mais la doctrine libérale a parfaitement assimilé l’idée que pour garantir la liberté des uns, il fallait s’assurer de la soumission des autres. Père fondateur des Etats-Unis, un libéral comme Benjamin Franklin, par exemple, était opposé à l’installation de réseaux d’assainissement dans les quartiers pauvres, car elle risquait, en améliorant leurs conditions de vie, de rendre les ouvriers moins coopératifs. En somme, il faut bien affamer les pauvres si l’on veut les soumettre, et il faut bien les soumettre si l’on veut les faire travailler pour les riches. A l’échelle internationale, la puissance économique dominante applique exactement la même politique : l’embargo qui élimine les faibles contraindra les survivants, d’une manière ou d’une autre, à servir leurs nouveaux maîtres. Sinon, il reste encore les B 52 et les missiles de croisière.

Ce n’est pas un hasard si la démocratie américaine, ce modèle diffusé dans tous les foyers du village planétaire par Coca-cola, a été fondée par des planteurs esclavagistes et génocidaires. Il y avait 9 millions d’Amérindiens en aux États-Unis en 1800. Un siècle plus tard, ils étaient 300 000. Comme dirait Alexis de Tocqueville, « La démocratie en Amérique » est passée par là, avec ses couvertures empoisonnées et ses mitrailleuses Gatling. Les sauvages emplumés du nouveau Monde préfiguraient les enfants irakiens dans le rôle de cette humanité surnuméraire dont on se déleste, sans remords, si les circonstances l’exigent. D’un siècle à l’autre, les Américains ont donc transposé à l’échelle du monde leur modèle endogène. En 1946, le théoricien de la guerre froide et apôtre du containment anticommuniste George Kennan écrivait aux dirigeants de son pays que leur tâche séculaire serait de perpétuer l’énorme privilège octroyé par les hasards de l’histoire aux Etats-Unis d’Amérique : posséder 50 % de la richesse pour 6 % à peine de la population mondiale. Les autres nations seront jalouses, elles voudront une plus grosse part du gâteau, et il faudra les en empêcher. Bref, la « nation exceptionnelle » n’a pas l’intention de partager les bénéfices.

Une caractéristique majeure de l’esprit américain a favorisé cette transposition de la « démocratie américaine » à l’échelle du monde. C’est la conviction de l’élection divine, l’identification au Nouvel Israël, bref le mythe de la « destinée manifeste ». Tout ce qui vient de la nation élue de Dieu appartient derechef au camp du Bien, y compris les bombes incendiaires. Cette mythologie est le puissant ressort de la bonne conscience yankee, celle qui fait vitrifier des populations entières sans le moindre état d’âme, comme le général Curtis Le May, chef de l’aviation américaine, se vantant d’avoir grillé au napalm 20 % de la population nord-coréenne. Les USA ont réalisé une conjonction inédite entre une puissance matérielle sans précédent et une religion ethnique inspirée de l’Ancien Testament. Mais cette puissance a été surclassée en 2014 lorsque le PIB chinois, en parité de pouvoir d’achat, a dépassé celui des Etats-Unis. Et il n’est pas sûr que l’Ancien Testament suffise à perpétuer une domination qui s’effrite inexorablement.

Bruno Guigue

Cet article a été publié en français le 20 novembre 2014.

Lors du Sommet de l’APEC à Pékin, le premier ministre australien Tony Abbott, l’hôte des réunions, du G20 à Brisbane, a laissé entendre en termes clairs au cours d’une rencontre de 15 minutes avec le président russe Vladimir Poutine, que Moscou était responsable de l’attentat du vol MH17 de Malaysia Airlines en Ukraine. 

Lors de la réunion, M. Abbott aurait déclaré que « la Russie avait armé les rebelles qui ont abattu l’avion et tué 38 Australiens ». M. Abbott a déclaré que « le MH17 a été détruit par un missile lancé de l’est de l’Ukraine avec un lanceur provenant de la Russie et qui lui a été rendu par la suite, [ajoutant que cette] affaire était très sérieuse. « 

Le premier ministre Tony Abbott rencontre le président russe Vladimir Poutine à Pékin. Photo : AFP

Le Centre de recherche sur la mondialisation a offert a dès le départ une importante couverture médiatique à l’attaque du MH17. Les preuves et l’analyse de l’incident invalident les accusations du premier ministre Abbott et indiquent clairement une attaque sous fausse bannière initiée par le régime de Kiev, soutenu par les États-Unis et l’OTAN, ainsi qu’un camouflage par les enquêteurs australiens et néerlandais.

Rappelons-nous que Washington a utilisé l’attaque contre le MH17 comme prétexte pour imposer des sanctions économiques à la Fédération de Russie.

Les médias et les gouvernements occidentaux ont tout fait pour supprimer et déformer les éléments de preuve indiquant que le MH17 n’a pas été abattu par un missile Buk, mais bien par un avion militaire ukrainien.

Le compte-rendu d’un contrôleur aérien espagnol sur Twitter [traduit de l’espagnol]

Un des premiers compte-rendus (en temps réel) indiquant la présence de deux avions militaires ukrainiens a été révélé par des messages Twitter du contrôleur aérien espagnol le jour des attaques. (C’est l’auteur qui souligne.)

11:48 – 17 juillet 2014

« L’avion B777 volait escorté par des chasseurs ukrainiens deux minutes avant de disparaître du radar »

11:54 – 17 juillet 2014

« Si les autorités de Kiev veulent dire la vérité, 2 avions de chasse volaient très près quelques minutes avant, n’a pas été abattu par un combattant »

12:00 – 17 juillet 2014

« L’avion B777 de Malaysia Airlines vient juste de disparaître et les autorités militaires de Kiev nous ont informé de l’attentat, comment pouvaient-ils savoir? »

12:00 – 17 juillet 2014

« 7:00 minutes après [la disparition de l’avion], l’attentat a été annoncé, plus tard, du personnel étranger a pris le contrôle de notre tour, ils ont encore ici »

12:01 – 17 juillet 2014

« Tout cela est enregistré dans les radars, pour les incrédules, abattu par Kiev, ici nous le savons et les contrôleurs aériens de l’armée le savent aussi »

13:15 – 17 juillet 2014

« Ici, les commandants militaires sont en charge et admettent que l’armée suit peut-être d’autres ordres, mais pas les pro-russes »

13:29 – 17 juillet 2014

« Le ministre de l’Intérieur savait ce que les chasseurs faisaient dans la région, pas le ministre de la Défense »

13:31 – 17 juillet 2014

« L’armée confirme que c’était l’Ukraine, mais ne sait toujours pas d’où venait l’ordre » (Spanish Air Controller @ Kiev Borispol Airport: Ukraine Military Shot Down Boeing MH#17Global Research News, 18 juillet 2014)

Le compte Twitter du contrôleur aérien espagnol a été fermé par Twitter. Ce compte-rendu de la circulation aérienne de Kiev a été rejeté par les grands médias comme étant « une théorie du complot ». Les enregistrements audio des communications entre la tour de contrôle et l’avion n’ont pas été rendus publics.

Le rapport du pilote allemand Peter Haisenko

Dans une analyse novatrice, le pilote allemand Peter Haisenko a indiqué la présence de ce qui semblait être des trous de balle et n’auraient pas pu être causés par un missile Buk :

« La cabine de pilotage présente des traces de tirs d’artillerie. On peut voir les trous d’entrée et de sortie. Le bord d’une partie des trous est plié vers l’intérieur. Ce sont les plus petits trous, ronds et bien définis, montrant des points d’entrée, fort probablement ceux d’un projectile de calibre 30 mm. » (Revelations of German Pilot: Shocking Analysis of the “Shooting Down” of Malaysian MH17. “Aircraft Was Not Hit by a Missile”Peter Haisenko, 9 septembre 2014)

Censure du reportage de la BBC sur des témoins oculaires

Dans un reportage tourné dans l’est de l’Ukraine peu après l’incident (retiré par la suite), la BBC a présenté des témoignages selon lesquels le MH17 avait été abattu par un avion militaire.La BBC a censuré son propre reportage. Ce dernier, incluant la vidéo ont été supprimés par la BBC :

Les habitants des villages voisins sont convaincus d’avoir vu des avions militaires dans le ciel peu avant la catastrophe. Selon eux, ce sont les chasseurs qui ont abattu le Boeing.

