Bruxelles, capitale du lobbying européen (3/3)

mars 13th, 2019 by René Naba

1 – Bruxelles, capitale du lobbying européen, plateforme majeure du lobby juif pour l’ensemble européen

Bruxelles, capitale politique de l’Union Européenne, est également la capitale du lobbying européen, en une reproduction miniature de l’industrie du lobbying américaine, la plateforme majeure du lobby juif pour l’ensemble des 27 pays membres de l’Union Européenne. Un phénomène d’attraction identique à celui qu’exerce auprès des ONG, Genève, le siège européen des Nations Unies.

A Genève, la cité-état helvétique accueille le siège du Conseil des Droits de l’Homme, le Palais des Nations Unies, siège de la défunte «Société des Nations», le précurseur de l’ONU, un grand nombre de sièges d’agences internationales directement liées à l’ONU, de même qu’elle abrite quelques grandes et petites ONG: 13.500 sont enregistrées mondialement à l’EcoSoc à New-York (États Unis) et 13.000 Fondations en Suisse, accréditant l’idée d’une industrie florissante.

Pour aller plus loin sur ce sujet https://www.madaniya.info/2018/03/01/geneve-l-ong-une-industrie-florissante/

La proportion est sensiblement identique à Bruxelles: Présents à tous les échelons de la prise de décision de l’Union européenne, les lobbyistes seraient entre 15.000 et 30000 à Bruxelles, soit l’équivalent des effectifs du Ministère français des affaires étrangères. Les plus grandes entreprises françaises comme EDF, Engie ou Total, consacrent jusqu’à 2 millions d’euros par an en rencontres, plaidoyers et conférences pour influencer commissaires, fonctionnaires et élus européens.

Premier échelon du processus législatif européen, la Commission européenne est la cible privilégiée des lobbyistes. Dernier exemple en date: les «Monsanto Papers» ont révélé que des passages entiers de textes de la Commission européenne étaient copiés sur les argumentaires de la firme américaine pour prouver la non-dangerosité du glyphosate.

Plus de 10.000 organisations sont enregistrées dans la capitale belge auprès des institutions européennes sur le registre officiel des lobbys de l’Union européenne. Environ un millier sont françaises. Parmi elles, quelques ONG, mais surtout des grandes entreprises, des associations industrielles et des cabinets de consultants. Tous œuvrent pour faire prévaloir leurs intérêts auprès des décideurs européens.

Le phénomène des «portes tournantes» -autrement dit des allées et venues entre Commission et secteur privé- la version française du pantouflage, est régulièrement dénoncé par les ONG bruxelloises.

Au-delà des cas emblématiques des anciens commissaires européens comme Manuel Barroso passé chez Goldman Sachs ou Connie Hedegaard chez Volkswagen[, le phénomène concerne tous les échelons hiérarchiques de la Commission, et expliquerait en grande partie sa réceptivité aux arguments des lobbys.
Dans le grand jeu du lobbying auprès des institutions européennes, les multinationales bénéficient ainsi d’un rapport de forces favorable non seulement par rapport aux ONG et aux syndicats, mais aussi par rapport à leur concurrentes plus petites et moins internationalisées.

Ainsi, les trois entreprises françaises qui dépensent le plus pour défendre leurs intérêts auprès de la Commission sont toutes issues du secteur de l’énergie. EDF et Engie ont respectivement 14 et 13 lobbyistes «maison» enregistrés à Bruxelles, et déboursent chacune plus de 2,25 millions d’euros de frais de lobbying auprès des institutions européennes. Le pétrolier Total qui emploie six lobbyistes permanents, a dépensé, lui, plus de 2,5 millions d’euros de frais de lobbying auprès des institutions européennes en 2015.

2 – La Belgique dans la 2 ème Guerre mondiale

Contrairement à la France qui a capitulé et collaboré avec l’Allemagne nazie, devant fut sous Vichy l’antichambre des camps de la mort, la Belgique a proclamé sa neutralité durant la 2me guerre mondiale. A la suite de sa reddition, le Roi Léopold, assigné à résidence à son château, a rejeté la coopération avec les Nazis et refusé d’administrer la Belgique selon leurs préceptes, favorisant le départ vers Paris puis Londres du gouvernement belge. En dépit de cette désobéissance passive, le Roi Leopold sera néanmoins destitué à la fin de la guerre et remplacé par son fils Baudouin

3- La communauté juive de Belgique: Les diamantaires d’Anvers et Nathan Wienstock.

La communauté juive de Belgique, au nombre de 40.000 membres, obéit au même maillage que les autres communautés juives du monde occidental, selon le déploiement suivant de ses principales articulations: Fondation Auschwitz, Fondation de la mémoire contemporaine, Kazerne Dossin (Memorial Museum and Documentation Center on the Holocauts and Human Rights), Musée juif de Belgique, l’Instituut voor Joodse Studies-Universiteit Antwerpen, le Centre d’études et de documentation Genre et Sociétés contemporaines…

En superposition aux synagogues et organismes de prévoyance sociale: Consistoire central israélite de Belgique, Cercle Ben Gourion, Radio Judaica, Forum Der Joodse Organsaties, Centre communautaire laîc de Bruxelles, Union des progressistes juifs de Belgique et Comité de coordination des organisations juives de Belgique, l’équivalent belge du CRIF français.
Malgré sa faible importance numérique, la communauté juive de Belgique n’en dispose pas moins d’un important levier d’influence, la place forte de ses diamantaires à Anvers.

Environ 80 pour cent de la population juive d’Anvers vit de l’industrie du Diamant, et plus de la moitié de la production mondiale transite par ce quartier, situé à proximité de la gare centrale. Les centres diamantaires servent aussi de lieux de réunion, où tous les sujets communautaires, culturels politiques, d’intérêt juifs y sont abordés. Toutefois ce monopole est en voie de passer sous contrôle des Indiens qui contrôlent dejà près de 80 pour cent du commerce des pierres précieuses.

Autre levier d’influence, «l’Institut d’études du judaïsme à l’Université Libre de Bruxelles», dont l’un de ses plus célèbres pensionnaires n’est autre NATHAN WEINSTOCK, notoire pour son engagement antisioniste et pour le revirement qui s’est ensuivi. Issu de la gauche israélienne, membre du parti Matzpen, Nathan Weinstock est l’auteur, en 1969, d’un retentissant ouvrage «Le sionisme contre Israël» qui demeure à ce jour la réfutation la plus documentée, la plus argumentée, la plus systématique du projet sioniste.

Il récidivera en 1970 avec un autre ouvrage «Le Mouvement révolutionnaire arabe», deux titres qui deviendront des classiques antisionistes; cet historien né en Belgique reniera cependant ses engagements de jeunesse, à l’instar de la journaliste du Figaro, Annie Krigel, qui passera de l’ultracommunisme à l’ultrasionisme sans le moindre sas de décompression, de son neveu Alexandre Adler, du philosophe français André Glusckman, du secrétaire de Jean Paul Sartre, Benny Lévy et de Romain Goupil, toute cette gauche mutante, le plus important vivier du néo conservatisme pro israélien de l’époque contemporaine.

En dépit de son parcours erratique, cet historien, né en Belgique, spécialiste de la criminologie demeure pour bon nombre d’observateurs une référence intellectuelle, dont la parole fait infiniment plus d’autorité que les saltimbanques médiatiques du calibre de Bernard Henry Lévy.
Une prise de guerre inestimable pour le camp pro israélien qui lui confère la puissance d’un lobby à lui tout seul.

Pour aller plus loin sur la communauté juive de Belgique, ce lien
https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-1963-41-page-1.htmL

4- Les électrons libres du lobbying pro atlantiste et pro israélien:

A – Le Conseil Européen des Relations Extérieures- European Councli of Foreign Relations European Council (ECFR)

Le Conseil Européen des Relations Extérieures est une structure européenne qui se déclare officiellement indépendante, mais qui fait office en fait de relai de la pensée stratégique de la doxa atlantiste. Sa composition dispense d’ailleurs de tout commentaire:

Georges Soros, un des cosmocrates les plus en vue de la finance internationale qui se targue de philantropie en guise de couverture médiatique, de même que son alter ego français Alain Minc, un serial plagiaire, condamné à deux reprises pour son emprunt massif au travail du philosophe Patrick Rodel sur Spinoza, en 1999, puis pour un emprunt de 47 pages au livre de Pascale Froment sur René Bousquet.

Parmi les membres du CERE-ECFR figurent Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères et Dominique Strauss Khan, deux des artisans français de la déconstruction de la politique arabe de la France, Jean-David Levitte, ancien Sherpa du Président Nicolas Sarkozy lui aussi impliqué par la politique de «désarabisation du Quai», ainsi que Pierre Moscovici, Commissaire européen, successeur de son ami Jérôme Cahuzac au ministère français de l’économie; Dana Pinto, historienne spécialiste des «espaces juifs», enfin «les demoiselles de Bilderberg», l’inévitable trio journalistique chargé du service après vente de la commercialisation médiatique de la production du centre: Christine Ockrent, épouse Bernard Kouchner, Sylvie Kauffmann, Directrice éditoriale du journal Le Monde et Bassma Kodmani, supplétive du pouvoir français au sein de l’opposition off shore syrienne dans la guerre de destruction de son pays d’origine.

Dernier et non le moindre des membres de ce centre n’est autre que François Burgat, conférencier à l’Otan, l’idiot utile du terrorisme islamique international, qui a bénéficié d’une subvention de 2 millions d’euros du centre pour son travail sur «les révolutions arabes», désormais président de la section parisienne du « Centre Arabe de Paris», après sa mise à la retraité académique.

B- « Les Amis Européens d’Israël »: de la confusion des genres entre fonction législative et sponsoring de type lobbyiste

Ce groupe a été inauguré en 2006 dans le but de devenir un lobby pro-israélien du type AIPAC en Europe. Il est constitué de plusieurs parlementaires pro-israéliens de l’Union Européenne et d’hommes d’affaires juifs le sponsorisant afin d’amplifier la coopération entre les parlementaires pro-israéliens sur l’ensemble du continent et aider à améliorer l’image d’Israël, «à faire de l’Europe un allié d’Israël». Selon Yehoshua Ben-Yosef, représentant de ce groupe de pression en Israël, 150 membres du Parlement européen avaient rejoint ce groupe de pression, présidé par Michel Gur Ari.

Voir à ce propos Europe 10 septembre 2006: Création du premier Lobby pro-israélien auprès de l’Union Européenne Par Yedioth Ahronoth Publié le 6 septembre 2006.

La comparaison avec l’AIPAC paraît présomptueuse pour qui quiconque connaît un soit peu la puissance du lobby juif américain, membre organique du complexe militaro industriel américain et de la stratégie de l’Otan

Pour aller plus loin sur ce sujet, voir ce dossier consacré à la propagande israélienne:

http://www.renenaba.com/israel-de-la-propagande-part-13-2/
http://www.renenaba.com/israel-de-la-propagande-part-23/
http://www.renenaba.com/israel-de-la-propagande-part-33/

Au delà de cette controverse, le fait que des parlementaires européens, déjà rétribués par le budget du parlement européen, soient financés par des hommes d’affaires juifs, sans que cette grave violation à la déontologie, n’entraîne des poursuites judiciaires pour fait de prévarications et de corruption, donne la mesure de la confusion mentale et morale dans laquelle baigne la nébuleuse parlementaire européenne et l’impunité que confère le statut d’Amis d’Israël».

C- L’Institut Transatlantique de Bruxelles: Un diplomate hollandais, lobbyiste principal d’un groupe pro-Israël.

A l’image du pantouflage en France, une pratique courante dans la haute administration française, un diplomate hollandais George Van Bergen est passé du statut de fonctionnaire chargé de la gestion des dossiers sur le Moyen-Orient à celui de lobbyiste auprès de ses anciens collègues pour les intérêts d’Israël.

Débauché de l’ambassade des Pays-Bas auprès de l’Union Européenne pour occuper les fonctions de sous-directeur de l’Institut Transatlantique, le bureau bruxellois de l’AJC (Comité juif américain), Van Bergen, en guise d’entrée en matière, a inauguré ses fonctions par une stigmatisation des Palestiniens, tirant profit l’émotion suscitée par les attentats islamistes de Bruxelles et de la place fantasmagorique qu’occupe dans l’imaginaire belge par Molenbeek, la banlieue populeuse de Bruxelles.

L’homme a été aussitôt relayé par Murray Goldman, l’un des membres du conseil d’administration de l’Institut Transatlantique de l’AJC: «Les leaders politiques en Europe et en Amérique doivent publiquement défier la majorité des musulmans dans le monde à condamner ces actes de terreur et de violence», a-t-il écrit dans l’Atlanta Jewish Times.

Sauf que dans son exaltation guerrière, Murray Goldman a oublié le fait que depuis le début du XXI siècle, les Etats-Unis, le Royaume Uni et la France, sous divers prétexte, «guerre contre le terrorisme», «changement démocratique des pays arabes, ont soit directement attaqué soit participé à des guerres contre des musulmans en Afghanistan, en Irak, en Somalie, au Yémen, au Pakistan, en Syrie, en Palestine, au Liban, au Mali et Libye, souvent avec l’aide des groupements terroristes islamistes, dont ils sont les parrains.

L’Institut Transatlantique de l’AJC est subventionné par le «Comité des Juifs Américains» dont le quartier général est situé à New York. Le plus gros donateur connu de l’AJC est Seth Klarman, un investisseur milliardaire.

Connu pour avoir soutenu Elad, un groupe cherchant à exclure les Palestiniens de la partie occupée à l’est de Jérusalem, l’institut transatlantique de l’AJC essaye de persuader l’UE de faire preuve de souplesse à l’égard des colonies d’Israël dans l’est de Jérusalem et plus largement, en Cisjordanie.

5- L’alliance entre l’extrême droite israélienne et Israël, une imposture morale.

L’arabophobie et son corollaire l’islamophobie ont servi de ciment à l’alliance entre l’extrême droit européenne et Israël; une alliance qui a constitué une imposture morale en ce qu’elle a scellé l’alliance des descendants des victimes du génocide hitlérien avec les héritiers spirituels de leurs anciens bourreaux.

Le carnage d’Oslo, en juillet 2011, par Anders Behring Breivik (75 morts), apparaît ainsi rétrospectivement comme une conséquence indirecte de cette collusion, symptomatique des dérives intellectuelles occidentales.

Circonstance aggravante, le silence complice de la presse occidentale envers cette alliance contre nature. Pas un grand journal européen, en effet, n’a émis la moindre critique contre cette phraséologie islamophobe et arabophobe qui a prospéré dans les débats politiques, particulièrement dans les médias, sous couvert de lutte contre le «terrorisme islamique», pour fustiger en fait les réfractaires à la pensée hégémonique occidentale.

Pas un n’a émis la moindre réserve contre des propos démagogiques, tels le «fascislamisme», l’expression préférée du tandem magique du journal Le Figaro Alexandre Adler et Yvan Rioufol ou «Eurabia», l’expression forgée par la théoricienne de l’ultra droite européenne, Bat Ye’or, une juive égyptienne de nationalité britannique, icône des milieux d’extrême droite, pour dénoncer une prétendue islamisation rampante de l’Europe, de même que leur sœur jumelle, l’expression méprisante d’«islamo gauchiste», brandie en vue de criminaliser la mise sur pied d’une alliance des exclus de la société d’abondance fédérant les diverses composantes de la société française, au delà des clivages religieux ou communautaires.

Pas un n’a cillé face au travail de déconstruction historique entrepris par Bernard Henry Lévy, présentant, dans une sorte de révisionnisme anti arabe, «l’islamisme radical comme une variante de ce phénomène mondial que fut, il y a presque un siècle, le fascisme»

Pas un n’a pointé le déplacement d’une impressionnante délégation de près de trente-cinq parlementaires et responsables européens d’extrême droite, effectué le 18 décembre 2010 en Israël, durant les vacances de Noël. La délégation couvrait toute la gamme des sensibilités droitières européennes, des populistes de l’UDC aux fascistes suédois, dont le lien commun était une égale islamophobie, amplifiée par le passé nazi ou antisémite avéré de certains des participants.

La délégation était composée des personnalités suivantes: Geert Wilders, fondateur du PVV (Partij voor de Vrijheid, Parti pour la Liberté), parti populiste néerlandais, Filip Dewinter et Frank Creyelman (responsable de la commission des affaires étrangères, Parlement belge), Heinz-Christian Strache (successeur de Jorg Haïder), René Stadtkewitz (président du Parti de la Liberté Wilderien, Allemagne), Kent Ekeroth (responsable du Parti des Démocrates Suédois), des Suisses et bien évidemment des Danois, dont l’extrême-droite est ouvertement atlantiste.

6 – Benyamin Netanyahou Viktor Orban même combat

L’illustration la plus parfaite de cette convergence entre l’extrême droite européenne et israélienne aura été la visite effectuée le 19 juillet en Israël par le premier ministre hongrois Viktor Orban en vue de sceller avec son double israélien un rapprochement fondé sur le chauvinisme et le rejet des migrants.

«Il n’y a pas de pays au monde qui ressemble plus à l’Israël de Netanyahou que la Hongrie d’Orbán. Deux Etats de 9 millions d’habitants, dirigés par des nationalistes chevronnés qui s’accrochent au pouvoir malgré les accusations de corruption en effaçant la culture démocratique, cultivant la xénophobie et un sentiment de siège pour apeurer leurs électeurs», a fait valoir Anshel Pfeffer, éditorialiste du Haaretz, le quotidien de la gauche israélienne.

En 2017 à Budapest, le leader israélien avait alors absous de tout antisémitisme son homologue (admirateur déclaré de l’amiral Miklos Horthy, régent hongrois allié d’Adolf Hitler qui permit la déportation des deux tiers des Juifs hongrois, soit près d’un demi-million de personnes).

7- L’islamophobie, une idéologie de masse qui imprègne lentement la société française

«L’islamophobie est une idéologie de masse qui imprègne lentement la société française», observe Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite, pointant la responsabilité tant de l’extrême droite radicale française, que de l’UMP, des intellectuels de la gauche laïque ou les grandes chaines de télévision.

«L’argumentaire islamophobe est né à la marge, dans l’extrême droite radicale, avant de se diffuser dans la société française. Les guerres dans l’ancienne Yougoslavie ont marqué un tournant, avec les premières diffusions de l’idée que l’Europe est en cours d’islamisation. Y compris dans les hauts rangs de l’état-major français et dans une partie de la gauche laïque circulait l’idée que la Serbie était, au Kosovo, en train de défendre l’Europe contre l’islamisation. Depuis dix ans, on laisse le discours islamophobe devenir légitime», explique-t-il dans une interview à libération parue le 25 juillet 2011.

Pour aller plus loin sur ce sujet https://www.renenaba.com/le-carnage-doslo-un-symptome-des-derives-de-la-pensee-intellectuelle-occidentale/

8- Le rapport sur le «Lobby israélien et l’Union Européenne» de David Cronin, Sarah Marusek et David Miller (1)

Oeuvre de trois auteurs appartenant à “Public Interest Investigations /Spinwatch”, David Cronin, journaliste irlandais, Sarah Marusek, chercheuse post-doctorante en étude des religions à l’Université de Johannesburg (Afrique du Sud), et, David Miller, professeur de sociologie au Département des Sciences sociales et politiques de l’Université de Bath (Grande-Bretagne), ce rapport “révèle l’étendue du financement du lobbying pro-israélien en expansion à Bruxelles par des promoteurs et des bailleurs de fonds de l’Industrie de l’islamophobie aux États-Unis et dans les colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et à Jérusalem”.

Cette étude, dont la rédaction a pris plus de deux ans, dévoile une “matrice de relations” au sein du lobby pro-israélien, qui constitue un mouvement social dont les contours se superposent largement avec ceux de “l’industrie transatlantique de l’islamophobie”.

Les principaux soutiens du lobby israélien à Bruxelles comprennent par exemple :

Irving Moskowitz, un multi-millionnaire californien propriétaire de casinos, qui finance ouvertement la judaïsation de Jérusalem-Est et les colonies israéliennes en Cisjordanie.

Sheldon Adelson, ami du président américain Donald Trump, un milliardaire propriétaire de casinos et de médias, qui utilise son empire médiatique pour soutenir son ami de longue date, Benjamin Netanyahou.

Nina Rosenwald, héritière de la fortune de Sears Roebuck, surnommée par le journaliste Max Blumenthal “la mama en sucre de la haine anti-musulmane”-Daniel Pipes, que le “Center for American Progress” désigne comme faisant partir d’un “réseau d’experts en désinformation” qui “colporte la haine et la peur des musulmans et de l’islam”

Paul E. Singer, 2me ami de Donald Trump, milliardaire états-unien de droite, qui est le troisième plus important contributeur à la campagne présidentielle des Républicains

Ce rapport lève le voile sur ce réseau transatlantique animé du secret. soulignant la contribution de leurs généraux donateurs à l’amplification de la colonisation illégale de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Il dévoile enfin comment le lobby a persuadé les parlementaires européens de s’abstenir de sanctionner Israël en dépit de ses constantes violations des droits humains, et il analyse comment les supporters d’Israël ont tenté de saper les campagnes citoyennes en faveur de la justice en Palestine.

Le dernier des parachutés néo conservateurs outre atlantique n’est autre que Steve Bannon, l’ultra droitier ancien conseiller de Donald Trump, qui a pris ses quartiers à Bruxelles avec pour mission de propulser au pouvoir le mouvement populiste et xénophobe européen, en vue de saborder l’Union Européenne.

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/03/07/des-milliardaires-americains-financent-discretement-des-campagnes-de-desinformation-en-europe_5432486_4408996.html

Royaume Uni

La très visible domination du lobby pro israélien sur certains aspects de la politique gouvernementale des Etats Unis n’est pas unique. D’autres pays en pâtissent, tel le Royaume Uni.

Pour surprenant que cela puisse paraître, la «Mère des parlements» en Grande-Bretagne est peut-être l’organe législatif le plus dominé par les intérêts israéliens, plus, à bien des égards, que le Congrès des États-Unis.

Le Parti conservateur au pouvoir a un Groupe des Amis d’Israël dont plus de 80 % de ses parlementaires font partie. BICOM, le Centre de communication et de recherche de la Grande-Bretagne, est un clone situé à Londres de l’American Israel Political Action Committee (AIPAC). Il est bien financé et politiquement puissant, travaillant par l’intermédiaire de ses différents mandataires «Amis d’Israël».

Les organisations juives sont autorisées à patrouiller dans les quartiers juifs de Londres dans des uniformes de type policier tout en conduisant des véhicules de type policier. Des rapports font état de patrouilles menaçant les musulmans qui cherchent à entrer dans ces quartiers.

Cf à ce propos : La crucifixion de Jeremy Corbyn. Les amis d’Israël demandent sa totale reddition- Philip Giraldi http://w41k.com/145285

Epilogue : Paul Wolfowitz, Dominique Strauss Khan, Bernard Maddof, Harwey Weinstein.

Au terme de ce panorama non exhaustif, une vérité s’impose: Quatre des plus grands scandales planétaires du début du XXI me siècle ont été le fait de membres actifs du lobby israélien à travers le monde.

Deux des protagonistes étaient des sommités du système bancaire mondiale:

Paul Wolfowitz, Président de la Banque Mondiale, auparavant ultra-faucon secrétaire à la défense lors de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, contraint à la démission du fait d’un «comportement inapproprié» avec sa subordonnée, en fait son assistante d’origine libyenne. IL quittera ses fonctions poursuivi par les savates de jeunes turcs mécontents de son bellicisme.

Dominique Strauss Khan, le plus important sabordage politique en direct de la vie politique française, victime du penchant naturel d’un prédateur sexuel: le «troussage de domestique» au Sofitel New York.

Le 3me, Bernard Madoff, victime de sa cupidité, a été le maître d’oeuvre d’une escroquerie d’une valeur de 65 milliards de dollars, une jonglerie financière fondée sur le mécanisme de la «Pyramide de Ponzi» fonctionnant sur la base d’une surprime du taux d’intérêt.

Parmi ses principales victimes figurent, paradoxalement, Bernard Henry Lévy et Elie Wiesel, et à titre de dommage collatéral le chanteur Enrico Macias, trois figures de proue du judaïsme institutionnel International.

Un des fondateurs du Nasdaq, à la bourse de New York, Bernard Madoff a été condamné à 150 ans de prison en 2008. Durant les premières années de sa détention son fils ainé, Marc, s’est suicidé et son fils cadet, Andrew, est décédé des suites d’un cancer. Seule survivante, son épouse, dévastée par ce désastre sans nom.

Le 4 ème n’est autre que Harvey Weinstein, le nabab d’Hollywood, victime de sa pulsion prédatrice.

Bernie, Ya ibn Ben Saf, Ismah’h wa chouf, dans la langue de ton pays natal:

«L’affaire Harvey Weinstein montre à quel point le fait de dominer un champ d’activité quelconque rend possible tous les abus de pouvoirs. La violence sexuelle est, en la matière, le paroxysme d’un continuum de pratiques dégradantes infligées à tous les dominés».

Le constat est d’un philosophe comme vous, certes, pas un «nouveau philosophe» mais un vrai, un authentique philosophe, un vrai de vrai, pas un chiqué, Laurent Paillard. Son constat est mentionné dans «l’Affaire Harvey Weinstein et les ordonnances de la honte», «Les indigné.e.s» N° 48 Trimestriel 6ème année Juin 2018. Fhimit ya ibn Beni Saf??

Un fort sentiment d’omnipotence et d’impunité a projeté ces quatre personnages vers l’enfer médiatique, la carbonisation publique et le déshonneur qu’aucun lobby si puissant soit-il n’aurait pu prévenir.

Au delà d’une griserie passagère, la lévitation peut réserver parfois de vilaines surprises. A défaut d’un code moral rigoureux, à défaut d’une conscience civique, la peur du gendarme devrait constituer le commencement de la sagesse, selon l’adage populaire bien connu.

Pour des personnes qui se réclament du «Peuple de la Bible», cela fait quelque peu désordre. Et la bonne preuve que parmi les enfants du Bon Dieu un lot appréciable de canards boiteux se faufilent toujours.

L’Occident chrétien a pensé purger son passif avec le judaïsme et lui témoigner sa solidarité expiatoire en créant l‘Etat d’Israël en vue de «normaliser la condition juive diasporique et l’enraciner dans des composantes nationales claires», selon l’expression de l’écrivain israélien Abraham B. Yehoshua. (cf; La question juive posée au Monde» Libération 29 Novembre 2001.

Mais, en sous traitant au Monde arabe l’antisémitisme recurrent de la société occidentale, il a dans le même temps transmuté son contentieux bi millénaire avec une religion longtemps considérée comme «déicide» en un conflit israélo-arabe et en un conflit islamo-judaïque, en négation avec la symbiose andalouse.

Le refuge des juifs, des rescapés des camps de la mort et des persécutés, le pays du Kibboutz socialiste et de la fertilisation du désert, des libres penseurs et des anticonformistes est devenu, aussi, au fil des ans, un bastion de la religiosité rigoriste, des illuminés et des faux prophètes, de Meir Kahanna (Ligue de la Défense Juive) à Baruch Goldstein, l’auteur de la tuerie d’Hébron, le 25 février 1994, le pays des gangs mafieux et des repris de justice, de Meir Lansky, à Samuel Flatto-Sharon à Arcadi Gaydamak.

Au même titre que d’autres continents, l’Occident a engendré des monstres, tel Hitler et la défense du «Monde libre» n’a pas été l’apanage exclusif des occidentaux. Elle participe également de la contribution des peuples du tiers monde,-asiatique, arabe, africain, toutes religions confondues, dont plusieurs dizaines de milliers ont combattu aux côtés des Européens et des Américains contre les tyrannies du XX me siècle.

L’Allemagne, responsable du génocide juif du XXme siècle, le Royaume Uni, auteur de la Promesse Balfour portant création d’un «Foyer National Juif» sur la terre de la Palestine, au coeur de l’espace arabe, à l’intersection de la rive asiatique et de la rive africaine du Monde arabe, la France, enfin par ses massacres coloniaux répétitifs en terre d‘Islam se doivent d’assumer, aux côtés des Etats Unis, le protecteur absolu de l’État Hébreu et le parrain de toutes ses équipées militaires depuis un demi siècle, un rôle à la mesure de leur responsabilité antérieure dans la naissance du conflit israélo-arabe et de l’exacerbation du sentiment anti-occidental dans le Monde arabo-musulman.

Israël, pour tragique qu’ait été la souffrance des juifs au siècle dernier et éminente leur contribution à la culture du Monde, ne saurait faire l’impasse sur l’intérêt que portent 1,7 milliards de Musulmans et autant de Chrétiens à Jérusalem, une cité que le hasard de l’histoire a voué à être le lieu saint des trois religions monothéistes.

Point de fixation des conflits latents de l’Islam et de l’Occident, le conflit israélo-palestinien, au-delà le conflit israélo-arabe et d’une manière générale le passif post colonial sera purgé non par la coercition, ni non plus par la diplomatie de la cannonière et la négation des droits légitimes du peuple palestinien, mais par la coopération des divers protagonistes d’un contentieux qui a gangrené tout le XX me siècle pour déborder de manière apocalyptique sur le III me millénaire.

En annexe le rapport sur l’Islamophobie en Europe 2017

1- Note Luc Delval: Le rapport sur le «Lobby israélien et l’Union Européenne» de David Cronin, Sarah Marusek et David Miller est accessible sur ce lien: [email protected]

“Public Interest Investigations” est une organisation à but non-lucratif indépendant, fondée en 2004, avec pour objectif de promouvoir une meilleure compréhension du rôle des “relations publiques”, de la propagande, du lobbying et des réseaux de pouvoir qu’ils soutiennent, notamment via son site web :www.spinwatch.org et un “wiki“ :www.powerbase.info

“Europal Forum” est une organisation indépendante de défense des droits des Palestiniens, qui s’attache notamment à améliorer la compréhension et le dialogue entre les Palestiniens et les décideurs européens.

René Naba

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En 2015 la commune de In Salah a surpris et les observateurs et les autorités. Aux yeux de ses habitants, l’exploitation du gaz de schiste, cette énergie dite non-conventionnelle, aurait un impact négatif et irréversible sur leur vie et sur celles des générations futures.

Faits

Fait, la France réalisa une victoire écologique en disant : « Not in my backyard », faisant ainsi allusion au refus de l’exploitation de gaz de schiste sur son territoire;

Fait, le gouvernement québécois fut à l’écoute du grognement de sa population lorsque celle-ci s’est opposée à l’exploitation de gaz de schiste et pour cause, la technique dite « fracturation hydraulique » utilisée dans ce genre de forage nuit considérablement à l’environnement et à la sécurité publique;

Fait, la Chine qui vient à la fois en tête de liste des grands pays pollueurs de la planète et des plus grand pays détenteurs de réserve en gaz de schiste choisit de conclure un contrat de 400 milliard de $ avec la Russie pour son approvisionnement en gaz. Un contrat qui s’étale sur 30 ans ;

Fait, les prix du pétrole ont chuté et cela a causé une crise !

Algérie, le recours à l’exploitation de gaz de schiste

Eu égard à cette conjoncture économique, des spécialistes s’attendaient a priori à ce que les dirigeants en Algérie saisissent ce virage pour annoncer des réformes économiques et des mesures sensées, susceptibles de faire sortir le pays de l’économie de la rente vers une économie plus diversifiée. Or, le gouvernement algérien et contrairement à toutes les attentes choisit pour mesure salvatrice, le recours à l’exploitation de gaz de schiste au sud du pays et ce en partenariat avec des sociétés étrangères.

Toutefois, dès que la machine s’est mise en marche, le gouvernement réalisa qu’il a omis d’inclure dans ses calculs un facteur fort majeur mais marginalisé jusqu’alors, à savoir : « les gens du Sud ». En effet, l’appareil exécutif prit connaissance des grognements lesquels commencèrent à se faire entendre et à prendre de l’ampleur notamment au sein de la communauté de Tidikelt. (1)

En décembre 2014 une délégation ministérielle menée par l’ex-ministre de l’énergie à l’époque Youcef Yousfi, surnommé « l’homme de schiste », fut dépêchée sur les lieux à cet effet. L’ex-ministre s’adressa alors à la communauté locale en vue de la sensibiliser et la conscientiser à propos de la gravité de la situation et que le recours à l’exploitation du gaz de schiste, décision prise en hauts lieux et validée par L’APN (Assemblée Populaire Nationale), répond dans les circonstances à un besoin pressant et demeure par conséquent une alternative incontournable.

Sur un ton rassurant et confiant, l’ex-ministre tenta également d’expliquer au collectif anti gaz de schiste que les craintes et les inquiétudes qu’ils se font à propos de la technique dite fracturation hydraulique utilisée dans ce genre de forages n’ont nullement lieu d’être.

Il faut dire que cette rencontre fut un véritable échec puisque la délégation a échoué à faire vendre l’idée de projet à population.

Le grognement pacifique de Tidikelt

Les habitants du sud ou «Ness Sahara» (2), une population qui vit quasiment en marge d’un semblant d’une dynamique socio-culturelle et économique, faute d’une politique inéquitable dans la répartition des richesses du pays.

Considérés jusqu’alors comme étant une peuplade naïve, déphasée et surtout peu revendicatrice ou réputé l’être, «Ness Sahara» peuvent au gré des circonstances exhiber une facette et une attitude peu habituelles et fort imprévisibles. En effet, les événements de 2015 lesquels ont secoué le sud algérien notamment la commune de In Salah ont surpris et les observateurs et les autorités. Organisés et déterminés, c’est ainsi qu’ils ont tenu tête à un gouvernement gonflé à bloc, arrogant, condescendant et surtout réputé pour ses promesses arlésiennes.

Se gardant aussi de quelconque acte de violence, dans une discipline exemplaire, la communauté dans tout sa composante est sortie et exprimée en parfaite communion son mécontentement et son refus catégorique à la concrétisation d’un projet perçu comme étant anti-environnemental. À leurs yeux et à bien des égards, l’exploitation de cette énergie dite non-conventionnelle aurait un impact négatif et irréversible sur leur vie et sur celles des générations futures. Malheureusement, cette action pacifique et civilisée pour le droit à la vie fut réprimée, brutalisée et dispersée au bout du compte à coup de bombes lacrymogènes de la part des forces de l’ordre, causant ainsi beaucoup de blessés parmi les manifestants.

Le syndrome du mal hollandais

Le 24 février 1971 fut une date charnière dans l’histoire d’une Algérie post-indépendance, à laquelle le Président Houari Boumediene, dans un discours considéré comme historique, annonça la nationalisation des hydrocarbures du pays. Par cette décision l’Algérie voulut concrétiser sa souveraineté et marquer par conséquent sa rupture avec le régime colonial français. Mais depuis, l’économie algérienne est demeurée malheureusement entièrement dépendante de la rente pétrolière qui représente 98% des exportations.

Force est de constater que tous les gouvernements lesquels se sont succédé au pays ont fini au fil des années par développer une addiction maladive à la consommation des hydrocarbures dont ils sont devenus « accros » et peinent vraisemblablement à s’en défaire. Il faut dire que la stabilité voire la sécurité socio-économique en Algérie est restée toujours tributaire de la fluctuation des prix de pétrole. En 2018, trois années après les événements d’In Salah, il semble que les autorités algériennes s’apprêtent à relancer le projet de gaz de schiste -mis jusqu’alors en veilleuse- et ce en partenariat avec des compagnies américaines.

Dans une allocution laquelle fait appel à la sagesse et la rationalité, le Pr Chemss Eddine Chitour (3) exhorta les autorités algériennes à faire preuve de plus de prudence dans la gestion de ce dossier controversé, en l’invitant a posteriori à chercher des solutions à la crise dans des alternatives sensées (la promotion du secteur agricole, le tourisme, les énergies renouvelables,…) et faire en sorte que les réserves en gaz de schiste soient préservés au profit des générations futures, lorsque la technologie qui lui affère serait à ce moment-là plus mature et mieux contrôlée.

