Les deux principaux architectes de l’intensification de la guerre de l’impérialisme américain contre l’Iran sont en train d’effectuer une série de visites à l’étranger visant à pousser l’Europe à se ranger derrière la campagne d’agression de Washington et à renforcer l’axe anti-iranien soutenu par les États-Unis, composé des émirats pétroliers sunnites du Golfe Persique, menés par l’Arabie saoudite.

John Bolton, le conseiller américain pour la sécurité nationale, s’est rendu mercredi à Abu Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, pour lancer des allégations non fondées contre l’Iran et menacer d’une «réponse très ferme» par les États-Unis et leur machine de guerre.

C’est Bolton qui a annoncé le renforcement militaire contre l’Iran plus tôt ce mois-ci, avec l’envoi du groupe de frappe naval dirigé par le porte-avions USS Eisenhower et d’une escadre de bombardiers comprenant des B-52 à capacité nucléaire.

Depuis ce premier renforcement annoncé début mai, Washington a déployé un groupement tactique amphibie transportant des avions de guerre et des marines américains, une batterie de missiles Patriot et, à la fin de la semaine dernière, le déploiement de 1500 soldats supplémentaires pour renforcer les quelque 50.000 soldats déjà déployés dans une série de bases qui encerclent l’Iran. Le ministre américain de la défense, Patrick Shanahan, a déclaré que le dernier déploiement consiste en l’envoi de 900 soldats supplémentaires en Arabie saoudite et au Qatar, ainsi que de 600 hommes affectés à une batterie de missiles Patriot qui devait quitter la région en rotation mais qui sera maintenue en place.

Le Pentagone, quant à lui, a élaboré des plans pour le déploiement de 120.000 soldats dans la région, un nombre similaire à celui déployé avant l’invasion de l’Irak en 2003.

M. Bolton, qui, avant sa nomination au poste de conseiller à la sécurité nationale, avait fréquemment appelé à un changement de régime à Téhéran et rédigé une chronique pour le New York Times intitulé «To Stop Iran’s Bomb, Bomb Iran» (Pour arrêter la bombe iranienne, bombardons l’Iran) a déclaré aux journalistes d’Abu Dhabi que la politique américaine sous le gouvernement Trump ne constituait pas un changement radical.

Le conseiller américain pour la sécurité nationale a blâmé l’Iran pour une attaque de sabotage présumée contre quatre navires au large des Émirats arabes unis, dont deux pétroliers appartenant à des Saoudiens, ainsi que pour une attaque par drone contre des stations de pompage de l’oléoduc est-ouest d’Aramco de la compagnie saoudienne Aramco, attaque revendiquée par les rebelles houthis en représailles à la guerre qui équivaut quasiment à une génocide, menée par Riyadh contre le Yémen. Il a également affirmé qu’il y avait eu une autre tentative d’attaque – qui n’avait pas précédemment été rapportée ni par les États-Unis ni par l’Arabie saoudite – sur le port pétrolier saoudien de Yanbu.

N’apportant aucune preuve, Bolton déclara que le prétendu sabotage des pétroliers saoudiens et des deux autres navires était le résultat de «mines navales presque certainement de l’Iran».

Le même Bolton en 2002 et 2003 insistait avec beaucoup plus que la «presque certitude» que le gouvernement de Saddam Hussein stockait des  » armes de destruction massive  » quand, en tant que sous-secrétaire d’État à la maîtrise des armements et aux affaires de sécurité internationale dans l’administration Bush, il était un des principaux défenseurs d’une guerre d’agression contre l’Irak.

Le ministère iranien des affaires étrangères a dénoncé Bolton comme un «belliciste» et a rejeté ses remarques comme une «accusation ridicule».

L’objectif transparent de Washington est de présenter l’Iran comme l’agresseur. C’est dans des conditions où l’impérialisme américain mène ce qu’il décrit comme une campagne de «pression maximale» contre ce pays de 83 millions d’habitants, une montée en puissance militaire incessante, tout en imposant de larges sanctions équivalant à un état de guerre, dans le but principal de réduire à zéro les exportations de pétrole de l’Iran et de créer des bouleversements sociaux en ruinant l’économie du pays.

Il y a un an, les États-Unis ont réimposé et intensifié les sanctions après avoir unilatéralement abrogé le Plan d’action global conjoint (Joint Comprehensive Plan of Action – JCPOA), connu sous le nom d’Accord nucléaire iranien, conclu en 2015 entre l’Iran, les États-Unis, les puissances européennes, la Russie et la Chine. En vertu de cet accord, Téhéran a fortement limité son programme nucléaire tout en se soumettant à un régime d’inspections intrusives en échange de la levée des sanctions et de la normalisation des relations économiques.

Récemment, Téhéran a annoncé une suspension de 60 jours de son engagement à plafonner sa production d’uranium enrichi et d’eau lourde afin de faire pression sur les puissances européennes pour qu’elles tiennent leur promesse de lancer un Instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX) pour contourner les sanctions américaines en facilitant les échanges avec l’Iran sans utiliser le dollar.

Si le quadruplement signalé de son taux de production d’uranium à 3,67 % laisserait Téhéran en conformité avec la JCPOA, l’augmentation l’amènerait bientôt à dépasser le plafond de 300 kilogrammes d’uranium faiblement enrichi stocké. En vertu du JCPOA, Téhéran est censée vendre tout uranium enrichi, ce qu’elle a fait à la Russie, mais elle ne peut plus le faire en raison des sanctions américaines.

Avec un cynisme absolu, M. Bolton a déclaré au sujet de l’action de l’Iran: «Il n’y a aucune raison pour eux de faire quoi que ce soit à moins que cela ne fasse partie d’un effort visant à réduire le temps nécessaire à la production des armes nucléaires». Il a ajouté: «C’est un problème très grave s’ils continuent à le faire.»

Il a prétendu que les actions de Téhéran avaient justifié la rupture de l’accord par Washington: «Il s’agit là d’une preuve encore plus flagrante que cela n’a pas entravé leur désir continu d’avoir des armes nucléaires. Cela n’a certainement pas réduit leurs activités terroristes dans la région dont nous venons de parler, ni leur comportement malveillant dans leur utilisation des forces conventionnelles.»

Téhéran a toujours nié avoir jamais cherché à mettre au point des armes nucléaires.

Le voyage de M. Bolton au Moyen-Orient a eu lieu à la veille d’un trio de conférences qui ont été convoquées jeudi en Arabie saoudite – l’Organisation des pays islamiques, la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe – dans le but flagrant d’exploiter la ville sainte islamique pour aligner les États membres derrière les intérêts prédateurs de la Famille Saoud qui sont poursuivis en alliance avec Washington contre l’Iran.

Pendant ce temps, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo effectue une tournée en Europe dans le but d’intimider ses gouvernements pour qu’ils se subordonnent à l’effort de guerre de Washington contre l’Iran. Cela comprend des arrêts en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, ainsi qu’une visite à Montreux, en Suisse, pour la réunion annuelle du groupe opaque Bilderberg, afin de partager les plans de guerre de Washington avec un groupe de milliardaires et de hauts fonctionnaires qui ont juré de garder le secret sur ce qu’il révèle.

Avant l’arrivée de Pompéo, Washington a lancé une menace crue contre toute tentative de l’Europe de contourner les sanctions américaines écrasantes contre l’Iran.

L’agence de presse Bloomberg a rapporté dans une lettre envoyée le 7 mai par Sigal Mandelker, sous-secrétaire du département du Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier, que toute personne associée à Instex, le véhicule européen créé pour maintenir le commerce avec Téhéran en évitant le dollar américain et les institutions financières, pourrait être soumise à de sévères sanctions et interdit du système financier américain.

«Je vous demande instamment d’examiner attentivement les sanctions potentielles encourues par Instex», a écrit M. Mandelker dans la lettre adressée au président d’Instex, Per Fischer. «S’engager dans des activités qui vont à l’encontre des sanctions américaines peut avoir de graves conséquences, y compris une perte d’accès au système financier américain.»

Pendant ce temps, le régime de sanctions américain contre l’Iran s’est concentré sur un seul superpétrolier chinois, le «Pacific Bravo», qui a pris un chargement de pétrole brut sur l’île iranienne de Kharg et est reparti vers la Chine.

Washington a averti Hong Kong que s’il autorisait le navire à accoster ou à assurer son entretien, il pourrait faire l’objet de sanctions sévères pour violation du blocus américain contre l’Iran.

Le ministère chinois des affaires étrangères a publié une déclaration rejetant ces menaces. «Les transactions énergétiques normales entre l’Iran et la communauté internationale, y compris la Chine, qui s’inscrivent dans le cadre du droit international, sont raisonnables, légales et doivent être respectées et protégées», a-t-il déclaré.

De même, le Bureau du commerce et du développement économique de Hong Kong a répondu qu’il «appliquait strictement les sanctions décidées par les Nations Unies», qui n’imposent «aucune restriction sur l’exportation de pétrole en provenance d’Iran».

Cette impasse expose les véritables racines de la guerre contre l’Iran. Elles ne résident pas seulement dans le bellicisme maniaque de Bolton ou de Pompéo, mais dans la volonté de l’impérialisme américain de compenser le déclin de son hégémonie économique en s’emparant des pompes à pétrole du Moyen-Orient, du Venezuela et de la planète entière afin de dicter les conditions à son rival émergent, la Chine.

Étant lié aux rivalités de «grandes puissances» qui sont au centre de l’escalade du militarisme américain, un affrontement militaire avec l’Iran pourrait déclencher une troisième guerre mondiale menée avec des armes nucléaires…

Bill Van Auken

 

Article paru en anglais, WSWS, le 31 mai 2019

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Le Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a exprimé ses doutes sur les résultats de l’enquête sur le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines. « Ils accusent la Russie, mais où sont les preuves ? Nous savons que le missile qui a abattu l’avion est un missile de type russe, mais il pourrait également être fabriqué en Ukraine », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Selon lui, « ce pourrait être commis par les rebelles en Ukraine » ou le « gouvernement ukrainien car eux aussi, ils possèdent le même missile ».

Monsieur Mohamad a souligné que la Malaisie devait participer à l’examen des boîtes noires, mais pour « certaines raisons » avait été exclue du processus.

« Nous ne savons pas pourquoi nous avons été exclus de l’examen, mais dès le début, nous constatons trop de politique et l’idée n’était pas de savoir comment cela s’est passé, mais d’être concentré sur le fait d’essayer de l’attribuer aux Russes. Ce n’est pas un type d’examen neutre », a-t-il déclaré.

Ce n’est pas pour la première fois que la Malaisie dénonce les méthodes groupe d’enquête conjoint (JIT), chargé d’étudier les circonstances du crash du Boeing MH17 à l’Est de l’Ukraine le 17 juillet 2014. Il y a une année, le ministre malaisien des Transports, Anthony Loke avait déclaré que les preuves recueillies par les enquêteurs internationaux ne confirmaient pas l’implication de la Russie dans le crash du vol MH17. Ces propos concordent avec les opinions de plusieurs experts internationaux qui estiment que le travail du JIT, chargé d’étudier les circonstances du crash du Boeing MH17, est très politisé.

Célia Schmidt

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Il y a 13 ans un accord entre le Gouvernement de Hugo Chavez et le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre a permis la présence permanente au Venezuela de formatrices et formateurs brésiliens. Au service de la souveraineté alimentaire mais aussi comme porteurs d’une expérience latino-américaine des plus importantes en matière de formation intégrale pour les mouvements sociaux. Ce travail ne s’est jamais arrêté malgré de nombreux obstacles bureaucratiques.

 

La compagne Yirley Rodriguez (photo), formatrice et militante féministe explique: “L’école de formation internationaliste “A Namuna signifie “la semaille”. C’est le mot Warao pour dire “semaille”. Nous avons choisi un nom indigène en tant qu’école décoloniale. L’école est le produit d’expériences de formation que nos mouvements sociaux mènent depuis de nombreuses années, appuyés par le Mouvement des Sans Terre du Brésil et sa Brigade Internationaliste Apolonio de Carvalho qui s’est établie au Venezuela il y a 13 ans, ainsi des organisations comme “Femmes pour la vie”, “Front Culturel de Gauche”, Editions “La tranchée”, etc…

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Yirley Rodriguez lance le cours

Plusieurs organisations ont envoyé des compagnes et compagnons étudier dans l’école “Florestan Fernandes” au Brésil, l’école des Sans Terre, et y ont appris une méthode de formation intégrale, basée sur l’éducation populaire. Nos cours couvrent des aspects tels que l’organisation révolutionnaire, le féminisme populaire, la formation de formateurs(trices). L’école “A Namuna” part du contexte populaire, pour ne pas séparer l’étudiant de la réalité populaire dans laquelle il ou elle est immergé(e), pour qu’il ou elle la vive, collectivement, pour mettre à jour les contradictions, les problématiser et pour que les étudiant(e)s cherchent à les dépasser à travers l’organisation sociale. Notamment en construisant des relations de production socialistes et féministes. C’est pourquoi nous avons organisé cet atelier dans le cadre d’une prise de terres de commune El Maizal.”

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Une des méthodes apportées par le Mouvement des Sans Terre est la « Ciranda ». Une équipe formée par les étudiant(e)s s’occupe des enfants pour que les femmes qui sont mères puissent participer pleinement au cours. A ce moment prendre soin des enfants des travailleuses devient les enfants devient une responsabilité de tout le collectif du cours.

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C’est sur l’espace d’une prise de terre par la Commune El Maizal que le cours est organisé, pour mieux marier étude théorique et apprentissage pratique, pour maintenir le concept d’une pédagogie liant l’étude à l’immersion dans la réalité populaire. Chaque sous-groupe étudiant apprend avec les habitants un aspect différent du travail, traire les vaches, réparer des outils, cuisiner, cultiver les parcelles… C’est une autre caractéristique de la pédagogie politique des Sans Terre.

Réalisation: Yarumi Gonzalez.

Montage: Miguel Escalona.

Production: Terra TV.

République Bolivarienne du Venezuela 2019.

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Appréciez l’affichage imagé d’un pouvoir bienveillant : Beijing a accueilli cette semaine la Conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques.

Organisée sous la supervision directe du président Xi Jinping, elle s’est déroulée dans le cadre d’un « carnaval de la culture asiatique ». Certes, il y avait des allusions douteuses, kitsch et sirupeuses, mais ce qui importait, c’était ce que Xi lui-même avait à dire à la Chine et à toute l’Asie.

Dans son discours liminaire, le dirigeant chinois a essentiellement insisté sur le fait qu’une civilisation forçant une autre est « stupide » et « désastreux ». Dans le concept de dialogue des civilisations de Xi, il a fait référence à l’Initiative des Nouvelles routes de la soie ou Belt and Road (BRI ), en tant que programme « qui a élargi les canaux pour les échanges et la communication ».

Une gravure de 1882 de la bataille de Milvian Bridge entre les empereurs romains Constantin Ier et Maxence. Image: iStock

Le calme et la rationalité de Xi constituent un message saisissant et contrasté face à  la campagne « Make America Great Again » du président des États-Unis, Donald Trump.

L’Ouest contre l’Est et le Sud

Comparez – et notez le contraste – les commentaires de Xi et ce qui s’est passé lors d’un forum sur la sécurité à Washington un peu plus de deux semaines auparavant, lorsqu’un bureaucrate du nom de Kiron Skinner, directeur de la planification des politiques au département d’État, a qualifié la rivalité américano-chinoise de « choc des civilisations » et de « lutte avec une civilisation et une idéologie vraiment différentes de celles des États-Unis. »

Et ça a empiré. Cette civilisation était « non caucasienne » – une résurrection, au XXIesiècle, du peu subtil « péril jaune » – rappelons-nous : le Japon « non caucasien » de la Seconde guerre mondiale était le « péril jaune » original.

L’adage Diviser pour régner, pimenté de racisme, explique le mélange toxique qui imprègne le discours hégémonique américain depuis des décennies. Le mélange se réfère au livre de Samuel HuntingtonThe Clash of Civilizations and the Remaking of World Order [Le choc des civilisations et le remaniement de l’ordre mondial], publié en 1996.

La pseudo-théorie de Huntington, venant de quelqu’un qui ne connaissait pas grand-chose de la complexité multipolaire de l’Asie, sans parler des cultures africaine et sud-américaine, a été impitoyablement discréditée à travers de vastes étendues du Sud global. En fait, Huntington n’a même pas inventé le concept original et imparfait. C’est le travail de l’historien et commentateur anglo-américain Bernard Lewis, qui passe aux États-Unis pour un gourou du Moyen-Orient

Diviser, gouverner, conquérir

Comme Alastair Crooke, fondateur du Conflicts Forum, l’a souligné, Lewis a toujours prêché la division pour régner – avec une touche marquée de racisme –   dans les États islamiques. Il était fervent partisan du changement de régime en Iran et sa recette pour traiter avec les Arabes était de « les frapper entre les deux yeux avec un gros bâton » parce que, selon lui, la seule chose qu’ils respectent est le pouvoir.

Crooke nous rappelle que depuis les années 1960, Lewis maîtrise parfaitement les vulnérabilités des « différences religieuses, de classe et ethniques comme moyen de mettre fin aux États du Moyen-Orient ». Lewis est un héros dans un certain milieu – celui qui inclut l’ancien vice-président américain Dick Cheney et le secrétaire d’État américain Mike Pompeo.

Nous vivons à l’ère d’un « Lewis revisité ». Dans la mesure où le monde islamique [sunnite] est en grande partie maîtrisé, en proie à la torpeur ou au chaos, le choc des civilisations concerne essentiellement, à une échelle réduite, la maîtrise et/ou la destruction de l’Iran chiite.

Pendant ce temps, le véritable affrontement – comme le souligne le département d’État – a lieu avec la Chine.

Huntington, le sous-Lewis, n’incluait pas la Russie dans « l’Occident ». Le département d’État US, révisionniste, le fait. Sinon, comment justifier le qualificatif « Nixon à l’envers » ?

« Nixon à l’envers », rappelons-le, est la recommandation de Kissinger au président Donald Trump : essayez de diviser la Russie et la Chine, mais cette fois, en séduisant la Russie.

Un révisionniste du Pentagone a également mis au point le concept « Indo-Pacifique ». La seule justification de l’amalgame est que ces deux zones doivent mener une politique étrangère soumise à l’hégémonie américaine.

La logique est toujours diviser pour régner en affrontant les civilisations – les divisions provoquant le chaos dans toute l’Eurasie.

Mais cette stratégie est appliquée dans le contexte d’un tournant historique crucial : le moment où la Nouvelle route de la soie BRI s’installe comme feuille de route pour l’intégration eurasienne progressive.

Quo vadis, humanité ?

Il n’est pas difficile de détecter le sourire subtil sur le visage des stratèges chinois lorsqu’ils contemplent « le vaste panorama » du point de vue de leurs 5 000 ans de civilisation. L’Occident chrétien, en tant que paradigme unique pour délivrer l’humanité du mal – en fait, l’instauration de la Pax Americana – est considéré au mieux comme une fiction amusante.

Cette fiction a maintenant l’air carrément dangereuse, se vautrant dans l’exceptionnalisme et la diabolisation de « L’Autre » sous une multitude de formes. L’Autre – de la République islamique d’Iran à la Chine athée, en passant par la Russie « autocratique » – est automatiquement qualifié d’incarnation du « mal ».

La Chine, au contraire, est polythéiste, pluraliste et multipolaire. Elle loge le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme. Cela se reflète dans la tendance actuelle vers un système mondial multipolaire. Ce qui compte, c’est l’unité dans la multiplicité – comme Xi l’a souligné dans son discours liminaire. On y trouve la Chine et la Perse, deux civilisations anciennes – liées par l’ancienne Route de la soie – et qui se ressemblent, non pas par accident.

Ensuite, il y a l’état épouvantable de la planète, qui éclipse le spectacle actuel, aussi épouvantable, de la folie politique. Le géographe de l’UCLA [Université de Californie à Los Angeles] et auteur de best seller mondiaux, Jared Diamond, n’est pas très précis, mais il estime qu’il y a 50% de chances pour « que le monde tel que nous le connaissons s’effondre d’ici à 2050 ».


Ce que nous vivons maintenant n’est pas un choc de civilisations ; c’est une crise de civilisation.

Si le paradigme selon lequel la plus grande partie de l’humanité survit à peine n’est pas changé – et il y a peu de signes qu’il change – il ne restera plus aucune civilisation à affronter.

Pepe Escobar

 

Article original en anglais :

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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Tienanmen 20 ans après

mai 31st, 2019 by Domenico Losurdo

Mercredi 29 mai 2019 au Journal de 20h de France2, Maryse Burgot a présenté un sujet s’intéressant à ce qu’est devenu le « jeune manifestant héroïque” qui « a défié une colonne de chars » sur la Place Tien An Men il y a 30 ans.

« Massacre de milliers d’étudiants pacifiques” contre la dictature communiste etc.

Des milliers ?

Même Amnesty International, vingt ans après parlait de « La répression militaire de la place Tiananmen en 1989 a entraîné la mort de centaines de personnes et la détention d’autres alors qu’elles manifestaient pacifiquement pour des réformes démocratiques et pour plus de respect des droits humains les plus fondamentaux”.

(https://www.amnesty.be/par-pays/chine/article/tienanmen-20-ans-apres-il-est )

L’historien de la philosophie Domenico Losurdo était lui aussi revenu sur les événements de Tien An Men dans un article de juin 2009, à partir surtout de médias étasuniens :

« Tien An Men, vingt ans après

Pour ceux qui s’intéressent à la sinophobie ambiante dans nos médias voici le lien pour le sujet traité par Maryse Burgot :

https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/photographie-l-homme-qui-a-fait-face-aux-tanks-chinois_3466429.html

Marie-Ange Patrizio

 

A la mémoire de Domenico Losurdo, Mondialisation publie de nouveau l’article sur le vingtième anniversaire du «massacre» de la Place Tienanmen mis en ligne le 3 juin 2009. Tiananmen, il y a maintenant 30 ans…


Ces jours ci la grande presse d’ « information » s’emploie à rappeler le vingtième anniversaire du « massacre » de la place Tienanmen. Les évocations « émues » des événements, les interviews des « dissidents » et les éditoriaux « indignés », les multiples articles qui se succèdent et se préparent visent à couvrir la République Populaire Chinoise d’infamie perpétuelle, et à rendre un hommage solennel  à la civilisation supérieure de l’Occident libéral. Mais qu’est-il réellement advenu il y a vingt ans ?

En 2001 furent publiés et traduits, ensuite, dans les principales langues du monde ce qu’on a appelé les Tienanmen Papers qui, si l’on en croit les déclarations de ceux qui les ont présentés, reproduisent des rapports secrets et des procès-verbaux réservés, du processus décisionnel qui a débouché sur la répression du mouvement de contestation. Livre qui, toujours selon les intentions de ses promoteurs et éditeurs, devrait montrer l’extrême brutalité d’une direction (communiste) qui n’hésite pas à réprimer une protestation « pacifique » dans un bain de sang. Si ce n’est qu’une lecture attentive du livre en question finit par faire émerger un tableau bien différent de la tragédie  qui se joua à Pékin entre mai et juin 1989.

Lisons quelques pages ça et là :

« Plus de cinq cents camions de l’armée ont été incendiés au même moment à des dizaines de carrefours […] Sur le boulevard Chang’an un camion de l’armée s’est arrêté à cause d’un problème de moteur et deux cents révoltés ont assailli le conducteur en le tabassant à mort […] Au carrefour Cuiwei, un camion qui transportait six soldats a ralenti pour éviter de heurter la foule. Un groupe de manifestants a alors commencé à lancer des pierres, des cocktails Molotov et des torches contre celui-ci, qui à un moment a commencé à s’incliner du côté gauche car un de ses pneus avait été crevé par des clous que les révoltés avaient répandus. Les manifestants ont alors mis le feu à des objets qu’ils ont lancé contre le véhicule, dont le réservoir a explosé. Les six soldats sont tous morts dans les flammes  ».

Non seulement l’on a eu recours à la violence mais parfois ce sont des armes surprenantes qui sont utilisées :

  « Une fumée vert-jaune s’est élevée de façon subite à une extrémité d’un pont. Elle provenait d’un blindé endommagé qui était ensuite lui-même devenu un élément du blocus routier […] Les blindés et les chars d’assaut qui étaient venus déblayer la route n’ont rien pu faire d’autre que de se retrouver en file à la tête du pont. Tout d’un coup un jeune est arrivé en courant, a jeté quelque chose sur un blindé et a pris la fuite. Quelques secondes après on a vu sortir la même fumée vert-jaune du véhicule, tandis que les soldats se traînaient dehors, se couchaient par terre sur la route, et se tenaient la gorge en agonisant. Quelqu’un a dit qu’ils avaient inhalé du gaz toxique. Mais les officiers et les soldats, malgré leur rage sont arrivés à garder le contrôle d’eux-mêmes» .

Ces actes de guerre, avec recours répété à des armes interdites par les conventions internationales, croisent des initiatives qui laissent encore plus penseurs : comme la « contrefaçon de la couverture du « Quotidien du peuple » .

Du côté opposé, voyons les directives imparties par les dirigeants du parti communiste et du gouvernement chinois aux forces militaires chargées de la répression :

    « S’il devait arriver que les troupes subissent des coups et blessures jusqu’à la mort, de la part des masses obscurantistes, ou si elles devaient subir l’attaque d’éléments hors-la-loi avec des barres de fer, des pierres ou des cocktails Molotov, elles doivent garder leur contrôle et se défendre sans utiliser les armes. Les matraques seront leurs armes d’autodéfense et les troupes ne doivent pas ouvrir le feu contre les masses. Les transgressions seront immédiatement punies».

S’il faut en croire le tableau tracé dans un livre publié et promu par l’Occident, ceux qui donnent des preuves de prudence et de modération ne sont pas les manifestants mais plutôt l’Armée Populaire de Libération !

Le caractère armé de la révolte devient plus évident les jours suivants. Un dirigeant de premier plan du parti communiste va attirer l’attention sur un fait extrêmement alarmant : « Les insurgés  ont capturé des blindés et y ont monté des mitrailleuses, dans le seul but de les exhiber ». Se limiteront-ils à une exhibition menaçante ? Et pourtant, les directives imparties par l’armée ne subissent pas de changement substantiel : « Le Commandement de la loi martiale tient à ce qu’il soit clair pour toutes les unités qu’il est nécessaire de n’ouvrir le feu qu’en dernière instance » .

Même l’épisode du jeune manifestant qui bloque un char d’assaut avec son corps, célébré en Occident comme un symbole de l’héroïsme non-violent en lutte contre une violence aveugle et sans discrimination, est perçu par les dirigeants chinois, toujours à en croire le livre maintes fois cité, dans une grille de lecture bien diverse et opposée :

« Nous avons tous vu les images du jeune homme qui bloque le char d’assaut.  Notre char a cédé le pas de nombreuses fois, mais le jeune restait toujours là au milieu de la route, et même quand il a tenté de grimper dessus, les soldats se sont retenus et n’ont pas tiré sur lui. Ce qui en dit long ! Si les militaires avaient fait feu, les répercussions auraient été très différentes. Nos soldats ont suivi à la perfection les ordres du Parti central. Il est stupéfiant qu’ils soient arrivés à maintenir le calme dans une situation de ce genre ! » .

Le recours de la part des manifestants à des gaz asphyxiants ou toxiques, et, surtout, l’édition pirate du « Quotidien du peuple » démontrent clairement que les incidents de la Place Tienanmen ne sont pas une affaire exclusivement interne à la Chine. D’autres détails  ressortent du livre célébré en Occident :

« ‘Voice of America’ a  eu un rôle proprement peu glorieux dans sa façon de jeter de l’huile sur le feu » ; de façon incessante, elle « diffuse des nouvelles sans fondements et pousse aux désordres ». De plus : « D’Amérique, de Grande-Bretagne et de Hong Kong sont arrivés plus d’un million de dollars de Hong Kong. Une partie des fonds a été utilisée  pour l’achat de tentes, nourritures, ordinateurs, imprimantes rapides et matériel sophistiqué pour les communications ».

Ce que visaient l’Occident et les Etats-Unis nous pouvons le déduire d’un autre livre, écrit par deux auteurs étasuniens fièrement anti-communistes. Ceux-ci rappellent  comment à cette période Winston Lord, ex-ambassadeur à Pékin et conseiller de premier plan du futur président Clinton, n’avait de cesse de répéter que la chute du régime communiste en Chine était « une question de semaines ou de mois ». Cette prévision apparaissait d’autant plus fondée que se détachait, au sommet du gouvernement et du Parti, la figure de Zhao Ziyang, qui –soulignent les deux auteurs étasuniens- est à considérer « probablement comme le leader chinois le plus pro-américain de l’histoire récente » .

Ces jours ci, dans un entretien avec le « Financial Times », l’ex-secrétaire de Zhao Ziyang, Bao Tong, aux arrêts domiciliaires à Pékin, semble regretter le coup d’Etat manqué auquel aspiraient des personnalités et des cercles importants en Chine et aux USA, en 1989, tandis que le « socialisme réel » tombait en morceaux :  malheureusement, « pas un seul soldat n’aurait prêté attention à Zhao » ; les soldats « écoutaient leurs officiers, les officiers leurs généraux et les généraux écoutaient Den Xiaoping » .

Vus rétrospectivement, les événements qui se sont passés il y a vingt ans Place Tienanmen se présentent comme un coup d’Etat manqué, et une tentative échouée d’instauration d’un Empire mondial prêt à défier les siècles…

D’ici peu va arriver un autre anniversaire. En décembre 1989, sans même avoir été précédés d’une déclaration de guerre, les bombardiers étasuniens se déchaînaient sur Panama et sa capitale. Comme il en résulte de la reconstruction  d’un auteur -encore une fois – étasunien, des quartiers densément peuplés furent surpris en pleine nuit par les bombes et les flammes ; en très grande partie, ce furent des « civils, pauvres et à la peau foncée » qui perdirent la vie ; plus de 15.000 personnes se retrouvèrent sans toit ; il s’agit en tout cas de l’ « épisode le plus sanglant » de l’histoire du petit pays . On peut prévoir facilement que les journaux engagés à répandre leurs larmes sur la Place Tienanmen voleront très au dessus de l’anniversaire de Panama, comme d’ailleurs cela s’est produit toutes ces dernières années.  Les grands organes d’ « information » sont les grands organes de sélection des informations, et d’orientation et de contrôle de la mémoire.

Domenico Losurdo

 

 

Références bibliographiques :

Jamil Anderlini 2009

« Thanks were roaring and bullets flying », in « Financial Times », p. 3 (“Life and         Arts”)

Richard Bernstein, Ross H. Munro 1997

The coming Conflict with China, Knopf, New York

Kevin Buckley 1991

Panama. The Whole Story, Simon & Schuster, New York

Andrew J. Nathan, Perry Link (éditeurs) 2001

The Tienanmen Papers (2001), traduction italienne de Michela Benuzzi et alt. Tienanmen, Rizzoli, Milan

Reçu de l’auteur et traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 

Article paru le lundi 1er juin 2009 sur le blog de l’auteur :

http://www.domenicolosurdoblogtienanmen.blogspot.com/

 

La suprématie occidentale est en voie de disparition

mai 31st, 2019 by Dr. Paul Craig Roberts

Le 28 mai, j’ai écrit que Le monde occidental s’effondre si vite que je craignais d’avoir à vivre sa disparition. Mon article traitait de l’aggravation de la diabolisation des Blancs, qui leur fait perdre la confiance en eux. La culpabilité qui leur est inculquée, les incite à accepter d’être discriminés au profit des migrants arabes, africains et hispaniques, que les dirigeants d’entreprises cupides et les politiques aveugles ont introduit dans le pays. La politique identitaire du parti démocrate avantage les migrants à peau plus sombre qui se présentent en victimes du visage pâle agresseur. De la même manière que les Juifs ont découvert l’avantage d’intoxiquer les Gentils en leur inculquant de la culpabilité, les Arabes, les Africains et les Hispaniques l’ont fait aussi.

Le naufrage psychologique et émotionnel n’est pas la seule forme d’écroulement en cours aux États-Unis et dans le monde occidental en général. Il y a aussi la débâcle économique et sociale, en particulier aux États-Unis. Aujourd’hui, en grande partie à cause de la délocalisation, les grandes villes étasuniennes jadis industrielles, comme Détroit, Saint-Louis, Cleveland, Flint dans le Michigan, Gary dans l’Indiana, ont perdu 20% de leur population.

La déliquescence sociale est manifeste dans la montée du nombre de sans-abri. Los Angeles, San Francisco et Seattle comptent d’importantes populations de sans-abri qui campent dans les rues, les parcs et les quartiers huppés des villes, comme Venice Beach. [NdT : À San Francisco, comme les SDF se soulagent à même la chaussée, depuis que la municipalité de gauchistes à-la-Clinton ferme les toilettes publiques le soir, la ville sent franchement le caca.]

À Los Angeles, les étrons et les ordures qui encombrent les rues, ont provoqué une invasion de rats et de puces. Les conditions sanitaires périlleuses font que les autorités médicales prévoient là-bas pour cet été une grande épidémie de maladie infectieuse. Craignant une épidémie de typhus à cause de l’infestation des rats, les tapis de l’hôtel de ville infestés de puces sont enlevés.

Pour les contribuables déjà pressurés, les coûts explosent. Ainsi, à Los Angeles en 2016, les électeurs avaient accepté de financer 1,2 milliard de dollars 10 000 logements pour sans-abri. Il y a trois ans, le coût prévu s’élevait à 140 000 dollars par logement. Maintenant, c’est 500 000 dollars l’unité. Comme l’a rapporté un journal, dépenser un demi-million de dollars pour construire un logement locatif basique, afin de permettre à une famille sans abri de s’abriter de la pluie, ne paraît pas être une idée viable.

Parmi les solutions à l’étude, il y a les camps de réfugiés et la refonte de la politique d’accueil des millions de gens venus de pays pauvres et instables. Nous sommes en train de nous appauvrir sans alléger la pauvreté dans le monde. Pour chaque personne accueillie aux États-Unis, des dizaines de milliers restent. Déjà, des régions ressemblent aux Indes d’il y a 100 ans.

L’assistance aux sans-abri profite au moins aux organisations libérales et progressistes, qui amassent fric et pouvoir pour lutter contre ce problème aux dépens des contribuables.

Autre signe de déliquescence sociale, la montée de la violence. Au cours du week-end du Memorial Day, 42 zèbres ont été flingués à Chicago. MS-13, le gang de voyous formé à l’origine par des migrants salvadoriens et honduriens, a développé son activité depuis la Californie jusqu’à Long Island, et il envahit maintenant les Hamptons. Pour se protéger, les résidents installent des fenêtres à l’épreuve des balles, des portes d’acier et des pièces sécurisées dans leurs maisons.

Autre signe de déliquescence sociale, les problèmes croissants liés à l’eau. Le problème de Flint dans le Michigan est bien connu, mais beaucoup d’autres ont bénéficié de moins de publicité. L’Hôpital Henry Ford et le Département de la santé de Detroit font état d’une augmentation considérable du nombre de maladies transmises par l’eau.

Ce n’est qu’un avant-goût de l’accélération de la déliquescence sociale. Les lecteurs vont écrire pour demander pourquoi je n’ai pas inclus ceci, cela et la débâcle des soins de santé. La réponse est que ceci n’est qu’un article, pas un livre.

Ce que nous vivons, c’est l’échec du gouvernement sur tous les plans. Des sommes énormes sont dépensées dans les guerres et pour les fomenter, pendant que Los Angeles est face à une épidémie de typhus. Pendant deux décennies, pour le compte d’Israël, les États-Unis ont dépensé des milliers de milliards de dollars dans les guerres au Moyen-Orient. Washington les appelle ‘guerre au terrorisme’ pour dissimuler ses véritables intentions et la motivation de la barbarie qui a tué, mutilé, rendu orphelin et déplacé des millions de gens. L’une des conséquences de ces guerres insensées a été de radicaliser les Musulmans contre les Occidentaux, alors même que les États-Unis et l’Europe faisaient venir dans leurs pays des millions de ces gens déplacés.

Les pays dont la population est hétérogène sont déjà désavantagés par la désunion, mais c’est de la folie de faire venir un nombre considérable de gens qui ont toutes les raisons de vous haïr. Une fois là, la politique identitaire transforme la haine en arme contre la population blanche.

Si un pays décidait de se suicider, il ferait exactement ce que font les États-Unis et l’Europe. C’est ce problème qui est grave, et non pas l’Iran, la Corée du Nord, le Venezuela, la Syrie, la Russie ou la Chine. Il est probable que la politique identitaire est à présent si ancrée dans les institutions, comme dans l’enseignement élémentaire de New York, que la désunion est désormais une spécificité acquise des États-Unis.

Les problèmes largement non identifiés qu’affrontent les États-Unis, submergeraient même un pays unifié. Mais pour un pays aussi désuni, il est difficile d’envisager un dénouement favorable.

Paul Craig Roberts

 

Article original en anglais :  Western Supremacy Is On Its Way Out, le 29 mai 2019

Traduction Petrus Lombard, Réseau International

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30 mai 2019: Maria De Koninck vient de publier MATERNITÉ DÉROBÉE, Mère porteuse et enfant sur commande (Multimondes).

Alors que les défenseurs de la pratique du recours aux mères porteuses (appelée à tort « gestation par autrui ») la présentent comme du progrès, comme un phénomène moderne et normal à laquelle il faut s’adapter, individuellement et collectivement, Maria De Koninck la considère comme un recul important : 1) pour la libération de la femme; 2) pour le droit de l’enfant?

La maternité, selon elle, n’est pas une activité, mais un état. La mère porteuse est en relation avec l’enfant qu’elle porte et à qui elle donne vie. Or, en vertu d’un contrat signé, elle doit donner ou, plus précisément, abandonner cet enfant. Et dès qu’il y a contrat, il y a atteinte à la dignité humaine de la mère mais aussi de l’enfant.

Dans cette entrevue, Mme De Koninck, qui est sociologue et professeure émérite au Département de médecine sociale et préventive de la Faculté de médecine de l’Université Laval, aborde ce sujet complexe mais hautement important du point de vue juridique, sociologique et politique.

Elle passe en revue les dérapages ahurissants mais ô combien prévisibles dans un système capitaliste. À titre d’exemple, dans la majorité des cas, les commanditaires d’enfants et de mère porteuses viennent des classes sociales supérieures de pays nantis, tandis que les mères porteuses proviennent généralement des classes sociales inférieures de pays pauvres où les lois sont plus laxistes.

Maria De Koninck propose que le recours aux mères porteuses soit aboli au moyen d’un pacte international signé par tous les pays membres de l’ONU.

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Le gouvernement Macron menace de porter des accusations avec une peine potentielle de cinq ans de prison contre des journalistes qui ont dénoncé sa fourniture secrète d’armes pour la guerre illégale de l’Arabie saoudite au Yémen. Les Saoudiens et leurs alliés ont tué des dizaines de milliers de civils au cours de cette guerre.

Le 15 avril, l’organisation journalistique Disclose a publié un document classifié de 15 pages préparé en octobre dernier par la direction de la sécurité de l’armée pour le président et les principaux ministres. Il fournissait des informations précises sur l’utilisation d’armes françaises par l’Arabie saoudite au Yémen, notamment des chars, des missiles et des systèmes de guidage laser. Le document prouve également que de nombreux responsables français, dont la ministre des Forces armées Florence Parly, ont menti à plusieurs reprises en niant que les Saoudiens ont utilisé des armes françaises dans ces crimes de guerre.

Peu après la publication du rapport, le gouvernement Macron a convoqué trois journalistes impliqués dans l’exposition pour un interrogatoire par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il s’agissait de Geoffrey Livolsi et de Mathias Destal, cofondateur de Disclose, ainsi de Benoit Collombat de Radio France.

Le 14 mai, Disclose a twitté une déclaration relatant l’interrogatoire qui a eu lieu cet après-midi-là dans le nord-ouest de Paris, protestant contre l’attaque de l’administration Macron contre la liberté de la presse.

Selon la déclaration, le DGSI a informé les journalistes au début de leur interrogatoire que l’enquête était ouverte en vertu des lois sur le «terrorisme et les attaques contre la sécurité nationale». «Ceci, écrit Disclose, prive les journalistes de Disclose des protections garanties par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La police a cherché à les contraindre à identifier leur source».

«La formulation des questions avait pour seul objectif de violer les protections fondamentales du droit de la presse au secret des sources, élément essentiel de la liberté de la presse». Le DGSI les a interrogés sur leurs messages personnels sur Twitter et Facebook, «y compris ceux qui n’avaient aucun rapport avec le sujet de l’interview. Une autre tentative d’intimidation».

«Avant d’exercer leur droit au silence, Mathias Destal et Geoffrey Livolsi ont donc déclaré aux enquêteurs qu’ils agissaient dans leur mission d’information du public». Le 28 mai, Le DGSI a interrogé un troisième journaliste de Disclose, Michel Dispratz.

L’administration Macron portera probablement plainte contre les journalistes en vertu d’une loi antidémocratique extraordinaire adoptée en juillet 2009, sur la «sécurité des secrets de la défense». Elle interdit à quiconque d’entrer en possession, de «détruire» ou de «porter à la connaissance du public» tout document jugé important par le gouvernement pour la «sécurité nationale». Il est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 5 ans en cas de condamnation et d’une amende de 75.000 euros.

Les actions du gouvernement Macron s’inscrivent dans le cadre d’une campagne menée par les gouvernements capitalistes du monde entier – avec l’aide des sténographes d’État dans les grands médias corrompus – pour criminaliser l’acte d’alerter la population et détruire la liberté de la presse.

Son expression la plus vive se trouve dans la persécution du journaliste de WikiLeaks Julian Assange et de la lanceuse d’alerte, Chelsea Manning.

L’administration Trump, avec le soutien des gouvernements australien et britannique, cherche à extrader Assange du Royaume-Uni pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan. L’administration veut le juger en vertu de la loi sur l’espionnage, pour laquelle il risque une peine de 170 ans ou la peine capitale. Dans le même temps, Manning, la source de WikiLeaks, est détenue indéfiniment en prison aux États-Unis pour outrage au tribunal, après avoir refusé de témoigner devant un grand jury ayant pour tâche de porter de nouvelles accusations frauduleuses contre Assange.

Les forces politiques et les publications, dont Le Monde en France, ont promu les calomnies utilisées pour justifier la persécution d’Assange. Donc, ils portent la responsabilité d’avoir créé l’environnement politique dans lequel Macron est en mesure de mener ces actions.

Le rapport de Disclose indique clairement que le gouvernement français a violé le droit international. Cela comprend un traité européen de 2014 sur les ventes d’armes. Le gouvernement français a vendu des armes tout en sachant qu’elles allaient être utilisées dans des crimes de guerre. Pourtant, comme dans le cas d’Assange et de Manning, ceux qui font face à des accusations criminelles ne sont pas les auteurs du crime. Ils sont des journalistes et des lanceurs d’alerte qui l’ont exposé à la population.

Livolsi a déclaré au site web Intercept le 17 mai qu’«ils veulent faire de nous un exemple parce que c’est la première fois en France qu’il y a des fuites comme celle-ci. Ils veulent effrayer les journalistes et leurs sources pour qu’ils ne dévoilent pas des secrets d’État».

Le gouvernement Macron se sert de cette affaire pour montrer clairement qu’il n’a aucun compte à rendre à la population. Le gouvernement dit qu’il ne commentera pas le contenu des fuites, qui ont été lues par des centaines de milliers de personnes, parce qu’elles sont «classifiées». La ministre des Forces armées, Florence Parly, a accordé une entrevue à Jean-Jacques Bourdin, animateur de BFM-TV, le 8 mai, au cours de laquelle l’échange suivant a eu lieu:

Bourdin: Florence Parly, avez-vous entre les mains le rapport de 15 pages rédigé par la direction de renseignement militaire sur la situation sécuritaire au Yémen?

Parly: J’ai beaucoup de rapports entre les mains.

Bourdin: Avez-vous eu ce rapport entre les mains? Oui ou non?

Parly: C’est un rapport que j’ai eu entre les mains. Je suis destinataire de ces dossiers. J’en suis même une destinataire autorisée, contrairement à d’autres, qui se procurent ces documents, qui n’ont pas à avoir entre les mains parce que ce sont des documents classifiés.

Bourdin: Mais ce sont des journalistes qui se sont procuré ces documents.

Parly: En infraction de toutes les règles et lois de notre pays.

Bourdin: Bon, que dit cette note?

Parly: Je n’ai pas du tout l’habitude de commenter les notes qui sont classifiées.

Bourdin: Ces journalistes, Florence Parly, ont révélé la teneur de cette note, de ce rapport confidentiel.

Parly: Je n’ai pas de commentaire à faire puisque, comme c’est classifié, on peut révéler des choses, qui ne s’y trouvent pas.

Bourdin: Ce qu’ils ont révélé n’est pas vraiment dans la note?

Parly: Je n’ai rien à dire. J’ai dit que lorsqu’on divulgue des documents classifies, on s’expose à des sanctions, et que ce n’est pas le ministre des armées, que je suis, qui va commenter en affirmant ou confirmant ce qui se trouve dans cette note.

Parly a pris la parole devant l’Assemblée nationale le 7 mai, lors d’une audience de la commission des services armés et de la défense nationale. Non seulement elle a défendu les ventes d’armes à l’Arabie saoudite, mais aussi a déclaré que l’État français devait en général pouvoir vendre des armes aux pays qui commettent des crimes de guerre.

«Une fois la guerre déclenchée, quand nos partenaires utilisent la force d’une manière qui ne nous paraît pas compatible avec le droit international humanitaire, nous ne manquons pas de le leur dire. Devrions-nous pour autant cesser toute vente d’armement à ces pays et interrompre le service des équipements déjà fournis? Je crois plutôt que dans cette situation, il nous faut exercer notre discernement».

Elle a ajouté: «Par ailleurs, ce serait porter un coup sérieux à la réputation de la France auprès de ses clients, en donnant l’impression qu’elle peut lâcher ses partenaires en cours de route si elle désapprouve telle ou telle de leurs actions. Enfin, ce serait fragiliser tout un écosystème industriel et technologique dans notre pays, qui dépend de nos contrats à l’exportation».

Ces remarques mettent en lumière les véritables considérations qui sous-tendent la persécution des journalistes de Disclose par le gouvernement Macron. L’impérialisme français a participé à de nombreuses guerres néocoloniales illégales au cours des 25 dernières années, dont le viol de la Libye en 2011. La classe dirigeante française se prépare à des guerres qui impliqueraient des crimes d’une ampleur jamais vue au cours de la génération actuelle. Elle sait aussi que la classe ouvrière s’oppose massivement au militarisme et à la guerre. Elle s’oppose également aux inégalités sociales et à la pauvreté, ce qui s’est traduit par les protestations massives des six derniers mois par les gilets jaunes. Elle est donc en train de construire un État policier pour réprimer toute opposition.

Will Morrow

Lire aussi:

Macron s’apprête à poursuivre en justice les journalistes qui ont révélé des ventes d’armes françaises dans la guerre au Yémen (27 avril 2019)

Des documents fuités impliquent le gouvernement français dans les crimes de guerre commis au Yémen (27 avril 2019)

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 30 mai 2019

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Jeudi dernier, l’armée américaine a demandé à ses partisans dans un tweet, «Comment le service vous a-t-il affecté ?» Il s’agissait d’un message de routine sur Twitter à l’approche du jour du Souvenir afin de susciter des réactions qui glorifieraient l’armée américaine et les anciens combattants qui ont servi de chair à canon pour l’armée. Cela ne s’est pas déroulé comme prévu et s’est retourné contre elle de façon spectaculaire.

Plus de 10.000 personnes ont répondu par une vague de sentiments antiguerre décrivant les horreurs, les crimes et les ravages de la guerre. Beaucoup de commentaires sont des histoires pénibles de vies complètement détruites, un portrait d’une population entière marquée et détruite par le militarisme américain au pays et à l’étranger.

«Votre impact est que vous êtes un culte de la mort», a déclaré San sans détour sur la machine de guerre américaine dans une réponse typique.

Credit: US Marines

Suicides, syndrome de stress post-traumatique (SSPT), cauchemars, dépression, troubles bipolaires, anxiété, alcoolisme, toxicomanie, éruptions de violence, agression sexuelle, divorces, problèmes de santé liés à l’exposition aux armes chimiques comme l’agent orange, échecs de l’administration des anciens combattants, familles et amis détruits sur plusieurs générations, et pire, voilà quelques-unes des milliers d’histoires dévastatrices présentées dans les réponses qui sont données en annexe.

«Beaucoup d’entre nous ne sont que l’ombre de ce que nous étions avant», a déclaré un ancien combattant.

Shane a parlé des suicides d’anciens combattants et des déploiements militaires interminables. «Mon meilleur ami du lycée, dit-il, a été privé de son traitement de santé mentale et forcé de retourner en Irak pour une troisième fois, malgré un traumatisme si profond qu’il pouvait à peine fonctionner. Il a pris une poignée de somnifères et s’est tiré une balle dans la tête deux semaines avant son déploiement.»

«Je n’ai pas servi, mais mon frère l’a fait», a fait remarquer Penny, racontant la tragédie qui en a résulté pour sa famille. «Il n’est jamais allé à la guerre, mais il s’est quand même tiré une balle dans la tête. C’était la personne la plus douce que je connaisse et l’armée américaine l’a ruiné.»

Les anciens combattants continuent de se suicider à des niveaux alarmants aux États-Unis. Plus de 52 pour cent des suicides militaires surviennent parmi les vétérans de l’armée américaine. Une étude menée par l’Administration des anciens combattants en 2016 a révélé qu’environ 20 anciens combattants meurent chaque jour, soit un toutes les heures ou à peu près. Selon l’Association des anciens combattants de l’Irak et de l’Afghanistan (IAVA), plus de 5500 anciens combattants se sont suicidés en 2018.

Alice a parlé des traumatismes générationnels causés par les cicatrices des guerres passées qui remontent à la Seconde Guerre mondiale. «Mon grand-père a combattu en Birmanie avec l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale», écrit Alice. «Il a vécu une longue vie et a eu 7 enfants. Mais en vieillissant, les cauchemars sont arrivés. Ça m’a brisé le cœur de l’entendre me dire, les larmes aux yeux, qu’il rêvait chaque nuit de tout ce qu’il avait vu.»

Chanda a parlé de traumatismes similaires qui touchent des familles entières. «Mon oncle était de l’US Airforce, dit-elle, et il est rentré chez lui avec un SSPT qui n’a pas été traité pendant près de 50 ans et qui a eu un impact sur sa capacité à être l’homme de famille qu’il devait être. Maintenant, il souffre de graves effets secondaires physiques dus à l’exposition à l’agent orange. Ça a affecté toute ma famille.»

«La véritable chose à faire», remarque Brett sur le tweet de l’armée, «pour les gens des médias sociaux et du marketing à l’origine de cette idée géniale serait de cesser de vendre et de glorifier le service militaire aux jeunes défavorisés de 18 ans tout en couvrant les conséquences et les effets secondaires.»

Un marine américain monte la garde près d’un puits de pétrole en feu dans le champ pétrolier de Rumaila, Irak, avril 2003, Photo: US Navy

Un autre commentateur a déclaré: «Les soldats ne sont pas vos pions que vous achetez. Ce ne sont pas des dommages collatéraux. Ils font partie de la famille. Ce sont des amis. Nos mères et nos pères. Nos frères et sœurs. Nos tantes, oncles et cousins. Ils sont plus qu’un numéro de série. Même s’ils ne perdent pas la vie, ils se perdent eux-mêmes.»

«L’armée américaine profite de ceux qui sont coincés dans des circonstances malheureuses», a dit un autre, tandis que l’élite continue de profiter de son «service» et de récolter ses bénéfices. «J’ai le coeur brisé pour chaque vétéran de ce fil assez courageux pour dire les vérités douloureuses de ce culte misérable.»

L’omniprésence du sentiment antiguerre est également détaillée dans des commentaires comme les suivants: «Mon grand-père a été appelé de Porto Rico contre son gré et emmené en Corée pour faire la guerre pour les États-Unis et quand il ne voulait pas tuer des gens qui ne lui avaient rien fait, il a été jeté en prison.»

Une personne à Sacramento, en Californie, a parlé des crimes de l’impérialisme américain au Vietnam et de l’impact continu de cette guerre: «Mes grands-parents ont servi de pions à l’armée américaine pour les aider sur la piste de Hô Chi Minh. Ils ont servi dans la guerre secrète, et quand les États-Unis ont perdu la guerre du Vietnam, les Hmong ont été laissés pour morts dans le génocide. À ce jour, les vétérans Hmong ne sont toujours pas reconnus par l’armée américaine.

«Plus de la moitié de mon peuple a été exterminé par le génocide. Seulement environ un tiers de ce qui était autrefois la population Hmong est dispersé dans la diaspora à travers le monde. Ils sont beaucoup aux États-Unis qui vivent le SSPT par l’alcoolisme, la toxicomanie, et la dépendance à l’opium.

«Et les enfants doivent ramasser les morceaux et naviguer dans un passé, un présent et un avenir délicats pour les années à venir tout en héritant d’un traumatisme intergénérationnel.»

«Mon père était dans les marines dans les années 2000», a expliqué une autre personne. «Il a servi en Irak et a été libéré honorablement. Il m’a beaucoup parlé de sa fierté, mais j’ai passé beaucoup de temps à pleurer au cours des deux derniers mois. Comment peut-on parler d’orgueil après sa mort?

«Il luttait contre le SSPT depuis si longtemps. Il était aux prises avec la dépendance et l’alcoolisme, mais il voulait tellement obtenir de l’aide. Il a passé toute l’année 2018 à vouloir aller mieux. Il est allé en désintoxication et a pris tous les médicaments qu’on lui avait prescrits, mais il y avait tellement de médicaments.

«Il a glissé. Il a fait l’erreur d’alimenter sa dépendance. Une fois. Mais avec tous les médicaments qui lui ont été prescrits, son corps ne pouvait pas supporter ça. Il était donc sous respirateur et ils l’ont débranché une semaine plus tard, après lui avoir donné 72 heures.

«Prenez mieux soin de nos anciens combattants. Il n’avait que 37 ans. Ma mère faisait tout avec lui et maintenant elle a l’air si seule. Le calendrier qu’il a accroché est toujours là, dans notre cuisine. C’est toujours écrit décembre 2018. Personne n’y a touché.»

Soldats américains dans une fusillade à Bagdad en 2007, Photo: Armée américaine

Nathan parla des guerres qui s’annonçaient avec une violence dévastatrice: «Vous faites tous du monde un endroit effrayant en jouant à des jeux de guerre qui tuent des gens à l’étranger, puis les malheureux retournent chez eux, trouvent un emploi dans la police et se font tuer dans nos communautés». Plus d’un millier d’Américains sont tués par la police chaque année, reflet de la brutalisation et de la militarisation de toutes les formes de vie sociale.

Karen a parlé des mensonges et des tromperies impérialistes utilisés pour poursuivre ces guerres illégales. «Mon oncle est toujours porté disparu au Laos», dit-elle. «Il était impliqué dans une guerre secrète, et l’armée a menti à ma famille sur son emplacement. Il avait 20 ans, trop jeune pour voter à l’époque.

«Les États-Unis n’ont rien appris et continuent à fabriquer la guerre sous de faux prétextes.»

Cette vague de rage sur Twitter met en lumière le sentiment antiguerre latent, mais profond de la population américaine, qui ne trouve aucune expression dans le système politique actuel ou dans les grands médias. Un quart de siècle de guerres d’agression sans fin pour compenser le déclin du capitalisme américain sur la scène mondiale a fait des ravages tant au pays qu’à l’étranger.

Une série ininterrompue d’administrations des deux partis du grand capital, de George H.W. Bush à Bill Clinton, George W. Bush, Barack Obama et Donald Trump, sont les architectes principaux d’un maelström de violence impérialiste sanglante déclenchée dans le monde depuis la dissolution de l’URSS en 1991.

Alors que George H.W. Bush était inhumé, louangé par l’establishment politique, des milliers d’anciens combattants et des millions de civils ont été marqués par la première guerre du Golfe qu’il a supervisée. Après les crimes de Clinton en Irak et en Yougoslavie, l’administration de George W. Bush a commencé la «guerre sans fin contre le terrorisme» qui a tué et mutilé des millions de personnes en Irak et en Afghanistan, détruit et déstabilisé toute une civilisation et une région. Près de deux décennies plus tard, l’armée américaine continue d’occuper les deux pays.

Des millions de personnes espéraient qu’Obama mettrait fin aux guerres de l’administration Bush, mais il a étendu le théâtre de la guerre à plus de sept pays, dont la Libye et la Syrie, et a mené des frappes de drones meurtrières dans plusieurs pays qui ont tué un nombre incalculable de civils innocents. Trump a poursuivi les guerres d’Obama, maintenant une occupation illégale du nord-est de la Syrie et déployant 1500 soldats supplémentaires au Moyen-Orient pour menacer l’Iran.

Le sociocide sans fin perpétré par l’impérialisme américain a déclenché la plus grande crise de réfugiés au monde depuis la Seconde Guerre mondiale et menace le monde avec le déclenchement d’une troisième guerre mondiale avec les puissances nucléaires de la Russie et de la Chine.

Des criminels de guerre comme George W. Bush, Clinton, Obama et Trump n’ont pas encore été tenus responsables de leurs crimes; au lieu de cela, ils sortent libres et ont fait fortune depuis leur départ du pouvoir. Contrairement aux procès nazis de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale, les crimes de l’impérialisme américain n’ont pas été reconnus.

Pour leur part, les médias américains, y compris le New York Times, le Washington Post, CNN, Fox News et le reste des grands médias servent d’instruments de propagande pour l’élite dirigeante américaine, justifiant les mensonges et les faux prétextes fabriqués pour poursuivre les guerres criminelles d’agression et étouffer le sentiment antiguerre de masse dans la population.

Ce sont les crimes que Julian Assange, WikiLeaks et la lanceuse d’alertes Chelsea Manning ont courageusement révélés au risque de leur vie. Pour avoir révélé les vérités sur les guerres de l’impérialisme américain, une responsabilité que les médias ont complètement abdiquée, Manning et Assange ont été jetés en prison. Ils sont victimes d’une machination politique massive de la part de la classe dirigeante américaine, qui cherche maintenant à criminaliser la liberté de la presse par le biais de la loi sur l’espionnage.

Comme le révèlent les commentaires en réponse au message Twitter de l’armée américaine, il y a un puissant dégoût pour la guerre et un sentiment antiguerre de masse aux États-Unis. Les crimes de l’impérialisme américain sont avant tout le produit de l’échec du système capitaliste mondial, de la croissance des inégalités sociales et de la division continue du monde en États-nations concurrents.

George Marlowe

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 27 mai 2019

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Un tribunal de district suédois a rejeté cette semaine une demande des avocats de Julian Assange visant à retarder l’audience du 3 juin sur de fausses allégations d’inconduite sexuelle. Le tribunal a rendu la décision en dépit du fait que le fondateur de WikiLeaks est trop malade pour consulter ses avocats. En outre, il n’a pas reçu de traduction en anglais du mandat d’arrêt ou d’éléments de preuve à l’appui contre lui.

L’audience doit décider si la Suède détiendra officiellement Assange in absentia.

La décision du tribunal suédois suit de près l’annonce par les États-Unis de 17 nouvelles accusations d’espionnage contre Assange. Le cumul des charges pourrait entraîner une peine d’emprisonnement de 170 ans. Si les accusations portées par les États-Unis visent à abolir la liberté de la presse et la liberté d’expression, la tentative d’extradition de la Suède vise elle, à noircir le nom d’Assange et à trouver un autre itinéraire pour l’expédier dans une prison américaine.

Per Samuelson, l’un des avocats suédois de la défense d’Assange, a déclaré mardi à Reuters qu’il avait demandé que l’audience soit reportée après avoir rencontré Assange vendredi à la prison de Belmarsh. L’une des raisons de cette demande, dit-il, était que «l’état de santé d’Assange vendredi était tel qu’il n’était pas possible de mener une conversation normale avec lui».

«Je voulais dire par là qu’elle devrait être reportée jusqu’à ce que j’aie eu le temps de le rencontrer de nouveau et de passer en revue les questions de manière apaisée», a ajouté Samuelson. «J’ai suggéré de ne pas fixer de date précise, mais le tribunal de district a décidé maintenant qu’il n’en sera rien».

Selon des informations non confirmées de la presse suédoise et danoise, Assange a été transféré à l’hôpital de la prison.

Stefania Maurizi, journaliste italienne qui collabore étroitement avec Assange et WikiLeaks depuis dix ans, a tweeté mardi matin: «Suite aux articles de presse sur la santé de Julian Assange, je viens d’apprendre qu’il est très malade et qu’il est très inquiet. C’est un véritable scandale de voir comment sa santé a été minée par la détention arbitraire de la Suède et du Royaume-Uni. Je NE me tairai PAS».

Renata Avila, une avocate de premier plan spécialisée dans les droits de l’homme et la technologie qui a également travaillé avec WikiLeaks, a écrit: «Il avait besoin d’une aide urgente après son expulsion de l’ambassade. Au lieu de cela, on ne lui a pas permis de recevoir un traitement médical adéquat».

Avila a noté que le journaliste azerbaïdjanais Emin Huseynov avait passé environ un an à l’ambassade de Suisse à Bakou pour échapper aux persécutions politiques. Après cela, il lui avait fallu «au moins un mois de traitement pour revenir à la normale». Faisant allusion à la détention prolongée d’Assange à l’ambassade d’Équateur à Londres, Avila a commenté «Imaginez cela après 7 ans! Brutal».

En 2016, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a déterminé qu’Assange avait été détenu arbitrairement à l’ambassade d’Équateur. Son séjour dans l’ambassade avait continué suite à des menaces de la police britannique de l’arrêter sur de fausses infractions aux conditions de sa liberté sous caution et devant la perspective de son extradition aux États-Unis.