Le gouvernement ukrainien rejette cette version des faits. Ils croient que le Boeing a été abattu à l’aide d’un missile lancé par un système « BUK » provenant de Russie.

La reporter de la BBC Olga Ivshina et la productrice Oksana Vozhdayeva ont décidé de trouver l’endroit où le missile aurait été lancé […]

Témoin n ° 2 : … Et il y avait un autre avion, un avion militaire, à ses côtés. Tout le monde l’a vu.

Témoin n ° 1 : Oui, oui. Il volait en dessous de lui, parce qu’on pouvait le voir. Il volait en dessous, de l’avion civil.

Reportage vidéo original de la BBC : conservé dans la mémoire-cache de Google

[La vidéo originale de la BCC ainsi que son reportage ont été supprimés de la mémoire-cache de Google]

Voici le reportage du service russe de la BBC, republié sur Internet.

(Voir Deleted BBC Report. “Ukrainian Fighter Jet Shot Down MHI7″, Donetsk Eyewitnesses, Global Research News, 10 septembre 2014)

Le rapport de Michael Bociurkiw, observateur de l’OSCE

Michael Bociurkiw, chef du groupe d’observateurs de l’OSCE, a confirmé à la fin juillet dans  une entrevue télé à la CBC (qui n’a pas été censurée) la présence de trous de mitrailleuses dans le fuselage (ce qui porte à croire qu’un avion militaire plutôt que d’un missile était en cause). Dans le reportage de la CBC  l’observateur de l’OSCE Michael Bociurkiw mentionne la présence de trous de balles dans le MH17, mais dit n’avoir toujours pas trouvé de missile.

https://www.cbc.ca/news/world/malaysia-airlines-mh17-michael-bociurkiw-talks-about-being-first-at-the-crash-site-1.2721007?cmp=rss&partner=skygrid

Source originale: http://www.cbc.ca/news/world/malaysia…–  L’observateur de l’OSCE Michael Bociurkiw mentionne la présence de trous de balles dans le MH17, mais dit n’avoir toujours pas trouvé de missile.

Rapport officiel du régime Kiev sur l’attentat contre le MH17 

Il convient de noter qu’une semaine après la déclaration de Michael Bociukiw, le régime de Kiev a publié son rapport officiel (7 août) sur l’attentat du MH17, rédigé par le bureau du renseignement de l’Ukraine et le Service de sécurité ukrainien (SBU). Ce rapport frôlant l’absurde a à peine été reconnu par les médias traditionnels.

Selon le rapport de la SBU intitulé Des terroristes et des militants ont planifié une attaque terroriste cynique contre un avion civil d’Aeroflot, les milices de Donetsk (avec le soutien de Moscou) visaient un avion de ligne de Russian Aeroflot et ont abattu l’avion de ligne malaisien MH17 par erreur. Voilà la version officielle du gouvernement ukrainien, laquelle n’a pas été signalée par les médias dominants, ni mentionnée « officiellement » par les gouvernements occidentaux.

Selon le régime de Kiev, la milice de Donetsk n’avait pas l’intention d’abattre le MH17 de Malaysia Airlines. Ce que les « rebelles pro-russes » visaient était un avion de passager de Russian Aeroflot.

Le MH17 a été abattu « par erreur », selon une déclaration officielle du chef des services secrets de l’Ukraine, Valentine Nalyvaichenko (Ukraine News Service, 7 août, 2014).

Selon le chef du SBU Valentine Nalyvaichenko, qui accuse tout bonnement le gouvernement russe d’avoir planifié d’abattre un avion de Russian Aeroflot:

« Les agences ukrainiennes de renseignement et d’application de la loi ont conclu au cours de l’enquête sur l’attentat terroriste contre le Boeing […] qu’à ce moment-là, ce jour-là, le 17 juillet, des mercenaires militaires et des terroristes de la Fédération de Russie prévoyaient perpétrer une attaque terroriste contre un avion de passagers d’Aeroflot en route de Moscou à Larnaca […] comme prétexte à la poursuite de l’invasion russe »

« Cette attaque terroriste cynique était prévue le jour où l’avion [Malaysia Airlines] passait par là. Elle été planifiée par des criminels de guerre comme prétexte pour que la Fédération de Russie poursuive son invasion militaire, c’est-à-dire qu’elle lui donnerait un casus belli », a-t-il ajouté.

Donc, selon Nalyvaichenko, les terroristes ont abattu l’avion de ligne de la Malaisie par erreur. » (Ukraine Interfax News, 8 août 2014)

Nalyvaichenko a dit que le gouvernement de Kiev avait tiré cette conclusion « dans le cadre de sa propre enquête sur l’attentat de MH17 ».

Selon le principal tabloïde britannique, The Mail on Sunday, citant le chef du renseignement ukrainien, le motif insidieux des rebelles pro-russes (soutenus par Moscou) était d’abattre un avion commercial russe dans le but d’accuser le gouvernement ukrainien. L’objectif de cette prétendue opération secrète « sous fausse bannière » était de créer un prétexte légitime et crédible pour que Vladimir Poutine puisse déclarer la guerre à l’Ukraine.

Michel Chossudovsky

Article original :Malaysian Airlines MH17 Downed by Ukrainian Military Aircraft. Kiev Regime False Flag, publié le 15 novembre 2014

Support MH17 Truth: Machine Gun-Like Holes Indicate Shelling from a Military Aircraft. No Evidence of a Surface-to-Air Missile Attack.

 

Traduction: Julie Lévesque pour Mondialisation.ca

 

Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur émérite de sciences économiques à l’Université d’Ottawa. Il est l’auteur de « Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre », « La Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial » (best-seller international publié en plus de 10 langues). Contact : [email protected]


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« Oh, je suis contre l’intervention militaire! », Lance un récit « pacifiste » entendu dans le nord, qui sert de prétexte à une déclaration sur le Venezuela. Ce prélude console l’âme, libère la conscience libérale et s’efforce de conserver les références souhaitées – mais de plus en plus évasives – «progressives» académiques, journalistiques et politiques. Cependant, le «pacifisme» dont il est question ici n’a rien à voir avec le récent geste de la Norvège en faveur d’une solution pacifique.

 

Aller sans tarder vers une transition pour sauver le pays

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Samedi minuit, le Conseil constitutionnel aurait enregistré des candidats à la présidentielle du 4 juillet. Nous attendons le verdict Ce que le Hirak avait dès le départ rejeté, a été obtenu non par une quelconque avancée, mais par le fait que les 70 candidats qui n’ont aucune visibilité ont compris qu’ils allaient être la risée du peuple. Ils ont évité cela! Et maintenant où en sommes-nous? 

 

Pourquoi le Sénat français invite un terroriste néo-nazi…et l’assure de son soutien?

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Ce mercredi 29 mai 2019, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat de la République française, recevait une délégation de vénézuéliens, avec à leur tête Lorent Saleh. En costume-cravate, le jeune vénézuélien se livrait à un exercice de diplomatie parallèle afin de rallier certains secteurs politiques décisionnaires de notre pays dans sa croisade anti-démocratique au Venezuela.

 

Algérie : les caricaturistes et le hirak

Par Ahmed Bensaada, 30 mai 2019

Dans un article dithyrambique publié le 2 mai dernier dans les colonnes de l’Humanité, la journaliste Rosa Moussaoui a encensé certains caricaturistes algériens, les plus en vue dans l’effervescence « révolutionnaire » du moment.  « Crayon au poing, ils brisent tous les tabous, franchissent toutes les lignes rouges », nous dit-elle. Et elle ne pouvait si bien dire. Ils en ont franchi des lignes rouges, mais pas uniquement celles auxquelles elle fait référence dans son panégyrique.