Abdelmadjid Abdelkamel

 

Notes :
1. Tidikelt : Région située au cœur du Sahara algérien, ses principales communes sont In Salah et Aoulef
2. Ness Sahra : les gens ou les habitants du sud en français
3. Chemss Eddine Chitour : Professeur émérite à l’École Polytechnique d’Alger

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Un budget américain pour faire la guerre mondiale

mars 13th, 2019 by Patrick Martin

La proposition de budget rendue publique lundi par la Maison Blanche doit être considérée comme un avertissement grave par la classe ouvrière internationale. Le gouvernement américain se prépare à une guerre totale à l’étranger et à de violentes attaques sur le niveau de vie et les prestations sociales des travailleurs en Amérique. Le plus puissant État impérialiste cherche à réaliser un niveau record de dépenses militaires, tout en exigeant des réductions sans précédent des dépenses consacrées aux besoins sociaux tels que les soins de santé, l’éducation et l’environnement.

L’administration Trump entend donner au Pentagone une augmentation presque deux fois supérieure à celle recherchée par le commandement de l’armée lui-même – une augmentation de 4,7 pour cent par rapport aux dépenses actuelles, soit le double de l’augmentation de 2,4 pour cent prévue par les responsables du ministère de la Défense. L’augmentation en dollars est de 34 milliards de dollars, alors que le Pentagone n’avait demandé que 17 milliards de dollars.

Les dépenses militaires américaines totales de 750 milliards de dollars seraient supérieures aux dépenses militaires de 2018 des 14 pays suivants réunis: Chine, Arabie saoudite, Russie, Inde, Grande-Bretagne, France, Japon, Allemagne, Corée du Sud, Brésil, Australie, Italie, Israël et Irak.

Le chiffre le plus surprenant et le plus inquiétant dans la proposition de budget est celui pour les opérations de contingence à l’étranger (OCO), la catégorie fourre-tout pour les interventions militaires comme les guerres américaines en Afghanistan, en Irak et en Syrie, la guerre par drones à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, et le renforcement militaire américain aux frontières de la Russie (Initiative de la dissuasion européenne). Alors que le budget de l’exercice 2019 prévoit 69 milliards de dollars pour l’OCO, la proposition faramineuse pour l’exercice 2020 grimpe à 164 milliards de dollars.

Selon de premières informations parues dans la presse, citant des sources à la Maison-Blanche, il s’agirait d’un stratagème comptable, reclassant une partie importante du budget ordinaire du Pentagone en poste d’OCO afin de permettre aux forces militaires de respecter à priori les plafonds de dépenses fixés en 2011 dans le cadre d’un accord budgétaire bipartite conclu entre le l’administration Obama et les républicains du Congrès, mais qui a été depuis lors systématiquement contourné lors des marchandages budgétaires au Congrès. Selon ce scénario, l’administration Trump déclarerait qu’elle observait maintenant les plafonds, les imposant aux dépenses intérieures par le biais d’une réduction brutale généralisée d’au moins cinq pour cent. Entre temps, les dépenses militaires globales augmenteraient considérablement, car l’argent destiné à l’OCO n’est pas comptabilisé dans les plafonds de dépenses.

Quels que soient le bien fondé de telles assertions, injecter près de 100 milliards de dollars de plus dans les opérations de contingence à l’étranger a des implications bien au-delà des manœuvres de Trump avec le Congrès et provoquerait certainement l’alarme à Téhéran, Moscou et Beijing. Cela donnerait au Pentagone plus qu’il ne faudrait d’argent pour mener une guerre majeure, comme une invasion de l’Iran ou du Venezuela, tous deux des cibles des menaces de Trump ces derniers mois, ou de la Corée du Nord, si les négociations en cours entre Washington et Pyongyang s’effondraient complètement. Cette somme considérable pourrait même servir à financer les premières étapes d’une guerre avec la Chine ou la Russie, si un tel conflit ne dégénérait pas immédiatement en un holocauste nucléaire destructeur de la planète.

En outre, étant donné les efforts constants de Trump pour utiliser la déclaration d’une «urgence nationale» fictive à la frontière américano-mexicaine pour réorienter les fonds du Pentagone vers la construction de son mur frontalier, la création d’une gigantesque caisse noire de 164 milliards de dollars fournirait au commandant en chef quasiment toute liberté pour les opérations militaires dans le monde ou aux États-Unis. Pour donner une idée de l’ampleur de l’allocation budgétaire de guerre, le fonds OCO de 164 milliards de dollars à lui seul équivaut à peu près au budget militaire total de la Chine, soit 168 milliards de dollars, et près de trois fois le budget militaire de 63 milliards de dollars de la Russie. Cela financerait la construction du mur frontalier de Trump de nombreuses fois.

Parmi les catégories de dépenses militaires signalées en particulier figurent 104 milliards de dollars pour la recherche et le développement, en mettant l’accent sur les armes hypersoniques (missiles et avions volant beaucoup plus vite que le son), sur les systèmes d’intelligence artificielle (guerre cybernétique et armes de champs de bataille automatisées) et «les technologies de l’espace». La Marine passera une commande pour deux nouveaux porte-avions géants de la classe Gerald Ford, d’une valeur supérieure à 13 milliards de dollars chacun. L’armée de l’air aérienne achètera des avions de combat F-15 améliorés auprès de Boeing et davantage de F-35 auprès de Lockheed Martin. Des dizaines de milliards seront alloués pour mettre à jour et moderniser les armes nucléaires américaines.

Il existe ensuite un poste de «besoins urgents» de 9,2 milliards de dollars qui «traiterait de la sécurité des frontières et des remises en état après un ouragan». La partie consacrée aux «remises en état après un ouragan» concerne les dommages passés et futurs causés aux installations militaires américaines et le coût du déploiement des ressources militaires américaines pendant et après une tempête, et non pas pour des besoins civils. Et la «sécurité frontalière» donnerait à Trump un autre magot pour financer le mur frontalier américano-mexicain, en plus des 8,6 milliards de dollars demandés officiellement dans le budget à cette fin.

Tout en proposant cette aubaine pour le Pentagone, le budget Trump imposerait les plus importantes réductions de Medicaid et Medicare (couverture médicale des retraités et pauvres) de l’histoire, soit près de 2000 milliards de dollars sur 10 ans. Medicaid serait converti en subventions globales aux États fédérés, avec des augmentations de dépenses limitées au taux d’inflation globale, et non au taux beaucoup plus élevé de l’inflation des coûts des soins de santé, ce qui impliquerait des réductions de dépenses presque immédiates de la part des États. En outre, l’extension de Medicaid dans le cadre Obamacare (assurance médicale privée obligatoire par les particuliers du président Obama) serait abrogée, ce qui aurait pour effet de supprimer la couverture maladie de plus de 10 millions de personnes. Les économies totales sur 10 ans sont estimées à 1,1 billion de dollars. Medicare réduirait encore de 845 milliards de dollars le montant des remboursements aux hôpitaux et aux autres prestataires de soins de santé et l’élimination du «gaspillage, de la fraude et des abus».

Selon un résumé de la Maison Blanche publié par le Washington Post, les autres dépenses sociales fédérales seraient réduites encore plus en pourcentage, bien que par des montants moindres: 327 milliards de dollars en moins sur 10 ans pour de bons d’alimentation, d’aide au logement et d’autres programmes de minima sociaux; 200 milliards de dollars en moins pour des plans de retraite des employés fédéraux et des postes; 207 milliards de dollars en moins pour les programmes de prêts aux étudiants, y compris ceux qui fournissent une aide alimentaire et au logement; 32 pour cent en moins pour l’Agence pour la protection de l’environnement, 22 pour cent du ministère des Transports, 11 pour cent du ministère de l’Intérieur, 12 pour cent du ministère de l’Éducation et 12 pour cent du ministère de la Santé et des Services sociaux.

La réaction des démocrates du Congrès et des médias au budget de Trump se concentre sur la demande de 8,6 milliards de dollars pour le mur frontalier, le sujet qui avait déclenché l’arrêt partiel du fonctionnement gouvernement fédéral pendant 35 jours qui s’est terminé fin janvier. C’est une diversion délibérée, permettant aux démocrates de se présenter comme des opposants intransigeants à Trump en se disputant avec lui pour un montant représentant moins de deux millièmes d’un budget de 4600 milliards de dollars.

Les dirigeants démocrates ont pleinement adopté le budget militaire de Trump dans le cadre d’un accord bipartite conclu l’année dernière. Ils appuient avec autant d’enthousiasme le Pentagone cette année. En fait, les démocrates ont généralement attaqué Trump avec des arguments encore plus à droite en matière de politique étrangère, réclamant une position plus agressive à l’égard de la Russie en Syrie et en Europe de l’Est, contre la Corée du Nord et contre la Chine, notamment en matière de commerce.

Même en ce qui concerne la sécurité frontalière, les démocrates sont totalement favorables à une nouvelle augmentation massive des dépenses pour déployer davantage de technologies et embaucher davantage de voyous des Agences de Douanes et de la Protection des frontières, de l’Immigration pour persécuter les immigrants, à condition que cela ne soit pas qualifié d’argent pour le mur de Trump.

L’exécution du budget proposé par Trump marque le début d’une bataille entièrement fictive prévisible et cynique à Washington. Les démocrates vont dénoncer les réductions proposées dans Medicaid, Medicare et d’autres programmes sociaux et s’engager à les combattre à mort. Ils concluront finalement un accord avec Trump qui comprend de nouvelles coupes dans les programmes sociaux, qui ne vont toutefois pas aussi loin que les propositions de la Maison Blanche, en contrepartie du financement intégral de l’armée et des services de renseignement américain, les forces les plus réactionnaires et dangereux sur la planète.

Patrick Martin

 

Article paru en anglais, WSWS, le 12 mars 2019

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Pour comprendre la révolte des Haïtiens

mars 13th, 2019 by Maurice Lemoine

Le Gouvernement des Etats-Unis exhorte tous les citoyens, partis politiques et organisations de la société civile à s’exprimer pacifiquement. La violence aggrave l’instabilité et la souffrance du peuple (…).  » Ce n’est bien entendu ni à l’opposition vénézuélienne, en phase insurrectionnelle en 2014 et 2017, ni à celle du Nicaragua, pareillement soulevée en 2018, que l’ambassade des Etats-Unis a adressé ce message. Ce 15 février 2019, à Port-au-Prince, la déclaration est destinée aux Haïtiens qui, depuis le 7 février, se soulèvent contre le pouvoir dans les principales villes du pays le plus pauvre d’Amérique latine et des Caraïbes. D’ailleurs, pour éviter toute ambiguïté, l’ambassade américaine précise en direction des forces de l’ordre qui mènent la répression : « Nous félicitons la Police nationale haïtienne d’avoir œuvré pour le maintien de la paix et de la stabilité tout en veillant à ce que les citoyens haïtiens exercent le droit de faire entendre leur voix. » Un droit des plus relatifs, pour qui aime pinailler : des chiffres non officiels font alors état d’une dizaine de victimes et d’une centaine de blessés ; deux semaines plus tard, le nombre des morts s’établira à vingt-six, d’après la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH).

Déjà, les 6 et 7 juillet 2018, signe d’une crise profonde, deux folles journées d’émeutes avaient jeté dans la rue des dizaines de milliers d’Haïtiens. Inspirée par le Fonds monétaire international (FMI), qualifiée d’ « irresponsable et inopportune » et de « mépris total de la population » par l’économiste Camille Chalmers, secrétaire exécutif de la Plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) [1], une hausse allant jusqu’à 50 % des prix des carburants à la pompe venait de provoquer l’embrasement. Pour une multitude vivant avec moins de 2 dollars par jour et, faute de service public digne de ce nom, utilisant le kérosène dans ses foyers, ne serait-ce que pour y faire la cuisine, il s’agissait de la mesure de trop. Car survenant à un moment où déjà s’accumulaient de nombreux motifs d’indignation, dont l’un, particulièrement emblématique : le détournement par la classe dirigeante d’une part importante des 3,8 milliards de dollars du Fonds Petrocaribe, le programme d’aide mis en place par le Venezuela pour financer des projets sociaux [2]. Scandale révélé à l’automne 2017 par un rapport d’une commission du Sénat mettant en cause quinze anciens ministres et hauts fonctionnaires, dont deux ex-chefs du gouvernement. Rapport resté sans suite. D’où l’explosion brutale du mécontentement. Et ces deux jours d’insurrection populaire qui débouchèrent sur la démission du premier ministre Jack Guy Lafontant et le retrait de la mesure contestée sur les carburants.

Six mois plus tard, toujours sur fond de scandale Petrocaribe, les manifestations qui réclament la démission de l’actuel président Jovenel Moïse ont symboliquement repris le 7 février, date anniversaire de la chute, en 1986, de la dynastie dictatoriale de François « Papa Doc » (1957-1971) et Jean-Claude « Baby Doc » (1971-1986) Duvalier.
Car la crise qui fait d’Haïti un baril de poudre a en réalité des racines qui remontent jusque-là. Et pour protagonistes, les mêmes acteurs néfastes et criminels, tant nationaux qu’internationaux.

De Caraïbe en Scylla

Années 1990 : un plan classique d’ajustement du FMI provoque la destruction de la paysannerie. En 1972, le pays était autosuffisant, a rappelé voici peu Camille Chalmers ; il achètera désormais à l’étranger 82 % des aliments qu’il consomme et deviendra le quatrième importateur mondial de riz américain, après le Japon, le Mexique et le Canada ; mais, pendant la décennie dont il est question, 800 000 emplois auront été perdus.

Comment réaliser un tel tour de force ? Le 30 septembre 1991, sept mois après son investiture, un coup d’Etat renverse le président Jean-Bertrand Aristide (élu avec 67,48 % des voix). L’ex-« curé des pauvres » prétendait faire passer son pays de la « misère indigne à la pauvreté digne ». Sous l’œil approbateur de George Bush (père), le général Raoul Cédras et les groupes paramilitaires du Front révolutionnaire armé pour le progrès d’Haïti (FRAPH) – dont le chef, Toto Constant, avouera qu’il était un agent de la CIA – imposent trois années terreur et de répression. Il faut attendre le 19 septembre 1994 pour que William « Bill » Clinton, en quête d’un succès diplomatique, déclenche l’opération « Restaurer la démocratie », avec l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies. Vingt et un mille soldats débarquent à Port-au-Prince. Sans rencontrer aucune résistance, ils rétablissent le pouvoir légitime et (surtout) mettent un terme au flot des boat people qui débarquaient du côté de Miami.
Les archives du FRAPH, qui permettraient de fournir de nombreuses données sur les exactions commises pendant la dictature demeurent en possession du gouvernement étatsunien, qui refuse depuis de les rendre au ministère de la justice haïtien.

Ayant dû se soumettre aux nombreuses concessions imposées par Washington pour permettre son retour au Palais national (le siège de la présidence), Aristide gouverne d’octobre 1994 à janvier 1996. René Préval, qui fut son premier ministre en 1991, avant le coup d’Etat, lui succède et, le 7 février 2001, sera le premier président à terminer sans anicroches son mandat.

Fort d’un appui populaire qui ne se dément pas, Aristide est réélu on ne peut plus démocratiquement en décembre 2000, à la tête de son nouveau parti, Fanmi Lavalas (Famille l’Avalanche), au grand déplaisir de l’opposition. Afin de le délégitimer, celle-ci a boycotté le scrutin présidentiel – une technique déjà rôdée au Nicaragua en 1984 et ultérieurement reprise au Venezuela en 2005 (législatives), 2017 (Assemblée nationale constituante) et 2018 (présidentielle et municipales).

Non exempt de reproches, mais plus que tout diabolisé par ses adversaires et discrédité par une infernale campagne médiatique, Aristide subit une terrible pression. Des Etats-Unis à l’Union européenne, du FMI à la Banque mondiale, la « communauté internationale » gèle la plupart de ses aides et de ses prêts, enfonçant par-là même le pays dans le dénuement et le chaos.

Dépourvue de poids réel, bien que financée à coups de millions de dollars par l’US Agency for International Development (USAID), la Fondation nationale pour la démocratie (NED) [3] et l’International Republican Institute (IRI, lié au Parti républicain), la Convergence démocratique (CD) échouerait à le renverser si n’arrivait à la rescousse un Groupe des 184, ensemble d’associations patronales, syndicales, et de la « société civile », auxquelles se joignent les médias, dirigé par André Apaid, un richissime businessman, propriétaire de plusieurs ateliers de misère – les sweatshops. Il est vrai que, entre autres mesures « extravagantes », Aristide a commis l’imprudence de faire passer le salaire minimum de 1 dollar à 2 dollars par jour.

Main dans la main avec la CIA, le Groupe des 184 finance et arme les paramilitaires anti-Aristide – d’ex-membres de l’armée que ce dernier a supprimée en avril 1995 et d’anciens membres du FRAPH – regroupés en République dominicaine sous le nom de Front de résistance pour la libération et la reconstruction d’Haïti. Sous les ordres de leur « commandant en chef » Guy Philippe, un narcotrafiquant notoire, ces « Forces armées du Nord » (comme les a rebaptisées Colin Powell) occupent la ville de Gonaïves, prennent Cap Haïtien, fondent sur la capitale.
Sous la pression conjuguée de la bourgeoisie, de ces rebelles infréquentables et de Washington, Ottawa et Paris, Aristide est « démissionné ». Le 29 février 2004, il se voit obligé de quitter le pays dans un avion américain à destination de la République centrafricaine – où il est « réceptionné » par des militaires français. Ce qu’on appelle un « kidnapping », mais aussi un coup d’Etat.

« Dans le respect de la Constitution » (sic !), le doyen de la Cour de cassation, Boniface Alexandre, comble « le vide de pouvoir » en prêtant serment comme « président par intérim » devant les ambassadeurs de France et des Etats-Unis. Ça ne s’invente pas ! Exactement ce que tente de faire aujourd’hui à sa manière, mais sans succès vu la résistance organisée du chavisme, la marionnette de Washington Juan Guaido au Venezuela. A l’époque, la Communauté caribéenne (Caricom), qui rassemble quinze des trente-quatre pays membres de l’Organisation des Etats américains (OEA), proteste et estime que « les circonstances du départ d’Aristide sont irrégulières ». Elle agit aussi courageusement aujourd’hui en refusant de lâcher Caracas face à la tentative de coup d’Etat et aux pressions de l’impérialisme « yankee-européen ».

Economiquement dévastateurs pour ses habitants les plus humbles, deux embargos ont frappé Haïti pendant ces années tourmentées. Le premier, de 1991 à 1994, pour faire pression sur la junte militaire afin qu’elle accepte le retour d’Aristide. Le second (2001-2004), pour chasser de la présidence le même Aristide en asphyxiant l’économie du pays. Source d’inspiration : l’embargo illégal imposé (sans succès) par Washington à Cuba depuis les années 1960. Future application : les sanctions financières appliquées par la même capitale impériale au Venezuela à partir de 2015 pour faire tomber Nicolás Maduro.

En cette année 2004, sous les ordres des Etats-Unis, de la France et du Canada (pays actuellement membre du Groupe de Lima, fanatiquement hostile à Caracas), un Conseil des sages flanque le « président » Alexandre d’un premier ministre, Gérard Latortue. Ancien fonctionnaire international installé en Floride, ce dernier est nommé chef du gouvernement intérimaire le 9 mars alors qu’il habite encore aux Etats-Unis. Il entre en fonction le 17 avec pour objectif annoncé de « stabiliser la situation ».

Pour l’y aider, une Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haîti (Minustah) ordonnée par le Conseil de sécurité de l‘ONU prend ses quartiers. Elle ne stabilise pas grand-chose. Sa principale contribution au bonheur des populations qu’elle est censée protéger de la peste sera de propager une terrible épidémie de choléra : près de 10 000 décès et 800 000 personnes malades à partir d’octobre 2010, du fait de l’introduction d’une bactérie par un bataillon de casques bleus venu du Népal [4].

En ce qui le concerne, Gérard Latortue ne pourra ni rétablir l’ordre, ni résoudre les graves difficultés économiques et financières du pays. Moyennant quoi, au terme du mandat de son patron Boniface Alexandre, le 12 mai 2006, il repartira vivre confortablement du côté de Miami.

La comédie des élections

Désordre et confusion, toujours. Un conseil électoral provisoire (CEP) avait été mis en place par le gouvernement intérimaire pour organiser en 2005 des élections municipales, législatives et présidentielles « libres, crédibles et transparentes ». De scandale en scandale, ce CEP faillira à sa mission. Il faudra sa mise sous tutelle par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’OEA et la Minustah, pour qu’il finisse par organiser au début de l’année 2006 des élections prévues pour octobre 2005 et plusieurs fois reportées. Bien qu’élu le 7 février 2006, René Préval ne réussit à s’installer dans sa fonction que le 14 mai. Provoquant de nombreux grincements de dents, il signe l’Accord Petrocaribe avec le Venezuela et affirme sa volonté de continuer la coopération, déjà étroite, surtout dans le secteur sanitaire, avec Cuba. Dans un autre registre, des voix s’élèvent pour demander des comptes au sujet de l’emploi douteux de 900 millions de dollars dont le « gouvernement par intérim » précédent a disposé.

Entre août et septembre 2008, quatre cyclones – « Hanna », « Ike », « Fay » et « Gustave » – ravagent le pays. Cent quatre vingt dix sept millions de dollars de Petrocaribe sont réaffecté aux dépenses destinées à réparer les dommages causés par ces ouragans.

Alors qu’Aristide vit toujours exilé en Afrique du Sud et que, avec plus d’un an de retard, les citoyens sont appelés à élire douze sénateurs le 19 avril 2009, le Conseil électoral provisoire (CEP) écarte de ce scrutin Fanmi Lavalas (FL), le parti demeuré le plus populaire du pays. Cette élimination, note à l’époque le chercheur américain Mark Weisbrot, « peut être comparée à l’exclusion du parti Démocrate ou du parti Républicain aux Etats-Unis [5] ». Persistant dans l’arbitraire, le CEP annonce le 26 novembre 2009 que quatorze formations politiques, dont une nouvelle fois la FL, seront exclus des législatives et présidentielle de 2010. Qui passent soudain au second plan…

Le 12 janvier 2010, d’une violence inouïe, un séisme de puissance 7 sur l’échelle de Richter dévaste l’île et détruit des milliers de bâtiments. On dénombre plus de 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 million de sans-abri. A Port-au-Prince, une ville de plus d’un million d’habitants située au bord de l’épicentre, les services de base s’effondrent, totalement désorganisés.

Huit mois plus tard, en bras de chemise, manches retroussées, cravate desserrée, les bureaucrates de l’ONU haussent exagérément les sourcils. Haïti n’a reçu que 20 % des 10 milliards de dollars d’aide promis par la « communauté internationale ». Si les Etats-Unis déboursent 1,2 milliards de dollars, ils en retranchent immédiatement les 500 millions qu’a coûté l’intervention militaire « humanitaire » qui a suivi le séisme.
Nommé à la tête du club sélect de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH), Bill Clinton se transforme littéralement en proconsul. De janvier 2010 à avril 2011, le gouvernement étatsunien signe 1490 contrats pour un montant total de 194 millions de dollars en vue de la reconstruction ; de tous ces contrats, seuls 23 bénéficient à des sociétés haïtiennes, pour un montant de 4,8 millions de dollars (2,5 %) [6]. Dans le cadre du projet « Winner », supervisé par l’USAID, Monsanto fait le don de 475 tonnes de semences de maïs hybride au gouvernement haïtien. Charité bien ordonnée commence par soi-même, on l’aura compris : si l’habitude est prise d’utiliser ces semences, à la place de celles tirées des récoltes précédentes, il faudra à l’avenir les acheter, avec leurs engrais et herbicides, auprès de… Monsanto [7]. Représentant de cette firme en Haïti, Jean-Robert Estimé a été ministre des affaires étrangères sous la longue dictature des Duvalier.

Dans une orgie de sigles et de 4 x 4, 10 000 organisations non gouvernementales déferlent comme une nuée de sauterelles. Haïti devient la « République des ONG ». Sous perfusion constante, le pays se désagrège encore plus. Ses habitants ? Qu’ils laissent « ceux qui savent » gérer la situation. On leur donne une aumône, on leur conseille de s’en contenter.

Une seule tache de lumière éclaire cet épisode ténébreux : au lendemain même du séisme, l’aide mise à disposition par le Venezuela « socialiste » et « bolivarien ». Dans des conditions financières particulièrement souples, Caracas livre quasiment tout le combustible consommé dans l’île. Les générateurs arrivés par avion fournissent un cinquième de l’énergie électrique du pays. Milliers de tonnes d’assistance alimentaire, montage de campements (théoriquement) provisoires pour abriter des marées hagardes de sinistrés… On peut multiplier à l’infini les théories et les hypothèses : si d’aucuns savent à quoi s’en tenir sur ce qu’est une véritable « aide humanitaire », ce sont les va-nu-pieds haïtiens quand ils évoquent le Venezuela (et les médecins cubains).

Retardée en raison des événements, l’élection présidentielle a finalement lieu le 28 novembre 2010, dans un climat de grande tension. A la situation chaotique créée par des millions d’habitants déplacés et le grand nombre de personnes ayant tout perdu, y compris leur carte d’électeur, s’ajoutent les graves irrégularités constatées le jour du scrutin. Mais le pire est encore à venir. Annoncés début décembre, les résultats provisoires placent Jude Célestin, le dauphin du président René Préval, en deuxième position (22,48 % des voix) derrière la professeure et ex-« première Dame » Mirlande Manigat (31,37 %) [8]. Très ostensiblement soutenu par l’ancien porte-parole de l’ambassade américaine Stanley Schager, qui a joué un rôle essentiel pendant le coup d’Etat de 1991 et la période d’embargo, le candidat de Washington, Michel Martelly, n’arrive qu’en troisième position (21,84 %). Il s’agit d’un ancien chanteur néo-duvaliériste et provocateur, violemment anti-Aristide, surnommé « Sweet Micky » ou « Tet kalé » (crâne rasé). La rue s’enflamme pendant trois jours d’émeute qu’organisent « spontanément » ses partisans.

Sur la base d’un rapport de l’Organisation des Etats américains (OEA), les principaux bailleurs de fonds, Etats-Unis en tête, exercent de fortes pressions pour exclure Célestin du deuxième tour, au profit de Martelly. Quasiment deux mois après le premier tour et alors que l’annonce du résultat tarde, la représentante des Etats-Unis devant l’ONU, Susan Rice, exige des autorités haïtiennes « un processus crédible représentant la volonté du peuple haïtien ». Pour éviter un vide du pouvoir, la « communauté internationale » demande au président Préval de rester à son poste au-delà de l’échéance constitutionnelle de son mandat, le 7 février. A condition toutefois, précise le 30 janvier la secrétaire d’Etat Hillary Clinton en visite à Port-au-Prince, que le CEP accepte la recommandation de l’OEA et exclue Célestin du second tour. On arrose, on négocie, on menace, on fait jouer les influences. Le CEP finit par comprendre ce qu’on attend de lui et décide enfin d’inverser les résultats.
Dirigeant de l’Inité (en créole Unité), le parti présidentiel, le ministre de la justice Paul Denis dénonce ouvertement les instigateurs – les Etats-Unis, la France et le Canada – de cette manœuvre, assimilable à un troisième coup d’Etat : « Ils ont tiré des résultats de leurs poches, ils agissent comme des colons, mais il y a des hommes et des femmes dans ce pays qui exigent d’être traités avec dignité ! »

Cause toujours… Au terme du second tour, Martelly l’« emporte » avec 67,57 % des suffrages exprimés contre 31,74% pour Mirlande Manigat. L’enthousiasme qui a porté le nouveau président au pouvoir est tel que son parti, Respons Peyizan (Réponse paysanne), porte triomphalement… trois représentants à la Chambre des députés et aucun au Sénat (Unité, la formation du candidat à la présidence écarté, obtient 48 des 99 sièges du Congres y 17 élus sur 30 au Sénat).

Plus de 70 % de la population vit toujours avec moins de 2 dollars par jour. A partir de la fin 2013, les mouvements de protestation se multiplient. Un an plus tard, les revendications se durcissent. Elles exigent tant la démission du premier ministre Laurent Lamothe que celle du chef de l’Etat et réclament la tenue d’« élections libres ». Le mandat du Parlement devait se terminer le 12 janvier 2014 : Martelly a reporté les élections législatives et municipales sans fixer de nouvelle date. Ce vide politique lui permet de gouverner par décrets. Bien qu’aucune règle d’un Etat de droit ne soit plus respectée, l’OEA, que dirige encore le chilien José Miguel Insulza, considère qu’il n’y a ni rupture ni altération de l’ordre démocratique.
Le 26 mai 2015 restera un jour sombre, tant pour l’Amérique latine que pour Haïti. A Washington a lieu la cérémonie d’investiture de l’uruguayen de « centre gauche » Luis Almagro, nouveau secrétaire général de l’OEA. « Je concentrerai mes efforts pour faire de l’Organisation un instrument efficace en faveur des intérêts de tous les Américains, qu’ils viennent du centre, du sud, du nord du continent, ou de la Caraïbe », affirme-t-il sans rire en professant cette promesse qui n’engage que ceux qui la croient. Totalement inféodé à Washington, l’individu va trahir tous ses engagements et se mettre au service quasi exclusif de la déstabilisation du Venezuela. C’est dire que la situation haïtienne ne constitue en rien, pour lui et ses commanditaires, une quelconque préoccupation.

Visant à élire l’intégralité des députés et deux tiers du Sénat, le premier tour des élections législatives, le 9 août 2015, donne lieu à un « formidable engouement » : le CEP enregistre 128 partis et pas moins de 1 855 candidats plus ou moins opportunistes pour les 139 sièges à pourvoir. L’engouement s’arrêtera là (il ne faut pas prendre les Haïtiens pour des crétins) : le taux de participation n’atteint que 18 % à l’échelle nationale (10 % dans le département de l’Ouest, le plus peuplé du pays, qui englobe la métropole de Port-au-Prince). Pour connaitre le nom des candidats retenus au second tour, prévu le 25 octobre, le CEP recommande de consulter son site internet… auquel il est impossible de se connecter (pour peu d’ailleurs qu’on possède un ordinateur et qu’on puisse essayer). Au bout du compte, seuls trois députés sur 119 seront élus ; aucun sénateur. En raison des violences l’ayant entaché, le scrutin devra être réorganisé dans une vingtaine de circonscriptions.

Le second tour du 25 octobre coïncide avec le premier de la présidentielle. Dans la perspective de cette dernière, et pour noyer les partis traditionnels, en particulier Fanmi Lavalas, Martelly a fait légiférer et réduire les conditions à remplir pour créer un parti et se présenter. Objectif atteint : on dénombre cinquante-huit candidats – beaucoup plus que de programmes ou de lignes politiques. Pendant plusieurs semaines, l’opposition (crédible) dénonce la préparation de fraudes massives au profit de Jovenel Moïse, représentant du Parti haïtien Tet Kale au pouvoir (le PHTK), avec l’appui explicite de Martelly et implicite du Core Group – les « pays amis » (Etats-Unis, France, Canada, Union européenne, OEA, ONU).

L’exportateur de bananes Jovenel Moïse l’emporte avec 32,76 % des voix devant, une fois de plus, le dauphin de René Préval, Jude Célestin, de la Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation d’Haïti – une formation de centre droit. Crédité de 25,29 % des suffrages, Célestin dénonce « une farce ridicule ». De nombreux autres candidats – Sauveur Pierre Etienne, Moïse Jean-Charles, Jean-Henry Ceant, Steeven Benoit I., Charles Henry Baker, Eric Jean-Baptiste et Samuel Madistin – annoncent avec lui qu’ils ne reconnaissent pas les résultats et réclament une commission d’enquête indépendante.

Il en faudrait davantage pour émouvoir la « communauté internationale ». Selon la mission d’observation de l’OEA, la journée électorale s’est globalement bien déroulée. Du côté du gouvernement étatsunien, de l’ONU et de l’Union européenne, on ne cesse de se féliciter et d’exhorter à ce que le processus électoral soit mené à son terme au plus vite, c’est-à-dire, comme prévu, le 27 décembre.

Malgré ces diktats, la pression grandissante de la rue ne le permettra pas. Le 21 décembre, le CEP doit annoncer le report du second tour de la présidentielle et des législatives partielles au 24 janvier 2016. Meetings et manifestations se multiplient à travers le pays, provoquant un nouveau renvoi sine die des scrutins à une date ultérieure. Washington s’énerve : l’administration de Barack Obama a dépensé 33 millions de dollars pour organiser ces « élections » ! Au lieu de se soumettre, les protestataires sont galvanisés. Le 7 février, Martelly termine son mandat sans pouvoir transmettre le pouvoir à un successeur. Le 14, au terme d’une longue séance de nuit, sans base légale ni constitutionnelle, le Parlement élit Jocelerme Privert « président provisoire » pour cent vingt jours.

Aucune solution n’a été trouvée lorsque ce mandat d’un nouveau type se termine le 14 juin. Malgré l’opposition de l’ambassadeur des Etats-Unis, Peter Mulrean, une Commission indépendante de vérification et d’évaluation électorale a été créée. Le 26 mai, après un mois de travail, son président François Benoit a remis son rapport et, en précisant qu’il était notamment impossible de retracer l’origine de 40 % des votes, a affirmé : « Il serait juste et équitable que, au moins au niveau des élections présidentielles, le processus soit repris à zéro. »

Il devient de plus en plus difficile de passer outre. Le 6 juin, sous la pression des foules, des défilés et des rassemblements « anti-ingérence », le président du CPE Léopold Berlanger annule le scrutin contesté et informe que les deux tours d’une nouvelle présidentielle auront lieu le 9 octobre et le 8 janvier 2017. Devant tant d’impudence – une décision souveraine ! – les puissances impériales s’étranglent. « Le peuple haïtien mérite que sa voix soit écoutée et non différée », s’emporte à Washington le porte-parole du Département d’Etat. Tout aussi irritée, l’Union européenne décide de suspendre sa mission d’observation électorale, dirigée par l’espagnole Elena Valenciano.

Les vagabonds, le sans-abris, les sans ressources, les infirmes et les enfants abandonnés subissent un nouveau coup du sort le 4 octobre lorsque l’ouragan Matthew dévaste le sud du pays. Plus de 540 morts : cette nouvelle tragédie oblige à reporter le premier tour de la présidentielle, qui aura finalement lieu le 20 novembre 2016.
Bénéficiant d’un financement direct des Etats-Unis à travers l’USAID, le PHTK de Jovenel Moïse peut se permettre de faire une campagne nationale. C’est donc son candidat qui l’emporte au premier tour avec 55,67 % des voix, devant Jude Célestin (19,52 %), Jean-Charles Moïse (Piti Dessalines ; 11,04 %) et Maryse Narcise (Fanmi Lavalas ; 8,99 %). Trois des neuf membres du CEP refusent de signer la feuille des résultats. Seuls 21 % des 6,2 millions d’électeurs se sont déplacés pour voter.

Corruption au plus haut niveau

Mieux vaut tard que jamais ! Le 5 janvier 2017, Guy Philippe, narcotrafiquant notoire, ancien militaire, ex-commissaire principal de police, entraîné par les forces spéciales américaines en Equateur dans les années 1990 et « commandant en chef » des « Forces armées du Nord » qui ont contribué au renversement d’Aristide en 2004, est détenu par la brigade haïtienne de lutte contre le trafic de stupéfiants et des agents américains de la Drug Enforcement Administration (DEA), puis immédiatement extradé aux Etats-Unis. Un mandat d’arrêt émis par la DEA pesait sur lui depuis dix ans, sans que personne ne pense vraiment à l’arrêter. Mais, fraîchement élu sénateur du département de la Grand’Anse pour le compte d’une plateforme, le Consortium national des partis politiques (CNPP), alliée du PHTK, il allait bénéficier de l’immunité parlementaire. Le couperet tombe quatre jours avant qu’il ne prête serment. Sans faire plaisir à tout le monde. Le 15 mars, le Sénat de la République votera une résolution condamnant l’arrestation et la déportation vers les Etats-Unis de tout citoyen haïtien, « notamment celle du sénateur élu de la Grand’Anse Guy Philippe » [9].