Pendant son séjour à l’ambassade, Assange a été privé de la lumière directe du soleil et n’a pas pu recevoir de soins médicaux appropriés, dont un traitement pour une grave infection dentaire. Les médecins qui l’ont examiné à plusieurs reprises ont averti que la détention d’Assange causait des dommages potentiellement irréversibles à sa santé.

Depuis sa condamnation par un juge britannique peu après son arrestation le 11 avril, Assange est détenu dans des conditions très dures à la prison de Belmarsh. Il est limité à deux visites personnelles par mois. Ses communications sont soumises à de sévères restrictions.

Les conditions auxquelles il est confronté condamnent de façon accablante ceux qui ont déclaré pendant des années, y compris une foule de journalistes du Guardian, qu’Assange pouvait sortir de l’ambassade et bénéficier d’un traitement humain aux mains des autorités britanniques.

Le rejet de la demande de report de l’audition en Suède jette aussi une lumière supplémentaire sur la vendetta juridique internationale à laquelle Assange est soumis.

Selon les publications suédoises TT et Upsala Nya Tidning, Samuelson a déclaré qu’il ne pouvait communiquer avec Assange que par le biais de visites personnelles à Belmarsh. Il doit organiser ces visites bien à l’avance ou via des conférences depuis un cabinet juridique de Londres. Il ne peut pas contacter Assange depuis la Suède.

L’avocat aurait également déclaré que la Suède procéderait à l’audience du 3 juin devant le tribunal de district d’Upsalla, malgré que le mandat d’arrêt contre Assange et les élément de preuves à l’appui ne seront pas traduits en anglais avant le 10 juin.

Selon Upsala Nya Tidning, la procureur-en-chef adjointe de Suède Eva-Marie Persson avait joyeusement déclaré qu’il était seulement nécessaire qu’Assange soit informé du contenu du mandat. Il n’avait pas besoin d’en recevoir une copie dans une langue qu’il pouvait lire.

Ce rejet des droits juridiques fondamentaux d’Assange souligne le caractère politiquement motivé de la procédure suédoise. Persson avait déjà insisté pour que l’audience soit convoquée le 22 mai, avant même qu’Assange ait eu l’occasion de parler à ses avocats.

Les procureurs suédois ont rouvert l’«enquête préliminaire» au début du mois, après l’avoir abandonnée deux fois au cours des huit dernières années. Ils n’ont pas indiqué que de nouveaux éléments de preuve avaient été obtenus.

Les avocats de WikiLeaks ont déjà publié de nombreux documents pour démontrer que les allégations contre Assange avaient été concoctées. Des SMS de l’une des prétendues «victimes» en 2010, par exemple, déclaraient : «Je ne voulais pas porter d’accusations contre JA» et «c’est la police qui a inventé les accusations».

En 2017, les procureurs suédois ont abandonné l’enquête. Ils n’avaient jamais porté d’accusations officielles. Les allégations selon lesquelles ils n’ont pas pu poursuivre l’affaire parce qu’Assange se trouvait à l’ambassade d’Équateur à Londres étaient une fraude. Depuis 2010, les autorités suédoises ont inculpé par contumace un certain nombre de personnes se trouvant à l’étranger.

Les documents obtenus par la journaliste italienne Maurizi dans le cadre de demandes d’accès à l’information en 2017 et 2018 ont encore plus discrédité l’enquête. Ils ont démontré que le British Crown Prosecution Service (CPS) avait insisté en 2010 et 2011 pour que les autorités suédoises rejettent l’offre d’Assange de l’interroger en Grande-Bretagne ou par liaison vidéo, plutôt que de demander un mandat d’arrêt pour son extradition.

Ils ont également montré que les Suédois avaient envisagé d’abandonner l’enquête dès 2013. Le CPS britannique a insisté pour qu’ils continuent, l’avocat principal du CPS qui s’est occupé du dossier d’Assange les mettant en garde :« Ne vous avisez pas de vous dégonfler!!! »

D’autres courriels, dont un du FBI américain, adressé à la procureure suédoise Marianne Nye, ont été supprimés sans explication. Le FBI a joué un rôle central dans la campagne américaine visant à détruire WikiLeaks.

La campagne politique et juridique internationale sans précédent menée contre Assange souligne l’urgence pour les travailleurs, les étudiants et les jeunes de se porter à la défense du fondateur de WikiLeaks. Sa persécution vise à créer un précédent pour la suppression de l’opposition populaire croissante à la guerre, à l’inégalité et à l’autoritarisme.

Le WSWS appelle tous les défenseurs des droits démocratiques en Grande-Bretagne à assister à la prochaine audience d’Assange sur la demande d’extradition américaine, le jeudi 30 mai au Westminster Magistrates Court de Londres. Contactez-nous pour vous impliquer dans la lutte cruciale pour la liberté d’Assange.

Oscar Grenfell

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 29 mai 2019

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Algérie : les caricaturistes et le hirak

mai 30th, 2019 by Ahmed Bensaada

Dans un article dithyrambique publié le 2 mai dernier dans les colonnes de l’Humanité, la journaliste Rosa Moussaoui a encensé certains caricaturistes algériens, les plus en vue dans l’effervescence « révolutionnaire » du moment.  « Crayon au poing, ils brisent tous les tabous, franchissent toutes les lignes rouges », nous dit-elle[1].

Et elle ne pouvait si bien dire. Ils en ont franchi des lignes rouges, mais pas uniquement celles auxquelles elle fait référence dans son panégyrique.

Situons tout d’abord le personnage de l’auteure de l’article. Rosa Moussaoui est reporter (souvent affublée de l’épithète « grand ») à l’Humanité. Très active depuis le début du mouvement de contestation, elle suit de sa prose les évènements politiques qui animent la scène politique algérienne. Prose qui trahit parfois un alignement idéologique tendancieux comme on peut s’en rendre compte à la lecture de ce titre : « En Kabylie, un peuple debout pour ressusciter le pays »[2]. D’ailleurs, n’avait-elle pas affiché son soutien au MAK (Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie) lors de la polémique entourant la participation de ce mouvement à la fête de l’Humanité en 2017[3]?

 

La « grand » reporter nous présente donc trois caricaturistes algériens qui, précise-t-elle, « tiennent la chronique d’une joyeuse révolution ». Il s’agit de Ali Dilem, Hicham Baba Ahmed, alias Le Hic, et Ghilas Aïnouche.

Ali Dilem Le Hic Ghilas Aïnouche

Moussaoui et ces trois dessinateurs ont un trait commun : celui de parler au nom du « peuple », tout en galvaudant ce noble concept.

Voici trois caricatures qui illustrent ce propos :

Ali Dilem
Le Hic
Ghilas Aïnouche

Premièrement, ils utilisent la notion de « peuple » comme s’il s’agissait d’un bloc monolithique, sphérique, uniforme et lisse.

Ensuite, ils se donnent la liberté de parler au nom de ce « peuple », comme s’ils en étaient les porte-paroles officiels, mandatés par je ne sais quelle institution fictive.

Finalement, ils utilisent la voix de ce « peuple » pour faire passer leurs idées personnelles ou l’idéologie de leur groupe d’appartenance.

Cette légèreté, voire frivolité, avec laquelle ces caricaturistes s’approprient la voix d’une nation soulèvent de nombreuses questions importantes concernant le hirak.

Qui compte le nombre de manifestants? Qui recense les messages scandés ou écrits sur les banderoles ou pancartes? À partir de quel nombre de slogans le message devient celui du peuple? Est-ce qu’un slogan prononcé le vendredi équivaut à celui scandé un autre jour de la semaine? Est-ce qu’un slogan véhiculé par les médias sociaux équivaut à celui porté à bout de bras dans la rue? Est-ce que le message d’une pancarte bien visible sur les escaliers de la Grande Poste à Alger est équivalent à un autre exhibé dans une petite ville de province?  Lorsque certaines chaînes de télévision affirment que le « peuple » veut ceci ou cela, sur quel travail scientifique se sont-elles basées?

Il est clair qu’au début du soulèvement populaire, il n’y avait aucune d’ambiguïté sur la demande du peuple : « Pas de 5e mandat ». L’adhésion de la population était unanime car la demande était simple, compréhensible et juste.

Mais à mesure que l’inflation des demandes a progressé, les réponses se sont multipliées et l’unicité des voies de sortie de crise a disparu.

Prenons pour exemple la position actuelle des citoyens vis-à-vis de l’institution militaire : la scission du hirak sur ce point est bien consommée. On n’est plus sur la longueur d’onde de l’unanimisme initial : « Djeich Chaab Khawa Khawa » (Armée Peuple Frères, Frères).

Que veut alors dire la notion de « peuple » à ce moment? Un groupe qui a un accès facile aux médias? Un groupe qui arrive à mobiliser plus de personnes sur le terrain? Un groupe qui produit plus de décibels dans les manifestations? Un groupe plus organisé et mieux formé pour véhiculer son idéologie? Un groupe qui a plus de moyens financiers?

Et ces questions se posent aussi pour les caricaturistes qui doivent, par honnêteté intellectuelle et éthique journalistique refléter le débat tel qu’il est vécu par les citoyens.

Pour bien comprendre l’orientation idéologique de ces caricaturistes qui parlent au nom d’un « certain peuple », il est essentiel et judicieux de nous intéresser à chacun d’eux.

Ali Dilem

Le plus influent d’entre eux est très certainement Ali Dilem. J’en veux pour preuve le nombre de câbles Wikileaks américains qui citent son nom : pas moins de dix!

Dans le câble 08ALGIERS504_a (daté du 5 mai 2008), on peut voir à quel point il est apprécié par les diplomates américains en poste à Alger :

« Dans le cas de Liberté, la plupart des lecteurs aujourd’hui ne regarde pas la une du journal en premier, mais la dernière page pour savourer la caricature quotidienne de Dilem qui est souvent une critique caustique du gouvernement ».

Mais cette remarque ne relève pas uniquement de l’admiration candide. Des contacts ont bien eu lieu entre le caricaturiste et les fonctionnaires de l’ambassade américaine comme clairement mentionné dans le câble 09ALGIERS370_a (daté du 13 avril 2009) :

« Le caricaturiste politique Ali Dilem nous a dit que les bureaux de vote qu’il a visité avec un journaliste français étaient presque vides. Dans un cas, il a rencontré un chômeur qui a déclaré qu’il votait parce qu’on lui avait demandé de présenter sa carte d’électeur afin d’obtenir un passeport ».

Un caricaturiste algérien qui « dit » des choses aux diplomates américains en poste à Alger durant des élections présidentielles algériennes? Comment peut-on appeler cela? Je vous laisse le soin d’y répondre.

Dilem fait partie de « Cartooning For Peace » (CFP – Caricature pour la paix), organisme qui se définit comme « un réseau international de dessinateurs de presse engagés qui combattent, avec humour, pour le respect des cultures et des libertés ». C’est sans doute pour cette raison qu’on l’a vu officier sur TV5 aux côtés de deux autres caricaturistes pour la paix : le Français Plantu (fondateur de CFP) et l’Israélien Kichka.

Plantu, Dilem, Nadia Khiari (alias Willis From Tunis) et Kichka: quatre membres de “Cartooning For Peace” au 66e Festival de Cannes.

C’est aussi dans ce cadre que Dilem s’est rendu en Israël avec ses deux compagnons de TV5. Dans la vidéo immortalisant la visite[4] on le voit rire à éclats devant un dessin de l’israélien Shay Charka (membre de CFP) véhiculant des stéréotypes négatifs et tendancieux sur les Palestiniens (voir ci-après). Précisons que Charka est un caricaturiste sioniste faisant partie d’une « armée » de dessinateurs israéliens qui luttent contre la campagne internationale BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions)[5].

-Papa, peux-tu fabriquer une fusée qui peut aller sur la lune?

-Y a-t-il des Israéliens sur la lune ?! Alors pourquoi? Pense de manière productive!

Ensuite, arrivé devant le mur des lamentations, il fait une déclaration stupéfiante qu’il est important de reporter au complet tellement elle représente la quintessence de la propagande sioniste :

« Pour quelqu’un qui a grandi dans la haine de l’autre, la haine du juif, en fait la haine de ce qu’il ne connait pas, de ce qu’il a ignoré et dans l’acceptation de tout ce qu’on lui foutait dans le crâne… Ça donne pas envie ici d’être terroriste, ça donne pas envie de haïr l’autre, ça donne pas envie de, de…Ça donne envie d’aimer, de connaitre… ».

No comment!

Vidéo de la visite

La vidéo se termine avec des notes mélodieuses de piano et une danse de notre illustre caricaturiste, bras dessus, bras dessous, avec un personnage portant une kippa qui doit connaitre et, surtout, aimer beaucoup de Palestiniens!

Une relation singulière relie nos caricaturistes à Charlie Hebdo comme nous allons le constater par la suite. À peine un mois après l’attentat contre ce journal satirique, Dilem a rejoint son équipe de dessinateurs. À la question : « Qu’aviez-vous pensé à l’époque de la publication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet ? », il répondit : « Je savais qu’ils s’exposaient à des réactions. Je savais qu’on ne pouvait pas s’amuser avec l’image du Prophète aux yeux de certains. Mais en tant que professionnel de la caricature, je me disais aussi que c’était un sujet comme un autre, et qu’il ne fallait pas s’arrêter à ce qui est considéré comme sacré […][6].

Dilem a reçu de nombreuses distinctions soulignant la qualité de son travail, mais c’est la France qui l’a le plus gâté. En 2010, il a reçu les insignes de Chevalier des Arts et Lettres à l’ambassade de France à Alger, des mains de Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes et en présence de l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt[7].

Noëlle Lenoir et Ali Dilem

Rappelons que l’Ordre des Arts et des Lettres (qui comprend trois grades) est une décoration honorifique française qui, gérée par le ministère de la Culture, récompense « les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde ».

En 2017, notre caricaturiste a été promu au rang d’Officier des Arts et des Lettres par la présidence de la République française.

Ambassade de France à Alger : Bernard Émié, ambassadeur, et Ali Dilem

Dans un livre qu’il a consacré à Ali Dilem, son ami Mustapha Benfodil cite Mohamed Benchico, présenté comme le maître à penser du caricaturiste: « Dilem a une âme de justicier. Il ne dessine pas pour passer le temps mais pour faire mal, pour écorcher les crapules et les puissants »[8] .

Avec ce qu’on vient de voir sur le trajet de Dilem, une question se pose : qui sont les crapules et qui sont les puissants?

Le Hic

La caricature du Hic qui figure au début de cet article pose de nombreux problèmes. En effet, en plus de discourir au nom du peuple comme mentionné précédemment, l’auteur fait preuve d’une totale ignorance en matière de géostratégie, de techniques de déstabilisation des pays ou de révolutions non-violentes. Pourtant, ce ne sont pas les exemples qui manquent depuis quelques décennies. Mais, vous allez me dire, on ne peut pas demander à un caricaturiste de faire rire et d’être versé dans les sciences demandant un peu de sérieux. À moins, bien sûr, d’exceller dans l’art de la dissimulation et dans la dextérité du mensonge par omission.

Le plus grave, cependant, dans ce dessin, c’est son indécence. Le « digitus impudicus » ou doigt d’honneur est un geste obscène. Avec cette caricature, Le Hic a non seulement usurpé l’identité du peuple, mais lui fait faire des gestes grossiers et orduriers qui ne concernent que sa personne!

Ce n’est certainement pour des dessins de ce genre que Le Hic fut « élevé », en 2016, au rang de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres des mains de Bernard Émié, à la villa des Oliviers, résidence de l’ambassadeur de France à Alger[9].

Vidéo de l’événement

Ambassade de France à Alger : Bernard Émié, ambassadeur, et Hicham Baba Ahmed (Alias Le Hic)

Notons, que tout comme Dilem, Le Hic est membre de « Cartooning For Peace ». Cependant, il n’a pas collaboré avec Charlie Hebdo, mais reconnait avoir rencontré et travaillé avec Charb et Wolinski[10], deux dessinateurs vedettes du magazine humoristique français, qui ont perdu la vie lors des attentats de janvier 2015.

Petite précision: Bernard Émié, l’ambassadeur qui a décoré Dilem et Le Hic, a été nommé en 2017 par le président Emmanuel Macron à la tête de la direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), en remplacement d’un autre ancien ambassadeur de France en Algérie (2006-2008), M. Bernard Bajolet[11].

Ghilas Aïnouche

La palme de l’indécence, de l’impudeur et du mauvais goût revient sans aucun doute à Ghilas Aïnouche. Scatologie, obscénité, racisme, tout y passe! Comparé à ceux de Aïnouche, le dessin du Hic discuté auparavant passerait pour celui d’un enfant de chœur.

Il faut savoir qu’en humour, lorsque le talent fait défaut, on se focalise sur ce qui se trouve en dessous de la ceinture ou bien sur ce qui se passe dans les toilettes.

Lorsque la députée Naima Salhi, fidèle représentation de la décadence politique qu’a connue l’Algérie ces dernières années, a tenu des propos choquants sur les Kabyles et leur langue, une monumentale levée de boucliers s’en est suivie. Aïnouche, quant à lui, a choisi de réaliser plusieurs caricatures de la députée où les matières fécales sont à toutes les sauces! À donner la nausée!

Pour voir les caricatures scatologiques de Aïnouche

(à vos risques et périls!)

Sur ce sujet, Dilem s’est aussi laisser aller au dessin facile, mais comme produit biologique, il a préféré les crachats aux excréments.

Allons, « chevalier » ou plutôt « officier » des Arts (avec un A majuscule), un peu de retenue digne de votre rang! On peut exprimer notre mécontentement de manière plus civilisée! N’est-ce pas vous qui avez déclaré à votre ami Mustapha Belfodil : « Le danger pour nous, et je ne parle pas que pour la caricature, c’est que, à force de vouloir trop en faire, on en fait trop. Il faut que ce qui est irrespectueux, que ce qui est irrévérencieux, ne devienne pas vulgaire »[12]?

Et bien, nous y voilà : Dilem, Le Hic et Aïnouche se vautrent dans la vulgarité et ont l’air d’y prendre plaisir!

Non satisfait de ses trouvailles scatologiques, Aïnouche poursuit son périple dans les bas-fonds de la caricature en s’essayant à l’obscénité avec un dessin représentant un migrant africain dans le plus simple appareil, ne laissant aucun doute sur son anatomie masculine stéréotypée.

Pour voir les caricatures obscènes de Aïnouche

(à vos risques et périls!)

Cette obscénité n’est pas nouvelle dans le monde de la caricature algérienne. C’était une pratique usitée par le chroniqueur d’El Watan, Chawki Amari, qui fut, dans une autre vie, caricaturiste. Il avait raconté à Mustapha Belfodil, non sans une pointe de fierté, qu’il s’amusait à cacher des parties intimes masculines dans ses dessins. Pourquoi? Juste comme ça, pour le fun. Et d’ajouter : « Personne ne relevait ces petits détails, et le lendemain, je me marrais. J’étais vraiment un sale gosse »[13].

Dans le cas de Chawki Amari, il est intéressant de noter qu’il a été emprisonné, en 1996, pour une caricature jugée offensante pour l’emblème national [14]. Objet du délit? Le dessin représentait « deux passants qui regardent les drapeaux algériens déployés à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance. « C’est pour le 5 juillet? », demande l’un. « Non, ils étendent le linge sale », répond son compagnon »[15].

Pour voir la caricature délictueuse de Chawki Amari

Mais même en ce temps-là, l’ambassade américaine d’Alger n’était pas très loin des journaux et de leurs caricaturistes.

Des documents d’époque montrent que l’organisme américain Cartoonists Rights Network International (CRNI) avait dénoncé son emprisonnement, ce qui est en soi louable. En effet, selon son site, la mission du CRNI est de « défendre la liberté créative et les droits de l’Homme des caricaturistes éditoriaux menacés dans le monde entier »[16].

Mais le CNRI précise aussi que « pendant son séjour en prison, l’organisme a également envoyé de l’argent à Chawki pour l’aider à payer ses frais légaux »[17].

En regardant de plus près les sponsors de CRNI, on y trouve aussi bien la NED (National Endowment for Democracy) et l’Open Society Foundations du milliardaire américain, George Soros[18], des commanditaires étasuniens très impliqués dans l’« exportation de la démocratie »[19].

Dans une interview accordée au Washington Post, la question suivante a été posée au directeur exécutif du CRNI, Robert Russell : « Avez-vous déjà travaillé en collaboration avec le Département d’État, des ambassadeurs ou d’autres agences / départements américains pour atteindre vos objectifs dans le monde entier? [] ». Ce à quoi il répondit : « Nous sommes toujours prêts à travailler avec un ambassadeur ou même un bureau au Département d’État [] »[20].

D’ailleurs, après cette affaire, certains câbles Wikileaks ont révélé une proximité entre l’ambassade américaine à Alger et Chawki Amari, El Watan (où il travaille actuellement avec Le Hic) ainsi que son ancien directeur Omar Belhouchet[21].

Mais ça, c’est une histoire qui mériterait qu’on y consacre plus de temps.

Revenons à Ghilas Aïnouche. Certaines de ses caricatures dénotent une affinité non dissimulée avec le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), affinité partagée avec Rosa Moussaoui qui a encensé le jeune caricaturiste dans son article.

Ferhat Mehenni : président du MAK

Abassi Madani : cofondateur du Front islamique du salut (FIS)

Cette sympathie pour la cause sécessioniste du MAK a été confirmée lors d’un voyage effectué par Aïnouche en 2017 aux États-Unis, invité par le Département d’État. Il y a défendu la liberté d’expression pour les militants du MAK « constamment harcelés et leurs passeports bloqués »[22].

Et le MAK le lui rend bien. Lorsque Aïnouche a été victime de violence policière lors d’une manifestation interdite, le président du MAK, Ferhat Mehenni, lui a personnellement téléphoné pour s’enquérir de sa santé et l’assurer de son soutien[23].

Il est indéniable qu’une des conséquences fâcheuses du hirak est la tension actuellement perceptible entre certains citoyens kabyles et le reste des Algériens. Le MAK, naguère imperceptible dans la vie politique du pays, a repris du poil de la bête avec ses idées toxiques. Ferhat Mehenni s’est même fait inviter à l’université de Tizi-Ouzou pour disserter, par vidéoconférence, rien de moins que du « combat kabyle face à l’Algérie »[24]. Jamais cette tension n’a été aussi exacerbée, très certainement instrumentalisée aux dépens de la cohésion de la nation algérienne. Le plan Yinon[25] pour l’Algérie serait-il activé via le MAK en cette période d’instabilité politique? Rappelons que, tout comme Dilem, Mehenni s’est rendu en Israël, s’y est entretenu avec des politiciens de haut rang de l’État hébreu et, dans une entrevue au Jérusalem Post, il n’a pas été avare de formules aplaventristes et provocatrices. Florilège : « Les Kabyles ont toujours eu de la sympathie pour Israël »; « Pendant la guerre de 1967, la Kabylie a applaudi à la défaite des Arabes»; « Les femmes kabyles ne portent pas de voile et les Kabyles vivant en France n’ont pas participé à la campagne de légalisation du voile dans les écoles »; « Liberté pour la Kabylie, éternité pour Israël »[26].

Entrevue de Ferhat Mehenni à la chaine israélienne Guysen TV lors de son séjour en Israël

Sur les médias sociaux, cette tension a généré une confrontation orageuse. Pourtant, le hirak n’était-il pas censé nous solidariser contre les politiciens véreux, les voleurs de la richesse de notre pays, les bradeurs de sa souveraineté et les liquidateurs de son unité?

La différenciation entre les Kabyles et le reste de la société algérienne a été poussée par Aïnouche à un niveau jamais atteint. Plus que du racisme, certaines caricatures sont la représentation d’un suprémacisme kabyle. Jugez-en.

Une question se pose là encore: avec quelle procuration, Aïnouche et Mehenni, se permettent-ils de parler au nom de tous les Kabyles?

Dilem s’est lui aussi essayé à la caricature raciste, ce qui lui a valu une volée de bois vert[27].

À l’instar de Dilem et Le Hic, Aïnouche a eu des contacts avec Charlie Hebdo et ses dessinateurs. Il a même été pigiste pour cet hebdomadaire. Dans une entrevue publiée après les attentats de Charlie Hebdo, il a déclaré : « Je ne vois pas comment l’on peut dire que Charlie Hebdo est islamophobe »[28].

Avec toutes ces frasques figurant sur son CV, parions que Aïnouche finira, comme ses ainés, par être invité à la villa des Oliviers pour une solennelle cérémonie où ses faits d’armes chevaleresques seront reconnus, récompensés et applaudis.

En guise de conclusion, mentionnons que toute caricature véhicule, à travers son écorce humoristique, des messages qui sont en phase avec l’orientation du caricaturiste ou du journal qui l’emploie. Il est impératif de retourner chaque caricature et d’en regarder le sceau sur le verso pour en connaitre le commanditaire, le destinataire, la base idéologique ou la vision politique. Ou pourra alors comprendre que la notion galvaudée de « peuple » figurant dans certaines caricatures n’est pas fortuite, bien au contraire.

En ces moments de soubresauts politiques et de tentative d’édification d’une nouvelle république algérienne, les caricaturistes devraient jouer l’apaisement au lieu de pousser à la confrontation.

Cette période nécessite un humour qui nous unit et non un humour qui nous divise, un humour qui construit des ponts et non un humour qui bâtit des murailles.

Ahmed Bensaada


Références

  1. Rosa Moussaoui, « Rire des puissants pour les déboulonner » L’Humanité, 2 Mai 2019, https://www.humanite.fr/algerie-rire-des-puissants-pour-les-deboulonner-671661
  2. Rosa Moussaoui, « En Kabylie, un peuple debout pour ressusciter le pays » L’Humanité, 15 avril 2019, https://www.humanite.fr/algerie-en-kabylie-un-peuple-debout-pour-ressusciter-le-pays-670818
  3. Mohand Beloucif, « Notre mouvement est « pacifique et n’émarge pas aux extrêmes » », Le Matin d’Algérie, 1er novembre 2017, https://www.lematindalgerie.com/notre-mouvement-est-pacifique-et-nemarge-pas-aux-extremes
  4. Dailymotion, « Dilem, Kichka et Plantu à Jérusalem », https://www.dailymotion.com/video/xe9lzn
  5. The Times Of Israel, « Une armée de caricaturistes lutte contre le mouvement BDS », 13 juillet 2015,https://fr.timesofisrael.com/une-armee-de-caricaturistes-lutte-contre-le-mouvement-bds/
  6. Hassina Mechaï, Interview : « « Charlie Hebdo » – L’Afrique réagit – Dilem : « Ce n’est pas qu’un titre, c’est un esprit » », Le Point, 8 janvier 2015, https://www.lepoint.fr/culture/charlie-hebdo-l-afrique-reagit-dilem-ce-n-est-pas-qu-un-titre-c-est-un-esprit-08-01-2015-1894965_3.php
  7. Liberté, « Dilem : “Je suis fier d’être Algérien” – Il a été fait hier chevalier des arts et des lettres », 12 octobre 2010, https://www.djazairess.com/fr/liberte/144123
  8. Mustapha Benfodil, « Dilem Président », Editions INAS (Alger), 2008, p. 3
  9. Ambassade de France à Alger, « Décoration d’Ahmed Bedjaoui et Hicham Baba Ahmed », 16 mai 2016, https://dz.ambafrance.org/Decoration-d-Ahmed-Bedjaoui-et-Hicham-Baba-Ahmed
  10. Nejma Rondeleux. « Le Hic: « J’ai été triplement choqué: en tant qu’être humain, dessinateur et Algérien » », Huffington Post Maghreb, 8 janvier 2015, https://www.huffpostmaghreb.com/2015/01/08/le-hic-charlie-hebdo_n_6436212.html
  11. Amine Kadi, « Bernard Emié, de l’ambassade d’Alger à la DGSE », La Croix, 27 juin 2017, https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Bernard-Emie-lambassade-dAlger-DGSE-2017-06-27-1200858548
  12. Voir réf. 8, p. 7
  13. Ibid., p. 99
  14. José Garçon, « Crime de lèse-drapeau en Algérie – Pour un dessin « offensant », Alger maintient en prison le journaliste Chawki Amari », Libération, 13 juillet 1996, https://www.liberation.fr/planete/1996/07/13/crime-de-lese-drapeau-en-algeriepour-un-dessin-offensant-alger-maintient-en-prison-le-journaliste-ch_177216
  15. Ibid.
  16. Cartoonists Rights Network International, « Who we are – Our mission », https://cartoonistsrights.org/mission/
  17. Cartoonists Rights Network International, « Middle East/North Africa », http://archive.cartoonistsrights.org/cartoonists_rights_free_speech.php–id=33.html
  18. Cartoonists Rights Network International, « Foundation and corporate support », https://cartoonistsrights.org/category/cnri-gratefully-acknowledges-major-support-from/
  19. Pour plus de détails, lire : Ahmed Bensaada, « Huit ans après : la « printanisation » de l’Algérie », ahmedbensaada.com, 4 avril 2019, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=475:2019-04-04-22-50-13&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
  20. Michael Cavna, « Crowdfund of the week: Free-speech cartoonists vs. legal and mortal threats », Washington Post, 2 avril 2015, https://www.washingtonpost.com/news/comic-riffs/wp/2015/04/02/crowd-fund-of-the-week-free-speech-cartoonists-vs-legal-and-mortal-threats/?utm_term=.0eae6ab200c1
  21. Lire, par exemple, le câble 08ALGIERS388_a: https://wikileaks.org/plusd/cables/08ALGIERS388_a.html ou le câble 08ALGIERS521_a : https://wikileaks.org/plusd/cables/08ALGIERS521_a.html
  22. KDirect.info, « Invité par le Département d’Etat américain à Washington, le dessinateur Ghilas Aïnouche a parlé aussi du MAK », 7 novembre 2017, http://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Fk-direct.info%2F2017%2F11%2F07%2Finvite-par-le-departement-detat-americain-a-washington-le-dessinateur-ghilas-ainouche-a-parle-aussi-du-mak-k-direct%2F
  23. Siwel, « Ghilas Aïnouche agressé : le Président de l’Anavad s’enquiert de son état de santé », 23 juillet 2017, https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:QzrVanxcK3AJ:https://www.siwel.info/ghilas-ainouche-agresse-president-de-lanavad-sencquiert-de-etat-de-sante_49075.html+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=dz
  24. Hakim Megatli, « Université de Tizi Ouzou : Ferhat Mehenni a discouru sur le « combat kabyle face à l’Algérie », Algérie 1, 28 avril 2019, https://www.algerie1.com/actualite/universite-de-tizi-ouzou-ferhat-mehenni-a-discouru-sur-le-laquo-combat-kabyle-face-a-l-algerie-raquo
  25. Pour plus de détails sur le plan Yinon, lire : Ahmed Bensaada, « La géopolitique selon « Arab Idol », Reporters, 13 décembre 2014, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=300:la-geopolitique-selon-l-arab-idol-r&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
  26. Sharon Udasin et Jan Koscinski, « Algeria’s Kabylie craves friendship with Israel », The Jerusalem Post, 27 mai 2012,https://www.jpost.com/Middle-East/Algerias-Kabylie-craves-friendship-with-Israel
  27. Dehbia Ak, « Ali Dilem accusé de « racisme anti-arabe » par des chroniqueurs d’une chaîne privée (VIDÉO) », ObservAlgérie, 19 janvier 2019, https://www.observalgerie.com/actualite-algerie/dilem-ali-une-nouvelle-caricature-secoue-les-medias-algeriens/
  28. Algérie Focus, « Ghilas Aïnouche, caricaturiste algérien : « Je ne vois pas comment l’on peut dire que Charlie Hebdo est islamophobe »», 8 janvier 2015, https://www.algerie-focus.com/2015/01/ghilas-ainouche-caricaturiste-algerien-je-ne-vois-pas-comment-lon-peut-dire-que-charlie-hebdo-est-islamophobe/#sthash.WSQngftu.uxfs
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L’utilisation massive d’antibiotiques sur les animaux d’élevage, mais aussi de fongicides et d’herbicides dans l’agriculture industrielle, est en train d’amoindrir l’efficacité de médicaments qui sauvent des vies humaines. Photo: Getty Images/branex
Ces derniers mois, nous avons été inondés de nouvelles preuves alarmantes sur comment notre société industrielle cause des ravages chez les autres espèces et sur le reste de l’environnement naturel. Pas une semaine ne se passe sans que voie le jour un nouveau rapport mettant en évidence comment la crise climatique induite par l’humain accélère, largement au-delà de ce que les scientifiques prédisaient il y a à peine un an ou deux. En avril de cette année, une équipe de chercheurs ont publié un rapport montrant que 40% de toutes les espèces d’insectes sont en déclin et pourraient s’éteindre au cours des prochaines décennies, avec des conséquences dramatiques pour les écosystèmes dont ils font partie et pour les cultures vivrières qu’ils pollinisent. Un autre rapport indique qu’en France, les populations d’oiseaux ont chuté d’un tiers au cours des quinze dernières années. A présent, une étude globale soutenue par l’ONU – compilée par 145 auteurs experts de 50 pays – a révélé que nous menions plus d’un million d’espèces animales et végétales à l’extinction ; ce qui fait une espèce actuellement en vie sur huit – un processus qui s’accélère également.
Au cœur de toute cette destruction, on ne sait que peu de choses sur ce qui arrive aux micro-organismes invisibles et sur leur rôle dans le maintien et l’équilibre des écosystèmes. Il semble qu’ils seraient capables de se défendre d’une manière qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’humanité. En avril, un rapport soumis au secrétaire général de l’ONU attirait l’attention sur l’escalade de la crise concernant de nouvelles « super-bactéries », qui augmentent la résistance aux médicaments couramment utilisés. Le risque de décès suite à des maladies de nos jours considérées comme facilement guérissables est en passe de devenir une véritable menace car certains médicaments, comme les antibiotiques, cessent tout simplement de fonctionner lorsque les microbes y deviennent résistants. Aujourd’hui, quelque 700 000 personnes meurent chaque année à cause d’une résistance aux antimicrobiens, mais le rapport prévient que d’ici à 2050 plus de 10 millions de personnes pourraient en mourir chaque année, plus que le nombre de personnes actuellement victimes du cancer.
Le développement de la résistance antimicrobienne aux médicaments d’usage courant inquiète les scientifiques et les décideurs politiques depuis un certain nombre d’années déjà. La demande de médicaments antimicrobiens augmente et, avec elle, la résistance des super-bactéries. Le marché global des antibiotiques s’élevait à quelque 42 milliards de dollars en 2017, mais devrait atteindre les 50 milliards d’ici à 2025. Les Etats-Unis en sont un consommateur central, comptant pour plus d’un cinquième du marché global, mais comme l’indique une étude, près d’une ordonnance sur trois d’antibiotiques délivrée à la population de ce pays est superflue. Des analyses de l’OCDE montrent que jusqu’à 50% de la consommation d’antimicrobiens pour la santé humaine est inappropriée. Par ailleurs, et cela ne fait qu’aggraver la situation, il n’y a quasiment pas de nouveaux antibiotiques en cours de développement car, selon les compagnies pharmaceutiques, le retour sur investissement n’est pas suffisant. Certains ont décrit cette situation comme un « tsunami silencieux » en attente, tandis que de plus en plus de gens vont être exposés à des maladies incurables.
Elevage industriel
Le principal facteur derrière l’augmentation de l’utilisation des antibiotiques n’est pas l’humain mais les animaux, élevés pour l’alimentation dans les élevages industriels. Actuellement, dans l’Union Européenne et aux Etats-Unis, plus de 75% de l’ensemble des antibiotiques sont utilisés par l’agriculture, tandis que les pays des BRICS devraient connaître une croissance de 99% de leur consommation d’antimicrobiens d’ici à 2030, principalement à cause de l’expansion de l’élevage industriel. La consommation totale d’antibiotiques dans la production d’aliments d’origine animale devrait augmenter de près de 70% entre 2010 et 2030.
Cette intensification est largement causée par les élevages industriels qui font un usage massif d’antibiotiques afin de favoriser la croissance et de protéger des maladies les animaux en bonne santé. L’utilisation des antibiotiques sur le bétail industriel destinée à en augmenter la croissance a commencé à être interdite en Europe depuis les années 1990, et aux Etats-Unis seulement depuis 2017. Mais dans de nombreux pays autour du globe, il s’agit encore d’une pratique courante, et en hausse. D’autre part, leur application non-thérapeutique sur des animaux sains de la naissance à l’abattoir, en particulier sur la volaille et les porcs, s’intensifie partout. Cela est nécessaire à cause des conditions de surpeuplement dans lesquelles les animaux sont élevés dans les élevages industriels, qui font qu’il n’est pas pratique de diagnostiquer et traiter les animaux individuellement. Ces conditions surpeuplées créent aussi un terrain propice pour que les bactéries développent leur résistance. La situation pour l’aquaculture industrielle, où les antibiotiques sont utilisés de l’œuf à l’adulte, est similaire si ce n’est pire.
Les antibiotiques ne sont pas complètement digérés et transformés dans les intestins des animaux, conduisant à une situation où jusqu’à 90% des antibiotiques ingérés se retrouvent évacués dans l’urine et/ou les excréments des animaux, eux-mêmes souvent utilisés comme engrais dans les champs, contaminant ainsi les sols et les eaux souterraines. Les bactéries résistantes peuvent aussi se retrouver chez l’humain par le biais du contact direct avec l’animal et par la consommation de viande et de produits laitiers porteurs de bactéries résistantes. Les humains et les animaux d’élevage ont beaucoup de microbes en commun dans leurs systèmes, et donc aussi des antibiotiques similaires. L’OCDE nous rappelle que sur les 27 classes d’antibiotiques actuellement disponibles, seules 7 sont utilisées exclusivement pour l’agriculture, les autres étant également destinées à la santé humaine. Sans aucun nouvel antibiotique élaboré depuis 40 ans, l’élevage industriel et son usage massif d’antibiotiques constitue une menace évidente sur les antibiotiques utilisés par les humains, vu qu’ils contribuent partout à l’apparition d’une résistance aux antibiotiques.
Les fongicides aussi…
Ce problème va plus loin que l’emploi aveugle des antibiotiques dans le cadre de l’élevage industriel. En avril de cette année, le New York Times a publié un article dérangeant au sujet d’un homme à New York, décédé à cause d’un germe nouvellement découvert, aussi mortel que mystérieux. Le germe, un champignon appelé Candida auris, s’attaque aux personnes dont le système immunitaire est affaibli, et se propage sans bruit aux quatre coins du monde. L’homme est mort après 90 jours passés à l’hôpital, mais pas C. auris. Des examens ont montré qu’il était partout dans sa chambre d’hôpital, « tellement invasif que l’hôpital a dû employer un équipement de nettoyage spécial et arracher une partie du plafond et du carrelage pour l’éradiquer. » Le champignon, découvert en 2009 au Japon, est résistant à tous les principaux médicaments antifongiques à disposition, et s’est à présent propagé autour du globe. Près de la moitié des personnes qui le contractent meurent dans les trois mois.
L’article du NYT établit un lien possible entre l’émergence de ce champignon mortel et l’usage d’un fongicide agricole à base de triazoles, la même substance chimique utilisée pour traiter les maladies fongiques chez l’humain. Globalement, le fongicide à base de triazoles est devenu la solution antifongique la plus utilisée en agriculture, il est pulvérisé partout, sur les bégonias et sur les haricots, en passant par les bananes. Mais son usage largement répandu en agriculture est probablement en lien avec la résistance émergente aux maladies fongiques humaines aux médicaments. Si le lien avec la résistance de C. auris reste spéculatif, un autre cas de champignon affectant à la fois les humains et les cultures a été très clairement documenté : Aspergillus fumigatus. Chez l’humain, il peut provoquer des infections fatales chez les patients immunodéprimés, et il est devenu résistant aux triazoles. Une équipe de chercheurs néerlandais a découvert que cette résistance s’était développée au sein de l’industrie horticole néerlandaise, qui pulvérise des triazoles systématiquement et intensivement sur leurs champs. Des échantillons de terre ont révélé que 30% des Aspergillus qui y étaient présents étaient résistants au fongicide, la même résistance que celle de la médecine humaine.
… et les herbicides
Une autre menace qui mine notre capacité à combattre les maladies mortelles chez les humains provient d’un coupable moins attendu : les désherbants. Les herbicides comme le Roundup ou le Camba sont utilisés partout dans le monde pour désherber. Les quantités utilisées ont substantiellement augmenté au cours des dernières décennies, tandis que les entreprises de l’agrochimie ont génétiquement modifié les cultures afin de les y rendre plus résistantes, ce qui signifie que les agriculteurs peuvent en appliquer autant qu’ils le veulent sans nuire aux cultures. A présent, une équipe de recherche néo-zélandaise a montré que ces désherbants affectent également les bactéries. Leur étude, publiée en octobre de l’année passée, montre que lorsque les bactéries sont exposées simultanément aux herbicides et aux antibiotiques, des mutants avec des niveaux de résistance plus élevés peuvent se développer. « Dans certains cas, la résistance se développait 100 000 fois plus rapidement » affirment les chercheurs. Comment et pourquoi cela se produit n’est pas encore tout à fait clair. Ce qui est clair, c’est que dans le cadre de l’agriculture industrielle les résidus d’antibiotiques et d’herbicides sont appelés à se rencontrer souvent. Jack Heinemann, l’un des auteurs de l’étude, recommande que « les pays qui cultivent des OGM à large échelle puissent souhaiter inclure ces effets inattendus sur les microbes dans leurs évaluations. »
L’utilisation massive d’antibiotiques, de fongicides et d’herbicides dans l’agriculture industrielle contribue à mettre en péril des médicaments humains qui sauvent des vies. Des gouvernements et des agences intergouvernementales ont créé des comités, des groupes de travail et des lignes directrices pour faire face à l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens. Mais aucun ne semble vouloir empoigner le problème à la racine. N’est-ce pas une preuve de plus qu’il est temps de nous distancier de l’agriculture industrielle et de nous tourner vers l’agroécologie et la souveraineté alimentaire à la place? Ceci aiderait aussi à éliminer l’une des causes principales de l’extinction des espèces sur la planète, ainsi que l’un des responsables principaux de la crise climatique.
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Ce mercredi 29 mai 2019, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat de la République française, recevait une délégation de vénézuéliens, avec à leur tête Lorent Saleh.

En costume-cravate, le jeune vénézuélien se livrait à un exercice de diplomatie parallèle afin de rallier certains secteurs politiques décisionnaires de notre pays dans sa croisade anti-démocratique au Venezuela.

Que Mr. Saleh parade devant les médias français est une chose. Nous connaissons l’alignement systématique des rédactions sur les positions atlantistes et le manque de discernement de certains journalistes pour identifier leurs interlocuteurs. En revanche, l’invitation de Mr Saleh au Palais du Luxembourg révèle soit un disfonctionnement des services de renseignements de notre pays, soit l’alignement d’une institution républicaine respectable sur les secteurs les plus anti-démocratiques de l’opposition vénézuélienne. Dans les deux cas, c’est assez préoccupant.

Puisque personne ne semble connaître les antécédents et l’orientation politique de Lorent Saleh, nous nous permettons ici de les rappeler.

Qui est Laurent Saleh ?

Lorent Saleh est un activiste politique vénézuélien et fondateur du groupe ultra-radical Juventud Activa Venezuela Unida (JAVU). Ce groupuscule a été formé par les serbes de l’organisation Canvas (ex Otpor) aux techniques de coup d’Etat soft, théorisé par Gene Sharp. Ayant quitté Javu pour créer une autre officine (Operación Libertad), Lorent Saleh fut responsable d’actions insurrectionnelles réalisées dans l’Etat central de Carabobo.  Actes pour lesquels il écopera d’une condamnation sans incarcération en 2010, mais avec l’obligation de se présenter au commissariat. Selon des révélations du Ministère de l’Intérieur vénézuélien, il participe, dès 2011, à des camps d’entrainement dans le but d’agresser le gouvernement d’Hugo Chávez.

Le 6 juillet 2013, Mr. Saleh a participé, en Colombie, au lancement d’un mouvement politique (Alliance Nationaliste pour la Liberté) aux cotés de militants néo-nazis du groupe Troisième Force. Le positionnement politique de Lorent Saleh n’est pas un délit, cependant il nous paraît étonnant que le Sénat français déroule le tapis rouge à des représentants de cette idéologie.

Lorent Saleh et Diego Cubillos, du groupuscule nazi colombien Tercera Fuerza

Les amis colombiens de Lorent Saleh 

En 2014, il participe à des guérillas urbaines dans le but de renverser le gouvernement vénézuélien. Bilan : 41 morts, 608 blessés, dont la plupart sont imputables aux amis de Mr Saleh. Durant les mois qui suivirent ces violences, le jeune vénézuélien s’initiera à cette diplomatie parallèle en parcourant plusieurs pays dans le but de conquérir des soutiens dans sa lutte contre le gouvernement du Venezuela.

Au cours de cette année, il retournera en Colombie et sera arrêté par les autorités colombiennes pour avoir participer à des actions violentes à Bogota, et avoir tenter d’infiltrer l’Ecole de Guerre de ce pays.

Durant sa détention en Colombie, le journal colombien El Tiempo, publiera des photos compromettantes de Lorent Saleh dont une, où il apparait armé d’un fusil Galil, de fabrication israélienne. El Tiempo relèvera pudiquement que l’activité de Lorent Saleh allait bien au delà de ce que son visa de coopération lui permettait. Au vu des révélations de cet organe de presse peu susceptible de complaisance avec la Révolution Bolivarienne, on peut se demander ce qui justifie l’invitation d’une telle personnalité dans les institutions de notre République.

Docteur Lorent et Mister Saleh. A gauche, lors de son audition au Sénat de la République Française, à droite armé d’un fusil Galil, prêt à commettre des activités terroristes au Venezuela

 

Lorent Saleh (au milieu) lors d’un voyage en Colombie

Pire encore, la même année, un échange skype entre Laurent Saleh et un mystérieux interlocuteur révèle le caractère mercenaire de l’invité du Sénat. Durant la conversation, que chacun peut découvrir, Lorent Saleh découvre les contours d’une opération terroriste qu’il a lui même contribué à planifier.

«Il faut commencer à monter des camps d’entrainement, ici en Colombie. Que nos gens apprennent à manier les armes et les explosifs, à faire de l’auto-défense et du parachute » dit l’invité de la République française. Puis il continue « nous possédons déjà des explosifs et du C4, mais nous devons avoir aussi des gilets pare-balles et de l’armement, et une façade diplomatique avec Opération Liberté [son ONG, NDT]».

En septembre 2014, la Colombie finira par extrader ce terroriste en herbe au Venezuela, et lui interdira l’accès à son territoire durant 10 ans. Rapatrié dans son pays, il sera jugé, arrêté, mis sous les verrous, puis libéré en 2018, dans le cadre de négociations entre le gouvernement vénézuélien et des diplomates européens.

Le 26 février 2019, trois jours après l’échec du gouvernement des Etats-Unis de violer la souveraineté du territoire vénézuélien, nous retrouvons Lorent Saleh en Colombie. L’interdiction d’entrer sur ce territoire, émise par la justice cinq ans auparavant, avait été levé pour 90 jours par le gouvernement d’Ivan Duque. Ce soir là, il fut arrêté par la police colombienne. Les interprétations sur les causes de cette arrestation divergent. Certaines sources révèlent que Lorent Saleh aurait essayé d’abuser de deux femmes dans un bar de nuit, la police de Colombie informera quelques jours plus tard qu’il s’agissait d’un contrôle de routine.  Il sera finalement libéré.

La crise politique au Venezuela ne peut se résoudre pacifiquement que par le dialogue. Si les Etats-Unis et leurs alliés latino-américains continuent de jeter de l’huile sur les braises, les diplomaties qui recherchent des solutions de paix ne peuvent que soutenir les rencontres qui se déroulent actuellement en Norvège entre les dirigeants envoyés par le président Maduro et des députés de l’opposition vénézuélienne.

Or cette dernière est protéiforme, et couvre un échiquier politique très large. Il existe au sein de l’opposition des politiciens qui, tout en s’opposant au chavisme, à Hugo Chavez et au président Maduro, cherchent tout de même des solutions politiques pour éviter un conflit de plus grande ampleur.

En faisant le choix de s’afficher avec un membre de l’opposition la plus radicale, la plus violente et la plus extrémiste politiquement, la France ne fait pas honneur à la recherche de solutions politiques. Lorsque le président de la Commission des affaires étrangères au Sénat, Mr Christian Cambon  (LR) affirme, devant Mr Saleh aux anges, que « les 11 monstres ciblés par les pays qui ont saisi le Tribunal Pénal International devront répondre de leurs crimes », ou invite son hôte à « rapporter à nos amis vénézuéliens le soutien du Sénat de la République Française », la France ne s’exclurait-elle pas de son rôle de médiation en posant des préalables qui pourrait nuire au dialogue d’Oslo ?

Romain Migus

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Aller sans tarder vers une transition pour sauver le pays

mai 30th, 2019 by Chems Eddine Chitour

 «La jeunesse se caractérise par l’illusion et l’espérance. A la jeunesse qui a perdu ses illusions je voudrai m’attacher à lui donner des raisons de garder l’espérance.»  Jean Daniel

Samedi minuit, le Conseil constitutionnel aurait enregistré des candidats à la présidentielle du 4 juillet. Nous attendons le verdict Ce que le Hirak avait dès le départ rejeté, a été obtenu non par une quelconque avancée, mais par le fait que les 70 candidats qui n’ont aucune visibilité ont compris qu’ils allaient être la risée du peuple. Ils ont évité cela! Et maintenant où en sommes-nous? 

Avant d’y répondre, il nous a paru intéressant de présenter la belle contribution académique du professeur Madjid Benchikh, professeur émérite à l’Université de Cergy-Pontoise qui dans une contribution parue sur El Watan, a fait l’anamnèse du Hirak qu’il appelle soulèvement et en appelle à adopter la «Déclaration» proposée par des Associations pour une sortie de crise en évoquant son propre rôle au sein de la société civile pour l’élaboration d’un plan de transition consensuel, qui pourrait constituer une alternative sérieuse à la tenue d’une élection présidentielle condamnée à l’échec, et jeter les fondements de la nouvelle République. 

«La mobilisation populaire écrit-il a obtenu des victoires d’étape importantes qui doivent être soulignées. Le Hirak est devenu rapidement un véritable soulèvement populaire qui montre un peuple debout, qui affirme sa dignité et revendique les droits humains et les libertés démocratiques. Son objectif est d’abattre le système autoritaire qui l’étouffait. Debout, il regarde non seulement devant lui, mais aussi vers l’horizon. Il a dès lors des perspectives que ne définissent pas toujours les «Hiraks»: il revendique un Etat démocratique. Le soulèvement a forcé Bouteflika à la démission. Il a même forcé le commandement militaire à intervenir pour demander le départ de Bouteflika. La mobilisation populaire a donc bouleversé les données de la scène politique. Elle a perturbé le système politique autoritaire sans cependant le terrasser. Il convient maintenant de se mobiliser pour obtenir le plus important et le plus difficile qui est le changement radical du système. Ce soulèvement est ainsi porteur d’espoir» (1).

Le procès des institutions 

Le professeur Bencheikh en appelle à continuer les marches: «Continuer à se mobiliser doit être le maître-mot pour aller vers une transition démocratique., le soulèvement populaire doit se mobiliser encore et toujours pour ‘dégager » le système autoritaire. La mobilisation doit continuer, y compris durant la transition démocratique. Elle doit garder sa force, sa détermination et surtout son intelligence pour répondre de façon appropriée aux manoeuvres des tenants du système et tenir sur une longue période. Le peuple montre qu’il reste concentré sur l’essentiel: il veut résolument obtenir le changement du système. C’est le propre des soulèvements politiques, c’est-à-dire des peuples qui se mettent debout, de concentrer leurs énergies sur les objectifs essentiels.» (1) 

Faisant le procès des institutions en place le professeur écrit: «Aujourd’hui, le vide est représenté par les institutions qui reposent sur la Constitution actuelle. Cette Constitution et ses institutions ont objectivement couvert les dérives du système politique et des gouvernants vers la corruption et l’arbitraire, avec l’appui de toutes les forces qui ont construit le système et l’intervention des oligarchies qui en profitent. C’est là un système bloqué, devenu dangereux pour l’essor du peuple algérien et pour le développement de l’Algérie. Actuellement, ces institutions ne se réunissent même pas. Elles sont inutiles. Il est urgent de les abandonner. (…) Qui peut croire qu’une Assemblée nationale depuis longtemps discréditée et mal élue et un Sénat qui est une insulte à la démocratie, notamment par l’existence de son tiers présidentiel, sont des institutions parlementaires dignes de ce nom. Tout cela milite pour la dissolution immédiate de ces institutions pour ouvrir la voie à des institutions de transition démocratique susceptibles de redonner espoir au peuple. C’est cela «accompagner» effectivement, et non en paroles, les revendications du soulèvement populaire » (1). 

 «Renoncer à l’organisation des élections du 4 juillet c’est, non pas avancer vers le chaos, mais, au contraire, engager un processus politique qui permettrait de quitter un ordre constitutionnel autoritaire et sans légitimité populaire pour construire un ordre qui répond aux aspirations de notre peuple et notamment de sa jeunesse. Renoncer à l’élection du 4 juillet signifierait que l’état-major se résout à abandonner des positions qui le mènent droit dans le mur. On est donc loin de l’idée selon laquelle se dégager de cette application catastrophique de l’article 102, c’est entrer dans un vide juridique ou une situation de chaos dans l’organisation de l’Etat. Tout bien considéré, il n’y a donc aucun danger à annuler les élections.» (1)

Tentatives de confiscation 

Le professeur Bencheikh conclut: «J’appelle le commandement militaire à engager le dialogue pour en finir avec son emprise sur le système politique qui nous a conduits aux dérives que l’on sait. C’est l’une des raisons qui milite pour une transition démocratique d’au moins une année, est nécessaire. Je suis en effet pleinement avec le mouvement associatif et auprès de la société civile. Ces associations m’ont fait une place en leur sein, et je les en remercie. Je leur ai proposé que l’on parle de la transition qui pourrait être organisée lorsque le pouvoir sera prêt au dialogue. Le débat sur la Constituante est important, mais il me paraît pour l’instant prématuré, d’autant qu’il peut diviser. Il appartient maintenant aux tenants du système de désigner les personnes crédibles et honnêtes qui pourraient négocier avec, notamment, les représentants du mouvement associatif. Voilà une possibilité de sortie de crise. Comme le mouvement associatif ne veut pas de la Constitution actuelle, il propose, dans un esprit de compromis, la «Déclaration de principes…» et les instances dont nous avons parlé plus haut pour s’engager clairement dans la transition démocratique» (1). 

Malgré la compétence connue et reconnue du professeur Bencheikh, la lecture de cette interview n’apporte rien de nouveau, car les questions posées sont anciennes et ont en partie été dépassées La pertinence des idées de monsieur le professeur émérite nous aurait été profitable, voire même influé favorablement le débat il y a deux mois au moment du débat sur l’artiche 102 et les articles 7 et 8.  De plus, cette interview a été réalisée il y a trois jours du fait que les mouvements se précipitent. L’élection du 4 juillet ne serait plus à l’ordre du jour. 

Le feuilleton de la Révolution Tranquille du 22 février 2019 a connu plusieurs épisodes. Dès le départ, il y eut une prise en charge de personnes qui ont occupé la scène médiatique, fait le buzz, au point que ces personnes se sont crues «arrivées» fortes de leurs followers, à telle enseigne que des «gouvernements» sur-mesure ont été proposés on ne sait comment avec un président et des ministres… Cela a duré en gros un mois, ensuite il y eut un essoufflement ou plutôt une prise de conscience des jeunes qui ont l’impression qu’on leur forçait la main. Ce fut ensuite la désignation de personnalités au-dessus de la mêlée comme cet ancien cacique du système jouant sur l’amnésie sur son rôle controversé en tant que ministre de l’Education, puis de la Culture il y a longtemps, mais plébiscité par certains islamistes qui ont vu là une occasion de revanche du sort. Parallèlement, l’état-major fidèle à lui-même s’en tient à une Constitution obsolète et fait la sourde oreille aux doléances du peuple qui veut une bonne fois pour toutes le départ de tous ceux qui ont amené le pays à ce degré de délitement, notamment et surtout pendant cette double décennie du mépris du peuple faisant du pays une propriété privée.

Tout le monde est pour la rupture

Dans le même ordre et comme annoncé en préambule, certains s’évertuent par tous les moyens, notamment par la presse d’imposer quelques associations dans le but de leur donner une crédibilité en tant qu’interlocuteur privilégié du pouvoir du fait de leur capacité de nuisance du recrutement de quelques personnalités qui se sont fourvoyés et peut-être de soutiens occultes qui ne sont pas à écarter donnant encore plus crédit aux rumeurs de manipulations extérieures, notamment de la France, les Etats-Unis et un Etat lilliputien dont la capacité de nuisance est indexée sur son compte en banque et qui veut récidiver le chaos qu’il a généré en Syrie? au Yémen et actuellement en Libye.  On peut comprendre 

Le danger de manipulation est partout on peut penser que celles et ceux qui font partie de ce regroupement ( les différents acteurs de la société civile  à leur corps défendant sont influencés par des parties externes  Pour étayer mon propos je rapporte cet article qui donne l’impression que nous avons affaire à un «Etat-major» articulé, comprenant des penseurs qui savent ce qu’il faut pour régler la situation actuelle. Nous lisons: «Ce samedi 25 mai, une large réunion de différents acteurs de la société civile, entre associations, syndicats autonomes, militants des droits de l’homme et autres représentants de différentes dynamiques citoyennes, s’est tenue au siège du Cnapeste.» (2)

Nous n’avons aucune information sur les personnes, leurs réels apports tout au plus on nous annonce des grandes avancées! De plus  comme chacun sait ce n’est pas le nombre d’association qui va faire illusion, mais leur apport d’autant que certains apports  peuvent paraître discutables dans leur apport «L’objet de ce conclave poursuivent-ils est de poursuivre la concertation autour du projet d’une conférence nationale de la société civile qui permettra de jeter les bases d’une véritable transition démocratique. Le Collectif de la société civile pour une transition démocratique qui regroupe une trentaine d’associations (dont RAJ, la Laddh, Tharwa Fadhma N’soumer, Comité Soutien et Vigilance du Mouvement du 22 février, SOS Disparus, Mouwatana…), la Confédération des syndicats algériens (qui compte 13 syndicats autonomes), et enfin le Forum civil pour le changement».(2) 

«On se concerte pour parvenir à une plateforme commune de la société civile (…) On veut arriver à une feuille de route consensuelle. Donc, il y a des discussions autour de ça.(..)
Tout le monde est pour la rupture avec le pouvoir actuel; tout le monde est pour une période de transition démocratique pacifique. Tout le monde est favorable à un gouvernement de transition, avec des visages adoubés par le peuple, et pour la désignation d’une instance indépendante d’organisation et de surveillance des élections.» (2) 

Rien de bien nouveau sous le soleil! 

On le voit! Ces organisations aussi respectables soient elles n’apportent rien de nouveau et de concret; Ces idées débattues circulent depuis plus de deux mois A savoir la démission du gouvernement actuel, la désignation d’une personne, ou d’un présidium… Embrayant sur le fait que la «solution constitutionnelle» du 102 qui est une victoire du peuple ne fonctionne pas on en arrive au concret: le dialogue avec l’armée détentrice du pouvoir réel. Ce conglomérat disparate s’érige en partenaire pour la discussion aidée par des «personnalités» et vont jusqu’à tracer leur feuille de route avec les autres: «Une fois qu’on aura resserré nos rangs et élaboré une vision commune, on établira des passerelles avec la classe politique et on réfléchira à une conférence nationale qui inclura à la fois des partis politiques et des personnalités nationales. On a à la fois un rôle de médiation et un rôle de proposition.» (2) 

C’est prendre ses désirs pour des réalités que de croire qu’avec des personnes aux antipodes les unes des autres, en terme de projet de société à des années-lumière de ce que pensent réellement les jeunes on puisse encore faire illusion; Je ne comprends pas qu’en l’occurrence on n’ait pas l’humilité de penser qu’une centaine de personnes puissent se prévaloir de décrire tout le spectre des espérances de plus de 20 millions d’Algériennes et d’Algériens qui battent le pavé depuis plus de trois mois

Que demande le peuple à travers les marches ? 

Sans être son confesseur, ni son avocat je crois pouvoir dire en tant que simple citoyen que s’il est une chose à mettre au crédit du président Bouteflika qui nous a infligé cette double décennie du mépris et de la honte, c’est d’avoir soudé le peuple algérien dans la certitude qu’il n’y a rien à récupérer de ce système- «Ytnahaoue gaâ»- qui a mis ce pays en coupe réglée avilissant l’Algérie par leurs comportements en érigeant la corruption en mode de gouvernement. Le peuple est à des degrés divers lucide sur le fait qu’il faut changer le fusil d’épaule, qu’il faut aller vers de nouvelles légitimités, celle de la compétence, celle du travail, bien fait celle de la justice, celle de la liberté de penser et d’être tolérant

Celle de la citoyenneté qui est un projet porteur en ce sens que la deuxième république ne s’adresse qu’à des citoyennes et des citoyens à l’exclusion de tout autre représentation, avec des droits, mais avec beaucoup de devoirs aussi notamment en ce qui concerne la civilité, l’éco-citoyenneté,le bonheur de vivre ensemble qui doit être traduit dans les faits par nos comportements. Le peuple veut que les services publics fonctionnent, que la police accomplisse convenablement son travail, que la justice soit indépendante et «juste»… C’est cela l’aspiration à la nation, qui doit être un plébiscite de tous les jours. J’aurai pensé que tous autant que nous sommes ayons en tête la situation très délicate de l’économie algérienne. Il ne resterait que 70 milliards de dollars et à ce rythme de ponction outre les 6500 milliards de Da de la planche à billets qu’il faudra bien traiter, nous en aurons dans le meilleur des cas pour deux ans. De plus, nous continuons à brûler sans retenue ce qui nous reste d’hydrocarbures fossiles, renvoyant aux calendes grecques une transition vers le Développement durable qui aurait pu permettre de laisser un viatique aux générations futures. 