 

Vol MH17- Le gouvernement malaisien : «Ils accusent la Russie, mais où sont les preuves?»

Par Celia Schmidt, 01 juin 2019

Le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a exprimé ses doutes sur les résultats de l’enquête sur le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines. « Ils accusent la Russie, mais où sont les preuves ? Nous savons que le missile qui a abattu l’avion est un missile de type russe, mais il pourrait également être fabriqué en Ukraine », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

 

La démocratie génocidaire

Par Bruno Guigue, 02 juin 2019

S’exprimant devant les diplômés de l’académie militaire de West Point, le vice-président américain Mike Pence vient de leur annoncer qu’ils iraient bientôt se battre « contre les terroristes en Afghanistan et en Irak », bien sûr, mais aussi « contre la Corée du Nord qui continue de menacer la paix », « contre la Chine qui défie notre présence dans la région » et « contre la Russie agressive qui cherche à redéfinir les frontières par la force ».

 

L’idylle insolite de Donald Trump, artisan du «Muslim Ban» avec la dynastie wahhabite (1/2)

Par René Naba, 02 juin 2019

Pur hasard ou fâcheuse coïncidence qui masque une intention provocatrice ? Traditionnelle ritournelle de la diplomatie américaine à l’égard des Arabes, la transaction du siècle, le règlement au rabais de la question palestinienne, devrait être révélée après la fin du mois de Ramadan 2019, soit vers le 5 juin, une date coïncidant avec la date de la défaite arabe lors de la 3ème guerre israélo-arabe de juin 1967.

 

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Le gouvernement allemand s’apprête à apporter un soutien militaire à une «zone de sécurité» prévue par les États-Unis dans le nord de la Syrie. La zone est destinée à protéger les milices kurdes, qui ont combattu l’État islamique (IS) du côté des États-Unis, contre les troupes syriennes et turques.

Des plans appropriés doivent être discutés à Berlin vendredi, lorsque le secrétaire d’État américain Mike Pompeo effectuera sa première visite officielle en Allemagne, visite qui a été reportée à plusieurs reprises.

Spiegel Online a rapporté jeudi que le gouvernement allemand «a signalé aux États-Unis, au cours de mois de pourparlers secrets, qu’il serait prêt à participer militairement à la sécurisation de la zone de sécurité.» Ces derniers mois, les Américains avaient «demandé à plusieurs reprises l’engagement de l’Allemagne dans les coulisses, pour la première fois en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité à la mi-février.»

Depuis lors, le gouvernement allemand a cherché «un dialogue constructif avec Washington». «Afin de ne pas repousser une fois de plus les États-Unis, le bureau du Chancelier, le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense sont largement d’accord sur le fait qu’il ne faut pas aliéner les États-Unis sur la question syrienne.»

Selon Spiegel Online, des négociations secrètes ont eu lieu presque continuellement depuis la Conférence de Munich sur la sécurité. Par exemple, à la mi-mars, les responsables politiques du ministère allemand de la défense et du Pentagone, Geza Andreas von Geyr et John C. Rood, ont réuni à Berlin, «en toute confidentialité, toutes les autres nations qui avaient auparavant participé à la coalition anti-EI». En avril, la ministre allemande de la défense, Ursula von der Leyen, et le ministre des affaires étrangères, Heiko Maas, se sont rendus à Washington «pour discuter de la question au plus haut niveau.»

Selon Spiegel Online, la participation de l’armée allemande à la création de la zone de sécurité reste ouverte. L’envoi de troupes terrestres a été exclu pour des raisons politiques, mais la possibilité d’un soutien aérien à une force de sécurité a été évoquée. À cette fin, Berlin a proposé à Washington de prolonger la mission actuelle de l’armée allemande en Jordanie.

Depuis juin 2017, l’armée allemande maintient sa propre base sur une base aérienne jordanienne sous le nom de «Camp Sonic». Des jets Tornado spécialement équipés effectuent des reconnaissances aériennes pour la coalition anti-EI dirigée par les États-Unis à partir de la base. L’armée de l’air allemande fait également le ravitaillement air-air des avions de la coalition au-dessus de la Syrie.. Le mandat de cette mission expire le 31 octobre et, conformément à une décision du parlement allemand, ne doit pas être prorogé.
Les responsables militaires, cependant, supposent que «les images à haute résolution des [avions] Tornado et du ravitaillement en vol» seraient également précieuses pour une future coalition, rapporte Spiegel Online. «Politiquement, la mission serait aussi un symbole du fait que l’Allemagne ne refuse pas de participer à des missions internationales plus difficiles.»

Le soutien militaire d’une «zone de sécurité» dans le nord de la Syrie signifierait une escalade massive de la participation de l’Allemagne à la guerre syrienne, qui visait dès le début à renverser le régime de Bachar al-Assad et à le remplacer par un régime fantoche occidental.

Le ministère allemand des affaires étrangères a participé activement à la construction de l’opposition syrienne pro-impérialiste, qui s’appuyait principalement sur les milices islamistes affiliées à Al-Qaeda. À cette fin, ce soutien a été soutenu non seulement par le SPD et les Verts, mais aussi par le Parti de gauche.

Après l’échec de cette opération, qui a coûté la vie à 400.000 civils et réduit en ruines une grande partie du pays, le gouvernement allemand s’est lancé dans une aventure militaire qui implique non seulement la confrontation avec le régime de Damas, mais aussi avec son partenaire de l’OTAN et aussi la Turquie, l’Iran et la Russie, puissance nucléaire.

Damas rejette une telle «zone de sécurité» car elle limiterait massivement la souveraineté du pays. Ankara s’y oppose parce qu’elle veut empêcher à tout prix l’émergence d’un État kurde à sa frontière, qui soit sous le contrôle d’une organisation affiliée au PKK. Téhéran, qui est économiquement affamée par les États-Unis et menacée d’une guerre dévastatrice, est étroitement alliée à Damas et à Ankara. Et Moscou, qui soutient militairement le régime d’Assad et entretient des liens étroits avec Téhéran et Ankara, considère à juste titre que l’offensive occidentale au Moyen-Orient s’inscrit dans une stratégie de confinement contre la Russie.

Si le gouvernement allemand accède à la demande de soutien militaire de Pompeo pour la création d’une «zone de sécurité», le mécanisme officiel de propagande commencera immédiatement à proclamer qu’une telle mission est une «action humanitaire» visant à protéger des vies, ou bien une «lutte contre un régime dictatorial» ou autre chose du genre. C’était déjà le cas lors des guerres en Afghanistan, en Irak et en Libye. Cette dernière a également commencé par la création d’une «zone de sécurité», qui a ensuite servi de prétexte pour bombarder le pays et renverser le régime de Kadhafi.

Aucun crédit ne devrait être accordé à de tels mensonges. Washington et ses alliés européens, y compris Berlin, poursuivent des intérêts impérialistes effrontés dans leurs guerres au Moyen-Orient, c’est-à-dire le contrôle du pétrole, du gaz et des marchés, la répression et l’affaiblissement de leurs rivaux, et le renforcement de leur propre position de puissance mondiale.

Il y a cinq ans, le gouvernement allemand a annoncé, comme l’a dit Frank-Walter Steinmeier, alors ministre des affaires étrangères, qu’il n’était plus prêt à «commenter la politique mondiale depuis le banc de touche», mais qu’il entend «s’engager plus tôt, de manière plus décisive et plus substantielle, dans la politique étrangère et de sécurité.» Depuis lors, Berlin a procédé à une modernisation massive de ses forces militaires. Dans la poudrière du Moyen-Orient d’aujourd’hui, l’élite allemande voit une autre occasion bienvenue de traduire ses objectifs en actions, même au risque d’une troisième guerre mondiale.