Le 18 janvier, quelques jours avant la prestation de serment du 7 février, et deux précautions valant mieux qu’une, quatre députés ont instamment demandé au nouveau président du Sénat, Youri Latortue, et au bureau de l’Assemblée nationale de clore l’enquête ouverte contre celui qui vient d’être élu chef de l’Etat, mais ne jouit pas encore de l’impunité attaché à la fonction, Jovenel Moïse, pour des soupçons de « blanchiment » d’argent. Une entreprise qu’il a dirigée a été identifiée comme bénéficiaire de fonds pour un projet de construction d’une route sans signature de contrat.

Sénat et Assemblée se montrent compréhensifs : ils ne s’attardent pas sur ces soupçons. Le risque définitivement écarté, Moïse prête serment et nomme premier ministre le président du Rotary Club, Jack Guy Lafontant.

Aristide avait supprimé les Forces armées ; Moïse les rétablit quand se répand la nouvelle que, motivés par « le retour à l’ordre constitutionnel », les casques bleus de la Minustah vont quitter le territoire le 15 octobre. Après treize années d’une présence perçue comme une occupation, celle-ci n’a jamais su se gagner la confiance des Haïtiens. De plus petite taille, une Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (Minujusth) prend le relais pour contribuer à la formation de la police haïtienne (14 000 membres pour 11 millions d’habitants).
Toutefois, à partir de juillet 2018, c’est le ressentiment populaire qu’alimentent des révélations sur les avantages présumés des fonctionnaires, le débat sur l’utilisation discutable des fonds Petrocaribe et l’augmentation des prix des combustibles qui relancent la tension. Puis l’insurrection populaire. « Environ trois milliards des fonds de Petrocaribe ont été gaspillés durant le gouvernement de Martelly,s’indigne Henry Boisrolin, du Comité démocratique haïtien, et, quand on lui a demandé ce qui s’est passé avec cet argent, il a répondu qu’il avait construit les hôtels Marriott, Oasis, etc. Ce sont les hôtels qui ont été attaqués, où des autos ont été incendiées et où de nombreuses choses ont été détruites. C’est une tromperie. Un président qui quitte le pouvoir et reconnaît qu’il a acheté une maison pour 9 millions de dollars, puis prétend qu’une banque les lui a prêtés. Un ex-président qui demande un hélicoptère à la République dominicaine pour fuir le pays avec sa famille [10]…  »

De la quinzaine d’anciens ministres et hauts fonctionnaires épinglés par l’enquête du Sénat, aucun n’a été poursuivi. Pas plus que les banques qui les ont aidés dans leurs détournements de fonds. Confronté aux marées humaines descendues dans les rues, à l’appel du mouvement #PetroCaribeChallenge, le président Moïse, le 18 octobre 2018, appuie l’ouverture d’une enquête. Le 19 novembre, le dos au mur, les représentants des trois pouvoirs de l’Etat se retrouvent pour se pencher sur la crise politique, économique et sociale qu’affronte le pays. La répression s’abat. Féroce. Indiscriminée.

« Il n’est plus possible d’ignorer les évènements de La Saline [un quartier réputé hostile au pouvoir], estime le quotidien Le Nouvelliste, le 4 décembre. En plein jour, des hommes armés assoiffés de sang, des membres de gangs connus, appuyés (…) par un blindé de la BOID [Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale de la Police nationale] ont tué hommes, femmes, enfants, charcuté et brûlé des cadavres ».

Aide humanitaire

Début 2019, un nouveau scandale fait exploser les secteurs populaires de colère et de frustration. Grâce à Hugo Chávez et Nicolás Maduro, le Venezuela est le pays du monde qui, ces vingt dernières années, a le plus aidé Haïti. Le 10 janvier, alors que Maduro, réélu avec 67,84 % des votants, prêtait serment pour son second mandat (2019-2025), le secrétaire général de l’OEA Luis Almagro, chaque jour un peu plus à la botte de Washington, a convoqué une session extraordinaire et Haïti a été l’un des dix-neuf pays (sur trente-quatre) qui ont annoncé ne pas reconnaître le chef de l’Etat vénézuélien. Un coup de poignard dans le dos au plus fort de la tentative de coup d’Etat qu’organisent l’Empire et ses supplétifs latino-américains et européens.

Dès lors, une rage totale, sans merci, définitive, s’empare des opposants. Scènes chaotiques, pillages, émeutes en février. Les mouvements, syndicats, partis et dizaines de milliers d’anonymes avancent trois revendications : la démission immédiate de Jovenel Moïse ; le jugement et la condamnation des responsables du pillage du Fonds Petrocaribe ; l’appui au gouvernement vénézuélien et le rejet de l’ingérence américaine dans les affaires de la région.

Jovenel ne semble pas saisir la nature des événements lorsqu’il déclare, de façon irresponsable, « je ne mettrai pas le pays entre les mains de bandes armées et de narcotrafiquants », ravivant la colère de la population.

La peur étreint le milieu des affaires. Le 15 février, Washington appelle Port-au-Prince à faire ce que la « société civile » et surtout la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH) recommandent : l’ouverture d’un dialogue, des améliorations politiques et économiques, et une lutte contre la corruption. Dès le lendemain, le premier ministre Jean-Henry Céant obtempère et annonce quelques mesures – réduction de 30 % du budget de son propre bureau ; audit de tous les organismes autonomes de l’Etat afin de récupérer les fonds détournés ; assainissement des douanes, suppression des monopoles, relèvement du salaire minimum journalier ; nomination de nouveaux directeurs des institutions de lutte contre la corruption ; mise en place de conseils d’administration à la tête des organismes autonomes de l’État ; réhabilitation du Fonds de développement industriel (Fdi) ; diminution des prix des produits de première nécessité.

Il ne manquait qu’un grand classique à ce déchaînement de violence pendant lequel des manifestants ont été assassinés par dizaines : le chapitre « barbouzerie ». Celui-ci a surgi le 18 février lorsque la police a appréhendé huit individus – cinq américains, un serbe et un russe résidant aux Etats-Unis, un haïtien – en possession d’un véritable arsenal : 6 fusils d’assaut, 5 pistolets Glock, 15 chargeurs de fusil d’assaut, environ 500 cartouches, 3 téléphones satellitaires, plusieurs plaques d’immatriculation et 2 drones professionnels. L’un d’entre eux, un ancien « marine » à la longue trajectoire militaire, Kroeker Kent Leland, figure comme associé et chef d’opération de Kroeker Partners, une compagnie de sécurité privée (CSP) basée à Baltimore, dans l’Etat de Maryland, aux Etats-Unis. Les autres américains – Christopher Michael Osman, Christopher Mark McKinley, Talon Ray Burton et Dustin Porte – sont d’anciens officiers de l’US Navy.

Selon la police haïtienne, ces hommes ont affirmé participer à une « mission gouvernementale » après avoir été interpellés. Sans doute pas au courant, le premier ministre Jean Henry Céant, les a dans un premier temps qualifié de « mercenaires » et de « terroristes ». Ce qui a amené le gouvernement américain à intervenir. Et, après que des conseillers du président Moïse aient tenté de soustraire les détenus aux autorités policières, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Jean Roudy Aly, à autoriser leur retour aux Etats-Unis. Le jour même, ils quittaient l’aéroport international de Port-au-Prince sur un vol commercial d’American Airlines à destination de Miami.

Attendus à leur arrivée, ils ont déclaré aux autorités américaines qu’ils se trouvaient en Haiti pour assurer la sécurité privée d’un « homme d’affaires » travaillant pour le compte du gouvernement haïtien. Bien qu’ayant été arrêtés en Haïti en possession d’un arsenal de guerre totalement illégal et plus que suspect, ils ont été immédiatement libérés, après avoir été simplement « débriefés » [11].

Le 26 février, le président Jovenel Moïse a procédé à l’installation d’un Comité de facilitation du dialogue inter-haïtien de sept membres. Toutefois, avant même se présentation publique, deux de ses membres avaient déjà jeté l’éponge – dont Charles Suffrard, issu d’organisations paysannes. De son côté, n’ayant rien abandonné de ses revendications, le regroupement Konbit òganizasyon politik, sendika ak popilè projette de nouvelles journées de mobilisations, pour continuer, entre autres objectifs, d’exiger le départ du président Jovenel Moïse.
Le 1er mars dernier, en visite à Port-au-Prince pour discuter avec les dirigeants du secteur politique, du secteur privé et de la « société civile », le numéro trois du Département d’Etat aux affaires politiques David Hale, a averti haut et fort les « décideurs politiques », mais surtout ceux de l’opposition, que « les Etats Unis, n’accepteront pas qu’Haïti devienne une menace pour la région ». Genre : « elle est déjà très menacés par Cuba, le Nicaragua et le Venezuela. » Il a ajouté que l’administration Trump « mettra tout son poids dans la balance » pour forcer les protagonistes à discuter « pour sortir le pays d’une crise politique qui a trop durée ».

Ses déclarations n’ont pas obtenu un franc succès auprès de l’opposition radicale qui se méfie comme de la peste de la prétendue position de conciliation de Washington. Selon André Michel, l’un de ses porte-parole, « les Américains ne comprennent pas bien la crise politique haïtienne ». Plus direct encore, Jean Clarens Renois, candidat présidentiel en 2015 pour le compte de l’Union nationale pour l’intégrité et la réconciliation, a tranché : si resurgit un fort mouvement populaire, « la rue sera plus forte que les Etats-Unis ».

En attendant, à travers son dernier rapport trimestriel (1er mars 2019) adressé au secrétaire général des Nations unies, la Minujusth vient de souligner que « les conditions de vie de la population haïtienne se détériorent de plus en plus ». Selon ce rapport, et pour l’ensemble du pays, 5,5 % et 27 % des personnes interrogées se trouvent respectivement dans des situations d’urgence et de crise alimentaire ; 2,26 millions de personnes sont classées comme étant en situation d’insécurité alimentaire « et ont besoin d’une aide humanitaire à cet égard » [12].

Quelqu’un pourrait-il en aviser Donald Trump, son vice-président Mike Pence, son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, son secrétaire d’Etat Mike Pompeo, le président colombien Ivan Duque ainsi que le « président » vénézuélien fantoche autoproclamé Juan Guaido (et même Emmanuel Macron) ? Plutôt que de laisser pourrir dans la ville colombienne et frontalière de Cúcuta, la pseudo « aide humanitaire » que trois avions cargo C-17 de l’armée américaine ont déposé pour organiser un show destiné à déstabiliser le Venezuela, que ne redirigent-ils ces cargaisons inutiles en direction d’Haïti, pays qui en a réellement besoin et ne les refusera pas ? Il est vrai que la concurrence risque d’être rude en cas de relocalisation. Affecté par la fermeture de la frontière qu’a entraînée la rupture des relations diplomatiques entre la Colombie et le Venezuela, le maire de Cúcuta, César Rojas, critique vertement le président Ivan Duque pour les conséquences négatives que subit sa ville du fait de la politique irresponsable qui en a fait l’épicentre d’un véritable fiasco. Lui aussi réclame désespérément une aide. Située dans une province, le Nord Santander, où deux municipalités atteignent 92 % de pauvreté, Cúcuta est l’une des villes les plus misérables de Colombie, avec, en ce qui la concerne, 34 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

Maurice Lemoine


Notes

[1AlterPresse, Port-au-Prince, 13 juillet 2018.

[2Lancé en 2006 par le président Hugo Chávez, Petrocaribe permet à dix-sept pays d’Amérique latine et des Caraïbes d’acquérir des produits pétroliers à un coût avantageux et de payer leurs factures sur 25 ans à un taux d’intérêt de 1 %.

[3Selon Allen Weinstein, l’homme qui a créé la NED à l’époque de l’administration Ronald Reagan, « une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui l’était déjà, mais en secret, par la CIA, voici 25 ans ». (Washington Post, 21 septembre 1991).

[4La contamination a été causée par les eaux usées et une grande quantité de matières fécales directement déversées dans un affluent de la rivière Artibonite, près de laquelle était installé le campement de la Minustah.

[5« Des élections fondamentalement viciées en Haïti », Center for Economic and Policy Research (CEPR), Washington, janvier 2011.

[6Frédéric Thomas, L’échec humanitaire. Le cas haïtien, Centre tricontinental (Cetri), Charleroi, 2013.

[7Benjamin Fernandez, « Quand Monsanto vient au secours d’Haïti », Le Monde diplomatique, juin 2010.

[8Présidente du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes de 2006 à 2015, Mirlande Manigat est l’épouse de Leslie Manigat, brièvement chef de l’Etat du 7 février au 20 juin 1988, date de son renversement par les militaires.

[9Le 21 juin 2017, Guy Philippe a été condamné à une peine légère de neuf ans de prison par la justice américaine pour blanchiment d’argent – entre 1,5 et 3,5 millions de dollars entre 1999 et 2003 – provenant de la drogue.

[11D’après l’une des thèses qui circule (et que nous ne confirmons ni n’infirmons, faute d’informations de première main), la mission en Haïti de Kroeker Partners – spécialisée dans la protection d’infrastructures critiques (ports, aéroports, centrales électriques, banques) – était « top secret ». Seuls quelques membres de l’Exécutif en étaient informés, la Police nationale n’ayant pas été impliquée en raison d’un manque de confiance dans sa direction.

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Par GRAIN, MASIPAG et le réseau Stop! Golden Rice

Sur une couverture désormais célèbre du magazine Time en 2000, le riz doré était présenté comme le « riz qui pourrait sauver des millions de vies ». La prévision optimiste selon laquelle le riz génétiquement modifié (GM) serait commercialisé au début des années 2000 était un leurre : 20 ans plus tard, le riz doré n’a pas encore tenu sa promesse messianique, à savoir résoudre le problème de la carence en vitamine A (CVA) chez les enfants des pays pauvres.

Ses promoteurs, notamment l’Institut international de recherche sur le riz (IRRI) et ses comparses, sont prompts à rejeter la faute sur les agriculteurs et les organisations qui s’opposent au riz OGM. Ils accusent les agriculteurs, les consommateurs, les écologistes et de nombreux autres opposants au riz OGM d’avoir du sang sur les mains, leur opposition « pernicieuse » ayant permis la cécité et la mort de millions d’enfants qui auraient pu bénéficier de ce produit noble et humanitaire.

Mais est-ce vraiment le cas ?

La recherche et le développement sur le riz doré se poursuivent maintenant depuis près de vingt ans. Il est vrai que la société civile a lancé contre le riz génétiquement modifié et contre d’autres organismes génétiquement modifiés (OGM) des campagnes réussies qui sont parvenues à bloquer les essais au champ et la multiplication en masse. Mais, même si la mécanique du riz doré continue de tourner, ce sont les lacunes et les défauts inhérents au riz doré qui expliquent pourquoi celui-ci n’arrive toujours pas sur le marché. Et comme le riz doré est voué à l’échec, la résistance des peuples devient d’autant plus authentique et nécessaire contre ce faux sauveur et son or trompeur.

Qu’est-ce que le riz doré ?

Le riz est une culture très importante pour de nombreuses communautés en Asie. Il est non seulement le principal aliment de base pour la majorité des gens, il est également un élément important de la culture et de la société asiatiques. La production de riz est encore principalement entre les mains de petits agriculteurs de subsistance. Les moyens d’existence de la majorité des travailleurs agricoles dans les zones rurales sont liés, à un degré ou à un autre, à la production du riz. Le riz possède également une grande diversité de variétés, depuis le riz de terres sèches à des variétés qui peuvent pousser dans les zones côtières. Depuis l’Inde jusqu’en Indonésie et depuis la Chine jusqu’aux Philippines, on trouve facilement plus de 40 000 variétés de riz, et plus de 90 % du riz mondial est produit et consommé en Asie.

Bien qu’il soit considéré comme un plat nutritif, le riz manque de micronutriments tels que la vitamine A ou son précurseur, le bêta-carotène. C’est pourquoi il est normalement consommé avec un accompagnement, des légumes ou des protéines à base de viande, pour pallier le manque en micronutriments des régimes riches en riz. En 1999, un groupe de chercheurs européens dirigé par le Dr Ingo Potrykus a essayé de remédier à cette situation en mettant au point un riz génétiquement modifié contenant du bêta-carotène, en y insérant des bactéries ainsi que des gènes de jonquille et de maïs. C’est le riz doré, appelé ainsi à cause de la couleur dorée de ses grains.

Chronologie du projet sur le riz doré de 1999 à aujourd'hui.Chronologie du projet sur le riz doré de 1999 à aujourd’hui.

Ces scientifiques ont fait valoir que le riz doré pouvait résoudre le problème des carences en vitamine A et en d’autres éléments nutritifs, notamment en vitamine A, puisque que le riz est consommé comme aliment de base principalement dans des pays pauvres et en développement dans lesquels les populations ne pourraient pas se permettre un régime alimentaire équilibré.

Syngenta a ensuite mis au point une nouvelle version de Golden Rice, GR2, et en a fait don à son conseil humanitaire, Golden Rice Humanitarian Board, pour assurer l’introduction et le déploiement du GR2. Syngenta a prétendu que la consommation massive de riz doré répondrait à l’ampleur de la carence en vitamine A, qui entraîne la cécité chez environ cent mille enfants chaque année dans des pays comme les Philippines, le Bangladesh, l’Indonésie et l’Inde. En 2011, la Fondation Bill et Melinda Gates a ensuite fait un don d’environ 10,3 millions USD à l’Institut international de la recherche sur le riz (IRRI) pour le développement du riz doré.

Depuis la première annonce sur ce riz génétiquement modifié à la fin des années 1990, le riz doré est passé par différentes étapes de développement et suscite à la fois enthousiasme et opposition aux quatre coins du monde. La lutte sur le riz doré a été passionnée. Ses promoteurs y voient le symbole de tous les bienfaits qui peuvent être offerts par les biotechnologies, ont fait d’elle la panacée pour la CVA et ont accusé ses opposants d’être responsables de la cécité chez les enfants. Le riz doré a ouvert la porte à d’autres cultures génétiquement modifiées biofortifiées et a joué un rôle crucial dans les discussions autour des cultures OGM. Plusieurs de ces plantes génétiquement modifiées biofortifiées en cours de développement peuvent être citées :

–   Riz OGM enrichi en zinc et en fer. Développé par la même équipe de l’IRRI qui travaille sur le riz doré, sur la base d’un rapport publié en 2015 [1].

–   Super-banane ou banane dorée : banane génétiquement modifiée contenant du bêta-carotène, mise au point par des chercheurs de l’Université de technologie du Queensland avec un financement de 5,9 millions de livres sterling de la Fondation Bill and Melinda Gates[2].

–   Pomme de terre dorée : une souche de pomme de terre jaune-orange modifiée par génie génétique qui contient de la vitamine A et de la vitamine E. Développée par un groupe de scientifiques de l’Université d’État de l’Ohio et l’Agence nationale italienne pour les nouvelles technologies[3].

– Riz violet, produit par génie génétique, qui contient les composés antioxydants colorés que l’on trouve normalement dans les myrtilles. Mis au point par une équipe de l’Université agricole de Chine méridionale à Guangzhou. Il est censé contribuer à la prévention du cancer[4].

Quels sont les pays ciblés pour le développement du riz doré et quelle est la situation actuelle ?

Philippines

Des participants internationaux venus d’Asie ainsi que de Nouvelle Zélande et d’Australie se sont réunis face au Département de l’Agriculture des Philippines pour exhorter ce dernier à ce qu’il refuse immédiatement les demandes qui lui ont été soumises pour des essais en champ et l’utilisation directe du riz doré aux Philippines.

Des participants internationaux venus d’Asie ainsi que de Nouvelle Zélande et d’Australie se sont réunis face au Département de l’Agriculture des Philippines pour exhorter ce dernier à ce qu’il refuse immédiatement les demandes qui lui ont été soumises pour des essais en champ et l’utilisation directe du riz doré aux Philippines.

En février 2017, l’Institut philippin de recherche sur le riz (PhilRice) et l’Institut international de recherche sur le riz (IRRI) ont soumis deux demandes pour des essais en champ et un permis de biosécurité pour une utilisation directe du riz doré GR2E dans l’alimentation humaine ou animale, ou pour la transformation, qui seraient accordées au Bureau de l’industrie végétale du Département de l’Agriculture.

Ces demandes ont été déposées après des essais au champ en milieu confiné par PhilRice entre 2015 et 2016, lorsque PhilRice est arrivé à la conclusion que le riz doré possède les mêmes composants nutritionnels que le riz ordinaire, à l’exception de sa teneur en bêta-carotène, et n’a pas d’impact sur les principales propriétés agronomiques du riz, notamment son rendement.

PhilRice et IRRI ont discrètement effectué l’essai au champ en milieu confiné et sont restés muets sur la situation du riz doré aux Philippines après août 2013, quand plus de 400 agriculteurs et travailleurs du secteur primaire se sont rendus au Bureau régional du Département de l’Agriculture à Pili, dans la province de Camarines Sur et ont arraché les essais au champ de riz doré qui s’y trouvaient[5]. Selon les agriculteurs, l’action directe visait à empêcher la contamination de leurs précieuses variétés traditionnelles, qu’ils ont eux-mêmes sélectionnées. Les deux institutions ont accusé l’action d’arrachage d’avoir causé des difficultés pour la commercialisation prévue du riz doré pendant deux ou trois années de plus, bien que l’IRRI ait également avoué que les rendements de la variété de riz doré cultivée dans les essais au champ se sont avérés un échec, avec des rendements moyens inférieurs à ceux des variétés locales[6].

Les nouvelles demandes d’essais au champ ne concernent que deux sites : les stations expérimentales Philrice de Muñoz (province de Nueva Ecija) et de San Mateo (province de Isabela), considérées comme faisant partie des meilleures régions de riziculture sur Luçon, la plus grande île des Philippines. Selon Philrice, les essais au champ ne dureront qu’une seule saison de culture, après quoi la demande de multiplication commerciale sera déposée.

Outre les essais au champ, les promoteurs du riz doré ont également déposé une demande d’utilisation directe pour l’alimentation humaine et animale, ainsi que pour la transformation. On ne sait toujours pas clairement en quoi consiste la demande d’utilisation directe, mais elle a très probablement été déposée dans le but de faciliter les essais alimentaires chez les consommateurs ciblés et, au final, la mise sur le marché du riz doré.

Bangladesh

Action de solidarité mondiale contre la commercialisation du riz doré au Bangladesh.Action de solidarité mondiale contre la commercialisation du riz doré au Bangladesh.

Le Bangladesh a terminé les essais au champ en milieu confiné du riz doré de l’Institut de recherche sur le riz du Bangladesh (BRRI), situé à Gazipur, au début de 2017. Il est actuellement sur le point de soumettre au ministère de l’Environnement et au ministère de l’Agriculture une demande d’essai au champ sur plusieurs sites, dans des champs d’agriculteurs. Par ailleurs, une demande d’évaluation environnementale et de sécurité alimentaire sur le riz doré GR2E BRRI dhan29 a été transmise au ministère de l’Agriculture en novembre 2017 et au ministère de l’Environnement et des Forêts le mois suivant[7].

Cependant, la contamination par le riz doré dans les échanges commerciaux a également suscité des préoccupations au Bangladesh. Le Bangladesh lui-même est déjà confronté au problème de l’exportation de ses produits agricoles puisqu’il a autorisé la production commerciale d’aubergines Bt en 2013 et que l’Inde a mis en place un moratoire sur les aubergines provenant du Bangladesh[8]. En tant que nouveau pays exportateur de riz, le Bangladesh veille prudemment à ne pas contaminer ses exportations de riz par du riz OGM, craignant que cela n’ait des répercussions sur son marché d’exportation des produits agricoles.

Cela montre que, malgré des années de travail de relations publiques pour convaincre le public qu’il n’y a pas de danger à consommer des aliments génétiquement modifiés, la confiance du public vis-à-vis des cultures génétiquement modifiées reste dans l’ensemble faible, en particulier pour les produits alimentaires de base comme le riz.

Inde

Des délégués internationaux d’Inde, Sri Lanka, Bangladesh, Chine, Vietnam, Indonésie, Australie, Nouvelle-Zélande et Canada ont participé à la Conférence internationale du Réseau Stop! Golden Rice, du 2 au 4 avril 2018.Des délégués internationaux d’Inde, Sri Lanka, Bangladesh, Chine, Vietnam, Indonésie, Australie, Nouvelle-Zélande et Canada ont participé à la Conférence internationale du Réseau Stop! Golden Rice, du 2 au 4 avril 2018.

L’Inde participe au développement du riz doré depuis le tout début. Le Dr Potrykus a lui-même reconnu avoir reçu le soutien de la Collaboration indo-suisse en biotechnologie (ETH Zurich), une institution financée conjointement par le Département indien des biotechnologies à New Delhi (Inde) et l’Agence suisse pour le développement à Berne (Suisse). Le riz doré a été introduit en Inde grâce au cadre organisationnel existant de la Collaboration indo-suisse en biotechnologie, et il était initialement prévu que l’Inde joue un rôle de premier plan et serve de modèle à d’autres pays.

Lors de la 54e assemblée de l’Institut indien de recherche agricole (IARI) en février 2016, le président indien de l’époque, Shri Pranab Mukherjee, a souligné dans son discours que l’IARI avait mis au point par sélection moléculaire un riz doré modifié génétiquement, enrichi en pro-vitamine A et en maïs à forte teneur en protéines, et des variétés de blé, de millet perlé et de lentilles riches en fer et en zinc. Un projet intitulé « Développement du riz doré pour diverses zones agro-écologiques du Bihar » était en cours à l’Université agricole de Rajendra, dans l’État du Bihar, avec un soutien financier de près de 95 000 USD (6,8 millions de roupies) dans le cadre du programme de développement agricole national (Rashtriya Krishi Vikas Yojana).

Bien qu’ils aient été les premiers à avoir développé le riz doré dans le pays, en 2017, un groupe de chercheurs a annoncé que les gènes nécessaires à la production du riz doré avaient des effets indésirables. Lorsqu’ils ont inséré la séquence d’ADN génétiquement modifiée dans le Swarma, une variété de riz indien à haut rendement et de très haute qualité agronomique, ce riz est devenu pâle et rabougri. Les rendements étaient si faibles qu’il s’avérait impropre à la culture[9]. Et depuis, le développement du riz doré n’a pas beaucoup progressé en Inde.

Le rejet du riz doré en Inde s’inscrit dans le cadre d’un rejet plus large des autres riz et cultures OGM. En octobre 2015, des membres de la Bharat Kisan Union, le syndicat des agriculteurs de l’Inde du Nord, se sont introduits dans une parcelle de riz OGM dans l’État d’Haryana, gérée par la filiale indienne de Monsanto, Mahyco, et ont brûlé la récolte. Les essais au champ dans l’État d’Haryana contrevenaient à plusieurs règlements. Premièrement, la lettre d’autorisation de la culture du riz OGM émanant du Comité d’approbation du génie génétique (Genetic Engineering Approval Committee), l’autorité réglementaire indienne pour les essais au champ et la diffusion commerciale des cultures transgéniques, a été publiée dix jours après le semis des cultures. Deuxièmement, Mahyco avait omis d’informer de ces essais les autorités agricoles de l’État et du district, comme l’exigeait la réglementation.

Indonésie

Les informations publiques sur le développement du riz doré en Indonésie sont très limitées. Le riz doré a été testé en Indonésie depuis 2012 au Centre de recherche sur le riz (BB Padi) à Bogor, en Java occidental.

En mars 2014, l’un des chercheurs de l’IRRI s’est rendu au Centre de BB Padi pour observer l’avancement de la recherche sur le riz doré en Indonésie. Lors de la réunion avec le responsable du centre de recherche sur le riz et d’autres chercheurs, l’IRRI a confirmé que les résultats agronomiques obtenus par le riz doré IR64 GR2-R en Indonésie étaient de qualité médiocre par rapport à un riz IR64 classique. Pour cette raison, depuis 2014, les projets visant à réaliser des essais confinés en Indonésie ont été reportés[10].

Malgré les échecs de développement et le report des essais confinés en Indonésie, la demande présentée par l’IRRI à la FSANZ (Food Safety Australia and New Zealand) en 2016 indiquait que l’IRRI menait une consultation sur la biotechnologie avant mise sur le marché, conjointement avec ses partenaires du Système national de recherche et de vulgarisation agricoles (NARES), et prévoyait des demandes d’approbation réglementaire, y compris en Indonésie. L’IRRI affirme que la demande à la FSANZ est basée sur le type GR2E, une version nettement améliorée du riz doré. Mais aucune communication publique appropriée n’a été faite concernant le développement d’un riz doré de type GR2E en Indonésie.

Brevets sur le riz doré : À qui appartient le riz doré ?

Les paysans s’opposent au riz doré car ils savent que ce riz ne rend aucun service aux agriculteurs ni aux consommateurs, et qu’il s’agit plutôt d’une façon de générer des profits pour les multinationales agrochimiques.Les paysans s’opposent au riz doré car ils savent que ce riz ne rend aucun service aux agriculteurs ni aux consommateurs, et qu’il s’agit plutôt d’une façon de générer des profits pour les multinationales agrochimiques.

La technologie sur laquelle repose le riz doré d’origine (GR1, fabriqué à partir d’un gène de la jonquille) a été développée et brevetée en 2000 par des chercheurs du secteur public, Ingo Potrykus et Peter Beyer. Ils ont cédé leurs droits sur la technologie à Syngenta. Syngenta a ensuite négocié d’autres licences provenant d’autres sources, dont Monsanto, afin de rendre la technologie utilisable, puis a redonné une licence aux inventeurs pour une utilisation « humanitaire », sous certaines conditions, dans des pays en développement.

Syngenta conserve tous les droits commerciaux sur le riz doré, y compris sur les améliorations technologiques. La société est également directement propriétaire du brevet sur le GR2, un riz doré modifié, fabriqué avec un gène du maïs. Mais elle a déclaré qu’elle n’était plus intéressée par la commercialisation du riz lui-même dans les pays développés.

Après les approbations réglementaires, la société d’État chinoise ChemChina a acheté la grande majorité des actions de Syngenta en juin 2017, pour 43 milliards de dollars US. ChemChina a acheté les actions restantes peu de temps après et Syngenta a été radiée de la cote. Syngenta est maintenant une société privée détenue par un seul actionnaire, ChemChina. ChemChina a annoncé son intention à l’avenir de réintroduire en bourse une participation minoritaire dans la société.

Bien qu’elle soit maintenant propriété chinoise, Syngenta est toujours une société suisse. Selon son président, Ren Jianxin, la société a pour objectif de doubler de taille au cours des 5 à 10 prochaines années et d’accroître ses ventes de semences de manière significative, notamment par le biais de fusions et acquisitions.

Le site web de Syngenta indique que « la plus grande partie de [sa] propriété intellectuelle mondiale appartient aux filiales suisses de Syngenta. Aucun transfert de ces droits de propriété intellectuelle à des entités chinoises n’est prévu. » Dans le cas du riz doré, la filiale est Syngenta Seeds AG, respectivement cessionnaire et titulaire des deux brevets principaux.

En 2018, le plus grand conglomérat chimique de Chine, SinoChem, envisage de se réunir et de fusionner avec ChemChina dans le cadre ce qui pourrait être un rachat d’une valeur de 120 milliards de dollars US. La nouvelle entité dépasserait Dow-DuPont et deviendrait la plus grande société chimique du monde. En résumé, ChemChina détient Syngenta, qui conserve les droits sur le riz doré. Un transfert de ces droits à d’autres parties n’est pas prévu pour le moment, mais la situation pourrait changer à l’avenir.

Riz doré – Moins performant que des sources naturelles de bêta-carotène

Des agriculteurs et des leaders montrent des sources naturelles de Vitamine A que l’on peut trouver en Asie.Des agriculteurs et des leaders montrent des sources naturelles de Vitamine A que l’on peut trouver en Asie.

Au cours des deux dernières décennies, les créateurs et les promoteurs du riz doré ont continuellement insisté sur le fait que le projet était crucial pour la réduction de l’ampleur de la CVA, un problème qui sévit dans de nombreux pays en développement. Il est vrai que la carence en vitamine A reste l’une des formes courantes de malnutrition dans de nombreux pays pauvres et en développement, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime à 250 millions le nombre d’enfants d’âge préscolaire présentant un déficit en vitamine A. La pauvreté et la faiblesse du pouvoir d’achat sont considérées comme des causes majeures de la malnutrition, notamment de la CVA. Le riz doré ne résoudra jamais ces problèmes sous-jacents.

La classification du riz doré est également très vague et il est souvent difficile de savoir si le riz doré est classé comme médicament ou comme aliment, car il est censé être une solution à la carence en vitamine A (CVA). Le Dr Gene Nisperos, de la Health Alliance for Democracy (HEAD) et du Collège de médecine de l’Université des Philippines à Manille, a souligné que l’affirmation des promoteurs du riz doré selon laquelle ce riz est sans danger n’est pas étayée par des expériences de laboratoire in vivo ou extérieures et ne peut satisfaire aux rigueurs de la science. Certaines des études présentées étaient basées uniquement sur des travaux portant sur des caractères protéiques spécifiques.

L’utilisation directe et la commercialisation du riz doré sont donc tout à fait préoccupantes. En février 2009, on a appris que le projet Golden Rice avait effectué des essais dans une école de la province du Hunan, en Chine, avec 68 élèves âgés de 6 à 8 ans. Vingt-trois enfants avaient reçu du riz génétiquement modifié lors de leurs repas à l’école, bien qu’aucun essai n’ait jamais été réalisé dans une étude d’alimentation sur les effets néfastes sur la santé. Cela a provoqué un débat public : la question était de savoir s’il était éthiquement et médicalement responsable d’effectuer de tels essais sur des êtres humains sans essais d’alimentation préalables sur des animaux[11].

Le débat a pris fin en 2015, après que l’American Journal of Clinical Nutrition ait retiré un article scientifique qui prétendait montrer que le riz génétiquement modifié constitue une supplémentation efficace en vitamine A. Cela s’est produit après le rejet par la Cour supérieure du Massachusetts de la demande du premier auteur visant à obtenir une injonction contre l’éditeur. La Cour a estimé que l’étude présentait des manquements déontologiques, n’apportait pas de preuve du consentement des parents à la participation des enfants aux essais et avait falsifié des documents d’approbation éthique[12].

Malgré la controverse entourant les essais d’alimentation directs avec des enfants, l’IRRI et PhilRice ont soumis une demande d’essais d’alimentation directs au département de l’agriculture des Philippines, en février 2017. Par ailleurs, selon une source au BRRI, des essais d’alimentation avec des enfants sont également prévus entre 2018 et 2019 au Bangladesh, une fois que les essais en plein champ seront achevés, avec l’aide de l’institut Hellen Keller, une organisation partenaire du Conseil humanitaire pour le riz doré.

La demande d’autorisation en matière de sécurité alimentaire pour le riz doré : un simple coup de tampon

Des demandes relatives à la sécurité alimentaire ont été transmises à la FDA (Food and Drug Administration) américaine, à la FSANZ (Food Standards Australia New Zealand) et à Santé Canada. Ces demandes sont présentées comme un moyen d’éviter tout problème commercial dans le cas où des petites quantités de riz contamineraient par inadvertance des cargaisons d’autres riz blanchis importés.