 Je pense qu’une transition bien encadrée est nécessaire  et qu’elle sera elle capable de donner une crédibilité aux élections  Tout ceci devrait nous obliger à faire preuve de tempérance et d’aller rapidement vers une solution de compromis qui permettrait de sauver le pays. Le monde nous regarde, des dynamiques souterraines seront de plus en plus dangereuses pour le pays si on tarde trop. Maintenant que l’élection  de juillet est compromise, il est temps que le pouvoir réel écoute le peuple. Il ne doit pas être difficile de faire appel à deux ou trois personnalités connues et acceptées par l’immense majorité du peuple, en leur expliquant que c’est un ultime sacrifice que leur demande le peuple pour mettre cette Algérie sur les rails et donner de l’espoir à cette jeunesse qui brûle de prouver qu’elle est capable de faire preuve de talent pour peu qu’on lui indique un itinéraire vers une Algérie ancrée dans ses repères identitaires, mais résolument tournée vers l’avenir. 

Je termine sur cette note optimiste qui nous fait chaud au coeur.  Si l’on veut encore une fois une preuve de ce que peuvent des talents algériens, une dépêche nous apprend que, «trois étudiants algériens; deux étudiants de l’USTHB et un étudiant de l’ESI, ont remporté la première place dans la discipline Network track un concours international dans le domaine des technologies de l’information organisé à Dongguan, dans le sud de la Chine, «C’est la première fois que nous participons à cet événement, et c’était génial. Je ne peux pas dire avec des mots à quel point nous sommes heureux», ont déclaré les étudiants algériens. Plus de 100.000 étudiants venus de 61 pays ont participé cette année à ce concours international, mis en place pour promouvoir le développement du secteur des TIC parmi les jeunes étudiants. (3)

Dans cet ordre d’une science universelle et à notre portée si nous nous inscrivons dans le progrès Aujourd’hui nous fêtons un anniversaire   le centenaire d’une théorie en physique celui du 29 mai 1919 car ce joue là la vision du monde changea. : «  Ce jour-là, l’astronome et astrophysicien anglais Arthur Eddington obtint des clichés pris à l’occasion d’une éclipse totale de Soleil visible sur l’île de Principe. Ce fut la première preuve convaincante de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Les conceptions presque totalement spéculatives d’Albert Einstein représentaient bel et bien une nouvelle vision du monde, plus belle et plus profonde, témoignant de la puissance de l’esprit humain, alors durement éprouvé par l’absurdité et les horreurs de la Première guerre mondiale. La théorie d’Albert Einstein prévoyait en effet que, de même que la matière courbe la trajectoire d’autres corps matériels, la lumière elle-même devait être déviée par la force d’attraction gravitationnelle d’un corps céleste .La théorie de la gravitation de Newton  qui a bercé la physique depuis plus de deux siècles était détrônée » (4)

Professeur Chitour Chems Eddine

Ecole Polytechnique Alger

Notes

1.https://www.elwatan.com/edition/actualite/madjid-benchikh-professeur-emerite-a-luniversite-de-cergy-pontoise-et-ancien-doyen-de-la-faculte-de-droit-dalger-nous-ne-sommes-quau-tout-debut-de-la-lutte-pour-la-26-05-2019

2. https://www.elwatan.com/a-la-une/transition-democratique-le-projet-audacieux-de-la-societe-civile-27-05-2019

3. https://www.tsa-algerie.com/des-etudiants-algeriens-remportent-le-premier-prix-dun-concours-international-en-chine/

4 .https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-premiere-preuve-relativite-generale-100-ans-19471/#

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour/316796-aller-sans-tarder-pour-sauver-le-pays.html

 

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Photo : New Horizon: Les participants à la Conférence de Mashhad (mai 2018)

Le 13 février dernier, le Département du Trésor américain a décidé d’interdire toute transaction et contact avec l’ONG iranienne New Horizon accusée d’aider la Force al-Qods des Gardiens de la Révolution à recruter des agents étrangers.

New Horizon  est également accusée de recueillir des renseignements auprès des invités participant aux conférences internationales qu’elle organise.

Antisémitisme, conspirationnisme, négationnisme…

Ces conférences réunissent des libres penseurs et des artistes venus des quatre continents. Elles ont pour thèmes : la politique américaine au Proche et au Moyen-Orient, l’impérialisme politique et militaire occidental, les activités des lobbies sionistes dans le monde, et n’ont pas pour objectif, comme l’affirme le communiqué du Département du Trésor, de « propager l’antisémitisme, des théories conspirationnistes et la négation de l’holocauste ».

L’an dernier, à Mashhad, le rabbin David Weiss de la secte juive orthodoxe Naturei Karta était présent à la tribune, ainsi que Niko Peled, fils du général « Matti » Peled, membre de l’Etat-major de l’armée israélienne lors de la guerre de juin 1967 et, en 1984, député à la Knesset sur une liste progressiste pour la paix avec les Palestiniens. Parler de propagation de l’antisémitisme dans ces conditions est purement mensonger, diffamatoire.

Bien évidemment, New Horizon est en relation avec le ministère iranien des Affaires étrangères. Gholamreza Montazami, son secrétaire général, est d’ailleurs un ancien diplomate. Des invités sont reçus au ministère. En septembre 2014, j’ai assisté à une réunion présidée par Ghazanfar Roknabadi, ancien ambassadeur d’Iran au Liban. Qu’y-a-t-il  d’anormal à cela ?

Bolton, anti-iranien forcené

Ce qui rend furieux les néoconservateurs pro-israéliens au pouvoir aux Etats-Unis, et notamment John Bolton, chef du Conseil national de sécuritéconseillé par le milliardaire ultra-sioniste Sheldon Adelson et les Moudjahidine du peuplec’est la présence aux conférences de New Horizon de personnalités américaines opposées au déclenchement d’une guerre contre l’Iran.

John Bolton

En juillet 2017, à Villepinte (banlieue parisienne) où se tenait un rassemblement organisé par les Moudjahidine du peuple, Bolton, anti-iranien forcené, avait déclaré que la prochaine réunion se tiendrait à Téhéran en 2019, le « régime des mollahs » renversé entretemps n’ayant pu fêter avant son 40ème anniversaire…

Selon le quotidien Le Figaro, qui cite un diplomate français, les hommes politiques américains touchent 25 000$ pour participer au rassemblement de Villepinte (les Français 12 500$ !).

Sur la liste noire du terrorisme

Désormais, toutes les personnes en  rapport avec New Horizon ou ses dirigeants – Nader Talebzadeh Ordoubadi – son président, Gholamreza Montazami, Zeinab Mehanna Talebzadeh, Hamed Ghashghavi -sont susceptibles d’être considérées par la CIA et le FBI comme étant des agents iraniens, et de voir leur nom inscrit sur leur liste noire du terrorisme.

Mais, qui peut croire un seul instant que Philip Giraldiancien officier de la CIA et des services secrets militaires américains -, ou Scott Bennett – ancien membre des Forces spéciales US et de l’administration GW Bush, spécialiste des psy-ops – présents à la conférence de Mashhad, sont du genre à se laisser recruter par les services secrets iraniens ?

Le but recherché par John Bolton est d’effrayer les personnalités ouvertes au dialogue avec des Iraniens. Il n’est pas certain que le terrorisme intellectuel à grande échelle y parvienne, car l’opinion publique américaine rejette massivement le déclenchement d’une guerre contre l’Iran. Mais avec Donald Trump à la Maison-Blanche, on peut s’attendre au pire (ou à son contraire).

Cela dit, en Iran, en France, comme ailleurs, il n’y a aucune raison de se laisser intimider par le fichage étatsunien et par les menaces proférées par le Département du Trésor américain.

Gilles Munier

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« Oh, je suis contre l’intervention militaire! », Lance un récit « pacifiste » entendu dans le nord, qui sert de prétexte à une déclaration sur le Venezuela. Ce prélude console l’âme, libère la conscience libérale et s’efforce de conserver les références souhaitées – mais de plus en plus évasives – «progressives» académiques, journalistiques et politiques.

Cependant, le «pacifisme» dont il est question ici n’a rien à voir avec le récent geste de la Norvège en faveur d’une solution pacifique. Le gouvernement du président Nicolás Maduro est bien entendu pleinement associé à cette dernière tentative de négociations. En fait, le gouvernement vénézuélien a proposé cela tout au long de la crise.

Par exemple, le 1er mai, le secrétaire d’État Mike Pompeo , l’un des principaux architectes de ce récit «pacifiste», aux côtés de John Bolton et du président Trump , a déclaré:

«Une action militaire est possible. Si c’est ce qui est nécessaire, c’est ce que les États-Unis vont faire… Nous essayons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter la violence… Nous préférerions une transition pacifique du gouvernement… ».

Il n’y a qu’une seule raison pour laquelle les États-Unis n’ont jusqu’à présent pas été en mesure de retirer l’option militaire de la table et de la mettre en pratique. Ce n’est pas parce qu’elle craint l’invasion militaire d’autres pays, mais parce qu’elle a lamentablement échoué dans sa tentative trop ambitieuse de briser l’alliance civilo-militaire, condition préalable explicite de l’option militaire, du moins pour le moment. .

Cependant, en ce qui concerne Washington, l’option de la guerre économique n’a pas seulement été toujours  sur la table , mais elle a été appliquée avec férocité. Après l’élection de 2013 du président Nicolás Maduro à la suite du décès de Hugo Chávez , les États-Unis ont soutenu les manifestations trop souvent violentes de l’opposition contre l’élection légale, donnant ainsi un prétexte à la législation du président Obama en 2014 visant à sanctionner des individus en République bolivarienne. comme un levier de punition économique dans le but de créer des obstacles pour les responsables politiques chavistes et une partie de l’État.

En mars 2015, Obama a étendu cette politique en déclarant que le Venezuela était «une menace pour la sécurité nationale des États-Unis», ouvrant ainsi la porte à de nouvelles sanctions individuelles. Trump a étendu cela davantage aux sanctions économiques collectives et à une guerre économique à part entière. Comme l’ a écrit le célèbre écrivain et universitaire international Vijay Prashad , influent à la gauche des États-Unis,

«Obama a forgé la lance; Trump l’a jeté au cœur du Venezuela. ”(1)

La guerre économique menée par Trump contre le Venezuela frappe particulièrement l’industrie pétrolière clé. Selon une étude publiée en avril 2019 aux États-Unis par les économistes américains  renommés Mark Weisbrot et Jeffrey SachsCes sanctions et d’autres sanctions économiques «ont réduit l’apport calorique du public, augmenté le taux de morbidité et de mortalité (chez les adultes et les nourrissons), ainsi que le déplacement de millions de Vénézuéliens qui ont fui le pays en raison de la crise économique et de l’hyperinflation. Ils ont exacerbé la crise économique au Venezuela et ont rendu presque impossible la stabilisation de l’économie, contribuant ainsi à un excès de décès. Tous ces impacts ont touché de manière disproportionnée les Vénézuéliens les plus pauvres et les plus vulnérables…. Nous constatons que les sanctions ont infligé et causent de plus en plus de dommages très graves à la vie et à la santé humaines, y compris environ plus de 40 000 décès entre 2017 et 2018; et que ces sanctions correspondraient à la définition de la peine collective infligée à la population civile, telle qu’elle est décrite dans les conventions internationales de Genève et de La Haye,

Le gouvernement vénézuélien affirme que la guerre comprend également pas moins de trois sabotages du réseau électrique en mars 2019 (du 7 au 14 mars, les 29 et 30 mars). Trois tentatives de coup d’Etat, les 23 janvier, 23 février et 30 avril, ont été accompagnées par une opposition multiple et généralisée dans les rues de Chavismo pour défendre la révolution. Cependant, on peut imaginer comment cette mobilisation de masse affecte l’économie déjà dégradée et le déroulement «normal» de ce qui est devenu une vie très difficile.

De plus, la guerre médiatique menée par les États-Unis contre Maduro et Chavismo est l’une des plus féroces contre tout dirigeant révolutionnaire de l’histoire récente.

Le 16 mai, après une impasse physique d’un mois, l’administration Trump ordonna une invasion de l’ambassade du Venezuela à Washington par la police, arrêtant quatre membres du collectif de protection de l’ambassade qui étaient présents à l’invitation du gouvernement du Venezuela. les «pacifistes» ont continué leur silence sur la guerre dans la ville même où beaucoup vivent et travaillent.

Que reste-t-il alors de ce récit «pacifiste» opposé à une éventuelle intervention militaire et à une «transition pacifique» tout en restant silencieux sur la guerre aux multiples facettes actuelle?

Les «pacifistes» fournissent une apologétique complice de la rhétorique de Washington sur la «transition pacifique» en encadrant l’opposition à la politique américaine vis-à-vis du Venezuela uniquement pour éviter une intervention militaire sans pour autant dénoncer les tentatives de coup d’État et la guerre économique soutenues par les États-Unis. Cette politique semble être conçue pour provoquer une implosion sociale au Venezuela afin que les États-Unis puissent mettre en place un gouvernement client sans jamais avoir mis une botte militaire sur le terrain. Est-ce la nouvelle guerre? Si tel est le cas, ce type de guerre n’est pas si nouveau. N’est-ce pas là l’objectif des États-Unis en 1960 en tant que ligne directrice du blocus contre Cuba, c’est-à-dire de créer un «désenchantement et une désaffection fondés sur l’insatisfaction et les difficultés économiques», comme indiqué par le Département d’État en 1960 (2), afin que les gens se révoltent contre le gouvernement? Et n’est-ce pas là le scénario qui s’est déroulé pour renverser le gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende en 1973? Ce nouveau changement de régime dans les vieilles bouteilles de vin est tout aussi meurtrier qu’hier. Les États-Unis n’apprennent pas de l’histoire.

Arnold August

 

Pour une version antérieure de cet article en espagnol, voir  «La révolution bolivarienne et le belisme des pacifistes»  dans Telesur, 20 mai 2019, Arnold August Blog.

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Article original en anglais :

The Bolivarian Revolution and the Warmongering “Pacifists”, publié le 26 mai 2019.

 

COHA, http://www.coha.org/the-bolivarian-revolution-and-the-warmongering-pacifists/

Version française : baumannjoelnachshon.wordpress.com

 

Notes

(1) «Le complot pour tuer le Venezuela», de Vijay Prashad, sur Salon.com. Source:  https://www.salon.com/2019/05/17/the-plot-to-kill-venezuela_partner/

2) Les sanctions économiques en tant que punition collective: le cas du Venezuela par Mark Weisbrot et Jeffrey Sachs. Avril 2019. Source:  http://cepr.net/images/stories/reports/venezuela-sanctions-2019-04.pdf

(3) Mémorandum du sous-secrétaire d’État aux Affaires interaméricaines (Mallory) à la sous-secrétaire d’État aux Affaires interaméricaines (Rubottom). Washington DC, 6 avril 1960. Source:  https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1958-60v06/d499

 

 

Arnold August  est un journaliste et conférencier canadien, auteur de  Démocratie à Cuba et des élections de 1997 à 1998 ,  Cuba et ses voisins: Démocratie en mouvement  et relations Cuba-États-Unis: Obama et au-delà . Il collabore avec de nombreux sites Web et émissions de télévision et de radio basés en Amérique latine, à Cuba, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, y compris Global Research . Twitter   Facebook,  son site Web trilingue:  www.arnoldaugust.com.

Total et le climat: les masques tombent

mai 28th, 2019 by Olivier Petitjean

À l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Total, le grand écart est plus évident que jamais entre les prétentions du groupe à être une « major pétrolière responsable », alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, et le cynisme avec lequel il poursuit l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole et de gaz partout sur la planète. Nouveau rapport de « Notre affaire à tous » avec plusieurs partenaires dont l’Observatoire des multinationales.

Face au changement climatique, c’est un peu comme si les dirigeants de Total avaient voulu appliquer la stratégie de l’« en même temps » chère à Emmanuel Macron. Le groupe pétrolier français, qui figure parmi les champions mondiaux des gaz à effet de serre (avec 0,9% à lui seul de toutes les émissions mondiales), s’affiche désormais comme un pionnier de la transition énergétique, avec des activités dans le solaire, la fourniture de gaz et d’électricité « verts », ou encore les batteries. Il promet que sa stratégie est compatible avec un réchauffement des températures globales contenu sous la barre des 2°C. Et « en même temps », il continue à investir des milliards d’euros ou de dollars pour développer de nouveaux gisements de pétrole et de gaz.

La réalité cruelle qui finit généralement par rattraper les tenants de l’« en même temps » est que les directions poursuivies simultanément ne sont pas forcément compatibles entre elles. En l’occurrence, elles sont même totalement contradictoires. On ne peut pas prétendre sauvegarder le climat tout en continuant à brûler du gaz et du pétrole pour les décennies à venir. Et il suffit de gratter un tout petit peu derrière les slogans publicitaires et les discours publics pour voir que les dirigeants de Total le savent très bien. Le rapport Total : la stratégie du chaos climatique, publié ce 29 mai à l’occasion de l’assemblée générale de Total par « Notre affaire à tous », 350.org et les Amis de la Terre, avec le soutien de Attac France, de Sherpa, des Eco maires et de l’Observatoire des multinationales, vient le montrer une fois de plus.

Grand écart entre les discours et les actes

Soumis à la pression du mouvement pour le désinvestissement des énergies fossiles et désireux d’éviter des mesures politiques contraignantes, Total avait publié pour la première fois en 2016 une « stratégie climat ». Celle-ci était censée prouver que le groupe pétrolier pouvait poursuivre ses activités dans les hydrocarbures tout en restant dans une trajectoire compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Un tel tour de passe-passe ne pouvait faire illusion qu’au prix de multiples omissions et contorsions, décortiquées dans un rapport de l’Observatoire des multinationales et 350.org, intitulé Total : une « stratégie climat » en trompe-l’oeil. Citons notamment la promotion du gaz (et notamment du gaz de schiste) comme une énergie « bas carbone », en escamotant la question des émissions de méthane qui rendent cette source fossile peut-être aussi nocive que le charbon, ou encore l’hypothèse implicite d’un déploiement massif, dans l’avenir, de technologies de « capture et stockage du carbone » pour retirer le CO2 émis par Total de l’atmosphère. Des technologies qui n’existent pas aujourd’hui, et dont beaucoup pensent qu’elles ne seront jamais viables…

Entre-temps, les dirigeants de Total ont continuer à miser sur le développement massif du gaz de l’Arctique russe, avec les projets Yamal LNG et Arctic LNG 2 (lire Yamal LNG : comment les intérêts de l’industrie pétrolière continuent à primer sur la sauvegarde du climat… et sur les sanctions commerciales), ainsi que sur celui du gaz de schiste américain et de son importation en Europe (lire Alors qu’une nouvelle cargaison arrive en France, Total mise gros sur le gaz de schiste américain). Ils poursuivent leurs projets pétroliers au large du Brésil et sur le continent africain, aussi bien dans les pays d’implantation historique de Total comme l’Angola ou le Nigeria que dans de nouveaux terrains de chasse comme la région du Grands Lacs ou le Mozambique. Leur projet « vert » emblématique en France, la reconversion de la raffinerie de La Mède vers les agrocarburants, est sous le feu des critiques car cette production sera essentiellement basée sur de l’huile de palme, sans garantie solide qu’elle ne contribue pas à la déforestation (lire La raffinerie de Total à La Mède convertie à l’huile de palme).

Autant de choix qui ne sont pas innocents politiquement. Le PDG Patrick Pouyanné a fait des courbettes aussi bien devant Donald Trump, mettant en exergue ses investissements dans l’industrie pétrochimique aux Etats-Unis, que devant Vladimir Poutine, président d’une Russie devenue le premier pays de production de Total, et devant la famille royale saoudienne. Il a aussi été le premier dirigeant d’une multinationale occidentale à rendre visite au nouveau président brésilien après la destitution forcée de Dilma Rousseff.

Manque de sérieux

L’analyse effectuée par « Notre affaire à tous » et ses partenaires suggère que les dirigeants de Total prennent de moins en moins la peine de se cacher. Le premier « plan de vigilance » publié par le groupe l’année dernière, dans le cadre de l’application de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales (lire ici), ne mentionnait même pas le changement climatique. Dans les documents publiés à l’occasion de l’assemblée générale annuelle 2019, Total prétend dans certaines pages inscrire sa stratégie de développement dans le cadre d’un scénario de l’Agence international de l’énergie (AIE) limitant le réchauffement des températures à 2°C à l’horizon 2100. Mais dans d’autres pages, le groupe pétrolier admetse baser sur un autre scénario de l’AIE, dit « business as usual », menant vers un réchauffement compris entre 2,7 et 3,3°C… « [Total entretient] délibérément la confusion entre les différents scénarios de l’AIE afin de justifier des investissements massifs dans la production de gaz et de pétrole », dénoncent les auteurs du rapport.

Les cinq objectifs concrets déclinés par Total (réduire le torchage de gaz, améliorer son efficacité énergétique de 1% par an, réduire l’intensité carbone de ses produits de 15% d’ici 2030, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 13% d’ici 2025, réduire les émissions fugitives de méthane) illustrent son peu de sérieux sur la question du climat, au-delà des effets d’affichage. Aucun ne va au-delà de l’horizon 2030. Il n’est question que d’une réduction très modeste et relative de l’impact climatique du groupe, alors même que la plupart des objectifs officiels visent désormais explicitement la neutralité carbone. Le Giec (Groupe international d’experts sur le climat) estime par exemple que pour avoir 50% de chances de limiter le réchauffement à 1,5°C et 85% de chances de le limiter à moins de 2°C d’ici la fin du siècle, les émissions globales de gaz à effet de serre doivent être réduites d’au moins 45% d’ici 2030 par rapport à 2010, et atteindre la neutralité carbone en 2050.

Total peut-elle encore être une entreprise respectable ?

Les derniers documents de Total sur le climat continuent à reposer implicitement sur un déploiement très hypothétique de technologies de capture et stockage du carbone, de même que sur le développement des agrocarburants. Comme d’autres majors pétrolières récemment, Total annonce aussi des investissements de 100 millions de dollars par an dans des « puits de carbone » – autrement dit des programmes de forestation en Afrique et ailleurs pour compenser ses émissions. Alors que projets actuels de protection de la forêt ou de reboisement au bénéfice des multinationales sont déjà accusés d’être peu efficaces [1] et de réduire l’accès aux ressources des communautés locales, beaucoup craignent que des programmes aussi massifs n’entraînent une nouvelle vague d’accaparement des terres.

Après s’être plongés dans ses comptes annuels, les auteurs du rapport La stratégie du chaos climatique confirment la disproportion entre les investissements de Total dans le pétrole et le gaz – 9,2 milliards de dollars en 2018 – et ceux dans le secteur décrit comme « bas carbone » – seulement 0,5 milliard au total, y compris pour des projets qui n’ont pas grand chose de vert. Ce n’est pas l’annonce récente de l’acquisition des gisements de pétrole et de gaz d’Anadarko en Afrique pour 8,8 milliards de dollars qui risque d’inverser la tendance en 2019.

Si le groupe pétrolier fait tant d’efforts de communication pour se présenter en « major pétrolière responsable », s’il finance abondamment des musées et des universités (et aujourd’hui la reconstruction de Notre-Dame) et s’engage dans tous les « pactes » possibles et toutes les initiatives vertes destinées au secteur privé, c’est que cette aura de respectabilité la protège des conséquences concrètes de ses actes. Or, comme le rappelle « Notre affaire à tous », « la différence entre 1°C, 1,5°C et 2°C se chiffre en centaines de millions de vies ». En mettant en lumière « la stratégie du pire assumée par Total », les militants du climat souhaitent faire tomber les masques, pour que l’entreprise elle-même, mais aussi tous ses partenaires et les pouvoirs publics, soient enfin mis face à leurs responsabilités. Tout laisse à croire qu’il y a urgence.

Olivier Petitjean

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Les sondages avaient raison, sauf sur un point : la participation supérieure à 50 %. La plus haute depuis 1994. Pour le reste, la course à deux que se sont livrés le Rassemblement national et La République en Marche a bel et bien tourné à l’avantage du premier.

Selon les chiffres définitifs, le RN de Marine Le Pen, emmené par le néophyte Jordan Bardella, est crédité de 23,31 % des suffrages. Un score légèrement inférieur à celui du FN de 2014.

Derrière, Nathalie Loiseau et sa liste Renaissance pro-Macron décrochent 22,41 % des voix. Ce qui n’a pas empêché sa tête de liste d’évoquer « la solidité de la majorité présidentielle ».

Et, de fait, la victoire du RN ne s’est pas jouée sur un véritable KO, même si le score de la liste soutenue par Emmanuel Macron est inférieur au résultat obtenu par Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle de 2017.

Surprise : la liste Europe Écologie-Les Verts (EELV) emmenée par Yannick Jadot déjoue les pronostics, avec 13,47 % des suffrages, ce qui la place en troisième position.

LA DROITE ET LA GAUCHE AU TAPIS

Catastrophe pour les deux partis traditionnels. 8,48 % pour les Républicains : c’est le pire résultat de l’histoire de la droite. Aux Européennes de 2014, l’UMP dépassait les 20 %.

À gauche, une débâcle aussi. Le pari perdu de Jean-Luc Mélenchon : 6,31 % pour La France Insoumise. Quant à ce qui reste du PS, là aussi, le score d’éligibilité est à peine franchi, avec 6,19 % pour la liste Parti Socialiste-Place Publique de Raphaël Glucksmann.

Toutes les autres listes (dont celles issues de Gilets jaunes, qui ont atteint moins de 1 % en score cumulé) repartent bredouilles. Dans un communiqué, Benoît Hamon et son mouvement (un peu plus de 3 % des voix) « constate(nt) l’échec de la gauche à apparaître lors de ce scrutin comme un débouché naturel à la demande de justice sociale, de transition écologique et de souveraineté démocratique des Français (sic). »

VERS LA FIN DU BIPARTISME AU PARLEMENT EUROPÉEN

Les résultats, au niveau européen, ne sont pas encore officiels, mais divers enseignements peuvent être tirés. Tout d’abord, le PPE (chrétiens-démocrates) et le S&D (sociaux-démocrates) ne parviendront plus à obtenir une majorité à Bruxelles. Bien qu’ils restent les deux plus grands groupes, avec environ respectivement 180 et 150 sièges, c’en est fini du bipartisme.

(Source : https://resultats-elections.eu/)

Les grands profiteurs de ce scrutin sont à chercher du côté des nationalistes, des populistes, mais aussi chez les Verts et, surtout, chez les libéraux pro-européens.

La ALDE (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe) arrive en troisième position avec une centaine de sièges, ce qui fait dire à son président Guy Verhofstadt (qu’)« aucune majorité solide ne sera possible sans notre groupe ». C’est au sein de la ALDE que siègeront les députés français emmenés par Nathalie Loiseau.

Quant aux Verts, ils peuvent aussi revendiquer un rôle grâce à un gain escompté d’une vingtaine de sièges (de 51 à 70, toujours selon les projections).

LES POPULISTES EN EMBUSCADE

Sans vraie surprise, la Ligue de Matteo Salvini et le Parti du Brexit de Nigel Farage trustent à eux seuls les plus gros scores au sein des formations nationales. Dans le premier cas, cela permettrait au groupe ENL (Europe des Nations et des Libertés) de passer de 36 à une soixantaine de sièges. Dans le second cas, le groupe populiste EFDD en gagnerait une douzaine (de 44 à 56).

Selon des estimations à confirmer, la Ligue de Matteo Salvini pourrait devenir le parti national ayant le plus de membres au Parlement européen, à moins que cela ne soit le Parti du Brexit du Britannique Nigel Farage. Les résultats définitifs le diront.

L’ENL, où siègent actuellement des députés RN et de la Ligue, passerait de 36 membres à une soixantaine dans le nouveau Parlement, selon des projections. Le groupe populiste EFDD (Europe of Freedom and Direct Democracy) gagnerait lui une douzaine de sièges (pour atteindre 56 membres).

Notons enfin le maintien du parti du Premier ministre hongrois Viktor Orban, en dépit de son combat anti-UE et de sa suspension du groupe PPE.

Le Parlement européen a tremblé, mais n’a pas vacillé. Les progressions des nationalistes, des europhobes et des populistes n’ont pas suffi à déstabiliser le camp des pro-européens, qui devraient obtenir une majorité suffisante parmi les 751 députés.

Les tractations débutent dès aujourd’hui avec, en point de mire, la composition d’une coalition stable et, surtout, la désignation du nouveau président de la Commission. La personne qui succèdera au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker devra obtenir l’aval non seulement des 28 chefs d’État et de gouvernement, mais aussi d’au moins 376 eurodéputés. Au lendemain du vote des citoyens, la course aux postes et aux mandats a commencé.

Ludovic Delory

Ludovic Delory : Journaliste, essayiste. Rédacteur en chef de Contrepoints.

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La liberté d’opinion en Allemagne est menacée

mai 28th, 2019 by Karl Müller

Après 70 ans de Loi fondamentale allemande, des observations mènent à la conclusion que l’actuelle «lutte contre la droite» n’a généralement rien à voir avec une protection de la démocratie, ni avec sa capacité à repousser l’extrémisme politique, mais en fait ce phénomène vise plutôt la conservation d’un ordre mondial unipolaire.

Dimanche 12 mai, 20:15 heures, ZDF, prime time. Le téléfilm allemand désigné comme «comédie romantique» se veut aussi une contribution de droit public contre la «xénophobie». Parmi les personnages principaux, il y a une jeune femme très sympathique, empathique et humainement engagée, ainsi qu’une famille turque dont le père exploite un petit atelier de réparation automobile dont malheureusement les affaires marchent mal. Le jour où cet atelier est détruit par un incendie, certains habitants de la commune, et surtout les habitués d’un bistrot regroupés autour d’un conseiller communal «de droite» assez antipathique, ont tôt fait de soupçonner le père de famille turc d’avoir incendié lui-même son garage pour tenter une fraude à l’assurance. La famille, jusque-là plutôt bien intégrée dans son village bavarois, se sent de plus en plus isolée. Des inconnus ont barbouillé «Etrangers dehors!» sur la maison, et la fille, désespérée, va même commettre une tentative de suicide. Pourtant, à la fin tout s’arrange. Certes, les familles et les couples rencontrés ont tous des problèmes interpersonnels, qui ne sont pas tous résolus à la fin du film, mais la jeune femme évoquée plus haut organise une marche de protestation «contre les attaques de la droite» suivie par de nombreux villageois arborant des pancartes «contre la droite» et pour la «tolérance». Dans l’obscurité, ils créent même une sorte de guirlande lumineuse. Entre-temps, l’hypothèse de l’incendie volontaire a d’ailleurs été exclue.
Franchement, il n’y a rien à redire.

Fiction et réalité

Il est toutefois permis de douter que la réalité allemande depuis l’été 2015 soit ici représentée de façon vraie.
L’ancien président de l’Office fédéral de protection de la constitution, congédié par son employeur parce que ce dernier restait convaincu que des événements s’étant produits à Chemnitz, en Allemagne de l’Est, avaient été décrits de façon erronée, a déjà pris position officiellement à plusieurs reprises sur la «lutte contre la droite» en Allemagne, et encore dernièrement dans une interview accordée le 8 mai à la «Neue Zürcher Zeitung». Hans-Georg Maassen y déclare notamment:

«La politique en matière de migration, pratiquement inchangée depuis septembre 2015, présente selon moi de sérieux risques pour la sécurité et la cohésion de l’Etat. Il est nécessaire de procéder à des refoulements à la frontière. Nous devons refuser les personnes qui ne sont pas victimes de persécutions politiques, et nous devons renvoyer immédiatement les 240 000 étrangers tenus de quitter le pays, sans nous faire marcher sur les pieds par les Etats de provenance. Pour l’heure nous n’avons pas pris les dispositions permettant d’éviter une nouvelle grande vague de migrants.»

«Du poison pour la démocratie»

Et Maassen de poursuivre: «Les personnes qui s’écartent du courant politico-médiatique dominant ont la vie dure. Elles se voient parfois stigmatisées comme de droite ou de droite populiste, ce qui les intimide et les décourage. J’ai entendu à plusieurs reprises des personnes préférant ne rien dire du tout, plutôt que d’être clouées au pilori. […] C’est du poison pour la démocratie, car certaines positions politiques n’ayant rien d’extrémiste sont ainsi rendues taboues et échappent au discours démocratique.»

Avant d’ajouter: «Les politiciens font souvent preuve de plus de loyauté envers leur parti qu’envers le peuple. J’ai par exemple discuté avec des politiciens SPD sur la fameuse crise migratoire. Lors de notre discussion, ils ont concédé que la politique d’asile des années 2015 et 2016 avait été une grave erreur du gouvernement et une catastrophe pour l’Allemagne. Mais il était impensable de déclarer cela publiquement, car la SPD ne pouvait se positionner à nouveau de façon plus conservative que la CDU/CSU, tel que cela avait été le cas lors de l’Agenda 2010.»

Mieux vaut te taire, si tu penses autrement!

La réaction de Hans-Georg Maassen face au téléfilm du ZDF ne nous est pas connue, mais ce film n’invite sûrement pas à s’exprimer publiquement de façon critique face à la politique migratoire du gouvernement fédéral depuis 2015. En réalité, ce film du ZDF n’est rien de plus qu’un exemple parmi tant d’autres de la manière utilisée pour créer une certaine ambiance en Allemagne, souvent assez subtilement, de façon indirecte et suggestive parfaitement maîtrisée, et toujours avec un axe central clairement défini, à savoir: rendre le message incontestable. Ce phénomène imprègne autant des manifestations publiques que le lieu de travail ou encore les loisirs. On pourrait aussi parler de propagande, ou mieux encore, d’un appel: mieux vaut se taire, si tu penses autrement!

Le pouvoir d’un complexe de médias et d’ONG …

Commençons par prendre au sérieux les mots d’un ancien président de l’Office fédéral de protection de la constitution. Un pays, où les citoyens et les politiciens, sans avoir de penchants extrémistes, ne peuvent plus dire franchement et librement ce qu’ils pensent, est un pays sans liberté d’opinion, et cela même si la Constitution garantit cette liberté et que les sanctions officielles par l’Etat sont encore l’exception. Les sanctions sont l’apanage d’un nouveau genre de «Volksgemeinschaft», une communauté populaire, ici sous la forme d’un complexe de médias et d’ONG.

Il est honteux pour le pays de constater que pour l’heure, il n’y a guère que des personnalités telles que l’ancien président de l’Office fédéral de protection de la constitution qui prennent officiellement position et défendent leur point de vue. Mais lui aussi se voit taxé de réactionnaire par tous ceux qui pensent qu’ils auront ainsi la partie facile.

Et pourtant, toute personne accordant de l’importance à la démocratie, devrait tirer la sonnette d’alarme.

… contre la liberté d’opinion

La Loi fondamentale allemande, en vigueur depuis maintenant 70 ans, décrit très précisément à l’article 5 ce que signifie la liberté d’opinion et quelles en sont les limites.

Article 5 de la Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne

(1) Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l’écrit et par l’image, et de s’informer sans entraves aux sources accessibles au public. La liberté de la presse et la liberté d’informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties. Il n’y a pas de censure.

(2) Ces droits trouvent leurs limites dans les prescriptions des lois générales, dans les dispositions légales sur la protection de la jeunesse et dans le droit au respect de l’honneur personnel.

(3) L’art et la science, la recherche et l’enseignement sont libres. La liberté de l’enseignement ne dispense pas de la fidélité à la Constitution.

Il n’est nullepart indiqué que les opinions exprimées publiquement doivent être «politiquement correctes». Chaque citoyen est appelé à corriger des préjugés, parmi lesquels figurent bien entendu certains préjugés sur des étrangers vivant en Allemagne. Cela présuppose l’équivalence dans les rapports, et l’objectivité dans la confrontation.

S’exprimer, lorsque la démocratie est en danger

De la même manière, chaque citoyen est appelé à s’exprimer publiquement lorsque la démocratie est en danger et que certains acteurs – motivés par des intérêts particuliers ou par le goût du pouvoir – menacent d’autres personnes de l’exclusion sociale suite à leurs affirmations fallacieuses.

Comme tout autre pays, l’Allemagne ferait donc mieux de discuter et de surmonter les tâches réelles qui sont les siennes (obtenir la paix sans armes, mettre de l’ordre dans l’économie et les finances, résoudre les questions sociales, améliorer la culture politique, etc.)

Jouer franc jeu

Que se passerait-il si ceux qui misent sur la dissolution des Etats, sur la dépossession des libertés, de l’Etat de droit et de la démocratie, sur une UE encore plus puissante ou même sur une gouvernance globale, en bref si les partisans d’un retour à un ordre mondial unipolaire jouaient franc jeu, et arrêtaient enfin de taxer leurs opposants de réactionnaires, et de parler de «lutte contre la droite», alors qu’ils ont tout autre chose en tête? Les ennemis de la démocratie n’existent pas uniquement dans les groupes d’extrême gauche et d’extrême droite (cf. encadré), ni au sein de l’islam violent. Malheureusement, il y a aujourd’hui parmi les ennemis de la démocratie également certaines forces disposant déjà de beaucoup de pouvoir et d’influence, voulant s’octroyer le droit de décider toutes seules de la manière dont nous devrions vivre ensemble.

Karl Müller

Encadré: Le «consensus antitotalitaire» disparaît de plus en plus

Dans les années 1950, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a formulé des critères clairs dans ses décisions sur l’interdiction du Parti communiste d’Allemagne (KPD) d’extrême gauche et du Parti socialiste du Reich (SRP) d’extrême droite. Elle a rappelé les bases de la Loi fondamentale et de l’ordre libéral démocratique et donc les détails définissant l’inconstitutionnalité d’un parti politique. En 1952, la Cour avait stipulé que «L’ordre constitutionnel libéral et démocratique dans le sens de l’art. 21 II LF est un ordre qui, en excluant tout despotisme et dictature, représente l’Etat de droit sur la base de l’autodétermination du peuple selon la volonté de la majorité respective et de la liberté et de l’égalité. Les principes fondamentaux de cet ordre comprennent au minimum: le respect des droits de l’homme tels qu’ils sont énoncés dans la Loi fondamentale, notamment le droit de toute personne à la vie et au libre développement, la souveraineté populaire, la séparation des pouvoirs, la responsabilité du gouvernement, la légalité de l’administration, l’indépendance des tribunaux, le principe du multipartisme et l’égalité des chances pour tous les partis politiques ayant droit à la formation constitutionnelle et à l’exercice de l’opposition. (BVerfGE 2, 1 [Leitsatz 2, 12s.])

Dans la lutte politico-polémique de nos jours, presque personne ne connaît encore ces critères stricts.
Dans une interview accordée à la «Neue Zürcher Zeitung» du 8 mai, Hans-Georg Maassen [ancien chef des services de renseignement intérieur, ndt.] a souligné que l’extrême gauche et, plus récemment, l’extrême droite en Allemagne obtiennent le soutien de milieux non extrémistes: «La gauche n’a jamais fait de distinction claire entre l’extrémisme de gauche et tout l’éventail de la gauche aux libéraux de gauche. Il y a toujours eu un pont entre la gauche et l’extrême gauche. Depuis la Seconde Guerre mondiale, il y a toujours eu une distinction claire entre l’extrémisme de droite et la droite. Cette séparation s’est de plus en plus évaporée au cours des dernières années. Comme pour l’extrémisme de gauche, il y a maintenant un pont entre les diverses droites et l’extrémisme de droite.» Le «consensus antitotalitaire» exprimé dans la Loi fondamentale de 1949 se réduit comme une peau de chagrin. Les dangers politiques de cette lente disparition des frontières sont grands.

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Depuis l’arrestation de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, le 11 avril à l’ambassade d’Equateur à Londres, et sa condamnation à 50 semaines de prison, il y a eu de nombreuses protestations, manifestations et appels pour la libération d’Assange dans le monde. Depuis son asile en Russie, Edward Snowden a rédigé une lettre lue publiquement à Berlin. En Suisse, un groupe d’avocats a demandé au Conseil fédéral d’accorder l’asile à Assange, car il est persécuté politiquement. Si une extradition vers les Etats-Unis devait se faire, il risque la torture et la peine de mort en raison de ses révélations sur les crimes de guerre perpétrés par ce pays. Assange lui-même a exprimé cette crainte à plusieurs reprises depuis sa fuite dans l’ambassade de l’Equateur. Dans les réseaux sociaux, on trouve de nombreux articles à ce sujet. Un grand nombre de médias mainstream, ayant à l’époque volontiers publié en première page les articles de WikiLeaks sur les crimes de guerre, font actuellement preuve d’une grande retenue dans leurs reportages.

Mais d’autres aspects doivent être pris en compte. Il s’agit de la protection des personnes découvrant des crimes de guerre, révélant à l’opinion publique des graves violations du droit international par des gouvernements. Il s’agit également du droit à la participation des citoyens à la vie publique, de protéger les personnes se souciant encore de la Charte des Nations Unies et des droits de l’homme ainsi que de la protection de la démocratie et des dangers pour la paix dans le monde. Cela ressort clairement de l’interview d’Alfred de Zayas, qui a rendu visite à Assange à l’ambassade en 2015. «Dans une société démocratique, il faut que quiconque puisse avoir accès à des informations fiables pour pouvoir se former sa propre opinion», déclare Alfred de Zayas, déjà en 2016, dans son appel en faveur d’une charte pour les droits des lanceurs d’alertes. Et d’ajouter: «Les lois [générales] doivent être appliquées aux personnes dont les actes criminels sont mis au jour par les lanceurs d’alertes».

Il en va également de la vérité et de la justice pour les innombrables victimes innocentes de la guerre.

Nombreuses sont les victimes ayant remercié Assange d’avoir publié avec WikiLeaks la vérité sur la guerre, comme l’écrit Mairead Maguire, lauréate d’Irlande du Nord du prix Nobel de la paix (1976), dans son impressionnant appel. La chasse aux sorcières envers Julian Assange – comme l’indique clairement la chronologie en page 2 –, Chelsea Manning, Edward Snowden et de nombreux autres lanceurs d’alertes doit cesser.

Eva-Maria Föllmer-Müller

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“Nous allons intercepter et stopper toutes les exportations de pétrole de la région (Moyen-Orient) si on nous empêche d’exporter notre pétrole. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour fermer le détroit d’Hormuz. Si – en envoyant des avions à réaction, des transporteurs – les Etats-Unis veulent simplement renforcer leurs positions et leur statut au sein de la communauté internationale, ça ne nous concerne pas. Mais si les Etats-Unis ont vraiment l’intention de nous menacer, ils doivent savoir que pas une goutte de pétrole ne quittera la région et que nous détruirons tous les intérêts américains au Moyen-Orient”. C’est ce que le Président de l’Iran, le Grand Ayatollah Sayyed Ali Khamenei a déclaré en 1983, en réponse à la décision du président américain Ronald Regan d’envoyer des porte-avions au Moyen-Orient pendant la guerre Iran-Irak. On dirait que c’était hier.

Aujourd’hui, en 2019, le leader aguerri et éclairé de la révolution, Sayyed Khamenei – qui a joué un rôle dans une situation critique très similaire dans les années 80 – est confronté au président Donald Trump et à une administration qui ne semblent pas avoir beaucoup appris de l’histoire, ni de la précédente confrontation entre les États-Unis et l’Iran. Analyser sans à priori sa politique étrangère antérieure ne semble pas faire partie des habitudes de l’administration étasunienne actuelle. Un petit rappel historique peut donner un aperçu de ce qui attend Trump dans le cas d’une confrontation plus large avec l’Iran.

Dans les années 80, la “Révolution islamique” iranienne était confrontée à de graves problèmes dans plusieurs domaines. Ses forces armées étaient désorganisées et dispersées ; les décideurs et les politiciens avaient de sérieuses divergences d’opinion sur la façon de diriger le pays après la chute du Shah ; la sécurité intérieur était déficiente ; il y avait des luttes ethniques et nationales ; aucun pays ne voulait vendre des armes à l’Iran ; les Etats-Unis, l’Europe et les Etats du Golfe ont soutenu l’agression de Saddam Hussein contre l’Iran ; et le pays traversait de graves difficultés économiques.

La situation était idéale pour envahir l’Iran, ce que Saddam Hussein a fait en septembre 1980 en bombardant l’aéroport international de Mehrabad, en occupant plus tard Khorramshahr, et en appelant à un soulèvement des Arabes “à Muhammara”. L’objectif de Saddam Hussein – le changement de régime -, était celui que l’administration américaine poursuivait depuis 1979 – et qu’elle poursuit toujours aussi obsessionnellement en 2019.

Nombreux sont ceux qui ont oublié que l’Imam Khomeini n’avait pas hésité à encourager les Iraniens, dirigés par le Rahbar (chef spirituel) actuel, Sayyed Ali Khamenei (1987), qui était alors président de l’Iran, à ouvrir le feu sur les forces américaines ou toute autre force hostile naviguant dans le Golfe. “Si j’étais vous (les dirigeants politiques), j’ordonnerais aux forces armées de viser le premier navire de guerre protégeant un pétrolier qui essaierait de traverser le détroit d’Ormuz. Vous devez décider de la meilleure course d’action, quel qu’en soit le prix”, a dit l’imam Khomeini.

L’ayatollah Ali Khamenei (et le cheikh Hashemi Rafsanjani) ont immédiatement donné aux forces armées l’ordre d’agir ainsi. Toutes les forces armées ont été entièrement coordonnées avec les forces des Gardiens de la révolution (IRGC – Pasdaran). L’Iran a tiré des missiles chinois DF5 (ver à soie) sur le port du Koweït al-Ahmadi. Un pétrolier koweïtien naviguant sous drapeau américain et sous protection de la marine américaine a été touché par une mine iranienne dans le golfe. De plus, l’Iran a abattu un hélicoptère étasunien avec des missiles Stinger, des missiles étasuniens livrés à l’Iran par les moudjahidines afghans. L’Iran, nullement impressionné par la “toute-puissance” militaire des Etats-Unis, était prêt à escalader la confrontation dans le Golfe Persique. Il a également attaqué un navire soviétique, le cargo Ivan Korotoyev, qui naviguait dans le Golfe sous escorte militaire.

C’était très étrange de voir ces deux superpuissances, les Etats-Unis et la Russie, s’unir contre l’Iran dans un conflit au Moyen-Orient pour soutenir Saddam Hussein. A l’époque, les talents diplomatiques de l’Iran n’étaient pas encore aiguisés. Il aidait les Afghans contre les Soviétiques et combattait l’hégémonie américaine au Moyen-Orient.

Sayyed Ali Khamenei s’était rendu à New York, et au Conseil de sécurité de l’ONU pour dire au monde entier que “les Etats-Unis recevraient une réponse appropriée à son action hideuse dans le Golfe” (suite à une attaque américaine contre un navire commercial iranien appelé Iran Ajr). Un pétrolier géant américain portant le nom de Sungari a été attaqué et incendié par les Pasdaran. L’Iran n’avait pas l’intention de renoncer à se battre, au contraire, il se révélait prêt à affronter deux superpuissances  à une l’époque où le pays était dans un état lamentable.

Aujourd’hui, l’Iran est très bien équipé de toutes sortes de missiles, et c’est un pays plus puissant, très productif, doté d’alliés forts et efficaces qui peuvent faire beaucoup plus de mal aux ennemis de l’Iran qu’en 1987. Les principes et les valeurs de la Révolution islamique sont toujours les mêmes, et le pays est dirigé plus ou moins par les mêmes personnes. Le Corps des gardiens de la révolution islamique est plus fort que jamais et fait partie intégrante des forces armées.

Sayyed Ali Khamenei était entièrement dévoué à l’Imam Khomeini. Il a été un fidèle gardien de la “Révolution islamique”, a supervisé l’IRGC, a représenté l’Imam Khomeini au Conseil de sécurité et a joué un rôle de premier plan dans l’armement du Corps des gardiens de la révolution islamique et leur intégration à tous les niveaux des forces armées du pays. Il n’hésitera pas à prendre des mesures contre n’importe quel dirigeant du pays qui aurait la faiblesse de vouloir composer avec les États-Unis. Aujourd’hui, le chef de la Révolution n’a peur ni de la guerre, ni de la paix. Il ne négociera pas avec Trump et ne l’aidera pas à être réélu en 2020. Ceux qui pensent que l’Iran est désespéré, acculé ou défaillant à cause des sanctions américaines devrait s’intéresser de plus près à l’histoire et au comportement de la “Révolution islamique” depuis 1979.

Elijah J. Magnier

 

Traduction de l’anglais : Dominique Muselet

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GAZA VILLE (Ma’an) – L’Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les Réfugiés Palestiniens au Proche Orient (UNRWA) a exprimé lundi une véritable inquiétude, disant qu’à moins de trouver au moins 60 millions de dollars supplémentaires d’ici juin, sa capacité à fournir de la nourriture à plus d’un million de réfugiés palestiniens de Gaza sera gravement remise en question.

L’UNRWA affirme dans un communiqué : « Au moment où, dans le monde entier, les Musulmans observent le mois saint du Ramadan, souvent caractérisé par la nature festive de ses iftars (rupture du jeûne), à Gaza, plus de la moitié de la population dépend de l’aide alimentaire de la communauté internationale. »

Le communiqué soulignait que, à moins que l’UNRWA ne trouve « au moins 60 millions de dollars de plus d’ici juin, sa capacité à fournir de la nourriture à plus d’un million de réfugiés palestiniens de Gaza, dont quelques 620.000 sous le seuil de pauvreté – ceux qui ne peuvent assurer leurs besoins alimentaires basiques et qui doivent survivre avec 1.6 $ par jour – et près de 390.000 pauvres absolus – ceux qui survivent avec environ 3.5 $ par jour – sera gravement remise en question.

L’UNRWA est financée presque entièrement par des contributions volontaires et le soutien financier a été dépassé par l’augmentation des besoins. De moins de 80.000 réfugiés de Palestine qui recevaient l’aide sociale de l’UNRWA à Gaza en l’an 2000, on est passé aujourd’hui à plus d’un million de personnes qui ont besoin de l’aide alimentaire d’urgence sans laquelle elles ne peuvent passer la journée.

Matthias Schmale, directeur des Opérations de l’UNRWA à Gaza, précise : « Il s’agit d’une augmentation presque décuplée par le blocus qui a conduit à la fermeture de Gaza et son impact désastreux sur l’économie locale, les conflits successifs qui ont dévasté des quartiers entiers et des infrastructures publiques, et la crise politique palestinienne interne qui a débuté en 2007 avec l’arrivée du Hamas au pouvoir à Gaza. »

Un rapport émis en 2017 par les Nations Unies avertissait que la Bande de Gaza serait « inhabitable » en 2020.

Aujourd’hui, avec un taux de chômage supérieur à 53 % dans la population de Gaza et avec plus d’un million de personnes qui dépendent de la distribution de vivres, ce sont principalement l’action humanitaire préventive des agences de l’ONU, dont l’UNRWA, et l’envoi de fonds de l’étranger qui ont épargné Gaza de l’effondrement total.

A la suite de l’établissement de l’État d’Israël en 1948, les Nations Unies ont créé l’UNRWA pour aider près de 700.000 Palestiniens à se remettre après la guerre israélo-arabe ; l’UNRWA dit qu’il y a 5.3 millions de réfugiés palestiniens dans le monde.

L’UNRWA fournit actuellement des services à quelques 5 millions de réfugiés palestiniens en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans les territoires palestiniens occupés et dans la Bande de Gaza assiégée.

Source : Over one million Palestinians in Gaza to not have enough food by June, Ma’an News Agency,

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

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Sélection d’articles :

Guerre d’usure contre le Venezuela

Par Thierry Deronne et Robin Philpot, 23 mai 2019

La guerre d’usure de Washington et ses alliées contre le Venezuela se poursuit. Elle prend de nouvelles formes où les médias internationaux, marchant main dans la main avec puissances impériales, font des mises en scène pour imposer un récit mensonger.

 

Banque mondiale et Philippines

Par Eric Toussaint, 24 mai 2019

En 2019, la Banque mondiale (BM) et le FMI atteignent l’âge de 75 ans. Ces deux institutions financières internationales (IFI), créées en 1944, sont dominées par les États-Unis et quelques grandes puissances alliées qui agissent pour généraliser des politiques contraires aux intérêts des peuples.

 

Gilets Jaunes, une répression d’Etat

Par StreetPress, 25 mai 2019

Depuis 6 mois une répression inédite s’abat sur le mouvement des Gilets Jaunes. A travers les témoignages de blessés, spécialistes et militants, le documentaire inédit de StreetPress décrypte les dérives du maintien de l’ordre.

 

Pompiers et incendiaires

Par Michel Raimbaud, 27 mai 2019

C’était hier, en décembre 1991. En deux ans, le monde a changé de base. L’ordre bipolaire Est-Ouest vient de s’écrouler suite à la disparition de l’URSS. L’Occident sort vainqueur d’une compétition qui à vrai dire n’a pas duré plus de 45 ans, un temps plutôt court à l’échelle de l’Histoire. Enivrée par un triomphe inattendu qui est avant tout le sien, l’Amérique pavoise sans trop savoir que faire.

 

Le navire d’assaut des nouveaux croisés

Par Manlio Dinucci, 28 mai 2019

En présence du Chef de l’État Sergio Mattarella, du ministre de la Défense Elisabetta Trenta, du ministre du développement économique Luigi Di Maio, et des plus hautes autorités militaires, a été lancé le 25 mai aux Chantiers de Castellammare di Stabia (Naples) le navire Trieste, construit par Fincantieri.

 

L’histoire se répète: dans les années 1980, l’Iran s’était déjà opposé aux États-Unis dans le détroit d’Ormuz

Par Elijah J. Magnier, 28 mai 2019

“Nous allons intercepter et stopper toutes les exportations de pétrole de la région (Moyen-Orient) si on nous empêche d’exporter notre pétrole. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour fermer le détroit d’Hormuz. Si – en envoyant des avions à réaction, des transporteurs – les Etats-Unis veulent simplement renforcer leurs positions et leur statut au sein de la communauté internationale, ça ne nous concerne pas. Mais si les Etats-Unis ont vraiment l’intention de nous menacer, ils doivent savoir que pas une goutte de pétrole ne quittera la région et que nous détruirons tous les intérêts américains au Moyen-Orient”.

 

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Crédit : Agência Câmara. L’ex-vice gouverneur du Roraima, Paulo César Quartiero.

Lors d’une rencontre à huis clos au Ministère de l’agriculture, des ruralistes [1] du Pará exigent du gouvernement Bolsonaro – lequel a reçu leur appui lors de la campagne électorale – des mesures contre la politique de la protection à l’environnement et même des mesures illégales telles que la fin des contrôles et des Unités de Conservation (UCs). [2]

Un reporter du site Pública était présent à la réunion avec le Secrétaire d’État du Ministère de l’agriculture, Nabhan Garcia.

L’Ibama [3] n’a pas réagi aux critiques et a même fait des promesses pour faire plaisir aux producteurs ruraux.
Le massacre de Pau d’Arco a été justifié par le député Éder Mauro (PSD-PA) [4]

Quiconque serait entré, par hasard dans l’auditorium Olacyr de Moraes du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’approvisionnement alimentaire (Mapa), au début de l’après-midi du 10 avril dernier, aurait eu quelque difficulté à se rendre compte qu’il s’agissait d’une rencontre entre de grands exploitants agricoles du Pará et les autorités des ministères de l’agriculture et de l’environnement du gouvernement Jair Bolsonaro. Au lieu de voix marquées par le grésillement typique de l’accent du Pará, on remarquait les « r » fortement accentués des gens du sud, accent que l’on retrouve chez les propriétaires de latifundia sur les terres d’Amazonie. Réunis à Brasília, ces producteurs ruraux sont venus pour présenter la facture de leur appui durant la campagne présidentielle.

Le reporteur de Pública a assisté aux quatre heures qu’a duré cette rencontre organisée par la Fédération de l’agriculture et de l’élevage du Pará (Faepa) et financée par le gouvernement représenté par le titulaire du Secrétariat spécial aux questions foncières (Seaf), Luiz Antônio Nabhan Garcia. Ex-président de l’Union démocratique ruraliste (UDR) [5] , Nabhan Garcia a eu droit lors de cette réunion, au titre de « vice-ministre » bien que cette fonction n’existe pas. C’est lui qui avait enregistré les vidéos diffusées sur whatsapp, invitant les producteurs à participer à cette réunion. L’invitation a eu un grand succès : la salle était archipleine et certains producteurs sont restés à l’extérieur, se démenant pour pouvoir accompagner la discussion.

La titulaire du Mapa, la ministre Teresa Cristina, a tenu à reconnaître l’importance, lors de la campagne présidentielle, de l’appui spontané de l’agrobusiness, grand protagoniste de l’économie brésilienne au cours des dernières années. « Vous pouvez avoir la certitude que le gouvernement du président Bolsonaro a une grande estime et un intérêt tout spécial pour les producteurs ruraux. Ils furent les premiers à lui apporter leur soutien et leur confiance. Peut-être était-ce parce qu’ils avaient tant souffert, qu’ils avaient voulu mettre un terme à cette situation et qu’ils ont pensé que le président Jair Bolsonaro était la personne qui pourrait réaliser ce changement d’orientation dans notre pays », dit-elle. « Le Pará a été l’un des premiers États à lui apporter son vote de confiance. » Rappelons que la ministre se référait aux producteurs ruraux et non à la population qui a voté majoritairement pour le candidat du PT, Fernando Haddad.

Face à un parterre d’autorités telles que la ministre, le « vice-ministre », Nabhan Garcia, le président de l’Institut national de colonisation et de la réforme agraire (Incra), général Jesus Corrêa, le président de l’Ibama, Eduardo Fortunato et le secrétaire de direction au Secrétariat du gouvernement, Mauro Biancamano, la principale exigence présentée par ces grands producteurs a été la flexibilisation radicale (le terme le plus approprié aurait peut-être été le démantèlement) de la fiscalisation environnementale en vigueur sur les terres du Pará.

L’Ibama et l’Institut Chico Mendes de conservation de la biodiversidade (ICMBio) organismes officiellement responsables de la surveillance environnementale ont été la cible de fortes critiques et d’un flot d’injures. Dès que quelqu’un prononçait leur nom, un brouhaha montait de l’assistance. Et progressivement, des mots d’ordre étaient lancés et les applaudissements nourris démontraient l’appui de l’assistance qui s’est mise à crier au milieu des personnes présentes. Lors des manifestations anonymes qui se sont produites au cours des discours des autorités, ces organismes ont été accusés de pratiquer « un terrorisme d’État ». Certains ont dit que le gouvernement devrait « supprimer » ces organismes ; ils ont manifesté leur désaccord vis-à-vis de l’obligation de l’État à les maintenir et les ont appelés de « cancers ». Des producteurs ont parlé de « se débarrasser de ces saloperies d’Unités de conservation », termes similaires à ceux qu’ils ont utilisés pour se référer à d’autres espaces protégés par le gouvernement fédéral, tels que les terres indigènes et à l’occupation des terres autorisée par la réforme agraire.

Lors des discours prononcés dans l’auditorium par les producteurs ruraux et les autorités non liées au gouvernement fédéral, la tonalité n’a pas été très différente. Pour me restreindre à un seul exemple, la représentante de l’Association des producteurs des Campos do Araguaia [6] (Aprocampo), Genny Silva a traité l’Ibama lors d’une manifestation publique « d’institut brésilien d’attaque à main armée ». Le radicalisme des revendications était tel qu’il a conduit les représentants du gouvernement Bolsonaro à l’attitude inhabituelle d’inciter les personnes présentes à la pondération, à la prudence et au respect des institutions. Si le discrédit manifesté par Bolsonaro vis-à-vis des organismes traitant de l’environnement – comme lorsque il a dit que la fête de l’ICMBio et de l’Ibama « allait terminer » – a fait froid au dos des écologistes, pour les ruralistes du Pará, c’est insuffisant. Ils veulent la nouvelle ère bolsonarienne tout de suite et ils ne veulent plus avoir affaire aux contrôleurs de l’Ibama dans leurs propriétés.

« On ne peut pas souhaiter réformer des institutions inutiles »affirme l’ex-gouverneur de Roraima.

« Le Brésil se trouve dans une situation d’hémorragie généralisée et le gouvernement vient avec un sparadrap pour arrêter l’hémorragie. Il ne va pas y arriver ! Nous ne pouvons pas souhaiter réformer des institutions inutiles qui ne servent plus à autre chose qu’à gaspiller l’argent public et perpétuer la corruption », a affirmé Paulo Cesar Quartiero du DEM [7] , qui occupait le poste de vice-gouverneur dans l’État de Roraima jusqu’en janvier dernier. « Vous voulez que je les nomme ? Ibama, ICMBio, combien d’autres encore ? Est-ce que je citerais l’Incra également ? Bien sûr. Qui encore ?, demande-t-il à l’assistance. Certains producteurs mentionnent la Fondation nationale de l’Indien (Funai). « La Funai, c’est un sujet à part car elle n’obéit pas au gouvernement brésilien, elle obéit aux monarchies européennes », dit-il, provoquant des rires et se référant au fait que la Funai avait signé des accords pour le développement de projets avec l’aide du Fundo Amazônia dont le donateur principal est la Norvège.

Quartiero, en fait, est un vieil adversaire de la cause indigène à Roraima comme il l’a lui-même admis lors d’une interview accordée au journal Globo. Il a été producteur de riz sur les Terres indigènes (TI) Raposa Serra do Sol, officiellement délimitée en 2005. L’une de ses exploitations a fait l’objet d’une désappropriation suite au processus de démarcation de cette TI. En 2008 alors qu’il était maire de Pacaraima (État de Roraima), il a été arrêté par la Police fédérale (PF) et accusé de tentative d’homicide, de formation de gang et de possession d’explosifs. Selon le ministère public fédéral, il a affirmé que ces crimes se sont produits après qu’il eut coordonné des attaques contre la communauté Renascer [8] . Neuf indigènes ont été blessés lors de cette attaque, dont huit par balle selon les informations fournies à l’époque par la PF. Le procès est toujours en cours à la justice fédérale. Aujourd’hui, Quartiero est suppléant à la direction de la Fédération de l’agriculture et de l’élevage du Pará (Faepa) car il a une exploitation agricole dans l’île de Marajó, au Pará.