Peter Schwarz

 

Article paru en anglais, WSWS, le 31 mai 2019

Les deux principaux architectes de l’intensification de la guerre de l’impérialisme américain contre l’Iran sont en train d’effectuer une série de visites à l’étranger visant à pousser l’Europe à se ranger derrière la campagne d’agression de Washington et à renforcer l’axe anti-iranien soutenu par les États-Unis, composé des émirats pétroliers sunnites du Golfe Persique, menés par l’Arabie saoudite.

John Bolton, le conseiller américain pour la sécurité nationale, s’est rendu mercredi à Abu Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, pour lancer des allégations non fondées contre l’Iran et menacer d’une «réponse très ferme» par les États-Unis et leur machine de guerre.

C’est Bolton qui a annoncé le renforcement militaire contre l’Iran plus tôt ce mois-ci, avec l’envoi du groupe de frappe naval dirigé par le porte-avions USS Eisenhower et d’une escadre de bombardiers comprenant des B-52 à capacité nucléaire.

Depuis ce premier renforcement annoncé début mai, Washington a déployé un groupement tactique amphibie transportant des avions de guerre et des marines américains, une batterie de missiles Patriot et, à la fin de la semaine dernière, le déploiement de 1500 soldats supplémentaires pour renforcer les quelque 50.000 soldats déjà déployés dans une série de bases qui encerclent l’Iran. Le ministre américain de la défense, Patrick Shanahan, a déclaré que le dernier déploiement consiste en l’envoi de 900 soldats supplémentaires en Arabie saoudite et au Qatar, ainsi que de 600 hommes affectés à une batterie de missiles Patriot qui devait quitter la région en rotation mais qui sera maintenue en place.

Le Pentagone, quant à lui, a élaboré des plans pour le déploiement de 120.000 soldats dans la région, un nombre similaire à celui déployé avant l’invasion de l’Irak en 2003.

M. Bolton, qui, avant sa nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale, avait fréquemment appelé à un changement de régime à Téhéran et rédigé une chronique pour le New York Times intitulé «To Stop Iran’s Bomb, Bomb Iran» (Pour arrêter la bombe iranienne, bombardons l’Iran) a déclaré aux journalistes d’Abu Dhabi que la politique américaine sous le gouvernement Trump ne constituait pas un changement radical.

Le conseiller américain pour la sécurité nationale a blâmé l’Iran pour une attaque de sabotage présumée contre quatre navires au large des Émirats arabes unis, dont deux pétroliers appartenant à des Saoudiens, ainsi que pour une attaque par drone contre des stations de pompage de l’oléoduc est-ouest d’Aramco de la compagnie saoudienne Aramco, attaque revendiquée par les rebelles houthis en représailles à la guerre qui équivaut quasiment à une génocide, menée par Riyadh contre le Yémen. Il a également affirmé qu’il y avait eu une autre tentative d’attaque – qui n’avait pas précédemment été rapportée ni par les États-Unis ni par l’Arabie saoudite – sur le port pétrolier saoudien de Yanbu.

N’apportant aucune preuve, Bolton déclara que le prétendu sabotage des pétroliers saoudiens et des deux autres navires était le résultat de «mines navales presque certainement de l’Iran».

Le même Bolton en 2002 et 2003 insistait avec beaucoup plus que la «presque certitude» que le gouvernement de Saddam Hussein stockait des  » armes de destruction massive  » quand, en tant que sous-secrétaire d’État à la maîtrise des armements et aux affaires de sécurité internationale dans l’administration Bush, il était un des principaux défenseurs d’une guerre d’agression contre l’Irak.

Le ministère iranien des affaires étrangères a dénoncé Bolton comme un «belliciste» et a rejeté ses remarques comme une «accusation ridicule».

L’objectif transparent de Washington est de présenter l’Iran comme l’agresseur. C’est dans des conditions où l’impérialisme américain mène ce qu’il décrit comme une campagne de «pression maximale» contre ce pays de 83 millions d’habitants, une montée en puissance militaire incessante, tout en imposant de larges sanctions équivalant à un état de guerre, dans le but principal de réduire à zéro les exportations de pétrole de l’Iran et de créer des bouleversements sociaux en ruinant l’économie du pays.

Il y a un an, les États-Unis ont réimposé et intensifié les sanctions après avoir unilatéralement abrogé le Plan d’action global conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action – JCPOA), connu sous le nom d’Accord nucléaire iranien, conclu en 2015 entre l’Iran, les États-Unis, les puissances européennes, la Russie et la Chine. En vertu de cet accord, Téhéran a fortement limité son programme nucléaire tout en se soumettant à un régime d’inspections intrusives en échange de la levée des sanctions et de la normalisation des relations économiques.

Récemment, Téhéran a annoncé une suspension de 60 jours de son engagement à plafonner sa production d’uranium enrichi et d’eau lourde afin de faire pression sur les puissances européennes pour qu’elles tiennent leur promesse de lancer un Instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX) pour contourner les sanctions américaines en facilitant les échanges avec l’Iran sans utiliser le dollar.

Si le quadruplement signalé de son taux de production d’uranium à 3,67 % laisserait Téhéran en conformité avec la JCPOA, l’augmentation l’amènerait bientôt à dépasser le plafond de 300 kilogrammes d’uranium faiblement enrichi stocké. En vertu du JCPOA, Téhéran est censée vendre tout uranium enrichi, ce qu’elle a fait à la Russie, mais elle ne peut plus le faire en raison des sanctions américaines.

Avec un cynisme absolu, M. Bolton a déclaré au sujet de l’action de l’Iran: «Il n’y a aucune raison pour eux de faire quoi que ce soit à moins que cela ne fasse partie d’un effort visant à réduire le temps nécessaire à la production des armes nucléaires». Il a ajouté: «C’est un problème très grave s’ils continuent à le faire.»

Il a prétendu que les actions de Téhéran avaient justifié la rupture de l’accord par Washington: «Il s’agit là d’une preuve encore plus flagrante que cela n’a pas entravé leur désir continu d’avoir des armes nucléaires. Cela n’a certainement pas réduit leurs activités terroristes dans la région dont nous venons de parler, ni leur comportement malveillant dans leur utilisation des forces conventionnelles.»

Téhéran a toujours nié avoir jamais cherché à mettre au point des armes nucléaires.

Le voyage de M. Bolton au Moyen-Orient a eu lieu à la veille d’un trio de conférences qui ont été convoquées jeudi en Arabie saoudite – l’Organisation des pays islamiques, la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe – dans le but flagrant d’exploiter la ville sainte islamique pour aligner les États membres derrière les intérêts prédateurs de la Famille Saoud qui sont poursuivis en alliance avec Washington contre l’Iran.

Pendant ce temps, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo effectue une tournée en Europe dans le but d’intimider ses gouvernements pour qu’ils se subordonnent à l’effort de guerre de Washington contre l’Iran. Cela comprend des arrêts en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, ainsi qu’une visite à Montreux, en Suisse, pour la réunion annuelle du groupe opaque Bilderberg, afin de partager les plans de guerre de Washington avec un groupe de milliardaires et de hauts fonctionnaires qui ont juré de garder le secret sur ce qu’il révèle.

Avant l’arrivée de Pompéo, Washington a lancé une menace crue contre toute tentative de l’Europe de contourner les sanctions américaines écrasantes contre l’Iran.

L’agence de presse Bloomberg a rapporté dans une lettre envoyée le 7 mai par Sigal Mandelker, sous-secrétaire du département du Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier, que toute personne associée à Instex, le véhicule européen créé pour maintenir le commerce avec Téhéran en évitant le dollar américain et les institutions financières, pourrait être soumise à de sévères sanctions et interdit du système financier américain.

«Je vous demande instamment d’examiner attentivement les sanctions potentielles encourues par Instex», a écrit M. Mandelker dans la lettre adressée au président d’Instex, Per Fischer. «S’engager dans des activités qui vont à l’encontre des sanctions américaines peut avoir de graves conséquences, y compris une perte d’accès au système financier américain.»