En décembre 2017, la FSANZ a accepté les données de sécurité de l’IRRI et a autorisé l’arrivée du riz doré dans l’approvisionnement alimentaire de l’Australie[13]. Cela en dépit du fait que la culture du riz doré n’est pas autorisée en Australie et que l’Autorité de contrôle des technologies génétiques (OGTR) n’a pas reçu de demande. Selon Test Biotech, un institut indépendant basé en Suisse et chargé d’évaluer l’impact des biotechnologies, une campagne de l’industrie a été lancée pour soutenir la demande[14]. Parmi les contributions envoyées à la FSANZ figuraient plusieurs lettres de sociétés telles que Bayer, Dow et Syngenta.

Une analyse complémentaire de Test Biotech montre également que les plantes cultivées au cours d’essais au champ produisent une quantité de caroténoïdes bien inférieure (3,5 µg/g – 10,9 µg/g) par rapport à l’événement initial GR2, censé produire au maximum plus de 30 µg/g. Dans le même temps, alors que des publications antérieures indiquaient que le bêta-carotène représentait environ 80 % du total des caroténoïdes, le riz dans les essais au champ n’avait atteint que 59 %. Ainsi, en ce qui concerne la qualité nutritionnelle, la demande de l’IRRI donne l’impression que les avantages potentiels du riz mentionnés dans les soumissions de l’industrie sont grandement surestimés et ne peuvent être obtenus dans des conditions concrètes.

En mars 2018, à la suite de l’autorisation de la FSANZ, Santé Canada a également délivré une autorisation afin que la variété de riz doré puisse être vendue au Canada pour l’alimentation humaine[15]. La dernière autorisation est venue de la FDA américaine en juin 2018. Bien qu’elle ait approuvé la demande sur le riz doré au niveau de la sécurité alimentaire, dans ses commentaires, la FDA soutient l’évaluation de Test Biotech. La FDA a conclu que le niveau de bêta-carotène dans le riz doré était trop faible pour justifier une allégation sur la teneur en éléments nutritifs, ce qui témoigne de l’échec et de l’insignifiance du riz doré OGM dans la lutte contre la malnutrition et la CVA[16].

Mais avons-nous vraiment besoin du riz doré pour lutter contre la CVA ?

Des pays cibles tels que les Philippines ont réussi à réduire leurs niveaux de CVA dans les secteurs vulnérables avec des programmes de nutrition conventionnels. Selon les données du Conseil national de la nutrition des Philippines, il y a eu une baisse significative des cas de CVA entre 2003 et 2008, l’incidence de la CVA chez les enfants âgés de 6 mois à 5 ans étant passée de 40,1 % en 2003 à 15,2 % en 2008. Chez les femmes enceintes, l’incidence est tombée de 17,5 % à 9,5 % et chez les mères allaitantes de 20,1 % à 6,4 %. Au Bangladesh, selon l’enquête nationale sur la nutrition réalisée par le ministère de la Santé et de la Famille, au milieu des années 1990, 44 % de la population totale avaient couvert leurs besoins en vitamine A grâce à leur régime alimentaire. De plus, entre 1995 et 2005, la prévalence de la CVA au Bangladesh a été réduite à 22 % chez les enfants et à 23 % chez les femmes enceintes[17]. Le ministère de la Santé et des Affaires sociales du Bangladesh a souligné que la supplémentation en capsules riches en vitamine A était la mesure la plus rentable à court terme pour lutter contre la CVA, en la combinant avec des améliorations de la diversification alimentaire et de l’éducation nutritionnelle[18]. On retrouve une situation similaire en Indonésie, où des capsules de vitamine A sont administrées deux fois par an aux enfants âgés de 6 à 59 mois. Le dernier recensement sur la CVA, mené en 2011, a montré que le niveau de CVA était déjà inférieur au niveau considéré comme posant un problème de nutrition publique, ce qui signifie que ce n’était plus un problème de santé au niveau national[19].

D’après les documents de l’IRRI, le riz doré contient moins de 10 % de la quantité de bêta-carotène présente dans une quantité équivalente de carottes. Comme on l’a vu précédemment, même la FDA américaine a souligné la faiblesse de la teneur en bêta-carotène du riz doré. Citant le rapport IRRI, la FDA indique que la teneur en bêta-carotène moyenne du riz doré ne dépasse pas 1,26 µg/g, ce qui est même inférieur à l’expression de 1,6 µg/g de bêta-carotène de la toute première génération de riz doré des années 2000.

La teneur déjà réduite en bêta-carotène de GR2E peut également se dégrader au fil du temps, comme l’a montré une étude réalisée en 2017[20]. Seulement 60 % de la teneur en bêta-carotène est conservée dans le riz doré après trois semaines de stockage et seulement 13 % après 10 semaines. En Australie, le réseau des Mères qui démystifient le génie génétique (Mothers are Demystifying Genetic Engineering, MADGE) souligne que, à ce rythme de dégradation, « la vitamine A se dégradant pendant le stockage, 75 jours après la récolte, une personne aurait besoin de manger 31 kg pour obtenir la même quantité que dans une poignée de persil frais. » Elles affirment en outre qu’« une seule carotte contient la même quantité de vitamine A que 4 kg de riz doré OGM cuit. »[21]. C’est peut-être la raison pour laquelle les promoteurs du riz doré, qui affirmaient, dans les années 2000, détenir la solution pour sauver des millions de vies, déclarent maintenant que le riz doré n’est « qu’une solution parmi d’autres » face à la CVA. Et cela renvoie à la question essentielle : avons-nous vraiment besoin du riz doré pour lutter contre la carence en vitamine A ?

Le riz doré, un faux sauveur

Le retard de la commercialisation du riz doré et l’« acceptation peu enthousiaste » du public sont dus aux lacunes et défauts inhérents à la technologie et au produit lui-même. Le riz doré va être inutile et il est peu probable qu’il atteigne son objectif d’aider à résoudre le problème de la CVA si son bêta-carotène reste faible et est même susceptible de se dégrader. Les rendements ont toujours été faibles, ce qui indique que les agriculteurs pourraient en souffrir sur le plan économique s’ils choisissaient de planter du riz doré. Dans le même temps, le riz doré permettra à de grandes sociétés de mettre le pied dans la porte de notre agriculture et d’introduire davantage de cultures vivrières génétiquement modifiées.

Les groupes qui promeuvent font la promotion du riz doré accusent depuis toujours les détracteurs de ce riz doré, et leur font porter la responsabilité de la mort de millions d’enfants atteints de CVA. Mais qui est vraiment le criminel ?

Tandis que ces groupes favorables au riz doré continuent de qualifier de « vandales » les opposants, ils continuent également de tenir pour acquis la réalité de la faim que vivent quotidiennement ces agriculteurs et les populations asiatiques. Nos pays ont la chance de disposer de ressources abondantes pour nourrir leurs populations, mais la pauvreté et les inégalités sociales empêchent les gens de se procurer des aliments sains et nutritifs. Le riz doré ne résoudra jamais la CVA et ne fera que renforcer le statu quo, au profit uniquement de ceux qui souhaitent contrôler le secteur agricole de nos pays.

Le véritable crime contre l’humanité est commis par le camp des partisans du riz doré, qui colportent un produit OGM qui n’a pas été testé et dont la sécurité n’est pas prouvée. En fait, cela peut conduire à une situation dans laquelle le « médicament » est pire que la maladie qu’il prétend guérir.

Le riz doré est une réponse technologique à la malnutrition et un stratagème des entreprises pour contrôler notre agriculture. Ni les Asiatiques ni le monde n’en ont besoin. En effet, la solution à la faim et à la malnutrition se trouve dans des approches globales qui garantissent l’accès des populations à des sources d’alimentation diversifiées. Le véritable moyen d’améliorer la production alimentaire et d’éliminer la faim et la malnutrition est de garantir le contrôle des petits agriculteurs sur des ressources telles que les semences, les technologies appropriées, l’eau et la terre.

 

Notes

[1]Kurniawan R. Trijatmiko et.al, 2016. Biofortified indica rice attains iron and zinc nutrition dietary targets in the field. https://www.nature.com/articles/srep19792

[2]Jean-Yves Paul, et al. 2016. Golden bananas in the field : elevated fruit pro-vitamin A from the expression of a single banana transgene. Plant Biotechnology Journal. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/pbi.12650

[3]Ruth Kava. 2017. Golden Potatoes : Vitamin-A fortified GMO variety could help tackle childhood blindness in Africa. American Council on Science and Health. https://geneticliteracyproject.org/2017/11/22/golden-potatoes-vitamin-fortified-gmo-variety-help-tackle-childhood-blindness-africa/

[4]Zhu et al. 2017.  Development of “Purple Endosperm Rice” by Engineering Anthocyanin Biosynthesis in the Endosperm with a High-Efficiency Transgene Stacking System. https://www.asianscientist.com/2017/07/in-the-lab/purple-rice-antioxidants-cancer/

[5]Masipag, Sikwal GMO, KMB. 2014. Bicolano farmers continue fight against Golden Rice field tests and commercialization ! Call for a GMO free Bicol. (Les agriculteurs de la région de Bicol poursuivent leur lutte contre les essais en champ et la commercialisation du riz doré ! Appel pour un Bicol sans OGM.)  https://www.grain.org/e/4991

[6]IRRI. 2016. There have been reports that Golden Rice field trials resulted in stunted plants and reduced grain yield. Is this true ? http://irri.org/golden-rice/faqs/there-have-been-reports-that-golden-rice-field-trials-resulted-in-stunted-plants-and-reduced-grain-yield-is-this-true

[7]IRRI. 2018. What is the status of the Golden Rice project ? http://irri.org/golden-rice/faqs/what-is-the-status-of-the-golden-rice-project

[8]Dr Eva Sirinathsinghji. Juillet 2014. Bangladeshi BT brinjal pilot scheme failed http://www.twn.my/twnf/2014/4122.htm

[9] Allison Wilson. 2017. Goodbye to Golden Rice ? GM Trait Leads to Drastic Yield Loss and « Metabolic Meltdown ». https://www.independentsciencenews.org/health/goodbye-golden-rice-gm-trait-leads-to-drastic-yield-loss/

[10]Communication directe avec le Centre indonésien de recherche sur le riz

[11]Xinhua. 2012. China continues to probe alleged GM rice testing. http://www.chinadaily.com.cn/china/2012-09/06/content_15736980.htm

[12]              The Ecologist. 2015. Golden rice GMO paper retracted after judge rules for journal. https://theecologist.org/2015/jul/31/golden-rice-gmo-paper-retracted-after-judge-rules-journal

[13]Food Standard Australia and New Zealand. 20 décembre 2017. Approval report – A1138. Food derived from Pro-Vitamin A Rice Line GR2E. http://www.foodstandards.gov.au/code/applications/Documents/A1138%20Approval%20report.pdf

[14]Test Biotech. Data on ‘Golden Rice’ not sufficient to show health safety and indicate low benefits. Février 2018. https://www.testbiotech.org/en/node/2151

[16]USFDA letter to Dr. Donald McKenzie Regulatory Affairs and Stewardship Leader International Rice Research Institute Re: Biotechnology Notification File N° BNF 000158 https://www.fda.gov/downloads/Food/IngredientsPackagingLabeling/GEPlants/Submissions/ucm608797.pdf

[17]Hannah Ritchie et Max Roser. 2017. Micronutrient Deficiency. https://ourworldindata.org/micronutrient-deficiency#vitamin-a-deficiency

[18]Ministry of Health and Family Welfare, Government of Bangladesh. 2008. National Guidelines for Vitamin A program in Bangladesh. https://www.nutritionintl.org/content/user_files/2014/08/FINAL-VERSION-National-Guidelines-VAS3.pdf

[19]Depkes. 19 novembre 2012. Menkes : Ada tiga kelompok permasalahan gizi di Indonesia. http://www.depkes.go.id/article/print/2136/menkes-ada-tiga-kelompok-permasalahan-gizi-di-indonesia.html

[20]Schaub et al 2017.  Nonenzymatic β-Carotene Degradation in Provitamin A-Biofortified Crop Plants. J. Agric. Food Chem., 2017, 65 (31), pages 6588–6598. DOI : 10.1021/acs.jafc.7b01693

[21]MADGE. Février 2018. An Open Letter on GM golden rice in Australia. http://www.madge.org.au/open-letter-gm-golden-rice-australia

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Nous serons toujours étonnés par l’inconscience habituelle de l’être humain, sa faible empathie, ou son empressement défensif à nier la réalité, ce rejet répressif prenant la forme d’une censure mentale, une sorte d’aveuglement dont font preuve les privilégiés jouissant de leurs privilèges même lorsque ceux-ci sont en réalité minimes!

Qu’est-ce qui est à l’origine de cet empressement des plus favorisés à nier la condition de ceux qui le sont moins? On peut se demander, comment des gens sensibles, intelligents même, habituellement honnêtes et bénéficiant d’une culture d’un certain niveau, peuvent cependant se montrer aveugles au point de nier ce qui pourtant est évident?

Des travaux en psychologie cognitive et comportementale ont été réalisés maintes fois et depuis longtemps par des chercheurs en psychologie. Ces travaux menés dans les conditions de la rigueur expérimentale ont démontré que la raison pouvait facilement capituler face à une instance jugée supérieure qui leur commande de penser le contraire de ce que spontanément leur propre jugement avait été capable d’identifier. 

Si l’autorité utilisant les medias, délivre un message en totale opposition avec une conviction pourtant acquise par un grand nombre, ce grand nombre n’hésitera pas à changer son opinion en faveur de ce qui est divulguer par une instance jugée supérieure en alignant et en soumettant sa pensée tout en abandonnant ce qui était auparavant une conviction raisonnable de la pensée. La pensée personnelle et la conviction personnelle sont jugées inférieures à la parole de l’autorité qui représente celle d’un groupe, en soi supérieur à l’individu, ayant accès à des données supérieures, même si cette « croyance » provient de la « pensée magique », une fantaisie irrationnelle qui fait capituler une conscience lucide, informée, rationnelle jugée « inférieure » à la magie de l’autorité, parce que c’est l’autorité qui le dit! 

Prenons tout d’abord cet exemple d’expérience réalisée plusieurs fois avec un groupe d’une centaine d’enfants âgés de 5 à 7 ans.

Le psychologue, entouré de quelques personnes adultes, est assis à un bureau, dans une salle neutre (sans aucune décoration sur les murs). Il reçoit l’enfant en l’invitant à s’asseoir en face de lui, puis lui fait mettre sur la tête un faux casque relier par câble à une fausse machine présentée, quant à elle, comme étant un « détecteur de mensonges ». Le psychologue lui dit sérieusement que s’il donne une mauvaise réponse, la machine émettra un son lui indiquant qu’il s’est trompé ou qu’il a menti.

Plusieurs questions sont posées par le psychologue qui sait d’avance que les réponses seront forcément justes et donc la machine restera silencieuse. L’enfant a vérifié que la machine sait la vérité et qu’elle approuve ce qui est évident comme par exemple, son nom, sa date de naissance, le nom de ses parents, sa ville… Puis vient le moment où le psychologue va lui poser une question du genre : « Quelle est la couleur d’une orange? » L’enfant va répondre spontanément « orange ». A ce moment là, le test consiste à faire marcher le « détecteur de mensonges » indiquant que la réponse donnée était fausse! Le psychologue déclare à l’enfant : « mauvaise réponse. La couleur de l’orange est bleu »! Puis il répètera deux autres fois la question à l’enfant, « Quelle est la couleur d’une orange? » avant d’obtenir la réponse qui a été demandée : « Bleu ». Dès que la « bonne » réponse est donnée, le « détecteur de mensonges » ne sonne plus.

Puis le test se poursuit normalement.

A la fin du test, le psychologue fait enlever le casque de l’enfant et se met à parler librement avec lui en lui disant « hors test »: « Tu ne penses pas que cette machine est un peu détraquée et qu’elle fonctionne un peu n’importe comment? » L’enfant lui répond que non, cette machine est la machine de la « vérité »! Le psychologue lui dit alors, lorsqu’elle a approuvé la couleur de l’orange comme étant bleu, tu ne penses pas que cette machine dit n’importe quoi? L’enfant répond : « mais non, l’orange est de couleur bleu! » Le psychologue lui repose la question juste avant de partir, alors que l’enfant n’a plus le casque : « Quelle est la couleur d’une orange?» Et l’enfant de répondre résolument : « bleu »!

Ce test a été répété plusieurs fois sur une centaine d’enfants: seuls 7 d’entre eux ont insisté pour affirmer, jusqu’à la fin, que l’orange était orange et que la machine ne fonctionnait pas bien!

Un autre test a été réalisé par d’autres chercheurs, réunis dans une salle aménagée à cet effet. Un groupe de psychiatres en blouse blanche et représentant une autorité, allait procéder à l’expérimentation, mais cette fois-ci avec des adultes. La différence entre les deux tests c’est que, lorsque la personne faussement testée ne donnait pas la « bonne réponse » selon le protocole de recherche sur le conditionnement et la manipulation, l’adulte coupable de ne pas donner la réponse attendue par l’autorité, devait recevoir une fausse décharge électrique de la part de la personne réellement testée et ignorant la comédie, persuadée qu’elle recevait l’ordre de punir le fautif de n’avoir pas pensé ni donné la bonne réponse, comme l’autorité le lui demandait. Avec l’augmentation des « fausses réponses » augmentait également la puissance de la décharge électrique demandée par l’autorité. Ce test est bien connu de tous, depuis qu’il a été immortalisé par Yves Montand, dans le film Icare. Cette expérience de Stanley Milgram, réalisée entre 1960 et 1963, a démontré que 63% des personnes adultes testées allaient obéir sans résistance aux ordres qui étaient donnés même en étant contraires à leur morale, contraires à leurs convictions intimes et aller jusqu’à envoyer au « fautif » une décharge électrique dont la puissance était théoriquement mortelle.

Tout cela démontre clairement que la parole de l’autorité, représentant en général celle d’un ensemble de personnes exerçant un pouvoir, est toujours considérée comme supérieure à la parole d’un individu isolé et jugé comme inférieur, car ses opinions et convictions sont « forcément » erronées face aux opinions et aux convictions d’un groupe représentant une autorité devant laquelle la raison et la conscience doivent se plier. La voix de l’autorité l’emporte donc à 63% sur celle de la raison, celle de la conscience, celle de la lucidité, celle de la connaissance, de la conviction intime, du savoir et de l’expérience personnelle!

Cette expérience de tests psychologiques a été de nombreuses fois répétée sur de nombreuses personnes à travers le temps et des lieux culturels divers. Chaque fois ils ont confirmé des résultats identiques obtenus à travers le monde.

Pourquoi 63% des personnes intelligentes, informées, cultivées, éduquées, abdiquent-elles leurs convictions personnelles et se mettent à parler selon le formatage de la propagande médiatique?

Parce que les medias sont aux mains du Pouvoir, d’une classe de gens détenant les rênes du Pouvoir; parce que les medias sont le porte-parole du Pouvoir, un groupe de personnes responsables qui « détient les bonnes informations » et dicte à l’individu ce « qu’il faut savoir et penser ». L’imagerie médicale a permis depuis les années 80/90 de constater que ce sont les aires cérébrales de la peur qui s’activent lorsqu’un individu seul persiste à dire une évidence face à un groupe et à une autorité morale qui continue de ne pas la voir en allant même jusqu’à affirmer le contraire. C’est à cause de cette peur que la personne va abdiquer ses convictions en préférant celles du groupe jugé supérieur à elle.

La clé est donc là, elle est dans l’angoisse fondamentale des gens qui ont un niveau anxiogène élevé. Les 63% de la population adulte qui se soumet à la manipulation du Pouvoir en place détenant tous les moyens d’exercer le chantage par le mensonge, représentent la portion d’individus qui est concernée par la pathologie anxiogène dominant ces personnes et expliquant pourquoi, bien qu’intelligentes et cultivées, elles vont cependant tenir à leur tour le discours ambiant dicté par le Pouvoir depuis les directions ministérielles, les Administrations, les Assemblées, les Conseils des groupes financiers, et les Rédactions médiatiques, en un mot, depuis toutes les instances de pouvoir et s’y soumettre en tentant de convaincre les autres à faire de même, car c’est un besoin qui permet de maîtriser l’angoisse. 

La preuve est faite, que tous ceux qui se soumettent à la dictature du Pouvoir et servent sa cause, sont de grands angoissés qui ignorent qu’ils sont angoissés. C’est  cette ignorance là qui représente le plus grand danger qui soit pour une société capable de basculer dans la violence extrême si la parole du Pouvoir en venait tout simplement à décréter la « légitimité » de cette violence alors appelée « patriotique », « nationale » ou « citoyenne »!

C’est le même phénomène que celui qui a été observé par les psychologues cognitivo-comportementalistes, qui s’est retrouvé dans le comportement de la police à laquelle le Pouvoir a donné l’ordre de brutaliser férocement les Gilets-jaunes, faisant ainsi des milliers de victimes sur tout le territoire national : victimes judiciaires, victimes des violences policières, victimes économiques, physiquement et mentalement victimes des brutalités plurifactorielles du Pouvoir, depuis 40 ans… 

Si quelqu’un s’engage dans la police, il ne serait pas difficile de prouver que c’est d’abord parce que, devenu adulte, il a trouvé en réalité le moyen d’entrer dans le refuge d’une nouvelle « famille », celle de la police; parce que se mettre au service d’un Pouvoir donne « un cadre qui rassure », crée un lien relationnel de « filialité et de paternité », une grande assurance et « légitimité » qui apaise avant tout une angoisse toujours ignorée par le sujet qui s’engage dans ces structures où il n’est pas demandé de réfléchir mais d’obéir et d’exécuter des ordres…

Voilà pourquoi, le Pouvoir en place ne supporte pas que des télévisions, échappant à son contrôle direct, puissent pratiquer une information honnête, rétablissant la vérité des faits et contredisant formellement la désinformation déversée en permanence, par les organes médiatiques sous contrôle, sur une population réceptive et à dessein manipulée par un discours anxiogène. Car, ces médias indépendants cassent la culture d’angoisse qui est produite par le Pouvoir en place et ainsi entraînent les masses à se libérer de leur angoisse fondamentale en se révoltant contre les exploiteurs et les manipulateurs de la soumission.

Macron tente tout ce qu’il peut pour interdire la parole aux médias échappant à son contrôle, comme l’est RT France et les « réseaux sociaux indépendants ». Il n’hésite pas à les accuser de fomenter la révolte, de conditionner les esprits à voter contre lui qui représente évidemment les « intérêts de la France », de falsifier le débat national et même les élections! C’est un comble, mais c’est le cynisme propre au Pouvoir qui est pervers par nature. Voilà pourquoi nous assistons à une surenchère permanente de lois liberticides contre les « Fake News », contre des « opérateurs », contre des « sites » qui sont fermés, contre tout ce qui pourrait faire entendre une autre voix que celle de la manipulation et du dressage, non pas directement à la soumission, mais à « l’amour de la soumission », car cette soumission appelle un chantage, une falsification, un dressage qui passe toujours par une culture de l’angoisse! Il faut en venir à aimer sa soumission pour accepter de se soumettre. Pour cela il n’y a pas mieux, pas plus efficace que le savoir faire en matière de réveil des peurs par la menace du terrorisme qui rôde toujours dans l’ombre; de la faillite des Etats qui menace de ruiner tout le monde en un seul instant; des ennemis invisibles, même imaginaires, qui guettent le moment pour accomplir leurs méfaits (si les Russes n’étaient pas là nous aurions les Extraterrestres); de l’étranger qui va venir voler son travail; de la mondialisation qui, par sa puissance et l’ampleur de son poids, peut du jour au lendemain disqualifier en les écrasant les peuples isolés dans leur retranchement nationaliste… etc.! 

Le remède à l’aveuglement des « élites » privilégiées qui soutiennent le discours du Pouvoir et son projet pervers de dressage à l’amour de la soumission, c’est un traitement de l’angoisse fondamentale par l’exemplarité d’une révolte de la vérité contre le mensonge, de la citoyenneté active, participative contre l’anonymat de masses engendré par la dépossession de toute souveraineté et liberté à disposer de sa vie et de sa pensée. La voie de la liberté, de l’égalité et de la solidarité implique la résolution individuelle et collective de l’angoisse existentielle comme pathologie élevée au rang de « normalité » par le discours pervers du Pouvoir. Le Pouvoir cherche toujours à exclure de chez lui-même l’individu qui ne peut-être bien et dans la normalité qu’à l’intérieur de lui-même. Cette dualité de l’arrachement permanent à soi-même se nomme la psychose. Le Pouvoir veut le comportement psychotique des personnes, comportement appelé par le Pouvoir la « normalité », le comportement décrété « conventionnel ». C’est donc, pour le Pouvoir, le comportement psychotique qui est « normal », puisque la psychose enferme la personne à l’extérieur d’elle même. L’intérieur et l’extérieur ne sont plus différenciés: dans cet ordre social, les citoyens sont, a priori et a posteriori, traités comme des « ennemis » potentiels du Pouvoir.

Lorsqu’on entend le Pouvoir s’exprimer sur les Gilets-jaunes et leurs revendications, on peut constater qu’il les place d’emblée et logiquement, vu son projet de Pouvoir, dans l’espace de l’arriération mentale. La nature même du Pouvoir est entièrement dépendante d’un système de croyance: celle d’une sacralisation de l’innocence. Je ne peux pas être conscient ou hors de l’arriération mentale, face au Pouvoir, car celui-ci ne peut exister en tant que tel, que si je fais le deuil de ma conscience et de ma raison. Le Pouvoir est structurellement incompatible avec la conscience. C’est aussi la raison pour laquelle il me demande de me « taire », de « rester chez moi », de cesser ma protestation; il veut briser le mouvement de colère et l’étouffer coûte que coûte; il refuse le questionnement sur les faits, sur les violences policières, sur les injustices fiscales et sociales subies depuis si longtemps; il ne veut pas que le citoyen soit « conscient », éclairé, libre et responsable devant sa conscience, car alors le Pouvoir n’aurait plus aucun sens, ni aucune légitimité, ni aucune utilité…

Ce que le Pouvoir me « donne à voir et à entendre », c’est sa compétence en matière de savoir et qui implique mon aliénation, ma nécessaire ignorance et incompétence à savoir. Ce que le Pouvoir me donne à voir et à entendre, c’est une déclaration sur la vérité de l’objet exposé par la seule parole compétente du Pouvoir, à mon regard, à ma considération, à mon observation et à mon adoration. Ce qui est donné à voir et à entendre, est la seule chose que je puisse prétendre voir et admirer, car toute la vérité est déclarée au cours de la parole liturgique « révélée » de l’État qui m’invite simplement à la recevoir en prononçant le mot de mon acceptation et de ma soumission émue, à l’écoute de cette parole qui vient de l’innocence sacralisée du Pouvoir!

Je ne peux pas voir autre chose que ce qui m’est imposé de voir dans la déclaration compétente de ceux qui, seuls, savent et disent la vérité, au nom de l’innocence dont ils sont les garants et à laquelle je suis invité à croire religieusement, sous peine de « délit d’incroyance » ou « d’incitation à l’anarchie », ou « d’atteinte à la sécurité de l’État », ou de « pathologie conspirationniste ou populiste», car je ne peux pas douter de l’innocence du Pouvoir: c’est la supercherie de sa seule réelle justification!

L’État est le Pontife de la société laïque. Or, le « Pontife État », est inspiré de l’esprit sain et infaillible, lorsqu’il dit la vérité à voir et à entendre en opérant une censure du désir chez les citoyens se traduisant fatalement par une frustration immense. Le salut et la protection accordés aux moutons de la bergerie du seul bon pasteur, sont le symbole religieux du rapport du citoyen avec l’État. Le citoyen se soumet à ce que l’État lui donne à voir et à entendre en y adhérant par une croyance: celle de la vérité innocente ayant remplacé le désir. La parole de l’État, celle de Castaner ou de Philippe ou de Macron, tient donc sa légitimité de l’ordre phallique et de sa toute-puissance imaginaire et non pas de la volonté démocratique d’un peuple.

Cette faille qui apparaît dans le discours officiel de l’État, a pour but de nous « morceler ».

Le psittacisme journalistique qui vient alors au secours de la supercherie étatique, a une force incantatoire. Le compte rendu qui passe en boucle sur les « violences » des Gilets-jaunes, pratiqué par les supports médiatiques officiels, est une exhibition qui s’impose à nous les citoyens. Il n’y a pas de représentation possible, c’est une exhibition et c’est par cela que l’effet de sidération est garanti. La sidération vient de l’impossibilité pour chacun d’entre nous de déchiffrer le réel, si nous n’étions pas sur place avec les Gilets-jaunes, car l’individu est manipulé grâce aux images triées sur le volet, placées les unes après les autres dans un ordre étudié pour dénoncer; la sidération des gens qui regardent leur télévision ne vient pas en soi du drame exhibé lui-même, elle vient du morcellement astucieusement opéré par la manipulation médiatique.

Le citoyen ainsi « morcelé », ne peut retrouver son « unité individuelle » que par une surenchère dans ses paroles d’adhésion à ce qui lui a été assené. Ensuite, une fusion identification s’opère avec le Pouvoir qui, via les medias « collabos », a montré, nommé, déclaré les faits. « L’unité nationale », comme la fusion entre les surveillants et les surveillés, peut se mettre en place. Le Pouvoir a les mains libres pour décréter la dictature pure et dure.

Si quelqu’un ose montrer les failles dans le discours du Pouvoir, alors apparaît la psychose qui a pour effet immédiat de supprimer tout mécanisme de défense. Le Pouvoir peut abolir l’État de Droit, installer une authentique dictature : « l’état d’urgence » à perpétuité, et peut déclarer tout ce qu’il veut, jusqu’à rejeter la vie privée hors des libertés fondamentales. Non seulement le citoyen était déjà largement dépouillé de sa souveraineté constitutionnelle, mais désormais il n’aurait même plus les moyens de se défendre.

Le dissident est un résistant. On va faire entendre qu’un seul ou un petit nombre (2 millions de Gilets-jaunes sur 67 millions d’habitants) ne peut pas avoir raison contre la majorité. Les chiffres des statistiques sont faciles à manipuler : ceux de la participation à la mobilisation dans la rue, ceux qui soutiennent les révoltés, ceux qui approuvent les revendications… Le dissident devient donc le « traître » ou le « complotiste », le « récalcitrant », le « populiste » de cette « foule haineuse de ceux qui ne sont rien », qu’il faut faire taire impérativement par tous les moyens. Tous les « frondeurs » et « résistants » de l’histoire ont été persécutés par les Pouvoirs en place et il n’y a rien d’étonnant à cela puisque le Pouvoir ne s’inquiète que de sa pérennité et de ses intérêts immédiats jamais compatibles avec ceux d’une démocratie.

Il est clair qu’un entêtement dans ce jeu insensé du Pouvoir ne peut que déboucher sur la guerre civile! Les « responsables » « savent parfaitement ce qu’ils font », c’est pourquoi, nous ne pouvons pas leur pardonner!

Jean-Yves Jézéquel

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LES LETTRES D’ALEP
Nabil Antaki, Georges Sabé
TÉMOIGNAGE, AUTOBIOGRAPHIE, RÉCIT Syrie

Juillet 2012, la guerre fait rage en Syrie depuis un an et demi. Les auteurs, tous les deux alépins, sont restés sur place. Tout au long de ces années de guerre, ils ont écrit des lettres à l’intention de leurs amis. Ils brossent un tableau de la situation et racontent les souffrances des déplacés, la misère des pauvres, la détresse des habitants et l’atrocité de la guerre. Ce livre n’est pas un ouvrage politique ; les auteurs ne prennent pas position, ne racontent pas les faits militaires, ne jugent pas les parties. Ils décrivent leur réponse à ces drames par l’accompagnement, la solidarité, la compassion et le don de soi à travers leur association, les « Maristes Bleus ».

Nabil Antaki est médecin. En parallèle à une carrière professionnelle très riche, il fonda, en 1986, avec son épouse Leyla et frère Georges Sabé, l’association « L’Oreille de Dieu », un projet qui allait les conduire très loin sur le chemin de la solidarité avec les plus démunis de leur ville. En 2012, avec la guerre, « L’Oreille de Dieu » devint « Les Maristes Bleus ».

Frère Georges Sabé est un religieux consacré, de la congrégation des Frères Maristes dont la mission est l’éducation des jeunes, surtout les plus défavorisés. Tour à tour ou simultanément, il est préfet d’études, catéchiste, animateur spirituel, professeur de français et aumônier scout. Avec Leyla et Nabil Antaki, il fonde en 1986 l’association « L’Oreille de Dieu » qui devint plus tard « Les Maristes Bleus ».

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Le remarquable rapport d’information du Sénat sur l’extravagante affaire Benalla met en évidence des faits d’une gravité extrême qui révèlent la fragilité et la vulnérabilité du pouvoir exécutif.

Les frasques de l’ex sous-chef de cabinet arrogant et menteur ont monopolisé la une des médias occultant les dérives assumées de son comportement et les possibles atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. « Il ne fait en effet nul doute que les relations entretenues avec un oligarque russe par un collaborateur de l’Élysée directement impliqué dans la sécurité de la présidence de la République et d’un réserviste du commandement militaire du palais de l’Élysée exerçant une responsabilité d’encadrement étaient de nature, en raison de la dépendance financière qu’elles impliquent, à affecter la sécurité du chef de l’État et, au-delà, les intérêts de notre pays » » écrit le sénateur Philippe Bas, ancien magistrat au Conseil d’État, ex-secrétaire général de l’Élysée, plusieurs fois ministre, aujourd’hui président de la commission des lois de la Haute-Assemblée . Il ajoute : « Toutes les hypothèses sont aujourd’hui permises, y compris celle d’une approche délibérée des intéressés, destinée à les placer dans une situation de dépendance vis-à-vis d’intérêts étrangers puissants » Le parlementaire ne prononce jamais le mot  espionnage, mais nul besoin de lire entre les lignes pour comprendre que la suspicion qui pèse sur Benalla et ses comparses est bien celle de la trahison.

Le Cabinet

Les collaborateurs personnels que le chef de l’État se choisit font l’objet d’une surveillance attentive car ils détiennent une multitude de secrets et de confidences que des malveillants de toutes nationalités aimeraient percer. Leurs faits et gestes sont régulièrement rapportés au Président soit directement, soit par le truchement de son directeur de cabinet. Il va sans dire que ces chargés de mission qui l’assistent et le conseillent avec dévouement sont des passes-murailles qui se font rarement remarquer pour leurs exubérances. Il y a des années, un jeune attaché au lendemain d’une soirée passée dans une boite de nuit avait été congédié en pleine réunion de cabinet par cette simple phrase « je ne vous ai pas chargé d’explorer les bas fonds de Pigalle que je saches ! » Autres temps autres mœurs !

Contrairement au Président, ses proches serviteurs ne bénéficient d’aucune immunité, toutefois la mise en cause de l’un d’entres eux pour atteinte aux intérêts de la nation reste improbable aux dires de savants juristes. C’est sans doute pourquoi, les sénateurs rapporteurs Muriel Jourda et Jean-Pierre Sueur, ont mis l’accent sur les dysfonctionnements institutionnels sans pour autant exonérer les hommes de leurs fautes.

Electron libre ou service commandé ?

Le comportement d’Alexandre Benalla pose une série de questions restées sans réponses :

Était-il en service commandé à la manif du premier mai ? Était-il chargé de missions présidentielles en Afrique et au Moyen-Orient ? A t-il rendu compte de ses échanges hors de l’Élysée avec des hommes d’affaires, des agents des services secrets, les ministres et chefs d’états étrangers ? A t-il fait rapport de ses réunions en des lieux privés avec des officiers supérieurs de police, de gendarmerie, des forces armées, ainsi que de ses déjeuners dans les restaurants étoilés avec des anciens ministres, des journalistes, et des PDG du CAC 40 ? A t-il confessé les dividendes qu’il espérait de ses activités d’affaires privées avec des Israéliens, des Russes, des Algériens, des Tunisiens, des Marocains, des Saoudiens, des Turcs, des Tchadiens… ?