La suggestion de Quartiero que cela ne servirait à rien de réformer les entités chargées de l’environnement et qu’il faudrait y mettre fin, a suscité une réaction immédiate du maître de maison, Nabhan Garcia. Quand il a repris la parole, il a souligné le fait que ce n’est pas le gouvernement Bolsonaro qui avait « créé » la TI Raposa Serra do sol et il a rappelé quelles seraient les conséquences légales de la disparition de ces entités. « On ne met pas fin à la Funai aussi facilement que vous le dites. Excusez-moi, mais il n’y a pas de place pour la pyrotechnie. S’il y a parmi vous quelqu’un ayant une formation en droit, il comprendra ce que je dis. Ce n’est pas de cette manière que l’on met fin à la Funai, à l’Ibama, à l’Incra. Ce n’est pas comme ça. Ce que vous proposez c’est de la pyrotechnie », a réagi Nabhan Garcia.

Malgré l’impossibilité juridique d’extinction de ces organismes, le secrétaire des Affaires foncières a rappelé que le gouvernement fédéral fait pression sur ceux-ci, essayant de favoriser les intérêts des ruralistes. « La question de la Funai : celle-ci est responsable de l’identification, de la délimitation, de la démarcation et de l’octroi des terres, etc. [Le gouvernement] lui a retiré ces prérogatives. On ne peut pas supprimer la Funai, mais il est possible de retirer ce qu’il y avait de nocif dans ce qu’elle faisait et c’est ce que le gouvernement a fait dès le 1er janvier, férié national, le jour de sa prise de fonctions. Il existe une Mesure Provisoire (MP) [9] qui retire à la Funai toutes ces attributions. Elles passent par nos services, y compris les clauses concernant les quilombos, la Fondation Palmares [10] Aujourd’hui, tout cela relève du Ministère de l’agriculture, du Secrétariat aux questions foncières dont l’organe exécutif est l’Incra, le nouvel Incra qui accueille favorablement ces changements », expliquait Nabhan Garcia lors de la présentation des changements concernant la politique indigéniste. « Je trouve étrange que la loi soit contre nous, qu’elle ne nous soit pas favorable »murmura Quartiero, toujours légèrement contrarié.

L’Ibama fait le dos rond face aux critiques et promet des changements pour contenter les producteurs ruraux.

Quand le président de l’Ibama, Eduardo Fortunato Bim a pris la parole, sous les murmures de l’assistance, il a voulu être bref. Il a commencé par présenter ses excuses pour l’absence de son chef, le ministre de l’environnement, Ricardo Salles. « Tous les départements du ministère, y compris l’Ibama ont beaucoup d’estime pour les producteurs ruraux. Nous sommes en train de changer la mentalité qui existait dans le passé, de persécution envers ceux qui produisent dans ce pays. », a indiqué Bim. « Dans notre nouvel Ibama, nous recherchons un dialogue très ouvert avec tous les acteurs concernés afin d’arriver à une entente. Et en arrivant à s’entendre, d’éviter les points de friction qui existent encore. Changer la culture d’un organisme prend du temps mais nous luttons pour que ces changements se produisent », dit-il. Le président de l’Ibama a rapidement quitté de la salle, prétextant qu’il avait une audience au Ministère public. C’est le titulaire de la Direction de la protection à l’environnement, Olivaldi Azevedo, commandant de la Police militaire, nommé à ce poste par le ministre Salles, qui a dû faire face à la pression des producteurs.

L’après-midi, le commandant a été la cible de l’un des discours les plus enflammés et applaudis, prononcé par Nelci Rodrigues, présidente de l’association des producteurs ruraux Vale do Garça. Nelsi a commencé par s’excuser de ne pas faire dans la nuance et est entrée directement dans le vif du sujet. Son association se situe dans la région proche de la BR 163 qui traverse onze communes de l’État du Pará où, en 2006, le gouvernement fédéral a créé une mosaïque de zones protégées en vue de la création d’un projet de développement durable pour la région qui réduirait l’impact de l’asphaltage non encore réalisé de la nouvelle route.

Les Unités de conservation (UC) dont un grand nombre recevaient un appui du propre gouvernement, ont été créées sur de petites et grandes propriétés rurales existantes et, jusqu’à maintenant, la régularisation foncière n’a pas été réalisée de manière satisfaisante. Avec son accent du sud, Nelsi raconte qu’elle est arrivée en Amazonie alors qu’elle n’était qu’une enfant accompagnée de son père qui avait été incité par la propagande des gouvernements militaires dont la devise était « intégrer pour ne pas abandonner ». Et elle ajouta : « La BR [11] 163 vit une situation de guerre. Le Brésil devrait avoir une meilleure mémoire des choses. Je me souviens parfaitement que mon père disait que le militarisme n’était mauvais que pour les bons à rien. Ils disaient : ’Allez donc au Pará et soyez sûr que votre vie va s’améliorer’. Et vous savez ce qui s’est passé ? C’est devenu pire », dit-elle.

« Cela fait plus de 30 ans que je vis au Pará, j’ai cinq enfants, je les ai élevés, aujourd’hui ils ont terminé leurs études, tout cela grâce à une propriété rurale. En 2006, on a créé une mosaïque d’Unités de conservation qui a atteint mon Pará. Alors là, je vous le dis, les chiites de l’Ibama, le cancer du ICMBio du pays ont pris la maison d’une mère de famille et ont dit la chose suivante : ’Vous devez quitter cette maison car celle-ci va devenir la maison des singes [12]. Un général avait construit la BR 163 et le mot d’ordre était clair ’Venez intégrer pour ne pas abandonner’. Maintenant s’ils n’ont pas donné de titre de propriété, s’ils n’ont rien fait, ce n’est pas notre faute. Ils nous ont envahis. La règle du jeu change et on n’est pas informé. Et on nous traite de voleurs de terres. Si un de ces chiites effrontés répète ce type de barratin … Je ne suis pas très grande mais avec le courage que Dieu m’a donné … «  osa-t-elle dire sous un tonnerre d’applaudissements.

Bon nombre de producteurs ont parlé des incitations apportées à ce qu’on a appelé la colonisation des régions éloignées, du Pará par les gouvernements militaires et ont manifesté leur déception vis-à-vis des questions environnementales que le retour à la démocratie avait apportées. La législation en matière d’environnement de cette époque permettait aux propriétaires et aux occupants non régularisés de déforester 50% de la superficie des propriétés. Le code forestier approuvé en 2012 a déterminé que la superficie passible d’être déboisée au bénéfice de l’agriculture ne dépasse pas 20% dans l’écorégion amazonienne. Quelques producteurs ont même demandé que l’on revienne aux paramètres de déboisement de l’époque de la dictature. Une fois de plus, Nabhan Garcia a dû intervenir pour calmer les esprits et rappeler que le gouvernement ne pouvait pas modifier le code d’un simple coup de stylo, tout en laissant entrevoir la possibilité d’intervenir auprès du Congrès pour qu’il modifie les lois sur l’environnement.

A la fin de sa prise de parole, Nelci Rodrigues a exprimé une manière de penser commune aux producteurs ruraux : ce sont les nouvelles lois sur l’environnement qui ont poussé ceux-ci à entrer dans l’illégalité. Elle a déploré le fait que le Secrétariat à l’environnement et au développement durable (Semas), organe du gouvernement d’État du Pará n’ait pas validé le Cadastre environnemental rural (CAR) des propriétés situées dans les Unités de conservation, validation que la loi interdit. « Il y a 300 mille bovins dans les Unités de conservation et nous ne pouvons pas les vendre parce que nous n’avons pas le CAR. Je ne peux pas vendre car l’abattoir aurait une amende. Ils nous obligent à entrer dans l’illégalité. Ils nous obligent à retirer notre bétail et à l’emmener dans une propriété louée qui est légalisée afin de pouvoir vendre » dit Nelci. « Faites tomber toutes ces restrictions que la maudite Marina Silva a introduit » a-t-elle exigé, se référant à l’ex-ministre de l’environnement qui dirigeait ce ministère lors de la création des UCs.

Quand il s’est présenté pour prendre la parole, le commandant Olivaldi ne pouvait cacher une certaine nervosité. Avant de prendre la parole, une personne de l’assistance a dit qu’elle voulait que l’on mette fin à l’ICMBio. Quand le commandant a indiqué qu’il était le nouveau directeur de la protection environnementale de l’Ibama, un autre commentaire venant de l’assistance a fusé : « Ne prononce pas ce nom [Ibama]. On va changer le nom ». Olivaldi a essayé de faire de l’humour pour détendre l’ambiance. « Je me sens un peu victime d’une lapidation. Je le serai à nouveau en raison de ce qui a été mis en place là, avant nous, à l’origine de la tension entre ceux qui produisent et l’organisme de contrôle environnemental » a-t-il dit en initiant son discours. L’assistance n’a pas relâché la pression. « Va travailler en ville et ne t’occupes pas des propriétés agricoles. Il n’y a pas de problème d’environnement, dans nos propriétés. Vous pouvez donc nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas les bienvenus » a fait savoir un agriculteur.« Ne faites plus rien durant 60 jours. Contentez-vous de fermer », a dit un autre.

Olivaldi a demandé le retour au calme. Quand il a pu reprendre la parole, il a su faire plaisir aux ruralistes. « Nous allons réunir tout le monde afin de suspendre les interdits sur les terres qui peuvent être libérées. C’est une promesse du gouvernement Bolsonaro et du ministre Ricardo Salles. Nous sommes en train de revoir ces interdits », a-t-il affirmé. « Nous essaierons d’annuler un maximum de décisions préjudiciables. Il ne s’agit pas d’une promesse en l’air. Cela, nous allons le faire. Mais je vous demande un peu de patience. N’oubliez-pas qu’en ce qui concerne une bonne partie de ce qui a été dit ici [dans vos revendications], il est nécessaire de changer cette saloperie de loi. Je suis un fonctionnaire public. Je vais en prison … Quelqu’un a créé cette grande quantité d’Unités de conservation ; était-ce une bonne chose ou non, je ne veux pas entrer dans cette discussion ». « Abrogez là ! » a lancé quelqu’un. « Mais ce n’est pas moi qui abroge. Cette décision a fait l’objet d’une loi. Ayez un peu de patience, nous allons changer ce qui mérite de l’être. Tout le monde ici est suffisamment intelligent pour comprendre ce que ’Ah ne faites rien maintenant’ voulait dire. Si je suis ce conseil, je vais en prison. Il y a le Ministère public, les juges, le système judiciaire, une quantité de choses qui nous contrôlent », fit remarquer Olivaldi. Sans attendre, il a quitté l’auditoire.

Un sénateur compare l’action des autorités chargées de l’écologie à l’État islamique.

Le discours d’attaque contre les organismes de contrôle environnemental a également pris de l’ampleur parmi les parlementaires présents à cette réunion. Lorsqu’ils ont pris la parole, le député fédéral commissaire [13] Éder Mauro (PSD), coordinateur du groupe d’élus du Pará à la Chambre des députés et le sénateur Zequinha Marinho (PSC) ont soutenu les critiques des agriculteurs contre l’Ibama et l’ICMBio.

« C’est pire que l’État islamique » a dit le sénateur Zequinha Marinho, au sujet du contrôle écologique dans la région de la BR 163 au Pará.

« Nous assistons aux pires décisions arbitraires qu’un gouvernement puisse prendre contre ses citoyens. Citoyens qui produisent, qui paient leurs impôts », ajoute Marinho se référant aux poursuites et aux opérations réalisées par les autorités socio-environnementales. « Si vous aviez le temps d’entendre quelqu’un de la région de la BR 163… C’est incroyable, c’est pire que l’État islamique en Syrie. On ne voudrait pas continuer à être traités comme ennemis de ce pays. Il est absolument fondamental de pacifier la question de l’environnement. Le producteur a besoin de plus de liberté pour produire. Le producteur du Pará est considéré comme un marginal. Nous sommes envahis par le gouvernement fédéral, là au Pará, un gouvernement qui ne veut pas dialoguer, qui ne veut pas converser. Il veut brûler nos machines, il veut emprisonner le citoyen, tout faire sauter, tout détruire « , raconte Marinho.

Lors de la réunion, le député Éder Mauro a soutenu les auteurs du massacre de Pau d’Arco [14] et critiqué le contrôle écologique.

Le député Éder Mauro s’est lancé dans une accusation plus directe. « L’Ibama, dans l’État du Pará … Cette semaine encore, j’ai laissé des documents à la Casa civil [15] qui montraient que l’Ibama, aujourd’hui encore, est dirigé par une femme du PT qui persécute nos producteurs, les hommes qui produisent dans l’État du Pará. Ça va changer, mes amis. Croyez-moi. Le groupe d’élus du Pará va être aux côtés du ministre Onyx qui va demander le remplacement de tous ceux qui sont dans l’État du Pará. De la Sudam [Superintendance du développement de l’Amazonie] jusqu’aux postes les plus humbles, quel que soit l’organisme. Nous voulons aller de l’avant et je fais confiance au Président Bolsonaro et aux hommes qu’il a placés à Brasilia. Le Pará a besoin de se développer ! Vous n’allez pas sortir d’ici sans l’espoir que l’État va changer ! » dit-il. Mauro n’a pas dit clairement si la femme du PT dont il a parlé était la directrice de l’Ibama de l’État du Pará, Clívia Bezerra Araújo. Les exploitants agricoles qui étaient dans l’assistance, consultés par ce site d’information ont confirmé qu’il s’agissait bien d’elle. Mauro est sorti avant la fin de la réunion mais il a trouvé le temps de défendre les responsables du deuxième massacre le plus grave en milieu rural au cours des 20 dernières années, le massacre de Pau d’Arco qui s’est soldé par la mort de dix travailleurs. « À cette occasion, quand la police est arrivée à Pau d’Arco pour protéger le propriétaire, pour retirer les envahisseurs, elle a tué tous ceux qui lui opposaient une résistance et pour cela les policiers ont été assimilés à des bandits », dit-il.

Notre chef, Bolsonaro

« Tout ce que l’on vient de dire ici, existait lors des gouvernements précédents. Maintenant nous avons un gouvernement qui est présent, qui a commencé il y a pratiquement 90 jours. Nous sommes sous le commandement de la plus haute autorité, celle de la personne qui a été élue par la majorité du peuple brésilien. Elle s’appelle Jair Messias Bolsonaro. Il est notre chef », dit Nabhan Garcia. Presqu’à chaque occasion, lui, le grand amphitryon de la rencontre avec le Mapa, a essayé de calmer les esprits et de promettre cette nouvelle ère bolsonariste. « J’ai connu le Bolsonaro député en 1994. Il a toujours été en premier lieu, un allié. A chaque fois que le secteur productif a eu besoin d’aide, cet homme qui n’a pas un arpent de terre, ce n’était pas sa profession, a toujours été à nos côtés » assure Nabhan Garcia. La majorité de l’audience a paru lui faire confiance mais on sentait une certaine impatience dans l’air. Nabhan Garcia est revenu à la charge : « Vous ne pouvez pas espérer que le gouvernement qui a assumé le pouvoir il y a 90 jours, répare toutes les erreurs de ces 34 années en 90 ou 100 jours. Nous avons ici quelques cancers qui ne peuvent pas continuer à faire ce qu’ils font. Il a besoin de l’appui de la population pour faire ces changements. Personne ne légifère ni ne gouverne seul »a-t-il dit sur un ton exalté. Ce marqueur de 34 années nous renvoie à la fin de la dictature.

Traité comme « vice-ministre », Nabhan Garcia a demandé un vote de confiance en faveur du gouvernement.

Le lendemain de la réunion entre Nabhan Garcia et les producteurs agricoles du Pará, le Président a signé un décret transformant les amendes contre l’environnement en espaces de récupération. Le 14 avril, le Président a personnellement suspendu une opération de l’Ibama, en cours de réalisation, dans l’État de Rondônia. Cette opération visait à combattre l’extraction illégale de bois. « Hier, le ministre de l’environnement, Ricardo Salles est venu me donner cette information [sur l’opération]. Il a déjà demandé l’ouverture d’une procédure administrative pour savoir qui en était le responsable Il ne faut rien bruler, ni machines, ni tracteurs ou quoi que ce soit ; ce n’est pas la bonne manière de procéder, ce n’est pas notre manière de voir les choses », a affirmé le président dans une vidéo qui a circulé dans les réseaux sociaux. Après la menace d’une investigation de la part du ministre Ricardo Salles contre les agents de l’ICMBio, le président de cet organisme, Adalberto Eberhard a donné sa démission le 16 avril. Il allait être remplacé deux jours plus tard par le colonel de la police militaire de l’environnement de l’État de São Paulo, Homero de Giorge Cerqueira. Le lendemain le personnel de cet organisme a diffusé une lettre accusant le ministre Salles de détruire la politique fédérale de l’environnement. Dans une émission en direct, le 17 avril, Bolsonaro a menacé de démettre la direction de la Funai et a critiqué la législation environnementale actuelle.

Au niveau de l’environnement tout au moins, la nouvelle ère a fait de grands pas en avant par rapport à ce qui a été dit lors de la réunion du Mapa !

 

Ciro Barros, pour Pública, Agência de Jornalismo InvestigativoRetour ligne automatique

 

Article original en portugais :“Desfaça tudo essas reservas”, diz produtora a secretário em reunião de fazendeiros do Pará com governo federal, Agência Pública, le 22 avril 2019.

Traduction : Roger Guilloux pour Autres Brésils
Relecture : Martine Maury

Notes

[1Ruralistas : expression utilisée pour parler des grands propriétaires terriens et exploitants agricoles.

[2Unités de conservation. Ce sont des espaces naturels protégés qui possèdent des caractéristiques typiques de la faune et la flore locales.

[3] Ibama : Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles.

[4PSB-PA : PSB : parti politique du Président Jair Bolsonaro, PA : état du Pará.

[5UDR : parti d’extrême droite, créé pour défendre les intérêts de l’agrobusiness.

[6Campos do Araguia : programme de mise en place d’une agriculture et d’une forme d’élevage bovins qui seraient plus soucieuses des questions environnementales. Ce programme est mis en place par les grands producteurs ruraux.

[7DEM : parti politique de droite qui apporte son soutien au Président Bolsonaro.

[8Communidade Renascer : expression qui renvoie à divers institutions chrétiennes dont certaines sont impliquées dans des projets de défense des indigènes et de leurs territoires.

[9Medida Provisória (MP) Mesure Provisoire : décision à effet immédiat que le Président peut prendre sans l’accord du pouvoir législatif lequel sera appelé à la discuter ultérieurement.

[10Fondation Palmares. Première institution s’occupant de la préservation et de la promotion des valeurs culturelles, historiques, sociales et économiques résultant de l’influence noire dans la formation du Brésil.

[11BR : route sous juridiction fédérale

[12Singe : terme que cette personne utilise pour se référer aux indigènes.

[13Certains élus, pasteurs et anciens membres de la police et de forces armées tiennent à garder le titre renvoyant à leur fonction antérieure. Certains se rendent même au parlement dans leur ancien uniforme. C’est le cas du député « capitão Augusto »

[14Massacre de Pau d’Arco. Le 24 mai 2017, la police est intervenue dans une exploitation du Pará et a assassiné 10 paysans sans terre qui occupaient cette propriété.

[15Ministre chef de la Casa civil.

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Le navire d’assaut des nouveaux croisés

mai 28th, 2019 by Manlio Dinucci

En présence du Chef de l’État Sergio Mattarella, du ministre de la Défense Elisabetta Trenta, du ministre du développement économique Luigi Di Maio, et des plus hautes autorités militaires, a été lancé le 25 mai aux Chantiers de Castellammare di Stabia (Naples) le navire Trieste, construit par Fincantieri.

C’est une unité amphibie multirôles et multifonctions de la Marine militaire italienne, défini par Trenta comme “parfaite synthèse de la capacité d’innovation technologique du Pays”. Avec une longueur de 214 mètres et une vitesse de 25 noeuds (46 km/h), il a un pont de vol long de 230 mètres pour le décollage d’hélicoptères, de chasseurs F-35B à décollage court et atterrissage vertical et convertibles V-22 Osprey. Il peut transporter dans son pont-garage des véhicules blindés sur 1200 mètres linéaires. Il a une rampe de lancement interne, longue de 50 mètres et large de 15, qui permet au navire d’opérer avec les plus modernes véhicules amphibies de l’OTAN. 

En termes techniques, c’est un navire destiné à “projeter et soutenir, dans des aires de crise, la force de débarquement de la Marine militaire et la capacité nationale de projection, depuis la mer, de la Défense”. En termes pratiques, c’est un navire d’assaut amphibie qui, en s’approchant des côtes d’un pays, l’attaque avec des chasseurs et hélicoptères armés de bombes et missiles, puis l’envahit avec un bataillon de 600 hommes transportés, avec leurs armements lourds, par hélicoptères et véhicules de débarquement. En d’autres termes, c’est un système d’armes projeté non pas pour la défense mais pour l’attaque dans des opérations guerrières conduites dans le cadre de la “projection de forces” USA/OTAN à grande distance.

La décision de construire le Trieste fut prise en 2014 par le gouvernement Renzi, en la présentant comme navire militaire affecté principalement à des “activités de secours humanitaire”. 

Le coût du navire, à charge non du Ministère de la défense mais du Ministère du développement économique, était quantifié à 844 millions d’euros, dans le cadre d’un financement de 5.427 millions pour la construction, outre le Trieste, de 9 autres navires de guerre. Parmi eux, deux unités navales à très haute vitesse pour patrouilleur des forces spéciales dans des “contextes opérationnels qui requièrent de la discrétion”, c’est-à-dire dans des opérations guerrières secrètes. 

Au moment du lancement, le coût du Trieste a été indiqué à 1.100 millions d’euros, soit supérieurs à 250 millions de plus que la dépense prévue. Le coût final sera beaucoup plus haut, car il faut y ajouter celui des chasseurs F-35B et des hélicoptères embarqués, plus celui d’autres armements et systèmes électroniques dont sera doté le navire dans les prochaines années.

L’innovation technologique dans le domaine militaire -a souligné la ministre de la Défense- “doit être soutenue par la certitude des financements”. C’est-à-dire par de continuels et croissants financements avec de l’argent public y compris par le Ministère du développement économique, maintenant conduit par Luigi Di Maio. À la cérémonie du lancement, il a promis aux ouvriers d’autres investissements : il y a en effet d’autres navires de guerre à construire. 

La cérémonie du lancement a pris une signification ultérieure quand l’évêque aux Armées, monseigneur Santo Marcianò, a exalté le fait que les ouvriers avaient fixé sur la proue du navire une grande croix, composée d’images sacrées pour lesquelles ils ont une dévotion, dont celles du Pape Wojtyla et de Padre Pio. Monseigneur Marcianò a fait l’éloge de la “force de la foi” exprimée par les ouvriers, qu’il a bénis et remerciés pour “ce signe merveilleux que vous avez mis sur le navire”. 

Ainsi a été lancé le grand navire de guerre donné en exemple de la capacité d’innovation de notre pays, payé par le Ministère du développement économique avec nos sous soustraits à des investissements productifs et à des dépenses sociales, béni avec le signe de la Croix comme à l’époque des croisades et des conquêtes coloniales.

Manlio Dinucci

 

Article original en italien :

La nave d’assalto dei nuovi crociati

Édition de mardi 28 mai 2019 de il manifesto

https://ilmanifesto.it/la-nave-dassalto-dei-nuovi-crociati/ 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

La géographie de la guerre : pas d’Irak… ? Pas d’Iran !

mai 28th, 2019 by Brett Redmayne-Titley

Aucun autre pays du Moyen-Orient n’est aussi important que l’Irak pour contrer l’empressement des États-Unis à fournir une autre guerre à Israël. Heureusement pour l’Iran, le vent du changement en Irak et dans les nombreux autres pays locaux sous le même type de menace constitue donc une chaîne ininterrompue de soutien de frontière à frontière. Ce soutien est dû en partie à la sympathie pour l’Iran et la situation difficile qu’il a connu face à la dernière fanfaronnade de l’intimidateur zio-américain.

Dans la politique du Moyen-Orient, cependant, l’argent est au cœur de toutes les questions. En tant que tel, cet anneau de nations défensives se déplace collectivement et rapidement vers la nouvelle sphère d’influence économique sino-russe. Ces pays forment maintenant un périmètre de défense géopolitique qui, avec l’entrée de l’Irak dans le groupe, rend une guerre terrestre américaine pratiquement impossible et une guerre aérienne très limitée en opportunités.

Si l’Irak tient bon, il n’y aura pas de guerre en Iran.

Au cours des deux derniers mois, les parlementaires irakiens ont lancé des appels d’une ampleur exceptionnelle pour que toutes les forces militaires étrangères – en particulier les forces américaines – quittent immédiatement le pays. Les politiciens des deux blocs du parlement irakien divisé ont appelé à un vote pour expulser les troupes américaines et promis de programmer une session extraordinaire pour débattre de la question…

« Le Parlement doit exprimer clairement et de toute urgence son point de vue sur les violations actuelles de la souveraineté irakienne par les Américains« , a déclaré Salam al-Shimiri, un juriste fidèle au populiste religieux Moqtada al-Sadr.

L’ambassadeur d’Irak à Moscou, Haidar Mansour Hadi, est allé plus loin en disant que l’Irak « ne veut pas d’une nouvelle guerre dévastatrice dans la région« . Il a déclaré lors d’une conférence de presse à Moscou la semaine dernière :

Adil Abdul-Mahdi

Le Premier ministre irakien Adil Abdul-Mahdi a partagé cet avis. D’autres députés ont demandé un calendrier pour le retrait complet des troupes américaines.

Ensuite, une motion a été présentée pour demander aux États-Unis et à Israël des réparations de guerre pour avoir utilisé des armes interdites par la communauté internationale tout en détruisant l’Irak pendant dix-sept ans sans trouver ces « armes de destruction massive ».

Alors que les liens économiques entre l’Irak et l’Iran continuent de se renforcer, l’Irak ayant récemment signé pour des milliards de mètres cubes de gaz naturel iranien, le passage à l’influence russe – une influence qui préfère la paix – a été certifié lorsque l’Irak a envoyé une délégation à Moscou pour négocier l’achat du système anti-aérien russe S-400.

A cette démonstration éclatante de démocratie en suspens et de montée rapide du nationalisme irakien, le porte-parole de l’armée américaine, le colonel Ryan Dillon, a délivré une de ces phrases dont seule est capable l’armée zio-américaine en déclarant :

Bonne chance avec ça.

L’influence américaine en Irak a peut-être pris fin samedi dernier, le 18 mai 2019, lorsqu’il a été annoncé que le parlement irakien voterait sur un projet de loi obligeant les envahisseurs à partir. S’exprimant au sujet du vote sur le projet de loi, Karim Alivi, membre de la commission de la sécurité nationale et de la défense du parlement irakien, a déclaré jeudi que les deux plus grandes factions parlementaires du pays – le bloc du Sairoon, dirigé par le religieux chiite Muqtada al-Sadr, et l’alliance Fatah, dirigée par Hadi al-Ameri, secrétaire général de l’Organisation Badr – avaient soutenu ce projet. Étrangement, le résultat de samedi n’a pas encore fait l’objet d’une couverture médiatique, et l’ingérence américaine serait une bonne supposition quant au retard, mais le fait que ce projet de loi aurait certainement été adopté montre clairement que l’Irak comprend bien la faiblesse du tyran américain : la démocratie imposée militairement en Irak par les États-Unis.

L’Irak partage une frontière commune avec l’Iran que les États-Unis doivent contrôler pour toute guerre terrestre. Les deux pays partagent également une démographie religieuse similaire où le chiisme prédomine, où la pluralité des cultures est substantiellement similaire et où l’on vivait auparavant en harmonie. Tous deux partagent également une haine très profonde et méritée de la Zio-Amérique. Muqtada al-Sadr, qui, après s’être révélé le premier aux élections irakiennes de 2018, est semblable à Hassan Nasrallah du Hezbollah par son influence religieuse et militaire au sein des milices chiites bien entraînées et diverses. Il est fermement aligné sur l’Iran, tout comme l’Alliance Fattah. Les deux détestent la Zio-Amérique.

Une invasion terrestre nécessite une frontière commune et sûre. Sans l’Irak, ce problème stratégique pour les forces américaines devient majeur. Les autres pays ayant également des frontières avec l’Iran sont l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, la Turquie, l’Afghanistan et le Pakistan. Tous ont plusieurs bonnes raisons de ne pas être, ou de ne pas pouvoir être utilisés pour des forces terrestres US.

Avec l’ancien président arménien Robert Kocharian en état d’arrestation à la suite des manifestations anti-gouvernementales massives de 2018, Bolton peut rayer ce nom de la liste en premier. L’Azerbaïdjan n’est qu’à quelques mois d’atteindre la situation de l’Arménie voisine, avec des protestations de plus en plus fréquentes indiquant un changement vers des vents de l’Est. Quoi qu’il en soit, l’Azerbaïdjan, comme le Turkménistan, est un pays producteur de pétrole et, en tant que tel, est fermement aligné économiquement sur la Russie. L’allégeance politique semble évidente depuis que l’influence américaine est limitée dans les trois pays, conséquence de l’attitude des États-Unis qui ignorent aveuglément la corruption massive et les violations des droits de l’homme par les présidents Ilham Aliyev et Gurbanguly Berdimuhamedow.

Cependant, l’influence économique russe paie comptant. Le pétrole sous contrôle russe est l’élément vital de ces deux pays. Les développements récents et les nouveaux contrats internationaux avec la Russie montrent clairement qui ces dirigeants écoutent réellement.

La Turquie semble être en train de basculer fermement dans l’influence russe. Un membre de l’OTAN seulement de nom. Depuis qu’il a abattu son premier et dernier avion de chasse russe, le président turc Recep Tayyip Erdogan a fait un pied de nez aux Américains. Récemment, il a refusé de céder aux pressions et recevra du pétrole iranien et, en juillet, le système antiaérien/missile russe S-400. C’est important car il n’y a aucune chance que Poutine renonce au commandement et au contrôle ou qu’il les voit utiliser des missiles contre des armements russes. Maintenant, Erdogan envisage de remplacer son achat de trente F-35 américains par le SU-57 russe de loin supérieur et quelques S-500 pour faire bonne mesure.

Sur le plan économique, l’Amérique a fait tout ce qui était en son pouvoir pour arrêter le gazoduc Turk Stream installé par le russe Gazprom, qui traverse la Turquie vers l’Europe de l’Est et rapportera des milliards à Erdogan et la Turquie. Il entrera en service cette année. Erdogan continue d’acheter du pétrole iranien et d’appeler les nations arabes à s’unir contre l’invasion américaine en Iran. Cette semaine, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a renouvelé la détermination de la Turquie, affirmant que son pays se prépare à d’éventuelles sanctions américaines alors que la date butoir fixée par les États-Unis à Ankara pour annuler l’accord sur les armes S-400 avec la Russie approche.

La Turquie est donc engagée dans une guerre terrestre et une guerre aérienne, car l’efficacité de tous ces S-400 pourrait être mise à profit si l’Amérique devait se lancer depuis des positions navales en Méditerranée. L’attaque à partir de la mer Noire n’est plus d’actualité puisqu’elle est encerclée par des pays sous influence sino-russe et toute attaque contre l’Iran devra traverser illégalement l’espace aérien national aligné avec les pays préférant l’alliance sino-russe qui favorise la paix.

L’Afghanistan est exclu, car les talibans sont en train de gagner. Compte tenu des récents pourparlers de paix dont ils sont sortis et ont ensuite fait un massacre dans un poste de police près de la frontière occidentale avec l’Iran, ils ont déjà gagné. Ajoutez le terrain difficile près de la frontière iranienne et une invasion terrestre est très improbable.

Bien que le nouveau président pakistanais Imran Khan ait tout le pouvoir et l’autorité d’un garde de passage à niveau d’école primaire, le vrai pouvoir au sein de l’armée pakistanaise, l’ISI, est plus que fatigué de l’influence américaine. L’ISI a propagé les talibans pendant des années et a souvent donné refuge aux forces anti-américaines afghanes leur permettant d’utiliser leur frontière commune pour se couvrir. Bien que dans le passé, l’ISI ait été totalement mercenaire dans ses allégeances étrangères trompeuses, après une décennie de frappes de drones américains sur des Pakistanais innocents, la probabilité que des troupes au sol soient autorisées est très faible. Comme en Afghanistan, le terrain augmente aussi cette improbabilité.

Considérer le terrain et l’emplacement d’une guerre terrestre et mesurer l’échec qui peut résulter de ne pas le faire a déjà été montrée à Israël lorsque, en 2006, le Hezbollah a pratiquement anéanti son attaque terrestre, ses blindés lourds et ses chars de combat dans les collines du sud du Liban. Plus précisément, cet échec a coûté son poste au Premier ministre Ehud Olmert.

Pour les nations du pacte sino-russe, ou celles qui penchent dans leur direction, la définition de l’intérêt national pour l’étranger n’est plus militaire, il est économique. Ceux qui ont des ressources et donc un avenir prometteur dans le cadre de la philosophie d’expansion et de l’offre économique du pacte sino-russe n’ont plus beaucoup d’utilité pour les « Peines de l’Empire ». Les dirigeants de ces pays, ne serait-ce que pour se remplir les poches, ont eu une révélation très naturelle : La guerre… n’est pas rentable pour eux.

Pour l’Iran, le cercle géographique, économique et donc géopolitique des nations défensives est complété par la Syrie, le Liban et l’Irak. La Syrie, comme l’Irak, a toutes les raisons de mépriser les Américains et d’embrasser l’Iran, la Russie, la Chine et le Liban voisin. La Syrie dispose maintenant de son propre système russe S-300 qui fait déjà tomber des missiles israéliens. Il est surprenant que le Liban n’ait pas demandé quelques S-300 à lui seul. Personne ne sait ce que le Hezbollah a dans sa manche, mais cela a été suffisant pour tenir les Israéliens à distance. Combiné à une armée libanaise actuellement mieux préparée, le Liban sous la direction de Nasrallah est une nation formidable de par sa taille. Demandez à Israël.

Le Liban et la Syrie réduisent également à néant la possibilité d’une attaque au sol, laissant les marines et l’armée des États-Unis regarder longuement les eaux libres du golfe Persique depuis l’Arabie saoudite ou l’un de ses alliés trop peu nombreux et insignifiants sur le plan militaire dans le sud du Golfe.

L’espace aérien ami sera également très limité, de sorte que l’élément tactique de surprise de toute attaque entrante sera également supprimé. La réalité de cet anneau défensif de nations signifie que les options militaires américaines seront gravement limitées. L’absence de menace d’invasion terrestre et d’élément de surprise permettra aux défenses iraniennes d’établir des priorités et donc d’être beaucoup plus efficaces. Comme le montre un article précédent, « Le retour de la folie du M.A.D.« , l’Iran comme la Russie et la Chine, après quarante ans de menaces américano-israéliennes, a développé de nouvelles armes et capacités militaires qui, combinées à des tactiques, feront de toute agression directe des forces américaines contre lui un combat équitable.

Si les États-Unis déclenchent une guerre, ils feront cavalier seul, à l’exception des quelques chiens de poche américains restants comme le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Australie, mais avec des émotions anti-américaines aussi vives dans l’UE que dans les pays du sud de la mer Caspienne, le soutien de ces dirigeants européens sous influence sioniste n’est pas nécessairement garanti.

Quoi qu’il en soit, une longue montée en puissance publique pour mettre en place des moyens militaires en vue d’une attaque des États-Unis sera considérée par la grande majorité du monde – et par l’Iran – comme un acte de guerre non provoqué. Il est certain que l’Iran fermera au minimum le détroit d’Ormuz, ce qui entraînera la flambée des prix du pétrole et plongera l’économie mondiale dans des eaux très agitées. Les dirigeants capitalistes mondiaux ne seront pas heureux. En l’absence d’un point de débarquement ami pour les troupes terrestres, les États-Unis devront soit abandonner cette stratégie en faveur d’une guerre aérienne, soit voir des piles de sacs mortuaires de soldats américains sacrifiés à l’hégémonie d’inspiration israélienne rentrer chez eux par milliers quelques mois seulement avant la saison des primaires de 2020. Si ce n’est pas un suicide militaire et économique, c’est certainement un suicide politique.

Une guerre aérienne connaîtra probablement un désastre similaire. Les possibilités d’attaque étant sévèrement restreintes, des cibles évidentes telles que le programme nucléaire non militaire de l’Iran et les grandes infrastructures seront donc plus facilement défendues et la probabilité de la mort d’aviateurs américains augmentera également.

En termes de puissance navale, Bolton n’aurait que la Méditerranée comme rampe de lancement, car en utilisant la mer Noire pour déclencher la guerre, la flotte américaine sera pratiquement entourée de nations alignées sur le pacte sino-russe. Il convient de rappeler que les forces navales, grâce aux technologies et aux armes modernes de lutte contre les navires, sont aujourd’hui les proies faciles d’une diplomatie véhémente. Une guerre navale chaude dans le golfe Persique, comme une guerre terrestre, fera beaucoup plus de victimes aux États-Unis que le public américain n’en a été témoin de son vivant et la marine américaine finira en pièces.

Trump commence déjà à penser que sa crédibilité a été ternie par les fausses assurances de Bolton et de Pompeo, qui lui avaient promisun renversement facile de Maduro au Venezuela. Trop de généraux de haut rang s’énervent à l’idée que Trump déclenche une guerre chaude avec l’Irak. Trump s’enorgueillit d’être le tyran américain incarné, mais lui et son ego ne supporteront pas d’être exposés comme faibles. Rester en tant que président est nécessaire pour attiser son caractère superficiel. Quand l’intelligence politique limitée de Trump s’éveille aux faits que ses maîtres sionistes veulent une guerre avec l’Iran plus qu’ils ne veulent de lui comme président, et que ces forces peuvent facilement le remplacer par une prostituée politique comme Biden, Harris, Bernie ou Warren.

Dans deux excellents articles de Pepe Escobar dans Asia Times, il détaille la pléthore de projets, d’accords et de coopération qui se déroulent de l’Asie au Moyen-Orient et aux pays baltes. Dirigé par la Russie et la Chine, ce pacte sino-russe, qui se développe très rapidement, et ses intentions de « soft power » signifient collectivement la fin de la seule tactique d’influence de la Zio-Amérique qui reste : l’intervention militaire. Escobar écrit :

Le reste du monde civilisé, celui qui comprend la menace mondiale croissante de la Zio-Amérique, peut dormir tranquille. Sous la direction de cette nouvelle influence sino-russe, sans l’Irak, les États-Unis ne feront pas la guerre à l’Iran.

Cet Axe de la Raison en pleine croissance entoure l’Iran géographiquement et avec empathie, mais par-dessus tout, sur le plan économique. Cette économie, comme l’ont clairement déclaré Poutine et Xi, ne tirera rien d’une autre guerre d’agression américaine. Dans cette nouvelle allégeance aux richesses futures, c’est la Russie et la Chine qui prendront les rênes et une guerre sans merci impliquant leurs nouveaux pays clients ne sera pas sanctionnée par le sommet.

Cependant, à Poutine, Xi et cet Axe de la Raison : Si les Américains préfèrent continuer à se ruiner par des aventures militaires inefficaces entreprises par Israël, plutôt que de réparer leur propre nation qui est en déclin social et desséchée après des décennies de contrôle sioniste croissant, et bien….

C’est bon pour les affaires !

Brett Redmayne-Titley

Article original en anglais : The Geography of War: No Iraq…? No Iran!, UNZ, le 23 mai 2019

Traduit par Réseau International

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Lors de son passage au forum du journal El Hiwar, éditant en langue arabe, ce dimanche soir, le colonel de l’ancienne DRS, à la retraite, Larbi Cherif, n’a pas ménagé l’ancien patron du DRS, le général Mediene Mohamed, alias Toufik, incarcéré actuellement dans la prison militaire de Blida, l’accusant d’avoir mis les services de renseignements algériens au service de la France, durant de longues années. Selon l’invité du journal El Hiwar, la France a su contrôler les axes principaux de l’Etat algérien, en infiltrant les services de renseignements dirigés par le général Toufik, à tel point que la DGSE, (services de renseignements français) étaient informés avant même les hautes autorités algériennes.

Sur ce registre, le colonel à la retraite Larbi Cherif, relate une histoire qui s’est produite après la nomination du général Mohamed Betchine en 1989, qui sera surpris lors d’une visite d’inspection d’un centre opérationnel, qu’un bureau fermé qu’il ouvre lui-même, était un bureau de liaison et de coopération avec les services de renseignements français. Le général Betchine décidera alors d’envoyer une commission d’enquête, qui arrivera à la conclusion suivante( le bureau travaille dans un sens unilatéral, c’est-à-dire, que le bureau en question livrera des renseignements aux français, sans contrepartie, pour la partie algérienne, qui ne bénéficiera d’aucun renseignement des français).

Pire encore, le Général Betchine réalisera que ce bureau travaille à l’insu des hautes autorités du pays. L’officier chargé du bureau, sera admis à la retraite, et reviendra cinq mois plus tard au service, suite à une recommandation de Larbi Belkheir, ancien Directeur du Cabinet à la Présidence, et sera promu Général, au sein de la défunte DRS, selon Larbi Cherif, qui citera cet exemple révélateur de la mainmise de la France sur les services de renseignements algériens, post-indépendance, version Toufik.

Attaque du Consulat algérien à Gao, soutenue par le Makhzen et la DGSE

Dans la foulée, le colonel à la retraite Larbi Cherif, indiquera que l’attaque terroriste du Consulat algérien à Gao au Mali, perpétrée par le terroriste Belmokhtar de l’AQMI, le mois d’avril 2012,était soutenu par les services de renseignements marocains et français, le Makhzen et la DGSE, ainsi qu’un service de renseignement d’un pays du Golfe, dont il ne voulait pas citer.

Selon Larbi Cherif, le Général Toufik refusera de porter assistance pour sauver les diplomates algériens, sachant, selon toujours l’invité d’El Hiwar, les services de renseignements algériens, étaient au courant de cette attaque terroriste, et laissèrent l’initiative à l’Emir terroriste.
Larbi Cherif révèle encore que Mokhtar Belmokhtar, ainsi que des éléments des renseignements français, marocains et de ceux d’un Etat du Golfe, ont investi le Consulat algérien, à Gao au Mali, et ont célébré l’évènement, en sirotant des tasses de thé.

Des interrogations sur l’attaque terroriste de la station gazière de Tiguentourine

Le colonel Larbi Cherif s’interrogera également sur l’attaque terroriste ciblant la station gazière de Tiguentourine,le 16 janvier 2013, perpétrée par le terroriste Belmokhtar, soutenu par les services français, marocains et d’un Etat du Golfe, sachant que l’objectif visé selon le Colonel Larbi Cherif, est de faire sortir l’Algérie du marché européen du Gaz. Sur ce registre, le colonel révèle que les services de renseignements des trois pays ont sécurisé l’itinéraire au terroriste Belmokhtar, en vue de rejoindre la Libye après la chute de Mouammar El Gueddafi, en prévision de la préparation de l’attaque contre la station gazière de Tiguentourine.

Larbi Cherif, ajoutera, que le limogeage du général Toufik, en 2015, et la dissolution de la défunte DRS, sera suivis quelques semaines plus tard, par la récupération des diplomates enlevés à Gao, après la nomination du Général Bouzit, à la tête de la Direction de la Sécurité Extérieure. Ce dernier, connu pour être loin de la Cour de Toufik, réussira, selon Larbi Cherif, dans un laps de temps ne dépassant pas les trois mois, à récupérer les diplomates algériens , sans verser un sou, comme rançon. Le général Youcef Bouzit, devra ainsi payer cher cette prouesse, son action de laver l’affront. Il sera demis de ses fonctions par la bande, quelques semaines avant la démission de Bouteflika et remplacé par le Général Bendaoud, ayant exercé de longues années en Suisse et en France.

Selon Larbi Cherif, la France avait conditionné son soutien à la bande par le limogeage de Youcef Bouzit, pour avoir réussi à mettre en échec de tous les plans de la France de déstabiliser l’Algérie, à partir de la Libye et le Mali. Bouzit accordait un intérêt particulier au Sud de la Libye, qu’il considérait comme un espace vital de sécurisation de l’Algérie. L’ANP offrait des aides inestimables aux libyens du Sud après la chute de l’Etat libyen, permettant à l’Algérie de joui d’une grande confiance chez les libyens, au détriment des français, américains et des Etats du Golfe .

Pour Larbi Cherif, la France s’est de nouveau réjouie des derniers évènements qui secouent l’Algérie, lui permettant de revenir à la charge dans le dossier libyen, à la lumière de l’offensive du Maréchal Haftar, sur la capitale Tripoli et qui compte bien aller au-delà, c’est-à-dire atteindre les frontières algéro-libyennes, en vue d’ouvrir la voie à l’installation des multinationales intéressées par l’eau souterraine de cette région, ainsi que les richesses naturelles, gazières et pétrolières.

Ne portant pas l’Algérie dans son cœur, le Maréchal Haftar ne cesse d’évoquer le bornage des frontières, un argument pour éterniser l’empoisonnement des relations avec l’Algérie.

Gaid Salah refuse d’autoriser les avions français à utiliser l’aéroport de Tamanrasset

Le Colonel Larbi Cherif, révèlera encore que le Chef d’état-major de l’ANP, refusera une requête émanant du général Toufik, d’autoriser aux chasseurs et bombardiers français d’utiliser l’aéroport de Tamanrasset, en 2014, ce qui explique d’ailleurs cette campagne de dénigrement et de désinformation menée par la France et ses relais politico-médiatiques et ses larbins en Algérie, à l’encontre de Gaid Salah, qui refusera aussi de céder aux pressions de certains d’opter pour l’achat d’avions français Ravale et des frégates, préférant les SU30 russes et les frégates allemandes

M.Mehdi

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La France résistante, une fake news?

mai 27th, 2019 by Mathieu Morel

On imagine comment j’ai pu ressentir l’ignominie ignare proférée à l’adresse de Ian Brossat par un certain Riolo, dont l’analphabétisme historique est équivalent à sa nullité professionnelle de chroniqueur sportif. La réponse de Brossat reprenant le pieux mensonge du « Parti des 75 000 fusillés », et la cacophonie qui s’en est suivie ont encore contribué à mon exaspération. Plutôt que de me fatiguer à rabâcher je renvoie au statut Facebook de Guy Konopnicki qui dit ce qu’il faut dire. En oubliant peut-être de rappeler que le PCF fut interdit dès le 26 septembre 1939 par un gouvernement composé de ministres qui voteront plus tard les pleins pouvoirs à Pétain. Et que c’est un ministre de la justice socialiste qui le 19 avril 1940 fera adopter un nouveau décret-loi prévoyant la peine de mort pour la propagande communiste. Tout ça pour dire qu’au moment de la déroute de mai juin 1940 le PCF n’existait plus, ses parlementaires étaient emprisonnés et ses anciens militants pourchassés.

Je suppose que la lecture de cette petite introduction permet de voir à quel point je suis rancunier. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de vitupérer mes cibles habituelles, j’ai demandé à Mathieu Morel de donner l’avis critique pondéré que mérite le traitement de l’Histoire par l’extrême centrisme qui abîme la France aujourd’hui.

C’est plus intéressant.

Régis de Castelnau


A la faveur d’une énième polémique aussi puérile que pénible entre Ian Brossat et l’un de ces aboyeurs radiophoniques de plus en plus en vogue dans ces émissions où l’on confond goulûment franc-parler et grossièreté, le journal Libération s’est fendu d’un article de vérification dans sa rubrique « Checknews » où l’on apprend, entre autres, qu’un corrigé d’annales du bac (Annabac, Hatier) affirme « Les gaullistes imposent la mémoire d’une France unanimement résistante. C’est le mythe résistancialiste : la majorité de la population aurait combattu l’occupant allemand et le régime de Vichy dès le début du conflit, et aurait ainsi contribué à la libération du territoire. »

Qu’on nous dépeigne la France de l’Occupation (et, partant, celle de toujours) comme massivement veule et collaborationniste n’a rien de bien neuf. Les historiens, d’Henri Rousso à Pierre Laborie, s’empoignent sur le sujet depuis longtemps et la vérité historique a parfois du mal à éviter le prisme des nécessités politiques, conjoncturelles, et des idéologies. Ce qui est singulier dans cette affirmation, c’est surtout qu’elle émane d’un ouvrage censé instruire les citoyens éclairés de demain et qui, pourtant, n’hésite pas à faire preuve d’une légèreté ou d’une mauvaise foi pour le moins suspecte.

D’abord, et particulièrement quand on se pique de former des têtes bien faites, il faudrait un jour se préoccuper de ce que signifient vraiment les mots qu’on a la chance de pouvoir employer. Par exemple : « unanimement ». Symptomatiques de l’art, très contemporain, du relativisme contorsionniste consistant à affirmer péremptoirement une outrance grotesque et, aussitôt après, l’édulcorer jusqu’à ce que plus personne n’y retrouve ses petits, « unanimement » et « la majorité », dans le même argumentaire, se stérilisent mutuellement tout en laissant chacun en déduire ce qui l’arrange pourvu que la contradiction et la confusion n’atteignent pas le « message » principal : « la France collabo ». Si la France avait été « unanimement résistante », de Gaulle n’aurait vraisemblablement pas eu besoin de partir à Londres et, au bout du compte, les « gaullistes » n’auraient peut-être même jamais existé. Il aurait alors été incongru qu’ils « imposent » une théorie qui, si elle avait été avérée, rendait leur propre existence improbable, voire impossible puisque de toute façon absurde.

Discutable sémantiquement mais également d’un point de vue historique. Que les gaullistes – et quelques autres, dont les communistes – aient pu enjoliver quelque peu le poids des uns ou minimiser celui des autres pendant l’Occupation, c’est … « de bonne guerre » : là encore, c’est de la politique. Il se trouve qu’au lendemain immédiat d’une guerre civile effroyable et alors que toutes les conditions étaient réunies pour que les représailles soient à leur tour sanglantes, mettre l’accent sur ce qui est susceptible de réunir plutôt que sur ce qui justifie qu’on s’étripe sauvagement relevait peut-être du bon sens élémentaire, bien plus que de la propagande éhontée. L’occulter, l’ignorer – volontairement ou non – et de surcroît inculquer cette ignorance avec l’argument d’autorité des maîtres pose au minimum quelques singuliers problèmes.

On peut (on devrait, même, si seulement on pouvait compter sur un minimum de sérénité au lieu de la propension contemporaine à hystériser tout et n’importe quoi), surtout avec quelques décennies de recul, remettre en question la rhétorique gaulliste de l’époque, mais encore faudrait-il le faire avec un minimum d’honnêteté intellectuelle et de perspective.

Personne n’a « imposé la mémoire d’une France unanimement résistante ». On s’est peut-être livré à quelques simplifications avantageuses ici ou là, comme ça s’est d’ailleurs toujours pratiqué et comme ça se pratiquera probablement toujours, dans tous les domaines. On a peut-être arrondi quelques chiffres parmi ceux, déjà rares et diversement fiables, dont on disposait. La réalité est sans doute infiniment plus prosaïque et complexe que le récit qui en a été fait ensuite : la France, à l’époque et sonnée par ce qui lui était tombé dessus (notamment grâce à la servile collaboration d’élites déjà confites dans le syndrome de Coblence), a probablement été diverse, écartelée et peut-être même a-t-elle eu, en cinq ans, au gré de circonstances et de cristallisations qui échappent parfois aux rationalités des hommes, bien des raisons et des occasions d’évoluer. Entre celle – peut-être la vraie majorité, d’ailleurs, et peut-être rigoureusement la même qu’aujourd’hui – qui a attendu pendant le temps qu’il faudrait, bon gré mal gré, des jours meilleurs (les uns en faisant le dos rond fût-ce au prix de petites compromissions, d’autres en s’offrant parfois le plaisir d’une petite Schadenfreude sur le dos de l’Occupant et/ou de ses valets… parfois aussi les deux en même temps, ou en alternance), celle qui a applaudi avec soulagement le « héros de Verdun » puis renié le « père de la Révolution nationale », celle qui s’est insurgée dès la première heure (pour des raisons diverses, que renierait parfois aujourd’hui, drapé dans son indignation, le camp du Bien)… et celle qui s’est vautrée avec complaisance dans l’allégeance inconditionnelle (notamment « pour inspirer confiance », d’ailleurs, à ce voisin qu’elle n’a décidément jamais su regarder autrement qu’avec les yeux de Chimène). Par confort, par paresse, par naïveté peut-être, par veulerie, par conviction un peu aussi.

Or, en serinant depuis au moins 40 ans, par opportunisme autant que par inconséquence, à grands renforts d’approximations, d’œillères et d’insinuations, que « Vichy c’est la France », on attribue de fait à celle-ci une légitimité qu’elle n’avait jusqu’alors pas et que rien ne justifie. Et en enseignant, dans un corrigé d’annales du bac, ce genre de propagande, on re-discrédite celle qui était à Londres ou dans le maquis et qui a, qu’on le veuille ou non, « contribué à la libération du territoire ». Drôle d’hommage ! Il faut aussi, en regardant l’Histoire, se demander où l’on veut aller, et où l’on va vraiment. Il y a bel et bien eu une France à Vichy, dont personne – pas même de Gaulle – n’a jamais nié l’existence ni la réelle capacité de nuisance. Que ceux qui ont une virginité à se refaire après s’être prudemment mis au vert ou compromis s’emploient à salir ceux qui ont pris le risque, certes difficile à concevoir de nos jours, de ne pas se compromettre, on le comprend aisément. Mais les autres ? Et ceux qui n’y étaient pas mais s’estiment néanmoins fondés à jeter des anathèmes ? Ces discours révèlent surtout une chose de ceux qui les tiennent : leur camp, à eux, n’est manifestement pas et aurait difficilement pu être celui de Londres ou du maquis. Dès lors, et surtout si l’on adopte leur propre vision manichéenne, où doit-on les situer ? Comment qualifier ceux qui, dans une lecture aussi binaire de l’Histoire, accusent avec tant de hargne les vainqueurs de l’avoir « falsifiée » à leur avantage ?

Défendre des convictions, une idéologie, n’a rien de répréhensible en soi : c’est précisément de la politique et c’est ce qui nourrit le débat. Une part de mauvaise foi, voire de propagande, y ont aussi naturellement leur place, que cela plaise ou non. Là où la chose devient très problématique, c’est lorsqu’elle est assénée comme une « Vérité absolue » sans faire le moindre cas – sauf, éventuellement, pour les dénigrer et les salir – des opinions divergentes ou des nécessaires nuances, lorsqu’elle est enseignée d’autorité dans des ouvrages scolaires comme un fait scientifiquement avéré, puis validée par l’une de ces désormais incontournables « cellules de vérification de l’information » qui fleurissent dans tous les media à la demande – et au service – d’un pouvoir lui-même zélé jusqu’à l’obsession dans l’établissement d’une « Vérité vraie chimiquement pure et garantie sans fake news » dont il se prétend, au bout du compte, dépositaire de droit « jovien » et seul juge.

En s’arrogeant le monopole de l’objectivité (et donc, de fait, un ministère de la Vérité), notamment au nom d’une insaisissable « fin de l’Histoire », d’une certaine conception de la modération, de la sagesse et de la « lutte contre les idéologies et autres passions tristes », le vieux centrisme compromis, désormais rafraîchi en façade, fanatisé et estampillé « nouveau monde », en vient à employer des méthodes que n’aurait pas reniées le pire de l’ancien, mêlant cynisme perfide, morgue brutale et vanité indécente.

Pour faire « le bonheur des Français malgré eux », sûrement ?

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Dans ses premiers commentaires publics aux partisans depuis son arrestation, Julian Assange, fondateur et éditeur de WikiLeaks, a détaillé les conditions répressives auxquelles il fait face dans la prison britannique de Belmarsh. En outre, il a appelé à une campagne contre la menace de son extradition vers les États-Unis.

«Je suis sans défense et je compte sur vous et sur d’autres personnes de bonne moralité pour me sauver la vie», a écrit Assange, ajoutant: «En fin de compte, la vérité est tout ce que nous avons».

Assange a formulé les commentaires dans une lettre adressée à Gordon Dimmack, un journaliste britannique indépendant. Dimmack a décidé de la rendre publique à la suite de l’annonce faite jeudi dernier par le ministère américain de la Justice de nouvelles accusations contre Assange en vertu de la loi sur l’espionnage. Le WSWS réédite la lettre, avec la permission de Dimmack, dans son intégralité ci-dessous.

Assange a expliqué que le juge l’a condamné sur la base de fausses accusations liées à sa mise en liberté sous caution peu après son arrestation le 11 avril. Depuis lors, il a été «isolé de toute possibilité de se préparer à se défendre, sans portable, sans Internet, sans ordinateur, sans bibliothèque. Mais, même si j’en avais accès, ce sera juste une demi-heure par semaine avec tous les autres.»

Le fondateur de WikiLeaks a déclaré qu’il est autorisé à «seulement deux visites par mois et qu’il faut des semaines pour inscrire quelqu’un sur la liste d’appels téléphoniques.»

Tous ses appels, sauf ceux à ses avocats, sont surveillés et limités à un maximum de dix minutes. Une fenêtre de 30 minutes par jour existe pour faire des appels téléphoniques «dans laquelle tous les détenus sont en compétition pour le téléphone». Assange ne reçoit que quelques livres de crédit téléphonique par semaine et n’est pas autorisée à recevoir des appels entrants.

Le fondateur de WikiLeaks a déclaré qu’en dépit de ces conditions extrêmement pénibles, sa résistance «reste entière, quoique [je sois] littéralement entouré d’assassins. Mais l’époque où je pouvais lire, parler et m’organiser pour me défendre, mes idéaux et mon peuple est terminé jusqu’à ce que je sois libre. Tous les autres doivent prendre ma place.»

Le fondateur de WikiLeaks a déclaré qu’il faisait face à «une superpuissance» qui «se prépare depuis 9 ans avec des centaines de personnes et des millions incalculables dépensés» dans l’affaire contre lui.

Il a averti que: «Le gouvernement américain ou plutôt les éléments regrettables qui le composent et qui haïssent la vérité, la liberté et la justice veulent tricher jusqu’à mon extradition et ma mort au lieu de laisser le public entendre la vérité pour laquelle j’ai remporté les plus hautes distinctions en journalisme et qui m’a valu sept nominations au prix Nobel de la paix.»

Le dévoilement des accusations américaines est une justification des avertissements d’Assange. Dans la lettre et au cours des neuf dernières années, il fait toujours face à des poursuites américaines qui sont dues à de motifs politiques. Notamment, il s’agit de son rôle dans l’exposition par WikiLeaks de crimes de guerre et d’opérations de surveillance massive et de complots diplomatiques mondiaux.

Les 17 chefs d’accusation retenus contre Assange sont assortis d’une peine d’emprisonnement maximale combinée de 175 ans. Il s’agit d’une tentative sans précédent de criminaliser le journalisme d’investigation et d’abolir les protections de la liberté de la presse prévues par le premier amendement de la Constitution américaine.

Les charges sont centrées sur la réception et la publication par WikiLeaks de documents classifiés du gouvernement américain. Ces pratiques journalistiques de base sont présentées comme des activités criminelles qui «risquaient de porter gravement atteinte à la sécurité nationale des États-Unis au profit de nos adversaires».

Parmi les documents couverts figurent les journaux de guerre afghans, qui ont révélé les meurtres extrajudiciaires de civils par les forces dirigées par les États-Unis, et d’autres violations du droit international.

La lettre d’Assange dénonce en outre le complot politique en cours contre lui, qui comprenait son expulsion illégale de l’ambassade de l’Équateur à Londres et sa détention par les autorités britanniques.

Le fondateur de WikiLeaks a été reconnu coupable, quelques heures après son arrestation, des accusations portées par les Britanniques. Le juge a rejeté le fait que les infractions avaient été effectivement résolues il y a des années en raison de la confiscation de la caution d’Assange, de ses années de détention arbitraire dans le petit bâtiment de l’ambassade et de son statut de réfugié politique maintenu par les Nations Unies.

Malgré le caractère mineur de la condamnation sous caution, Assange a été détenu dans un quasi-isolement dans une prison à sécurité maximale. Il s’agit d’une tentative claire d’entraver sa défense contre la demande d’extradition de l’Administration Trump. La relance de l’enquête suédoise sur les allégations d’inconduite sexuelle, qui vise à noircir son nom. Notamment, elle a créé un autre itinéraire pour qu’il soit envoyé dans une prison américaine.

L’appel d’Assange en faveur d’une campagne pour sa défense coïncide avec l’opposition croissante à sa persécution et aux accusations portées contre lui en vertu de la Loi sur l’espionnage.

Dans un Tweet partagé près de 5000 fois, le journaliste d’investigation John Pilger a averti que «La guerre contre Julian #Assange est maintenant une guerre contre tous. Dix-huit accusations absurdes, dont l’espionnage, envoient un message brûlant à chaque journaliste, à chaque éditeur… Le fascisme moderne sort du bois.»

L’American Civil Liberties Union a qualifié ces accusations d’«escalade extraordinaire des attaques de l’Administration Trump contre le journalisme, établissant un dangereux précédent qui peuvent être utilisées pour cibler toutes les organisations de presse qui tiennent le gouvernement responsable en publiant ses secrets.»

La Fondation pour la liberté de la presse les a décrits comme «la menace la plus importante et la plus terrifiante pour le Premier Amendement au XXIe siècle.»

En Australie, on demande de plus en plus au gouvernement de remplir ses obligations envers Assange en tant que citoyen et journaliste australien. L’ancien politicien travailliste Bob Carr a cyniquement averti hier que la ministre des affaires étrangères Marise Payne «doit se protéger contre l’accusation qu’elle a manqué à son devoir de protéger la vie d’un citoyen australien.»

Greg Barns, un conseiller d’Assange en Australie, a déclaré: «L’Australie a un rôle à jouer à cet égard et nous pensons que le gouvernement australien doit intervenir. Il a déclaré que les poursuites engagées contre le fondateur de WikiLeaks aux États-Unis visaient à appliquer le droit interne américain de manière extraterritoriale. Cela signifie que le gouvernement américain pourrait cibler «toute personne qui publie des informations que les États-Unis considèrent comme confidentielles n’importe où dans le monde.»