Pendant ce temps, le régime de sanctions américain contre l’Iran s’est concentré sur un seul superpétrolier chinois, le «Pacific Bravo», qui a pris un chargement de pétrole brut sur l’île iranienne de Kharg et est reparti vers la Chine.

Washington a averti Hong Kong que s’il autorisait le navire à accoster ou à assurer son entretien, il pourrait faire l’objet de sanctions sévères pour violation du blocus américain contre l’Iran.

Le ministère chinois des affaires étrangères a publié une déclaration rejetant ces menaces. «Les transactions énergétiques normales entre l’Iran et la communauté internationale, y compris la Chine, qui s’inscrivent dans le cadre du droit international, sont raisonnables, légales et doivent être respectées et protégées», a-t-il déclaré.

De même, le Bureau du commerce et du développement économique de Hong Kong a répondu qu’il «appliquait strictement les sanctions décidées par les Nations Unies», qui n’imposent «aucune restriction sur l’exportation de pétrole en provenance d’Iran».

Cette impasse expose les véritables racines de la guerre contre l’Iran. Elles ne résident pas seulement dans le bellicisme maniaque de Bolton ou de Pompéo, mais dans la volonté de l’impérialisme américain de compenser le déclin de son hégémonie économique en s’emparant des pompes à pétrole du Moyen-Orient, du Venezuela et de la planète entière afin de dicter les conditions à son rival émergent, la Chine.

Étant lié aux rivalités de «grandes puissances» qui sont au centre de l’escalade du militarisme américain, un affrontement militaire avec l’Iran pourrait déclencher une troisième guerre mondiale menée avec des armes nucléaires…

Bill Van Auken

 

Article paru en anglais, WSWS, le 31 mai 2019

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Le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a exprimé ses doutes sur les résultats de l’enquête sur le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines. « Ils accusent la Russie, mais où sont les preuves ? Nous savons que le missile qui a abattu l’avion est un missile de type russe, mais il pourrait également être fabriqué en Ukraine », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Selon lui, « ce pourrait être commis par les rebelles en Ukraine » ou le « gouvernement ukrainien car eux aussi, ils possèdent le même missile ».

Monsieur Mohamad a souligné que la Malaisie devait participer à l’examen des boîtes noires, mais pour « certaines raisons » avait été exclue du processus.

« Nous ne savons pas pourquoi nous avons été exclus de l’examen, mais dès le début, nous constatons trop de politique et l’idée n’était pas de savoir comment cela s’est passé, mais d’être concentré sur le fait d’essayer de l’attribuer aux Russes. Ce n’est pas un type d’examen neutre », a-t-il déclaré.

Ce n’est pas pour la première fois que la Malaisie dénonce les méthodes groupe d’enquête conjoint (JIT), chargé d’étudier les circonstances du crash du Boeing MH17 à l’Est de l’Ukraine le 17 juillet 2014. Il y a une année, le ministre malaisien des Transports, Anthony Loke avait déclaré que les preuves recueillies par les enquêteurs internationaux ne confirmaient pas l’implication de la Russie dans le crash du vol MH17. Ces propos concordent avec les opinions de plusieurs experts internationaux qui estiment que le travail du JIT, chargé d’étudier les circonstances du crash du Boeing MH17, est très politisé.

Célia Schmidt

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Il y a 13 ans un accord entre le Gouvernement de Hugo Chavez et le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre a permis la présence permanente au Venezuela de formatrices et formateurs brésiliens. Au service de la souveraineté alimentaire mais aussi comme porteurs d’une expérience latino-américaine des plus importantes en matière de formation intégrale pour les mouvements sociaux. Ce travail ne s’est jamais arrêté malgré de nombreux obstacles bureaucratiques.

 

La compagne Yirley Rodriguez (photo), formatrice et militante féministe explique: “L’école de formation internationaliste “A Namuna signifie “la semaille”. C’est le mot Warao pour dire “semaille”. Nous avons choisi un nom indigène en tant qu’école décoloniale. L’école est le produit d’expériences de formation que nos mouvements sociaux mènent depuis de nombreuses années, appuyés par le Mouvement des Sans Terre du Brésil et sa Brigade Internationaliste Apolonio de Carvalho qui s’est établie au Venezuela il y a 13 ans, ainsi des organisations comme “Femmes pour la vie”, “Front Culturel de Gauche”, Editions “La tranchée”, etc…

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Yirley Rodriguez lance le cours

Plusieurs organisations ont envoyé des compagnes et compagnons étudier dans l’école “Florestan Fernandes” au Brésil, l’école des Sans Terre, et y ont appris une méthode de formation intégrale, basée sur l’éducation populaire. Nos cours couvrent des aspects tels que l’organisation révolutionnaire, le féminisme populaire, la formation de formateurs(trices). L’école “A Namuna” part du contexte populaire, pour ne pas séparer l’étudiant de la réalité populaire dans laquelle il ou elle est immergé(e), pour qu’il ou elle la vive, collectivement, pour mettre à jour les contradictions, les problématiser et pour que les étudiant(e)s cherchent à les dépasser à travers l’organisation sociale. Notamment en construisant des relations de production socialistes et féministes. C’est pourquoi nous avons organisé cet atelier dans le cadre d’une prise de terres de commune El Maizal.”

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Une des méthodes apportées par le Mouvement des Sans Terre est la « Ciranda ». Une équipe formée par les étudiant(e)s s’occupe des enfants pour que les femmes qui sont mères puissent participer pleinement au cours. A ce moment prendre soin des enfants des travailleuses devient les enfants devient une responsabilité de tout le collectif du cours.

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C’est sur l’espace d’une prise de terre par la Commune El Maizal que le cours est organisé, pour mieux marier étude théorique et apprentissage pratique, pour maintenir le concept d’une pédagogie liant l’étude à l’immersion dans la réalité populaire. Chaque sous-groupe étudiant apprend avec les habitants un aspect différent du travail, traire les vaches, réparer des outils, cuisiner, cultiver les parcelles… C’est une autre caractéristique de la pédagogie politique des Sans Terre.

Réalisation: Yarumi Gonzalez.

Montage: Miguel Escalona.

Production: Terra TV.

République Bolivarienne du Venezuela 2019.

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Appréciez l’affichage imagé d’un pouvoir bienveillant : Beijing a accueilli cette semaine la Conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques.

Organisée sous la supervision directe du président Xi Jinping, elle s’est déroulée dans le cadre d’un « carnaval de la culture asiatique ». Certes, il y avait des allusions douteuses, kitsch et sirupeuses, mais ce qui importait, c’était ce que Xi lui-même avait à dire à la Chine et à toute l’Asie.

Dans son discours liminaire, le dirigeant chinois a essentiellement insisté sur le fait qu’une civilisation forçant une autre est « stupide » et « désastreux ». Dans le concept de dialogue des civilisations de Xi, il a fait référence à l’Initiative des Nouvelles routes de la soie ou Belt and Road (BRI ), en tant que programme « qui a élargi les canaux pour les échanges et la communication ».

Une gravure de 1882 de la bataille de Milvian Bridge entre les empereurs romains Constantin Ier et Maxence. Image: iStock

Le calme et la rationalité de Xi constituent un message saisissant et contrasté face à  la campagne « Make America Great Again » du président des États-Unis, Donald Trump.

L’Ouest contre l’Est et le Sud

Comparez – et notez le contraste – les commentaires de Xi et ce qui s’est passé lors d’un forum sur la sécurité à Washington un peu plus de deux semaines auparavant, lorsqu’un bureaucrate du nom de Kiron Skinner, directeur de la planification des politiques au département d’État, a qualifié la rivalité américano-chinoise de « choc des civilisations » et de « lutte avec une civilisation et une idéologie vraiment différentes de celles des États-Unis. »

Et ça a empiré. Cette civilisation était « non caucasienne » – une résurrection, au XXIesiècle, du peu subtil « péril jaune » – rappelons-nous : le Japon « non caucasien » de la Seconde guerre mondiale était le « péril jaune » original.