Sauf à imaginer l’impensable laxisme des principaux services de renseignement, DGSE et DGSI, ou l’improbable dysfonctionnement de la chaine de commandement de l’Élysée, le Président était informé. A t-il couvert son collaborateur ? A t-il ignoré ces alertes en les attribuant à la jalousie et aux intrigues de cour ?

L’équipe de nettoyage

En partage de l’intimité d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla était intouchable.

Alors, il est probable que quelques hauts fonctionnaires, effarés par la menace que faisait peser le vibrionnant favori du Président sur quelques secrets l’État ont décidé de le dégommer. Dans un premier temps, le gendarme cinq ficelles de la réserve « citoyenne » a été poussé à la faute sous les caméras de vidéo-surveillance. Oubliant qu’il était le serviteur personnel du Président le nigaud a matraqué de bon cœur des manifestants le 1er mai. Probablement rendu furieux par la manœuvre qui ridiculisait son protégé, Macron s’est entêté, il l’a soutenu, peut-être même encouragé et félicité pour son insolence « tu es plus fort qu’eux(les petits Marquis) tu vas les bouffer ». L’enchainement des révélations, la violation du contrôle judiciaire, mais surtout la preuve rapportée par enregistrement clandestin que Benalla galvaudait les confidences du Président lui ont valu d’aller pendant huit jours tester les installations rénovées du quartier VIP de la prison de la santé. On peut espérer qu’il aura compris l’avertissement et qu’il ira se faire oublier sous les tropiques.

Qu’importe son sort. On retiendra de cette affaire qu’il est finalement rassurant d’imaginer qu’à l’insu de l’Élysée des hommes responsables ont dans l’ombre comploté qu’ils ont agi pour protéger les intérêts supérieurs de l’État et pour défendre le Président de la République à son corps défendant. On se félicitera aussi que leur action ait été relayée par les médias et le Sénat.

Le salvateur Sénat

Nous sommes loin de la Troisième République, Mediapart n’est pas Le Bonnet Rouge, Benalla n’est pas Bolo Pacha et le Sénat ne peut plus se réunir en Haute Cour de justice.

Pourtant, dans cet invraisemblable enchainement de révélations, la presse a joué son rôle d’enquête et de lanceur d’alerte. De son coté, le Sénat a non seulement exercé pleinement son rôle de protecteur des institutions, mais il a sans doute également empêché le dévoiement de la plus haute fonction de l’État. Face à une Présidence et à un gouvernement de novices, face à une majorité de députés godillots, la Haute-Assemblée, celle de la France rurale et provinciale, celle « du seigle et de la châtaigne » a montré son irremplaçable fonction d’équilibrage des pouvoirs. Malheur à qui s’avisera de faire disparaître le Sénat !

Entre l’absolution ou la saisine du Parquet pour a minima dénoncer les menteries sous serments de Benalla, le choix du Président Gérard Larcher, et du Bureau du Sénat qui se réunira dans quelques jours sera dicté par la nécessité de trouver une issue républicaine à cette déshonorante affaire.

Hedy Bellassine

 

Références :

http://www.senat.fr/rap/r18-324-1/r18-324-11.pdf

https://www.senat.fr/evenement/archives/D40/bon.html

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Nous anéantissons aussi nos insectes vitaux.

mars 12th, 2019 by F. William Engdahl

Des études indépendantes récentes indiquent que l’extinction généralisée des populations d’insectes nous menace, notamment d’abeilles, à cause du déploiement massif de pesticides (« produits phytosanitaires ») par l’industrie agricole. Pour la plupart d’entre nous, les insectes tels que mouches, moustiques ou guêpes sont des nuisances à éviter. Cependant, ces études indiquent que nous risquons d’éliminer massivement les insectes qui sont vitaux pour la préservation de l’équilibre de la nature. Les conséquences pour la vie humaine commencent à peine d’être sérieusement prises en compte !

La première étude mondiale sur le déclin des espèces et du nombre d’insectes vient d’être publiée par la revue Biological Conservation. Les conclusions sont plus qu’inquiétantes. Parmi d’autres conclusions, l’étude a révélé que plus de 40% des espèces d’insectes sont menacées d’extinction.

L’étude révèle que la perte d’habitat résultant de la conversion à l’agriculture intensive est le principal facteur de déclin, ainsi que des polluants agrochimiques y associés – tels que le glyphosate, les néonicotinoïdes et d’autres pesticides. 

Les auteurs expliquent :

«Nous présentons ici un examen complet de 73 rapports historiques sur le déclin des insectes dans le monde et évaluons systématiquement les facteurs sous-jacents. Nos travaux révèlent des taux de déclin spectaculaires qui pourraient entraîner la disparition de 40% des espèces d’insectes dans le monde au cours des prochaines décennies ».

L’étude note que des analyses récentes indiquent que l’utilisation extensive de pesticides est le principal facteur responsable du déclin des oiseaux de champ et les organismes aquatiques tels que les poissons ou les grenouilles.

Elle cite notamment les résultats d’une étude, réalisée durant une période de 27 ans, des populations d’insectes dans certaines réserves naturelles protégées d’Allemagne, et qui a révélé : 

« un recul choquant de 76% de la biomasse d’insectes volants dans plusieurs zones protégées d’Allemagne… une perte moyenne de 2,8% de la biomasse d’insectes par an dans des habitats soumis à des niveaux de perturbations humaines relativement faibles ».

Fait très inquiétant, l’étude montre une tendance à la baisse constante sur près de trois décennies. 

Une autre étude menée dans les forêts tropicales humides de Porto Rico a révélé des pertes de biomasse 

« comprises entre 98% et 78% pour les arthropodes se nourrissant au sol, et pour ceux vivant dans la canopée, sur une période de 36 ans, ainsi qu’une baisse parallèle du nombre d’oiseaux, de grenouilles et de lézards dans les mêmes zones… »

Un déclin de la population d’abeilles, surtout de bourdons, est particulièrement alarmant. Depuis 1980, ils ont constaté que les espèces d’abeilles sauvages en Grande-Bretagne ont diminué de 52%, et aux Pays-Bas de 67%.

Aux États-Unis, pays qui a lancé l’industrie agroalimentaire intensive et l’utilisation généralisée de produits chimiques après la Seconde Guerre mondiale, la population d’abeilles sauvages a décliné dans 23% du pays entre 2008 et 2013, principalement dans le Midwest, les grandes plaines et la vallée du Mississippi. C’est dans ces zones que la production céréalière, en particulier le maïs OGM destiné à la production de biocarburants utilisant du glyphosate et d’autres produits chimiques, est prédominant. Dans l’ensemble, les États-Unis sont passés d’un sommet de six millions de colonies d’abeilles mellifères en 1947 à moins de la moitié, soit environ 2,5 millions de colonies aujourd’hui. Le déclin a commencé immédiatement après l’utilisation importante de l’insecticide organochloré DDT dans l’agriculture. Il s’est poursuivi sans relâche, même après l’interdiction du DDT en 1972 aux États-Unis, le DDT ayant été substitué par des solutions de remplacement à base de glyphosate et d’autres pesticides chimiques.

(Décimés: les oiseaux d’Allemagne disparaissent alors que l’abondance d’insectes plonge de 76%)

Déclin irréversible?

Le public en général comprend mal le rôle essentiel joué par les insectes dans la préservation de la nature et des espèces. Comme le rapport l’indique : 

«les musaraignes, les taupes, les hérissons, les fourmiliers, les lézards, les amphibiens, la plupart des chauves-souris, de nombreux oiseaux et poissons se nourrissent d’insectes ou en dépendent pour élever leur progéniture. Même si certains insectes en déclin pourraient être remplacés par d’autres, il est difficile d’envisager une réduction nette de la biomasse globale d’insectes. » 

Cette étude conclut notamment que

«Parmi toutes les pratiques agronomiques, c’est l’application d’herbicides sur les terres arables qui a eu le plus grand effet négatif sur des plantes terrestres et aquatiques ainsi que la diversité des insectes. »

Le glyphosate et le Monsanto Roundup à base de glyphosate, sont les herbicides les plus largement utilisés dans le monde aujourd’hui.

Une autre étude récente de la California Xerces Society pour la conservation des invertébrés a révélé que la population de papillons monarques de Californie était à son plus bas niveau. À partir des années 1980, année du début de la surveillance, et jusqu’en 2017, environ 97% des monarques avaient disparu. Puis, de 2017 à aujourd’hui, une autre baisse de 85% a été enregistrée. Les scientifiques affirment que l’utilisation intensive de pesticides dans l’agriculture est la principale cause de ce déclin.

(Photo: Xerces Society / Stephanie McKnight)

Des scientifiques de l’Université du Texas ont identifié durant leurs expériences, que le glyphosate – l’herbicide controversé du Roundup de Monsanto – nuit au microbiote des abeilles domestiques, ce qui est essentiel pour la croissance et la résistance aux agents pathogènes. Ceci, ajoutant aux études menées précédemment liant les pesticides néonicotinoïdes à la mort d’abeilles, exige que nous devions remettre en question d’urgence l’utilisation de ces toxines si largement appliquées à nos cultures agricoles. 

Le plus grand fournisseur au monde de néonicotinoïdes et de Roundup à base de glyphosate est le géant industriel qui résulte de la fusion Monsanto-Bayer.

Toutes ces études mettent l’accent sur un aspect des dégâts agrochimiques jusqu’à présent largement ignorés. 

Les insectes constituent la base structurelle et fonctionnelle de nombreux écosystèmes de la terre. Un monde sans oiseaux ni abeilles engendrerait des dommages catastrophiques à toute la vie sur notre planète. Sans insectes, des écosystèmes entiers s’effondrent. 

Plutôt que de résoudre le problème de la faim dans le monde comme prétend rechercher l’industrie agrochimique, la promotion et production de pesticides tels que le glyphosate risquent de détruire tout notre système alimentaire. 

Personne sain d’esprit ne voudrait faire cela, n’est pas?

F. William Engdahl

Article original en anglais :

We’re Killing Off Our Vital Insects Too, le 3 mars 2019

Traduction : Rob Rowlands

Photo en vedette : Une coccinelle, par Micheline Ladouceur.

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Les Algériens ont enfin eu leur « je vous ai compris». Bouteflika a annoncé ce lundi 11 mars le report de l’élection présidentielle initialement prévue le 18 avril et son renoncement à briguer un cinquième mandat, dont le rejet a été massivement exprimé par le peuple à travers des marches historiques inédites.

Dans son message rendu public en fin de journée, le président a aussi annoncé l’ouverture « sans délai indu » du chantier de réformes. Ces décisions font suite à la forte mobilisation populaire et Bouteflika reconnait presque implicitement avoir cédé à la pression soutenue de la rue.

« L’Algérie traverse une étape sensible de son Histoire. Ce 8 mars, pour le troisième vendredi consécutif, d’importantes marches populaires ont eu lieu à travers le pays. J’ai suivi ces développements et, comme je vous l’ai déjà annoncé le 3 de ce mois, je comprends les motivations des nombreux compatriotes qui ont choisi ce mode d’expression dont je tiens, une fois de plus, à saluer le caractère pacifique », lit-on en préambule du texte.

Le président Bouteflika propose une version accélérée du processus proposé sans succès il y une semaine. Le 3 mars il avait sans succès tenté de calmer les manifestants en annonçant l’organisation d’élections présidentielles anticipées s’il est réélu et l’ouverture d’un vaste chantier de réformes. La rue a unanimement rejeté ces propositions et, cinq jours plus tard, le 8, des millions de citoyens ont manifesté à Alger et dans toutes les villes du pays. Ce dimanche 10 mars, soit au lendemain de son retour au pays après deux semaines d’hospitalisation en Suisse, Bouteflika cède et annonce clairement qu’il ne briguera pas un cinquième mandat.

« Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République en tant que cadre du nouveau système algérien que nous appelons de tous nos vœux », dit-il.

Parallèlement, un nouveau Premier ministre a été désigné. Nouredeine Bedoui remplace Ouyahia, dans ce qui s’apparente à une autre concession faite à la rue. Aussi le poste de vice-premier ministre est créé par décret et sera occupé par Ramtane Lamara, qui aura aussi la charge des Affaires étrangères. C’est ce gouvernement, dirigé par des hommes proches de la présidence, qui sera chargé de gérer la transition annoncée.

Ce sont là les principales annonces faites par la présidence de la République en cette fin de journée. Mais il subsiste beaucoup de zones d’ombres dans le texte présidentiel. A la fin du message, il est clairement indiqué que le président restera jusqu’à l’élection de son successeur. « Je m’engage enfin, si Dieu m’accorde vie et assistance, à remettre les charges et les prérogatives de Président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu. ».

Ce qui signifie qu’il restera en poste au-delà du 18 avril, sans préciser sur quelle base juridique la décision a été prise puisque la constitution ne prévoit pas la prolongation de mandat. Ce qui ressemblerait à la proposition faite en décembre dernier par certains partis de l’Alliance présidentielle, soit le report de l’élection et la prolongation du mandat actuel du président. En résumé, le pouvoir cède sur le 5e mandat mais garde la main sur la gestion de la transition.

L’idée fut rejetée unanimement par l’opposition. Qu’en pensera-t-elle maintenant ? Et surtout, que pensera la rue maintenant que Bouteflika propose une transition gérée par le pouvoir ?

Makhlouf Mehenni

Source : TSA  (Tout sur l’Algérie) via france-irak-actualite.com

Ce qu’attend le peuple algérien (source : Rachad)

Bouteflika propose aux Algériens une “transition” gérée par le pouvoir
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Le prix de la “protection” USA grimpe en flèche

mars 12th, 2019 by Manlio Dinucci

Il n’y a pas que la mafia qui demande une rançon en échange de sa “protection”. “Les pays riches que nous protégeons -a prévenu Trump de façon menaçante dans un discours au Pentagone- sont tous avertis: ils devront payer notre protection”.

Le président Trump -révèle Bloomberg- va présenter le plan “Cost Plus 50” qui prévoit le critère suivant : les pays alliés qui hébergent des forces USA sur leur territoire en devront couvrir entièrement le coût et payer aux USA un supplément de  50% en échange du “privilège” de les héberger et d’être ainsi “protégés” par eux.

Le plan prévoit que les pays hébergeurs payent aussi les salaires des militaires USA et les coûts de gestion des avions et des navires de guerre que les États-Unis gardent dans ces pays. L’Italie devrait donc payer non seulement les salaires d’environ 12.000 militaires étasuniens basés chez elle, mais aussi les coûts de gestion des chasseurs F-16 et des autres avions déployés par les USA à Aviano et Sigonella, et les coûts de la Sixième Flotte basée à Gaeta. Selon le même critère nous devrions payer aussi la gestion de Camp Darby, le plus grand arsenal étasunien hors de la mère-patrie, et l’entretien des bombes nucléaires USA stockées à Aviano et Ghedi.

On ne sait pas combien les États-Unis entendent demander à l’Italie et aux autres pays européens qui hébergent leurs forces militaires, puisqu’on ne sait même pas combien ces pays payent actuellement. Les données sont couvertes par le secret défense. Selon une étude de la Rand Corporation, les pays européens de l’Otan prennent en charge en moyenne 34% des coûts des forces et bases USA présentes sur leurs territoires. Mais on ne sait pas quel est le montant annuel qu’ils payent aux USA : la seule estimation -2,5 milliards de dollars- date de 17 ans.

Le chiffre payé par l’Italie est donc secret aussi. On n’en connaît que certains postes : par exemple des dizaines de millions d’euros pour adapter les aéroports d’Aviano et Ghedi aux chasseurs étasuniens F-35 et aux nouvelles bombes nucléaires B61-12 que les USA commenceront à déployer en Italie en 2020, et environ 100 millions pour des travaux à la base aéronavale de Sigonella, à la charge aussi de l’Italie. À Sigonella seule la Nas I, la zone administrative et de détente, est exclusivement financée par les USA, tandis que la Nas II, des départements opérationnels, et donc la plus coûteuse, est financée par l’Otan, donc  aussi par l’Italie.

Il est en tous cas certain -prévoit un chercheur de la Rand Corp.- qu’avec le plan “Cost Plus 50” les coûts pour les alliés “vont grimper en flèche”. On parle d’une augmentation de 600%. Ils s’ajouteront à la dépense militaire, qui en Italie se monte à environ 70 millions d’euros par jour, destinés à grimper jusqu’à environ 100 selon les engagements pris par les gouvernements italiens au siège de l’Otan.

Il s’agit d’argent public, qui sort de nos poches, soustrait à des investissements productifs et à des dépenses sociales. Mais il est possible que l’Italie puisse payer moins pour les forces et bases étasuniennes déployées sur son territoire. Le Plan “Cost Plus 50” prévoit en effet une “ristourne pour bon comportement” en faveur des “alliés qui s’alignent étroitement sur les États-Unis, en faisant ce qu’ils  demandent”.

On est sûr que l’Italie va profiter d’une forte ristourne parce que, de gouvernement en gouvernement, elle est toujours restée dans le sillage des États-Unis.

Dernièrement, en envoyant des troupes et avions de guerre dans l’Est de l’Europe au prétexte de contenir la “menace russe” ; et en favorisant le plan étasunien d’enterrement du Traité FNI pour déployer en Europe, Italie comprise, des sites de missiles nucléaires pointés sur la Russie.

Ceux-ci étant la cible de possibles représailles, nous aurons besoin de “protection” d’autres forces et bases USA. Que nous devrons payer, nous, mais toujours avec la ristourne.

Manlio Dinucci

Article original en italien :

Sale alle stelle il prezzo della «protezione» UsaBy Manlio Dinucci, March 12, 2019

Édition de mardi 12 mars 2019 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Vidéo (PandoraTV) :

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« La distance est importante parce que le temps est important. Et le temps est important parce que plus les denrées sont produites et échangées rapidement, plus les bénéfices augmentent pour les entreprises individuelles. La réponse ? D’immenses couloirs d’infrastructures. » Nicholas Hildyard [1]

L’une des plus grandes entreprises de commerce en ligne du monde, JD.com, dont le siège est à Beijing, affirme être bientôt à même de livrer aux consommateurs chinois des fruits provenant de tous les coins du monde, en l’espace de 48 heures. La réalisation d’un tel objectif exige des infrastructures mondiales hautement intégrées permettant de relier entre eux les fermes, les entrepôts, les systèmes de transport et les consommateurs. Le programme chinois de méga-infrastructures, l’initiative la Ceinture et la Route (Belt and Road Initiative ou BRI en anglais), devrait aider à faire de la vision de JD.com une réalité. Elle augmentera aussi la concentration de la production et de la distribution alimentaires mondiales, risquant d’exacerber encore la marginalisation des petits agriculteurs, des pêcheurs, des populations forestières et des communautés rurales. Il est également à craindre que la BRI n’aggrave encore l’accaparement des terres, les violations des droits humains, l’endettement et les effets environnementaux et sanitaires dans les pays ciblés.

Affiche montrant un train à grande vitesse chinois, sur le chantier de construction d’un pont sur le Mékong, près de Luang Prabang, au Laos. Photo : Adam Dean pourThe New York Times

Connue aussi sous le nom de « Une ceinture, une route » (OBOR), la BRI a été lancée par le Président chinois Xi Jinping en 2013. C’est le plus vaste projet d’infrastructures jamais entrepris de toute l’Histoire. L’objectif est de promouvoir la production, le commerce et l’investissement, ainsi que l’intégration physique et numérique des marchés internationaux. La BRI fournit à l’investissement chinois un cadre pour améliorer les infrastructures existantes et construire de nouveaux sites de production et de nouvelles routes commerciales, pour mieux relier la Chine au reste du monde.

Carte du réseau mondial d’infrastructures de la BRI. Source : Mercator Institute for China Studies, mai 2018 <

La BRI prévoit une “ceinture” terrestre reliant la Chine à l’Europe et une “route” maritime traversant l’Océan indien jusqu’à l’Afrique, en passant par la Méditerranée, et rejoignant par le Pacifique l’Océanie et l’Amérique latine (voir carte). L’initiative touche actuellement quelque 90 pays et est censée coûter plus de 1000 milliards de dollars. Le financement provient principalement de sources chinoises, comme la Banque de développement de Chine et implique toute une série de prêts, d’obligations et de prises de participations. La Chine a en outre mis en place un fonds spécial, le Fonds pour la Route de la soie, pour financer les projets de la BRI. Certaines institutions financières internationales, comme la Banque mondiale et la Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures, de même que des banques privées comme HSBC, ont aussi promis leur soutien ou établi leurs propres fonds dédiés à la BRI.

Étant donné son importance géographique et l’ampleur de ses investissements, la Chine pourrait remodeler de grandes parties de l’Asie, de l’Afrique, de l’Europe, et les mers intermédiaires, et les transformer en secteurs de production et de distribution avec des entrepôts, des terminaux logistiques et des zones d’import-export. Les projets associés à la BRI ont déjà ruiné des milliers de personnes et des centaines de millions de gens risquent probablement d’être affectés, pour faire place aux routes, voies ferrées, ports maritimes, ports secs et aéroports prévus par la BRI.

Parmi les projets de la BRI beaucoup se vantent d’être des projets gagnant-gagnant qui doivent amener aux économies locales l’emploi, le capital et la technologie dont elles ont tant besoin. En réalité, ils risquent d’exacerber encore la concentration au sein du système alimentaire mondial, de porter atteinte à la sécurité alimentaire nationale et de ruiner les producteurs alimentaires locaux et les communautés rurales.

L’impact de la BRI sur l’agriculture

La sécurité alimentaire a toujours été l’une des préoccupations majeures du gouvernement chinois. Jusqu’à récemment, l’idée était d’atteindre et de préserver l’auto-suffisance du pays ; la tâche en revenait presque entièrement aux petits agriculteurs chinois. De nos jours, le gouvernement a modifié sa politique et remplace les fermes paysannes par de grandes exploitations agroalimentaires commerciales, investit dans la production agricole à l’étranger et s’ouvre à davantage d’importations.[1]

L’investissement agricole chinois à l’étranger est de plus en plus le fait du secteur privé.[2] Au cours des dix dernières années, les entreprises chinoises ont investi 43 milliards de dollars dans la production agricole hors de Chine.[3] Prises d’une véritable fièvre d’achat, elles se sont mises à racheter des entreprises dans les chaînes de production mondiales, le  porc aux États-Unis et le soja au Brésil, et ont accru leur mainmise sur l’industrie semencière mondiale, en acquérant une participation majoritaire chez le géant semencier suisse Syngenta.

La Chine est également un énorme importateur de soja, de produits laitiers, d’oléagineux, de sucre et de céréales. Ses importations de viande et de produits laitiers sont montées en flèche, propulsées en partie par les accords commerciaux conclus avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Le pays dépendant des États-Unis pour environ 20 % de ses importations alimentaires, la “guerre commerciale” lancée récemment par le Président Trump contre la Chine a forcé Beijing à trouver de nouvelles sources de nourriture et d’alimentation animale.

La BRI est censée booster les investissements extérieurs de la Chine ainsi que les dépenses d’infrastructures dans les différents pays, afin d’encourager l’expansion du commerce agricole. Le tableau des projets agricoles associés à la BRI donne une idée de ce qui se trame dans divers pays. (Voir tableau en annexe : Sélection de projets agricoles associés à la BRI. Disponible ici, en anglais seulement : http://grain.org/e/6133)Le CEPC au Pakistan

Le commerce agricole entre la Chine et le Pakistan a atteint un total de 652 millions de dollars en 2013.[5]  Le Corridor économique Chine-Pakistan (CECP ou CPEC en anglais) signé en avril 2015 vaut 46 milliards de dollars et vise à augmenter les chiffres. Le but du projet est de relier la Chine du sud-ouest au port de Gwadar, dans la province du Baloutchistan, en créant des routes, des voies ferrées et autres infrastructures. Dans le même temps, seront ouverts de nouvelles mines, des usines et des systèmes de communication, sans parler des installations militaires. L’agriculture est un élément central du programme.

Le plan à long terme est de remplacer l’agriculture traditionnelle pakistanaise par une agriculture et des systèmes de commercialisation high-tech et un complexe agroindustriel à grande échelle. Pour ce faire, le CEPC retient dix domaines clés pour la collaboration et neuf zones économiques spéciales.[6]Parmi les projets, la construction d’une usine d’engrais destinée à produire 800 000 tonnes par an, de grandes usines de transformation de légumes et de céréales à Asadabad, Islamabad, Lahore et Gwadar, et une usine de transformation de viande à Sukkur. Ces projets nécessiteront des milliers d’hectares de terres agricoles et déplaceront un grand nombre d’agriculteurs.

Le CEPC doit aussi favoriser l’expansion du blé hybride qui remplacera les variétés paysannes traditionnelles, au profit des entreprises chinoises d’intrants agricoles comme le Groupe Sinochem. Sinochem a réussi à faire pousser du blé hybride chinois sur une zone pilote de 2 000 hectares au Pakistan et a maintenant l’intention d’introduire ce blé dans d’autres pays de la BRI comme l’Ouzbékistan et le Bangladesh.[7] Selon Roots for Equity[8], le blé étant l’une des denrées de base au Pakistan, les communautés locales craignent que ces développements ne nuisent aux petits producteurs et ne permettent à la Chine de prendre le contrôle de l’approvisionnement alimentaire du pays. Le CEPC introduit aussi les investissements chinois dans les secteurs du lait et des produits de la mer au Pakistan, pour exporter vers la Chine ; le coton et le riz sont eux aussi concernés.[9]

La BRI en Afrique

Visite du Président chinois Xi Jinping dans la province du Heilongjiang, en Chine, septembre 2018. Photo : Xie Huanchi/Xinhua/AP 

L’Afrique de l’Est est le premier lien dans la connexion de la BRI à l’Afrique. La Chine construit des ports et des infrastructures maritimes pour améliorer la route menant de l’Asie du Sud au Kenya et à la Tanzanie, puis jusqu’à la Méditerranée via Djibouti. Des voies ferrées intérieures sont également en construction. La Chine a notamment promis de combiner la BRI avec l’ancien Forum pour la coopération Chine-Afrique, pour booster la productivité agricole africaine et accroître les importations de produits agricoles de l’Afrique vers la Chine.[10] La Chine dispose déjà de parcs agro-industriels au Mozambique, en Ouganda, en Zambie et dans d’autres pays et étend aujourd’hui ses investissements agro-industriels sous la bannière de la BRI.

Quant à l’Afrique de l’Ouest, le Président Xi Jinping s’est rendu dans la région pour la première fois en juillet 2018, avec l’intention de relier la région à la BRI. La Plateforme industrielle internationale de Diamniadio, une zone économique spéciale financée par la Chine et située près de Dakar, a établi le Sénégal comme le tremplin de l’industrie chinoise dans toute l’Afrique de l’Ouest. Comme le Sénégal est bénéficiaire de la Loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique [AGOA], la Chine peut fabriquer et exporter des marchandises en provenance de cette zone économique spéciale vers le marché américain, en profitant des quotas et des privilèges d’exemption de taxes du Sénégal. Ces dispositions s’appliquent aussi au marché de l’Union européenne auquel les marchandises sénégalaises ont accès dans le cadre de l’accord Tout sauf les armes.

Kazakhstan : l’épicentre en Asie centrale

Le Kazakhstan est considéré comme « l’épicentre” des ambitions chinoises en matière d’agriculture en Asie centrale. Un port géant, appartenant pour 49 % à des entreprises chinoises, a été construit dans la ville de Korghos, sur la frontière entre la Chine et le Kazakhstan, afin de favoriser le commerce alimentaire. Un chemin de fer et une voie rapide sont en construction à travers tout le pays, pour relier la Chine à l’Europe. Un couloir commercial a aussi été mis en place pour relier le Kazakhstan à l’Asie du Sud-Est via le port chinois de Lianyungang, dans la province du Jiangsu. À lui seul, le Fonds pour la Route de la soie de la BRI a réservé 2 milliards de dollars pour le Kazakhstan, dont une grande partie devrait servir à l’agriculture.

Les intérêts chinois voient dans le Kazakhstan une nouvelle source de blé, de sucre, de viande et d’huile végétale. Les autorités et les investisseurs étrangers au Kazakhstan considèrent la Chine comme un marché lucratif pour les exportations agricoles, en particulier le bœuf, le blé et les produits laitiers. Le Kazakhstan est déjà en passe de tripler ses exportations de blé à la Chine d’ici 2020. Le pays vient de pénétrer le marché chinois du soja et construit actuellement une nouvelle usine de transformation de viande près de la frontière chinoise, qui produira du bœuf et de l’agneau pour le marché chinois.

En mai 2016, le gouvernement du Kazakhstan a annoncé que des entreprises chinoises proposaient 19 nouveaux projets agroindustriels évalués à 1,9 milliard de dollars qui seraient menés sous l’égide de la BRI. Un an plus tard, sept accords d’une valeur de 160 millions de dollars ont été signés au Forum d’investissements agricoles sino-kazakhstanais qui s’est tenu à Astana. À l’exception des élevages de volaille et de bétail à grande échelle, les projets portent davantage sur la transformation que sur la production primaire.

COFCO, le plus gros négociant alimentaire chinois, est l’un des acteurs chinois qui interviennent au Kazakhstan. COFCO s’est mis en partenariat avec une entreprise kazakhstanaise pour produire du concentré de tomate pour la Chine et commence à importer du bœuf du Kazakhstan, grâce à un service de fret ferroviaire ouvert en 2017. Une autre entreprise chinoise, CITIC Construction, investit dans l’élevage pour produire du bœuf à exporter vers la Chine. Dans le même temps, Aiju Grain and Oil a commencé à produire et à exporter de l’huile végétale en utilisant des fermes qui « lui appartiennent ou dans lesquelles [l’entreprise] investit » au Kazakhstan. Et la liste s’allonge : des entreprises chinoises en partenariat avec des firmes kazakhstanaises se lancent dans la production de fruits et légumes, la transformation du sucre, l’emballage de la viande, la transformation d’huile, et la fabrication de farine et de pâtes.

En 2016, des manifestations ont éclaté dans tout le Kazakhstan, quand le gouvernement a annoncé avoir modifié une loi agraire de 2003, pour prolonger de 10 à 15 ans la durée de bail sur les terres agricoles accordée aux étrangers. À la suite des protestations, le gouvernement a repoussé la mise en place de cette mesure à décembre 2021. Toutefois, les protestations contre les grands investissements chinois continuent à faire rage, en particulier à propos des problèmes relatifs au travail.

Conflits et controverses

Des agriculteurs mettent des tomates en caisse dans le village de Guandao, en Chine du sud-ouest, pendant la récolte de printemps de 2014. Photo : Xinhua/Lu Boan 

Les investissements chinois à l’étranger, et la BRI en particulier, laissent peu à peu entrevoir un certain nombre de problèmes : endettement et menaces pour la souveraineté nationale, accaparement de terres, déplacement, violations des droits humains dans les zones de conflit, conséquences environnementales, préoccupations de santé publique et violations du droit du travail.

Bon nombre de projets de la BRI sont financés par des prêts accordés à des gouvernements receveurs qui ne peuvent les rembourser. Le gouvernement du Sri Lanka avait par exemple permis à la Chine de construire un nouveau port sur sa côte méridionale ; mais quand Colombo s’est vu dans l’impossibilité de rembourser le prêt, les Chinois ont mis la main sur le port. D’autres projets de la BRI ont provoqué des problèmes similaires quand il s’agit de rembourser les dettes. En août 2018, la Malaisie s’est retirée d’un projet BRI de 22 milliards de dollars, craignant de ne pouvoir le payer. Jokowi, le Président de l’Indonésie, hésite à s’engager dans la BRI pour les mêmes raisons.

La terre est un autre sujet de controverse : en effet, les projets BRI requièrent de vastes surfaces pour le développement des infrastructures et des zones industrielles. Ainsi, au Laos, un projet ferroviaire (lancé avant la BRI mais placé depuis sous l’égide de celle-ci) accapare les terres de plus de 4 400 familles paysannes qui se voient déplacées sans compensation.[11] Beaucoup de familles attendent leur compensation depuis plus de deux ans et certaines ont été obligées d’émigrer dans des pays voisins pour y chercher du travail, après avoir perdu leur ferme. Un rapport publié en 2015 par GRAIN identifiait 61 accords fonciers impliquant des entreprises chinoises ; ces accords représentaient 3,3 millions d’hectares dans 31 pays.[12] On ne sait pas avec certitude combien de ces transactions sont directement liées aux projets associés à la BRI, mais il est indéniable que la BRI favorise la prise de contrôle de la Chine sur les terres agricoles de la planète.

Les projets BRI traversent également des régions de conflit dans plusieurs pays. Le Couloir économique Chine-Pakistan, par exemple, passe en plein milieu du territoire contesté du Gilgit-Baltistan, ce qui risque fort d’exacerber les tensions religieuses, géopolitiques, militaires et territoriales entre l’Inde et le Pakistan. En Asie du Sud-Est, les réseaux commerciaux prévus entre la Chine et l’Inde incluent des zones de conflits de longue durée comme la persécution et le déplacement historiques des Rohingyas et d’autres minorités ethniques dans l’État de Rakhine au Myanmar.[13] La Chine et l’Inde ont toutes deux proposé de mettre en place une zone économique spéciale pour renforcer les liens commerciaux entre l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est dans le cadre du Couloir économique Bangladesh-Chine-Inde-Myanmar. En outre, selon l’organisation humanitaire birmane Community Care and Emergency Response and Rehabilitation, de nombreux petits propriétaires terriens qui vivaient de l’agriculture ont été chassés quand la persécution et l’expulsion des Rohingyas s’est intensifiée dans la région.

Une autre zone de conflit au Myanmar, l’État de Kachin, a été ciblé pour permettre l’expansion des plantations de bananes destinées aux exportations vers la Chine. Selon des villageois birmans, des milliers de camions entrent et sortent de cette région, avec des cargaisons de bananes. Les protestations contre les investissements chinois se sont en conséquence multipliées au Myanmar au cours de l’année passée.

Pour finir, les projets BRI soulèvent de sévères inquiétudes quant à leurs effets sur la santé publique, les conditions de travail et l’environnement. Les investissements agricoles chinois en Asie du Sud-Est ont provoqué une augmentation de l’utilisation des pesticides et des engrais, entraînant des problèmes sanitaires dans les communautés.

Ces problèmes sont particulièrement bien documentés en ce qui concerne les plantations de bananes et de caoutchouc au Laos et au Myanmar. Les ressources aquatiques sont affectées car l’eau est polluée ou les communautés en sont privées, pour assurer l’irrigation des plantations chinoises. Certains rapports font également état d’un déclin de la qualité du sol dans les plantations chinoises dû à des pratiques agricoles utilisant lourdement les intrants. De plus, certaines plantations chinoises seraient accusées d’utiliser le travail forcé.[14]<

Conclusion

Il est urgent de poursuivre le travail de recherche pour pouvoir mesurer l’ampleur et les conséquences de ces projets associés à la BRI qui accaparent terres agricoles et ressources pour stimuler la production agricole et le commerce avec la Chine. Non seulement ces projets ont un impact négatif sur la vie des petits paysans et des communautés rurales des pays-cibles, mais ils finiront aussi par ruiner l’agriculture paysanne en Chine en la remplaçant par une production industrielle et des importations alimentaires. Plutôt que l’agriculture industrielle à grande échelle et l’expansion du commerce mondial prévues par la BRI, il nous faut soutenir les petits producteurs et les ressources nécessaires à une production alimentaire écologique destinée aux marchés locaux.