Au cours des 18 derniers mois, le WSWS et les partis de l’égalité socialistes (SEP) du monde entier ont joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la persécution accrue d’Assange.

Le SEP (Australie) a organisé une série de rassemblements, exigeant que le gouvernement australien obtienne la libération d’Assange de Grande-Bretagne et son retour en Australie, avec une garantie contre son extradition vers les États-Unis.

Des centaines de travailleurs, d’étudiants et de jeunes ont assisté à ces événements. Le secrétaire national du SEP, James Cogan, et des personnalités connues pour leur lutte pour les droits fondamentaux, dont Pilger, Joe Lauria, rédacteur en chef du Consortium News et le professeur Stuart Rees ont pris la parole lors de ces manifestations.

Le SEP (Grande-Bretagne) a organisé une puissante réunion publique à Londres le 12 mai, qui a rassemblé 150 défenseurs d’Assange et des orateurs du monde entier. Il a été diffusé en direct sur la page YouTube de Dimmack devant des milliers de personnes.

Le 18 mai, le Sozialistische Gleichheitspartei a organisé un rassemblement à Berlin, auquel ont participé 300 personnes, sous la bannière «Liberté pour Julian Assange».

Au cours des prochaines semaines, les WSWS et les SEP vont intensifier la lutte contre l’extradition d’Assange vers les États-Unis, et pour sa liberté totale. Nous appelons tous les défenseurs des droits fondamentaux à se joindre à nous dans cette lutte cruciale, qui est le fer de lance de la défense des droits démocratiques et contre la guerre impérialiste.

La prochaine audience d’Assange aura lieu le jeudi 30 mai à Westminster Magistrates Court à Londres. Nous exhortons tous les lecteurs des WSWS au Royaume-Uni à y assister.

Voici le texte intégral de la lettre d’Assange à Gordon Dimmack:

J’ai été isolé de toute capacité de me préparer à me défendre, pas de portable, pas d’Internet, pas d’ordinateur, pas de bibliothèque jusqu’à présent, mais même si j’y avait accès, ce ne sera que pour une demi-heure avec tous les autres une fois par semaine. Il suffit de deux visites par mois et il faut des semaines pour que quelqu’un soit mise sur la liste d’appels téléphoniques et le cercle vicieux pour passer leurs coordonnées par une enquête de sécurité. Ensuite, tous les appels, à l’exception de ceux de l’avocat, sont enregistrés et sont d’une durée maximale de 10 minutes et d’une durée limitée de 30 minutes par jour, pendant laquelle tous les détenus se disputent le téléphone. Et le crédit? Juste quelques livres par semaine et personne ne peut m’appeler.

Une superpuissance qui se prépare depuis 9 ans avec des centaines de personnes et des millions incalculables dépensés sur cette affaire. Je suis sans défense et je compte sur vous et d’autres personnes de bonne moralité pour me sauver la vie.

Ma résistance reste entière, quoique [je sois] littéralement entouré d’assassins. Mais l’époque où je pouvais lire, parler et m’organiser pour me défendre, mes idéaux et mon peuple est terminé jusqu’à ce que je sois libre. Tous les autres doivent prendre ma place.

Le gouvernement américain ou plutôt les éléments regrettables qui le composent et qui haïssent la vérité, la liberté et la justice veulent tricher jusqu’à mon extradition et ma mort au lieu de laisser le public entendre la vérité pour laquelle j’ai remporté les plus hautes distinctions en journalisme et qui m’a valu sept nominations au prix Nobel de la paix.

En fin de compte, la vérité est tout ce que nous avons.

Oscar Grenfell

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 25 mai 2019

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Venezuela, une femme parmi tant d’autres. Microportrait 4: Mardelis Graterol (5 min., ESP sous-titres FR).

Eloignée de son époux, Mardelis a commencé une vie nouvelle sur les terres fertiles de Boconoito, dans l’état de Portuguesa, en plein coeur agricole du Venezuela. Alphabétisatrice, militante de plusieurs programmes sociaux mis en place par la révolution bolivarienne, elle consacre aujourd’hui le plus de temps possible à ses enfants: leur enseigner à semer, à produire, leur transmettre une certaine idée de la vie, basée sur l’entraide et l’altruisme.

Enquête: Betzany Guedez.

Réalisation, montage, photographies: Victor Daniel Rivera et Jorge Henriquez.

Production: Terra TV.

République Bolivarienne du Venezuela, 2019.

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Le terme « Europe » est utilisé indifféremment de celui d’ « Union Européenne », sans distinction. C’est une grave erreur qui trouble fort tout débat digne de ce nom.

Il est devenu presque systématique de dire « Europe » quand on évoque l’ « Union Européenne ». C’est bien entendu une erreur, loin d’être sans conséquences. Tous les pays d’Europe ne font pas partie de l’Union Européenne : la Norvège, la Serbie, la Suisse, mais aussi la Russie et la pointe occidentale de la Turquie. Plus important encore, le Royaume-Uni n’y sera bientôt plus, qu’on le veuille ou non. Une fois le Brexit réalisé, deux des plus grandes puissances européennes seront hors de l’Union. C’est loin d’être anecdotique.

Confondre Europe et Union Européenne n’est pas neutre dans le débat politique autour des élections européennes ; celui qui n’est pas favorable à l’Union Européenne est facilement présenté comme n’aimant pas l’Europe, l’usage abusif du mot haine n’étant jamais loin. Ce n’est pas la réalité, loin de là.

Je suis Français, Européen, j’ai vécu dans 3 pays d’Europe, ma conjointe est issue d’un autre pays européen, je parle couramment 4 langues européennes que j’ai utilisées dans mon activité professionnelle. J’ai fait des affaires dans la majorité des pays de notre petite région du monde. Mieux encore, je vis désormais depuis 6 ans hors d’Europe et ce contraste m’amène à apprécier encore davantage notre pointe ouest du continent eurasiatique.

Je n’aime pas l’Europe, je l’adore. J’ai eu la chance de la visiter, de Syracuse à Stavanger et de Cardiff à Tcherepovets, en passant par Kazincbarcika. Notre continent est une terre de liberté (surtout depuis 19891), d’histoire, de culture, mais aussi de science et de technologie. Ce qui ne gâte rien, son climat est assez tempéré, ses paysages fort variés pour une si petite portion du monde.

Or, je suis eurosceptique, c’est-à-dire, en fait, UEsceptique. L’objectif officiel de l’UE est une union toujours plus poussée, et c’est un mauvais projet auquel je suis opposé. Je n’approuve pas le fonctionnement de l’Union Européenne, son manque de responsabilité et sa corruption systématique, en particulier les fonds structurels, fort indésirables. J’adore l’Europe et c’est en fait pourquoi je souhaite le Frexit, et vite ; même si je comprends fort bien qu’on puisse être en désaccord avec mon point de vue.

À mon sens, ce qui caractérise puissamment l’Europe, c’est une tension fondamentale entre son union et ses rivalités. Par union, j’entends non pas une quelconque bureaucratie supra-nationale mais une histoire culturelle commune ; voyagez de Budapest à Brest et vous serez frappés de retrouver la même histoire architecturale un peu partout : traces romaines, styles roman, gothique, baroque, classique, puis moderne. On ne peut échapper, avec des variations régionales qui en augmentent le charme, à cette unicité esthétique qui découle de notre histoire commune.

Mais à ce patrimoine commun ne correspond pas une union politique. Il s’est construit au contraire dans une région du monde où l’on n’a pas cessé de se faire concurrence et se battre, où toutes les tentatives d’empire sur l’ensemble de l’Europe ont échoué. Nul besoin ici de lister toutes ces guerres.

Une interprétation historique nous explique que cette concurrence entre les États européens est ce qui nous a permis, pour le meilleur ou pour le pire, de conquérir le monde. Cette théorie est partagée par Jared Diamond dans De l’inégalité parmi les sociétés : la Chine était partie à la conquête du monde un siècle avant les Européens, et était fort en avance sur eux, avec sa formidable flotte de jonques géantes de l’amiral eunuque musulman Zheng He. Les Chinois étaient implantés en Afrique et auraient pu arriver chez nous avant que l’inverse ne se produise. Que s’est-il passé ? La Chine était unie politiquement, sous l’autorité d’un seul homme, l’empereur. L’un d’eux s’est soudain senti mal à l’aise avec la conquête du monde et a décrété qu’elle devait cesser. C’en était fini.

L’Europe, par contraste, n’était pas unie politiquement. Sa conquête du monde s’est  faite dans la concurrence : d’abord les Portugais, puis les Espagnols, les Hollandais et les Flamands, puis bien sûr les Britanniques, les Français, les Russes et même les Allemands. Aucun souverain n’aurait pu à aucun moment y mettre fin. C’est la désunion et la concurrence qui a permis à l’Europe de dominer le monde.

Il en résulte qu’il paraît légitime et raisonnable de défendre l’Europe en tant qu’union spontanée, culturelle, historique, commerciale, scientifique, universitaire, entre États consentants ; mais pas l’Union Européenne en tant que bureaucratie supra-nationale de plus en plus centralisée.

De plus, je trouve douteuse la version selon laquelle nous devons la paix à l’Union Européenne, comme je l’ai déjà développé par le passé.

La conclusion est fort simple : on peut parfaitement adorer l’Europe et souhaiter sortir de l’Union européenne. Il n’y a rien là d’incohérent. Or, la confusion systématique entre ces deux termes a entre autres pour but de faire croire le contraire. Ne nous laissons pas prendre à cet argument bon marché.

Non, l’Union européenne n’est pas l’Europe. L’Europe a connu sa gloire avant l’Union européenne, qui tend plutôt à la ternir. L’Union Européenne n’aura à mon avis qu’un temps, et l’Europe pourra très bien connaître une renaissance sans elle.

Charles Boyer

 

 

1. 1989, année de la chute du mur et du rideau de fer

 

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Revers électoral pour Macron

mai 27th, 2019 by Emilien Lacombe

Photo : Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle en 2017 (Wikipedia)

Le RN arrive en tête des européennes (23,6%) suivi par la REM (22,2%) les écologistes d’EELV (13,2%), Les Républicains (8,2%), PS et LFI (6,5%)…

Les résultats du scrutin du 26 mai 2019 pour les européennes ont réservé plusieurs surprises. La première, c’est la mobilisation plus forte que prévu des électeurs puisque 52% des Français se sont déplacés dans les bureaux de vote. Près de 10% de plus que lors des précédentes consultations européennes.
La deuxième surprise vient du score important de la liste RN emmenée par Jordan Bardella (23,6%) qui dépasse donc celle du parti présidentiel emmenée par Nathalie Loiseau (22,2%).
La troisième surprise est celle de la liste des écologistes EELV qui se place en troisième position (13,2%) devançant largement Les Républicains, conduite par François-Xavier Bellamy qui subit une sévère défaite électorale.

Enfin, la quatrième grande surprise c’est le coude à coude entre La France Insoumise, emmenée par la jeune Manon Aubry et Place Publique (parti socialiste) conduite par le philosophe Raphaël Glucksmann qui plafonnent à un peu plus de 6%.
Toutes les autres listes font des scores insignifiants et devront revoir leur stratégie électorale.

« Dissoudre l’Assemblée »

« Compte tenu du désaveu démocratique que le pouvoir subit ce soir, il appartiendra au président de la République d’en tirer les conséquences a déclaré Marine Le Pen sur les plateaux de télévision. Il a mis son crédit présidentiel dans ce scrutin en en faisant un référendum sur sa politique. Il n’a pas d’autre choix que de dissoudre l’Assemblée nationale. »

Laurent Wauquiez qui reconnaît une lourde défaite de son parti reconnaît que « la reconstruction sera longue ».
Le Premier ministre, Edouard Philippe a reconnu la défaite de la majorité présidentielle. « On ne peut pas dire que l’on a gagné, a-t-il avoué. L’heure est à l’action, précise-t-il en annonçant « une nouvelle méthode et « davantage d’humain dans la politique » pour répondre à « l’acte 2 du quinquennat ».

Reste que ce scrutin est l’expression d’une France éclatée, où les mouvements sociaux de ces derniers mois auront contribué à jouer les trouble-fête dans les urnes.

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Pompiers et incendiaires

mai 27th, 2019 by Michel Raimbaud

C’était hier, en décembre 1991. En deux ans, le monde a changé de base. L’ordre bipolaire Est-Ouest vient de s’écrouler suite à la disparition de l’URSS. L’Occident sort vainqueur d’une compétition qui à vrai dire n’a pas duré plus de 45 ans, un temps plutôt court à l’échelle de l’Histoire. Enivrée par un triomphe inattendu qui est avant tout le sien, l’Amérique pavoise sans trop savoir que faire. En 1992, l’un de ses politologues, Francis Fukuyama, décrète que l’Histoire est finie faute de protagoniste à la mesure de la seule superpuissance survivante.

Et le chœur occidental abasourdi gobe avec délices cette ânerie : selon ce prophète trop pressé, le monde se serait figé sans autre choix que le ralliement au nouveau maître. Pour les refuzniks en puissance, il s’agit de se soumettre ou de se démettre : prenant la succession du « monde civilisé » de l’ère coloniale et du « monde libre » de la guerre froide, la « communauté internationale » is born, comme on dit dans le volapuk globish. Les Etats qui osent refuser la nouvelle règle du jeu américain sont relégués dans la géhenne des Etats hors-la-loi, faillis, voyous, parias, « préoccupants », comme on dira bientôt. Et les pays « libérés » du communisme doivent entreprendre une reconversion expresse sans concessions, sans fioritures… Se débarrasser des faucilles, des marteaux, de l’Internationale prolétarienne et, pour beaucoup de leurs élites, de tout un passé devenu encombrant.

On ne l’appelle pas encore ainsi, mais le « moment unipolaire américain » est en marche et n’aime pas ceux qui traînent les pieds. Pourtant, l’éternité que prévoit implicitement l’ouvrage de Fukuyama (La fin de l’Histoire et le dernier homme) finira trop vite pour paraître longue. Elle ne dépassera pas la vingtième année. C’est en 2011, après vingt ans de méfaits, que le moment unipolaire battra de l’aile. L’Histoire reprendra sa marche vers un ordre mondial plus équilibré : en mars 2011, Russie et Chine se font forcer la main et rejoignent une dernière fois la « communauté internationale » pour laisser implicitement le champ libre à l’intervention de l’OTAN en Libye, mais en octobre de la même année, un double véto de Moscou et Pékin met un terme à l’omnipotence de Washington et de ses supplétifs en interdisant toute intervention de regime change à Damas.

En 2019, l’ordre imposé par l’Amérique*, injuste, tyrannique et chaotique, est agonisant. L’Occident, qui répugne à l’admettre, croît toujours dur comme fer à sa primauté naturelle, au nom d’une universalité clamée et revendiquée. Il préfère ne pas voir que sa prétention est remise en cause par l’immense cohorte des peuples. Plus question au troisième millénaire d’admettre ce droit de cuissage tenu comme allant de soi par les maîtres de la planète. Durant ces quelques années, la géographie politique et la carte du tendre ont beaucoup changé, dans le monde arabo-musulman certes, mais également partout ailleurs.

Deux « camps » polarisent ce monde nouveau qui accouche dans la douleur. Le premier mise sur la légalité et le droit international pour parvenir coûte que coûte à un monde multipolaire équilibré, capable de vivre en paix. Le second, successeur du « monde libre » de jadis, n’a rien trouvé de mieux que l’instauration du chaos (« constructeur » ou « innovateur ») pour assurer la pérennité d’une hégémonie contestée. De part et d’autre, les hommes au pouvoir affichent un style en harmonie avec ces options de fond.

Sans négliger la compétition de jour en jour plus serrée entre l’Amérique et la Chine, et l’inéluctable choc des ambitions entre Trump, promoteur spontané du « chaos créateur », et Xi-Jinping, l’adepte méthodique de la « détente constructive », le duo russo-étatsunien reste pour l’instant au cœur de l’affrontement. Chefs de file des deux camps – Eurasie, Occident – qui ont pris la relève des protagonistes de feu le conflit Est/Ouest, Poutine et Trump sont des acteurs majeurs de la vie internationale et doivent coexister, qu’ils le veuillent ou non…

Il n’est pas nécessaire d’être un observateur très pointu pour deviner que les deux hommes n’ont guère d’atomes crochus. Loin d’être une simple affaire de style, c’est une question d’univers mental et intellectuel. Le hasard, par nature souvent fantasque, aurait décidé de rendre le monde invivable qu’il n’aurait pas agi autrement en permettant qu’à ce moment précis et décisif de l’Histoire deux personnalités aussi dissemblables soient chargées d’incarner et de « gérer » les retrouvailles au Sommet, sous forme de la confrontation directe que nous savons, entre les Etats-Unis et la Russie.

Si Vladimir Poutine est un chef d’Etat à la fois populaire chez lui et respecté à l’étranger, c’est qu’il est l’artisan incontesté de la renaissance de la Russie. Ce prestige enviable ne doit rien à un quelconque populisme de mauvais aloi ou à une posture démagogique, il est lié à l’ensemble de son œuvre. Le locataire du Kremlin communique volontiers. A son discours sans emphase on devine un homme confiant en son pouvoir, mais assurément peu porté aux familiarités. Pourtant, derrière ce visage placide se cache un pince-sans-rire qui de temps à autre surprendra avec une boutade inattendue, ravissant ses partisans et permettant aux néo-kremlinologues d’étoffer leur attirail de préjugés « occidentalistes ».

C’est pourquoi la petite phrase lâchée à Sotchi le 15 mai par le président russe, à l’issue de la rencontre avec son homologue autrichien Alexander Van der Bellen, ne sera pas tombée dans l’oreille de sourds. Interrogé lors d’une conférence de presse sur ce que son pays pouvait faire pour « sauver » l’accord sur le nucléaire iranien, Poutine a expliqué mi-figue mi-raisin : « La Russie n’est pas une équipe de pompiers, nous ne pouvons pas tout sauver ». On ne saurait mieux dire que de nombreux incendiaires se glissent parmi les « partenaires » auxquels Moscou aime à se référer avec un inlassable optimisme. Sans doute en son for intérieur considère-t-il Trump comme le plus dangereux d’entre eux.

Au feu les pompiers, v’là maison qui brule ! La comptine est à l’ordre du jour. « Pompiers et incendiaires » ? On dirait un jeu de société comme on les aimait hier, un peu ennuyeux et poussiéreux, mais efficaces pour distraire les enfants par temps de pluie, entre nain jaune et petits chevaux. Toutefois, on l’aura deviné, les pyromanes auxquels pense Poutine se situent dans un autre registre. Il ne s’agit pas des casseurs qui enflamment poubelles, voitures ou magasins dans les « rues » occidentales au nom d’une « militance » dévoyée… Le président russe songe sûrement à une catégorie de malfaiteurs qui échappe totalement aux accusations, poursuites et châtiments, celle des pyromanes d’Etat en costume cravate, perchés au sommet du pouvoir dans les « grandes démocraties » autoproclamées, relevant de l’Axe du bien ou de sa mouvance. Dans les « Etats de droit », on trouve légitime d’enflammer la planète afin d’écraser toute résistance à l’hégémonie de l’Empire Atlantique.

Dans ces mêmes pays, les professionnels de la pensée, de l’écriture, de l’analyse, de la diplomatie ou de la politique pérorent à loisir sur « le grand dessein », « la stratégie planétaire », les « ambitions géopolitiques », ou autres fariboles. Ils ne voient manifestement pas l’ombre d’une injustice, le soupçon d’une illégalité dans les équipées visant à dévaster des pays, des peuples, souvent des régions entières, restant de marbre à l’évocation du bilan effrayant des guerres meurtrières allumées par leurs dirigeants malfrats.

Nos modernes pyromanes sont insatiables : non contents de n’éprouver ni honte ni remords pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les génocides ou politicides déjà commis, ils menacent et sanctionnent à tour de bras, annonçant au grand jour leurs intentions agressives : Syrie, Libye, Ukraine, Iran, Venezuela, Russie, Chine, bref, tous les pays qui oseraient passer outre leurs oukazes.

Adieu le droit international, au revoir les accords internationaux, au diable la Charte des Nations-Unies, foin de la diplomatie et de sa langue désuète, de ses mièvres pratiques. En fait, avec près de 700 bases répertoriées par le Pentagone un peu partout, notamment en Europe, en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique et plus de 200 000 militaires stationnés à l’étranger (dont 50 000 en Allemagne, des dizaines de milliers sur le reste du continent, 40 000 au Japon et 28 000 en Corée du Sud), les Etats-Unis d’Amérique et leurs sbires sont seuls face au monde.

Sous couvert de décisions erratiques, d’ordres et de contre-ordres, de dissensions au sein de son administration, Trump et sa fine équipe – le sinistre John Bolton, le doucereux Mike Pompeo, l’élégant Mike Pence, sans compter le gendre mirliflore Jared Kushner – sèment le chaos et allument l’incendie sur tous les continents, ce qui est précisément au coeur du grand dessein permettant à l’Amérique d’imposer sa loi au monde.

Washington avait réussi dans les années Reagan à entraîner l’URSS dans une course aux armements puis à l’enliser dans une guerre sans issue en Afghanistan, ce qui avait provoqué sa chute. L’équipe Trump cherche sans doute à répéter l’expérience en multipliant les foyers d’incendie un peu partout, en espérant que la Russie de Poutine se laissera entraîner à jouer au pompier universel. Au Venezuela l’engagement de Moscou rappelle celui de l’URSS à Cuba, l’effort pour enflammer les Etats Baltes et l’ex-glacis d’Europe de l’Est, la Géorgie, puis l’Ukraine, sont autant de provocations dans l’antichambre de la Russie.

Reste le Grand Moyen-Orient de Debeliou, qui reste au coeur du nouveau conflit Orient/Occident, de son épicentre (Syrie, Liban, Palestine, Jordanie, Irak) à ses extensions (Iran et Turquie, Yémen et péninsule arabe) y compris vers l’Afrique (du Nord, du Sahel, de la Corne, du Golfe de Guinée…). Il y a enfin la « transaction du siècle » inventée par Trump afin de « dissoudre » le peuple palestinien pour les beaux yeux d’Israël : les milliards payés et les sourires béats des autocrates pourraient bien embraser la poudrière…

Cette multiplication des foyers dans un monde où les fondements du droit et de la vie internationale sont violés sans scrupule, où les mots sont systématiquement utilisés à contre-sens vise à décourager les pompiers éventuels. Qu’ils se laissent prendre au piège et ils ne sauront plus où donner de la tête, s’épuisant à démentir de fausses nouvelles (infox) ou des accusations mensongères, à dénoncer des opérations sous faux pavillon, à maintenir un semblant de raison dans un monde de plus en plus chaotique, à respecter unilatéralement des principes dont les incendiaires se moquent.

Deux exemples illustreront l’hypocrisie de la situation :

Alors que tant d’experts et d’observateurs la déclarent finie et gagnée par Damas, la guerre se poursuit en Syrie dans un contexte confus et un brouillage des cartes impressionnant décourageant toute analyse crédible.

Le Dr Wafik Ibrahim, spécialiste en affaires régionales, note que, pour la seule libération d’Idlib, symbolique et spécifique dans cette neuvième année de guerre, « l’armée syrienne fait face à dix adversaires » qui conjuguent leurs efforts pour entraver le retour à la paix. Les masques sont tombés.

Erdogan est perdu dans un louvoiement acrobatique entre les Etats-Unis et la Russie, et dans une stratégie inextricable entre Moscou, Téhéran, les groupes terroristes qu’il parraine, les milices kurdes qu’il combat, tout en cherchant un hypothétique « chemin de Damas ». La Turquie est engagée militairement et sans réserve, par l’envoi direct de renforts et d’armement lourd aux organisations terroristes, en premier lieu le Jabhat al-Nosra (enseigne syrienne d’Al Qaida), rebaptisé Hay’et li Tahrir al Cham.

Pour l’Amérique, il s’agit de retarder, sinon d’empêcher le retour de l’Etat syrien dans le Nord du pays, dans le gouvernorat d’Idlib et/ou vers la rive est de l’Euphrate, en maintenant quelques éléments terrestres à titre dissuasif, au prétexte de combattre Da’esh, une création de facto de notre oncle Sam. On ajoutera les « soutiens automatiques » de l’Amérique :

Les Nations Unies et la Ligue Arabe, dans un rôle de paravents légaux et d’auxiliaires utiles de Washington; la Grande-Bretagne et la France, les supplétifs; l’Arabie Saoudite, qui continue de financer le terrorisme à l’est de l’Euphrate contre les Turcs, mais se joint à eux dans le gouvernorat d’Idlib; les Émirats, atout maître de l’Amérique, en Syrie notamment; tous ces protagonistes soutiennent les forces résilientes du terrorisme (encore 30.000 djihadistes de toutes nationalités).

Dans le même temps, l’étau des sanctions – armes de destruction massive dont l’usage est un véritable crime de guerre – vise à empêcher la reconstruction du pays et à provoquer le cas échéant un soulèvement contre « le régime ». Dans cette conjoncture, le lancement fin mai d’une énième affaire d’attaque chimique « attribuée comme il se doit au « régime de Bachar Al Assad » (du côté de Lattaquié) serait presque une bonne nouvelle, signifiant que la libération d’Idlib, gelée depuis septembre 2018 ( suite à la création d’une zone de désescalade sous l’égide des Russes et de la Turquie ), est enfin entamée par l’armée syrienne appuyée par l’aviation russe, malgré les manœuvres du nouveau Grand Turc. Le scénario est bien connu, et l’on y retrouve le « Hay’et li Tahrir al Cham » (ex-Jabhat al Nosra). Les intimidations pleuvent, sans doute en vain, les histoires sous « faux pavillon » faisant de moins en moins recette.

L’offensive lancée contre l’Iran par l’Amérique suite au retrait de cette même Amérique du « Traité nucléaire » de 2015 a fait monter la tension au Moyen-Orient de plusieurs crans. Les échanges de menaces tiennent surtout de la gesticulation, mais la sagesse est une qualité rare dans l’entourage du Picsou de la Maison-Blanche. Les pompiers s’affairent pour éteindre l’incendie toujours prêt à éclater dans les champs de gaz et pétrole de la région : entre Suisse, Oman et Russie, c’est à qui jettera son seau d’eau sur les flammèches. Le Kremlin veille à ne pas se laisser déborder : il a soutenu l’accord nucléaire et a encouragé Téhéran à y rester fidèle. Mais « les Américains sont les premiers responsables », « l’Iran étant aujourd’hui le pays le plus contrôlé et le plus transparent au monde sur le plan nucléaire ». « La Russie est prête à continuer de jouer un rôle positif », mais l’avenir du traité « dépend de tous les partenaires, les Etats-Unis, les Européens et …l’Iran ».

Aide-toi, la Russie t’aidera…Le discours est si raisonnable que l’on se demande parfois si la diplomatie russe, « insupportablement patiente » ne se trompe pas d’époque, face au phénomène Trump, à son Schtroumpf grognon, aux Européens résignés et aux cinglés, leurs alliés… Le temps est-il encore aux discours ?

Michel Raimbaud

*L’auteur utilise le terme Amérique pour désigner les États-Unis

L’article a d’abord été publié le site IVERIS (Institut de Veille et d’Étude des Relations Internationales et Stratégiques).

Michel Raimbaud : ambassadeur de France, est un essayiste et un diplomate qui connaît très bien le Proche et le Moyen-Orient.

Gilets Jaunes, une répression d’Etat

mai 25th, 2019 by StreetPress

Depuis 6 mois une répression inédite s’abat sur le mouvement des Gilets Jaunes.

A travers les témoignages de blessés, spécialistes et militants, le documentaire inédit de StreetPress décrypte les dérives du maintien de l’ordre.

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Et si demain le premier poste budgétaire de l’Union n’était plus la politique agricole commune, mais le soutien à la production et à l’exportation d’armes européennes vers des pays comme l’Arabie saoudite ? S’il vous semble qu’on en est encore loin, il suffit de se pencher sur un enjeu des élections européennes très peu évoqué. Les députés européens élus dimanche auront la responsabilité de voter ou non une expansion sans précédent des subventions européennes à l’industrie de l’armement. De quoi éloigner encore davantage l’Union européenne de ses prétentions à incarner une force de paix.

Les industries de l’armement ne se sont jamais aussi bien portées en Europe. Le « Fonds européen pour la défense » pourrait être multiplié par 22 pour la période 2021-2027, pour atteindre 13 milliards d’euros. Et ce, malgré les scandales liés aux exportations d’armes européennes vers des zones de conflits, comme le Yémen. Les futurs députés européens seront amenés à valider, ou pas, cette impressionnante explosion budgétaire.

Ces 13 milliards serviront à poursuivre des recherches sur des « technologies de rupture » militaires, comme les drones ou des armes incendiaires, « dont l’application peut radicalement changer les concepts dans le domaine de la défense et la manière de conduire des opérations de défense » [1]. Et financeront les entreprises fabricantes d’armes pour développer ces projets « pilotes ».

Un budget multiplié par 22

Cette multiplication par 22 du budget est en partie liée aux pressions des lobbies des industries de l’armement (lire notre enquête : Comment l’Europe s’apprête à déverser des milliards d’argent public en faveur des industries de l’armement). Le « Fonds européen pour la défense » a été mis en place en 2016 suite aux recommandations d’un « groupe de personnalités », dont au moins sept des seize membres étaient issus de l’industrie de l’armement [2]. Le premier budget du fonds s’élevait à 590 millions pour 2017-2020.

« Contrairement à ce qu’on a souvent voulu faire croire, les futurs députés européens auront clairement la capacité de refuser d’accorder ces 13 milliards d’euros au Fed, » explique Laëtitia Sédou, chargée de programme du Réseau européen contre le commerce des armes (Enaat). Deux possibilités s’ouvrent aux parlementaires : soit ils finalisent cette proposition de la Commission et votent l’augmentation budgétaire, soit ils la refusent. S’ils l’acceptent, lors du vote à l’automne prochain, ils n’auront plus la possibilité de le remettre en cause pendant toute la durée du cycle budgétaire (jusqu’en 2027).

« Exclure le parlement européen de son rôle habituel de suivi et d’une certaine influence sur la mise en œuvre plus précise est un précédant extrêmement dangereux en soi pour tous les programmes de l’UE, »explique Laëtitia Sédou. Des questions sur le plan juridique se posent également, puisque le traité de Lisbonne interdit explicitement le financement de projets militaires ou de défense via le budget commun de l’Union européenne.

Violations du droit européen et international

Le vote des eurodéputés se déroulera sur fond de controverses concernant l’exportation de matériel militaire à des pays accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. C’est le cas de la coalition menée par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis contre les rebelles houthis dans le cadre de la guerre civile au Yemen, que la France approvisionne en armements. Pourtant, le Traité sur le commerce des armes (TCA) et la réglementation européenne en la matière interdisent les transferts de matériel militaire, notamment quand il existe des risques de violations graves du droit international humanitaire, ou des risques de déstabilisation régionale (lire notre article).

Que se passera-t-il dans le cas d’une arme co-fabriquée par plusieurs entreprises européennes et financée par le fonds ? Quelle pratique dominera : le laxisme français ou le strict respect des engagements internationaux ? Pour Laëtitia Sédou, il y a peu de doute : « le Fonds européen va très probablement utiliser le dénominateur commun le plus bas comme référence. » Dans le cadre d’une co-production franco-allemande, la France deviendrait par exemple la référence, alors que ses exigences en matière d’exportation d’armes sont bien moins importantes que celles de l’Allemagne.

Les contextes sécuritaire et économique exigent-ils cette explosion budgétaire ?

Dans un contexte géopolitique tendu, certains évoquent l’importance que l’Union européenne investisse dans un fonds pour la défense, afin de pouvoir se protéger en cas de menace ; c’est notamment ce qui est mis en avant par la Commission européenne. « Ce n’est pas parce qu’on produit plus d’armes qu’on se protège mieux, » rétorque Laëtitia Sédou. Sans coordination politique et sans vision à long terme de la défense européenne, multiplier le budget de ce fonds risquerait d’augmenter les duplications d’équipements militaires et d’alimenter une course à l’armement.

La Commission européenne insiste cependant sur les bénéfices d’un tel investissement pour la croissance européenne et la création d’emplois. Le Réseau européen contre le commerce des armes (Enaat) nuance cet argument : il a calculé que les emplois du secteur de la défense ne représentent que 0,6% des emplois totaux dans l’économie de l’UE en 2016 (hors secteur non marchand et financier). L’organisation montre également, sur la base d’études, que l’investissement dans les dépenses militaires ont un impact neutre, voir négatif, sur l’économie d’un pays (lire aussi à ce sujet notre entretien avec Claude Serfati).

En France, les différents candidats aux élections de dimanche n’abordent pas (ou très peu) cette question, pourtant cruciale pour la direction du projet européen.

Eléonore Hughes

— 
Photo : Parlement européen

Notes :

[1Voir ici.

[2Airbus (Franco-allemand), le fabricant de missiles MBDA (France), l’Association des industries aérospatiales et de défense de l’Europe (un lobbby de l’armement), BAE System (Royaume-Uni), Saab (Suède), TNO (Pays-Bas), Leonardo (Italie).

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Les lobbyistes derrière les «fichiers» de Monsanto

mai 25th, 2019 by Olivier Petitjean

Monsanto a procédé au « fichage » de journalistes, d’experts et de militants associatifs en 2016, alors que la France et l’Europe débattaient de la réautorisation du glyphosate. Des documents révélés par Le Mondeet « L’oeil du 20 heures » de France 2 mettent une nouvelle fois en lumière les stratégies d’influence douteuses du géant américain de l’agrochimie, racheté depuis par Bayer, ainsi que le rôle trouble de son cabinet de lobbying attitré, Fleishman-Hillard, et de Publicis.

Les pratiques de lobbying de Monsanto font une nouvelle fois scandale. Une fuite de documents a révélé le fichage, par les lobbyistes de la firme américaine, de dizaines d’hommes et femmes politiques, de scientifiques, de militants associatifs et de journalistes francophones. Un immense tableau portant le logo de la firme de lobbying Fleishman-Hillard classe plus de 200 personnalités françaises et belges selon leur influence et leur degré de sympathie vis-à-vis de Monsanto et de ses produits phares : OGM et pesticides. Un autre identifie quelques dizaines de cibles prioritaires, certaines « à surveiller » ou « à isoler », d’autres « à éduquer » ou à « à recruter », par exemple des journalistes auxquels envoyer des argumentaires cousus main ou à inviter à des conférences. (Voir pour plus de détails les articles de « L’oeil du 20 heures » ici et du Monde.)

Des notes en marge de ces documents donnent une image encore plus crue des stratégies d’influence mises en œuvre par Monsanto et ses lobbyistes, comme la mention « Ont-elles des loisirs (Golf, tennis, chasse) ? » au sujet de certains alliés potentiels. Ces tableaux datent de 2016, au moment où la France et l’Europe débattaient de la réautorisation du glyphosate, principe actif de l’herbicide Roundup. Le glyphosate, classé comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), verra finalement son autorisation renouvelée fin 2017 pour 5 ans au lieu de 15, après une épique bataille de lobbying.

Quand lobbying rime avec illégalité

Un autre document, une « cartographie des parties prenantes », porte quant à lui le logo de Publicis. Le groupe français, coté au CAC40, propose également, au-delà de son cœur de métier publicitaire, des services de lobbying et de relations publiques au profit de grandes entreprises ou de gouvernements étrangers (lire notre article sur ses relations privilégiées avec l’Arabie saoudite). Fleishman-Hillard semble lui avoir délégué une partie de son travail de repérage, et notamment, selon Le Monde, la récole « du renseignement et des informations au niveau politique qui ne sont PAS dans le domaine public ».

Plusieurs des personnes et institutions ainsi fichées par les lobbyistes de Monsanto, dont Le Monde et des politiques comme José Bové et Corinne Lepage, ont annoncé leur intention de porter plainte contre X. La collecte et l’archivage de données personnelles, y compris les « opinions politiques et philosophiques », sont en effet illégales si le consentement des individus concernés n’a pas été sollicité. Plusieurs lobbyistes interrogés dans les médias suite à ces révélations [1] se sont empressés de déclarer que ce genre de pratiques faisait partie intégrante de leur métier et qu’ils avaient des fichiers « plein [leurs] ordinateurs ». En l’occurrence, un des fichiers de Fleishman-Hillard comporte même des adresses et des numéros de téléphone, dont certains en liste rouge.

Le géant allemand de la chimie Bayer, qui a racheté Monsanto pour 56 milliards d’euros en 2018, a présenté ses excuses, tout en précisant n’avoir aucun élément prouvant qu’il s’agissait de pratiques illégales. Il a admis que des fichiers similaires pouvaient exister pour d’autres pays européens, puisque la stratégie d’influence de Monsanto en Europe était de fait pilotée depuis Bruxelles. Bayer a aussi annoncé« suspendre » son contrat avec Fleishman-Hillard. C’est un déboire de plus pour le groupe allemand, dont le cours en bourse s’effondre depuis le rachat de Monsanto. Bayer vient de subir un camouflet lors de son Assemblée générale annuelle, où ses actionnaires ont désapprouvé la stratégie de la direction à 55%, et voit s’enchaîner les condamnations devant les tribunaux. Monsanto vient juste d’être à nouveau condamnée à verser une compensation de 1,8 milliard d’euros à un couple californien atteint d’un cancer.

Le champion des produits toxiques

Qui est Fleishman-Hillard ? Peu connu du grand public, c’est l’un des principaux cabinets de lobbying et de relations publiques au monde. Basé à Saint Louis, dans le Missouri, comme Monsanto, il travaille pour la firme agrochimique depuis au moins les années 1980. C’est la plus grosse firme de lobbying à Bruxelles, avec un budget déclaré de 7 millions d’euros en 2018, et 59 lobbyistes accrédités. Monsanto y figure parmi ses plus gros clients, aux côtés du Cefic, lobby européen de la chimie (notamment de son groupe de travail sur la défense du dioxyde de titane) et de PlasticsEurope, lobby européen du plastique, sur le bisphénol A. Autant dire que défendre les substances controversées et nocives pour la santé contre toute tentative d’interdiction est un peu une spécialité de Fleishman-Hillard. Son autre secteur de prédilection est la finance. Le cabinet compte aussi parmi ses clients tout le gratin bancaire mondial, et notamment américain. Suite au scandale des LuxLeaks, il avait proposé des ateliers de formation à ses clients comme BNP Paribas qui devaient témoigner devant une commission d’enquête du Parlement européen.

La « suspension » de Fleishman-Hillard par Bayer va-t-elle marquer un changement de stratégie ? Pas sûr, dès lors que Monsanto a recours depuis longtemps aux services d’autres cabinets de lobbying et de relations publiques, comme Edelman, Interel, Hume Brophy ou encore Red Flag à Bruxelles [2]. En France, outre Publicis, c’est le cabinet Boury Tallon qui est traditionnellement le principal prestataire de Monsanto, ce que confirment les données du registre français du lobbying. Registre où l’on ne trouve pas, en revanche, la trace de Fleishman-Hillard.

Olivier Petitjean

Photo : Karen Eliot CC via Wikimedia Commons

Notes

[1Voir par exemple ici, ici et .

[2Selon les données du registre de transparence rendues disponibles par le site Lobbyfacts.eu.

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Photo : Caracas 2019: Juan Guaidó parlant à la presse. (photo : Luis Robayo, pour TIME).

Les grands médias internationaux déploient depuis longtemps une prodigieuse créativité dans leurs reportages sur le Venezuela, au point que la couverture de cette “crise” est devenue le genre fictionnel le plus lucratif du monde. Le récent article de Ciara Nugent pour Time (4/16/19) : “Les Vénézuéliens affamés d’information: la bataille pour obtenir des infos dans un pays en proie au chaos » a valeur de chef-d’œuvre de cette mode littéraire (en plus audacieux que la copie de Thomas Cluzel sur France Culture, NdT).

Sans surprise, Nugent partage l’appui enthousiaste (2/1/19) de Time à la tentative de coup d’Etat de l’auto-proclamé “président intérimaire” Juan Guaidó. Time reprend la vulgate journalistique en vigueur depuis plus de dix ans (Extra!11–12/06), à savoir que le gouvernement élu (chaviste) est un “régime autoritaire” qui réprime la liberté d’expression. Les grands médias parlent souvent de la « répression de Chávez contre la liberté de la presse » (New York Times4/30/19), d’un “pays où les journaux et les radios et télévisions ont été muselés”, où “la majeure partie de la presse indépendante a disparu” (NBC2/3/195/16/19), où le “régime” de Maduro contrôle “presque toutes les stations de radio et de télévision” (Bloomberg1/29/19).

Time (4/16/19) s’est joint à l’engouement littéraire des grands médias pour les récits fictifs sur la « crise » vénézuélienne.

 

Cependant, le récit cauchemardesque de la journaliste de Time sur la censure d’un État orwellien piétine les données empiriques les plus faciles à recouper pour quiconque passe un peu de temps au Venezuela. Alors que Nugent affirme que pour les Vénézuéliens, « découvrir ce qui se passe autour d’eux est devenu une lutte« , il est assez courant d’assister à des débats politiques éclairés dans les bars, les magasins et les places publiques. L’idée que Nugent essaie de nous vendre en publiant l’image photogénique de quelqu’un montant dans un bus pour s’adresser aux voyageurs avec une « télévision » en carton, est ridicule.

Télévision

« La plupart des chaînes de télévision sont gérées par l’État et les autorités interdisent aux quelques chaînes de télévision et stations de radio indépendantes de couvrir la crise vénézuélienne au fur et à mesure qu’elle se déroule » assure Nugent. On ignore si elle a déjà regardé la télévision au Venezuela mais on trouvera difficilement une affirmation plus éloignée de la vérité. Le paysage audiovisuel du Venezuela est dominé par trois grandes chaînes privées de télévision: VenevisionTeleven et Globovisión, chacune d’elles regardée par plusieurs millions de téléspectateurs.

Une étude d’AGB Nielsen montre que la chaîne privée Venevision domine le marché de l’information télévisée au Venezuela.

En 2013, lorsque la dernière étude d’audience fut menée par AGB Nielsen, Venevision, propriété du milliardaire possesseur de médias Gustavo Cisneros dominait déjà le marché national de l’info, étant regardée par 36 % des spectateurs vénézuéliens. Venevision était suivie par la chaîne d’Etat VTV, avec 25 %, puis par Televen et Globovision en troisième et quatrième places avec 22% et 15% respectivement. La domination des médias privés, loin de s’affaiblir, a augmenté ces six dernières années. Tout en arrivant loin derrière Venevision et Televenen termes d’audience globale, la chaîne publique VTV a indubitablement bénéficié pendant des années de la présence charismatique de feu le président Hugo Chávez, qui y diffusait son propre talk-show hebdomadaire très populaire, Aló Presidente. Ses cotes d’écoute ont chuté de manière significative au cours des six années qui ont suivi la mort de Chávez, avec l’approfondissement d’une guerre économique et politique qui a sapé les ressources vitales et le moral politique de la chaîne publique.

Une étude menée en 2015 par le Ministère de la Culture et par des sociétés privées de mesures de rating comme Mediax montre que les médias privés, d’opposition, – en particulier Venevision, Televen et les chaînes du câble – totalisent 85 % d’audience, les chaînes publiques et communautaires (strictement locales) se partageant les 15% restants. En 1998 on comptait 36 télévisions privées émettant en clair, en 2017 leur nombre s’élève à 63. Selon les chiffres de la Commission, pour eles premiers mois de 2019, des concessions légales ont été octroyées à 11 médias privés et une à un média communautaire. Bref, non seulement le gouvernement bolivarien n’a jamais « fermé des médias » mais il a augmenté leur nombre. Par ailleurs, les données de CONATEL (Commission Nationale des Télécommunications) montrent une augmentation constante du nombre d’abonnés à la télévision privée, passé de 17 % en 2000 à un sommet de 68 % en 2015. L’an dernier, plus de 60 % des ménages vénézuéliens ont payé un abonnement privé au câble ou au satellite.

Répartition actuelle des audiences télévisées au Venezuela

Ces abonnements sont très abordables: le meilleur fournisseur de télévision par satellite, Direct TV, offre des forfaits à partir de seulement 70 cents par mois sur le prix du marché parallèle, soit environ le prix d’une bière glacée. Dans le cas de Direct TV, qui contrôle 44 pour cent du marché des abonnements payants, les bouquets offrent une multitude de chaînes d’information internationales, dont Fox News, CNN, BBC et Univisión – et le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’agit pas de médias pro-chavistes. Alors que l’article de Nugent parle d’un monopole médiatique de l’Etat, les données indiquent que sous le chavisme, les vénézuéliens ont progressivement élargi leur accès aux chaînes d’information internationales privées, dont la plupart ont une couverture résolument de droite et anti-bolivarienne.

Même en dehors de télévisions états-uniennes telles que Fox et CNN, le champ de l’information audiovisuelle au Venezuela est dominé par l’opposition de droite (Venevision, Televen, télévisions locales, régionales). La seule exception est Globovisión qui, selon une étude de l’American University de 2015, n’a « aucun parti pris significatif en faveur du gouvernement ou de l’opposition« , et ce contrairement aux affirmations du New York Times (21/02/19) selon lesquelles cette chaîne privée a « changé sa ligne éditoriale pour soutenir M. Maduro » après son changement de propriétaire. Le 25 mai 2019, pour ne citer qu’un exemple, Globovision a interviewé un un « expert électoral » de l’opposition qui dénonce une fraude lors des élections présidentielles qui ont donné la victoire à Nicolas Maduro.

Malgré les allégations de l’opposition selon lesquelles Venevision est devenu un média « pro-régime », la chaîne interviewe fréquemment les dirigeants des partis de droite; par exemple, elle a récemment mené une interview sympathique de 12 minutes (5/2/19) avec Sergio Vergara G., leader à l’Assemblée nationale du parti d’extrême droite de Juan Guaidó, Voluntad Popular. Inutile de dire que le fait de diffuser le point de vue d’un parti qui tente activement de renverser le gouvernement n’est pas caractéristique d’une “télévision d’État ».

L’affirmation de Nugent est également fausse en ce qui concerne le champ radiophonique. De nombreuses stations alignées sur l’opposition de droite remplissent les ondes, notamment Radio Caracas Radio, tandis qu’Union Radio est populaire dans tout le pays pour sa couverture plus indépendante et moins partiale. En 1998 on comptait 304 radios privées FM. En 2017, ce chiffre est monté à 481.

Presse écrite

Ciara Nugent parle purement et simplement de journaux et de magazines qui ont « pratiquement disparu« , comme si, au milieu d’une grave récession économique, on s’attendait à ce que le Venezuela aille à contre-courant de la tendance mondiale de déclin des médias imprimés.

Néanmoins, le Venezuela dispose encore d’un bon nombre de journaux nationaux, ce que Nugent pourrait vérifier en observant n’importe quel kiosque à journaux vénézuélien. De plus, comme dans d’autres pays, les journaux qui ne circulent plus sous leur forme “papier” poursuivent leurs activités sur les plateformes numériques et les médias sociaux, comme le journal d’opposition Tal Cual.

Aujourd’hui, le Venezuela a cinq journaux de circulation nationale, la plupart d’entre eux anti-gouvernementaux. Alors que Últimas Noticias a une ligne centriste, et que le journal financé par l’Etat Correo del Orinoco est pro-gouvernement, un simple coup d’oeil à El UniversalDiario 2001 et La Voz permet de noter leur caractère farouchement antichaviste.

El Universal (2/17/19) a publié un éditorial intitulé « Scénarios vénézuéliens », qui envisage positivement les résultats d’une invasion états-unienne au Venezuela.

El Universal tire quotidiennement à environ 35.000 exemplaires, ce qui, proportionnellement à la population, est comparable au Washington Post. Considéré comme l’organe de la soi-disant opposition “modérée”, la ligne de ce journal a été complètement déformée, notamment par Nick Casey (1/16/16) du New York Times qui lui attribue « une ligne largement pro-gouvernementale« .

Le 17 février, El Universal a publié un article d’opinion d’un de ses collaborateurs habituels, le sondeur de la firme privée Datanalisis Luis Vicente León, qui soupèse nonchalamment le pour et le contre d’un coup d’État militaire, d’une transition négociée « sous pression » des sanctions états-uniennes criminelles et des menaces militaires, ou d’une invasion pure et simple. León penche pour le dernier scénario à condition qu’il prenne la forme d’une “intervention dans le style du Panama” pour renverser Maduro “sans conséquences majeures” (traduire: avec des dommages collatéraux limités aux gens pauvres et de couleur, comme dans le quartier populaire panaméen El Chorrillo).

Plus récemment, dans le même journal, le chroniqueur Pedro Piñate (4/4/19) affirme que le Venezuela doit se débarrasser des idées « castro-communistes« , Francisco Olivares (4/27/19) affirme que le départ de Maduro est « vital pour le monde démocratique occidental » tandis qu’Antonio Herrera (4/25/19) s’inquiète de la présence de « Cubains, Russes, Iraniens, de terroristes du Moyen Orient et de guérilleros de Colombie« .

Non seulement les journaux anti-gouvernementaux vénézuéliens exercent une liberté illimitée de publication, visible dans des articles d’opinion appelant explicitement à des coups d’État militaires, mais ils ont aussi une longue histoire de publication de caricatures explicitement racistes de Chavez et d’autres dirigeants bolivariens qui scandaliserait les esprits libéraux dans n’importe quel pays occidental.

Dessin de Weil publié par le journal Tal Cual et se moquant des chavistes : « Assez de suprématie blanche, maintenant nous avons de l’eau afrodescendante »

Réseaux sociaux

Nugent affirme qu’il existe une censure draconienne gouvernementale contre les médias sociaux:

La liberté de l’Internet au Venezuela s’affaiblit depuis plusieurs années, le pays passant finalement de « partiellement libre » à « non libre » dans les rapports annuels de Freedom House in 2017, l’observatoire mondial de la démocratie.

Freedom House, un think tank financé par le gouvernement américain, a qualifié le Venezuela de  » non libre  » dans son rapport annuel 2017 sur la liberté dans le monde.

La reporter du Time omet de divulguer que Freedom House, “observateur mondial de la démocratie”, est presque entièrement financé par le gouvernement des Etats-Unis, qui dirige actuellement un coup d’État au Venezuela. Mais ce détail mineur mis à part, on peut se demander : l’internet est-il vraiment moins libre au Venezuela que dans les pays du Nord ?

S’il est vrai que le fournisseur d’État de téléphonie et internet, CANTV, bloque certains des nouveaux sites anti-gouvernementaux comme El NacionalLa Patilla et El Universal, ceux-ci sont accessibles via les fournisseurs privés tels que VPN, la télévision par câble ou les téléphones portables.

Bien qu’une telle politique soit indéfendable et peut-être autodestructrice, elle doit être replacée dans son contexte. Est-ce qu’un gouvernement occidental tolérerait que de nouveaux organes d’information servent ouvertement de porte-paroles à une opposition violente, soutenue par une puissance étrangère, qui mène actuellement sa sixième tentative de coup d’État (après les échecs du coup d’état d’avril 2002 contre Chavez, le lockout pétrolier de 2002-2003, la violence de l’opposition post-électorale en 2013, les “guarimbas” d’extrême droite dans la rue en 2014 et en 2017) ?

Vu les efforts que les États-Unis et le Royaume-Uni déploient pour poursuivre Chelsea Manning et WikiLeaks, sans qu’aucun d’eux ne constitue une menace réelle pour la sécurité nationale, la réponse courte est « non ».

L’enquête d’Erin Gallagher (Medium, 1/30/19) a révélé une campagne dans les médias sociaux pour positionner les hashtags pro-opposition sur Twitter, générant des milliards d’impressions quotidiennes.

Bien que le Venezuela ne soit pas à l’abri de la censure de l’État, c’est une grossière distorsion que de prétendre que le pays soit « aujourd’hui soumis à de fréquentes restrictions de l’information« . Non seulement la droite vénézuélienne a une présence décisive, sinon dominante, à la télévision, à la radio et dans la presse écrite, mais elle exerce aussi une influence considérable dans les réseaux sociaux, ce qui lui permet de diffuser de fausses nouvelles parmi le public. Alors que Nugent écrit sournoisement qu’il « est difficile de savoir qui est derrière les fake news« , on devine facilement qui a le plus à gagner de rumeurs non fondées telles que  » les mineurs sont recrutés par l’armée  » ou  » les troupes russes arrivent au Venezuela « .

En 2012 déjà une enquête de OpenNet – initiative de la Faculté de Droit de Harvard et du Citizen Lab de l’Université de Toronto- révélait une carte des pays qui censuraient Internet, quels contenus ils filtrent et comment ils le font, et notait que le Venezuela n’exerçait aucune censure. Aujourd’hui, une vaste investigation indépendante a révélé l’utilisation effrénée de « l’automatisation, de faux profils ou comportements non authentiques coordonnés et de robots » pour positionner les hashtags anti-gouvernement sur Twitter, certains comptes tweetant des centaines de milliers de fois par jour et produisant des milliards d’impressions quotidiennes. Le tableau réalisé par Alexa.com montre que les deux sites les plus visités sont des sites de médias d’opposition (La Patilla et El Nacional) et que sur la liste totale, 90 % des sites visités sont également d’opposition. L’opposition vénézuélienne s’est toujours efforcée d’activer les médias et réseaux sociaux avant les pics de violence. De nombreux militants de droite appellent à tuer des militants chavistes tous les jours sur Twitter (voir ci-dessous). Par contraste, les comptes officiels ou pro-gouvernementaux ont été régulièrement fermés par les géants des médias sociaux occidentaux, comme des centaines de comptes personnels chavistes ou sept comptes gouvernementaux vénézuéliens suspendus par Twitter récemment.

« Tant de terroristes de par le monde, et aucun pour tuer Maduro ? merde, tuez Maduro, c’est lui qui mérite toute cette merde. (..) Les terroristes sont des idiots, ils tuent des gens alors qu’ils pourraient tuer Maduro.

Tu imagines quand nous nous unirons tous pour tuer Maduro, quelle énergie incroyable ce sera !

J’ai une envie de tuer des chavistes que même Dieu ne pourrait m’ôter

Ce sera très joli quand les marines viendront tuer des chavistes, gardes nationaux, policiers et tout ce qui appuie ce gouvernement

Ce chaos prendra fin quand les gens prendront une arme avec ou sans peur et commenceront à tuer des chavistes. Je le dis très sérieusement.

Un exemple récent de la capacité de Washington et de ses clients de l’opposition de façonner le récit médiatique par le biais des réseaux sociaux est la « confrontation de l’aide humanitaire » du 23 février 2019 à la frontière vénézuélienne/colombienne (FAIR.org2/9/19). A la suite d’ un incident controversé impliquant un camion de l’USAID (ONG “humanitaire” du département d’Etat, NdT) qui a pris feu, de hauts responsables américains et des leaders de l’opposition se sont immédiatement tournés vers Twitter pour en accuser le gouvernement Maduro. Cette affirmation a été reprise en boucle par les médias privés, malgré l’absence d’accès direct à des preuves. Deux semaines plus tard le New York Times  a rectifié l’information et démontré, vidéo à l’appui, qu’un cocktail molotov manié par un militant de de droite avait bouté le feu au camion. Le fait que cette rétractation du New York Times le 23 février soit restée largement ignorée est un cas flagrant de domination des médias sociaux par les États-Unis et l’opposition, qui ont mis en place un faux récit repris comme vrai partout et pour toujours.

La liberté de presse via un coup d’État?

Le récit médiatique d’un gouvernement vénézuélien réprimant la liberté de la presse n’est pas une invention récente. Qu’on se rappelle la décision prise en 2007 par le gouvernement Chavez de ne pas renouveler la concession hertzienne de RCTV (Radio Caracas Televisión). RCTV avait joué un rôle crucial dans le coup d’État d’avril 2002. La droite avait chassé pendant 47 heures du pouvoir le président élu, et déclenché une vague de terreur avant de poursuivre son offensive à travers un lock-out pétrolier (2002-2003). RCTV fut retirée du spectre public mais continua à transmettre par le cable, par le satellite et par internet. (NdT: en France ACRIMED démonta le concert de désinformation qui vit les médias français, soutenus par les maîtres-penseurs du microcosme médiatique et par RSF, reprendre en choeur le même refrain, résumé à merveille par l’éditorial du Monde : « Censure à la Chávez » (28 mai 2007).

The Nation (2/8/19) a rapporté le rôle joué par le gouvernement états-unien dans la construction du plus récent mouvement d’opposition de droite au Venezuela.

La fin de concession de RCTVservit de prétexte à une nouvelle vague de protestations anti-gouvernementales, menée par une nouvelle génération de leaders étudiants de la classe moyenne de droite, financée et formée par Washington. Parmi cette nouvelle cohorte se trouvait Juan Guaidó, diplômé de l’Université George Washington, vétéran des violentes manifestations de rue de l’opposition en 2014, connues sous le nom de « La Sortie  » (de Maduro, NdT), qui fit 43 morts, la majorité étant des passants, des chavistes et des membres des forces de l’ordre.

La correspondante du Time Nugent écrit aussi: « Les autorités vénézuéliennes arrêtent régulièrement des journalistes, affirmant qu’ils sont entrés illégalement dans le pays ou qu’ils ont violé des « zones de sécurité« . Il y a actuellement plus de 50 agences de presse étrangères avec des correspondants sur le terrain au Venezuela, qui savent qu’ici comme ailleurs il faut un visa de journaliste pour effectuer leur travail. Comme aux États-Unis ou ailleurs, on ne peut se faufiler au milieu de la nuit dans les zones de sécurité restreintes proches d’un palais présidentiel sans être dûment identifié et accrédité. L’indignation suscitée par les efforts du gouvernement vénézuélien pour réglementer les médias dans le cadre d’un coup d’État soutenu par l’étranger est tout à fait hypocrite, étant donné que les journalistes occidentaux n’ont pas pris la parolecontre la censure de leurs propres gouvernements à l’encontre des lanceurs d’alerte.

Dans une analyse précédente, FAIR (4/30/19) a montré que zéro % des journaux d’élite états-uniens et des experts de talk-shows américains ont critiqué l’idée d’un changement de régime au Venezuela. Plus qu’une vision réfléchie ou simplement lucide du paysage médiatique vénézuélien, les contes de fées comme celui de Nugent sur la censure totalitaire de l’Etat au Venezuela reflètent l’autocensure du régime médiatique états-unien, beaucoup plus efficace qu’un dirigeant dit « autoritaire » ne pourrait le croire. Après tout, sans cette limitation délibérée du spectre des « opinions acceptables », l’administration Trump n’aurait jamais pu mener illégalement un coup d’État ni poursuivre en toute impunité un blocus économique qui a déjà tué 40.000 Vénézuéliens au cours des deux dernières années.

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Scène de la vie quotidienne sous la dictature bolivarienne : la dirigeante d’extrême droite Maria Corina Machado, impliquée dans plusieurs tentatives de coup d’État depuis 2002, explique aux médias « baillonnés » qu’il n’y a pas de liberté au Venezuela et que plutôt que d’attendre des élections, il faut relancer les confrontations « non-dialogantes » (sic) pour forcer le président élu à partir.

Scènes de la vie quotidienne sous la dictature bolivarienne. Photo du haut: Lilian Tintori, épouse du dirigeant d’extrême droite Leopoldo Lopez, dénonce la « répression de la liberté de la presse » et en dessous, la dirigeante d’extrême droite Maria Corina Machado, impliquée comme Lopez dans plusieurs tentatives de coup d’État depuis 2002, explique aux médias « bâillonnés » qu’il n’y a pas de liberté au Venezuela et que plutôt que d’attendre des élections, il faut relancer les confrontations « non-dialogantes » (sic) pour forcer le président élu à partir.

Lucas Koerner

Ricardo Vaz

 

 

Source: There’s Far More Diversity in Venezuela’s ‘Muzzled’ Media Than in US Corporate Press, Fair, le 20 mai 2019

Traduction de l’anglais: Thierry Deronne, Venezuela Infos

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Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a prétendu avoir convaincu le président américain Donald Trump d’abandonner l’accord sur le nucléaire iranien, et souhaité que l’Iran « disparaisse avec l’aide de Dieu  ». Israël possède beaucoup plus d’expérience pour traiter avec le Moyen-Orient que l’actuel président des USA et toute l’équipe formant son administration. Même si les Israéliens eux-mêmes n’en étaient pas convaincus, ils ont tout de même réussi à convaincre les Américains qu’une « démonstration de la force supérieure des USA et de la volonté de s’en servir » forcerait l’Iran à reculer et à se plier aux 12 conditions dictées par le secrétaire d’État Pompeo, comme l’ancien ambassadeur d’Israël à Washington, Danny Ayalon, l’a précisé. Israël, qui est l’instigateur de cette stratégie réfutée par deux messages clairs de l’Iran et de ses alliés, n’en ressort pas moins indemne de cette escalade rhétorique. Trump semble être le seul perdant, à attendre un appel téléphonique qu’il ne recevra pas.

C’est le bellicisme du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu qui force l’Iran à adopter une position ferme. Netanyahu s’est vanté que son influence a poussé Trump à lui donner les hauteurs du Golan syrien, à déménager l’ambassade des USA à Jérusalem, à lui donner Jérusalem et à révoquer l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Il est fort probablement aussi derrière les 12 conditions que Trump cherche à imposer à l’Iran car, contrairement à l’administration américaine inepte, les Israéliens savent fort bien que l’Iran ne peut les accepter. Le président des USA a saboté le processus de paix et a mis à mal la position de son pays en tant que médiateur entre les Palestiniens et Israël.

Quand Netanyahu a demandé à Trump de lui offrir tous ces cadeaux, le président des USA n’a pas hésité à sauver le premier ministre israélien de poursuites criminelles pour fraude et abus de confiance en favorisant sa réélection et en lui donnant ce qui ne lui appartient pas!