L’adage Diviser pour régner, pimenté de racisme, explique le mélange toxique qui imprègne le discours hégémonique américain depuis des décennies. Le mélange se réfère au livre de Samuel HuntingtonThe Clash of Civilizations and the Remaking of World Order [Le choc des civilisations et le remaniement de l’ordre mondial], publié en 1996.

La pseudo-théorie de Huntington, venant de quelqu’un qui ne connaissait pas grand-chose de la complexité multipolaire de l’Asie, sans parler des cultures africaine et sud-américaine, a été impitoyablement discréditée à travers de vastes étendues du Sud global. En fait, Huntington n’a même pas inventé le concept original et imparfait. C’est le travail de l’historien et commentateur anglo-américain Bernard Lewis, qui passe aux États-Unis pour un gourou du Moyen-Orient

Diviser, gouverner, conquérir

Comme Alastair Crooke, fondateur du Conflicts Forum, l’a souligné, Lewis a toujours prêché la division pour régner – avec une touche marquée de racisme –   dans les États islamiques. Il était fervent partisan du changement de régime en Iran et sa recette pour traiter avec les Arabes était de « les frapper entre les deux yeux avec un gros bâton » parce que, selon lui, la seule chose qu’ils respectent est le pouvoir.

Crooke nous rappelle que depuis les années 1960, Lewis maîtrise parfaitement les vulnérabilités des « différences religieuses, de classe et ethniques comme moyen de mettre fin aux États du Moyen-Orient ». Lewis est un héros dans un certain milieu – celui qui inclut l’ancien vice-président américain Dick Cheney et le secrétaire d’État américain Mike Pompeo.

Nous vivons à l’ère d’un « Lewis revisité ». Dans la mesure où le monde islamique [sunnite] est en grande partie maîtrisé, en proie à la torpeur ou au chaos, le choc des civilisations concerne essentiellement, à une échelle réduite, la maîtrise et/ou la destruction de l’Iran chiite.

Pendant ce temps, le véritable affrontement – comme le souligne le département d’État – a lieu avec la Chine.

Huntington, le sous-Lewis, n’incluait pas la Russie dans « l’Occident ». Le département d’État US, révisionniste, le fait. Sinon, comment justifier le qualificatif « Nixon à l’envers » ?

« Nixon à l’envers », rappelons-le, est la recommandation de Kissinger au président Donald Trump : essayez de diviser la Russie et la Chine, mais cette fois, en séduisant la Russie.

Un révisionniste du Pentagone a également mis au point le concept « Indo-Pacifique ». La seule justification de l’amalgame est que ces deux zones doivent mener une politique étrangère soumise à l’hégémonie américaine.

La logique est toujours diviser pour régner en affrontant les civilisations – les divisions provoquant le chaos dans toute l’Eurasie.

Mais cette stratégie est appliquée dans le contexte d’un tournant historique crucial : le moment où la Nouvelle route de la soie BRI s’installe comme feuille de route pour l’intégration eurasienne progressive.

Quo vadis, humanité ?

Il n’est pas difficile de détecter le sourire subtil sur le visage des stratèges chinois lorsqu’ils contemplent « le vaste panorama » du point de vue de leurs 5 000 ans de civilisation. L’Occident chrétien, en tant que paradigme unique pour délivrer l’humanité du mal – en fait, l’instauration de la Pax Americana – est considéré au mieux comme une fiction amusante.

Cette fiction a maintenant l’air carrément dangereuse, se vautrant dans l’exceptionnalisme et la diabolisation de « L’Autre » sous une multitude de formes. L’Autre – de la République islamique d’Iran à la Chine athée, en passant par la Russie « autocratique » – est automatiquement qualifié d’incarnation du « mal ».

La Chine, au contraire, est polythéiste, pluraliste et multipolaire. Elle loge le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme. Cela se reflète dans la tendance actuelle vers un système mondial multipolaire. Ce qui compte, c’est l’unité dans la multiplicité – comme Xi l’a souligné dans son discours liminaire. On y trouve la Chine et la Perse, deux civilisations anciennes – liées par l’ancienne Route de la soie – et qui se ressemblent, non pas par accident.

Ensuite, il y a l’état épouvantable de la planète, qui éclipse le spectacle actuel, aussi épouvantable, de la folie politique. Le géographe de l’UCLA [Université de Californie à Los Angeles] et auteur de best seller mondiaux, Jared Diamond, n’est pas très précis, mais il estime qu’il y a 50% de chances pour « que le monde tel que nous le connaissons s’effondre d’ici à 2050 ».


Ce que nous vivons maintenant n’est pas un choc de civilisations ; c’est une crise de civilisation.

Si le paradigme selon lequel la plus grande partie de l’humanité survit à peine n’est pas changé – et il y a peu de signes qu’il change – il ne restera plus aucune civilisation à affronter.

Pepe Escobar

 

Article original en anglais :

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Tienanmen 20 ans après

mai 31st, 2019 by Domenico Losurdo

Mercredi 29 mai 2019 au Journal de 20h de France2, Maryse Burgot a présenté un sujet s’intéressant à ce qu’est devenu le « jeune manifestant héroïque” qui « a défié une colonne de chars » sur la Place Tien An Men il y a 30 ans.

« Massacre de milliers d’étudiants pacifiques” contre la dictature communiste etc.

Des milliers ?

Même Amnesty International, vingt ans après parlait de « La répression militaire de la place Tiananmen en 1989 a entraîné la mort de centaines de personnes et la détention d’autres alors qu’elles manifestaient pacifiquement pour des réformes démocratiques et pour plus de respect des droits humains les plus fondamentaux”.

(https://www.amnesty.be/par-pays/chine/article/tienanmen-20-ans-apres-il-est )

L’historien de la philosophie Domenico Losurdo était lui aussi revenu sur les événements de Tien An Men dans un article de juin 2009, à partir surtout de médias étasuniens :

« Tien An Men, vingt ans après

Pour ceux qui s’intéressent à la sinophobie ambiante dans nos médias voici le lien pour le sujet traité par Maryse Burgot :

https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/photographie-l-homme-qui-a-fait-face-aux-tanks-chinois_3466429.html

Marie-Ange Patrizio

 

A la mémoire de Domenico Losurdo, Mondialisation publie de nouveau l’article sur le vingtième anniversaire du «massacre» de la Place Tienanmen mis en ligne le 3 juin 2009. Tiananmen, il y a maintenant 30 ans…


Ces jours ci la grande presse d’ « information » s’emploie à rappeler le vingtième anniversaire du « massacre » de la place Tienanmen. Les évocations « émues » des événements, les interviews des « dissidents » et les éditoriaux « indignés », les multiples articles qui se succèdent et se préparent visent à couvrir la République Populaire Chinoise d’infamie perpétuelle, et à rendre un hommage solennel  à la civilisation supérieure de l’Occident libéral. Mais qu’est-il réellement advenu il y a vingt ans ?

En 2001 furent publiés et traduits, ensuite, dans les principales langues du monde ce qu’on a appelé les Tienanmen Papers qui, si l’on en croit les déclarations de ceux qui les ont présentés, reproduisent des rapports secrets et des procès-verbaux réservés, du processus décisionnel qui a débouché sur la répression du mouvement de contestation. Livre qui, toujours selon les intentions de ses promoteurs et éditeurs, devrait montrer l’extrême brutalité d’une direction (communiste) qui n’hésite pas à réprimer une protestation « pacifique » dans un bain de sang. Si ce n’est qu’une lecture attentive du livre en question finit par faire émerger un tableau bien différent de la tragédie  qui se joua à Pékin entre mai et juin 1989.