 

Encadré 1. La BRI accélère la catastrophe climatique

Le modèle de croissance économique à base d’infrastructures promu par la BRI est fondé sur l’accaparement de vastes superficies de terre et de territoire à convertir en couloirs économiques. Ce qui entraîne inévitablement la perte de forêts, d’écosystèmes, de modes de vie traditionnels et de biodiversité. En outre, tous les projets BRI sont sources d’importantes émissions de carbone, qu’il s’agisse de construire de nouvelles routes, des voies ferrées ou des ports sur le Pacifique ou l’Océan indien, de créer des oléoducs ou des gazoducs pour rejoindre la Russie, le Kazakhstan et le Myanmar, ou bien d’établir des plantations, des fermes et des zones de transformation géantes dans toute l’Asie, voire en Afrique.

Pendant que la Chine s’engage à réduire sa consommation de charbon chez elle, elle est en train d’ouvrir de nouvelles mines et de construire plusieurs grandes centrales au charbon à l’étranger ; rien qu’au Pakistan, les investissements chinois dans le secteur du charbon représentent plus de 10 milliards de dollars.[15]  Selon le Financial Times, les projets énergétiques de la BRI s’appuient « de manière disproportionnée » sur les combustibles fossiles : « Si les nouveaux investissements dans les infrastructures énergétiques dans les pays de la BRI suivent des modèles entraînant des émissions d’une intensité comparable en moyenne à celle qu’on a pu observer dans ces pays par le passé, près des trois quarts du budget carbone mondial consacré à l’énergie et compatible avec l’Accord de Paris seront consommés d’ici 2040. »[16]

Une évaluation environnementale des projets BRI au Myanmar montre que la dégradation de la forêt constitue un autre risque majeur de projets comme le gazoduc et l’oléoduc censés relier la côte de Rakhine à la province chinoise du Yunnan, la zone économique spéciale de Kyaukphyu qui doit coûter 10 milliards de dollars et les routes et voies ferrées qui vont avec.[17] Au Myanmar, la déforestation généralisée découlant de ces projets pourrait affecter 24 millions de personnes, parmi lesquelles les paysans seraient les plus sévèrement touchés. La déforestation a été aussi reconnue comme la cause des glissements de terrain et des inondations qui ont eu lieu en 2015 au Myanmar et qui ont provoqué la salinisation de précieuses rizières.

Pour finir, la plupart des projets agricoles conçus dans le cadre de la BRI sont des projets industriels et tournés vers l’exportation. Le système alimentaire industriel produit déjà jusqu’à la moitié des émissions de gaz de serre mondiales.[18] La Banque mondiale indique que les émissions provenant de l’agriculture et de l’alimentation pourraient représenter 70 % des gaz à effet de serre que peut émettre la planète si elle veut avoir la moindre chance de limiter une montée des températures dangereuse au niveau mondial. La BRI, qui se focalise sur l’expansion de l’agriculture industrielle et du commerce, pourrait précipiter le monde dans la catastrophe climatique plus vite même que ne le prédisent les experts.

Encadré 2. La BRI et les accords commerciaux

On sait que les accords commerciaux jouent un rôle important en ce sens qu’ils confèrent aux projets BRI une valeur juridique. Ceci est particulièrement vrai des accords qui fixent des protections juridiques pour les investisseurs, les normes de sécurité sanitaires alimentaires communes, les règles de propriété intellectuelle et les arrangements d’accès aux marchés. La Chine a déjà des accords commerciaux avec plusieurs des pays impliqués dans les projets BRI, notamment le Pakistan, les Maldives, la Géorgie, le bloc ASEAN d’Asie du Sud-Est et l’Union économique eurasiatique menée par la Russie. Elle est également en train de négocier un énorme accord commercial régional (le Partenariat économique régional global ou RCEP) qui inclut l’Inde, ainsi que des pactes bilatéraux plus réduits avec des partenaires clés de la BRI comme le Sri Lanka et les États du Golfe.

L’accord avec l’Union économique eurasiatique est d’une grande importance, car il relie directement la Chine à la fois à la Russie et au Kazakhstan, deux territoires essentiels pour la BRI. Pour l’instant ce n’est qu’un accord “simple” qui ouvre la porte à une coopération formelle, sans enfermer les pays dans de nouveaux engagements forts. Mais ces ouvertures pourraient par la suite mener à des accords plus stricts sur les marchés et les investissements. Le RCEP pourrait, de la même façon, renforcer les opportunités de commerce et d’investissement de la Chine en Inde et en Asie du Sud-Est, même si on ne sait pas très bien si, ni quand, un consensus pourrait être trouvé. Dans les années à venir, il y a de fortes chances que la Chine pousse le Pakistan et le Bangladesh, entre autres, à accepter de nouveaux accords commerciaux.

GRAIN tient à remercier Roots for Equity, le Forum Asie Pacifique sur les femmes, le droit et le développement (APWLD), l’ONG Inclusive Development International (IDI), Xu Siyuan de l’Université Polytechnique de Hong Kong et le réseau humanitaire birman Community Care for Emergency Response and Rehabilitation (CCERR), pour leurs commentaires éclairés sur les premières ébauches de cet article.


Notes

[1] Nicholas Hildyard, “Extreme infrastructure: Infrastructure corridors in context”, Présentation à la Conférence internationale Eurodad en juin 2017, http://www.thecornerhouse.org.uk/sites/thecornerhouse.org.uk/files/Extreme%20Infrastructure_0.pdf

[2] China Government Network, “Li Keqiang: Developing modern agriculture in an industrial way” (en chinois), Central Government Portal, 2015, http://www.gov.cn/xinwen/2015-07/25/content_2902475.htm.

[3] Plusieurs grandes entreprises d’État comme Chongqing, COFCO et la China National Agriculture Development Group Corporation, ainsi que certaines autorités provinciales, investissent dans l’agriculture à l’étranger. Selon une étude, 47 entreprises chinoises ont loué ou acheté un total de 983 000 hectares de terres à l’étranger. Il s’agit notamment de grandes entreprises d’État comme COFCO et la China National Agriculture Development Group Corporation, d’entreprises affiliées à des autorités provinciales comme le Chongqing Grain Group et la Jilin Province Overseas Agriculture Investment Co., et 38 entreprises affiliées à des fermes d’État provinciales. Voir : Gooch and Gale, USDA, “China’s Foreign Agriculture Investments”, Economic Information Bulletin No. 192, avril 2018, https://www.researchgate.net/publication/324984953_China’s_Foreign_Agriculture_Investments

[4]American Enterprise Institute, “China global investment tracker”, 2015, https://www.aei.org/china-global-investment-tracker/

[5]Qiao Jinliang, “Broad prospects for agriculture co-op under « Belt and Road » initiative”, China Economy Net, 2016, https://farmlandgrab.org/25916

[6]CPEC Special economic zones, http://cpec.gov.pk/special-economic-zones-projects

[7]Liu Zhihua, “Chinese hybrid wheat brings hope for farmers in Pakistan”, Sinochem, 2018, http://www.sinochem.com/english/s/1569-4966-121571.html; China Seed, “China Seed Signs Hybrid Wheat Industrialization Cooperation Agreement with Pakistani Enterprise”, Sinochem, 2018, http://www.sinochem.com/english/s/1569-5518-18020.html

[8]Askari Abbas, “Patenting agriculture: case of Chinese hybrid wheat seeds introduce under CPEC, Roots for Equity, 18 décembre 2018, https://rootsforequity.noblogs.org/patenting-agriculture-case-of-chinese-hybrid-wheat-seeds-introduced-under-cpec/

[9]Khurram Husain, “CPEC moves into agriculture”, Dawn, 18 octobre 2018, https://www.dawn.com/news/1441188

[10]Ehizuelen Michael Mitchell Omoruyi, “FOCAC, BRI reshaping Sino-African cooperation”, China Africa Daily, 14 septembre 2018, http://africa.chinadaily.com.cn/weekly/2018-09/14/content_36913139.htm

[11]Radio Free Asia, “Chinese railway project in Laos leaves farmers in the lurch”, 10 janvier 2019, https://www.rfa.org/english/news/laos/lao-farmer-railway-01102019160842.html

[12]GRAIN, À “l’avant-garde” du nouveau programme de sécurité alimentaire chinois, les grandes entreprises remplacent les paysans, novembre 2015, https://www.grain.org/article/entries/5332-a-l-avant-garde-du-nouveau-programme-de-securite-alimentaire-chinois-les-grandes-entreprises-remplacent-les-paysans

[13]Ashrafuzzaman Khan, “The strategic importance of Rakhine State”, Straits Times, 3 septembre 2018, https://farmlandgrab.org/28403

[14]Voir l’excellent rapport de Mark Grimsditch, “Chinese agriculture in Southeast Asia: Investment, aid and trade in Cambodia, Laos and Myanmar”,  Fondation Heinrich Böll , juin 2017:  https://th.boell.org/en/2017/06/22/chinese-agriculture-southeast-asia-investment-aid-and-trade-cambodia-laos-and-myanmar

[15]CPEC energy priority projects, http://cpec.gov.pk/energy

[16]Mattia Romani, “China’s Belt and Road Initiative puts Paris climate commitments at risk”, TheFinancial Times, 14 décembre 2018, https://www.ft.com/content/e925f9fa-ff99

[17]Naw Betty Han, “Belt and Road corridors put half of Myanmar’s population at risk”, Myanmar TImes, 22 février 2018, http://bilaterals.org/?belt-and-road-road-corridors-put

[18]GRAIN, “Souveraineté alimentaire : 5 étapes pour refroidir la planète et nourrir sa population”, décembre 2014, https://www.grain.org/article/entries/5101-souverainete-alimentaire-5-etapes-pour-refroidir-la-planete-et-nourrir-sa-population<

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Un juge fédéral a ordonné à Chelsea Manning d’aller en prison vendredi matin pour une période indéterminée. L’ancienne soldat a déjà purgé une peine de prison pendant sept ans pour avoir fourni des informations à WikiLeaks qui exposent des crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan. Manning doit subir ce nouvel emprisonnement parce qu’elle a refusé par principe de répondre à toute question devant un grand jury secret qui enquêtait sur l’organisation média et son fondateur Julian Assange.

«Le Parti de l’égalité socialiste condamne sans équivoque la persécution vindicative et criminelle de Chelsea Manning par le gouvernement américain», a déclaré Joseph Kishore, secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste (SEP) aux États-Unis.

«Chelsea a subi l’isolement, la maltraitance et la torture, et plus de six ans d’emprisonnement pour avoir fait connaître la vérité à la population américaine et mondiale. Hier, elle a une fois de plus tenu ferme au principe démocratique fondamental et a refusé d’aider l’Administration Trump dans sa vendetta pour incriminer faussement WikiLeaks et Julian Assange. C’est une figure héroïque et elle doit être défendue».

«Les travailleurs du monde entier n’oublieront jamais la révélation courageuse par Chelsea des crimes de l’impérialisme américain, et il lui en a couté beaucoup. Au milieu d’une vague de grève mondiale croissante, le Parti de l’égalité socialiste fera tout ce qui est en son pouvoir pour mobiliser la classe ouvrière pour défendre Chelsea et libérer Julian Assange et tous les autres prisonniers de la guerre de classe.»

Les sections du Parti de l’égalité socialiste (SEP) au Royaume-Uni et en Australie participent aux rassemblements le dimanche 10 mars à l’ambassade de l’Équateur à Londres et à la bibliothèque d’État de Melbourne, qui ont été convoqués le mois dernier pour s’opposer au maintien en détention de Julian Assange à l’ambassade de Londres, et demander au gouvernement australien d’intervenir en son nom et obtenir sa libération de Grande-Bretagne avec le droit de rentrer en Australie. Les manifestations exigeront la libération immédiate de Manning, inséparable de la lutte pour la libération d’Assange.

James Cogan, secrétaire national du SEP en Australie, a fait la déclaration suivante vendredi:

«L’emprisonnement de Chelsea Manning par l’Administration Trump pour avoir refusé de donner un faux témoignage contre WikiLeaks et Julian Assange est un outrage. Elle a souffert plus qu’assez pour son courage et son service à la vérité. La démocratie américaine se roule dans le caniveau et s’enfonce rapidement dans les égouts de la dictature.»

«La classe ouvrière partout dans le monde doit se porter à la défense de Chelsea et exiger la libération immédiate d’Assange et de tous les prisonniers de guerre de classe persécutés. Le SEP en Australie redoublera d’efforts pour assurer le retour immédiat de Julian dans ce pays avec une protection totale.»

«Et nous nous joindrons à toute l’action internationale pour lutter pour la restauration immédiate de la liberté de Chelsea Manning.»

La brève audience devant le juge Claude M’Hilton a été la seule partie de la procédure judiciaire concernant Manning qui était ouverte au public. Hilton a rejeté l’argument des avocats de Manning selon lequel l’assigner à résidence répondrait mieux à ses besoins médicaux. Elle a subi une chirurgie de changement de sexe et a besoin de soins médicaux complexes. Hilton a dit que le US Marshals Service fournirait des soins adéquats.

«Je vous ai reconnu coupable d’outrage», a déclaré Hilton. Il a ordonné à Manning d’aller en prison immédiatement. L’emprisonnement qui aura lieu dans un établissement fédéral d’Alexandrie, en Virginie, se poursuivrait indéfiniment. Il a ajouté que la durée sera: «soit jusqu’à ce que vous vous purgiez [acceptez de témoigner] soit jusqu’à la fin de la vie du grand jury.»

On a établi le grand jury afin de porter des accusations d’espionnage et de conspiration contre Julian Assange et WikiLeaks. Manning a révélé que les questions auxquelles elle avait refusé de répondre jeudi concernaient toutes son interaction avec l’organisation. WikiLeaks reçoit les documents qui lui sont remis anonymement et évite d’apprendre l’identité des contributeurs afin de ne pas compromettre leur sécurité.

Manning a fourni à WikiLeaks plus de 500.000 documents. Elle les a copiés à partir d’archives militaires et gouvernementales alors qu’elle était analyste du renseignement en Irak pendant une des périodes les plus violentes de l’occupation militaire américaine, en 2005-2006. Le matériel a montré de nombreux crimes de guerre en Irak et en Afghanistan. Cela comprenait notamment la fameuse vidéo d’un hélicoptère américain qui tuait des civils irakiens non armés, dont deux journalistes de Reuters, publiée plus tard par WikiLeaks sous le titre Collaterial Murder.

Le juge a reconnu Manning coupable lors d’un procès en 2013 et la condamnée à 35 ans de prison. Elle avait purgé sept ans de sa peine au total quand le Président Barack Obama l’a commuté trois jours avant son départ.

Les procureurs fédéraux ont assigné Manning à témoigner devant le grand jury et lui ont accordé l’immunité pour son témoignage, dans l’espoir de l’utiliser contre Assange et WikiLeaks. Mais Manning a refusé par principe de collaborer avec ce grand jury secret. Elle a répondu à chaque question qu’on lui a posée par l’invocation de ses droits en vertu des premier, quatrième et sixième amendement à la Constitution américaine.

«Toutes les questions de fond portaient sur mes divulgations d’information au public en 2010. C’était des réponses que j’ai fournies dans le cadre d’un long témoignage, lors de mon passage en cour martiale en 2013», a-t-elle dit.

Une déclaration publiée par Manning après son arrivée en prison indique:

«Je ne me soumettrai ni à cela ni à aucun autre grand jury. Le fait de m’emprisonner pour mon refus de répondre à des questions ne fait que me soumettre à une punition supplémentaire pour mes objections éthiques répétées au système du grand jury.»

«Les questions du grand jury portaient sur des révélations d’il y a neuf ans et ont eu lieu six ans après un procès d’informatique légale approfondie. J’ai témoigné devant ce grand jury pendant presque une journée entière sur ces événements. Je m’en tiens à mon précédent témoignage public.»

La déclaration se termine par la déclaration courageuse de Manning. La déclaration fait savoir qu’elle: «ne participera pas à un processus secret auquel je m’oppose moralement. En particulier, il s’agit d’un processus qu’on a utilisé historiquement pour piéger et persécuter des militants pour des discours politiques protégés» [par la Constitution américaine].

L’avocate de Manning, Moira Meltzer-Cohen, a déclaré au World Socialist Web Site après la décision: «Les actions de Chelsea parlent d’elles-mêmes. C’est une personne d’un honneur et d’un courage extraordinaires, et cette dernière lutte n’est que la plus récente d’une longue série de positions de principe qu’elle a prises.»

Interrogée sur son inquiétude quant aux conditions de détention de Chelsea, Meltzer-Cohen a déclaré que le gouvernement avait donné l’assurance que ses besoins en matière de santé seraient satisfaits, mais que «nous devons tous veiller à ce que ces assurances soient respectées».

Les avocats de Manning ont déclaré qu’ils introduiront un recours contre l’ordre de Hilton d’emprisonner Chelsea, citant en particulier le fait que l’emprisonnement pour refus de témoigner ne peut être que coercitif, pas punitif. En d’autres termes, s’ils peuvent démontrer que Manning n’acceptera jamais de témoigner, peu importe la durée de sa détention, le tribunal ne peut pas simplement la garder en prison pour la punir de son silence.

L’emprisonnement de Chelsea Manning est une attaque particulièrement scandaleuse contre les droits démocratiques. Cette attaque est perpétrée par un juge fédéral qui est synonyme de parti pris réactionnaire pro-gouvernemental, pro-police et pro-employeur, et un collaborateur de longue date de l’État sécuritaire national.

Hilton était l’un des rares juges fédéraux choisis par le juge en chef William Rehnquist pour siéger à au Tribunal créé dans le cadre de la loi Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) sur la surveillance du renseignement étranger. L’État a créé le tribunal FISA pour qu’il puisse approuver secrètement les demandes d’autorisation d’espionnage pour le FBI, la CIA, la NSA et autres agences de renseignement. Le tribunal est connu pour avoir approuvé 99,9 pour cent de ces demandes. Hilton a fait partie du groupe d’experts de 2000 à 2007. Pendant cette période l’Administration Bush a établi des camps de torture secrets de la CIA et a considérablement intensifié l’espionnage de la NSA sur les télécommunications et l’Internet.

Nommé à la magistrature par Ronald Reagan en 1985, Hilton a prouvé sa valeur à l’appareil du renseignement militaire au début de sa carrière. Hilton a rendu une décision en 1989 qui a blanchi l’agent de la CIA Joseph Fernandez. Fernandez se trouvait face à quatre chefs d’accusation dans l’affaire Iran-Contra après que la CIA a refusé de communiquer les documents requis pour la poursuite du dossier. En effet, l’appareil du renseignement a assuré l’impunité de ses propres opérations criminelles. La CIA tout simplement refusait de coopérer à l’enquête de l’avocat spécial Lawrence Walsh, une esquive judiciaire approuvée par le juge Hilton.

Le site Web «The Robing Room» permet aux avocats et aux plaideurs qui comparaissent devant les juges fédéraux d’évaluer leur comportement, leurs connaissances juridiques et leurs préjugés. Selon «The Robing Room», Hilton incorpore régulièrement des mémoires judiciaires des procureurs et du gouvernement dans ses «opinions» juridiques. Il ne tranche presque jamais en faveur des personnes qui poursuivent leur employeur, la police ou le gouvernement. De surcroît, il dort souvent pendant les plaidoiries des avocats de la défense.

Un avocat, qui intervient sur le site, a qualifié Hilton, de «juge le plus partial à l’égard des citoyens américains à revenu moyen et inférieur à la moyenne que j’ai jamais observé. Ce juge n’a aucun sens de la recherche de la Vérité et de la Justice. Il évite clairement toute recherche raisonnable de la Vérité et de la Justice – surtout si une grande entreprise ou le gouvernement fédéral est l’accusé!»

Le SEP aux États-Unis et son mouvement de jeunesse, l’«International Youth and Students for Social Equality» (IYSSE – l’internationale des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale) annonceront une série de réunions et de manifestations pour exiger la libération immédiate de Chelsea Manning. Le site Web socialiste mondial invite tous ses lecteurs et sympathisants à s’inscrire à notre liste d’envoi pour obtenir des annonces de réunions et des mises à jour sur la campagne pour libérer Chelsea.

Patrick Martin

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 9 mars 2019

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L’acte 17 des «gilets jaunes» s’est déroulé une semaine avant la grande mobilisation prévue pour la fin du «grand débat national» de Macron le 16 mars. Il y avait 28.600 manifestants samedi en France selon le ministère de l’Intérieur, la plus faible mobilisation selon la police depuis le début du mouvement, contre 90.082 manifestants selon le chiffre établi par l’association le Nombre jaune.

L’événement prévu à Paris, un sit-in sur le Champ de mars devant durer tout le week-end et largement relayée par les figures historiques du mouvement, a tourné court. Vendredi soir, une trentaine de manifestants ont tenté d’installer quelques structures près de la Tour Eiffel, mais ont rapidement été délogés par les forces de l’ordre. Le sit-in parisien doit «installer nos rond-points au coeur de la capitale, là où nous serons visibles de tous et entendus», expliquait Priscillia Ludosky.

Cette figure des «gilets jaunes» a participé samedi matin à une action de blocage du pont d’Iéna, devant la tour Eiffel, avec les associations Alternatiba et ANV-COP21 (Action non violente-COP21), spécialistes de mobilisations parfois spectaculaires sur le climat. Ces militants écologistes ont décroché ces dernières semaines plusieurs portraits d’Emmanuel Macron dans des mairies.

Sous la tour Eiffel, une cinquantaine de manifestants étaient rassemblés devant une banderole moitié jaune, moitié verte, proclamant: « Justice climatique et sociale, même combat ».

Les manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes sur Toulouse, et d’importants effectifs de policiers et de gendarmes ont été engagés. Quelques incidents et dégradations ont eu lieu à différents endroits à Toulouse: des jets de projectiles en direction des forces de l’ordre, des tags et des feux de poubelles. On dénombre actuellement 4 blessés légers parmi les forces de l’ordre; 9 personnes ont été interpellées en centre-ville.

A Nice, des assistantes maternelles et leurs gilets roses ont rejoint la foule en jaune. D’autres manifestations se sont déroulées sans incident majeur à Lyon, Saint-Brieuc, Caen, Rouen, Dijon, Lille, Strasbourg ou Nancy. L’ambiance était plus tendue à Nantes, Montpellier ou encore au Puy-en-Velay, selon plusieurs journalistes de l’AFP. Environ 2.000 personnes ont défilé dans les rues du chef-lieu de la Haute-Loire, avec parfois des jets de projectile sur les forces de l’ordre.

Les reporters du WSWS ont pu discuter sur Paris avec Léonie, déterminée à venir chaque samedi: «Tous les politiciens font la sourde oreille et nous demandons toujours la même chose. Et tant qu’on n’aura pas obtenu ce que nous voulons, on sera dans la rue tous les jours. Quitte à mourir dans la rue on lâchera pas l’affaire, on ne va pas abandonner. Les revendications les plus importantes on dit stop au matraquage fiscal, aux augmentations d’essence, nourriture, couches, tout ça. Le coût de la vie est trop élevé pour nous. Pour un tel salaire le coût de la vie augmente et notre salaire baisse à un moment il y a un problème quelque part.»

Léonie a fait part de son soutien au mouvement en Algérie contre le régime et de l’unité des revendications des Algériens et des «gilets jaunes» en France: «Bien sûr, on peut les soutenir: là-bas en Algérie, ils n’ont pas de travail. C’est toujours la même chose, c’est toujours le même président et ce président est vraiment totalement invalide. Les décisions viennent de sa famille, je ne pense pas que ça vient de lui. Parce que quand on voit des vidéos, Monsieur Bouteflika n’arrive même pas à sortir un mot. Je pense que c’est d’autres personnes qui dirigent ce n’est pas lui et on les soutient.

«Nous les gilets jaunes on les soutient, on est de tout cœur avec eux, et on espère qu’ils vont vraiment obtenir ce qu’ils souhaitent. Ce serait bien que ce pays se renforce parce qu’il est important qu’il se renforce. … Eux ils demandent juste à manger et nous, nous demandons aussi à manger. C’est le même combat c’est le même combat exactement. Nous sommes tous unis pour le même combat nous n’avons aucun problème par rapport à ça.»

Sur les violences policière à l’encontre des «gilets jaunes», Léonie estime que «Macron il est toujours celui qui donne des leçons aux autres pays mais lui même ne respecte pas les exemples en France regardez Emmanuel Macron il tue son peuple en France avec des flash ball. Nous avons tellement de blessés nous avons 1900 blessés aux yeux des personnes qui sont devenues handicapés il leur manque des yeux il leur manque des bras Yoann a même marché et maintenant il se retrouve en fauteuil roulant à un moment ou l’autre. C’est pas Emmanuel Macron qui va donner des conseils ou qui va punir un autre pays par rapport à ce qu’il fait.Jamais on n’aurait cru ça comme président il aurait été capable d’aller jusqu’au bout comme ça. »

Le WSWS a aussi discuté avec une personne voulant rester anonyme habitant en région parisienne. Elle a revendiqué «une hausse du pouvoir d’achat, stopper l’évasion fiscale et la corruption et une indexation des retraites. Baisse des impôts bien entendu. Et puis ras le bol de tous ces escrocs au gouvernement dont il faudrait une meilleure justice. La fin des blessés. Donc voilà en gros c’est ça. Pour le pouvoir d’achat parce que même une baisse des loyers ça serait pas mal. Parce que là franchement ça devient compliqué pour beaucoup de gens. J’habite en 93 donc les loyers sont quand même élevés.»

Elle demande plus d’égalité, considérant que les annonces de Macron sont des miettes: «On a l’impression qu’il a donné 10 milliards il y aura plus rien pour nous réellement. Il s’est contenté de donner très peu. Apparemment c’est un effort surhumain, on se pose beaucoup de questions quand même. Bernard Arnault il a gagné 22 milliards d’euros de salaires l’année dernière; personne sait pourquoi. Franchement non mais il faudrait aussi une meilleure répartition des richesses aussi. Et puis il faudrait aussi une abolition des privilèges.»

Lorsque le WSWS lui a demandé s’il soutenait les manifestations en Algérie, il a dit: «Oui, complètement. Il faut arrêter sinon en 2350 on sera toujours aux mêmes choses. Ils ont toujours leur retraite jusqu’à 70 ans payés ils auront toujours leur appartement à 10.000 euros par mois payés ils ont toujours tout. Et puis le petit citoyen il a rien. Nous on n’a rien.»

Sur les violences policière, il y voit une volonté de faire taire l’opposition: «Tout simplement, le gouvernement en place n’accepte pas la révolte, il n’accepte pas que le peuple veuille prendre la parole. Ils veulent nous mettre à l’amende, en gros c’est ça. Ils veulent nous faire taire et on emploie pour cela des méthodes d’intimidation extrême pour dissuader les personnes à venir manifester et donc avec leur violence on est borgne … Ce n’est pas un hasard si la police tire dans la tête. C’est vraiment pour faire peur aux gens. Non, je n’ai pas envie de perdre un oeil ni d’avoir une main d’arraché donc ils terrorisent les gens.»

Interrogé sur l’avenir des «gilets jaunes», un membre francilien du mouvement a répondu: «Un mouvement mondial, même je dirais carrément au delà de l’Europe un mouvement mondial. Nous ne nous croyons pas un nouvel ordre mondial … Je suis complètement anticapitaliste, parce que l’argent prime sur l’humain et là on contrôle plus rien on préfère donner des actions plutôt que donner de partager avec les employés. Moi, ça ne m’intéresse pas le capitalisme.»

Anthony Torres

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1. Résumé.

Aujourd’hui, les Vénézuéliens luttent contre l’implosion de leur économie et leurs voisins latino-américains, à droite, agitent des menaces de sanctions contre le  » socialisme  » de l’actuel président Maduro. Depuis l’élection de Chavez en 1998, le pays a connu une période d’intenses conflits de classe et de races. Chavez, premier dirigeant non blanc de l’histoire du pays majoritairement non blanc, a été réélu trois fois et a mené un mouvement populaire contre l’élite blanche retranchée dans ses privilèges. Depuis 1998, le Venezuela est devenu un lieu de lutte permanente entre les classes moyennes et supérieures et les masses subalternes dont Chavez tire son soutien. Le pays a ainsi suscité un grand intérêt médiatique dans le monde entier, tant à gauche qu’à droite.

_101602052_madurorallyrtrs6Cet article, qui s’appuie sur l’analyse du contenu et du discours, explore comment sept journaux occidentaux influents, ont représenté les groupes subalternes de la société civile qui ont soutenu le projet chaviste et les groupes d’élite qui s’y sont opposés. On y trouve un système presque infaillible de deux poids – deux mesures pour représenter les groupes de la société civile qui soutiennent les chavistes comme des « gangs dangereux de voyous » et tout groupe qui s’y oppose en tant que « groupes respectables de la société civile » peu importe leurs actions qui peuvent être contestables.

On entend généralement par « société civile » l’ensemble des organisations non gouvernementales et des institutions visant à promouvoir les intérêts et la volonté des citoyens au sein d’une nation. Elle se compose d’ONG, de syndicats, de mouvements sociaux, d’associations professionnelles et de nombreux autres groupes qui, collectivement, essaient d’améliorer la société. Pourtant, de nombreux universitaires qui ont étudié les médias vénézuéliens locaux ont fait valoir que les médias ne considèrent que les groupes de la classe moyenne comme formant la société civile, tout en diabolisant les groupes ouvriers comme des hordes, des gangs ou des racailles.(1)

Des travaux antérieurs ont détaillé les liens étroits entre l’élite vénézuélienne, les médias vénézuéliens et les journalistes occidentaux ; les médias occidentaux engageant souvent comme correspondants des journalistes locaux de haut vol, prenant leur inspiration politique des publications locales (2). Les médias internationaux ne se sont, pas encore, intéressés au fait qu’ils parlent des groupes selon les représentations qui leur sont proposées.

Afin d’explorer la question de savoir comment les médias internationaux dépeignent la société civile vénézuélienne ; qui en fait partie et qui en est exclue, un échantillon de sept publications occidentales, de premier plan, tiré des bases de données Nexus et NewsBank de tous les articles,de plus de 400 mots, contenant le mot ‘Venezuela’ dans le texte. Il s’agit des journaux The New York Times, The Washington Post, The Miami Herald, The Guardian, The Independent, The Times (Londres) et The Daily Telegraph. (voir tableau 1). Les dates choisies sont celles de pics médiatiques. Il s’agit de l’élection et de l’investiture de Chavez en 1998/9, de la tentative de coup d’Etat de 2002, de la mort de Chavez en 2013, de l’élection de Nicolas Maduro en 2013 et des manifestations de 2014. Le Miami Herald produisant beaucoup d’articles sur le sujet, l’analyse des publications, fut réduite, afin d’éviter qu’il ne domine l’échantillon.

Mac Ledo 1Table 1. Press coverage 1998–2014.

Au total, 501 articles ont été publiés, 232 dans des publications de gauche, 229 dans des publications de droite et 40 dans des journaux centristes, dont 302 américains et 199 britanniques. Ces articles ont ensuite été analysé à l’aide d’une analyse du contenu et du discours. Mais pour replacer cette couverture médiatique dans son contexte, il faut retracer l’histoire récente du Venezuela.

2. Le contexte social vénézuélien

En raison de la mise en œuvre du néolibéralisme au cours des années 1980 et 1990, l’inégalité entre les classes au Venezuela s’est considérablement accrue et la pauvreté a augmenté rapidement. Cela a entraîné une profonde dislocation sociale, en particulier après le Caracazo de 1989, lorsque le gouvernement a ordonné une répression militaire contre les manifestants de la classe ouvrière des barrios, qui a entraîné le massacre de milliers de personnes. L’événement et la crise économique des années 1990 ont conduit à l’effondrement de l’ordre social traditionnel et à l’élection d’un ancien officier militaire et étranger politique, Hugo Chavez, à la présidence en 1998.

Chavez, qui venait d’une famille pauvre, a fait campagne sur la promesse d’une nouvelle Constitution. Elle fut mise en œuvre l’année suivante et contient de nouveaux droits pour les groupes autochtones, les pauvres et les femmes. Il a été réélu en 2000. Mais en 2002, un coup d’État fomenté par des secteurs combinés de l’élite vénézuélienne avec l’aide du gouvernement américain, l’a destitué. Chavez fut sauvé, du même sort que de nombreux dirigeants latino-américains, par un soulèvement d’une grande majorité des Vénézuéliens pauvres et à la peau sombre, qui ont exigé son retour.

À la suite du coup d’État, le gouvernement chaviste s’est déplacé vers la gauche et a institué une série de programmes sociaux à grande échelle visant à redistribuer la richesse et le pouvoir vers le bas. Sous Chavez, l’indice du développement humain s’éleva très nettement, la pauvreté fut réduite de moitié et là part des revenus natioanux revenant à la classe ouvrière grimpa de 22 %. (3) Chavez a été réélu en 2006 (et par la suite en 2012), dans un glissement de terrain politique, mené par une campagne populaire énergique menée à partir de la base et visant à contester l’hégémonie sociale, culturelle, politique et raciale de l’élite à la peau claire qui dirigea le pays depuis son indépendance. Plutôt que de simples avantages économiques, c’est le nouveau sentiment d’estime de soi et le sentiment d’inclusion au sein de la majorité de la classe ouvrière à la peau plus foncée qui ont été essentiels pour comprendre la popularité soutenue de Chavez. Il régna jusqu’à sa mort en 2013. Le vice-président, Nicolas Maduro, fut élu sur la promesse de poursuivre la  » Révolution Bolivarienne « .

Le Venezuela entre dans une crise économique profonde, avec une chute spectaculaire du prix du pétrole, des politiques gouvernementales désastreuses et des sanctions américaines. L’opposition, en grande partie la même élite qui avait régné avant Chavez, en profita pour tenter d’évincer un Maduro de plus en plus impopulaire, comme dans la campagne 2014 des Guarimbas (violences et barrage d’extrême droite, NdT). Le Venezuela est en proie à l’inflation et aux pénuries de certains produits alimentaires. Les classes populaires plus durement touchées protestent le moins et continuent en majorité à soutenir le gouvernement, tandis que les classes supérieures les moins touchées se sont mobilisées autour de la question, suscitant une attention internationale considérable. Cette situation est compliquée par le fait que la production et la distribution des denrées alimentaires continuent d’être largement contrôlées par le secteur privé et sont entre les mains de membres de l’élite, comme Lorenzo Mendoza d’Empresas Polar, la plus grande entreprise du pays, qui exerce un contrôle quasi monopolistique sur de nombreux produits alimentaires essentiels dont les quantités sont limitées. Comme l’affirment Ana Felicien et ses co-auteurs, « sans Polar, il n’y a pas de nourriture « . L’entreprise a refusé de fournir de la nourriture pendant des périodes politiques clés (4). Mendoza a envisagé de se présenter comme candidat de l’opposition contre Maduro en 2018. Néanmoins, malgré les énormes problèmes économiques du pays, l’opposition n’a pas encore atteint son objectif de reprise du pouvoir politique au moment de la rédaction du présent rapport.