C’est maintenant au tour de l’Iran d’être mis sur le gril. Mais il semble bien que les choses ne se passent pas comme Trump l’avait prévu. Sa propre image en a pris un coup, mais pas celle de Netanyahu, qui a ordonné à son cabinet de garder le silence et de rester loin du contentieux Iran-USA. Le premier ministre israélien peut se laver les mains d’une non-intervention militaire des USA contre l’Iran et observer en silence, en gardant Israël en dehors des tensions entre l’Iran et les USA,  comme s’il n’était pas du tout concerné. Il cherche à prétendre que le bras de fer en cours entre les USA et l’Iran et que le recul de Trump après les attaques d’al-Fujairah et d’Aramco n’ont rien à voir avec lui.

Les officiers militaires de Netanyahu se trompent en croyant que « l’Iran a un compte à régler avec l’armée israélienne qui lui a asséné plusieurs coups (en Syrie), pour lesquels Téhéran n’a pas eu l’occasion de riposter ». Israël démontre ici une fois de plus qu’il est loin de comprendre le modus operandiiranien. En février 2018, l’Iran a abattu un F-16 qui bombardait la Syrie. L’Iran a livré au Hamas et au Djihad islamique le modèle le plus efficace du missile antichar guidé au laser Kornet, ainsi que la technologie nécessaire pour lancer des missiles à longue portée destructeurs à partir de Gaza. L’Iran fournit au Hezbollah les missiles antinavires, antiaériens et sol-sol les plus perfectionnés qui soient, en vue de leur utilisation possible contre les plateformes pétrolières et les ports d’Israël, et dépense des milliards pour que ses alliés restent forts (le Hezbollah, les acteurs non étatiques irakiens, le gouvernement syrien et les Houthis au Yémen, pour n’en nommer que quelques-uns).

Mais à qui le Hezbollah doit-il sa présence légitime et sa survie? La réponse est toute simple. Il la doit aux guerres d’Israël et à sa violation de l’espace maritime, terrestre et aérien du Liban. Israël occupe toujours les fermes de Chebaa et Kfarshouba, remet en cause les eaux territoriales libanaises et continue d’assassiner des dirigeants du Hezbollah. Le Hezbollah n’aurait rien à faire si Israël choisissait la paix.

En ce qui concerne la Syrie, Moshe Yaalon (ancien ministre de la Défense) dit qu’Israël préférerait avoir Daech à sa frontière plutôt qu’Assad et l’Iran. Trump a offert à Israël le Golan syrien, qui n’appartient ni à l’un, ni à l’autre. Israël a bombardé l’armée syrienne et ses alliés qui combattaient Daech et al-Qaeda. Assad a négocié la paix contre la terre avec Israël en 2010, comme son père l’avait fait avant lui. Netanyahu refuse la paix, ce qui est logique dans son cas, puisque l’alternative consiste à manipuler Trump et à recevoir ses cadeaux, y compris tout Jérusalem.

Si Israël voulait mettre fin à la raison d’êtredu Hezbollah, du Hamas, du Djihad islamique et de tous les acteurs non étatiques qui gravitent autour de lui, il pourrait commencer par mettre en œuvre les accords d’Oslo dans un premier temps, en reconnaissant la Palestine comme les Palestiniens ont reconnu l’État d’Israël. Il pourrait ensuite remettre les territoires libanais et syriens aux mains de leurs propriétaires légitimes (les présidents Hafez Assad et son fils Bachar étaient tous les deux prêts à signer un accord de paix avec Israël en échange de ce territoire) et se garder de bombarder (Israël reconnaît avoir bombardé plus de 200 cibles en Syrie)  et de violer l’espace aérien et maritime de ses voisins (violations quotidiennes de la souveraineté libanaise). L’Iran n’aurait alors plus besoin de confectionner un collier d’alliés formés d’États et d’acteurs non étatiques au Moyen-Orient.

Enfin et surtout, Israël semble derrière les renseignements de sécurité trompeurs fournis à Trump, selon lesquels l’Iran « déplacerait des missiles par bateau », ce qui a accéléré l’envoi, par les USA, de forces supplémentaires au Moyen-Orient. Les USA ont dû cependant trouver un moyen de sortir de l’embarras causé par cette apparente fausse nouvelle, car ils affirment aujourd’hui que « l’Iran a retiré ses missiles de ses petits navires » pour apaiser la tension.

L’Iran refuse de fournir à Trump une porte de sortie facile du climat de tension que lui et son équipe ont créé. Netanyahu se tient tranquille pour éviter toute critique des USA, puisqu’il est clair que c’est lui qui a poussé Trump vers un affrontement avec l’Iran.

Téhéran est conscient du sabotage d’Israël et de sa manipulation de l’administration américaine actuelle à son avantage. Le manque de connaissance des affaires étrangères de Trump et sa volonté d’être réélu en 2020 permettent à Netanyahu de le mener par le bout du nez. Pour sa part, le guide suprême de la révolution iranienne n’a jamais cru que les USA et l’Europe tiendraient leurs promesses relatives à l’accord sur le nucléaire iranien.

« Les USA ne tiendront jamais leurs promesses et l’UE est un acolyte des USA. Il n’y a rien à tirer d’eux », a dit Sayyed Khamenei au président Rouhani lorsqu’il a signé l’accord avec l’administration Obama, selon un haut responsable iranien. Quelques années plus tard, il partageait l’avis de son « Rahbar » (guide suprême de la révolution).

Le Mossad israélien a fourni aux USA de faux renseignements de sécurité selon lesquels des missiles balistiques étaient transportés sur des bateaux de bois,  comme si l’Iran manquait de déserts et d’autres lieux où cacher ses missiles. Plus incroyable encore, on a cru le Mossad. L’influence d’Israël sur l’administration incompétente de Trump est la plus grande menace à la paix qui pèse sur le Moyen-Orient.

Ce qui précède n’est qu’une illustration du pouvoir de manipulation d’Israël sur le gouvernement des USA pour l’entraîner dans un scénario où toutes les parties seraient perdantes, sauf Israël. Les USA perdront de leur prestige en reculant, mais en perdront plus encore s’ils sont entraînés dans une guerre insensée et catastrophique. Les 12 demandes que Netanyahu a persuadé les USA d’exiger de l’Iran sont impossibles à remplir, ce qu’Israël sait fort bien. Si l’Iran s’y soumet, ce serait une victoire pour Israël. Sinon, les USA prendront le chemin de la guerre ou imposeront d’autres sanctions, ce qui avantage la position d’Israël. Israël peut pousser les USA vers un affrontement et pousser l’Iran à ses limites, car Netanyahu n’a rien à perdre d’une situation dans laquelle les militaires américains assument tous les risques de sa stratégie téméraire, puisqu’Israël ne met pas sa peau en jeu. C’est Trump qui affronte les Iraniens, pas Netanyahu. Les Israéliens peuvent donc s’asseoir tranquillement et observer les événements se dérouler en mangeant du popcorn. Israël se verra comme le vainqueur, peu importe les conséquences. L’influence d’Israël sur l’administration incompétente de Trump est la menace la plus grave à la paix aujourd’hui.

Elijah J. Magnier

 

Traduction par Daniel G.

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Une agression américaine contre l’Iran commencerait comme en Irak, en Libye ou en Yougoslavie, avec l’imposition d’une « zone d’exclusion aérienne » pour l’aviation iranienne dans son propre espace aérien. Suivi de frappes aériennes et de lancements de missiles de croisière américains. Mais depuis plus de dix ans, l’Iran a conçu les stratégies de réponse les plus efficaces et est capable de surprises désagréables pour les Américains.

Il est vrai que le blocus imposé par les États-Unis aux exportations de pétrole de l’Iran profite également un peu à la Russie. Mais arrêter l’approvisionnement en produits pétroliers de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn signifierait une augmentation des coûts de 50 fois pour Moscou. C’est pourquoi le Kremlin n’interviendra en aucune manière.

Très probablement, s’il est attaqué, l’Iran ouvrira d’autres fronts, frappant les alliés des États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite (ainsi que ses Emirats satellites). Rappelons-nous que le 14 mai, deux drones yéménites Qasef-2K ont démantelé deux stations de pompage de l’oléoduc est-ouest reliant Riyad au terminal de Yenbu depuis la mer Rouge. Les cibles sont situées à plus de 700 km de la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite. Par conséquent, leurs coordonnées ont été fixées au GPS.

Le guidage des drones Qasef-2K, conçus et fabriqués au Yémen, s’est fait par l’intermédiaire d’équipements de retransmission radio par satellite. Le principal pipeline de gaz et de pétrole d’Arabie saoudite a été construit pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak. Il effectue le transfert de la côte du golfe Persique à la mer Rouge, il a une longueur de 1200 km et passe à 70% de la production quotidienne de l’Arabie Saoudite. Étant dans le désert, le pipeline n’est pas protégé par l’armée saoudienne.

Il est prévisible qu’une fois attaqué, l’Iran armera l’armée yéménite, fidèle au président Ali Abdullah Saleh. Cela résiste à quatre années d’invasion par des mercenaires saoudiens, soutenus par les États-Unis. Que ce soit en mer ou via Oman, l’Iran peut envoyer au Yémen de plus en plus de moyens de lutte contre l’infrastructure de transport de pétrole saoudien, de Bahreïn et des Emirats Arabes Unis. On peut constater que l’ensemble de la côte est de l’Arabie saoudite, le Bahreïn et le terminal pétrolier de Fujairah aux Émirats arabes unis sont à la portée des drones Qasef-2K.

L’aviation israélienne a bombardé des cibles militaires syriennes et l’armée israélienne a soutenu les terroristes islamistes contre l’armée syrienne, bien qu’Israël n’ait pas déclaré la guerre à la Syrie. La Russie aide maintenant l’armée syrienne à se débarrasser de ses armes anciennes et à s’en doter de nouvelles. En 8 ans de guerre, la Syrie a également capturé des quantités impressionnantes d’armes des terroristes islamistes, via les États-Unis, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie. L’Iran est le seul pays à avoir aidé l’armée syrienne depuis 2011. C’est pourquoi il est possible que le deuxième front que l’Iran ouvrira sera pour viser la dégradation de la situation intérieure en Israël. Profitant de la fureur des Palestiniens dans la bande de Gaza, de la capacité de de combat de plus en plus importante du Hezbollah libanais et de la grande hostilité de l’armée syrienne.

Valentin Vasilescu

Traduction AvicRéseau International

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Dans sa chronique eco, Henri Sterdyniak vous décrypte les mensonges qu’on vous sert à longueur de journée sur l’endettement de la France.

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Dans un article d’opinion publié dans Politico, Morawiecki, le premier ministre polonais, a développé un projet en cinq points, afin de fonder un nouvel avenir pour l’Europe, à l’issue des élections du parlement européen fin mai.

Le contexte politique derrière l’article publié par la Pologne

Les élections européennes de fin mai 2019 constitueront un tournant dans l’histoire de l’UE si elles sont remportées par les partis euroréalistes aux dépends de leurs adversaires eurolibéraux, comme les observateurs s’y attendent. Les forces réformistes d’Orban en Hongrie, de Salvini en Italie, de Kaczynski, « éminence grise » de la Pologne, travaillent d’arrache-pied pour inspirer leurs soutiens nationaux et internationaux à voter contre le statu quo et à accorder à leurs alliés idéologiques une chance de modifier les affaires du continent. La Pologne constitue la grande puissance en ascension, pilotant l’initiative géostratégique des « Trois Mers », en Europe Centrale et Orientale, et il apparaît donc approprié que son premier ministre, Mateusz Morawiecki, prenne la plume dans un article d’opinion, publié par Politico, décrivant son projet en cinq points pour fonder un nouvel avenir de l’Europe après les élections européennes de mai 2019.

Une exigence de décolonisation des temps modernes

La «Vision polonaise pour l’Europe » porte un message clair : une Union Européenne décentralisée, rendant la souveraineté à ses États membres, sera bien plus forte et bien plus pérenne que sa version centralisée « à deux vitesses », qui traite les pays de l’ancien Rideau de Fer comme des vassaux conquis. Le cœur du bloc occidental a la même relation avec la périphérie européenne centrale et orientale que les anciennes métropoles impériales avec leurs colonies, et dans un sens, le manifeste de Morawiecki peut être lu comme une demande de décolonisation, exigeant la libération de ces pays soumis hors du contrôle dominateur de Bruxelles, et la mise en place d’un accord dans le style du Commonwealth britannique, qui laisserait chacun de ses membres rester en termes d’égalité et de cordialité entre eux à l’issue de la « réforme impériale » dont Varsovie se veut le fer de lance après les élections.

Point par point

Et pour preuve, le Premier ministre polonais a écrit sur le besoin pressant de lutter contre les inégalités internationales comme premier point de son article, insistant sur le fait que « les inégalités existent non seulement entre citoyens, mais entre pays ». « Établir une stratégie de l’innovation européenne, qui déploie un agenda d’intelligence artificielle, l’internet des objets, le « big data » et le « machine learning » » contribuerait fortement au développement du continent, et à promouvoir l’égalité en cas de réussite. C’est pourquoi il propose un « budget audacieux pour l’UE », qui pourrait partiellement se voir financé par « la juste taxation des géants des technologies numériques » dans sa deuxième proposition. En troisième point, il écrit que certains États de l’UE doivent mettre fin à leurs politiques protectionnistes qui discriminent d’autres membres, tout en « animant un vrai combat contre les monopoles mondiaux et régionaux, y compris sur les plateformes et réseaux en ligne ».

Son avant-dernière proposition plaide pour une augmentation des budgets de défense, et la priorisation des protections aux frontières. Il s’agit d’un alignement avec l’allié étasunien, qui demande de telles augmentation à l’UE depuis la prise de fonction de Trump, et ce n’est pas une coïncidence : le parti PiS, qui gouverne la Pologne, est aligné idéologiquement avec la faction du parti Républicain soutenant l’actuel président des USA, et présente les mêmes opinions, sur presque tous les sujets, en particulier ceux ayant à voir avec le « hard power » et la sécurité nationale. Le dernier point de Morawiecki est sans doute le plus fort de tous : Bruxelles ne doit pas oublier la démocratie – il conclut son article sur cette phrase : « l’Europe fut fondée sur l’idée que ses États membres sont égaux au sein de l’alliance et c’est uniquement dès lors que l’on constituera un groupe d’États réellement égaux entre eux et se respectant les uns les autres que le continent deviendra une superpuissance ».

L’euroréalisme en pratique

À la lecture point par point du manifeste de Morawiecki, on voit clairement que l’avenir euro-réaliste que projette la Pologne pour le bloc européen n’implique pas de « Polexit », agité à tort par certains des critiques de Morawiecki, lors d’une campagne de guerre de l’information contre son pays, mais correspond plutôt à un « ré-équilibrage »entre la centralisation et la décentralisation au sein du bloc européen. La sécurité du continent et les stratégies de développement seront poursuivies collectivement par l’UE, afin de rendre le continent plus compétitif au XXIème siècle, tandis que les sujets socio-culturels et domestiques seront gérés de manière individuelle par chaque État membre. Si on fait les choses à la manière polonaise, cette UE réformée réparera ses erreurs passées et se montrera plus efficace qu’auparavant.

Conclusions

L’Union Européenne est à la croisée des chemins, et la vision portée par l’« initiative des Trois Mers », menée par la Pologne, et prête à fonder un nouvel avenir en Europe avec ses alliés idéologiques euro-réalistes prendra de l’ampleur si cette mouvance remporte les élections parlementaires européennes. Structurellement, les réformes portées par le premier ministre polonais s’apparentent à des exigences de décolonisation des temps modernes, selon un processus proche de celui connu par certaines colonies britanniques avant leur adhésion au Commonwealth ; Varsovie veut, de manière similaire, un retour de l’égalité internationale dans le bloc européen. Les « colonies » d’Europe centrale et orientale sont bien trop profondément liées à la « métropole » d’Europe occidentale pour pouvoir se permettre une « séparation tranchée », et le jeu de propositions polonaises constitue le compromis le plus pragmatique possible au vu des conditions.

Andrew Korybko

 

Photo en vedette : Rencontre le 14 février 2018 de Mateusz Morawiecki, premier ministre polonais, avec Gérard Larcher, président du Sénat français.

Article original en anglais :

Poland Wants to Pioneer a New Future for Europe, le 2 mai 2019.

Cet article a d’abord été publié par Eurasia Future.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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Banque mondiale et Philippines

mai 24th, 2019 by Eric Toussaint

En 2019, la Banque mondiale (BM) et le FMI atteignent l’âge de 75 ans. Ces deux institutions financières internationales (IFI), créées en 1944, sont dominées par les États-Unis et quelques grandes puissances alliées qui agissent pour généraliser des politiques contraires aux intérêts des peuples.

La BM et le FMI ont systématiquement prêté à des États afin d’influencer leur politique. L’endettement extérieur a été et est encore utilisé comme un instrument de subordination des débiteurs. Depuis leur création, le FMI et la BM ont violé les pactes internationaux sur les droits humains et n’hésitent pas à soutenir des dictatures.

Une nouvelle forme de décolonisation s’impose pour sortir de l’impasse dans laquelle les IFI et leurs principaux actionnaires ont enfermé le monde en général. De nouvelles institutions internationales doivent être construites. Nous publions une série d’articles d’Éric Toussaint qui retrace l’évolution de la BM et du FMI depuis leur création en 1944. Ces articles sont tirés du livre Banque mondiale : le coup d’État permanent, publié en 2006, aujourd’hui épuisé et disponible gratuitement en pdf.

L’indépendance des Philippines concédée par les États-Unis en 1946 ouvre une période de prospérité pour le pays. En raison d’enjeux géostratégiques, après la seconde guerre mondiale, Washington permet au gouvernement philippin de mener une politique qu’il interdit ailleurs.

Le gouvernement philippin peut donc se permettre la mise en place de politiques indépendantes, favorables au développement de l’économie du pays. Cette situation finit par incommoder les États-Unis, et avec le soutien du FMI et de la Banque mondiale, les Conservateurs, majoritaires au Congrès philippin suite aux élections de 1959, imposent à partir de 1962 des politiques très différentes, qui vont provoquer hémorragie des capitaux, surendettement, dévaluation et perte de revenus pour la population. C’est dans ce contexte de crise que Ferdinand Marcos proclame la loi martiale en 1972. La Banque mondiale applaudit le dictateur qui mène une politique conforme aux vœux de Washington. La corruption massive accroît le mécontentement et finit par provoquer en 1986 la chute de Ferdinand Marcos au profit de Corazon Aquino, leader de l’opposition démocratique mais intimement liée aux grands propriétaires des plantations. C. Aquino mène une politique économique néo-libérale intransigeante, dans la meilleure tradition de la Banque mondiale, qui bien sûr déçoit profondément le peuple.

Les Philippines ont été une colonie espagnole jusqu’en 1898, année de la défaite de l’Espagne dans une guerre déclarée par les États-Unis qui occupent à leur tour le pays sauf au cours de seconde guerre mondiale où c’est le Japon qui l’occupe. Les Philippines obtiennent leur indépendance à l’égard des États-Unis en 1946 mais ceux-ci imposent certaines conditions : taux de change fixe entre le peso philippin et le dollar américain afin de prémunir les entreprises états-uniennes contre les effets d’une dévaluation, accords de libre échange, etc. Au début, cela se passe sans trop de heurts car les États-Unis procurent beaucoup de dollars aux Philippines, notamment via une forte présence militaire.

Mais à partir de 1949, le flux des dollars se tarit. Le gouvernement philippin instaure alors un fort contrôle sur le change de monnaie afin d’éviter une hémorragie de devises. On interdit aux firmes privées d’emprunter à l’étranger. Le gouvernement des États-Unis et le FMI tolèrent cette mesure pour préserver leurs bonnes relations avec leur allié philippin. L’introduction du contrôle des changes, des mouvements de capitaux et des importations ouvre une période de vaches grasses pour l’économie philippine avec un développement de l’industrialisation du pays. Cela dure douze ans, jusqu’au moment où les États-Unis, le FMI et la Banque mondiale obtiennent l’abandon de ces mesures de contrôle en 1962.

Au cours de la décennie 1950, le secteur manufacturier connaît une croissance annuelle de 10 à 12%, l’inflation ne dépasse pas 2% par an, les Philippines accumulent des réserves de change et la dette externe est très faible. Mais cela ne fait pas que des heureux : les entreprises états-uniennes et autres se plaignent de devoir réinvestir tous leurs bénéfices dans l’économie du pays. En effet, les capitalistes exportateurs, qu’ils soient philippins ou étrangers, doivent remettre leurs revenus d’exportation en dollars à la banque centrale qui leur rend des pesos à un taux désavantageux. Cela procure d’importants revenus à l’État. Le gouvernement philippin, fort de son succès, exige des États-Unis en 1954 qu’ils modifient les règles du jeu imposées lors de l’indépendance de 1946. Washington accepte et cela consolide la position des autorités philippines.

Bien sûr, il ne faut pas idéaliser le succès philippin : la société est restée capitaliste, elle est marquée par de profondes inégalités, l’industrialisation se fait surtout dans l’assemblage. Cependant, en comparaison de ce qui arrive depuis 1962, on ne peut s’empêcher de penser que la situation des années 1950 était prometteuse. C’est bien cela qui provoque une offensive conjointe des États-Unis, du FMI et de la Banque mondiale en alliance avec les secteurs les plus conservateurs des classes dominantes philippines pour forcer l’abandon de l’expérience.

Les conservateurs, majoritaires au Congrès philippin suite aux élections de 1959, imposent à partir de 1962 l’abandon du contrôle sur les mouvements de capitaux. Le FMI et le gouvernement des États-Unis applaudissent et un prêt de 300 millions de dollars est immédiatement accordé.

L’abandon du contrôle entraîne une hémorragie de capitaux vers l’étranger qui est jugulée à coups d’emprunts extérieurs. La dette externe est multipliée par sept entre 1962 et 1969 : elle passe de 275 millions à 1 880 millions de dollars !

Les exportateurs philippins de produits agricoles et de matières premières ainsi que les transnationales exultent car leurs profits explosent. En contrepartie, le secteur manufacturier travaillant pour le marché intérieur décline rapidement. En 1970, il faut dévaluer très fortement le peso. Les salaires et les revenus des petits producteurs s’effondrent.

C’est dans ce cadre de crise des politiques soutenues par les États-Unis, le FMI, la Banque mondiale et les conservateurs que Ferdinand Marcos instaure en 1972 une dictature dont le but ultime est la consolidation par la force de la politique néolibérale.

Un an plus tard, de l’autre côté du Pacifique, Augusto Pinochet prend le pouvoir au Chili avec les mêmes objectifs, les mêmes maîtres et les mêmes appuis !

Le rôle de la Banque mondiale

Les premiers prêts de la Banque mondiale aux Philippines remontent à 1958 mais jusqu’à l’arrivée de Robert McNamara à la présidence de la Banque en 1968, ceux-ci restent très faibles. Robert McNamara considère que les Philippines, où se trouvent des bases militaires des États-Unis, tout comme l’Indonésie et la Turquie, représentent un tel enjeu stratégique qu’il faut à tout prix renforcer leurs liens avec la Banque mondiale. Prêter de l’argent est un moyen de pression. Les historiens de la Banque mondiale n’hésitent pas à écrire : “McNamara et son équipe étaient préoccupés par les réformes politiques faites par le Parlement philippin. Les Philippines représentaient alors un cas où la loi martiale avait déclenché un grand volume de prêts de la Banque. Marcos a écarté le Parlement et a commencé à gouverner par décrets présidentiels en août 1972. McNamara et les fonctionnaires de la banque ont salué ce changement ». [1] . Un des premiers actes posés par Ferdinand Marcos après avoir instauré la dictature consiste à supprimer le plafond d’endettement public que le Parlement philippin a instauré en 1970. La réglementation abrogée fixait à un milliard de dollars la marge d’endettement du gouvernement avec un plafond annuel de 250 millions de dollars. Ferdinand Marcos fait sauter ce verrou, ce qui ravit la Banque mondiale [2]. Robert McNamara annonce que la Banque mondiale est disposée à multiplier au moins par deux les montants prêtés [3]. Il est trop tard pour augmenter les prêts pour 1973 au grand dam de Robert McNamara. Qu’à cela ne tienne : la Banque met les bouchées doubles et en 1974, elle multiplie par 5,5 le montant de 1973 (165 millions au lieu de 30) [4].

La Banque mondiale et le FMI sont à ce point publiquement derrière la dictature qu’ils organisent leur assemblée annuelle en 1976 à Manille. Cette année-là, Bernard Bell, vice-président de la Banque pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, déclare : « Le risque pris en prêtant aux Philippines est inférieur à celui pris à l’égard de la Malaisie ou de la Corée » [5]. A noter également que la Banque mondiale, en collaboration avec les Fondations Ford et Rockfeller, a implanté aux Philippines un des trois centres de recherche de la révolution verte.

Pourtant, Ferdinand Marcos ne mène pas exactement la politique économique voulue par la Banque. La Banque mondiale est désappointée car elle entretient d’excellentes relations avec le dictateur et les universitaires dont il s’est entouré, certains d’entre eux devenant plus tard des fonctionnaires de la Banque tel Gerardo Sicat, ministre de la Planification puis président de la Philippines National Bank, la principale banque du pays.

La Banque mondiale n’exprime aucun désaccord à l’égard de la politique répressive du régime. Par contre, elle s’inquiète de la lenteur à appliquer des réformes structurelles visant à remplacer ce qui reste du modèle d’industrialisation par substitution d’importation par le modèle de promotion d’exportation qu’elle prône. Pour peser davantage sur le gouvernement philippin, elle décide d’accorder deux importants prêts d’ajustement structurel en 1981 et en 1983, visant notamment la promotion des exportations. Elle sait parfaitement que ces prêts vont finir en grande partie sur les comptes en banque de Ferdinand Marcos et de ses généraux, mais elle considère que c’est de fait un dessous de table nécessaire à payer au personnel politique dirigeant pour qu’il accélère la contre réforme néolibérale.

Sur ces entrefaites, une crise bancaire éclate aux Philippines en 1981 suite à une énorme affaire de corruption touchant à la fois les capitalistes et l’appareil d’État. De proche en proche, la crise s’étend à tout le système financier philippin et les deux plus grandes banques publiques sont au bord de la faillite. La crise s’étend de 1981 à 1983-1984. Elle est exacerbée par la crise de la dette externe qui éclate internationalement en 1982. Les banques privées étrangères stoppent tout crédit aux Philippines. C’est un échec patent pour la Banque mondiale et ses bons amis, Ferdinand Marcos, Gerardo Sicat et le premier ministre Cesar Virata.

Le mécontentement populaire monte abruptement. Des secteurs importants des classes dominantes entrent en conflit avec le régime Marcos. Cela s’accentue avec l’assassinat d’un membre de l’oligarchie foncière opposée à Marcos : le sénateur Benigno Aquino, exilé aux États-Unis, est abattu dès son retour à l’aéroport de Manille en août 1983.

En dépit de la montée de l’opposition à Marcos, la Banque mondiale décide de maintenir son soutien au dictateur. En dérogation avec ce qu’elle a planifié, elle augmente fortement ses prêts : 600 millions de dollars en 1983, soit plus du double de l’année précédente (251 millions de dollars en 1982). Les historiens de la Banque mondiale écrivent qu’elle agit loyalement à l’égard d’un vieil ami [6].

Corazon AquinoLes mobilisations populaires se radicalisent et avec l’aide des États-Unis, représentés à Manille par Paul Wolfowitz [7], qui a pourtant accompagné le régime de Marcos jusqu’au bout, le secteur d’opposition des classes dominantes et de l’armée se débarrasse de Marcos et le pousse à l’exil [8]. Corazon Aquino, leader de l’opposition bourgeoise et foncière, veuve de Benigno Aquino, prend la direction du gouvernement en 1986.

La Banque mondiale hésite alors sur la conduite à suivre. Le vice-président de la Banque mondiale pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, Attila Karaosmanoglu, écrit une note interne qui n’a rien d’enthousiasmant sur le nouveau régime démocratique : « Nous nous attendons à ce que le processus de décision soit plus compliqué que par le passé, à cause de la nature plus collégiale de la nouvelle équipe, du rôle renforcé du législatif et des tendances populistes du nouveau gouvernement » [9].

Finalement, la Banque mondiale, le FMI et les États-Unis considèrent qu’il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur en misant sur la présidente Corazon Aquino car elle s’engage à maintenir son pays dans le bon camp et même à approfondir l’agenda néolibéral. La Banque mondiale prête 300 millions de dollars en 1987 et 200 millions en 1988 : il s’agit de mettre de l’huile dans les rouages de la privatisation des entreprises publiques. Entre 1989 et 1992, la Banque mondiale prête 1 324 millions de dollars pour poursuivre l’ajustement structurel. Les États-Unis menacent de bloquer ces prêts si les Philippines mettent à exécution le projet de fermeture des bases militaires des États-Unis sur leur territoire.

En ce qui concerne la réforme agraire mise en avant par le puissant mouvement populaire qui a provoqué l’éviction de Marcos et s’est encore renforcé en 1987, Corazon Aquino choisit le camp de l’oligarchie foncière dont elle est issue. Entre 1986 et 1990, l’État n’acquiert que 122 hectares [10] !

Finalement, le gouvernement Corazon Aquino fait mieux que Ferdinand Marcos en termes d’application de la panoplie de mesures néolibérales, à la grande satisfaction de la Banque mondiale.

Eric Toussaint


Partie 8 :

Le soutien de la Banque mondiale et du FMI aux dictatures

 

Partie 7 :

Leadership des États-Unis sur la Banque mondiale

 

 

 

Notes :

[1D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 558.

[2Voir Cheryl Payer, 1991, p. 82

[3Les historiens de la Banque mondiale rendent public un compte-rendu interne d’une réunion au plus haut niveau entre McNamara et ses collègues : “Une réunion plutôt surprenante ! En effet, il n’y a plus été question des critiques des premières années relatives à la politique, à la corruption et à l’inégalité des revenus mais elle a plutôt montré un sentiment généralisé d’assentiment pour l’augmentation des prêts. Et l’équipe du département qui avait préparé un document prudent concernant les Philippines (Country Program P) était sidérée. L’ordre du jour de la réunion est de travailler à l’intérieur du système. (La politique du gouvernement philippin n’est pas nécessairement pire qu’en Thaïlande mais elle fait l’objet de plus de publicité). Nous devons avoir pour objectif de prêter en moyenne 120 millions de dollars par an pour les prochaines années de 1974 à 1978, 50% de plus que ce qui était prévu ». (World Bank, “Notes on the Philippines Country Program Review, July 28, 1972,” prepared by H. Schulmann on August 15, 1972, cité par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 303) (World Bank, “Notes on the Philippines Country Program Review, July 28, 1972,” prepared by H. Schulmann on August 15, 1972, cité par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 303) (…) “A miracle has occurred in the Philippines. Philosophically, it is distressing, however, that the miracle occurred under the auspices of a military dictatorship. Mr. Cargill said he didn’t believe the miracle would continue, ‘but while it does,’ interjected Mr McNamara, ‘and only as long as it does, let us continue to support it.’” “Un miracle s’est produit aux Philippines. Il est cependant philosophiquement gênant que ce miracle se soit produit sous les auspices d’une dictature militaire. Monsieur Cargill a dit qu’il ne pensait pas que le miracle allait continuer « mais tant que c’est le cas et seulement tant que c’est le cas, continuons à le soutenir » lança McNamara ».Memorandum, Alexis E. Lachman to John Adler, December 27, 1973, with attachment, “Philippines Country Program Review, December 19, 1973, cite par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 304)

[4En 1980, la Banque mondiale prêta 400 millions.

[5« The risk in lending to the Philippines was lower than for Malaysia or Korea » (cité par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p. 304)

[6D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1., p.563.

[7Paul Wolfowitz est devenu président de la Banque mondiale en 2005.

[8F. Marcos fut transféré par l’armée des États-Unis à Honolulu où il vécut jusqu’en 1989.

[9« We expect that the decision making process will be more difficult than in the past, because of a more collegial nature of the new team, the enhanced role of the legislative branch and the populist tendencies of the new government » Cité par D. Kapur, J. Lewis, R. Webb, 1997, vol. 1, note 102 p. 565.

[10En 1987, suite à la radicalisation des luttes paysannes, une équipe de la Banque mondiale dirigée par Martin Karcher envisagea la possibilité d’une réforme agraire radicale à l’image de celles qui furent réalisées au Japon, en Corée du Sud et à Taiwan, après la seconde guerre mondiale. Le document produit en mars 1987 par cette équipe prévoyait de limiter la propriété de la terre à sept hectares, ce qui impliquait de s’en prendre directement aux grands planteurs de canne à sucre (dont Corazon Aquino). Cette étude de la Banque mondiale proposait que les sans terre obtiennent les terres en s’acquittant d’une somme unique de 600 pesos (environ 30 dollars de l’époque). Il va sans dire que cette étude ne déboucha jamais sur des mesures concrètes.

J’ai appris du poète Elio Alves da Silva. Il était pêcheur, mais l’hydroélectrique de Belo Monte lui a volé son fleuve. Comment un pêcheur pêche-t-il sans fleuve ? Nous pourrions étendre la question. Comment l’étudiant fait-il des recherches sans bourse ? Comment l’enseignant enseigne-t-il sans conditions de travail ? Comment l’université se maintient-elle sans ressources ? Comment vit au quotidien un travailleur sans perspectives d’avenir dans un projet social qui punit les plus pauvres ? Comment les peuples de la forêt protègent-ils l’Amazonie alors que le ministre contre l’Environnement en détruit le système de protection pour extirper des profits privés de terres publiques ? Comment la paix est-elle protégée lorsque l’anti-président du pays arme une partie de la population pour faire la guerre ? Comment sauver les plus faibles quand Jair Bolsonaro autorise le meurtre sans punition ? Comme les citoyens se défendent-ils quand le groupe au pouvoir stimule la haine et la division du pays comme stratégie ? Comment mangent les gens quand le ministère de l’Agriculture est dirigé par la « muse du poison » et que le gouvernement libère littéralement près d’un nouveau pesticide par jour qui va empoisonner notre corps et celui de nos enfants ? Comment les Brésiliens vivent-ils face au défi de la crise climatique alors que le gouvernement, pour justifier l’avancée de quelques-uns sur l’Amazonie de tous, nie la menace annoncée par les plus grands scientifiques du monde ? Comment les parents protègent-ils l’accès à l’éducation et à la culture lorsque les enfants de l’anti-président se comportent comme de « mauvais garçons » et diffusent de fausses informations d’une stupidité calculée ? Comment les plus pauvres peuvent-ils vivre sans la garantie d’une augmentation réelle du salaire minimum ? Comment ceux qui dépendent de la santé publique peuvent-ils rester en vie si le gouvernement ruine les politiques de santé publique ? Comment se débrouillent, pour ne pas mourir, ceux qui peuvent être victimes de tueurs excusés pour être « sous émotion forte « , comme le propose le projet anti-crime qui est en faveur du crime ? Comment les Brésiliens défendent-ils le Brésil du groupe qui, en moins de cinq mois, a détruit les droits et les systèmes de protection édifiés depuis des décennies et auquel il reste encore 1326 jours ?

Elio, le pêcheur sans fleuve, m’a expliqué. « Moi, tout seul, je ne peux rien. Mais si je vais là-bas et que j’en appelle un autre, ce sera moi + un. Et ainsi, ce un en appelle + un. Et ce sera moi + un + un + … » Et pour s’assurer qu’il avait été bien écouté :  » Compris ? « .

Si vous ne comptez que pour un, vous ne comptez pas pour le gouvernement.
Plus tard, j’ai lu une conversation entre le sociologue polonais Zygmunt Bauman et le journaliste italien Ezio Mauro, publiée dans un livre. À un moment donné, ils parlent du citoyen qui « ne compte que pour un ». Et donc qui ne compte pas. « Il ne comprend pas qu’au moment où sa liberté devient une affaire privée et qu’il commence à exercer ses droits uniquement en tant qu’individu, au moment où la liberté et les droits sont tous deux incapables (de construire) tout projet avec les autres, les deux deviennent insignifiants aux yeux du pouvoir, car ils ont perdu leur capacité à mettre en mouvement quoi que ce soit » dit Mauro. « L’État sait que je suis statistiquement présent, mais il sait aussi que je ne compte que pour un et que je n’ai pas la capacité de m’additionner aux autres.

Le poète oral, puisqu’il est analphabète, et deux penseurs académiquement reconnus, pour avoir plusieurs livres publiés, sont arrivés à la même conclusion par des voies différentes. Ils ont utilisé la philosophie, cet exercice intellectuel qui semble tant menacer Jair Bolsonaro. Cela menace parce qu’elle traite des questions et ne peut exister qu’en toute honnêteté, menace parce qu’elle ne craint pas les réponses qui produisent de nouvelles questions, menace parce qu’elle poursuit les doutes et les aime parce qu’ils conduisent à de nouveaux horizons. La philosophie, que l’anti-président craint autant, et à laquelle, par crainte, veut mettre fin avec les sciences humaines, est merveilleuse, parce qu’elle nous fait grandir de l’intérieur. Parce qu’elle nous rend plus intelligents et attentifs, parce qu’elle nous apprend à comprendre ce que nous voyons. Et elle est à la portée de tous les hommes et de toutes les femmes de courage.

Comme Elio, comme Zygmunt. Et elle doit être dans les écoles et dans les universités, parce que c’est le fil qui tisse tous les autres domaines du savoir.
Excuses, mais il n’y a pas d’excuses. Il ne suffit pas de rester sur le canapé à tweeter ou à facebooker pendant que les droits sont éradiqués et que l’autoritarisme s’installe au Brésil. On ne peut pas externaliser lutte et positionnement dans la vie. Le problème est aussi le vôtre. Ce qui est en cours ne se termine pas dans quatre ans. Il a fallu des décennies pour construire ce qui est détruit aujourd’hui. Les conséquences sont rapides, certaines immédiates. Ils détruisent d’abord les plus faibles, ensuite (presque) tous. Et à moins que vous ne soyez d’accord avec ce que le président contre le Brésil fait en votre nom, c’est à vous d’être + un et d’en appeler + un.

Vous savez pourquoi ça dépend de vous ? C’est une philosophe qui l’explique, cette catégorie qui fait trembler de peur les « bolsocroyants ». Oui, ils ont un gourou qui se dit philosophe, mais il ne dit littéralement que des « conneries » » et de « la merde ». Nous pouvons philosophiquement nous demander le pourquoi de cette obsession, mais nous avons des questions plus importantes en ce moment. L’Allemande Hannah Arendt a très bien décrit une question, également abordée par d’autres penseurs respectés, que l’on nomme la « responsabilité collective ». Elle explique que nous sommes collectivement responsables de ce qui est fait en notre nom. Dans le passé, mais on peut aussi le dire en ce qui concerne le présent.

Même si vous n’avez pas voté pour Jair Bolsonaro, il a été élu par le vote. Cela signifie que ce qu’il fait au pouvoir relève de la responsabilité de chacun. Cela signifie aussi que lorsqu’un dirigeant se comporte comme un despote, les citoyens doivent collectivement dire qu’ils n’acceptent pas ce qui est fait en leur nom. Cela fait autant partie de la démocratie que d’accepter les résultats des urnes. Et cela ne peut pas être externalisé. Si vous acceptez les avantages de vivre ensemble, vous devez aussi accepter la responsabilité de vivre ensemble.

Cela signifie que si l’on considère que les universités sont fondamentales pour un pays et pour former les générations futures, il faut prendre position contre le gouvernement qui s’en prend aux universités, supprimant des crédits qui étaient déjà insuffisants car ils avaient précédemment été amputés, retirant les bourses aux étudiants et aux chercheurs. Si vous considérez que la protection de l’Amazonie et de l’environnement est obligatoire pour le présent et pour l’avenir, vous devez prendre position contre le gouvernement qui détruit la protection de l’environnement et veut ouvrir les terres protégées au soja, à l’élevage, à l’exploitation minière et aux grands travaux. Si vous considérez que tuer une autre personne en invoquant l’auto-défense pour être « sous émotion forte », c’est autoriser le meurtre et augmenter le nombre de morts, dans un pays où trop de gens sont déjà tués et où l’on meurt trop, vous devez prendre position contre ce projet en faveur du crime. Si vous considérez que le fait d’armer la population n’est pas une mesure rationnelle pour pacifier un pays, vous devez prendre position. Si vous considérez que cette réforme des retraites n’est pas la plus juste pour la population, vous devez également prendre position.

Avec les autres. Tout ce que les despotes craignent, c’est que nous soyons + un. Et tout ce qu’ils veulent, c’est que nous ne soyons qu’un. Le néolibéralisme a inculqué dans l’esprit des gens qu’être « un  » c’est mieux. Vous êtes un, vous faites ce que vous voulez et que tous les autres aillent au diable. Telle est la rationalité qui anime l’action de Bolsonaro et de son groupe. Ce qui compte, c’est moi. Ça ne compte que pour moi. Ou tout ce qui compte, c’est moi et ma famille. Ou moi et mon groupe. Les autres, qu’ils aillent au diable.

Le néolibéralisme a aussi infusé dans les esprits que le fait d’être +1 est sans importance. Car être + un, c’est être ensemble avec l’autre, c’est être dans la communauté, c’est exercer la solidarité, c’est additionner pour être fort en conjuguant le collectif. Être + un, c’est être en relation avec l’autre. Alors qu’être un, c’est consommer sans limites, sans se soucier de la planète que nous habitons tous ; c’est épuiser le jour présent sans se soucier de demain. Être un est si abominable que l’on n’est pas capable de se soucier de l’avenir de ses propres enfants, car sa satisfaction perpétuelle en tant qu’individu est la seule qui compte. Être +1, c’est savoir que tous les autres comptent. Le « un » construit des frontières et des murs. Le + un casse les barrières pour atteindre la main de l’autre, mais il négocie des limites mutuelles car il sait qu’il ne peut et ne veut pas vivre seul.

J’ai déjà reproduit dans une chronique récente un extrait du livre de la Pussy Riot Nadya Tolokonikova. Je le répète encore une fois, parce que c’est un diagnostic précis de notre situation et inspirant pour le moment que nous vivons : « (Ce qui s’est rompu) c’est l’idée que nous pouvions vivre confortablement sans nous salir les mains avec la politique, qu’un vote tous les quatre ans (ou pas de vote du tout : l’hypothèse selon laquelle on est au-dessus de la politique) était suffisant pour protéger nos propres libertés. Cette croyance – que les institutions sont là pour nous protéger et s’occuper de nous, et que nous n’avons pas à nous inquiéter de protéger ces institutions contre la corruption, les lobbyistes, les monopoles, le contrôle corporatif et gouvernemental sur nos données personnelles – s’est écroulée Nous avons externalisé la lutte politique de la même manière que nous avons externalisé les emplois les moins bien payés et les guerres ».

Et nous y voilà. Comme l’est une partie croissante du monde gouvernée par les « despotes élus par le vote ».

J’ai écrit dans un passé récent que je croyais que les réseaux sociaux étaient aussi des rues. Des rues de bytes, comme je les appelais. Je réalise que j’avais tort. Les réseaux sociaux ne sont pas des rues. Pour être une rue, il faut un corps. Ce qui se passe sur les réseaux sociaux est important et façonne notre quotidien. Ce qui se passe sur les réseaux sociaux a de nombreux impacts sur la vie et sur la perception de la vie. Nous pouvons déjà monter toute une bibliothèque de livres qui traitent de ce phénomène. Il est nécessaire d’examiner ce que sont les réseaux sociaux, dans leurs multiples significations. Autant que de savoir ce qu’ils ne sont pas. Et les réseaux sociaux ne sont pas des rues.

Ce qui se passe sur les réseaux sociaux a un effet sur le corps de chacun. Mais le corps de chacun n’est pas dans le réseau social. Sortir dans la rue, occuper la rue, l’impératif éthique du moment, n’est possible qu’avec la rencontre. La rue présuppose une vraie rencontre. Cela présuppose de prendre des risques avec l’autre. Cela suppose de vivre avec un corps incarné. Elle présuppose la négociation de conflits pour diviser l’espace public. La rue, c’est là où nous sommes avec nos fluides, coincés dans notre propre peau, portant nos fragilités devant l’autre sans aucun bouton à cliquer pour aimer ou pour haïr. C’est dans la rue que nous risquons de nous refléter dans le regard de l’autre et de nous reconnaître dans un corps qui n’est pas le nôtre. Nous reconnaître dans l’humanité et aussi dans la différence.

L’urgence à « descendre dans la rue » pour protester contre la tyrannie annoncée par des actes de haine explicite, par des gestes de destruction, est aussi l’urgence à rompre avec la perversion d’une réalité sans corps, mais qui affecte les corps. Et pourquoi nous semble-t-il si difficile de « descendre dans la rue  » alors même que nous avons tant de raisons d’occuper les rues ? De fait, avons-nous réellement abandonné le chemin historique de l’autoritarisme ?

Il y a plusieurs hypothèses et quelques raisons, dont l’une est la peur. La peur de la police qui, au lieu de protéger les corps, les détruit. La peur de la contagion, puisque l’autre s’est converti en ennemi. Mais la meilleure hypothèse que j’ai entendue ces derniers jours a été proposée par le journaliste Bruno Torturra, dans son « Bulletin de la fin du monde », le 9 mai. Il fait une analogie entre la libido sexuelle et la libido politique. Ce que nous faisons tous, en déversant notre révolte sur les réseaux sociaux, serait une sorte de masturbation. Il ne manque pas de matériel sur Internet pour exciter et déverser cette libido politique, tout comme il ne manque pas de matériel sur Internet pour libérer la libido sexuelle 24 heures par jour.

N’épuisez pas votre libido politique sur les réseaux sociaux, et n’épuisez pas non plus votre libido sexuelle dans la masturbation.

Pas de problème moral avec ça. Le fait est que la masturbation n’est pas un rapport sexuel. Nous ne sommes pas avec l’autre, avec le corps de l’autre. Nous ne sommes pas là par rapport à un autre, ni ne sommes pas là dans une relation avec un autre qui n’est pas nous. Sur les réseaux sociaux, même si nous sommes à l’intérieur d’un espace où plusieurs personnes parlent, vident leur sac, protestent, ce ne sont pas nos corps qui sont présents, mais nos avatars. En fin de compte, ce qui resterait serait une fatigue extrême de l’action sans action. Et, comme le suggère Torturra, le sentiment d’impuissance. Cette jouissance dans la masturbation favorise un soulagement momentané, mais pas la satisfaction (ni le risque) d’une relation avec un autre corps. Et, ainsi, nous ne bougeons pas. Nous restons en permanence occupés par notre indignation et en fin de journée nous sommes épuisés, sans qu’il n’y ait une seule vraie touche d’un + un.

Selon M. Torturra, le fait que la première manifestation de rue importante contre le gouvernement Bolsonaro soit venue des universités est révélateur. C’est dans l’espace des universités que les étudiants, mais aussi les professeurs et les employés, vivent avec leur corps, entre corps. Il y a un véritable partage, il y a des négociations, il y a un débat. Il y a des discussions. Et il y a surtout des relations. Et ainsi, il y a aussi du mouvement. C’est aussi pour cette raison que Bolsonaro et son ministre contre l’Education ont décidé d’utiliser le pouvoir conféré par le vote pour détruire l’université et pervertir ainsi le pouvoir conféré par le vote en pervertissant la démocratie elle-même. Quel est le projet éducatif de cette anti-présidence ? Le même projet qui vise à transformer la forêt en pâturage, en culture de soja transgénique et en cratère minier. Le projet néolibéral. Le un.

Nous devons également résister à l’épuisement de la libido politique sur les réseaux sociaux. Ou, pour le dire autrement, il faut maintenir son désir palpitant afin de risquer la convivialité des rues. Il faut laisser son nombril et atteindre le vaste corps de l’autre. Il faut être ensemble. Ne cherchez pas d’excuses. Ça ne fait pas de mal de le répéter une fois de plus. Le positionnement et la lutte ne s’externalisent pas. Ce que vous ne faites pas ne sera pas fait par un autre. Votre absence se fera sentir. Vous manquerez dans la lutte contre la tyrannie qui a déjà commencé à s’installer au Brésil. Vous êtes + un, mais ce un + que vous êtes, ne peut être que vous. Dans le néolibéralisme qui nous gouverne, le un est toujours remplaçable. Dans un + un, chaque + un est irremplaçable et singulier. Mais il faut qu’un autre le reconnaisse, il faut le + qui marque la relation entre deux, entre plusieurs.

Comme le dit Elio, le poète né de la catastrophe : « Avec + un, l’histoire peut continuer ».

 

Photo en vedette : Antonio Lacerda EFE. Manifestation étudiante à Rio de Janeiro, le 6 mai dernier, contre les coupures annoncées par le gouvernement. Les élèves retournent dans la rue ce mercredi.

Texte original publié le 15 mai 2019 sur El EU + UM + UM + UM+, A responsabilidade de cada um na luta contra a destruição do Brasil, El País Brasil, il est aussi disponible en espagnol.

Traduction Du Duffles pour Autres Brésils
Relecture Philippe Aldon


Eliane Brum est écrivain, journaliste et documentariste. Autrice des livres de non-fiction Coluna Prestes – o Avesso da Lenda, A Vida Que Ninguém vê, O Olho da Rua, Avesso da Lenda, A Vida Que Ninguém vê, O Olho da Rua, A Menina Quebrada, Meus Desacontecimentos, et des romans Uma Duas. Page web : desacontecimentos.com. E-mail : [email protected]. Twitter : @brumelianebrum / Facebook : @brumelianebrum.

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Vous vous souvenez de l’attaque chimique de Douma, en Syrie, qui avait donné lieu à des frappes de missiles de représailles de la part des USA, de la France et du Royaume-Uni ? Une fuite récente de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques jette aujourd’hui le doute sur la culpabilité d’Assad.

Silence gêné dans les médias grand public, sauf un : le journal britannique Mail on Sunday, où le journaliste Peter Hitchens a exposé l’affaire sans mâcher ses mots. Qu’il en soit remercié.

L’auteur de l’article ci-dessous, Tim Hayward, qui travaille depuis longtemps sur la propagande médiatique autour de la Syrie, reprend l’essentiel des propos de Hitchens et fait une analyse succinte des premières conclusions à en tirer.

« Une information internationale énorme a été publiée la semaine dernière, a écrit Peter Hitchens dans le Mail on Sunday de dimanche, mais je doute que vous en entendiez parler ailleurs qu’ici. »

En fait, bien que l’histoire ait fait du bruit dans les médias alternatifs et sur Twitter, et attiré l’attention de certaines personnes célèbres, dont Susan Sarandon et Roger Waters, les journalistes grand public l’ont ignorée.

Ce silence est un témoignage effrayant de l’état actuel du journalisme – et donc de la démocratie elle-même. Car l’importance de l’information est impossible à exagérer. Comme Hitchens le dit ensuite :

Il semble très probable que la décision de bombarder la Syrie que nous [le Royaume-Uni, NdT], la France et les États-Unis avons prise en avril 2018 était fondée sur une erreur aussi grande que les armes de destruction massive fictives en Irak, en 2003.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), l’organisme international qui examine les allégations d’incidents liés à l’utilisation de gaz toxiques, vient de me confirmer qu’un document dévastateur qui a fait l’objet d’une fuite de son siège néerlandais est authentique.

Le document, rédigé par l’un des enquêteurs les plus expérimentés de l’OIAC, démontre qu’il est très peu probable que des bombonnes de gaz trouvées sur les lieux d’une attaque chimique présumée à Douma, en Syrie, aient été larguées d’hélicoptères – comme on l’a largement cru et affirmé. Cette affirmation est fondamentale pour l’affaire du bombardement de la Syrie. »

Le document, qui a fait l’objet d’une fuite transmise au Working Group on Syria, Propaganda and Media (Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias), peut être téléchargé sur le site Web du groupe de travail.

Comme le dit Hitchens, l’OIAC est « une organisation précieuse, composée de nombreuses personnes de qualité, et qui travaille dans un noble objectif », mais, tout comme les membres du Groupe de travail sur la Syrie, il s’inquiète de savoir si elle a été « mise sous pression, ou même détournée par des forces politiques qui cherchent une justification à une intervention militaire en Syrie ? »

Étant donné qu’une décision de guerre ou de paix qui affecterait la planète entière pourrait un jour dépendre de ses jugements, je pense que le monde a droit à une enquête sur ce qui se passe derrière ses murs. »

Tim Hayward

 

Paru sur le blog de l’auteur sous le titre “Truth Vanishes in a Cloud of Poison Gas”

Traduction et note d’introduction Entelekheia
Photo Pixabay

 

Tim Hayward est professeur de théorie politique environnementale à l’université d’Édimbourg. Avec d’autres universitaires, journalistes et chercheurs, il fait partie du Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias (Working Group on Syria, Propaganda and Media).

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Le président des USA Donald Trump n’a plus de cartes à brandir devant l’Iran et d’espace de négociation. Il ne peut qu’imposer d’autres sanctions économiques et attendre un appel téléphonique de l’Iran, qui ne viendra probablement pas à la suite de la décision sans équivoque de l’Iran de rejeter toute négociation pour le moment. Des discussions d’ordre humanitaire peuvent avoir lieu, comme des échanges mutuels de prisonniers, mais ils n’ont rien à voir avec l’accord sur le nucléaire. Pareils échanges se font entre ennemis et même entre pays en guerre.

Donald Trump a réussi à unifier le front interne iranien à un point tel que le président Rouhani n’appelle plus les USA par leur nom, en parlant plutôt de « l’ennemi » dans ses récentes déclarations. Rouhani souligne que « le temps n’est pas aux négociations avec l’ennemi, mais à la résistance ». Les tensions qui prévalent n’empêchent toutefois pas des pays comme Oman, le Qatar, l’Irak et la Suisse d’essayer de calmer le jeu et de transmettre des messages clairs que les USA n’ont pas l’intention d’aller en guerre contre l’Iran.

Mais l’Iran défend toujours son droit de continuer à exporter ses deux millions de barils de pétrole par jour, tout en envisageant son retrait partiel de l’accord sur le nucléaire, à moins que l’Europe comble le vide créé par les dures sanctions des USA. Il s’agit là de deux points cruciaux pour lesquels Donald Trump ne peut reculer s’il veut évider de perdre, sur le plan politique et intérieur, tout ce qu’il a obtenu ces dernières années des partisans d’Israël. Trump a fait cadeau de propriétés qui ne lui appartiennent pas – Jérusalem et le Golan – au premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, afin de s’attirer l’appui du puissant lobby israélien aux USA. Ce lobby a démontré sa capacité à contrôler les médias sociaux et des postes clés dans les médias institutionnels, et à influencer des décisions importantes et ceux qui les prennent à Washington. Trump a besoin du soutien de ce lobby dans sa campagne en vue de sa réélection pour un second mandat en 2020.

L’Iran est devenu un joueur important pour la réélection de Trump en 2020. Téhéran a contribué à la défaite de Jimmy Carter, le 39eprésident américain, qui n’a pu se faire réélire en pleine crise des otages de l’ambassade des USA en Iran et à la suite du sauvetage raté de ces otages (en plus des difficultés économiques intérieures et des taux d’intérêt élevés). La politique de Trump visant « zéro exportation du pétrole iranien » est en train d’échouer, la Chine et la Turquie ayant déjà refusé de stopper leurs importations de pétrole de l’Iran, tout comme sa volonté d’empêcher l’Iran de se mettre à accroître sa capacité nucléaire quand la date limite de 60 jours arrivera à expiration. Ces échecs vont sûrement servir aux ennemis politiques de Trump aux USA au cours de la prochaine campagne présidentielle.

Depuis la Révolution iranienne de 1979, l’Iran demeure sevré au lait des sanctions américaines. Cela l’a amené à s’adapter aux récessions, à trouver des solutions de rechange et à augmenter son autonomie économique, même si les sanctions ont réussi à ralentir sa croissance.

Depuis l’invasion du Liban par Israël en 1982, l’Iran a investi dans ses partenaires libanais, syriens, irakiens, afghans et yéménites. Aujourd’hui, l’Iran récolte les fruits de ce soutien financier et militaire à long terme. Par l’entremise de ses partenaires, il a réussi à prévenir qu’Israël occupe le Liban et impose la paix à ses conditions, à empêcher la chute du gouvernement syrien, à établir une relation solide avec l’Irak, à soutenir les Houthis et à reconstruire son alliance avec les talibans.

À la lumière des attaques à al-Fujairah et contre Aramco, le message de l’Iran à Trump était clair : en cas de conflit avec l’Iran, le front ne se limitera pas à l’intérieur des frontières du pays, mais s’étendra sur un vaste territoire et sera orchestré par l’Iran et ses alliés au Liban, en Syrie, en Irak, au Yémen et en Afghanistan.

Les attaques à al-Fujairah et contre Aramco ont profité à l’Iran et amenuisé le risque de guerre. Cependant, la roquette lancée dans la zone verte de Bagdad (le secteur où les ambassades étrangères et les institutions gouvernementales se trouvent), à 1,6 km de l’ambassade des USA, n’aidait guère, tout bien considéré, l’Iran et l’Irak. Les partenaires de l’Iran– Asaïb Ahl al-Haq, Hezbollah Irak, BADR – ont condamné ce tir de roquette « inapproprié, au mauvais moment et absolument inutile ». La roquette a été lancée le jour même où les USA et l’Iran atténuaient les tensions et exprimaient leur intention d’éviter un affrontement militaire. L’attaque a toutefois démontré que les forces US, qui ont investi sept mille milliards de dollars en Irak, se trouvent à un endroit qui pourrait devenir extrêmement hostile le moment venu (une guerre ou un message envoyé par l’Iran).

L’Iran, qui maîtrise l’art de lutter contre les difficultés économiques, a la possibilité aujourd’hui de se retirer partiellement de l’accord sur le nucléaire si l’Europe ne respecte pas ses engagements en comblant le vide laissé par les dures sanctions américaines. Mais une chose est sûre : bon gré, mal gré, Trump fait tout en son pouvoir pour aider l’Iran à se retirer totalement de l’accord sur le nucléaire et de devenir un pays nucléaire possédant des capacités militaires.

Lors d’une rencontre avec le secrétaire d’État des USA Mike Pompeo à Sotchi, le président Vladimir Poutine a averti que « la Russie n’est pas une équipe de pompiers destinée à tout sauver ».

« L’Iran remplit toutes ses obligations. Les Américains se sont retirés et l’accord tombe en lambeaux. L’Europe n’est pas en position de faire grand-chose pour sauver et compenser l’Iran. Dès que l’Iran se retirera, le monde oubliera comment Trump a poussé les USA à abandonner l’accord et jettera le blâme sur l’Iran », a dit Poutine.

Pompeo dicte ses 12 conditions comme si l’Iran avait perdu une guerre. Les USA doivent pourtant savoir que l’Iran ne peut faire de concession ou négocier aucune de ces conditions, qui menacent directement la sécurité nationale iranienne. Les USA savent que l’Iran croit en son droit à la technologie nucléaire à des fins civiles et de recherche, que ses missiles assurent sa protection contre des attaques de l’extérieur et que son soutien à ses alliés au Moyen-Orient est crucial pour assurer son existence et sa défense.

Tout comme les USA, l’Iran et les autres pays du Moyen-Orient ont le droit de se défendre et d’avoir des alliés au Moyen-Orient. La tension entre les USA et l’Iran s’apaise. Le prochain rendez-vous aura lieu dans moins de 60 jours, quand l’Europe annoncera si elle est en mesure ou non d’offrir à l’Iran ce dont il a besoin pour éviter son retrait partiel ou complet de l’accord sur le nucléaire iranien, ainsi que la perspective d’une capacité militaire nucléaire.

Elijah J. Magnier

Traduction de l’anglais : Daniel G.

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Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, journaliste d’investigation et éditeur primé à plusieurs reprises, est enfermé à la prison de Belmarsh à Londres, en isolement cellulaire. La procédure d’extradition américaine est en cours. S’il est extradé, il fera face à des accusations en vertu de la Loi sur l’espionnage pour avoir publié des informations qui dénoncent des crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan.

Les accusations en cours de préparation par le ministère américain de la Justice sont passibles de la peine de mort.

Chelsea Manning, qui a courageusement dénoncé les atrocités américaines en donnant des informations à WikiLeaks, a enduré sept ans de torture dans une prison militaire et a été à nouveau emprisonnée la semaine dernière pour avoir refusé de témoigner contre Assange.

Mais selon Amnistie internationale (AI), ni Assange ni Manning ne sont «prisonniers de conscience» et l’organisation caritative des droits de l’homme ne s’engage pas à les défendre.

Dans une lettre adressée au Comité de défense de Julian Assange (JADC) le 17 mai, Amnistie internationale du Royaume-Uni a déclaré: «Le cas de Julian Assange est un cas que nous suivons de près, mais sur lequel nous ne travaillons pas activement. Amnistie internationale ne considère pas Julian Assange comme un prisonnier de conscience».

La lettre d’AI, rédigée sur un ton sec, faisait suite à un appel urgent de Maxine Walker au nom du JADC. Sa lettre attire l’attention sur les multiples violations des droits de l’homme commises à l’encontre d’Assange. «Nous ne saurions trop insister sur le fait que Julian Assange est en grave danger», a-t-elle écrit.

Walker a cité la déclaration d’Amnistie internationale du 11 avril selon laquelle «Assange ne devrait pas subir une extradition ou un transfert aux États-Unis… L’on craint qu’il ne soit confronté à un risque réel de violations graves des droits de l’homme en raison de son travail avec WikiLeaks.»

Depuis lors, Walker a affirmé, «vous ne semblez avoir fait aucune autre déclaration… Son nom ne semble pas avoir été mentionné dans votre matériel pour la Journée mondiale de la liberté de la presse, une omission extraordinaire étant donné sa situation actuelle et le fait que Julian Assange a reçu le prix 2009 Amnistie internationale UK Media Award pour les nouveaux médias».

Sa lettre se poursuit: «Le gouvernement britannique a ignoré, voire méprisé, la décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire de 2015 selon laquelle «la privation de liberté de M. Assange est arbitraire et en violation des articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme».