Lisons quelques pages ça et là :

« Plus de cinq cents camions de l’armée ont été incendiés au même moment à des dizaines de carrefours […] Sur le boulevard Chang’an un camion de l’armée s’est arrêté à cause d’un problème de moteur et deux cents révoltés ont assailli le conducteur en le tabassant à mort […] Au carrefour Cuiwei, un camion qui transportait six soldats a ralenti pour éviter de heurter la foule. Un groupe de manifestants a alors commencé à lancer des pierres, des cocktails Molotov et des torches contre celui-ci, qui à un moment a commencé à s’incliner du côté gauche car un de ses pneus avait été crevé par des clous que les révoltés avaient répandus. Les manifestants ont alors mis le feu à des objets qu’ils ont lancé contre le véhicule, dont le réservoir a explosé. Les six soldats sont tous morts dans les flammes  ».

Non seulement l’on a eu recours à la violence mais parfois ce sont des armes surprenantes qui sont utilisées :

  « Une fumée vert-jaune s’est élevée de façon subite à une extrémité d’un pont. Elle provenait d’un blindé endommagé qui était ensuite lui-même devenu un élément du blocus routier […] Les blindés et les chars d’assaut qui étaient venus déblayer la route n’ont rien pu faire d’autre que de se retrouver en file à la tête du pont. Tout d’un coup un jeune est arrivé en courant, a jeté quelque chose sur un blindé et a pris la fuite. Quelques secondes après on a vu sortir la même fumée vert-jaune du véhicule, tandis que les soldats se traînaient dehors, se couchaient par terre sur la route, et se tenaient la gorge en agonisant. Quelqu’un a dit qu’ils avaient inhalé du gaz toxique. Mais les officiers et les soldats, malgré leur rage sont arrivés à garder le contrôle d’eux-mêmes» .

Ces actes de guerre, avec recours répété à des armes interdites par les conventions internationales, croisent des initiatives qui laissent encore plus penseurs : comme la « contrefaçon de la couverture du « Quotidien du peuple » .

Du côté opposé, voyons les directives imparties par les dirigeants du parti communiste et du gouvernement chinois aux forces militaires chargées de la répression :

    « S’il devait arriver que les troupes subissent des coups et blessures jusqu’à la mort, de la part des masses obscurantistes, ou si elles devaient subir l’attaque d’éléments hors-la-loi avec des barres de fer, des pierres ou des cocktails Molotov, elles doivent garder leur contrôle et se défendre sans utiliser les armes. Les matraques seront leurs armes d’autodéfense et les troupes ne doivent pas ouvrir le feu contre les masses. Les transgressions seront immédiatement punies».

S’il faut en croire le tableau tracé dans un livre publié et promu par l’Occident, ceux qui donnent des preuves de prudence et de modération ne sont pas les manifestants mais plutôt l’Armée Populaire de Libération !

Le caractère armé de la révolte devient plus évident les jours suivants. Un dirigeant de premier plan du parti communiste va attirer l’attention sur un fait extrêmement alarmant : « Les insurgés  ont capturé des blindés et y ont monté des mitrailleuses, dans le seul but de les exhiber ». Se limiteront-ils à une exhibition menaçante ? Et pourtant, les directives imparties par l’armée ne subissent pas de changement substantiel : « Le Commandement de la loi martiale tient à ce qu’il soit clair pour toutes les unités qu’il est nécessaire de n’ouvrir le feu qu’en dernière instance » .

Même l’épisode du jeune manifestant qui bloque un char d’assaut avec son corps, célébré en Occident comme un symbole de l’héroïsme non-violent en lutte contre une violence aveugle et sans discrimination, est perçu par les dirigeants chinois, toujours à en croire le livre maintes fois cité, dans une grille de lecture bien diverse et opposée :

« Nous avons tous vu les images du jeune homme qui bloque le char d’assaut.  Notre char a cédé le pas de nombreuses fois, mais le jeune restait toujours là au milieu de la route, et même quand il a tenté de grimper dessus, les soldats se sont retenus et n’ont pas tiré sur lui. Ce qui en dit long ! Si les militaires avaient fait feu, les répercussions auraient été très différentes. Nos soldats ont suivi à la perfection les ordres du Parti central. Il est stupéfiant qu’ils soient arrivés à maintenir le calme dans une situation de ce genre ! » .

Le recours de la part des manifestants à des gaz asphyxiants ou toxiques, et, surtout, l’édition pirate du « Quotidien du peuple » démontrent clairement que les incidents de la Place Tienanmen ne sont pas une affaire exclusivement interne à la Chine. D’autres détails  ressortent du livre célébré en Occident :

« ‘Voice of America’ a  eu un rôle proprement peu glorieux dans sa façon de jeter de l’huile sur le feu » ; de façon incessante, elle « diffuse des nouvelles sans fondements et pousse aux désordres ». De plus : « D’Amérique, de Grande-Bretagne et de Hong Kong sont arrivés plus d’un million de dollars de Hong Kong. Une partie des fonds a été utilisée  pour l’achat de tentes, nourritures, ordinateurs, imprimantes rapides et matériel sophistiqué pour les communications ».

Ce que visaient l’Occident et les Etats-Unis nous pouvons le déduire d’un autre livre, écrit par deux auteurs étasuniens fièrement anti-communistes. Ceux-ci rappellent  comment à cette période Winston Lord, ex-ambassadeur à Pékin et conseiller de premier plan du futur président Clinton, n’avait de cesse de répéter que la chute du régime communiste en Chine était « une question de semaines ou de mois ». Cette prévision apparaissait d’autant plus fondée que se détachait, au sommet du gouvernement et du Parti, la figure de Zhao Ziyang, qui –soulignent les deux auteurs étasuniens- est à considérer « probablement comme le leader chinois le plus pro-américain de l’histoire récente » .

Ces jours ci, dans un entretien avec le « Financial Times », l’ex-secrétaire de Zhao Ziyang, Bao Tong, aux arrêts domiciliaires à Pékin, semble regretter le coup d’Etat manqué auquel aspiraient des personnalités et des cercles importants en Chine et aux USA, en 1989, tandis que le « socialisme réel » tombait en morceaux :  malheureusement, « pas un seul soldat n’aurait prêté attention à Zhao » ; les soldats « écoutaient leurs officiers, les officiers leurs généraux et les généraux écoutaient Den Xiaoping » .

Vus rétrospectivement, les événements qui se sont passés il y a vingt ans Place Tienanmen se présentent comme un coup d’Etat manqué, et une tentative échouée d’instauration d’un Empire mondial prêt à défier les siècles…

D’ici peu va arriver un autre anniversaire. En décembre 1989, sans même avoir été précédés d’une déclaration de guerre, les bombardiers étasuniens se déchaînaient sur Panama et sa capitale. Comme il en résulte de la reconstruction  d’un auteur -encore une fois – étasunien, des quartiers densément peuplés furent surpris en pleine nuit par les bombes et les flammes ; en très grande partie, ce furent des « civils, pauvres et à la peau foncée » qui perdirent la vie ; plus de 15.000 personnes se retrouvèrent sans toit ; il s’agit en tout cas de l’ « épisode le plus sanglant » de l’histoire du petit pays . On peut prévoir facilement que les journaux engagés à répandre leurs larmes sur la Place Tienanmen voleront très au dessus de l’anniversaire de Panama, comme d’ailleurs cela s’est produit toutes ces dernières années.  Les grands organes d’ « information » sont les grands organes de sélection des informations, et d’orientation et de contrôle de la mémoire.