De nombreux commentateurs ont vivement critiqué le projet chaviste. Kurt Weyland affirme qu’il a  » lentement mais sûrement étouffé la démocratie  » en supprimant les freins et contrepoids et, en écrasant la société civile. (5) Des critiques similaires ont été formulées par des organisations de défense des droits humains. Human Rights Watch (HRW) parle d’une « approche accusatoire du gouvernement à l’égard de la société civile, qui cherche à harceler ces groupes et à exclure et marginaliser la dissidence dans le pays. » (6)

Un rapport de l’Organisation des États américains (OEA) de 2018 condamne le gouvernement, l’accusant de « crimes contre l’humanité » face aux répressions mises en place contre des groupes de la société civile. (7) D’autres ont réfuté ces critiques. Deux lauréats du prix Nobel et plus d’une centaine de spécialistes d’études latino-américaines ont affirmé que le rapport de HRW « ne répond même pas aux normes les plus minimales en matière d’érudition » et ont attiré l’attention sur la collusion existante entre les organisations des droits humains et le gouvernement états§unien, directement impliqué dans l’exigence du changement de régime. (8) Ce rapport note que cette organisation est dominée par les États-Unis et a été expressément créée comme organisation anti-socialiste et pro-capitaliste. Il attire l’attention sur le diplomate uruguayen Luis Almagro, chef de l’organisation, dont le parti pris anti-socialiste est très marqué et qui entretient des relations étroites avec le controversé leader de l’opposition vénézuélienne Leopoldo Lopez. Lopez, condamné pour terrorisme en 2014, est qualifié d’ « ami cher » et de « prisonnier politique ». En effet, l’un des auteurs du rapport de l’OEA est l’avocat de Lopez. De plus, en justifiant le financement de l’OEA par le Congrès en 2018, l’USAID a soutenu que l’organisation est cruciale pour « promouvoir les intérêts américains dans l’hémisphère occidental en contrant l’influence des pays anti-américains comme le Venezuela ». (9)

Selon Ernesto Abalo, l’une des raisons de ces divergences d’opinion concerne ce qui constitue la démocratie, notant que le Venezuela s’est bien tiré d’affaire au regard de la démocratie participative ou radicale, qui met l’accent sur le pouvoir populaire et l’inclusion. Cependant, si l’on en juge par les normes de la démocratie libérale, qui met l’accent sur la procédure et les institutions, il y a des lacunes évidentes. (10)

En outre, la relation entre la « société civile » et l’État est cruciale mais souvent houleuse dans toute l’Amérique Latine. Les groupes de la société civile ont joué un rôle important dans la fin du régime de Pinochet au Chili. En Équateur et en Bolivie, les organisations autochtones ont joué un rôle clé dans le succès des présidents Correa et Morales et se trouvent parfois maintenant en conflit avec leurs gouvernements sur les questions d’extraction et d’environnement. Mais à droite aussi, des groupes de la « société civile » ont joué un rôle clé dans la destitution de la présidente brésilien Rousseff en 2016 et l’élection de Jair Bolsonaro en 2018…

3. Les médias et le Venezuela

Les médias vénézuéliens sont concentrés entre les mains de très peu de personnes et liés à l’ancienne élite qui contrôlait le pays jusqu’en 1998. Pendant la période dite de « Punto Fijo » (1958-1998), seul le gouvernement avait le pouvoir d’accorder de nouvelles licences pour les médias. Pour se lancer dans une nouvelle entreprise médiatique, il fallait avoir des liens étroits avec des hauts fonctionnaires du gouvernement. Cela a conduit à une relation symbiotique entre les médias et les élites politiques, où les médias, qui dépendent du gouvernement pour l’octroi des licences, à leur tour, légitiment et valident le gouvernement par une couverture positive. Après l’effondrement des partis politiques traditionnels à partir de 1998, les médias privés sont devenus le dernier rempart et le principal véhicule politique de l’élite. Même après les réformes controversées des médias chavistes, les médias privés dominent toujours les parts d’audience et de marché, la part d’audience de la télévision publique étant faible. La grande majorité des stations de radio et des journaux critiquent le gouvernement.

Les études portant sur les médias privés vénézuéliens sont très critiques. Lupien souligne le niveau extrêmement élevé de concentration et d’alignement avec les partis politiques locaux de l’opposition de droite. Il en résulte un ensemble étroit de perspectives, selon lesquelles les mouvements qui contestent l’hégémonie de la race et de la classe sociale dominante sont désignés comme dangereux et offensifs. Incapables de discréditer les résultats des élections, affirme Lupien, les médias ont cherché à saper la légitimité du gouvernement chaviste en présentant ses partisans comme des partisans irréfléchis ou des foules dangereuses et irrationnelles.(12) Et Duno-Gottberg soutient que les médias locaux ont tenté de construire deux groupes distincts d’acteurs politiques ; des groupes rationnels et respectables de la « société civile » qui s’opposent au gouvernement et les dangereux « mafieux, des dégénérés au visage noir, des classes inférieures » qui le soutiennent. (13)

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La droite se mobilise en appui à Juan Guaido, président autoproclamé par Donald Trump

Autre manifestation de la droite vénézuélienne

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Mobilisations chavistes (+ photo ci-dessous)

49948924_10157061752136057_6301419697061494784_n.jpgPour Hernandez, si le projet chaviste peut être lu comme une tentative d’élever et de dynamiser les classes inférieures au sein d’un peuple par une interpellation nationale et populaire, le discours de l’élite blanche consiste à se présenter comme une « société civile » et la multitude comme une « menace barbare et permanente pour la société ». Ainsi, selon lui, le terme « société civile » est devenu un signifiant vide, utilisé uniquement pour décrire les groupes appartenant à l’élite blanche privilégiée qui s’opposent au gouvernement et à ses partisans brutaux comme source imaginaire de terreur pour l’élite. Ainsi, les médias locaux « représentent de manière obsessionnelle » les organisations de la société civile chaviste comme des « groupes paramilitaires intrinsèquement violents, conçus pour intimider et éliminer l’opposition ». Il accuse ainsi l’élite de mener une campagne de « terrorisme médiatique », dans laquelle des journaux influents comme El Nacional et El Universal font preuve « d’une argumentation cohérente et systématique destinée à susciter la peur, l’horreur et la haine envers le chavisme ».(14)

Lupien affirme que les partisans de Chavez ne sont jamais dotés d’une agenda en propre ou considérés comme étant guidés par un intérêt personnel ou collectif rationnel. Les médias locaux, au lieu de cela, utilisent des mots comme « voyous, talibans » et les présentent comme liés au président par manipulation émotionnelle ou littéralement par contrôle magique ou religieux.(15)

Par exemple, El Nacional (14 octobre 2001) a décrit la société civile chaviste comme une « classe marginale… amenée de l’intérieur du pays »qui ne comprenait pas ce pour quoi elle votait mais était « prête à se vendre pour un morceau de pain et une bouteille de rhum ». Cette image d’Epinal de Vénézuéliens pauvres et inintelligents qui sont facilement soudoyés continue jusqu’à aujourd’hui; aux élections de mai 2018, Reuters a affirmé que les pauvres votaient pour Maduro parce qu’ils pensaient « gagner un prix » ou qu’ils « recevraient une boîte de nourriture ».(16)

Au cours du coup d’Etat de 2002, où la pression de l’élite pour forcer Chavez à quitter le pouvoir par la violence a été repoussée par des manifestations de masse des classes populaires du pays, les médias locaux ont insisté sur le fait que la  » foule  » ne savait pas ce qu’elle faisait et était manipulée par un leader trompeur. (17) El Universal (19 juillet 2002) a qualifié les opposants de droite au gouvernement de « société civile » et le contre-coup populaire (21 avril 2002) comme un « pillage comme un produit du ressentiment ».

Pratiquement tous les médias locaux ont été fortement impliqués dans la fomentation, l’orchestration et la promotion du coup d’Etat, dont le siège se trouvait dans la maison de Gustavo Cisneros, le propriétaire de la plus grande chaîne de télévision. Le 12 avril, sa chaîne Venevisión a diffusé sur ses écrans des spots indiquant que le Venezuela avait retrouvé sa liberté, tandis que les dirigeants du coup d’État étaient invités sur les ondes et remerciaient les médias pour leur coopération. L’un d’eux a déclaré : « Nous avions une arme mortelle : les médias. Et maintenant que j’en ai l’occasion, permettez-moi de vous féliciter»(18) D’autres chaînes ont fait de même ; un réalisateur de RCTV s’est fait dire de diffuser « zéro chavisme » à l’écran.(19) Le même jour, Napoleon Bravo, l’un des animateurs de télévision les plus influents du Venezuela, a invité sur les ondes les dirigeants du coup d’Etat, pour les remercier de les aider dans le coup d’Etat contre Hugo Chavez.

Les journaux nationaux du pays ont été impliqués de la même manière. En première page d’El Nacional (11 avril 2002), la veille du coup d’Etat, on pouvait lire : « Descendez dans la rue, pas de pas en arrière » et « la bataille finale aura lieu au Miraflores [palais présidentiel] » ! El Universal (13 avril 2002) a triomphé à la suite de ce qui semblait être une entreprise couronnée de succès, son titre déclarant «  Un pas en avant » ! La plupart des chaînes de télévision privées ont suspendu leurs émissions régulières pour demander aux téléspectateurs de descendre dans la rue pour renverser le gouvernement ; elles ont diffusé des images trafiquées de partisans de Chavez attaqués qui donnaient l’impression qu’ils étaient les agresseurs et ont laissé le temps d’antenne aux putschistes pour dénoncer Chavez. Mais ils ont refusé de faire un reportage sur le contre-coup pendant qui était en cours, diffusant plutôt des documentaires et des films de Julia Roberts. Comme le contre-coup a réussi, tous les journaux nationaux, à l’exception d’Últimas Noticias, ont suspendu leur impression.

En effet, El Universal (13 janvier 2002) a décrit les Cercles bolivariens, associations de quartier, qui ont joué un rôle crucial dans la lutte contre le coup d’Etat, comme de « dangereuses « racailles » qui, sans l’élégance des chemises noires italiennes ou la discipline des groupes nazis allemands considérés comme fascistes, étaient considérés comme des escadrons de la mort du président Duvalier, « les Tontons Macoutes, deux groupes formés de voyous brutaux qui pratiquent la magie ». (20) Nous reviendrons plus bas sur ce racisme fondamental.

4. Race et classe au Venezuela

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« Mantuana » espagnole (oligarchie locale) avec son esclave noire, XVIIIème siècle.

Après l’arrivée de Christophe Colomb en 1498, le Venezuela fut transformé en économie axée sur les plantations, dans lesquelles de petits groupes de paysans européens asservirent de grands groupes d’indigènes américains pour produire des produits primaires. Décimés par l’invasion et la conquête, ils furent remplacés par des Africains victimes de la traite, dont les vies n’avaient pas plus de valeur. Après la longue lutte pour l’indépendance et l’abolition définitive de l’esclavage au milieu du XIXe siècle, la structure de l’économie a très peu changé. Une élite créole blanche propriétaire terrienne a remplacé la domination espagnole directe, tandis que les autochtones et les Afro-Vénézuéliens se sont vu interdire des emplois bien rémunérés dans l’industrie pétrolière, ce qui signifie qu’aujourd’hui les pauvres sont majoritairement noirs et les noirs sont majoritairement pauvres.

Des tentatives ont été faites pour blanchir la composition de la population aux XIXe et XXe siècles, avec des programmes gouvernementaux donnant aux immigrants européens une grande partie des terres les plus productives. Cannon a argumenté de façon convaincante que « le blanc au Venezuela est l’abréviation de beau, pur et sophistiqué, le noir étant le symbole du laid, du pauvre et de l’inintelligent ». Les Noirs sont pratiquement invisibles à la télévision vénézuélienne, présentés seulement comme des voyous sans scrupules. Le noir est fortement sous-estimé, sinon méprisé dans le pays. Avant l’avènement de Chavez, il n’y avait presque pas d’animateurs d’émissions de télévision non blancs dans ce pays majoritairement non blanc. L’intersection de la race et de la classe peut être vue dans la publicité, où les produits destinés à l’élite utilisent des modèles blancs alors que ceux destinés à un public ouvrier sont souvent des modèles plus sombres. Bien que 64 % des Vénézuéliens ne soient pas de race blanche, seulement 4 % s’identifient comme noirs (21).

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Buste du héros national, le rebelle José Leonardo Chirinos, État de Falcón, Venezuela.

Il existe donc une forte corrélation entre la race, la classe sociale et l’affiliation politique au Venezuela, où 67 % des secteurs socio-économiques A et B ont voté pour l’opposant de Chavez en 2000, contre seulement 24 % pour la catégorie socio-économique E, 50,5 % de celle-ci votant pour Chavez. La moitié de ceux qui avaient voté pour lui en 1998 n’avaient jamais voté auparavant. Chavez a pu compter sur le soutien des pauvres, qui le considéraient comme l’un d’entre eux puisqu’il a grandi dans la pauvreté, dans une maison de torchis de l’État de Barinas. En revanche, Cannon soutient que son rejet par les classes moyennes signifiait précisément un rejet des pauvres et des personnes à la peau sombre, et qu’il était fondé sur une notion historique profondément enracinée du noir comme étant inférieur au blanc. (22) Cette position non déclarée de l’élite aujourd’hui, soutient Salas, est remise en question ouvertement par une coalition multiethnique de peuples subalternes, et constitue un choc psychologique douloureux pour la culture hégémonique de la suprématie blanche. (23)

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Chavez vu par l’opposition. Voir aussi, en France, « Les facéties d’Alexandre Adler : Hugo Chavez, « gorille populiste » » et « antisémite » : https://www.acrimed.org/Les-faceties-d-Alexandre-Adler-Hugo-Chavez-gorille-populiste-et-antisemite

Au Venezuela « noir’ et ‘chaviste » sont considérés comme pratiquement synonymes. Un supplément d’El Nacional a publié l’histoire de trois journalistes de l’opposition noircis pour ressembler à des golliwogs (poupée de chiffon représentant une personne noire aux cheveux crépus) afin de passer inaperçus lors d’un rassemblement de chaviste par « la foule qui leur était violemment opposée ». L’un des problèmes signalés dans le supplément était que l’utilisation permanente de ce déguisement signifierait qu’ils commenceraient à puer comme des singes… Etant entendu que les chavistas étaient noirs et que la société civile était blanche. (24)

Pendant les manifestations de l’extrême droite 2017 contre le gouvernement bolivarien, présentées par les médias occidentaux comme « révolte populaire pour la démocratie et contre Maduro », un homme noir, Orlando José Figueroa, a été accosté par un groupe de ces manifestants blancs qui supposaient, en raison de la couleur de sa peau, qu’il était à la fois un chaviste et un criminel. Il a été battu, poignardé et brûlé vif. D’autres Afro-Vénézuéliens ont été lynchés par des groupes blancs pendant ces manifestations. Ainsi, selon Salas, l’économie politique du racisme au sein de l’élite vénézuélienne n’est rien de plus que la continuation historique du processus de conquête et d’esclavage qui a commencé il y a 500 ans. (25)

Orlando Figuera

Le jeune Orlando Figuera, brûlé vif dans un quartier chic de Caracas par une extrême droite insurgée que les médias internationaux ont qualifiée de « révolte populaire contre la dictature ». Voir http://wp.me/p2ahp2-2CO

Pourtant, le racisme est un sujet tabou au Venezuela. L’une des idéologies nationales fondamentales est que le pays est une société « café au lait », où tout le monde est un mélange de café (africain) et de lait (européen), ce qui signifie qu’ils sont tous de la même « race ». En conséquence, le langage et la terminologie ouvertement raciaux dans les médias coexistent avec le déni du fait que le racisme est un problème à l’intérieur du pays.

Cette situation n’est pas remise en question par les analyses locales des médias vénézuéliens ou de la manière dont la société civile est représentée, même si la plupart se concentrent uniquement sur la tentative de coup d’État de 2002 et n’étudient pas les préjugés inhérents à la couverture médiatique de manière plus générale. La présente étude, par contre, prend en compte l’ensemble de la période chaviste (1998-) et se concentre sur les médias britanniques et américains. Elle montre comment les médias occidentaux recyclent fidèlement la couverture raciste et classiste des médias vénézuéliens. L’une des raisons en est que les journalistes occidentaux qui se rendent au Venezuela vivent et travaillent généralement dans les quartiers de l’Est de Caracas, fortement empreints de ségrégation raciale et sociale. La plupart de ces journalistes vivent dans des communautés protégées par des gardes armés et se déplacent rarement en dehors de la partie riche et cosmopolite de la ville. Par conséquent, ils entrent rarement en contact avec la majorité pauvre et à la peau foncée du pays. Beaucoup ne parlent pas l’espagnol et ne peuvent donc pas communiquer avec les 95 % les plus pauvres de la population qui ne parlent pas anglais. Cela les limite encore davantage à ne communiquer presque exclusivement qu’avec des sources de la classe moyenne ou supérieure blanche. Même hiatus pour les journalistes restés en Europe : la plupart des vénézuéliens qui étudient ou achètent des appartements à Londres, Paris ou Madrid… sont, comme les autres communautés latines, en porte-à-faux, pour des raisons sociologiques, économiques et historiques, avec les couches populaires qui forment la majorité sociale de leur pays.

Les journalistes qui prennent leur billet pour Caracas y travaillent en étroite collaboration avec des journalistes locaux bien établis, qui sont majoritairement issus de milieux privilégiés et d’organisations de médias d’opposition très partisanes. Des journalistes m’ont avoué n’avoir fait que copier/coller des articles provenant de sources d’information locales partisanes comme El Universal et El Nacional. En outre, sous la pression de la mondialisation et des coupes budgétaires exigées par les actionnaires des grands groupes de communication, de nombreux organes d’information occidentaux ont commencé à sous-traiter ou à externaliser leur couverture vénézuélienne auprès de journalistes locaux issus de l’opposition. Cela crée une atmosphère de salle de rédaction antagoniste où même les journalistes occidentaux de Caracas se disent « résistants » aux chavistes, tandis que ceux qui sont plus empathiques par rapport au chavisme admettent l’auto-censure, renforçant ainsi la pensée unique. Comme l’a dit un journaliste : « Je n’ai tout simplement jamais présenté d’articles dont je savais qu’ils n’entreraient pas… Et je le savais et je n’étais même pas assez stupide pour les présenter. Je savais que ça ne serait même pas pris en compte ». (26) Il n’est donc pas étonnant que les attitudes des médias locaux s’infiltrent également dans les reportages occidentaux. »

Constatations tirées de la couverture occidentale

J’ai compté la fréquence avec laquelle les sept journaux de mon échantillon présentent les chavistes et les groupes d’opposition comme des foules ou des gangs intrinsèquement violents a été comptée. Dans 65 articles, il y a 158 références à des groupes sympathisants du gouvernement comme « hordes violentes, gangs ou criminels », qualificatifs non utilisés pour décrire des groupes d’opposition.

Chavez est le premier président non blanc élu après s’être présenté face à d’autres candidats dont une ancienne Miss Univers blanche. Les médias locaux ont baptisé l’élection « La beauté contre la bête ». (27) Les médias occidentaux ont adopté ce ton, qualifiant ses partisans d’ignorants et de bestiaux. Le Washington Post (7 décembre 1998) a cité un observateur qui notait : « Chavez rejoint les gens incultes. Il n’offre qu’une série de rêves ». Et le Miami Herald (7 décembre 1998) affirmait que « les chavistes embrasseraient une dictature autoritaire », citant une source qui disait : « L’histoire de violence de Chavez m’inquiète. Ses disciples m’inquiètent. Ses disciples ne sont généralement pas très éduqués ».

La déshumanisation des Vénézuéliens de la classe ouvrière, à la peau sombre, s’est intensifiée en 2002 lors de la tentative de coup d’État. Le 11 avril, de grandes manifestations ont débordé Caracas. Les groupes d’opposition de droite (dits de la « société civile ») ont affirmé que les actions de Chavez en tant que président, y compris ses attaques verbales contre l’Eglise et les groupes d’affaires, « érodaient la démocratie ». La renationalisation de PDVSA (Petróleos de Venezuela, S. A.), une compagnie qu’ils considéraient comme neutre et indépendante, a été, pour beaucoup dans ce groupe, la goutte qui a fait déborder le vase.

Alors que les manifestations anti-gouvernementales se sont heurtées à des manifestations pro-gouvernementales, des franc-tireurs ont tiré dans le tas ; dix-neuf personnes ont été tuées et soixante-neuf ont été blessées. Les chefs de l’opposition ont pu ainsi imputer les morts à Chavez et, avec l’aide d’unités militaires, l’ont arrêté et ont installé à sa place Pedro Carmona, le chef de la Chambre de Commerce. Des représentants de tous les secteurs de l’élite – l’Église catholique, l’armée, le monde des affaires, les médias et les syndicats – ont signé le « décret Carmona », qui abolissait la nouvelle Constitution, suspendait la Cour Suprême, liquidait le Congrès et donnait à Carmona le pouvoir de gouverner seul et par décret. La composition raciale et de classe du nouveau gouvernement était évidente même pour les putschistes eux-mêmes, les conseillers de Carmona le suppliant de trouver au moins une personne non blanche à mettre devant les caméras. Mais Carmona n’en a pas trouvé. (28)

Selon le rapport final du Défenseur vénézuélien des droits humains, sept des morts étaient des chavistes, sept étaient des partisans de l’opposition et cinq étaient non affiliés. Parmi les blessés, trente-huit étaient des chavistes, dix-sept des opposants et quatorze des non-affiliés. Il n’y a pas de consensus sur les responsables des meurtres ; les sympathisants de l’opposition insistent sur l’incertitude quant aux coupables, alors que les députés bolivariens considèrent qu’il s’agit de mercenaires postés ad hoc sur les toits environnant le palais de Miraflores. Cependant, même les critiques les plus virulentes des chavistes admettent que ce qui s’est produit était effectivement un coup d’État (29).

Les putschistes apparurent sur les écrans et annoncèrent le licenciement d’environ 500 journalistes considérés comme ennemis du nouveau régime (30) En moins d’une jour une centaine d’entre eux furent arrêtés, la télévision d’Etat forcée de quitter les ondes et de nombreux médias locaux indépendants envahis et détruits, certains journalistes furent torturés et d’autres ont publiquement fouettés (31).

Ce gouvernement auto-proclamé n’a duré que deux jours : un grand nombre des vénézuéliens de la classe ouvrière et à la peau sombre sont descendus des barrios, quartiers populaires sur les collines autour de Caracas, pour protester. Ces manifestations pacifiques de masse ont encouragé les unités loyales de l’armée à reprendre le palais présidentiel et à ramener le président constitutionnel Chavez.

Les documents publiés montrent que le coup d’État et la violence avaient été planifiés dès le début et que le gouvernement américain était parfaitement conscient que l’opposition avait l’intention de provoquer et d’exploiter la violence dès le début du mois d’avril 2002 afin de perpétrer un coup d’État. (32) Les États-Unis ont d’abord soutenu ces actions, la Maison Blanche les qualifiant de « manifestations pacifiques » et a fait pression sur l’OEA pour reconnaître Carmona (33). Cependant, l’OEA a dénoncé ce qu’elle considérait comme un coup d’État violent et a exprimé sa solidarité avec le peuple vénézuélien. (34) Le 15 avril, le gouvernement américain a fait marche arrière et « condamné » le coup d’État.

C’est dans ce contexte que les médias occidentaux ont présenté les groupes responsables du coup d’État comme des « sociétés civiles » alors que les groupes de la classe inférieure qui défendaient la Constitution étaient dépeints comme des « foules dangereuses menaçant la démocratie ». Par exemple, le Daily Telegraph (13 avril 2002) : « Le président vénézuélien a été contraint de démissionner par son haut commandement militaire hier après que ses partisans ont ouvert le feu sur un rassemblement de l’opposition appelant à son départ, tuant 13 personnes…[Les coups de Chavez] ont aliéné tous les secteurs importants de la société vénézuélienne : les entreprises, les propriétaires terriens, les syndicats et l’Eglise catholique… M. Chavez a une clientèle fanatique parmi certains secteurs des pauvres. »

Par ailleurs, le journal a rapporté de fausses informations selon lesquelles Chavez avait démissionné et ses partisans avaient tué des partisans de l’opposition. Pourtant, Chavez a été enlevé de manière démontrée et il existe un vaste bilan de preuves, en particulier le fait que deux fois plus de chavistes ont été blessés que les partisans de l’opposition. Le correspondant de CNN Otto Neustadt a lui-même filmé les dénonciations des putschistes revendiquant le coup d’Etat et parlant de « morts » avant que celles-ci ne se produisent sous les balles de leurs francs-tireurs… Le Daily Telegraph a également délégitimé la classe ouvrière, affirmant que tous les secteurs « importants » de la société s’opposaient à Chavez et que seuls des assassins « fanatiques » le soutenaient. Ces meurtriers fanatiques constituaient la majorité sociale du pays.

Le New York Times (13 avril 2002) a fortement soutenu les événements, les présentant comme un soulèvement démocratique plutôt que comme un coup d’Etat, notant que Chavez s’était : « aliéné pratiquement toutes les circonscriptions, des professionnels de la classe moyenne, des universitaires et des chefs d’entreprise aux membres des syndicats et de l’Église catholique romaine… Un développement encourageant a été la forte participation des citoyens de la classe moyenne à l’organisation des groupes d’opposition et des manifestations de rue. La poursuite de la participation civique pourrait contribuer à revitaliser le Venezuela. »

Ce journal a décrit les mobilisations de la droite pro-coup d’État comme « une semaine de manifestations pacifiques » tandis que la contre-manifestation a été qualifiée de « mouvances furieuses de partisans de Chavez marchant violemment à travers les magasins pillant la capitale dans les quartiers pauvres ». (16 avril 2002).

Cette couverture est très semblable à celle du journal de droite vénézuélien El Universal documentée précédemment. Moins de deux ans auparavant, Chavez avait remporté à la fois le plus grand nombre total de voix de l’histoire du Venezuela, avec vingt-deux victoires sur vingt-trois États; en 2006, il avait obtenu le meilleur résultat avec sa réélection. Chavez donc n’avait manifestement pas « perdu la majeure partie de la population ». Mais cette lecture journalistique montre clairement qui constitue et qui ne constitue pas la société selon les médias. Ceux qui en font partie sont les groupes professionnels de l’élite blanche et ceux qui n’en font pas partie, à l’évidence, sont les violents sous-humains (unpeople). Le New York Times a dénigré les centaines de milliers de manifestants pacifiques de la classe ouvrière qui se sont soulevés contre le coup d’Etat en les qualifiant de « voyous armés » (15 avril 2002) et « Dobermans » (12 avril 2002).

Les autres journaux dépeignent les groupes de la même façon. Par exemple, selon le Washington Post (21 avril 2002), « l’opposition de la société civile était inspirée et énergique, démocratique ». En revanche les groupes ouvriers opposés au coup d’État étaient des «  extrémistes, des brutes » – même lorsque les démocrates inspirés s’abattaient ces extrémistes. Sur l’ensemble de l’échantillon, trente-cinq groupes d’opposition ont été cités comme représentant une  » société civile  » respectable. Les groupes chavistes n’ont pas été décrits de la même manière. Cette uniformité sur l’ensemble du spectre ajoute du poids à la théorie de Hernandez selon laquelle le terme « société civile » est un signifiant vide, un terme technique utilisé uniquement pour décrire les groupes de l’élite sociale.

Le Miami Herald (16 avril 2002) reprenait lui aussi la couverture du quotidien vénézuélien de droite El Universal (13 janvier 2002) qui comparait les cercles bolivariens aux nazis et aux tontons Macoutes.

La présentation des partisans de Chavez comme « hordes violentes et sans instruction » s’est poursuivie tout au long de sa présidence et jusqu’après sa mort en 2013. Tout en couvrant les funérailles de Chavez et l’élection présidentielle qui a suivi, les journaux ont nié toute capacité d’autonomie d’action ou de pensée aux partisans de Chavez, les présentant comme de simples disciples irréfléchis, incapables de prendre des décisions rationnelles, reflétant ainsi les conclusions de Lupien dans les médias vénézuéliens. Par exemple, le Times (6 mars 2013) a affirmé que Chavez était « un personnage plus grand que nature qui commandait une adoration presque sectaire aux dévots de sa soi-disant révolution, sa domination du pouvoir laissant peu de place pour pouvoir briller aux autres personnalités politiques ».

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Diversité des organisations citoyennes nées de la révolution : une réunion communale dans un quartier populaire d’El Lidice, Caracas, 2018. Photo: Jesus Reyes

En fait, selon les médias, les vénézuéliens de la classe ouvrière n’appuyaient pas le gouvernement de façon rationnelle mais participaient à un culte qui leur avait lavé le cerveau. Il y a aussi une tendance marquée à dépeindre les groupes de chavistes comme des fouets émanent d’une rage névrosée, comme le montrent les deux citations suivantes : « Ses partisans frénétiques ne veulent tout simplement pas dire au revoir, et les héritiers d’Hugo Chavez disent qu’ils n’auront peut-être pas à le faire. » (The Washington Post, 16 mars 2013). Ou «Le Commandant a été ramené d’entre les morts, apparaissant sur des écrans vidéo géants haranguant des foules endiablées. » (The Daily Telegraph, 12 avril 2013)

La  » frénésie  » évoque un comportement incontrôlable, irrationnel ou sauvage, indiquant que les groupes qui soutiennent le gouvernement sont hystériques, maniaques ou fous plutôt que des acteurs rationnels. Le mot est souvent utilisé pour désigner des animaux irrationnels ou même des parasites –  » une frénésie alimentaire  » – et sert à déshumaniser la majorité de la population à la peau sombre et de classe inférieure du pays. Le mot n’a jamais été utilisé pour décrire les mouvements d’opposition.

La conséquence du règne de Chavez, selon un journal, a été de déchaîner une bête sur le Venezuela. The Miami Herald (5 mars 2013) affirmant que, par conséquent,  » le Venezuela est aujourd’hui une société polarisée divisée entre les partisans intolérants de la révolution bolivarienne de M. Chávez et une opposition démocratique qui, contre toute attente, a mené un combat courageux pour une alternative démocratique « . Cela diabolise à la fois les chavistes et idéalise l’opposition.

L’élection présidentielle qui a suivi a opposé le vice-président Nicolas Maduro au leader de l’opposition Henrique Capriles. Alors que les chavistes considéraient l’élection comme libre et équitable, l’opposition affirma que, bien que le vote ait été sûr, le gouvernement avait utilisé les médias et les ressources de l’État en sa faveur, et qu’il avait fait pression sur ses employés pour qu’ils votent pour Maduro, biaisant les règles du jeu.

La réaction de la communauté internationale à l’élection a été extrêmement positive. L’Union des Nations de l’Amérique du Sud a pleinement approuvé les travaux, comme l’ont fait de nombreux autres États importants comme le Canada, le Mexique, la Russie et l’Espagne. En fait, le seul pays au monde qui n’a pas rapidement reconnu les résultats était les États-Unis. Et ce, malgré le fait que le Centre Carter, une organisation d’observation électorale ayant reçu le prix Nobel et que le gouvernement états-unien a même financé pour observer des élections, les a approuvées. Elle a constaté qu’en fait, Capriles a reçu presque trois fois plus de couverture que Maduro à la télévision, la plupart étant positive, alors que la couverture de Maduro était surtout négative. En outre, il a constaté que moins d’un pour cent des personnes ont déclaré avoir subi des pressions pour voter dans un sens ou dans l’autre, alors que deux fois plus de personnes ont été poussées à voter pour Capriles que pour Maduro. (35) En 2012, l’ancien président Jimmy Carter a noté que le système électoral au Venezuela était  » le meilleur au monde « .

Néanmoins, les médias occidentaux ont recyclé leur discours et présenté ce scrutin comme un combat injuste entre une opposition démocratique, courageuse et louable, et un gouvernement autoritaire qui avait  » drillé  » ses  » partisans pauvres avec frénésie «  (The Daily Telegraph, 6 mars 2013) et pouvait compter « sur le soutien aveugle » d’un million de clients citoyens et leurs familles « qui ont dû voter pour leur gouvernement du fait de leur travail dans le secteur public. » (The Daily Telegraph, 7 mars 2013). Il évoquait également une forte possibilité que, si les chavistes perdaient, ils pourraient ne pas accepter le résultat. Par exemple, The Guardian (5 mars 2013) écrit : « Les questions abondent. Si Capriles gagne, les milices et factions civiles chavistes des forces armées l’accepteront-elles ? ».

De telles citations soulignent le mépris de classe des médias européens à l’égard des groupes chavistes. Ils démontrent également la même tendance à « paramilitariser » ces groupes comme Hernandez l’a analysé dans les médias vénézuéliens eux-mêmes, qui sont en majorité d’opposition. En réalité, les chavistes ont toujours accepté leurs défaites, de manière immédiate, même en cas de scrutins serrés comme lors du référendum de 2007 – alors que l’opposition a continuellement refusé d’accepter les résultats des élections et a eu recours à la violence dans un certain nombre de cas. Elle a de fait refusé d’accepter les victoires chavistes jusqu’en 2006. Capriles lui-même avait des antécédents de violence, notamment l’enlèvement du ministre de l’Intérieur lors du coup d’État de 2002 et le leadership d’une foule qui a attaqué l’ambassade de Cuba. Pourtant, les médias n’ont jamais posé la question de savoir si l’opposition reconnaîtrait le verdict des urnes (ce qu’elle n’a d’ailleurs pas fait). Le qualificatif « milices » fait référence aux cercles bolivariens, que les chavistes appellent organisations populaires, mais qui sont fréquemment décrits comme des paramilitaires armés par l’opposition vénézuélienne. Notre étude montre qu’aucune organisation d’opposition n’a été qualifiée de milice, même armée, alors que ses commandos ont mené des attaques nocturnes contre l’armée et la police vénézuéliennes. Par contre le Daily Telegraph (14 avril 2013) écrit : « Beaucoup se sont demandés si M. Maduro et ses partisans chavistes accepteraient une victoire de l’opposition si elle se produisait – et ils ont prédit la violence si elle se produisait. ». Le Miami Herald (5 mars 2013) s’inquiète lui aussi de la violence, citant un observateur : « Armando, 29 ans, a déclaré que sa joie était tempérée par la réaction des supporters pro-Chávez, connus sous le nom de chavistes, chez eux. C’est la première étape d’un grand changement » a-t-il déclaré. « J’espère que rien de mal n’arrivera et que les ignorants n’auront pas recours à la violence. »

Heureusement, aucun  » ignorant  » n’a eu recours à la violence. La « foule » est restée à la maison, pacifiquement. Et malheureusement, c’est le candidat de la droite, Henrique Capriles qui a demandé à ses partisans de la société civile « d’exprimer leur colère dans la rue ». Les émeutes qui ont suivi ont entraîné la mort de sept personnes, toutes chavistes. (36)

N’ayant aucune perspective d’accéder rapidement au pouvoir après avoir perdu les élections de 2013, l’opposition s’est scindée en deux factions. La plus modérée était dirigée par Henrique Capriles, et se disait favorable à la poursuite de la voie électorale. L’autre, menée par Leopoldo Lopez,préférait en revenir à la tactique du putsch violent. Lopez argumentait en octobre 2013 : « Nous devons accélérer la sortie du gouvernement… Nicolas Maduro doit partir le plus tôt possible… selon moi, la méthode est secondaire, ce qui est important, c’est la détermination à atteindre nos objectifs à tout prix » (37).

Lopez a persévéré dans ces plans d’action. Au printemps et à l’été 2014, des manifestations anti-gouvernementales ont occupé les quartiers aisés de l’Est de Caracas et des zones frontalières avec la Colombie, comme l’état du Tachira. Elles s’étaient auto-baptisées La Salida (la sortie [de Maduro]) ou « guarimbas » (barrages et violences d’extrême droite, NdT). Quarante-trois personnes sont mortes dans des affrontements très médiatisés entre l’opposition et les forces gouvernementales, dont quatorze directement imputables aux forces de sécurité gouvernementales et vingt-trois à la violence de l’opposition. (38) Les manifestations prolongées ont causé d’énormes dégâts et perturbations dans le pays, évalués à 15 milliards de dollars par le gouvernement bolivarien.

Les chavistes reconnaissent que la police et la Garde nationale sont coupables de certains meurtres, mais affirment que le gouvernement a fait preuve d’une  » étonnante retenue  » face à une tentative de coup d’État violent. Les opposants concèdent que les manifestants ont fait de nombreux morts, mais accusent la répression gouvernementale qui selon a été pire, entraînant un  » pogrom tropical  » généralisé contre des groupes de la société civile largement pacifiques. (39) Les médias vénézuéliens, en majorité d’opposition, ont généralement favorisé la seconde interprétation. El Universal (19 mars 2014), par exemple, a condamné la«  violence des chavistes », et de leurs «  groupes armés » contre «  les étudiants et les familles qui ont manifesté pacifiquement ».