Le Groupe de travail de l’ONU, a souligné Walker, avait décrit l’emprisonnement d’Assange à Belmarsh comme ayant «favorisé la privation arbitraire de liberté de M. Assange». Ils ont jugé que sa peine de 50 semaines dans une prison à très haute sécurité avait «contrevenu aux principes de nécessité et de proportionnalité prévus par les normes relatives aux droits de l’homme».

La lettre de Walker conclut: «Il est urgent que les organisations concernées par les droits de l’homme s’expriment et s’impliquent davantage dans cette affaire. Une seule déclaration ne suffit pas pour faire face aux menaces qui pèsent sur Julian Assange et aux implications plus larges pour la liberté d’expression, la liberté d’information et la protection des journalistes».

La réponse de deux paragraphes d’AI a été reçue par Walker trois jours plus tard. Elle est liée à une déclaration du directeur adjoint de la recherche d’Amnistie internationale pour l’Europe, Massimo Moratti, publiée le 13 mai, soutenant la réouverture par la Suède des «enquêtes préliminaires» sur les allégations de «viol» fabriquées contre Assange. Titré: «Il est essentiel que les allégations de viol contre Julian Assange soient traitées avec le plus grand sérieux», M. Moretti, a déclaré: «il est essentiel que les allégations de viol contre Julian Assange fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme, dans le respect des droits tant du plaignant que de la personne faisant l’objet de l’enquête».

Tout cela n’est que parodie de justice.

Depuis près de neuf ans, la Suède et la Grande-Bretagne utilisent de fausses allégations de «viol» et d’«agression sexuelle» contre Assange pour salir le fondateur de WikiLeaks et obtenir son extradition vers les États-Unis. Assange était toujours prêt à se rendre en Suède pour répondre aux allégations contre lui, mais les autorités suédoises ont refusé de garantir qu’il n’allait pas être extradé dans le cadre des accords accélérés de «remise temporaire» conclus avec les États-Unis. C’est la menace de l’extradition américaine qui a forcé Assange à demander l’asile politique en Équateur.

La police et les procureurs suédois ont déjà interrogé Assange – en août 2010 à Stockholm et à l’ambassade de l’Équateur à Londres en novembre 2016. Dans les deux cas, on a fermé l’enquête préliminaire sans qu’aucune accusation ne soit portée. En vertu de la loi suédoise, Assange peut être inculpé avant une demande d’extradition. Pourtant, même aujourd’hui, la Suède n’a déposé aucune accusation et cherche à obtenir un mandat d’arrêt européen pour des objectifs manifestement politiques.

AI cache délibérément le contexte politique de l’incarcération d’Assange et de Manning: la géopolitique internationale, les guerres illégales d’occupation, les complots du changement de régime, les menaces d’assassinat par des politiciens américains contre Assange – selon eux, rien de tout cela n’existe. Après avoir cité la Suède, Amnistie internationale déclare simplement qu’elle ne considère pas le journaliste le plus persécuté du monde comme un prisonnier de conscience. L’organisation estime qu’Assange «ne devrait pas être extradé vers les États-Unis, où il fera face à un risque réel de graves violations des droits de l’homme… en raison de son travail avec WikiLeaks». Mais ils ne s’engagent pas «activement» à le défendre.

AI profite des allégations suédoises comme prétexte pour se laver les mains de l’affaire Assange, mais qu’en est-il de Manning? Le World Socialist Web Site a contacté Amnistie internationale ce mardi pour lui demander pourquoi elle avait également refusé d’inscrire Manning sur la liste des prisonniers d’opinion. L’attaché de presse d’AI au Royaume-Uni a contacté son bureau américain avant d’expliquer par courrier électronique que «la détention pour ne pas avoir témoigné devant un grand jury n’est pas illégale en soi». Il en va de même en Arabie saoudite, ce qui n’a pas empêché Amnistie internationale de mener une campagne active sur cette question.

AI s’est empressée de dire au WSWS que «nous comprenons les motivations de Chelsea à refuser [de témoigner] alors qu’elle a déjà longuement témoigné sur ces questions», ajoutant que «les peines excessives et le traitement cruel de son incarcération antérieure ont servi de rappel brutal des efforts que les personnes au pouvoir feront pour empêcher les autres de parler».

Pourtant, ils n’ont pas publié la moindre déclaration sur Manning depuis 2017.

Amnistie internationale définit un prisonnier de conscience (PDC) comme «une personne qui n’a pas eu recours ou préconisé la violence, mais qui est emprisonnée en raison de son identité (orientation sexuelle, origine ethnique, nationale ou sociale, langue, naissance, couleur, sexe ou statut économique) ou de ses convictions (convictions religieuses, politiques ou autres)».

Assange et Manning ont été jetés en prison en raison de leurs «croyances consciencieuses» selon lesquelles tous les peuples ont le droit d’être informés des crimes de guerre, de la corruption d’État, de la surveillance de masse et des intrigues antidémocratiques des États les plus puissants du monde. «Je peux aller en prison ou trahir mes principes», a expliqué Manning. «Je préfère mourir de faim que de changer d’avis».

Si Assange et Manning ne sont pas prisonniers de conscience (PDC), alors qui l’est?

AI a dit au WSWS qu’elle ne tient pas de liste internationale des PDC désignés. Mais une liste partielle publiée sur Wikipédia montre que la majorité vient de Russie, d’Iran, de Chine, des anciennes républiques soviétiques et d’Arabie Saoudite. Un seul PDC est répertorié aux États-Unis, aucun en Grande-Bretagne et aucun en France où des journalistes sont actuellement menacés de prison pour avoir dénoncé l’implication militaire française dans la guerre en cours au Yémen qui a fait plus de 100.000 morts.

Sur son site Web, AI déclare: «Nous protégeons les gens en défendant leur droit à la liberté, à la vérité et à la dignité. Nous le faisons en enquêtant et en dénonçant les abus là où ils se produisent». La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) «reste fondamentale pour l’action d’Amnistie internationale». «Elle constitue le fondement de la plupart de nos campagnes et nous aide à demander des comptes aux autorités quand les droits sont bafoués».

En ce qui concerne Assange et Manning, Amnistie internationale ne demande des comptes à aucune autorité. AI reste silencieuse face aux violations scandaleuses des droits de l’homme et contribue à amplifier la machine à diffamation des gouvernements et des médias. Pratiquement tous les trente articles de la DUDH ont été violés par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, la Suède et l’Équateur dans leur traitement d’Assange et Manning.

Les violations les plus flagrantes des droits d’Assange ont trait aux principes suivants: Article 3: Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne; Article 5: Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; Article 9: Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu, ni exilé; Article 10: Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle; Article 14: Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays; Article 15: Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ni du droit de changer de nationalité; Article 17: Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété; Article 19: Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Rédigé en 1948, le préambule de la DUDH stipule qu’«il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression». Émergeant du sang et de la fange du fascisme et d’une guerre mondiale qui a coûté la vie à 60 millions de personnes, les puissances impérialistes ont érigé un cadre international de mécanismes économiques, politiques et juridiques pour se prémunir contre une nouvelle descente dans la guerre, les bouleversements sociaux et la révolution.

Si les auteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme ont cherché à se prémunir contre le recours à la «rébellion», cet objectif était partagé par ceux qui ont fondé Amnistie internationale. Son fondateur, l’avocat Peter Benenson, écrivait en 1960: «L’important est de mobiliser rapidement et largement l’opinion publique, avant qu’un gouvernement ne soit pris dans le cercle vicieux provoqué par sa propre répression et confronté à une guerre civile imminente». Il était également important de choisir soigneusement les PDC: «La technique consistant à faire connaître les histoires personnelles d’un certain nombre de prisonniers politiques aux idées opposées est une nouvelle technique. Elle a été adoptée pour éviter le sort des campagnes d’amnistie précédentes, qui se préoccupaient souvent de faire connaître les opinions politiques des personnes emprisonnées plutôt que de remplir sa mission humanitaire».

La prémisse non affirmée – évidente dans le silence d’AI sur Manning et Assange – est que les «opinions politiques» de ces deux prisonniers ne doivent pas s’exprimer en publique et que les institutions de la «démocratie» capitaliste occidentale doivent être défendues, en particulier contre toute menace populaire et révolutionnaire qui vient de la base. Il y a huit ans, Amnistie internationale saluait WikiLeaks et le Guardian pour leur rôle dans la publication de documents qui ont joué un «rôle de catalyseur» dans le déclenchement du printemps arabe 2011, notamment en Tunisie. Aujourd’hui, le Guardian est le chasseur de sorcières en chef, calomniant Assange en le traitant de «violeur» et de larbin de la Russie, tandis qu’AI jette Assange et Manning aux loups.

Un gouffre politique s’est ouvert. En Grande-Bretagne, tous les partis de l’establishment – le Parti travailliste, les libéraux démocrates, les Verts, le Parti national écossais – ainsi que le Parti socialiste ouvrier et le Parti socialiste de pseudo-gauche sont opposés à Assange, et une foule d’ONG et de groupes de défense des droits de l’homme se tiennent à leurs côtés. Les allégations de la Suède ne servent que de prétexte pratique pour leur défense nue de l’impérialisme. La Suède est «l’option Ponce Pilate» pour ceux qui, comme Dianne Abbott et Jeremy Corbyn, ont déclaré aux médias le 13 avril qu’«il ne peut y avoir de cachette contre ce genre d’accusations» et qu’Assange devrait être envoyé en Suède si une demande d’extradition est reçue.

Pour que personne ne doute du rôle des «enquêtes préliminaires» rétablies à multiples reprises de la Suède, considérons les paroles de Heather Barr, codirectrice par intérim de la Division des droits de la femme de Human Rights Watch UK. Barr a publié une déclaration éhontée le 16 avril: «Lorsqu’on a arrêté le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, à Londres la semaine dernière pour qu’il subisse des accusations aux États-Unis, cela a soulevé de vives inquiétudes concernant la liberté des médias. Au milieu de ces préoccupations, n’oublions pas qu’Assange est aussi accusé de viol».

La déclaration de Barr a en pratique annulé la position précédente de HRW qui avait condamné l’arrestation d’Assange à l’ambassade de l’Équateur. En même temps elle approuve sa longue incarcération à la prison de Belmarsh. De surcroit, elle fait des déclarations fausses et diffamatoires contre Assange. Barr fait référence à plusieurs reprises à des «accusations» de viol portées contre Assange: des accusations qui n’ont jamais existé!

Le regroupement politique de ceux qui s’opposent à Assange confirme la thèse centrale du Parti de l’égalité socialiste et du World Socialist Web Site: la liberté d’Assange et Manning repose sur la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière. C’est vers la grande masse des travailleurs, des jeunes et de tous les véritables défenseurs des droits démocratiques que doit être dirigée la lutte pour libérer Assange et Manning.

Laura Tiernan

***

Annexe: Correspondance

Ce qui suit est une correspondance entre Maxine Walker du Comité de défense de Julian Assange et Amnistie internationale du Royaume-Uni.

Le Comité de défense de Julian Assange

14 mai 2019

Chère Amnistie internationale Royaume-Uni

Je vous écris au nom du Comité de défense Julian Assange, qui s’est formé pour s’opposer à son extradition vers les États-Unis et pour galvaniser l’opposition.

Nous ne saurions trop insister sur le fait que Julian Assange est en grave danger. En effet, vous avez peut-être vu l’interview de Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks, après sa récente visite à Belmarsh avec Pamela Anderson, dans laquelle M. Hrafnsson déclare: «C’est une question de vie ou de mort, c’est très grave».

Nous savons que vous avez fait une déclaration après son arrestation en avril, dans laquelle vous avez dit:

«Amnistie internationale estime que Julian Assange ne devrait pas être extradé ou transféré aux États-Unis, où l’on craint qu’il ne soit exposé à de graves violations des droits de l’homme en raison de son travail avec WikiLeaks».

Vous avez reconnu dans cette déclaration les violations potentielles de ses droits de l’homme si une telle extradition devait avoir lieu, y compris la violation ultime, celle de son droit à la vie.

Toutefois, nous notons également que vous ne semblez pas avoir fait d’autres déclarations depuis lors. Son nom ne semble pas avoir été mentionné dans votre matériel pour la Journée mondiale de la liberté de la presse, une omission extraordinaire étant donné sa situation actuelle et le fait que Julian Assange a reçu le prix 2009 Amnistie internationale UK Media Award for New Media. Julian Assange a remporté de nombreux prix de ce type en reconnaissance du rôle central de WikiLeaks dans la dénonciation des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme perpétrés par les États-Unis et le Royaume-Uni au cours de ces guerres, y compris la torture, le meurtre et le fait de causer un grand nombre de victimes civiles.

Le gouvernement britannique a ignoré, voire méprisé, la décision du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire 2015 selon laquelle «la privation de liberté de M. Assange est arbitraire et en violation des articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme». Après l’arrestation de Julian Assange en avril, le Groupe de travail a également déclaré: «Le Groupe de travail regrette que le Gouvernement ne se soit pas conformé à son avis et qu’il ait maintenant encouragé la privation arbitraire de liberté de M. Assange». Il se déclare préoccupé par le fait que M. Assange soit détenu depuis le 11 avril 2019 à la prison de Belmarsh, une prison de haute sécurité, comme s’il avait été condamné pour une infraction pénale grave. «Ce traitement semble contrevenir aux principes de nécessité et de proportionnalité prévus par les normes relatives aux droits de l’homme».

Il est urgent que les organisations de défense des droits de l’homme s’expriment et s’impliquent davantage dans cette affaire. Une seule déclaration ne suffit pas pour faire face aux menaces qui pèsent sur Julian Assange et aux implications plus larges pour la liberté d’expression, la liberté d’information et la protection des journalistes. Nous vous demandons: d’accorder la priorité à cette affaire dans votre publicité et vos campagnes; de faire pression sur les députés qui devraient soulever des préoccupations au sujet de cette affaire et de ses conditions de détention (et ne le font pas); d’encourager vos partisans à lui écrire en prison.

Nous attendons votre réponse avec impatience.

Meilleurs vœux,

Maxine Walker

***

Chère Maxine,

Merci pour votre email concernant Julian Assange.

Notre dernière déclaration, suite à la réouverture de l’enquête du ministère public suédois sur une allégation de viol contre Julian Assange, peut être consultée ici;

https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/05/julian-assange-rape-allegations-must-be-treated-with-utmost-seriousness/

Le cas de Julian Assange est une affaire que nous suivons de près, mais sur laquelle nous ne travaillons pas activement. Amnistie internationale ne considère pas Julian Assange comme un prisonnier d’opinion. Amnistie internationale continue toutefois de penser qu’il ne devrait pas subir l’extradition vers les États-Unis, où il court un risque réel de graves violations des droits de l’homme – notamment en ce qui concerne les conditions probables de sa détention – en raison de son travail avec WikiLeaks.

Nous espérons que cela explique notre position.

Bien cordialement,

Supporter Communications Team

Amnistie internationale UK,

The Human Rights Action Centre,

17-25 New Inn Yard,

London,

EC2A 3EA

Royaume-Uni

 

Article paru en anglais, WSWS, le 23 mai 2019

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Quelle Europe ? !… Et quelle France ? !…

mai 24th, 2019 by Gérard Privat

Madame le Maire, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Dimanche, 26 mai, nous votons pour élire les députés européens et renouveler le Parlement européen.

Ce qui suit est mon sentiment sur la situation et ce qui en découle.

Cette élection passe surtout comme une occasion de revanches.

Le civisme envers l’Europe devient donc secondaire.

La revanche est envers M. Macron et envers l’Union Européenne.

Les reproches contre M. Macron sont assez clairs :

C’est l’exhibition du grand débat et sa conférence de clôture, ressenties comme un manque de respect et une manipulation ;

C’est le dépeçage de la France avec le soutien inconditionnel aux multinationales, avec la dégradation de la fonction publique, avec la vente du patrimoine ;

C’est l’affaire Bénalla ;

Ce sont les violences policières contre les Gilets-Jaunes ;

C’est un mépris envers le peuple sans équivalent dans l’histoire de la République ;

C’est la pauvreté grandissante ;
Etc., etc..

Pour tout cela, il semblerait souhaitable que le mandat de M. Macron soit abrégé, en toute légalité.
Il serait donc heureux que M. Macron anticipe et décide lui-même de démissionner.

Les reproches contre l’Union Européenne peuvent être nébuleux :

L’Union Européenne est antidémocratique ;

Elle dispose de trois patrons détenant tous les pouvoirs : le Président de la Commission, le Président de la Banque centrale, le Président des États-Unis d’Amérique, véritable patron de l’OTAN (seul organisme de défense de l’Europe).

Elle est plus sensible à la circulation des marchandises que des personnes ;

C’est un géant fragile, la première puissance économique de la planète mais un nain politique.
Souvenons-nous !…

L’intention affichée dans les traités européens successifs, de rassembler des nations du continent, n’était que de la poudre aux yeux.

En réalité, l’Europe a été créée sur les peurs de la guerre pour organiser une économie de domination des peuples.

Pour preuve, en développant une concurrence acharnée, l’Europe divise plus que jamais les nations du continent.Ni l’Europe actuelle ni les listes en présence ne suscitent l’enthousiasme !

La liste « Le Pen » risque d’être amplement bénéficiaire de cette situation, d’autant qu’aujourd’hui, M. Macron se révèle aussi dangereux que peut l’être Mme Le Pen.

Dans son « hypercentre », M. Macron regroupe les modérés par défaut dont beaucoup d’opportunistes ignorant les valeurs humanistes de la République.

Mme Le Pen, elle, est d’autant plus dangereuse que de nombreux électeurs, sans réponses à leurs attentes légitimes, votent sur son nom par défi, banalisant ainsi son extrémisme.

Cette prochaine élection européenne devient une corvée pour beaucoup d’électeurs.

Elle risque donc de provoquer une abstention inédite et, de ce fait, de porter probablement en tête la liste des amis de Mme Le Pen.

Évitons toutefois l’affolement !

M. Giscard d’Estaing qui a participé à l’élaboration du Traité de Lisbonne, a explicitement reconnu qu’il avait fait en sorte que ce Parlement n’ait qu’un pouvoir de façade.

Le vote est une nécessité pour faire avancer une démocratie, pour créer et développer l’unité du peuple en responsabilité commune et grandir ainsi le respect mutuel, l’espoir, la confiance, l’enthousiasme.

L’abstention, elle, est une démission !

La République a besoin de citoyens !

S’abstenir ou voter pour le moindre mal est la pente glissante d’où a émergé la pensée unique néolibérale qui a redonné vigueur à l’ensemble des extrémismes.Votons ! Même avec un bulletin blanc comme une invitation vers de futurs candidats véritablement respectueux du peuple, qui permettront prochainement d’éviter les pièges façon Macron-Le Pen.

Élus locaux, vous êtes le premier et un des plus puissants moteurs du rassemblement citoyen autour des urnes !< Invitez vos administrés à manifester leur citoyenneté, leur désir d’une autre politique, à voter, à voter blanc si nécessaire, mais à voter ! Soyez assurés, Madame le Maire, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers, quelles que soient vos opinions, de mon profond respect pour votre dévouement à vos concitoyens.

Gérard Privat
Président d’Avenir Solidaire

Voir la vidéo : https://youtu.be/a-sbsUrGeXI

Paris, la ville Lumière, appelle à interdire les armes nucléaires

mai 24th, 2019 by International Campaign to Abolish Nuclear Weapons

(Crédit image : http://icanfrance.org)

Paris, la Ville Lumière a décidé de rejoindre l’Appel des villes de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires – ICAN. Cette démarche doit inciter les partisans de la bombe atomique à prendre conscience de l’impact catastrophique de toute explosion d’arme nucléaire et à soutenir le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires-TIAN.

Alors que vient de se tenir le Comité préparatoire de la Conférence de Révision du Traité de non prolifération à l’ONU, (29 avril-10 mai 2019, New York), la France et les autres représentants des pays nucléaires ont accumulé les obstacles sur la voie du désarmement nucléaire. C’est le moment choisi par la Maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, pour rejoindre l’appel des villes de ICAN. « Cet appel », précise Jean-Marie Collin, co-porte-parole de ICAN France « est une initiative internationale lancée par ICAN pour soutenir le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et affirmer le droit des habitants des villes à vivre dans un monde libéré de la menace nucléaire. »

Alors que le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) risque de disparaître (2 août) et que la modernisation des arsenaux nucléaires menace de plus en plus de villes dans le monde, il est de la responsabilité d’un maire de protéger sa population. Les armes nucléaires sont destinées à frapper en premier lieu les villes et les centres urbains en causant des centaines de milliers de morts. Un maire responsable ne peut ignorer cette menace, c’est son devoir d’agir. ICAN France et les nombreux soutiens du TIAN en France saluent la décision de Mme Hidalgo, la Maire de Paris, qui fait de Paris la toute première ville de France à se joindre à l’appel des villes de ICAN.

Arielle Denis, co-porte-parole de ICAN France, annonce une campagne « pour que tous les Maires de France se joignent à ce grand mouvement mondial vers l’élimination des armes nucléaires, et signifient l’urgente nécessité que la France rejoigne le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires, adopté à l’ONU par 122  Etats »

Cet engagement rejoint celui d’autres capitales comme Washington, capitale  d’un État nucléaire, Canberra, celle d’un État membre d’une alliance nucléaire, ou Berne, capitale d’un État non nucléaire et de nombreuses autres capitales et villes (Berlin, Baltimore, Cadix, Dortmund, Düsseldorf, Fremantle, Genève, Göttingen, Hiroshima, Los Angeles, Manchester, Marburg, Munich, Nagasaki, Oslo, Potsdam, Salt Lake City, Toronto, Trondheim, Zaragoza…) qui ont décidé de se placer du bon côté de l’Histoire.

 

International Campaign to Abolish Nuclear Weapons


La Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) est une coalition mondiale qui travaille à mobiliser les ONG dans tous les pays pour inspirer, convaincre et faire pression sur les gouvernements afin d’entamer des négociations pour un traité interdisant les armes nucléaires. ICAN a 360 organisations partenaires dans 93 pays, et a été lancée en 2007. www.icanw.org

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Rapport de Situation sur le mouvement Gilet Jaune. Acte XXVII

mai 23rd, 2019 by Le Saker Francophone

Photo : 2 mondes parallèles

Depuis le 1er mai, le mouvement des Gjs a passé un cap. Autant le nombre de manifestants a baissé de moitié d’un coup pour se stabiliser à environ 50 000 courageux qui ne lassent pas ni ne sont rebutés par le danger, physique, légal et même financier qu’ils courent en exerçant leur droit à manifester, autant, et c’est là le point positif du cap, le mouvement est en train de prendre la forme d’une plus grande participation citoyenne au politique à travers les multiples actions citoyennes, groupe de débats, assemblées citoyennes ou délibératives, Vrai débat et autres médias pro Gj qui fleurissent comme des champignons dans une forêt d’automne. La bataille est maintenant moins dans la rue que dans l’arène socio/politique. Et le prochain vote pour le parlement européen en est un bon exemple car il rallie les Gjs de droite comme de gauche, autrefois abstentionnistes impénitents car dégoûtés du politique, derrière les slogans « il faut aller voter » et « Tout sauf Macron ».

Pour symboliquement représenter ce point de bascule, nous ne commencerons donc plus nos rapport de situation par le chapitre « Acte x » mais par le chapitre « Actions de Gj », montrant ainsi que les actions politiques engagées par les Gjs commencent à devenir plus porteuses d’espoir que le fait de manifester tous les samedis, même si, pour garder une pression nécessaire sur le gouvernement, les manifestations conservent toute leur importance.

Actions politiques des Gjs

Apres leur site web nommé la Ligne jaune, les Gjs ont maintenant leur webzine, Gj-magazine.com ou Gj-mag. Vous y trouverez toutes les informations les concernant. Ils ont aussi un journal papier :

gazette Gj

Pour l’acheter en ligne, c’est ici.

Les Gilets jaunes n’ont pas fini de secouer la maison CGT. S’ils n’étaient pas présents physiquement au 52ème congrès du syndicat qui se tient jusqu’à vendredi à Dijon, ils occupaient pourtant tous les esprits à la tribune. Et leurs slogans ont même animé plusieurs fois les rangs du millier de militants.

Maitre Sophia Albert Salmeron va déposer une plainte à la Cour pénale internationale au nom des Gjs mutilés par la violence policière. Elle leur demande de préparer un dossier complet sur leur cas.

La 3ème assemblée des assemblées des Gilets jaunes, se déroulera le 29 et 30 juin au stade du Pouloux, Bois du Verne de Montceau-les-mines.

Dans une note éclairante intitulée « L’adieu à la grande classe moyenne : la crise des gilets jaunes, symptôme de la ‘démoyennisation’ », Jérôme Fourquet analyse en profondeur les lignes fractures qui opposent la France des ronds-points à celle des grandes métropoles hyper-connectées. Cette même France qui constitue, depuis les Trente glorieuses, le « bas » de la classe moyenne, qui travaille et qui consomme, s’éloigne chaque année un peu plus du grand corps central de la société. Jusqu’à la scission ? « On peut considérer la crise des Gilets jaunes comme le premier symptôme politique de la fin de cette moyennisation, phénomène qui va s’amplifier à l’avenir », affirme le directeur Opinions de l’Ifop.

Tandis que le gouvernement a fini par se persuader que le mouvement des gilets jaunes est mort ou mourant, l’essor de leurs médias sur les réseaux sociaux – en  premier lieu Telegram – indique une tendance contraire. Et même, depuis début mars, un net regain d’activité tant sur les réseaux sociaux que sur le terrain.

Les Gilets jaunes sont-ils en train de faire émerger une nouvelle génération de journalistes, photographes et vidéastes ? Arrêt sur Images se pose la question.

Pour remettre de la cohérence dans les idées politique du citoyen. Un « best of » des conférences de Chouard qui nous explique la cause racine de tous les problèmes actuels.

Entraide entre Gjs. Dylan, 18 ans, éborgné pendant l’acte XXIV à Montpellier a besoin d’aide car il ne peut plus travailler. Pour l’aider, c’est ici.

Le groupe Gilets Citoyens propose 5 Fondamentaux méthodologiques posés par le collectif pour une assemblée citoyenne digne de ce nom :

  1. Un engagement de la part du Président de la République, avant le lancement du tirage au sort de l’Assemblée/Convention, à suivre les recommandations et décisions issues des travaux de celle-ci, y compris le fait de devoir soumettre une ou plusieurs propositions de l’assemblée à l’ensemble des Français par la voie d’un référendum
  2. Un temps suffisant pour le tirage au sort et la délibération : au moins 2 mois pour le tirage au sort et 3 week-ends de délibération par sous thème.
  3. Pas d’interférence gouvernementale dans le choix : des garants et la définition de leur mandat ; de la composition de l’assemblée et de son mode d’animation ; des sujets et « objets précis d’action publique » sur lesquels la convention citoyenne délibérera ; des experts aux avis contradictoires auditionnés par les citoyens.
  4. Des citoyens tirés au sort représentatifs de la diversité des Français : un tirage au sort de 100 à 1 000 personnes fait en référence aux meilleurs pratiques pour garantir la représentativité de l’assemblée citoyenne. Si le choix est fait d’intégrer des élus et/ou corps intermédiaires, leur nombre ne devra pas excéder un tiers du nombre de citoyens tirés au sort.
  5. Des délibérations ouvertes et transparentes régulièrement relayées par les médias.

Le Vrai débat, celui mené par les citoyens eux-mêmes et non plus par des élites illégitimes, est lancé. Pour ceux qui souhaitent avoir une action politique, participer au renouveau démocratique et donc participer aux assemblées délibératives de leur région, il faut s’inscrire sur le site internet adéquat. Voici une courte vidéo vous expliquant le principe de ces assemblées délibératives.

Une plate-forme participative est créée pour préparer les élections de 2020. Le but : rassembler des propositions et former des citoyens pour les municipales de 2020 afin de faire face aux urgences.

…Un rapport de force que Didier Bonneaud verrait bien passer par les urnes, aux municipales de l’année prochaine : « je vous invite à intégrer les conseils municipaux de vos communes, si vous prenez les communes, vous prenez les territoires. » Une position partagée par le référent Bagnolais des Gilets jaunes Jérôme Jackel, qui précisera que « la structuration du mouvement est en cours dans le Gard. » De quoi devenir une force politique ?

Sous la poussée populaire des Gjs, le gouvernement prévoit « la création de deux innovations politiques, dont le ministre de la Transition Écologique, François de Rugy, nous dévoile le fonctionnement. La première, c’est un Conseil de défense écologique (CDE), destiné à mobiliser les grands ministères et les services de l’État autour de la question du climat et de la protection de la biodiversité. Le CDE tiendra sa première réunion jeudi à l’Élysée. La seconde est une assemblée composée de 150 Français tirés au sort, qui commenceront à plancher dès le mois prochain sur nos émissions de gaz à effets de serre. Cette ‘Convention citoyenne pour le climat’ constituera le premier exercice de démocratie participative à l’échelle du pays ! » Les Gjs comptent bien surveiller cette initiative gouvernementale de très près.

Acte XXVII

Le Mans, Nîmes et Alès. Ne sachant plus quoi faire les préfets interdisent de plus en plus toute manifestation de Gjs. Mettant à mal un droit constitutionnel, celui de manifester.

D’après les chiffres de l’Intérieur, ce samedi la mobilisation est de nouveau à la baisse avec 15 500 manifestants dans toute la France. Pour leur part, les Gilets jaunes annoncent près de 40 500 mobilisés.

D’après la préfecture de Meurthe-et-Moselle, cinq personnes ont été interpellées ce samedi 18 mai à Nancy et un blessé léger est à déplorer.

Une équipe de street médic s’est faite interpeller et verbaliser (135€ d’amende par personne).

Marche en musique et dans la bonne humeur à Paris. Situation plus tendue à Reims. C’est dans cette ville qu’en plein direct sur BFMTV une femme se fait renverser par une charge de CRS. Le direct sera bien sûr immédiatement arrêté. « Il m’a heurtée délibérément avec son bouclier. Il m’a carrément foncé dedans sans s’arrêter », a-t-elle expliqué à un journaliste de BFM TV. « Je suis tombée, et il m’a enjambée », a-t-elle poursuivi, ajoutant que les policiers ne se sont ni retournés « ni arrêtés pour voir si j’avais besoin d’aide, si j’étais consciente ou pas ».

Violences policières

Interview choc d’Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat de police Vigi. « La preuve est que nous avons un ministre de l’Intérieur qui est toujours là, malgré toutes ses casseroles, malgré ses ‘fake news’, alors que c’est son propre gouvernement qui a fait une loi pour lutter contre. Et cela n’empêche pas le Premier ministre Édouard Philippe de renouveler sa confiance à Castaner. Tout ceci est aberrant et pas vraiment républicain à notre sens. »

Un street Medic se retrouve à l’hôpital après avoir été tabassé deux fois par la police. « Nous étions en train de palabrer calmement avec eux, quand soudain, sans sommation, ils nous ont chargés avec leur bouclier en nous lançant des grenades lacrymogènes. Ils m’ont littéralement matraqué de la tête aux pieds, m’ont fait tomber puis m’ont piétiné au sol », affirme le medic. « D’autres street medics m’ont mis sur le brancard dans l’ambulance pour m’expliquer que ça allé être compliqué de se déplacer jusqu’à l’hôpital, car il y avait la préfète de Lyon sur les lieux de la manif, et qu’elle n’était pas d’humeur à ce que les pompiers déplacent des blessés GJs (ce qui est inadmissible) », indique le message.

Récit d’une convocation au commissariat de Bordeaux. Ou comment un policier bien virulent au téléphone est devenu doux comme un agneau…

Verdict du journal Le Monde, parti en guerre contre les violences policières depuis quelques semaines : « bon nombre des actions documentées constituent bien des abus voire des bavures et que, loin d’être des cas isolés, elles témoignent de la nécessité d’une remise en cause profonde de la manière dont est conçu le maintien de l’ordre en France. »Vidéo à l’appui expliquant ces abus.

Des gendarmes débarquent pendant une conférence donnée par Étienne Chouard et notent toutes les plaques d’immatriculation des voitures stationnées sur le parking.

Fichage de photographes en vue d’envoyer une amende pour participation à une manif interdite … Acte 27 – Bordeaux alors que je couvrais la manifestation sauvage de 50 personnes partant de la place Saint-Projet, nous nous sommes retrouvés dans une nasse avec Maya Huasca, impossible d’en sortir sans être fichées pour une amende de 135 euros qu’on va recevoir dans notre boite postale apparemment, puis en sortant, confiscation de mes lunettes balistiques et de mon masque à gaz 3M, le tout pour une valeur neuf d’une centaine d’euros … la même pour Maya et ses lunettes, apparemment on va pouvoir les récupérer mais j’ai des doutes …

En honneur aux Gjs blessés sur le front des manifs voici une vidéo, puis un article portant le témoignage de quelques-uns d’entre eux.

Une justice en désordre

« Castaner, le Goebbels de Macron. Médias collabos » : voilà la pancarte qui a valu à Isabelle P. (toutes les personnes interrogées ont requis l’anonymat), enseignante à Paris « et » gilet jaune, tient-elle à préciser, d’être placée en garde à vue samedi 11 mai après-midi, au commissariat du 12e arrondissement (d’où elle est ressortie le soir même), et d’être reconvoquée dans ces mêmes locaux lundi 13 mai au matin. Elle en est sortie peu après 11 heures, sous les applaudissements d’une cinquantaine d’enseignants venus de toute l’Ile-de-France lui apporter leur soutien.

Un manifestant en live-cam arrêté en direct et mis en garde à vue sous un faux motif. Tout cela enregistré par son portable, à l’insu de la police. Une intéressante vue de l’intérieur.

En quelques mois, 39 portraits présidentiels ont été réquisitionnés, et 43 gardes à vue ont été prononcées.

Ce mardi 14 mai dans la soirée, à Montpellier, plusieurs corps de police ont interpelléau moins cinq gilets jaunes devant la Maison du peuple des gilets jaunes (anciennement Royal Occupé), à l’occasion de la diffusion de « J’veux du Soleil » de François Ruffin. Au moins quatre personnes ont été placées en garde à vue. Selon la presse, deux personnes ont été interpellées et accusées d’avoir dégradé un mur de la Maison du peuple, alors qu’il y avait en réalité des travaux de réhabilitation sur ce mur pour sécuriser l’accès au lieu…Ces interpellés sont la cible depuis plusieurs semaines d’un harcèlement policier : lors de contrôles d’identité, l’un d’entre eux a déjà subi des pressions ( « on sait où tu habites »).

« Il commence sérieusement à me casser les couilles ce préfet de merde ». Cette phrase postée sur Facebook vaudra garde à vue et comparution immédiate à son auteur. Puis quatre mois de prison avec sursis.

Il faut quand même rappeler que la garde à vue est : « Une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. » Il semble donc que, depuis quelques mois, il y ait une utilisation abusive de la garde à vue, sûrement dans le but de dissuader les manifestants.

Les biens d’un manifestant mis en examen pour avoir détruit des équipements le long de l’autoroute A8 dans le Var ont été saisis alors qu’il n’a pas encore été jugé, a révélé Le Point le 18 mai. Selon un avocat interrogé par LCI, il peut s’agir d’un « signe politique ».

L’utilisation de la justice, certes moins visible que le recours « disproportionné » à la force des effectifs de police et de gendarmerie (lire le récent rapport de l’Observatoire toulousain des pratiques policières), est tout aussi préoccupante. À Toulouse, le CaMé (Collectif automédia étudiant) a recensé entre le 17 novembre 2018 et le 17 avril 2019 « 637 interpellations, 403 gardes à vue, 124 déferrements, une trentaine de personnes incarcérées, 253 mois de prison avec sursis, 192 mois de prison ferme », dans le cadre de la répression du mouvement.

Un gouvernement et son parti déconnecté

Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. « On a créé des comptes anonymes pendant la présidentielle », confirme à 20 Minutes un ancien cadre de LREM. Alors même que Macron a toujours prétendu vouloir lutter contre la manipulation des réseaux sociaux. On colle les affiches LREM sur les panneaux réservés aux autres candidats.

Au passage on remarquera que 20 Minutes titre « Les comptes anonymes militants, une communication à risque pour les partis », laissant penser que tous les partis pratiquent cette manipulation. Hors, en lisant bien l’article on voit que seul LREM l’utilise. Le nom et la façon dont les autres partis utilisent les médias sociaux dont parle le reste de l’article ne sont là que pour noyer le poisson et justifier le titre.

L’information selon laquelle le gouvernement a chiffré à 10 milliards le coût des mesures en faveur des gilets jaunes est fausse. Naturellement, ce chiffre bidon a été repris par tous les médias. Le terme de coût nous incite à penser qu’il s’agit de dépenses supplémentaires, or c’est un savant mélange de concepts pour noyer le poisson….

La cérémonie d’hommage national aux deux officiers mariniers tués au Burkina a été marquée par un moment très inhabituel, qui a surpris de nombreux militaires présents. En ouverture de la cérémonie et comme le veut l’usage, le chef de l’État a passé en revue les troupes qui rendaient les honneurs. Mais, à la demande de l’Élysée, il l’a fait à sa manière, c’est-à-dire seul. Or, le protocole militaire veut que, dans ce cas, le commandant des troupes présentes sur place ouvre la marche et que le chef de l’État (ou la plus haute autorité présente) le suive quelques pas derrière…Cette attitude « jupitérienne » a été diversement appréciée par les militaires présents aux Invalides.

La pilule du « RIP » ne passe pas pour le gouvernement. Une semaine après la validation par le Conseil constitutionnel de la procédure de référendum d’initiative partagée contre la privatisation de Groupe ADP (ex-Aéroports de Paris), le 9 mai, l’exécutif est, à plusieurs reprises, revenu à la charge contre cette décision. En vain.

Facebook étant la plate-forme de partage numéro 1 des Gjs, la censure commence et le message suivant apparaît de plus en plus sur les murs des Groupes Gjs :

censure facebook

Ils commencent donc à déménager vers des réseaux plus accueillant comme Telegramet Vkontakt. [Vous pouvez y retrouver nos articles via les liens, NdSF]

Macron, qui n’a toujours pas compris la profondeur politique du mouvement Gj estime« qu’il n’y a plus de débouché politique » pour ce mouvement. « Je considère pour ma part que j’ai apporté des réponses aux Françaises et aux Français sur ce qui avait conduit à ce mouvement, à la fois le 10 décembre et dans la conférence de presse que j’ai donnée. » Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.

D’ailleurs plus grand monde ne vient plus écouter son gouvernement car « en mission [de sauvetage] pour soutenir la liste LREM aux élections européennes, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur ont participé à un meeting ce jeudi 16 mai à Angers, marqué par un nombre presque égal de participants et de forces de l’ordre. »

Un Gj a calculé les dépenses et les manques à gagner dus à la politique de Macron pour ses deux premières années de mandat. Résultat des comptes : 436 031 514 000 €, soit 436 milliards d’euros répartis ainsi :


europeennes

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En Suède, les procureurs ont demandé aux tribunaux suédois de délivrer un mandat d’arrêt contre Julian. Il y a une histoire extraordinaire derrière cette simple déclaration.

Le mandat d’arrêt européen doit être délivré d’un pays à un autre par une autorité judiciaire. La demande d’extradition initiale de M. Assange n’a pas été présentée par un tribunal, mais simplement par le procureur. C’était d’autant plus étrange que le procureur général de Stockholm avait initialement classé l’affaire après avoir décidé qu’il n’y avait pas d’affaire à répondre, puis qu’un autre procureur, très politiquement motivé, avait rouvert l’affaire et délivré un mandat d’arrêt européen, sans demander confirmation à un juge.

L’appel initial d’Assange devant la Cour suprême du Royaume-Uni était en grande partie fondé sur le fait que le mandat ne provenait pas d’un juge mais d’un procureur, qui n’était pas une autorité judiciaire. Je n’ai aucun doute que si une autre personne au Royaume-Uni avait été accusé, les tribunaux britanniques n’auraient pas accepté le mandat d’un procureur. La partialité incroyable et flagrante des tribunaux contre Assange est évidente depuis le premier jour. Ma thèse est confirmée par le fait que, immédiatement après qu’Assange a perdu son procès contre le mandat devant la Cour suprême, le gouvernement britannique a modifié la loi pour préciser que les futurs mandats doivent être délivrés par un juge et non par un procureur. Ce n’est là qu’un des éléments incroyables de l’affaire Assange que les grands médias cachent au public.

Le jugement rendu contre Assange par la Cour suprême du Royaume-Uni sur la question de savoir si le Procureur suédois constituait une « autorité judiciaire » reposait sur un raisonnement totalement inédit et franchement incroyable. Lord Phillips a conclu que dans le texte anglais du traité sur les Mandats d’Arrêt Européens, « judicial authority » ne pouvait pas inclure le procureur suédois, mais que dans la version française, « autorité judiciaire » pouvait inclure le procureur suédois. Les deux textes ayant la même validité, Lord Phillips a décidé de préférer le texte français au texte anglais, une décision absolument étonnante car les négociateurs britanniques pouvaient être présumés avoir travaillé à partir du texte anglais, tout comme les ministres et le parlement britanniques lorsqu’ils ont ratifié la décision.

Je n’invente rien – vous trouverez Phillips, à la page 9, paragraphe 21 de son jugement, un incroyable numéro de gymnastique linguistique. Encore une fois, il est impossible que cela aurait été fait à qui que ce soit d’autre que Julian Assange ; et le tollé des médias contre la préférence donnée à la formulation française et donc la tradition juridique française aurait été assourdissant. Mais étant donné l’animosité ouverte de l’État à l’égard d’Assange, tout a été adopté discrètement et la loi a simplement été modifiée toute suite après pour empêcher que cela n’arrive à quelqu’un d’autre.

La loi ayant été modifiée, les Suédois doivent cette fois-ci procéder correctement et s’adresser à un tribunal pour obtenir un mandat. C’est ce qui se passe actuellement. Comme d’habitude, le quotidien The Guardien aujourd’hui ne peut résister à la tentation de débiter un mensonge.

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« La Suède demande l’arrestation de Julian Assange… »

Le titre est complètement faux. La Suède n’a pas déposé de demande d’arrestation. La Suède est en train de passer par les procédures judiciaires – qu’elle a sautées pour la première fois – afin de décider s’il y a lieu ou non de déposer une demande d’arrestation. Cela donne à Assange l’occasion d’entamer le processus de lutte contre les allégations, qu’il nie catégoriquement, devant les tribunaux suédois. Toutefois, à l’heure actuelle, son avocat suédois ne peut pas lui rendre visite dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, ce qui est typique des abus de procédure auxquels il est soumis.

Ce n’est pas le politiquement correct qui empêche les grands médias britanniques d’enquêter sur la nature extraordinaire des allégations contre Assange en Suède. Dans le cas de Nafissatou Diallo, par exemple, l’ensemble des médias grand public britanniques n’ont eu aucun scrupule à publier le nom de la victime présumée dès le tout premier moment des allégations contre DSK, et la probabilité ou non de toute l’histoire a été analysée en détail par chaque journal national, et largement par la BBC.

Je n’ai jamais entendu personne tenter d’expliquer pourquoi il était correct que les grands médias examinent en détail les accusations de Diallo et publient son nom, mais que Anna Ardin et Sofia Wilen ne doivent jamais être nommées et leur histoire ne doit jamais être mise en doute. La réponse n’est pas la position du droit suédois – la loi suédoise stipule que ni l’accusateur ni l’accusé ne peuvent être nommés, loi qui dans l’affaire Assange a été brisée avec entrain tous les jours depuis neuf ans. Quand il s’agit d’Assange, il faut simplement l’injurier. Il est évident qu’il est traité différemment par l’État et les grand médias, à tous les points de vue. Peu importe pas que son mandat d’arrêt n’ait pas été délivré par un juge ou que les médias appliquent des règles entièrement différentes lorsqu’il s’agit d’Assange, des règles appliquées en vertu d’un mantra féministe auxquels ces mêmes médias ne croient pas ou n’adhèrent pas dans d’autres cas. Il faut tout simplement qu’il soit détesté, sans poser de questions.

Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de documentaire au Royaume-Uni comme le brillant « Sex, Lies and Julian Assange » du programme phare de l’Australian Broadcasting Corporation, Four Corners ? Si vous ne l’avez pas déjà fait, n’hésitez pas à le regarder : https://www.abc.net.au/4corners/sex-lies-and-julian-assange/4156420 [sur le site, on trouvera la retranscription complète du documentaire – NdT]

Julian Assange a révolutionné la presse en donnant au public un accès direct à des quantités massives de matières premières montrant les secrets que les gouvernements voulaient cacher. En donnant cet accès direct au public, il a supprimé le rôle de filtre et de médiateur des classes journalistique et politique. Comparez, par exemple, avec les Panama Papers dont, contrairement aux promesses, moins de 2% ont été publiés et où les grandes entreprises et personnalités occidentales ont été complètement protégées des révélations grâce à l’utilisation d’intermédiaires des grands médias. Ou comparez Wikileaks aux fichiers Snowden, dont la grande majorité ont été enterrées et ne seront jamais révélées, après avoir été sottement confiées au The Guardien et The Intercept. Assange a supprimé le rôle d’intermédiaire du journaliste médiateur et, en permettant aux gens de voir la vérité sur la façon dont ils sont gouvernés, a joué un rôle majeur dans la perte de confiance du public dans l’élite politique qui les exploite.

Il y a un parallèle intéressant avec la réaction aux travaux des spécialistes de la Réforme qui ont traduit la Bible en langues vernaculaires et ont donné à la population un accès direct à son contenu, sans les filtres médiateurs de la classe des prêtres. De tels développements provoquent toujours une animosité extraordinaire chez ceux dont la position est menacée. A cet égard, je vois un parallèle historique entre Julian Assange et William Tyndale. C’est quelque chose qu’il vaut la peine de garder à l’esprit en essayant de comprendre l’ampleur de la haine de l’État à l’égard de Julian.

Craig Murray

Article original en anglais :

»» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2019/05/the-missing-step/
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Deux pays d’Amérique centrale ont connu récemment des changements de régime par les urnes ; cela pose de gros défis à la stratégie déployée par la Chine dans cette région : les prochains dirigeants du Salvador et du Panama se sont chacun engagé à durcir la position de leur pays par rapport à leurs prédécesseurs vis -à-vis de la République populaire. Chacun de ces nouveaux dirigeants semble positionné pour faire plutôt appel aux USA : il s’agit de tentatives de jouer le jeu contre la Chine, en vue de maximiser les positions stratégiques respectives de leurs pays dans la Nouvelle guerre froide.

La stratégie de la « Mer de Chine du Sud inversée »

L’Amérique centrale s’est brutalement transformée en champ de bataille non déclaré dans la Nouvelle guerre froide opposant les USA et la Chine : deux changements de régimes électoraux dans cette région semblent voués à porter à de vastes conséquences stratégiques pour la région. Le président élu du Salvador, puis celui du Panama, se sont tous les deux engagés à positionner leur pays de manière plus ferme que leurs prédécesseurs vis à vis de la République populaire. Lesdits prédécesseurs avaient créé la surprise en reconnaissant Pékin à la place de Taipei comme capitale de la Chine. En opposition, le prochain dirigeant du Salvador a durement critiqué la Chine lors de son voyage aux USA en mars 2019, et son homologue panaméen vient de déclarer que les USA doivent cultiver de meilleures relations avec la région, sous peine de la voir leur échapper au bénéfice de leur rivale asiatique. Chacun des deux pays joue un rôle important dans la stratégie générale chinoise pour l’Amérique centrale, qui consiste à transformer la région en « Mer de Chine du Sud inversée » : Pékin s’est employée, loin des regards, à pratiquer des percées dans le ventre mou de Washington, depuis que le Panama et le Salvador avaient décidé de reconnaître la République populaire.

Panama + Salvador = Amérique centrale pro-chinoise

L’État qui constitue l’isthme du sud est irremplaçable dans le rôle de facilitateur qu’il joue pour les exportations chinoises à direction de la côte Est des USA, la région des Caraïbes, et le Brésil – même si le projet de chemin de fer Transocéanique (TORR) promet de chambouler la géopolitique de l’Amérique du Sud (à supposer qu’il voie effectivement le jour) et de rendre le Canal de Panama redondant aux yeux de la Chine. En outre, le Panama a rejoint le projet de la Ceinture et la route (BRI) chinois, et est supposé héberger une voie de chemin de fer reliant sa capitale avec la frontière du Costa Rica, dont on peut imaginer qu’il pourrait un jour être prolongé jusqu’au Mexique, devenant la « Route de la Soie d’Amérique Centrale ». Du côté du Salvador, la position stratégique du pays dans le Triangle Nord pourvoyeur de migrants accorde à ce petit État une importance démesurée : les USA craignent (à tort ou à raison) que la Chine exploite des « Armes de migration de masse » pour déstabiliser leur sécurité intérieure. Pris ensemble, les deux pays forment des composantes indispensables à la stratégie régionale de la Chine.

La « Citadelle Amérique »

La campagne lancée par les USA, visant à s’octroyer la domination hégémonique de l’hémisphère (la « Citadelle Amérique ») a connu ses réussites les plus importantes en Amérique du Sud, plus riche en matière premières et plus importante stratégiquement, mais commence à présent à s’implanter en Amérique centrale, au moment où Trump s’emploie à renforcer l’emprise de son pays sur la région. La soi-disant « Troïka de la tyrannie » décrite fin 2018 par Bolton le Conseiller en sécurité nationale, compte l’État charnière du Nicaragua –  situé en plein cœur de la région – et les changements de régimes électoraux qui viennent de se décider au Salvador ainsi qu’au Panama « enserrent » l’isthme et viennent boucler la stratégie étasunienne de pression sur l’Amérique centrale, en vue de repousser à la mer l’influence chinoise. Il est trop tôt pour dire si l’un ou l’autre des deux pays sus-nommés reviendra sur sa décision de reconnaître Pékin, mais il est plus que probable qu’ils essayeront de la jouer contre Washington, dans le but de maximiser leurs positions stratégiques respectives dans la Nouvelle guerre froide.

« Équilibrage »

Aucun des deux nouveaux présidents élus au Salvador et au Panama ne semble satisfait de jouer le larbin des USA, dans un jeu proche de celui de l’ancienne Guerre froide, sans recevoir en contrepartie quelque chose de tangible pour son peuple : chacun d’eux s’est fait élire sur des promesses de lutte contre la corruption (chacun d’entre eux a insinué que la corruption avait été amplifiée dans son pays depuis le début des partenariats avec la Chine), et de laisser la population toucher de vrais dividendes. On peut donc prédire, au train où vont les choses, qu’ils vont revenir sur leur coopération avec la Chine dans le cadre des Nouvelles routes de la soie, en échange d’une aide étasunienne accrue, ou de projets étasuniens de remplacements ; mais sans couper complètement leurs liens avec la Chine, afin d’éviter de devenir trop dépendant de leur « grand frère ». La Chine devrait donc s’attendre à connaître des revers, mais pas à une complète éradication de son influence, et ce malgré des efforts assez conséquents à attendre de la part des USA.

Gagner les cœurs et les esprits

Il n’est donc pas exagéré de dire que la Chine voit ses positions craquer de toutes part en Amérique centrale, ni qu’elle va devoir monter d’un cran dans sa stratégie d’engagement si elle veut rester dans la course face aux USA : les conditions sont en train de se durcir fortement. Ses intérêts y gagneraient si Pékin engageait de son propre chef une renégociation de certains de ses contrats des Routes de la soie, qui pourraient être offerts comme « cadeau inaugural » aux nouveaux dirigeants des deux pays ; et cela améliorera l’image de la Chine au sein du public local, qui s’est vu influencé par la rhétorique inamicale des deux candidats envers l’Empire du milieu. Annoncer en plus de cela des projets socio-humanitaires, comme des ouvertures d’écoles et des aides montrerait qu’un partenariat avec la Chine implique bien plus de bénéfices que des emprunts à faibles taux d’intérêts couplés à de grands projets d’infrastructures. Si la Chine veut maintenir son influence en Amérique centrale, elle doit s’employer à gagner « les cœurs et les esprits », afin que les habitants finissent par voter pour le candidat implicitement pro-chinois aux prochaines élections : c’est par un tel scénario que les USA ont repris la main dans ces deux pays, et c’est ainsi que la Chine pourra contrer les avancées dont les USA vont à présent bénéficier dans la région au cours des prochaines années.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais :

It’s Crunch Time for China’s Central American Strategy, le 6 mai 2019

Cet article a été d’abord publié par Eurasia Future.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

Photo en vedette : Le canal de Panama

 

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

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Ahmed Taleb Ibrahimi et le hirak estudiantin

mai 23rd, 2019 by Ahmed Bensaada

Tout en haut de la pyramide du hirak estudiantin algérien, les organisateurs ne chôment pas. Chaque semaine, les mots d’ordre fusent à la vitesse des médias sociaux et suivent fidèlement les soubresauts de l’actualité politique algérienne.

La consigne de cette semaine? La voici:

Photo de Ahmed Taleb Ibrahimi

Il s’agit du slogan suggéré pour la manifestation du vendredi 24 mai 2019:

« Nous le voulons président pour une courte étape transitoire »

Des directives qui suivent bizarrement un agenda bien précis.

Un homme de 87 ans ayant occupé différents postes politiques dans des gouvernements précédents qui incarnerait la jeunesse algérienne?

On va presque égaler la Tunisie avec son plus plus vieux président du monde. En effet, l’âge vénérable de Béji Caïd Essebsi, plusieurs fois ministre sous Bourguiba et président de la chambre des députés sous Ben Ali, avoisine les 93 ans!

Et en Tunisie, c’est aussi un mouvement de jeunesse qui a déboulonné Ben Ali.

Mimétisme maghrébin?

On se croise les doigts tout en souhaitant que le président de la 2e République algérienne soit un peu plus jeune.

Et cela n’a pas l’air d’être gagné d’avance.

Ahmed Bensaada

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Haïti – Domination numérique du Nord sur le Sud

mai 23rd, 2019 by Rency Inson Michel

Rency Inson MIchel, qui nous parle depuis Port-au-Prince, milite pour le libre accès aux ressources scientifiques. Il participera le 9 juin prochain au Boucan décolonial buccan à Montréal.

Alors qu’on parle beaucoup de domination numérique, ex. les Google, Apple et autre FB, on ne parle pas de la domination numérique du Nord sur les Suds. C’est ce que combattent Rency Inson Michel et le Réseau des Jeunes Bénévoles des Classiques des Sciences sociales (REJEBECSSS) qui œuvre pour une diffusion massive du patrimoine scientifique de son pays. Pour eux, la connaissance est un bien commun et n’est pas une marchandise.

À titre d’exemple, les Haïtiens n’ont pas accès aux écrits des savants haïtiens sans parler des écrits d’autres savants à travers la Francophonie. Il parle des solutions mais aussi des collaborations au sein de la Francophonie, notamment avec l’Université de Chicoutimi, au Québec.

 

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Ce qu’aurait pu être l’Algérie post-indépendance

mai 23rd, 2019 by Chems Eddine Chitour

« L’Angleterre n’a pas d’amis, elle n’a pas d’ennemis elle n’a que des intérêts permanents. » Winston Churchill

Ce qui se passe depuis le 22 février est à la fois porteur d’espérance mais aussi d’inquiétude Le peuple s’exprime de fort belle manière chaque vendredi. Cependant cette situation donne l’impression que jouer la montre en misant sur l’essoufflement des jeunes est dangereux. Les Algériennes et Algériens pensent à juste titre que le système doit partir et il ne se contentera pas de décisions cosmétiques. L’honnêteté commande toutefois de souligner qu’apparemment nos élites dirigeantes peinent à proposer un Plan B alors que maintenant il est avéré que rester dans la constitution n’aboutira à rien de tangible avec 70 candidats illustres inconnus avec pour viatique quelques capacités de nuisance qui ne font plus illusion.

En fait nous donnons l’impression de nous installer dans les temps morts Chaque semaine des records de manifestation sont battus prouvant que l’engagement pour une Algérie du futur débarrassée de celles et ceux qui lui ont fait tant de mal est entier. Une Algérie qui donne de la dignité à ses enfants et les protège  Voulons-nous retourner aux années de plomb façon décennie noire ou leur équivalent de la double décennie de la honte qui a suivi. Faisant de ces trente dernières années les pires années subies par le peuple ? 

N’est il pas venu le moment de voter pour la vérité celle d’un cap vers le futur dans une Algérie qui évite les écueils du déchirement car les vents mauvais soufflent et chacun y va de sa partition ? Le moment est plus que jamais venu de faire l’anamnèse dans le calme et la sérénité en revenant dans un premier temps aux causes du faux départ de 1962. Faux départ qui a fait détourner le fleuve selon la belle expression de Rachid Mimouni.

Dans cette contribution et sans faire de procès nous allons expliquer que la marche de la révolution aurait pu être tout autre si les dispositions de la Plate forme du Congrès de la Soummam conçus par Abane Ramdane et Larbi Ben Mhidi , ont été appliquées. Deux grandes décisions ont été prises : Primauté de l’intérieur (ceux qui se battent in situ) sur l’extérieur (ceux qui sont au Caire). Primauté du politique sur le militaire. A biens des égards le Congrès de la Soummam contient en creux les grandes lignes de la future constitution post indépendance. On sait comment tout cela fut torpillé à partir du Congrès de Tripoli qui ne termina jamais ces travaux.

Le faux départ   de juillet 1962

Quelques jours après l’indépendance Ben Bella et Boumediene foncent sur Alger avec une force de frappe en canons qui n’avaient pas servi contre l’adversaire mais qui ont pris du service contre les moudjahed qui n’avaient que leur courage pour se battre. Ce sera le fameux « seb’a sinine barakat » « Sept ans cela suffit ! » On connait la suite un pouvoir sans partage, une constitution adoptée à la hussarde comme l’a dénoncé Ferhat Abbas dans sa fameuse lettre de démission de la présidence de l’assemblée. Un FLN qui avait terminé sa mission historique mais qui fut annexé pour être au service des gouvernants

Dès le départ et sans être  stratège le peuple  algérien a eu  l’intuition que le pays  avait fausse route. Un proverbe  du terroir  permettent de s’en rendre compte : Le premier  et le plus courant  : « Rakba maïla » «  la monture a été mal opérée ». Ce proverbe a d’ailleurs été repris par le commandant Azzedine dans une  interview où il raconte l’analogie du faux départ de l’Algérie avec l’histoire d’une vieille dame à qui on est venu annoncer : «  Votre fils est tombé de cheval. Je le savait aurait elle répondu  «  kichaftou rah ,  kanate arrakaba maïla ! »   «  depuis le départ , j’ai vue qu’il avait  mal monté le cheval » Pour les anciens , quand on monte mal à cheval, il ne faut surout pas s’accrocher , il faut redescendre bien sangler le cheval et remonter » Ce que  n’ont pas fait les dirigeants algériens s’accrochant à tout prix pendant cinquante sept ans  jusqu’à ce jour béni du 22 février  2019 où les Algériennes et les Algériens se sont dressés  contre cette double décennie du mépris pour dire cela suffit ! nous voulons un nouveau départ !

Ce faux départ de l’Algérie , est ce une singularité ?

On sait que la décennie des années 60 a vu l’Afrique se libérer du joug colonial. Il faut bien en convenir les décolonisations furent bâclées.  La grande faute est celle des dirigeants enivrés par le pouvoir qu’il faut arracher d’une façon illégale et s’y installe pour l’éternité. Généralement l’indépendance acquise les peuples colonisés changent de tyrans passant du pouvoir colonial à la confiscation du pouvoir par des élites militaires soutenues par les anciennes puissances coloniales. L’ordre colonial se perpétue sous un autre mode. L’exploitation des richesses de ces pays devient une chasse gardée des anciennes puissances coloniales. La légitimité des présidents- pour la plupart avec une tentation d’un pouvoir à vie- l’alternance se fait généralement par l’émeute- est donnée par l’extérieur. Il en est ainsi de la plupart des pays africains. 

L’Algérie n’échappe pas à la règle .Pourtant deux pays ont su intelligemment négocier le virage de l’indépendance en ne vidant pas le pays de ses élites européennes Il s’agit de l’Afrique du Sud et à un degré moindre la Tunisie.  Pourtant l’Algérie avait  avec le texte fondateur de la Plate forme de la Soummam réalisée dans des circonstances extraordinaires – en pleine guerre-  les attributs nécessaires  pour  l’émergence de la démocratie, des droits de l’homme et aussi de l’alternance. Cette dernière ayant été rayée des façons de faire des gouvernants . Résultat des courses dans les pays africains, l’alternance se fait par la mort naturelle du tyran ou par l’émeute.