Domenico Losurdo

 

 

Références bibliographiques :

Jamil Anderlini 2009

« Thanks were roaring and bullets flying », in « Financial Times », p. 3 (“Life and         Arts”)

Richard Bernstein, Ross H. Munro 1997

The coming Conflict with China, Knopf, New York

Kevin Buckley 1991

Panama. The Whole Story, Simon & Schuster, New York

Andrew J. Nathan, Perry Link (éditeurs) 2001

The Tienanmen Papers (2001), traduction italienne de Michela Benuzzi et alt. Tienanmen, Rizzoli, Milan

Reçu de l’auteur et traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 

Article paru le lundi 1er juin 2009 sur le blog de l’auteur :

http://www.domenicolosurdoblogtienanmen.blogspot.com/

 

La suprématie occidentale est en voie de disparition

mai 31st, 2019 by Dr. Paul Craig Roberts

Le 28 mai, j’ai écrit que Le monde occidental s’effondre si vite que je craignais d’avoir à vivre sa disparition. Mon article traitait de l’aggravation de la diabolisation des Blancs, qui leur fait perdre la confiance en eux. La culpabilité qui leur est inculquée, les incite à accepter d’être discriminés au profit des migrants arabes, africains et hispaniques, que les dirigeants d’entreprises cupides et les politiques aveugles ont introduit dans le pays. La politique identitaire du parti démocrate avantage les migrants à peau plus sombre qui se présentent en victimes du visage pâle agresseur. De la même manière que les Juifs ont découvert l’avantage d’intoxiquer les Gentils en leur inculquant de la culpabilité, les Arabes, les Africains et les Hispaniques l’ont fait aussi.

Le naufrage psychologique et émotionnel n’est pas la seule forme d’écroulement en cours aux États-Unis et dans le monde occidental en général. Il y a aussi la débâcle économique et sociale, en particulier aux États-Unis. Aujourd’hui, en grande partie à cause de la délocalisation, les grandes villes étasuniennes jadis industrielles, comme Détroit, Saint-Louis, Cleveland, Flint dans le Michigan, Gary dans l’Indiana, ont perdu 20% de leur population.

La déliquescence sociale est manifeste dans la montée du nombre de sans-abri. Los Angeles, San Francisco et Seattle comptent d’importantes populations de sans-abri qui campent dans les rues, les parcs et les quartiers huppés des villes, comme Venice Beach. [NdT : À San Francisco, comme les SDF se soulagent à même la chaussée, depuis que la municipalité de gauchistes à-la-Clinton ferme les toilettes publiques le soir, la ville sent franchement le caca.]

À Los Angeles, les étrons et les ordures qui encombrent les rues, ont provoqué une invasion de rats et de puces. Les conditions sanitaires périlleuses font que les autorités médicales prévoient là-bas pour cet été une grande épidémie de maladie infectieuse. Craignant une épidémie de typhus à cause de l’infestation des rats, les tapis de l’hôtel de ville infestés de puces sont enlevés.

Pour les contribuables déjà pressurés, les coûts explosent. Ainsi, à Los Angeles en 2016, les électeurs avaient accepté de financer 1,2 milliard de dollars 10 000 logements pour sans-abri. Il y a trois ans, le coût prévu s’élevait à 140 000 dollars par logement. Maintenant, c’est 500 000 dollars l’unité. Comme l’a rapporté un journal, dépenser un demi-million de dollars pour construire un logement locatif basique, afin de permettre à une famille sans abri de s’abriter de la pluie, ne paraît pas être une idée viable.

Parmi les solutions à l’étude, il y a les camps de réfugiés et la refonte de la politique d’accueil des millions de gens venus de pays pauvres et instables. Nous sommes en train de nous appauvrir sans alléger la pauvreté dans le monde. Pour chaque personne accueillie aux États-Unis, des dizaines de milliers restent. Déjà, des régions ressemblent aux Indes d’il y a 100 ans.

L’assistance aux sans-abri profite au moins aux organisations libérales et progressistes, qui amassent fric et pouvoir pour lutter contre ce problème aux dépens des contribuables.

Autre signe de déliquescence sociale, la montée de la violence. Au cours du week-end du Memorial Day, 42 zèbres ont été flingués à Chicago. MS-13, le gang de voyous formé à l’origine par des migrants salvadoriens et honduriens, a développé son activité depuis la Californie jusqu’à Long Island, et il envahit maintenant les Hamptons. Pour se protéger, les résidents installent des fenêtres à l’épreuve des balles, des portes d’acier et des pièces sécurisées dans leurs maisons.

Autre signe de déliquescence sociale, les problèmes croissants liés à l’eau. Le problème de Flint dans le Michigan est bien connu, mais beaucoup d’autres ont bénéficié de moins de publicité. L’Hôpital Henry Ford et le Département de la santé de Detroit font état d’une augmentation considérable du nombre de maladies transmises par l’eau.

Ce n’est qu’un avant-goût de l’accélération de la déliquescence sociale. Les lecteurs vont écrire pour demander pourquoi je n’ai pas inclus ceci, cela et la débâcle des soins de santé. La réponse est que ceci n’est qu’un article, pas un livre.

Ce que nous vivons, c’est l’échec du gouvernement sur tous les plans. Des sommes énormes sont dépensées dans les guerres et pour les fomenter, pendant que Los Angeles est face à une épidémie de typhus. Pendant deux décennies, pour le compte d’Israël, les États-Unis ont dépensé des milliers de milliards de dollars dans les guerres au Moyen-Orient. Washington les appelle ‘guerre au terrorisme’ pour dissimuler ses véritables intentions et la motivation de la barbarie qui a tué, mutilé, rendu orphelin et déplacé des millions de gens. L’une des conséquences de ces guerres insensées a été de radicaliser les Musulmans contre les Occidentaux, alors même que les États-Unis et l’Europe faisaient venir dans leurs pays des millions de ces gens déplacés.

Les pays dont la population est hétérogène sont déjà désavantagés par la désunion, mais c’est de la folie de faire venir un nombre considérable de gens qui ont toutes les raisons de vous haïr. Une fois là, la politique identitaire transforme la haine en arme contre la population blanche.

Si un pays décidait de se suicider, il ferait exactement ce que font les États-Unis et l’Europe. C’est ce problème qui est grave, et non pas l’Iran, la Corée du Nord, le Venezuela, la Syrie, la Russie ou la Chine. Il est probable que la politique identitaire est à présent si ancrée dans les institutions, comme dans l’enseignement élémentaire de New York, que la désunion est désormais une spécificité acquise des États-Unis.

Les problèmes largement non identifiés qu’affrontent les États-Unis, submergeraient même un pays unifié. Mais pour un pays aussi désuni, il est difficile d’envisager un dénouement favorable.

Paul Craig Roberts

 

Article original en anglais :  Western Supremacy Is On Its Way Out, le 29 mai 2019

Traduction Petrus Lombard, Réseau International

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30 mai 2019: Maria De Koninck vient de publier MATERNITÉ DÉROBÉE, Mère porteuse et enfant sur commande (Multimondes).

Alors que les défenseurs de la pratique du recours aux mères porteuses (appelée à tort « gestation par autrui ») la présentent comme du progrès, comme un phénomène moderne et normal à laquelle il faut s’adapter, individuellement et collectivement, Maria De Koninck la considère comme un recul important : 1) pour la libération de la femme; 2) pour le droit de l’enfant?

La maternité, selon elle, n’est pas une activité, mais un état. La mère porteuse est en relation avec l’enfant qu’elle porte et à qui elle donne vie. Or, en vertu d’un contrat signé, elle doit donner ou, plus précisément, abandonner cet enfant. Et dès qu’il y a contrat, il y a atteinte à la dignité humaine de la mère mais aussi de l’enfant.

Dans cette entrevue, Mme De Koninck, qui est sociologue et professeure émérite au Département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine de l’Université Laval, aborde ce sujet complexe mais hautement important du point de vue juridique, sociologique et politique.

Elle passe en revue les dérapages ahurissants mais ô combien prévisibles dans un système capitaliste. À titre d’exemple, dans la majorité des cas, les commanditaires d’enfants et de mère porteuses viennent des classes sociales supérieures de pays nantis, tandis que les mères porteuses proviennent généralement des classes sociales inférieures de pays pauvres où les lois sont plus laxistes.

Maria De Koninck propose que le recours aux mères porteuses soit aboli au moyen d’un pacte international signé par tous les pays membres de l’ONU.

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