Le Congrès de la Soummam  

Justement, les évènements post indépendance auraient pu avoir un autre cours si les dirigeants avaient appliqué les dispositions généreuses de la Plateforme de la Soummam. En effet, les dispositions arrêtées permettaient de donner une visibilité au combat mais aussi préparaient l’après indépendance .Que prônait le Congrès de la Soummam ? Ce fut comme l’écrit le Huffington Post, une « Victoire historique», «acte fondateur de l’Etat algérien moderne», le congrès de la Soummam «avait donné de la force à la révolution nationale» du 1e novembre 1954, La réunion présidée par Larbi Ben M’hidi et rapportée par le secrétaire du congrès Abane Ramdane, a abouti à quatre décisions importantes, l’adoption de la plate-forme qui contient les objectifs de la révolution, l’organisation de l’Armée de libération nationale (ALN) avec des grades, des règles de promotion et de conduite et le découpage militaire de l’Algérie en 6 wilayas. Mais la plus importante des décisions de ce congrès a été la création de deux organes de commandement de la révolution : le Comité de coordination et d’exécution (CCE), qui est un gouvernement de guerre, et le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), qui est une sorte d’assemblée nationale composée de 34 personnes. (1)

L’une des décisions majeures qui si elle avait été appliquée aurait pu nous inviter les errements post indépendances qui se sont soldés par une course au pouvoir et par le refus de l’alternance. Nous lisons cette mise en garde :«Dans un délai extrêmement court, le FLN a réussi le tour de force de supplanter tous les partis politiques existants depuis des dizaines d’années. C’est une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C’est une marche en avant dans le sens historique de l’humanité et non un retour vers le féodalisme. C’est enfin la lutte pour la renaissance d’un Etat algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues.» (2)

La jeunesse et la femme : Un hommage particulier

Dans la plateforme, une mention particulière a été faite à la jeunesse seul moteur de la pérennité du peuple De plus la place de la femme est saluée et reconnue comme partie prenante dans la lutte. Ce qui détone avec la régression bien plus tard avec le sort de la femme dans sa lutte pour l’émancipation. Dans la plateforme nous lisions : « La jeunesse algérienne a les qualités naturelles de dynamisme, de dévouement et d’héroïsme. De plus, elle se caractérise par un fait rare. Très nombreuse, elle représente près de la moitié de la population totale. C’est donc pour le FLN un levier inflexible d’une puissance et d’une résistance formidables. Le ralliement des intellectuels à la patrie algérienne, le fait que la «francisation» n’a pas réussi à étouffer leur conscience nationale, la rupture avec les positions idéalistes individualistes ou réformistes, sont les preuves d’une saine orientation politique. (…) Nous saluons avec émotion, avec admiration, l’exaltant courage révolutionnaire des jeunes filles et des jeunes femmes, des épouses et des mères; de toutes nos sœurs «moudjahidate» qui participent activement, et parfois les armes à la main, à la lutte sacrée pour la libération de la Patrie.» (2)

La place de la langue arabe et de l’islam  

Les rédacteurs ont tenu à situer les enjeux culturels dans l’Algérie indépendante : « La langue arabe, langue nationale de l’immense majorité, a été systématiquement étouffée. Son enseignement supérieur a disparu dès la conquête par la dispersion des maîtres et des élèves, la fermeture des universités, la destruction des bibliothèques, le vol des donations pieuses. La religion islamique est bafouée, son personnel est domestiqué, choisi et payé par l’administration colonialiste. L’impérialisme français a combattu le mouvement progressiste des ouléma pour donner son appui total au maraboutisme ». (2) 

Le rêve maghrébin 

« (…) L’Algérie libre et indépendante, brisant le colonialisme racial fondé sur l’arbitraire colonial, développera sur des bases nouvelles l’unité et la fraternité de la Nation algérienne dont la renaissance fera rayonner sa resplendissante originalité. L’Afrique du Nord est un Tout par: La géographie, l’histoire, la langue, la civilisation, le devenir. Notre destin est plus que jamais maghrébin et nous avons tout intérêt à tout faire pour contribuer à l’avènement de l’unité maghrébine La Révolution algérienne, malgré les calomnies de la propagande colonialiste, est un combat patriotique Elle n’est inféodée ni au Caire ni à Londres ni à Moscou ni à Washington. Elle s’inscrit dans le cours normal de l’évolution historique de l’humanité qui n’admet plus l’existence de nations captives. Le manque de hardiesse [vis-à-vis de la cause algérienne à l’ONU ndlr] était déterminé par l’attitude des pays arabes en général et de l’Egypte en particulier. Leur soutien à la lutte du peuple algérien demeurait limité.» (3)

La citoyenneté dans l’Algérie indépendante 

La notion de citoyenneté dans l’Algérie  indépendante était une préoccupation permanente de la Révolution. Ainsi aussi bien au début de  la guerre  lors du congrès de la Soummam , puis tout au long de la guerre, le FLN et plus tard le GPRA  ont  tenu à expliquer les enjeux : l’ennemi est le système colonial. 

Ainsi le Congrès de la Soummam a tenu à préciser la justesse du combat par les termes suivants :

«La doctrine est claire. Le but à atteindre, c’est l’indépendance nationale. la lutte engagée est une «lutte pour la renaissance d’un Etat algérien sous la forme d’une République démocratique et sociale … garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d’une même patrie, sans discrimination. La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses qui peuplent l’Algérie, mais entre d’une part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine, et, d’autre part, les colonialistes et leurs soutiens, quelle que soit leur religion ou leur condition sociale » (4)  

Durant tout le déroulement de la révolution le F.L.N a multiplié les avances et les assurances vis à vis des Européens d’Algérie , il déclare notamment en janvier 1961 : « la citoyenneté Algérienne signifie que l’Algérie de souche Européenne aura les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’Algérien de souche autochtone , sur les plans politiques et civique dans le cadre d’un état Algérien unitaire (notamment droits de vote, d’éligibilité… Cela n’implique pas la négation des caractéristiques culturelles spirituelles et morales des Algériens de souche Européenne ». (4)  

S’agissant des Juifs d’Algérie très anciens en Algérie , ils n’étaient pas traités comme des envahisseurs coloniaux: Le FLN avait appelé les Juifs algériens à rejoindre la Révolution dans cet appel suivant : « on sait que le FLN historique avait toujours considéré les juifs d’Algérie comme citoyens algériens à part entière, comme l’atteste un document rare, signé par Krim Belkacem, ministre des Forces armées et vice-président du GPRA. (…) Dans cet appel le GPRA exhorte les juifs algériens à participer à la libération du pays, qui est le leur, et surtout à éviter les pièges de l’OAS. L’indépendance de l’Algérie est proche. L’Algérie est la patrie de tous les Algériens, sans distinction de confession. Vous êtes des Algériens au même titre que les autres citoyens algériens. L’Algérie indépendante restera votre patrie Le F.L.N. pense inhumain et irréaliste de ne pas tenir compte de ce qui « qui correspond à un sentiment d’attachement à la terre dans ce qu’il y a d’humain et d’authentique ». On peut donc avancer avec raison que toutes les hypothèses de l’Algérie indépendante incluaient la participation à la reconstruction d’une grande partie des Européens d’Algérie. Les événements des derniers mois de la guerre avec la politique de la terre brûlée de l’O.A.S. ont fait définitivement basculer dans l’exode le petit peuple Européen avec son cortège de déchirements et de tragédies. (5)

Enfin Le Gouvernement provisoire de la République algérienne : « vous garantit votre avenir ainsi que celui de vos enfant.» Dans une lettre au grand Rabbin et membre de la communauté israélite d’Algérie, daté du 1er octobre 1956, le FLN estimait déjà que «le moment est venu où chaque Algérien d’origine israélite, à la lumière de sa propre expérience, doit sans aucune équivoque prendre parti dans cette grande bataille historique». (6)

Ce qui aurait pu se passer à l’indépendance  

On sait que dans les Accords d’Evian n’avaient pas prévu un exode aussi brutal. De fait tout s’est joué pendant les trois mois   à partir du 19  mars 1962 . Cela ne veut surtout pas dire que la situation du chaos n’était que le fait des Algériens, il eut comme on sait une politique de la terre brûlée qui a tout fait pour élargir le fossé entre les communautés. Il faut aussi et par honnêteté ajouter les marsiens révolutionnaires de la vingt cinquième heure qui à des degrés moindres ont procédé à des purges contre les harkis et ceci loin cependant des chiffres annoncés La meilleure preuve beaucoup de harkis sont restés, ils ont été pour la plupart arrêtés mis en prison puis relâchés après.

Pour appuyer cette vision de l’intérêt supérieur du pays et non la vision étriquée qui a stérilisé les apports non négligeables il eut fallu prendre une autre voie.  L’écrivain Amine Maalouf  membre de l’Académie française, écrit dans son dernier ouvrage : « Le naufrage des civilisations » que beaucoup de pays ont pu se développer quand ils ont fait preuve de lucidité pour rassembler les ethnies qui vivaient à un moment donné de l’histoire en bonne intelligence dans le même pays où ils sont nés ou ils ont eu des projets de vie de convivialité. Il prend l’exemple de l’Egypte des années 30-40 qui avait réussi à être la référence en matière de culture multiforme ( littérature, théâtre ,chant..) et même presse. L’avènement de Nasser et la Révolution du 23 juillet 1953 a mis fin à cet état de coexistence pacifique des différents apports constitués par des ethnies qui avaient en commun l’amour de la liberté , la liberté d’expression et la beauté de la langue arabe. Sa réflexion  un peu nostalgique l’amène à avancer que les choses auraient pu se passer autrement.

« Je suis persuadé, écrit-il  que la bonne attitude en la matière c’est celle qu’a adoptée un autre grand dirigeant du continent africain : Nelson Mandela. Quand après avoir passé vingt six ans de sa vie dans les geôles du régime ségrégationniste , il était sorti triomphant et s’était retrouvé président de l’Afrique du Sud , il ne s’est pas demandé si les Blancs l’avaient soutenu lors du combat pour la libération : S’ils s’étaient départis de leur arrogance de colons et de leur sentiment de supériorité ; s’ils avaient su s’intégrer à la population locale dans un respect de fraternité et ; et s’ils avaient donc mérité de faire partie de la nouvelle nation. (7)

« A chacune de ces questions la réponse aurait été « non » Mais Mandela s’est bien gardé de les poser ; C’est une toute autre interrogation qu’il avait à l’esprit. Mon pays se porterait il mieux si les Afrikaners y restaient au lieu de s’en aller ? Et la réponse lui paraissait évidente : pour la stabilité de l’Afrique du Sud, pour sa santé économique, pour le bon fonctionnement de ses institutions, pour son image dans le monde, il valait mieux retenir la minorité blanche quel qu’ait pu être son comportement jusque là. Et le nouveau président fit ce qu’il fallait pour encourager ses ennemis d’hier à ne pas déserter son pays. »(7)  

« Ce fut aussi le cas poursuit Amine Maalouf de Louis XIV lorsqu’il révoqua en 1685, l’Edit de Nantes. Les protestants huguenots furent accueillis dans les capitales européennes où ils contribuèrent grandement à la prospérité d’Amsterdam, Londres et Berlin… On pourrait dire exactement la même chose de l’expulsion des musulmans et des juifs par les rois catholiques au lendemain de la prise de Grenade en 1492.  A cause de cette mesure dictée par l’intolérance et la suffisance, l’Espagne se verra incapable de tirer les bénéfices de sa conquête des Amériques ; Elle mettra cinq cent ans à rattraper son retard sur les autres nations européennes. » (7) 

« Tout au long de l’histoire  poursuit Amine Maalouf les expulsions massives qu’elles paraissent justifiées, légitimes ou pas, ont généralement nui à ceux qui sont restés bien plus qu’à ceux qui ont été chassés. (…) Ce n’est pas un hasard si la nation la plus puissante de la planète à savoir les Etats Unis, s’est fait une spécialité d’accueillir des vagues successives de bannis d’expulsés… de juifs , de puritains anglais des rescapés des révolutions , russe, chinoise cubaine, iranienne, sans oublier les protestants de France. Chez le président Franklin Delanöe Roosevelt, le nom central est celui d’un ancêtre huguenot qui s’appelait originellement De Lannoy.» (7)  

Ensuite, un passage émouvant que je vois comme un plaidoyer de ceux qui ne sont pas de souche. Il écrit : «(…) Je voudrais m’arrêter sur la question des populations perçues comme «allogènes » et de la fonction qu’elles peuvent remplir auprès des sociétés où elles vivent..(…) Le ressentiment que les peuples colonisés éprouvent envers leurs colonisateurs est compréhensible et il est normal qu’il s’accompagne de méfiance et même d’hostilité envers ceux qui furent les alliés ou les protégés des anciens maitres. Néanmoins l’histoire des dernières décennies nous apprend que très vite après le combat pour la libération, arrive le combat pour le développement et la modernisation. Dans cette nouvelle phase la présence d’une population qualifiée ayant un accès immédiat aux sociétés industrialisées est un atout irremplaçable On pourrait comparer cet accès à une artère liant la jeune nation .au cœur du monde développé. Couper cette artère est absurde, c’est une auto- mutilation et quasiment un suicide . Que de pays ne s’en sont jamais remis ! » (7)

L’académicien Amine Maalouf admet qu’il y ait du ressentiment en invitant à le surmonter : «L’hostilité et la méfiance sont compréhensibles au sortir d’un combat éprouvant. Mais un grand dirigeant se doit d’être à la fois visionnaire et pragmatique. Il doit savoir s’élever au dessus des ressentiments épidermiques pour expliquer à ses camarades de lutte et à ses compatriotes que les priorités ont changé et que certains ennemis farouches d’hier sont devenus à l’instant de la victoire des partenaires précieux en raison de leur proximité avec le centre économique et intellectuel de la planète et aussi parce qu’ils possèdent un savoir faire irremplaçable » (7)

Dans le même ordre justement,  Invictus le film de Clint Eastwood en 2010 résume aussi assez bien cela  En 1994, l’élection de Nelson Mandela consacre la fin de l’Apartheid, mais l’Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan racial et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune avec le capitaine de la modeste équipe de rugby sud-africaine. Leur pari : se présenter au Championnat du Monde 1995. qu’ils réussirent à gagner L’interprétation de Nelson Mandela par Morgan Freeman est excellente ! L’émotion est très présente et atteint son point culminant lors du match de finale on vibre complètement à l’unisson avec les joueurs et le public Le rugby servira de ciment social et contribuera aussi à une réconciliation des Sud-Africains… Il fallait être Nelson Mandela pour y croire !

Il en sera de même de Bourguiba le président tunisien qui mena plusieurs combats en ayant en tête un seul mot d’ordre le bonheur de la Tunisie. Il su, ainsi, garder les élites coloniales et faire en sorte que l’indépendance ne soit pas le signe de chaos. Ce visionnaire a su faire les réformes qui ont vu de nos jours la Tunisie de 2019  se tourner résolument vers un Etat de droit allant même jusqu’à confier un portefeuille ministériel à un tunisien de confession juive et pas n’importe quel ministère ! Celui du tourisme dont on sait qu’il prend une part importante du budget de fonctionnement

On l’aura compris, l’Algérie n’a pas eu son Mandela. A l’indépendance ce fut le chaos et l’Algérie eut toute les peines du monde à démarrer. La rentrée scolaire se fit en catastrophe avec les rares européens restés, les Algériens. C’est delà que le tournant vers l’approximation s’imposa.  S’agissant de l’éducation, le président Ben Bella fit appel à la coopération de nos « frères égyptiens, irakiens, syriens » Nous eûmes alors des cohortes de personnes qui n’avaient qu’un lien lointain avec l’enseignement. Nous eûmes aussi des coopérants des pays de l’Est qui enseignèrent dans le secondaire et le supérieur. Bref plus de vingt nations participaient chacune à sa façon à formater le cerveau de l’enfant algérien. Quand à l’industrialisation nous sommes partis pratiquement de zéro. Nous avons maladroitement détricoté ce qui aurait pu perdurer et rendre service au pays  sous le seul prétexte que c’est le colonialisme. La force a primé sur l’intelligence ! l’idéologie sur le réalisme. Le niveau  intellectuel des dirigeants étant globalement médiocre. Les rares élites compétentes ont été marginalisées !

La députée du FFS Salima Ghazali dans une lettre adressée au général major vice ministre de défense, revient sur les décisions du Congrès de la Soummam et en appel à s’inspirer dans l’Algérie actuelle « Si le Congrès de la Soummam, dont la majorité des congressistes étaient des « militaires », a éprouvé le besoin de préciser la primauté du politique sur le militaire, c’était pour prémunir la cause nationale des dérives intempestives que des soldats, certains valeureux sur le terrain de la guerre physique et des manœuvres tactiques mais limités politiquement et totalement incapables de saisir les enjeux stratégiques de la lutte, pouvaient occasionner pour des besoins de pouvoir personnel ou d’ambitions démesurées. (…) Voilà où nous a conduit le système. (…) Il ne reste, pour ceux que le sort du pays intéresse, qu’à reprendre les idéaux patriotiques là où ils ont été abandonnés en même temps que la Plate-forme de la Soummam et passer de manière ordonnée à la deuxième République. Ou se condamner à, tôt ou tard, repasser par la case 1er Novembre ». (8)

Conclusion

Pour construire le futur dans le cadre de cette deuxième république  que nous appelons de nos vœux et à défaut de revivre le passé, nous devons en tirer les leçons dans notre rapport au monde dans ce XXIe siècle de tous les dangers. Nous devrons procéder à une déconstruction sans état d’âme de tout ce qui n’a pas marché, tenir compte de l’environnement international en continuelle reconfiguration où les ennemis d’hier sont les amis d’aujourd’hui. 

La  citation de Winston Churchill parait tout à fait appropriée. Avec un projet de société rassembleur nous donnerons au bonheur du vivre ensemble une signification pérenne  et ce qui s’est passé depuis le 22 février concernant le potentiel de notre pays autorise toutes les espérances.  Le peuple algérien « vacciné »  contre les  « ismes » , socialisme de la mamelle,  islamisme, capitalisme sauvage, et plus généralement dirigisme, souhaite être acteur de son destin. 

Nous sommes prêts d’y réussir avec la bonne volonté de chacun  et la générosité de certains anciens dirigeants  qui peuvent par leur intégrité morale diriger cette  transition d’ici la fin de l’année qui permettrait l’élection du président et enfin l’avènement d’une deuxième république de nos rêves où la liberté,  la démocratie, l’alternance, seraient gravées dans le marbre de la future Constitution  Ne perdons pas de temps !

Professeur  Chems Eddine Chitour 

Ecole Polytechnique. Alger

 

Notes : 

1.https://www.huffpostmaghreb.com/2015/08/16/hocine-ait-ahmed-abane-ramdane-congres-soumam_n_7991990. html?utm_hp_ref=politique-algerie 

2.Le Congrès de la Soummam https://fr.wikipedia.org/wiki/Congr%C3%A8s_de _la_Soummam 20 aout 1956 

3. http://www.reflexiondz.net/CONGRES-DE-LA-SOUMMAM-DU-20-AOUT-1956-Emergence-d-une-Nation_a 30770.html 

4. Lettre du F.L.N. aux Européens d’Algérie ; Journal El Moudjahid janvier 1961 . 

5.Lettre du FLN aux Israélites. El Moudjahid . 1958 

6.R . Mahmoudi https://www.algerie patriotique.com/2017/01/19/document-le-message-du-fln-historique-qui-prouve-que-lalgerie-nest-pas-antisemite/ 
7. Amine Maalouf le naufrage des civilisations p49 2019 Editions Grasset Paris 

8.https://algerie7.com/lettre-politique-de-la-deputee-du-ffs-salima-ghezali-au-general-major-gaid-salah/ 

Article de référence : Chems Eddine Chitour http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5277094

 

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Guerre d’usure contre le Venezuela

mai 23rd, 2019 by Thierry Deronne

La guerre d’usure de Washington et ses alliées contre le Venezuela se poursuit. Elle prend de nouvelles formes où les médias internationaux, marchant main dans la main avec puissances impériales, font des mises en scène pour imposer un récit mensonger.

Thierrey Deronne, qui habite au Venezuela depuis 1994, décortique la méthode utilisée par Washington et ses alliées dans l’opposition vénézuélienne sous Guaido, qui, contrairement à l’mage que nous recevons, est extrêmement violente, cherchant toujours, devant les caméras bien placées, à se faire passer pour « le peuple » qui manifeste pacifiquement et que « le méchant régime » réprime. Rien n’est plus loin de la vérité, insiste-t-il.

Thierry Deronne, qui dirige le blogue Venezuelainfos (venezuelainfos.wordpress.com/, décrit aussi

1) les changements survenus au Venezuela grâce à la révolution bolivarienne dirigée par Hugo Chavez,

2) la nature de l’opposition qui est dominée par une extrême-droite suprémaciste et raciste (genre Trump et Bolsonaro),

3) les moyens utilisés par le peuple pour survivre les sanctions économiques de plus en plus dévastatrices imposées par Washington et

4) le remarquable solidarité du peuple vénézuélien à l’égard des dirigeants politiques et militaires.

 

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Quelques jours à peine après la menace du président Donald Trump de mettre fin « officiellement » à l’Iran, Washington a menacé la Syrie d’une nouvelle agression militaire sur la base d’accusations non fondées que Damas a utilisé des armes chimiques dans sa campagne contre les milices liées à Al-Qaeda dans la province d’Idlib, au nord-ouest du pays.

Ces nouvelles menaces furent proférées suite à des séances d’information en chaîne, à huis clos, sur la campagne de guerre contre l’Iran, organisées mardi pour des sénateurs et députés par le secrétaire d’État Mike Pompeo, le secrétaire à la Défense par intérim Patrick Shanahan et le général chef d’état-major des armées Joseph Dunford.

L’idée maîtresse de ces séances était de défendre le « renseignement », inventé de toutes pièces, de menaces de l’Iran contre les « intérêts américains » ou leurs alliés dans le golfe Persique et l’affirmation que le déploiement massif et agressif de l’armée américaine dans la région avait contrecarré de soi-disant plans de Téhéran.

Au milieu de ces séances de briefing, le Département d’État a affirmé dans un communiqué qu’il était en train de collecter des informations sur une soi-disant attaque au gaz chloré, le 19 mai à Idlib, menaçant en même temps que « les Etats-Unis et [leurs] alliés allaient réagir rapidement et de façon appropriée ».

Le communiqué du Département d’État dénonçait aussi une « campagne de désinformation continue du régime Assad et de la Russie pour créer le faux récit que d’autres devaient être tenus responsables des attaques à l’arme chimique menées par le régime Assad lui-même ».

Passage sans aucun doute ajouté en réponse à la fuite accablante d’un document, préparé par un enquêteur de haut rang de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), sur une attaque chimique présumée à Douma, une banlieue de Damas, en avril 2018, et ayant servi de prétexte au bombardement de la Syrie à l’aide de missiles.

L’analyse a démontré que les bouteilles de gaz trouvées sur le toit d’un immeuble d’appartements et tenues responsables de la mort de 49 personnes n’avaient pu être larguées par air, comme prétendu en en accusant le gouvernement syrien. Il avait fallu au contraire qu’on les y mette manuellement, ce qui indiquait la culpabilité des « rebelles » soutenus par l’Occident, qui ont monté l’attaque pour fournir le prétexte à une attaque américaine.

La fabrication par Washington et ses alliés en Syrie de nouveaux incidents impliquant des armes chimiques servirait de moyen pour poursuivre sur un autre front la campagne américaine contre l’Iran.

La menace lancée contre la Syrie suit le déploiement dans la région d’un groupe aéronaval dirigé par le porte-avions USS Abraham Lincoln, d’une escadre de bombardiers, comprenant des B-52 à capacité nucléaire et d’une batterie de missiles Patriot.

Ce groupe aéronaval s’est joint à une force opérationnelle de navires d’assaut amphibies transportant Marines, avions de guerre et péniches de débarquement, engagée dans une série de jeux de guerre hautement provocants près des côtes iraniennes. Ceux-ci visaient à « accroître notre létalité et notre agilité pour réagir aux menaces » a déclaré un commandant des forces navales.

Dans le même temps, le Pentagone a élaboré des plans de guerre prévoyant l’envoi de 120 000 soldats américains dans la région – un nombre similaire à celui déployé dans la région avant l’invasion de l’Irak – selon toute apparence en vue d’une guerre totale avec l’Iran

Ce déploiement militaire a une fois de plus poussé le Moyen-Orient au bord du gouffre. Pratiquement n’importe quel incident dans la région – réel ou fabriqué – peut y déclencher un épouvantable conflit militaire qui éclipserait le carnage provoqué par la guerre des États-Unis en Irak.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a averti mardi que Washington « jouait un jeu dangereux » avec son déploiement militaire dans le Golfe.

« Le fait d’avoir tous ces moyens militaires dans une petite voie navigable est en soi susceptible d’entraîner des accidents, surtout quand il y a des gens qui s’intéressent aux accidents. Il faut donc être extrêmement prudent et nous pensons que les Etats-Unis jouent un jeu très, très dangereux », a déclaré Zarif.

Sans aucune preuve, Washington a tenté de blâmer l’Iran pour le sabotage présumé de quatre navires, dont deux pétroliers saoudiens, au large des côtes des Émirats arabes unis (EAU) la semaine dernière ; et pour le tir d’une roquette Katyusha sur la ‘zone verte’ ultra fortifiée de Bagdad, tombée à environ 500 mètres de l’ambassade américaine.

Un groupe auparavant inconnu a revendiqué mardi la responsabilité du tir de roquette, affirmant qu’il s’agissait de représailles contre Trump pour avoir accordé une grâce totale à un ancien lieutenant de l’armée américaine condamné à 25 ans de prison pour l’exécution extrajudiciaire d’un prisonnier, Ali Mansur Mohamed, en Irak en 2008.

Un autre déclencheur potentiel d’une guerre à grande échelle est la guerre quasi génocidaire menée depuis quatre ans par les Saoudiens et soutenue par les États-Unis contre le Yémen, qui a tué environ 80 000 civils et en mené quelque 10 millions au bord de la famine.

Mardi, le mouvement rebelle houtiste qui contrôle la majeure partie du Yémen et la monarchie saoudienne ont signalé qu’un drone chargé d’explosifs lancé depuis le Yémen avait frappé un aéroport dans la région de Najran, au sud de l’Arabie saoudite. La chaîne de télévision houthiste al-Masirah a déclaré que l’attaque avait été lancée en représailles aux frappes aériennes saoudiennes qui sont la cause de la grande majorité des victimes civiles au Yémen.

Le régime saoudien a qualifié la frappe d’attaque contre une « cible civile » et les Houthis de « milices terroristes de l’Iran ». En réalité, l’aéroport est le site d’une base militaire d’où sont lancées des attaques contre le Yémen. Les troupes américaines y étaient précédemment stationnées pour soutenir la guerre criminelle des Saoudiens, mais un porte-parole du Pentagone a déclaré qu’aucunes ne s’y trouvaient au moment de la frappe.

L’affirmation que les Houthis sont des mandataires de Téhéran est manifestement fausse, bien qu’elle soit répétée sans cesse par Washington et Riyad.

Au milieu des menaces militaires provocatrices contre la Syrie et l’Iran, un groupe bipartite du Congrès comprenant les partis majoritaires de la Chambre et du Sénat a signé une lettre adressée au président Trump exigeant une politique encore plus agressive dans la région et en particulier en Syrie.

Cette lettre revenait à exiger que l’administration Trump maintienne une forte présence militaire en Syrie, intensifie la confrontation avec le gouvernement du président Bachar al-Assad ainsi qu’avec l’Iran et la Russie et soutiennne sans condition les attaques israéliennes contre ce pays.

Elle fut signée par près de 400 membres du Congrès dont des démocrates de premier plan de la Chambre et du Sénat. Elle fut publiée aux noms des députés Eliot Engel (démocrate) et Michael McCaul (républicain), le président et un membre important de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, et des sénateurs James Risch (republicain) et Bob Menendez (démocrate), le président et un membre dirigeant de la Commission des Relations étrangères du Sénat.

Tout en mentionnant brièvement la présence continue d’Al-Qaïda et du groupe État islamique en Syrie, la lettre se concentrait sur les accusations relatives au « comportement menaçant du régime iranien » et au « rôle déstabilisateur de la Russie » dans ce pays. Elle exigeait que l’administration « accroisse la pression sur l’Iran et la Russie pour ce qui est des activités en Syrie » afin de « mettre fin aux menaces croissantes contre les intérêts américains, Israël et la sécurité et la stabilité régionales ».

La lettre est une demande bipartite que l’administration Trump maintienne la présence des troupes américaines en Syrie, qui est officiellement de 2 000 hommes mais sans aucun doute bien plus élevée. Si en décembre dernier, Trump avait annoncé qu’il retirait toutes les forces américaines du pays, l’administration avait ensuite fait marche arrière et indiqué que plusieurs centaines de soldats resteraient dans le pays.

Quelles que soient les critiques des démocrates quant aux tweets imprudents de Trump, la lettre du Congrès ne fait que confirmer que la campagne de guerre contre l’Iran est l’aboutissement d’une politique bipartite menée depuis des décennies par des gouvernements successifs tant démocrates que républicains, pour affirmer, au prix de millions de vies, l’hégémonie militaire américaine sur le Golfe persique et ses vastes ressources énergétiques.

Bill Van Auken

 

Article original paru en anglais, WSWS, le 22 mai 2019

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COLOMBIE – Les assassinats de leaders sociaux s’intensifient

mai 23rd, 2019 by Pedro Santana Rodríguez

Le programme Nous sommes des défenseurs, une organisation non gouvernementale, qui recense les violences contre les leaders sociaux et les défenseurs des droits humains en Colombie, a présenté, au cours de la semaine, son rapport correspondant à l’année 2018. Selon ce rapport, au cours de l’année 2018, ont été assassinés 155 leaders sociaux et défenseurs des droits humains. Ce chiffre est supérieur de 46,2% à celui enregistré par cette même ONG pour l’année 2017 qui était de 106 homicides de responsables. Il est également supérieur à celui fourni par le Bureau du Haut Commissariat pour les droits humains en Colombie qui a enregistré pour cette même année 133 assassinats de leaders sociaux.

La plupart des assassinats ont été signalés dans des régions dans lesquelles l’État a été incapable de contrôler, de démanteler les organisations d’acteurs armés qui continuent à agir sur ces territoires. Le département du Cauca, qui a récemment été le lieu de la mobilisation de la Minga indienne, est le département qui a connu le plus grand nombre d’assassinats avec 28 cas, suivi par le département d’Antioquia où ont été enregistrés 24 assassinats. Dans le nord de Santander 15, Putumayo 13, Valle del Cauca 10 et Caquetá 10.

Des 155 assassinats, 63 étaient ceux de responsables communaux, 24 de chefs indiens, 24 de défenseurs de droits communautaires, 19 de dirigeants paysans, 7 de dirigeants syndicaux, 6 de chefs de communautés d’afro-descendants, 3 de défenseurs de victimes du conflit armé, 3 de défenseurs de restitutions de terres, 2 de responsables d’organisations environnementales et 1 de la communauté LGBT. À nouveau, la plupart des responsables assassinés étaient membres des Assemblées d’actions communautaires, les JAC [1], qui sont des organisations territoriales principalement de communautés paysannes et de communautés urbaines. Au cours de l’année 2017, avaient été assassinés 29 responsables de communautés. L’augmentation du nombre des responsables de communautés assassinés a été de 117%, souligne le rapport.

En ce qui concerne les auteurs des assassinats, le rapport indique que, dans 111 cas, ce qui équivaut à 73%, les présumés responsables sont inconnus, 16 cas ont été attribués à des groupes paramilitaires (10%), 12 ont été attribués à des dissidents des FARC (8%), 9 à l’ELN (5%) et 7 à la force publique (4%).

Le rapport signale qu’au cours de l’année 2018 ont eu lieu 805 agressions contre des leaders sociaux : menaces, attentats, disparitions, détentions, vols d’informations et assassinats. Ce qui a signifié un accroissement de 43,7% au regard des 560 agressions enregistrées pour l’année 2017. Ce qui signifie qu’en 2018 ont été agressées quotidiennement 2,2 personnes ; cela fait de cette année celle qui a connu le plus grand nombre d’agressions dans le pays. La défense de la terre et du territoire, la restitution des terres, l’encouragement aux programmes de substitution de cultures illicites, sont toujours les principales raisons pour lesquelles, dans ce pays, on assassine des femmes et des hommes leaders sociaux. Des 805 agressions 503 furent des menaces, 155 des assassinats, 34 des attentats, 19 des judiciarisations, 6 des vols d’information, 4 des détentions, et 4 des disparitions. De ces agressions 55% ont été perpétrées par des groupes de paramilitaires ; dans 33% des cas les responsables n’ont pas été identifiés, 5% sont attribuées à des dissidents des FARC et 4% à la force publique et 20% à l’Armée de libération nationale, ELN.

Le rapport indique qu’au cours des derniers mois de l’année, déjà sous la nouvelle administration du président Iván Duque Márquez, les agressions ont augmenté autant que les assassinats de leaders sociaux. Le rapport critique la nouvelle politique mise en œuvre par le gouvernement récemment nommé : c’est le Plan d’action opportune, PAO. La réalité est que c’est un plan insuffisant car il n’a pas pour but principal le démantèlement des groupes armés sur le territoire, la lutte structurelle contre le crime organisé et l’amélioration de la vie des communautés qui sont les principales situations qui alimentent le cycle de la violence sur les territoires. L’orientation du PAO est militariste, coercitive ; elle est à nouveau l’application de la politique de contrôle militaire du territoire, initiée par le gouvernement de Álvaro Uribe (2002-2010), selon la stratégie appliquée aux zones dénommées de consolidation et de contrôle du territoire, et qui a échoué. Le rapport signale également que c’est une erreur de subordonner la Commission nationale des garanties, issue des accords de La Havane, qui devrait avoir comme fonction centrale de formuler et assurer le suivi de la politique publique pour le démantèlement du crime organisé : cette commission a été mise sous le contrôle du PAO et a fait d’elle une instance consultative, sans fonctions clairement définies.

Les accords de La Havane, signés entre l’État colombien et les FARC-EP, envisageaient outre la Commission nationale des garanties, la création d’une Unité Spéciale pour le démembrement du paramilitarisme, dotée d’une autonomie, d’un budget et de son propre personnel. Le sinistre juge, le général Néstor Humberto Martínez, a œuvré pour mettre sous tutelle cette Unité et a intrigué pour restreindre son autonomie et son indépendance ; appuyé par les secteurs opposés aux accords de paix il a atteint son but. Cette Unité a été placée sous sa direction et, au terme de près de deux ans de fonctionnement, aucun objectif n’a été atteint. L’Unité est devenu un organisme qui cherche à lutter contre la vague croissante d’assassinats de leaders sociaux mais qui a abandonné sa mission d’ impulser, conjointement avec la Commission nationale de garanties, une politique publique de démantèlement des structures du paramilitarisme.

L’autre preuve du manque d’efficacité, dit le rapport, émane du Ministère de la justice. Bien que celui-ci prétende avoir atteint des niveaux historiques d’élucidations de crimes, ses annonces ne se traduisent pas dans la pratique. Le Ministère présente comme cas élucidés ceux pour lesquels les investigations sont en cours alors qu’une réelle élucidation implique qu’il y ait eu jugement. Le Ministère de la justice évoque des niveaux d’élucidations voisins de 50% des cas. Selon le rapport de Nous sommes des défenseurs ces niveaux n’ont pas dépassé les 10% des cas.

À l’augmentation préoccupante des assassinats de leaders sociaux il faut ajouter les assassinats et les agressions dont ont été victimes les ex-combattants des FARC-EP. Depuis la signature des accords, le 24 novembre 2016, le nombre d’assassinats d’anciens combattants s’élève à 129. Ce chiffre impressionnant a amené le Conseil de sécurité des Nations Unies à réclamer du Gouvernement colombien l’application de mesures qui remédient à cette dure réalité.

Comme le spécifie le rapport que nous détaillons, et que nous approuvons, le problème réside principalement dans l’absence d’une politique publique orientée vers la lutte et l’éradication des structures armées présentes sur les territoires, principalement sur les 242 territoires où les FARC étaient présentes. L’État, en dépit de nombre d’avertissements sur la nécessité de contrôler le territoire n’a rien fait. Actuellement, selon de récentes recherches de Paix et Réconciliation, sur 100 de ces territoires, des groupes paramilitaires, l’ELN, et des groupes de narcotrafiquants, se livrent une guerre ouverte pour la mainmise sur le territoire et c’est là qu’ont eu lieu 56% du total des assassinats de leaders sociaux enregistrés au cours de l’année 2018.

Mobilisation croissante pour la défense des leaders sociaux

Face aux agressions et aux assassinats des leaders sociaux la société civile a réagi. Le 6 juillet 2018, s’est tenue une veillée nationale pour protester contre les agressions et les assassinats de leaders sociaux qui a suscité une mobilisation massive, exigeant du Gouvernement national la mise en œuvre d’une politique publique de protection et de défense des leaders sociaux. Le 25 avril de cette année a été organisée une grande journée de mobilisation : un des points cruciaux des revendications est toujours l’exigence de politiques efficaces pour la protection des leaders sociaux, contre le Plan national de développement, que le Gouvernement de Yvan Duque a présenté sur avis du Congrès, pour la défense de la paix et pour que soient respectés les Accords de La Havane.

Du dimanche 28 avril au jeudi 2 mai, près de 3000 femmes et hommes leaders sociaux de tout le pays, principalement de ces territoires qui présentent les plus hauts niveaux d’agressions contre les leaders sociaux, organisent un campement-refuge humanitaire dans la ville de Bogotá. Le refuge humanitaire, selon ses organisateurs, cherche à donner de la visibilité à la situation qu’affrontent les leaders sociaux dans ces territoires affectés par la violence, s’efforce aussi d’attirer l’attention de la Communauté internationale et tente d’obtenir, pour le mardi 30 avril, une Audience publique au Congrès de la République où sera débattue la situation qu’endurent les responsables sur leurs territoires, où seront présentées également des initiatives de politiques publiques pour répondre à cette crise.

Ces mobilisations sont importantes pour exiger l’adoption de mesures de politiques publiques qui protègent les leaders sociaux et fassent cesser les agressions dont ils sont victimes. C’est une des tâches les plus urgentes pour avancer dans la construction de la paix en Colombie.

Pedro Santana Rodríguez

 

 

 

Source (espagnol) : Colombia: se incrementa el asesinato de líderes sociales, Revista Sur, 22 avril 2019.

Traduction française : Françoise Couëdel pour Alter Infos

Pedro Santana Rodríguez est directeur de la Revista Sur.

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Il y a vingt ans, le 24 mars 1999, commençait l’opération Force alliée – le bombardement par l’OTAN de la Yougoslavie, qui amena au démembrement du pays – et l’État indépendant du Kosovo était proclamé. Que ces événements se soient produits en même temps n’était pas une coïncidence. Qui organisa le démembrement de la Yougoslavie, et comment ?

De nos jours, bien peu se souviennent que les Bulgares trempaient dans la genèse de ces événements. Et les Bulgares eux-mêmes n’aiment pas trop y penser.

Début mars 1999, les services de renseignements bulgares déclaraient aux services de renseignements de l’Allemagne fédérale (le BND) qu’ils disposaient d’informations sur un projet confidentiel de l’État-Major yougoslave, sous le nom de code Opération Fer à cheval, d’exterminer/de déporter l’ensemble de la population albanaise du Kosovo et de Meohija à partir du 1er avril. Le BND transmit ces informations au ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, qui les considéra comme très sérieuses et appela immédiatement à une intervention militaire en Yougoslavie, à l’encontre de la position pacifiste du parti des Verts auquel il était pourtant affilié.

Mais ce que les Bulgares détenaient, en réalité, était une carte du Kosovo et de Metohija révélant les positions des unités du 52ème corps de Pristina de la Troisième armée yougoslave, ainsi que d’unités de police. Visuellement, on pouvait assimiler la position de ces forces à un fer à cheval. Mais personne ne prit un instant pour réfléchir à ce que le titre du document contenait le mot « potkova », mot que l’on trouve uniquement en langues bulgare et croate, et qui se traduit « potkovica » en langue serbe. Comme c’est l’Allemagne qui constitua le principal promoteur de l’agression contre la Yougoslavie, les Allemands utilisèrent ce document comme principale raison justifiant une campagne de bombardement, et le nom du « document » qui fut repris resta le terme allemand « Hufeisenplan ».

Carte du Kosovo

Il fallut qu’environ dix années s’écoulent avant que la députée européenne Nadezhda Neynsky (Mihaylova), ministre des affaires étrangères de la Bulgarie au moment des faits, en 1999, ne clarifie une chose : les services de renseignements bulgares avaient prévenu les Allemands que les informations de ce « projet » n’avaient pas été complètement vérifiées.

Mais l’OTAN avait établi une présence au Kosovo bien avant le printemps 1999. Un cessez-le-feu promu par l’OTAN dans la région avait été signé le 15 octobre 1998, qui prévoyait que les soldats yougoslaves regagnent leurs casernes d’affectation permanentes. La surveillance du cesser-le-feu avait été confiée à l’OTAN. Dans le cadre de l’Opération Œil d’aigle, des diplomates de l’OTAN et des experts militaires étaient présents au Kosovo pour garder la situation sous surveillance. L’OTAN était donc parfaitement au fait des positions de l’armée yougoslave au Kosovo et à Metohija, et n’avait nul besoin d’« informations vérifiées » des services de renseignement bulgares pour disposer de ces informations.

En approchant de la fin 1998, l’Armée de libération du Kosovo (ALK), un groupe terroriste albanais du Kosovo, était en passe d’être défaite, mais les Albanais se sentirent protégés par l’OTAN et poursuivirent le combat. Le cesser-le-feu s’effondra, et les militants albanais attaquèrent des patrouilles de police et des villages serbes. Au tournant de l’année 1999, l’ALK avait intensifié ses activités terroristes et la situation dans la région était devenue très difficile. L’armée yougoslave fut forcée de reprendre ses opérations anti-terroristes, sachant que cela ne plairait pas à l’OTAN.

En janvier 1999, des combats eurent lieu pour la prise du village de Račak, que l’ALK avait transformé en place forte, comportant des tranchées, des bunkers souterrains, et des nids de mitrailleuses. On ne connaît pas avec certitude le nombre d’Albanais tués à Račak. L’ALK et ses soutiens à Washington affirment qu’on compta des pertes au sein de la population locale. Pourtant, l’enquête médico-légale révéla que tous les morts avaient des traces de poudre sur les mains, et l’état des vêtements qu’ils portaient ne correspondait pas aux plaies ou aux blessures qu’ils avaient reçues.

Mais le diplomate étasunien William Walker, ainsi que son conseiller militaire, le général anglais John Drewienkiewicz, après avoir parlé avec les commandants des opérations de terrain de l’ALK, affirmèrent que les soldats serbes avaient massacré des femmes et des enfants à Račak. Plus tard, le tribunal de la Haie se vit contraint de retirer l’« incident de Račak » de la liste d’accusations portées contre Slobodan Milošević, par manque de preuve. En 1999, pourtant, Walker et Drewienkiewicz se montraient catégoriques.

Le diplomate étasunien William Walker, dont les déclarations d’un massacre à Račak préparèrent la voie à la campagne de bombardement de l’OTAN au Kosovo en 1999, en visite dans le village, pour le 19ème anniversaire du massacre. Au Kosovo, il est considéré comme un héros.

En fin de compte, William Walker a tenu un rôle clé dans le modelage de l’opinion publique des pays anglophones. Il affirma jusqu’à la fin avoir vu de ses propres yeux des corps décapités de femmes, d’enfants et d’« hommes âgés, aux cheveux blancs », même quand cela fut complètement réfuté, y compris par les experts occidentaux. En fait, ce sont les affirmations de William Walker qui décidèrent en fin de compte l’OTAN et surtout les USA d’opter pour une action militaire contre la Yougoslavie, et le plan « Potkova » livré par les Bulgares tomba juste au bon moment.

En février 1999, des discussions furent menées au Château de Rambouillet, en région parisienne, entre le gouvernement serbe et les Albanais kosovares, sous les auspices du Groupe de contact (l’OTAN + la Russie). Cette conférence déboucha sur un échec total.

Les représentants de l’OTAN déclarèrent reconnaître le Kosovo comme province autonome de la Serbie, mais appelèrent à ce qui suit : toutes les unités de l’armée yougoslave devaient se retirer du Kosovo ; une force de 30000 soldats de l’OTAN devait être déployée au Kosovo ; les soldats de l’OTAN devaient se voir octroyés un droit de passage illimité en territoire yougoslave ; l’immunité était exigée pour l’OTAN et ses agents par rapport aux lois yougoslaves.

Il s’agissait donc de conditions très discutables définissant une occupation militaire de la Yougoslavie, et une perte totale de sa souveraineté. La Yougoslavie et la Russie refusèrent en conséquence de signer cet « accord ».

Le 23 mars 1999, Belgrade accepta de reconnaître la partie politique des propositions de l’OTAN (l’autonomie du Kosovo), mais refusa de nouveau catégoriquement de laisser les soldats de l’OTAN pénétrer son territoire, et de retirer ses propres soldats hors du Kosovo.

Le 24 mars 1999, le secrétaire général de l’OTAN, Javier Solana, ordonna au général étasunien Wesley Clark, commandant des forces armées de l’OTAN en Europe, de lancer une attaque contre la Yougoslavie. Ce soir-là, l’ensemble du territoire de la Yougoslavie, y compris les villes principales (Belgrade, Pristina, Podgorica, Novi Sad, Kragujevac, et Pančevo), subit des frappes aériennes. Au cours de cette nuit, le vaisseau de guerre étasunien USS Gonzalez lança 18 missiles de croisière Tomahawk sur la ville de Niš.

Dès le commencement de l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie, le décalage fut flagrant entre les objectifs énoncés de l’intervention, et la réalité des opérations menées sur le terrain. Au départ, l’OTAN avait estimé qu’il faudrait deux à trois jours pour « mettre un terme au génocide de la population albanaise au Kosovo » en attaquant les infrastructures militaires yougoslaves situées au sud du 44ème parallèle. Il était prévu, si les dirigeants yougoslaves poursuivaient leur résistance, de poursuivre l’attaque de cibles au sud du 44ème parallèle jusqu’à une durée d’une semaine. Et si Belgrade continuait de refuser de faire des concessions, l’ensemble du pays serait alors ciblé, y compris sa capitale.

Mais dans les fais, la Yougoslavie toute entière, y compris Belgrade, Novi Sad et Podgorica, fut attaquée dans les heures qui suivirent le lancement de l’opération. Et loin de se restreindre à deux ou trois jours comme annoncé, les frappes aériennes s’étalèrent sur une période de deux mois et demi.

Le projet se refusait catégoriquement à intervenir de manière terrestre. Une confrontation directe avec l’armée yougoslave sur le terrain était considérée comme inacceptable, car il aurait fallu prévoir des pertes, ainsi qu’une possible escalade du conflit vers une guerre prolongée, au vue de la nature des mentalités serbes et monténégrines, et de la résistance de ces peuples aux agressions externes.

Au cours des mois d’avril et de mai 1999, les frappes aériennes se poursuivirent donc sans relâche. Chaque pont qui enjambait le Danube fut détruit, pas moins de 80% du potentiel industriel de la Yougoslavie fut anéanti, et l’ensemble des tours de télévision et de télécommunication se virent délibérément réduites à l’état de ruines. Cependant, la première frappe ciblant les quartiers de l’État Major à Belgrade ne fut lancée que le 30 avril (trois officiers furent tués, et une quarantaine furent blessés). Les Étasuniens bombardèrent l’ambassade de Chine à Belgrade, estimant qu’elle hébergeait des appareillages radar que les Chinois exploitaient en partageant les informations avec les défenses aériennes serbes. Les diplomates chinois et le personnel de l’ambassade furent tués lors de cette attaque.

Un train civil serbe, bombardé par l’aviation de l’OTAN sur le pont de Grdelica le 12 avril 1999. Au moins 15 passagers y périrent brûlés vifs.

Le 12 avril 1999, un chasseur F-15 étasunien attaqua un pont de chemin de fer sur la rivière de Morava méridionale, dans la gorge de Grdelica, et détruisit un train de passagers reliant Belgrade à Athènes. Des dizaines de personnes furent tuées ; de certaines d’entre elles, on ne retrouva que des fragments de corps impossibles à identifier. Le général étasunien Wesley Clark et Javier Solana, secrétaire général de l’OTAN essayèrent de défendre le pilote de l’avion. Les anglais attaquèrent la ville de Niš avec des bombes à sous-munitions – une arme interdite, conçue pour détruire les effectifs ennemis. Ces bombes frappèrent un hôpital ainsi qu’un marché très fréquenté.

Le 4 juin 1999, le président yougoslave Slobodan Milošević accepta un accord de paix. Le 12 juin, les troupes de l’OTAN entraient de Macédoine au Kosovo. Le 20 juin, le 52ème corps de Pristina de l’armée yougoslave quittait le Kosovo.

Plusieurs milliers d’attaques de missiles et de bombes furent menées sur la Yougoslavie au cours de l’agression de l’OTAN. Plusieurs dizaines de milliers de bombes et de missiles furent lâchés, totalisant plus de 22 000 tonnes. Des centaines d’installations industrielles, de dépôts de pétrole, de centrales électriques, et d’infrastructures, ainsi que des centaines de ponts routiers et ferrés furent détruits ou gravement endommagés. De nombreux monuments historiques et sites architecturaux remarquables furent détruits, ainsi que des centaines d’écoles, d’universités, de bibliothèques, et plus de 20 hôpitaux. Presque 40 000 foyers furent rasés ou gravement endommagés.

Plusieurs milliers de personnes périrent sous les bombardements, parmi lesquelles des centaines d’enfants. Les dégâts matériels s’élevèrent à 103 milliards de dollars.

Pourquoi une « intervention humanitaire » visant à « empêcher le génocide des Albanais du Kosovo » engendra-t-elle l’effondrement complet et le démembrement de la Yougoslavie ?

Monument commémoratif dédié aux enfants tués par les bombardements de 1999 par l’OTAN en Yougoslavie, à Belgrade, en Serbie.

L’agression de l’OTAN de 1999 constitua en réalité la dernière étape de la solution occidentale à une mission politique d’importance – la destruction de la Yougoslavie. Après la chute du bloc soviétique, Washington et ses alliés estimèrent qu’il n’était pas acceptable qu’elle reste un pays d’Europe en mesure de mener des politiques indépendantes et de défendre ses propres intérêts.

L’aspect cruel, le sang froid, et l’inhumanité qui marquèrent cette opération étaient destinés à montrer au monde ce à quoi s’exposent ceux qui ont le courage de s’opposer à la « démocratie occidentale ». Les dirigeants politiques et militaires yougoslaves comptèrent parmi les premiers à subir les techniques de Guerre hybride, et ce qui est de nos jours souvent qualifié de « fake news ».

 

 

Article original en anglais : Who Orchestrated The Breakup Of Yugoslavia And How?, Oriental Review, le 2 avril 2019

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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A propos du coup d’Etat soutenu par les Etats-Unis et qui a échoué au Venezuela le 30 avril, Uri Friedman de The Atlantic (5/1/19) se réfère à la branche vénézuélienne du putsch comme le “mouvement pro-démocratie de (Juan) Guaidó.” La contradiction logique ne peut surgir plus clairement: Friedman transforme d’un coup de baguette magique une force politique qui veut renverser militairement le gouvernement élu du Venezuela, en un “mouvement pro-démocratie.”

Le mandat de l’actuel gouvernement du Venezuela a commencé avec la victoire électorale de Nicolas Maduro le 20 mai 2018, lors d’un scrutin observé par plus de 150 membres de la Mission Internationale d’Observateurs Électoraux. Dans leur rapport commun, les observateurs ont déclaré à propos de l’agence chargée d’organiser le processus électoral du pays que “la fiabilité et l’indépendance technique et professionnelle du Conseil National Électoral (CNE) du Venezuela sont incontestables.” Le Conseil des Experts Électoraux d’Amérique Latine (CEELA), un des organismes qui participait à cette mission d’observation, a aussi rendu son rapport : “les résultats communiqués par le Conseil National Électoral reflètent la volonté des électeurs qui ont décidé de participer au processus électoral.

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Un sous-titre du Wall Street Journal (5/1/19) se réfère aux acolytes du président autoproclamé Juan Guaidó commec“forces démocratiques.”

Le Wall Street Journal (5/1/19) a usé du même subterfuge, en écrivant que “les leaders démocratiques du Venezuela ont lancé une révolte contre le dictateur soutenu par Cuba Nicolas Maduro.” Dans l’univers du Wall Street Journal, Maduro est un “dictateur” alors qu’il gouverne un pays où un corps législatif est contrôlé par l’opposition, où en octobre 2017 l’opposition a remporté cinq postes de gouverneurs, ou a été jusqu’ici laissé en liberté un politicien faisant de l’agitation en faveur d’un putsch militaire en collaboration ouverte avec des pouvoirs étrangères hostiles, revendiquant ouvertement la possibilité de soutenir une intervention états-unienne, organisant une réunion avec le Commandement Sud du Pentagone dans ce but, et appuyant les sanctions qui détruisent l’économie du pays et ont fait 40 mille victimes.

Imaginons ce que feraient les Etats-Unis si, par exemple, quelqu’un agissant de concert avec l’Iran ou la Chine déployait la même énergie pour renverser le gouvernement états-unien. L’analogie n’est pas exacte au sens où l’Iran et la Chine n’ont pas la même histoire de domination cruelle de la région où se situent les Etats-Unis, mais ce point mérite d’être soulevé.

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L’image de Juan Guaidó projetée par The Atlantic (5/1/19). (Photo: Fernando Llano/AP)

Pour le Wall Street Journal, “les leaders démocratiques du Venezuela” sont ceux qui ont boycotté les élections au Venezuela, affirmant qu’elles n’étaient pas légitimes et ont ensuite renoncé à interjeter appel auprès du Conseil National Électoral(CNE). Sans doute pour ce média est-il difficile d’imaginer une pratique plus démocratique que celle d’un Guaidó qui, au lieu de participer à l’élection présidentielle, préfère s’autoproclamer président, alors même que 80 % des vénézuéliens n’avaient jamais entendu parler de lui. Selon l’historien Tony Wood (London Review of Books2/21/19):

Maduro a remporté l’élection avec 68 % des suffrages, et avec une participation de 46 % de l’électorat – un chiffre plus ou moins semblable au niveau démocratique des Etats-Unis mais bas pour les standards vénézuéliens.

Le discours de Guaidó sur le pouvoir consiste à dire que “ce vote n’était pas valide”, et que non seulement Maduro n’est pas le président légitime mais que selon la Loi de Transition promulguée par l’opposition, il n’y a pas de président au Venezuela. L’article 233 de la Constitution vénézuélienne de 1999 clarifie pourtant les circonstances dans lesquelles un président peut être remplacé: décès, démission, destitution par la Cour Suprême, incapacité physique ou mentale, ou abandon de poste. L’Assemblée Nationale a un rôle de supervision dans chacune de ces situations mais nulle part la Constitution ne dit que la législature peut réclamer le pouvoir exécutif pour elle-même. C’est pourquoi l’opposition recourt à l’article 333, une disposition qui exhorte les citoyens à aider à rétablir l’ordre constitutionnel au cas où il était dérogé par un coup de force. En d’autres termes l’opposition affirme que la constitution n’est plus d’application sauf en vertu de l’”état d’exception” qui résulterait d’une situation violente. Et ce serait l’Assemblée Nationale qui la remettrait en pratique dès que Maduro — baptisé ici “usurpateur” — aurait été chassé du pouvoir. Autre détail significatif: l’article 233 exige de tenir de nouvelles élections dans les 30 jours, alors que la “Loi de transition” promulguée par l’opposition ne prévoit pas un tel engagement.

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Dans son blog DemocracyPost blog, le Washington Post(2/26/19) a publié un article qui se réfère à l’autoproclamé président comme faisant partie d’un “mouvement pro-démocratique.”

Difficile de concevoir de telles actions comme “démocratiques” vu la trajectoire de ceux que le Wall Street Journal baptise “leaders démocratiques du Venezuela.”

En février, le Washington Post (2/26/19) a publié un article sous-titré “Comment le mouvement pro-démocratique du Venezuela a tiré les enseignements de ses erreurs passées.” Il écrit:

depuis le 5 janvier, lorsque Juan Guaidó a assumé la présidence de l’Assemblée Nationale, lui et ses membres ont utilisé le “Cabildo Abierto” (assemblées ouvertes urbaines) pour motiver les communautés, leur communiquer un message d’inclusion pour cette nouvelle étape du mouvement pro-démocratique…. De nombreuses personnes du mouvement pro-démocratique expliquent que la discipline de la non-violence est la clé du succès. Guaidó, ainsi que d’autres leaders politiques et organisations de la société civile, a constamment rappelé que le combat doit convaincre pacifiquement.

Ce média caractérise lui aussi Guaidó comme membre d’un “mouvement pro-démocratie.” Une définition pour le moins téméraire quand on se rappelle que le mouvement de Guaido a rejeté les offres de médiation du Mexique et du Vatican, a préféré planifier l’intervention extérieure avec les Etats-Unis, qui a généré la violence et la pauvreté à grande échelle dans la région et qui, selon l’étude menée par deux économistes états-uniens, a tué un nombre estimé à plus de 40.000 vénézuéliens entre 2017 et 2018, dans son objectif d’empêcher la récupération économique du Venezuela.

Il y a plus absurde encore: les attaques contre le Venezuela sont présentées par certains médias comme des élans de démocratie. Nicholas Kristof du New York Times (2/6/19) a décrit un des pays impliqués dans cette agression, le Canada, comme un “leader moral” de quelque chose appelé “le monde libre.” Visiblement Kristof ne considère pas comme suffisant d’avoir écrit le même article deux années auparavant, presque jour pour jour (2/4/17), sous le titre “Canada, leader du monde libre.” Dans la version plus récente, l’argument de Kristof ne s’appuie pas seulement sur des questions d’une grande importance historique telles que les “loi de sécurité du trafic”, mais aussi sur le Venezuela:

Trump fait les manchettes avec ses menaces périodiques d’envahir le Venezuela pour renverser le président Nicolás Maduro, mais le Canada travaille discrètement depuis 2017 à organiser le “Groupe de Lima” dont les 14 pays réclament la démocratie au Venezuela. Lorsque le Canada a reconnu le chef de l’opposition Juan Guaidó comme président intérimaire, il a gagné en crédibilité parce que personne ne voit Ottawa comme un conspirateur impérialiste.

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NACLA (3/7/19) a souligné que la Colombie, un membre du Groupe de Lima, est numéro un dans le monde en ce qui concerne les assassinats de défenseurs des droits humains.

Kristof a perdu de vue le fait que le « leadership moral » du Canada et son statut de membre du  » monde libre « , quel qu’il soit, se sont révélés illusoires à peine un mois plus tôt, lorsque des policiers canadiens bardés d’équipements militaires d’assaut ont envahi Unist’ot’en, un territoire autochtone dont les habitants n’ont jamais cédé le contrôle des terres au Canada dans aucun traité, et ont arrêté 14 personnes ayant établi un barrage pour protéger leur territoire de la construction d’un pipeline de gaz naturel. Loin de son “personne ne voit Ottawa comme un conspirateur impérialiste de nombreux chercheurs ont démontré que le Canada est une puissance impérialiste à part entière, notamment en tant que force d’oppression et d’exploitation dans des pays de la même région que le Venezuela, tels que le Honduras et Haïti.

Kristof, pourtant, tient pour acquis que le “Groupe de Lima” soutient la démocratie au Venezuela, alors que ses membres ont subverti la démocratie dans d’autres régions d’Amérique Latine et des Caraïbes. On trouve dans ce groupe un pays comme la Colombie, qui selon NACLA (3/7/19),

possède le nombre le plus élevé d’assassinats de défenseurs des droits humains au monde. Rien que dans les 15 premiers jours de janvier 2019, neuf leaders de mouvements sociaux ont été tués.

Le Honduras est lui aussi membre du “Groupe de Lima”. Après son simulacre électoral en novembre 2017, son gouvernement “a usé de force excessive pour éliminer la vague de manifestations qui a suivi” (Amnesty International, 6/13/18), arrêtant des centaines de personnes et leur refusant le droit à un procès juste dans de nombreux cas. Les pays du “Groupe de Lima” violent les principes démocratiques chez eux, mais Kristof nous assure qu’ils “défendent la démocratie au Venezuela.”

Plus précisément, la dissonance cognitive réside dans le fait de décrire un groupe de puissances extérieures comme le “Groupe de Lima”, qui n’a été élu par personne et qui n’est pas responsable devant les vénézuéliens, comme « promoteur de la démocratie au Venezuela« . Dans le monde selon Kristof, le fait qu’un organisme non démocratique puisse chasser le gouvernement élu du Venezuela en violation du droit international, impliquerait magiquement le succès de la démocratie.

Mais l’article sans doute le plus ridicule sur ce thème est venu de la rédactrice de TownHall.com Katie Pavlich, qui écrit dans The Hill (4/30/19) pour nous assurer que Maduro:

a été en mesure de se maintenir au pouvoir tout au long de ces années d’ »élections » frauduleuses dans le pays, parce qu’il est soutenu par la Russie, la Chine, l’Iran et personnellement protégé par les gangs cubains. Guaidó est soutenu par ses alliés américains, le Brésil, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Espagne, Israël, le Canada et d’autres. Pour le seul bien de la démocratie, le choix est évident.

L’autrice poursuit:

Les États-Unis et une grande partie de la communauté mondiale pro-démocratie ont soutenu Guaidó, mais les graves ennemis qui cherchent à prendre pied dans l’hémisphère ne renoncent pas à soutenir Maduro. Ce qui se passe maintenant est décisif pour déterminer un avenir libre ou tyrannique pour le pays.

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Le président fasciste Jair Bolsonaro du Brésil, un autre membre de « la communauté mondiale pro-démocratie ». (cc photo : Marcelo Camargo/Agência Brasil)

Sans doute faut-il comprendre que les pays qui résistent aux inexistants “gangs cubains” et qui soutiennent Guaidó, énumérés au premier paragraphe de cet essai d’école secondaire, sont ceux que Pavlich considère comme la “communauté globale pro-démocratique” – une liste qui inclut le Brésil, autre combattant de la liberté de ce “Groupe de Lima”, gouverné par un fasciste qui ne doit son élection qu’au fait que le leader le plus populaire avait été fait prisonnier politique, Israël, qui gouverne près de 5 millions de palestiniens privés du droit de voter sur qui ou sur comment on les dirige; l’état colonial canadien qui opprime les peuples indigènes comme les États-Unis le font avec les afro-américains; et les États-unis eux-mêmes qui emprisonnent les gens en nombres plus élevés que dans n’importe quel autre pays, et constituent moins une démocratie qu’une oligarchie.

A chaque fois, Guaidó et ses partisans ont pris des mesures qui n’ont rien à voir avec la démocratie mais tout à voir avec ce qu’Oscar Guardiola-Rivera (Independent5/1/19), qui enseigne les droits humains et la philosophie à l’Université de Londres, a justement appelé « une intervention étrangère suprémaciste blanche« . Le fait que les grands médias tentent de les dépeindre comme un « mouvement pro-démocratie » est à la fois une tragédie et une farce.

Gregory Shupak

Source : Distorting ‘Democracy’ in Venezuela Coverage, Fair, le 10 mai 2019

Traduit de l’anglais par Thierry Deronne, Venezuela Infos

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