C’est cette interprétation qui dominait en Occident. Ciccariello-Maher note comment les manifestants se sont habilement présentés sur les réseaux sociaux comme une sorte de « Printemps arabe » ou des mouvements d’occupation sous le masque de Guy Fawkes, faisant circuler des images montrant une prétendue répression gouvernementale, malgré le fait que de nombreuses images ne venaient même pas du Venezuela. (40) Les événements ont fait la une des réseaux sociaux à travers le monde, faisant la manchette des journaux et des célébrités comme Cher, Madonna et Kevin Spacey ont apporté leur soutien total aux opposants.

Les Vénézuéliens, les médias et les universitaires ont immédiatement remarqué l’aspect de classe et racial des manifestations. (41) Des étudiants de peau claire, provenant des universités privées de la bourgeoisie, ont co-dirigé les « guarimbas » avec des paramilitaires colombiens et des membres de la pègre. Celles-ci ont eu lieu dans seulement 18 des 335 municipalités du pays, c’est-à-dire principalement dans des zones riches, blanches et contrôlées par l’opposition. Elles ne se sont pas propagées aux zones populaires où vit 80% de la population, métissée, invisible dans les médias occidentaux. Les « guarimbas » étaient très impopulaires, les sondages privés ayant constaté qu’en avril, les deux tiers des Vénézuéliens étaient contre eux (bien qu’une majorité de riches Vénézuéliens les aient soutenus), les autres les estimant impopulaires à hauteur de 87 %. Cela était principalement dû à leur violence, qui comprenait l’attaque de magasins d’alimentation du gouvernement, des incendies ou attaques aux explosifs contre le métro de Caracas, l’attaque de centres de santé qui a mis en péril plus de 160 patients qui ont risqué de brûler vifs, la destruction d’universités libres visant les étudiants pauvres ou des logements sociaux construits pour les secteurs populaires, l’attaque de jardins d’enfants, l’intoxication de l’eau potable et même l’assassinat de passants non mobilisés politiquement. (42) La liste des cibles représentait un message politique clair : les institutions attaquées étaient les représentants des programmes-phares du socialisme bolivarien en matière de santé, d’éducation, de transport et de logement, programmes soutenus par les classes populaires à la peau brune.

Terroristas-Guarimberos

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Dans un quartier huppé de Caracas, les « guarimberos » d’extrême droite, présentés comme « combattants de la liberté » en lutte contre une dictature sur les  écrans occidentaux.

safe_image-php1.jpgPourtant, les médias ne présentèrent pas ces violences de l’extrême droite comme venant des mêmes participants que ceux de la tentative de coup d’Etat contre Chavez en 2002, mais comme les actions de manifestants pacifiques vertueux soumis à une agression violente de la part d’une dictature et ses sbires.

De fait, dans les news de télévision, la chronologie du montage s’inversait. La réponse des forces de sécurité précédait les violences de l’extrême droite, comme s’il s’agissait d’une répression politique contre la population. L’Independent (18 février 2014) a noté que la Maison-Blanche s’était inquiétée du fait que le gouvernement utilisait les forces de sécurité et les gangs armés pour disperser des « manifestations pacifiques ». Tandis que le Times (15 avril 2014) affirmait que « les Colectivos haïs – des gangs armés de loyalistes du gouvernement à moto – se sont présentés devant les maisons des manifestants étudiants et ont menacé de les tuer ». Pour ne pas être en reste, le Daily Telegraph (21 février 2014) présenta le Venezuela comme tombant dans une ochlocratie, déclarant que: « Maduro a laissé les pires personnes prendre le pouvoir – abandonner l’autorité à des foules radicales et à des fonctionnaires corrompus dans le but de les garder tous de son côté ». De plus, «  sous la surface, la société civile pouvait encore survivre. Maintenant que Chavez est mort et que la magie a disparu, c’est le chaos ».

Pour les médias, les « pires personnes » n’étaient donc pas celles qui tendaient des filins d’acier dans les rues pour égorger les travailleurs se rendant en moto à leur travail, ou qui attaquaient des maternités à l’explosif, non : ceux-là étaient représentés comme une « société civile » qui « protestait pacifiquement ». Les « pires personnes » étaient les groupes de la classe ouvrière vénézuélienne qui ne soutenaient pas ces violences.

En fin de compte, les journaux britanniques n’ont fait que reprendre la vision sociale de l’opposition locale : présenter les groupes d’opposition comme des « manifestants » respectables de la société civile usant de leur droit de manifester, tout en dénigrant simultanément les groupes chavistes comme des « gangs » ou des « foules violentes et décérébrées ». Aucun groupe d’opposition n’a jamais été qualifié de « horde » ou de « foule » alors qu’un groupe ouvrier ou chaviste n’a jamais été qualifié de « société civile » dans l’ensemble des 501 articles de l’échantillon.

Les journaux états-uniens sont allés plus loin encore, présentant comme des « faits » des affirmations très douteuses sur les responsables de la violence et exigeant une action internationale voire un changement de « régime ». Le Washington Post (30 mars 2014) a écrit : « Les Vénézuéliens sont désespérés par le manque d’intérêt de la communauté internationale pour la crise politique qui secoue leur pays. Depuis le début des manifestations anti-gouvernementales au début du mois dernier, au moins 34 personnes ont été tuées, pour la plupart des partisans de l’opposition abattus par les forces de sécurité ou des gangs soutenus par le gouvernement. »

Cela soulève la question de savoir qui est exactement un Vénézuélien pour le Washington Post. Évidemment pas la grande majorité des Vénézuéliens pour la plupart à la peau sombre, pour la plupart de la classe ouvrière, qui s’opposaient aux violences de l’extrême droite. Imaginons une situation similaire aux États-Unis. Si les militant(e)s du mouvement Black Lives Matter avait bombardé des bâtiments du gouvernement américain dans une tentative ouverte de renverser le président en tuant des membres de la police, de la Garde nationale ou des forces armées, seraient-il décrits comme des « manifestants pacifiques » par ces mêmes médias ?

Le Miami Herald (17 février 2014) a qualifié les événements de « manifestations » dirigées par un « dirigeant responsable » Lopez qui voulait une « marche pacifique » pour « mettre fin aux persécutions et pour obtenir la liberté des manifestants détenus » mais qu ‘« au lieu de répondre aux préoccupations des manifestants en changeant de cap ou en parlant à ses adversaires, M. Maduro a libéré des voyous soutenus par le gouvernement qui ont rapidement aggravé la violence dans la rue». Le Miami Herald (26 février 2014) a également réprimandé le président Obama pour son inaction, affirmant que « de nombreux experts latino-américains à Washington s’accordent à dire que l’administration Obama ne peut fermer les yeux sur le massacre de manifestants pacifiques par des voyous armés soutenus par le gouvernement ».

Cependant, les « guarimbas » violentes de 2014 ont perdu leur popularité et le soutien international. En effet, l’Union des Nations Sud-américaines a fermement soutenu Maduro et condamné la violence de l’opposition, de nombreuses nations qualifiant ces violences comme venant de putschistes préparant une enième tentative de coup d’État conçue par le gouvernement américain.

L’utilisation du mot « voyou » était particulièrement répandue et remarquable dans l’échantillon. Les exemples cités ci-dessus ont été écrits par des occidentaux pour un public états-unien. Ceux qui écrivent ou lisent les articles comprennent vite ce que signifie «  voyou » dans un contexte états-unien. Aujourd’hui, le mot vise à diaboliser et à criminaliser les hommes noirs, comme l’explique Coleman. Il a supplanté « nègre » dans le langage courant (44).

Au total, 20 des 501 articles, soit 4%, utilisaient le stigmate racial le plus fort pour désigner les groupes ouvriers. Il convient de noter qu’il ne s’agissait pas de 4 % des articles sur les partisans de Chavez, mais de 4 % de tous les articles pertinents comprenant le mot  » Venezuela  » dans le texte. Cela comprenait des articles sur le pétrole, les équipes de baseball, la nécrologie, les problèmes des habitants de Miami et les actions du gouvernement américain. L’usage du mot a été beaucoup plus courant dans les périodes d’échantillonnage ultérieures (2013, 2014), longtemps après que sa signification ait été bien documentée et comprise. L’étude a également suivi l’utilisation du terme « voyou » pour désigner les groupes d’opposition ou de classe moyenne. Ce terme n’est pas utilisé pour ces groupes d’opposition ou pour la classe moyenne.

L’utilisation de ce mot pour décrire les chavistes était également courante dans la presse britannique. Le Guardian (7 mars 2013) a affirmé que « les groupes civils armés et voyous ont également juré de défendre la révolution contre les ennemis à l’intérieur et à l’extérieur ». Tandis que The Telegraph (7 mars 2013) racontait qu’aux funérailles de Chavez, « pendant un moment, il y a eu une situation tendue, car le garde – un voyou de 18 ans à peine – exigeait de savoir qui prenait une photo ».

L’utilisation du mot  » voyou  » pour désigner uniquement les groupes de classe inférieure à la peau sombre et jamais les groupes d’opposition, même lorsqu’ils se livraient à la violence, ne fait que renforcer l’idée qu’il s’agit de racisme.

5. Conclusion

Depuis 1998, les médias occidentaux ont montré une tendance écrasante à représenter les groupes chavistes comme « des gangs, des hordes ou des foules dangereuses » tout en présentant simultanément les groupes d’opposition comme des membres respectables de la société civile, reflétant les positions des médias locaux. Chaque fois que des mots tels que « mafia, gangs, hordes » étaient utilisés, c’était uniquement en référence aux organisations sympathisantes du gouvernement, ouvrières, à la peau sombre, et jamais pour décrire les groupes d’opposition, en grande partie blancs et de classe supérieure. De même, le terme « voyou » n’a été utilisé que pour décrire les chavistes dans un contexte où « chaviste et noir » sont compris comme étant pratiquement synonymes.

Les périodes d’échantillonnage concernent l’apogée des offensives de l’opposition pour forcer les chavistes à quitter le pouvoir, par la violence. En 2002, cette opposition a déjà fomenté un coup d’État mortel contre le gouvernement démocratiquement élu, mettant en place une dictature de courte durée. En 2013, l’opposition a refusé d’accepter le résultat d’élections internationalement reconnues, ce qui a entraîné des émeutes meurtrières. Et en 2014, elle a lancé un nouveau cycle de violences pour destituer de force le président. Pourtant, dans les sept journaux échantillonnés, ces groupes d’opposition ont été qualifiés de « société civile », tandis que ceux qui s’opposaient à leurs actions étaient des « foules », des « voyous » et des « hordes paramilitaires ».

En présentant les chavistes comme des paramilitaires intrinsèquement violents, les médias occidentaux ont reproduit la vision diffusée par les médias vénézuéliens d’opposition, selon Hernandez. Cette matrice d’opinon de la droite vénézuélienne, reprises par ses médias, affleure dans les médias occidentaux pour dire, comme le démontre Lupien, que les partisans du gouvernement bolivarien sont « irrationnels et irréfléchis, jouets d’un maître démagogue illusionniste, qui les a drillés avec frénésie » (45).

Les sept journaux de cet échantillon ont suivi de très près cette distinction entre groupes de la « société civile de l’opposition » et « foule chaviste » – voir l’analyse de Duno-Gottberg. (46)

Dans ce contexte, le terme  » société civile  » est un signifiant vide, utilisé exclusivement pour désigner les groupes d’opposition de classe supérieure à la manière des médias d’opposition vénézuéliens. Les médias de masse occidentaux semblent se rabattre uniformément sur les mêmes archétypes que ceux des médias vénézuéliens. Que la couverture de Chavez et de ses partisans soit négative et celle de la droite positive, n’est peut-être pas surprenant, compte tenu des positions (géo-)politiques des États-Unis et du Royaume-Uni à l’égard du Venezuela. L’intime proximité avec laquelle les médias internationaux reflètent la vision de la droite locale montre à quel point les deux groupes sont imbriqués médiatiquement.

Alan MacLeod

Alan-MacLeodL’auteur@AlanRMacLeod est membre du Groupe sur les Médias de la Glasgow University. Son dernier ouvrage “Bad News From Venezuela: 20 Years of Fake News and Misreporting” (Venezuela : 20 ans de mensonges ou d’inexactitudes) a été publié par Routledge en avril 2018.

 

Source :Chavista ‘thugs’ vs. opposition ‘civil society’: western media on Venezuela, Sage Journal, le 25 janvier 2019

Traduction : Libra Sphera, pour Venezuela Infos

 

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Ces derniers jours, le Venezuela a été victime d’une nouvelle vague de sabotages, la plus importante de l’histoire du pays, contre la centrale hydroélectrique de Guri à l’aide de virus informatiques mais aussi de bombardements électro-magnétiques contre la téléphonie notamment. Tout cela a privé d’électricité au moins 80% de la population. Même le magazine états-unien Forbes considère comme hautement probable que cette attaque soit l’oeuvre des Etats-Unis. Le but est de saper toute tentative du gouvernement du Venezuela de stabiliser l’économie et d’initier une séquence de chaos social insurrectionnel (panne d’électricité, panne de télécommunications = pénurie d’essence, d’eau, de nourriture, etc..) que les Etats-Unis et leurs outils comme Juan Guaidó doivent à tout prix organiser dans ce pays. La fausse “aide humanitaire” à la frontière colombienne était peut-être une manoeuvre secondaire, voire “distractive”, face à ce plan élaboré de phases successives du « coup d’Etat à mèche lente » (Maurice Lemoine). (Notons que le New York Times vient de faire amende honorable et de reconnaître, grâce à une vidéo non tronquée des événements, que l’incendie des camions « humanitaires » a été causée comme nous l’avions indiqué précédemment, par des paramilitaires colombo-vénézuéliens, et non par les autorités vénézuéliennes comme la plupart des médias l’ont affirmé. Pour sa part, la télévision canadienne a déjà démonté la fake news du « pont bloqué par Maduro »…)

1.La préparation du choc.

Les messages venant des Etats-Unis étaient clairs ces derniers jours: la montée en puissance de la déstabilisation était imminente. Le retour faussement épique de Guaidó a duré moins longtemps que prévu sur le panneau d’affichage: il n’ y a pas eu de défections critiques dans les Forces Armées Nationales Bolivariennes (FANB) qui, mélangées à une révolte sociale générale, l’auraient installé à Miraflores pour exercer le pouvoir. Son retour glorieux au Venezuela n’a eu d’effet que dans la frénésie passagère des médias. En conséquence, Guaidó est revenu au point de départ inconfortable d’il y a deux mois. Épuisée par la défaite “humanitaire” du 23 février et sans des actions concrètes de commandement présidentiel qui le catapulteraient à l’intérieur, l’orchestration des opérations suivantes se ferait entièrement aux dépens des Etats-Unis.

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Le sénateur US Marco Rubio, puis Juan Guaido, a annoncé quelques heures avant la panne que « les Vénézuéliens vivront la plus grave pénurie de nourriture et d’essence« . « Les politiques de Maduro n’amènent qu’obscurité. Pas de nourriture, pas de médicaments, pas d’électricité et bientôt, pas de Maduro » s’est gaussé le Secrétaire d’Etat et ex-directeur de la CIA Mike Pompeo dans un de ses tweets.  Pour sa part, le gouvernement russe a publié une déclaration dans laquelle il avertit que  » les Etats-Unis sont en train d’élaborer un plan de secours visant à introduire des groupes armés illégaux formés au Venezuela afin de mener des activités de sabotage et de subversion ».

Le black-out généralisé a eu un impact étendu sur le réseau bancaire, les télécommunications et les services publics vitaux du pays (hôpitaux, approvisionnement en eau, transport, etc.), entravant son fonctionnement et paralysant les activités courantes de la population. Bref, une attaque secrète contre le centre gravitationnel du système électrique vénézuélien, destinée à aggraver le malaise social et économique, a remis à flot le récit de la « crise humanitaire » et de l’ »État en faillite », avec lesquels ils espèrent réactiver le leadership déprimé de Guaidó.

Mais cette tendance à faire appel aux options anti-politiques et à la guerre non conventionnelle lorsque les ressources politiques font défaut n’est ni nouvelle ni récente (il suffit de se rappeler les attaques électriques continues lorsque les révolutions colorées de l’extrême droite de 2014 et 2017 sont entrées en récession). À sa façon, Bloomberg l’a laissé entendre dans son dernier rapport. L’usure de Guaidó, son incapacité à mener un processus de transition plus ou moins sérieux, ouvre la voie à des attaques comme celle du barrage hyrdo-électrique du Guri, la violence armée, la guerre de sabotage irrégulière, à la Contra nicaraguayenne, pour devenir des alternatives « légitimes » et « urgentes » pour affronter le chavisme. Le délégué de Trump pour le Venezuela, Elliott Abrams, spécialiste de la guerre contre le Nicaragua sandiniste et de l’invasion de l’Irak, se base à présent sur un mélange de chaos social générés par les sabotages croissants et les incursions paramilitaires destructrices.

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La « Contra » semant la terreur au Nicaragua dans les années 80, chapeautée par l’actuel envoyé spécial de Donald Trump pour le Venezuela, Elliot Abrams

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Un des soldats d’Abrams: deuxième en bas à partir de la gauche, Lorent Saleh, paramilitaire vénézuélien formé par Alvaro Uribe a été considéré comme « persécuté politique » par Amnesty International et par le Parlement européen qui lui a octroyé… le « Prix Sakharov ». Le gouvernement de Juan Manuel Santos l’avait expulsé de Colombie en 2014 à la suite de ses activités illégales d’entraînement terroriste.

2. Embargo et sanctions: armes de destruction massive.

Outre les vulnérabilités historiques d’un système électrique tributaire des recettes pétrolières, il y a eu une politique féroce de sanctions financières qui a réduit la capacité d’investissement public dans les branches stratégiques de l’État. L’argent vénézuélien saisi par les États-Unis s’élève à 30 milliards de dollars, ce qui, en utilisant le « gouvernement parallèle » de Guaidó comme outil, a laissé le pays sans ressources liquides pour faire face aux difficultés soulevées par les sanctions.

Le système électrique national a été attaqué pour un mélange explosif entre désinvestissement, stimulé par le blocus financier, perte de personnel technique spécialisé en raison de la dépréciation des salaires et opérations de sabotage systématique, le dernier toujours mis en œuvre lorsque l’offensive politique est reprise par Chavismo. Chris Floyd, auteur du livre The Empire Burlesque, a eu raison de qualifier les sanctions financières d’ »holocauste » : l’utilisation de cette arme de destruction massive dans des pays comme l’Irak, l’Iran et la Syrie, montre que les dommages aux infrastructures critiques sont similaires à une campagne intense de bombardements par missiles de croisière.

En ce sens, la panne d’électricité est une extension de l’embargo contre le Venezuela, de la politique américaine de restriction des importations, de blocage des comptes et d’entrave à l’accès aux liquidités sur le marché financier international et sur son propre marché pétrolier, interdisant le paiement des exportations au Venezuela. La panne est aussi une métaphore de l’état de siège dans lequel le pays est maintenu et de la façon dont le blocus financier, qui empêche l’utilisation de l’argent pour récupérer un système électrique national déjà affaibli qui soutient l’activité pétrolière et économique du pays, est un substitut aux actions militaires directes.

3. Coup d’Etat cybernétique et crime contre l’humanité.

Ce que Guaidó avait expliqué lors de son appel non suivi à une « grève nationale » mardi dernier devant certains syndicats de l’administration publique, était qu’une action énergique imminente accompagnerait. La fabrication d’une situation d’effondrement, comme lorsque la plate-forme de paiement Credicard a été sabotée, en 2016, provoquant l’interruption de toutes les activités commerciales et économiques dans le pays, cette fois-ci a été exécuté en élargissant son rayon d’affectation.

Le poids du stress et du mécontentement dans la population, comme carburant pour stimuler une situation d’anarchie généralisée qui pourrait en quelque sorte être canalisée dans des manifestations violentes en faveur de Guaidó, indique que la stratégie du chaos (par le cybersabotage et l’artisanat axé sur les infrastructures critiques qui font fonctionner le pays) est utilisé comme un outil de choc. L’opération n’est pas seulement de guerre électrique: ses conséquences couvrent toutes les activités courantes de la société vénézuélienne, auxquelles l’accès à la nourriture, au service hospitalier et aux communications de base est entravé.

Un crime contre l’humanité vu à la lumière du Statut de Rome et du droit international, tout en cherchant à détruire physiquement un groupe de population en utilisant comme armes de guerre les éléments fondamentaux de sa subsistance.

Marco Rubio et Mike Pompeo ont réagi à la panne en plaisantant sur Twitter, ce qui reflète bien les motivations et la stratégie sous-jacente du coup d’Etat contre le Venezuela : comme le « plan Guaidó » a échoué dans ses objectifs à atteindre la fracture de la FANB pour faire disparaître Maduro, la population civile (sans discrimination idéologique) devient la première victime des attaques militaires clandestines continues menées par les Etats-Unis.

Ce coup d’État cybernétique contre le système électrique national implique une agression militaire de facto, une extension de celle qui a eu lieu à la frontière entre la Colombie et le Venezuela le 23 février.

4. Cette phase n’est que la première de la guerre irrégulière.

Depuis l’arrivée de Guaidó, sa projection médiatique est devenue marginale. Cette réduction préméditée de sa visibilité contraste avec le poids croissant que le Commandement du Sud, John Bolton, Marco Rubio et Mike Pompeo ont dans l’orientation du changement de régime. En ce sens, les effets néfastes du black-out s’inscrivent parfaitement dans le récit de la  » crise humanitaire « , selon laquelle le Commandement Sud et l’extrême droite vénézuélienne, depuis 2016, mobilisent  » l’urgence  » d’activer un dispositif d’ » intervention humanitaire  » qui neutralise l’interdiction du Congrès américain, du Conseil de sécurité des Nations unies et le consensus pragmatique pour la non intervention qui a fait son chemin en Amérique latine et dans le monde entier.

Le black-out en tant que tel n’est pas une fin en soi. Il vise à aiguiser les vulnérabilités du pays et à mesurer la capacité de réponse militaire des systèmes défensifs de la République face à une action militaire irrégulière et mercenaire, qui profiterait du blocus de l’information pour couvrir les incursions armées, sa carte opérationnelle et ceux directement responsables sur le terrain, surtout du fait du black out généré par la rupture du système électrique.

Ainsi, au niveau du théâtre d’opérations de la guerre contre le Venezuela, le black-out se traduit par la génération d’un panorama diffus et déroutant qui favoriserait l’exécution d’opérations de faux drapeaux, d’incursions paramilitaires et autres actions violentes qui précipitent un état de troubles généralisés, qui pourrait être présenté comme l’événement déclencheur d’une intervention militaire préventive, soit pour « stabiliser le pays du fait de la crise humanitaire » ou pour « sauver les Vénézuéliens de situations d’État défaillant » dans « une crise humanitaire ». Dans ce cadre narratif, Julio Borges, Antonio Ledezma, Juan Guaidó, Elliot Abrams et le cabinet de la guerre contre le Venezuela à Washington, se serrent la main et travaillent ensemble sous la doctrine du chaos contrôlé des factures américaines.

Avec le black-out, ils cherchent à concrétiser physiquement la « crise humanitaire », non seulement au niveau de la propagande, mais aussi en profitant des pertes humaines et des complications d’un ordre différent générées par l’opération de sabotage.

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L’envoyé spécial de Donald Trump pour le Venezuela, Elliott Abrams (au centre), réuni avec l’équipe de Juan Guaido à New York le 26 janvier 2019.

5.Caractéristiques de l’agression.

Cette fois-ci, il n’y a pas eu d’attaque contre des sous-stations ou des lignes de transport d’électricité, comme cela avait déjà été tenté à plusieurs reprises, selon les manuels de sabotage de la CIA contre le Nicaragua sandiniste des années 80, déjà déclassifié.

Il est à noter que le logiciel utilisé (appelé Scada) dans le système de contrôle automatisé (SCA) qui assure le fonctionnement des moteurs est celui créé par la société ABB, qui ne fonctionne plus dans le pays depuis des années. Cette société ABB, qui a travaillé au Venezuela sous le nom de ABB Trilateral Consortium (ABB Venezuela, ABB Canada, ABB Suisse), a conçu un projet de modernisation de Guri à la fin de la dernière décennie, sous le gouvernement de Hugo Chávez, dans lequel elle décrit en profondeur le système attaqué et l’organisation fondamentale du Guri.

L’analyste géopolitique Vladimir Adrianza Salas, dans un entretien avec TeleSur, a expliqué que le réservoir de Guri  » nécessite un système de contrôle techniquement appelé  » scada system « , qui n’est rien de plus qu’un système de supervision, de contrôle et de réquisition de données qui permet, du point de vue informatique, de contrôler tous les éléments de la production énergétique. Si vous sabotez ça, vous sabotez l’opération. Mais pour saboter cela, il faut deux choses : soit vous devez avoir accès de l’extérieur, soit vous devez avoir une complicité interne pour modifier les processus.

Des précédents de ce type se retrouvent dans des pays directement attaqués ou sous pression par les États-Unis, comme l’Irak et le Liban, où les pannes ont été systématiques et consécutives, l’une après l’autre pendant des dizaines d’heures. Les « répliques » de l’interruption de l’approvisionnement énergétique répondraient à ces séquences d’offensives qui ont déjà été vécues dans d’autres contextes de guerre asymétrique et irrégulière.

La création d’armées de pirates et de matériel de cyberguerre par la CIA et la NSA a été documentée au fil des ans. Un documentaire explique l’origine du virus Stuxnet, qui devrait indiquer les couloirs de ces agences de renseignement américaines. Cet instrument de cyberattaque visait à la fois à saboter les installations de recherche nucléaire en Iran et à dresser un tableau circonstancié qui pourrait conduire à une attaque du réseau électrique national automatisé de l’Iran (analogue au système Guri) en cas de guerre déclarée entre Washington et la République islamique.

6.Ralentir les tendances à la reprise.

La panne se produit dans un contexte de tendance à la reprise économique à différent niveaux : une baisse des prix des produits alimentaires sensibles a réduit la tension en début d’année, tandis qu’au niveau financier, la restructuration du marché des changes a permis de contenir une des variables de l’inflation induite : la hausse du prix des devises sur le marché noir. Ces tendances ont favorisé la stabilité politique du pays, au milieu d’agressions non conventionnelles et de menaces d’intervention militaire, privant Guaidó non seulement du pouvoir de convocation, mais aussi de la capacité de manœuvre pour capitaliser le malaise général causé par les sanctions.

Ainsi, le black-out cherche à freiner ces tendances de redressement social, politique et économique, aggravant par un boycott généralisé les moyens de paiement, l’accès à la nourriture et aux hôpitaux et le développement normal de la société vénézuélienne. De même, l’agressivité de l’attaque vise à affaiblir la production pétrolière et industrielle du Venezuela.

7.La prise de conscience du pays et le pouls de l’intervention.

Tout comme en 2002, la population vénézuélienne vient de connaître un baptême généralisé du feu. Une opération de sabotage visant à précipiter un chaos généralisé, qui met en danger la santé et la nutrition de la population, l’activité économique du pays, ses télécommunications et nos routines les plus élémentaires, nous ramène au paysage du sabotage pétrolier des années 2002-2003, où l’opposition de ce moment, les mêmes qui gèrent une intervention avec les Etats-Unis et la Colombie, ont exécuté un état de siège qui paralyse le pétrole.

La réaction de la population, attaquée psychologiquement au cours des dernières années dans le but de l’inciter à une guerre civile qui rend possible une intervention, a été défavorable au calcul du sabotage. Malgré des protestations locales, le calme s’est imposé, à travers l’utilisation d’alternatives pour cuisiner, la mobilisation des ressources physiques du pays pour faire face aux urgences les plus urgentes, et la vocation généralisée du pays à ne pas tomber dans une provocation qui vise à mener à une confrontation civile et armée. La violence a été vaincue comme en 2002-2003 : ce paysage qui marque aujourd’hui notre histoire contemporaine offre la leçon qu’après une épreuve de feu dépassée, où la brutalité du coup d’Etat a un impact massif, la cohésion du peuple est réaffirmée. Les Etats-Unis doivent donc « augmenter la dose de chaos » pour obtenir le mécontement servant à justifier leurs plans d’intervention ou de coup d’Etat..

Juan Guaidó tente de canaliser l’impact du black-out pour  » déclarer une urgence extraordinaire  » à l’Assemblée nationale, car selon lui  » le moment est venu de faire le pas « , flirtant avec l’idée d’utiliser la Constitution pour légitimer une intervention. C’est précisément dans cette orientation comme moyen de boucler le cycle du sabotage, que l’on voit que le black-out tente de fabriquer les conditions de l’anarchie, du chaos et de l’absence de services vitaux, de faire pression pour une « intervention humanitaire » sur le sol vénézuélien, avec l’approbation de l’Assemblée nationale et la « coalition des pays latino américains », prêts à entreprendre une action vigoureuse, que John Bolton arme.

Compte tenu de l’arrivée prochaine de la mission technique du Haut Commissaire aux droits de l’homme, le black-out cherchera à être canalisé vers un engraissement du dossier  » crise humanitaire  » au Venezuela qui, s’il est bien géré et promu dans les médias, pourrait entraîner un changement de position au niveau de la région, de l’ONU elle-même, du Congrès américain, sur  » l’urgence  » d’une action  » humanitaire  » demandée par le  » gouvernement parallèle.

Cette manœuvre baisse le rideau sur Guaidó : emprisonné dans un plan mal conçu et dépendant de la chaîne de commandement du cabinet de la guerre contre le Venezuela à Washington, il doit être sacrifiée pour l’ouvrir à la guerre. Sa volonté de faire légitimer par une assemblée nationale à majorité de droite, une intervention militaire étrangère est un suicide politique. Accompagné par des secteurs de l’extrême droite Caracas, descendants en droite ligne des premiers colonisateurs espagnols, qui prétendent activer la Responsabilité de protéger (R2P) qui a détruit la Libye, le Kosovo, l’Irak, et d’autres régions que les Etats-Unis ont pillées pour maintenir leur statut de puissance.

Mais le black-out doit être une autre leçon, et il doit nous obliger à retrouver les codes sociaux et les habitudes collectives et solidaires pratiquées lors de la guerre économique de 2002-2003. C’est là que sont nos armes en tant que communauté historique et spirituelle à notre disposition pour maintenir en vie le fil de notre histoire comme patrie.

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Mobilisation de travailleurs pétroliers en réaction au lock-out décidé par les cadres supérieurs de l’entreprise publique PDVSA  dans le cadre de la guerre économique de 2002-2003 contre Hugo Chavez

Article original en espagnol : Venezuela bajo ataque: 7 apuntes sobre el shock eléctrico (informe especial), Mision Verdad, le 10 mars 2019

Traduction : Thierry Deronne pour Venezuela Infos

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Nul ne peut contester la part restreinte des informations sur l’international dans les grands médias. La concentration extrême du pouvoir de décision dans le domaine de la politique étrangère n’y est pas pour rien : les intérêts économiques et stratégiques sont trop décisifs pour être soumis au contrôle populaire le plus élémentaire ! Les « démocraties » les plus avancées sont hémiplégiques et infirmes : les sommets de l’État et quelques experts sont seuls « qualifiés » et les simples citoyens n’ont rien à apporter, y compris lorsqu’ils sont consultés : en 2005, le « Non » à la « Constitution » européenne des Français n’a pas compté. Il dérangeait les pouvoirs publics et privés et contredisait tous les médias qui avaient appelé à voter « Oui » !

Les grands médias, sans complexe, et bien au-delà de la question européenne, mentent, déforment, dissimulent avec plus ou moins de subtilité, pour s’aligner (lorsqu’ils ne sont pas acquis par le recrutement sélectif de leurs éditorialistes) sur les intérêts des groupes qui les financent. Le résultat est une méconnaissance crasse de l’opinion sur la réalité des relations internationales et un enfermement mental des citoyens sur leur pré-carré. Comment s’étonner des relances périodiques d’un chauvinisme étroit, d’un nationalisme arrogant, accompagnés souvent de racisme, au sein des grandes puissances ? Les pouvoirs « enseignent » en effet le mépris des autres et une volonté de puissance bien davantage que la solidarité transnationale (1) !

Le paradoxe est profond à l’heure d’une mondialisation voulue par le monde des affaires et leurs auxiliaires étatiques, qui fait qu’aucune économie nationale et aucun peuple ne peuvent échapper aux ingérences étrangères et à l’impact des intérêts multinationaux partout présents : tout régime, quel qu’il soit, subit ainsi une sorte de « métissage ». L’État le plus attaché à la souveraineté nationale et le peuple le plus patriote sont eux-mêmes victimes d’un environnement international défavorable et se trouvent transformés, malgré eux, par la pénétration d’intérêts qui ne sont pas les leurs. Il en est ainsi particulièrement des rares bastions se réclamant d’un socialisme souvent abâtardi par des sanctions de toutes sortes (embargos, blocage d’avoirs financiers, discriminations commerciales, pressions politiques et idéologiques, etc.) pouvant aller jusqu’au sabotage et à l’intervention militaire.

Les grands médias occidentaux font silence sur ce qui accable, en raison des rapports de force, les régimes qui leur déplaisent : la présentation de la Corée du Nord depuis plus qu’un demi-siècle va jusqu’à la caricature le plus sommaire. Il en est de même pour la Chavisme au Venezuela, comme il en a été par le passé du Vietnam et de Cuba ! La mal information est la règle : un simplisme malsain domine dans le combat qui oppose un « camp » à l’autre, dans un brouillard entretenu par un bavardage incessant sur les « valeurs » et les « idées » ! L’adhésion à l’idéologie des managers capitalistes, doublée d’un « inculture branchée et culottée, bavarde et narcissique », comme l’écrit A. Accardo (2), caractérisent certains spécimens issus d’écoles de journalisme productrices de savoir-faire plus que de savoir. Ce n’est pas le fait de tous les journalismes, mais, précarisés, presque tous acceptent de subir la laisse tenue par les « patrons » (3) !

Les médias dominants, qu’il s’agisse particulièrement des chaînes d’information continue, des radios privées ou publiques, ou de la presse écrite, bénéficiant d’un label quasi-officiel (en France, par exemple, certains journaux sont eux-mêmes « médiatisés » par la radio et la télévision, comme Libération, Le Figaro, Valeurs Actuelles, etc.), sont des outils de fabrication d’une pensée conforme, malgré leur diversité apparente plus ou moins « branchée », source d’une servilité « volontaire » ! L’international est un domaine d’information particulièrement « efficace » pour produire un consensus très favorable aux pouvoirs établis : sans concerner de manière directe les affrontements politiques internes, il favorise une approche sur eux affectée d’un fort coefficient idéologique néolibéral, voire fascisant. Parler d’ « ailleurs » est un excellent moyen de peser sur le « chez soi » : pourquoi se priver d’attaquer sans réserve Chavez puisqu’on atteint en même temps Mélenchon !! Durant des décennies, toute critique de l’URSS permettait de mettre en cause les partis communistes occidentaux qui n’y pouvaient pourtant pas grand chose !

Est utilisée quasi-systématiquement pour toute question internationale une évaluation binaire fondée sur les notions (primaires et quasi-religieuses) du Bien et du Mal, confirmées régulièrement par les courants doctrinaux étasuniens. La transposition dans l’ordre interne va de soi : les médias dominants servent le Bien et ceux qui sont en désaccord se situent dans le camp du Mal !

Enfin, toutes les informations macro-économiques se situent dans le cadre exclusif du capitalisme et de sa gestion : les problèmes propres au socialisme jugé « contre-nature » ne font jamais l’objet que d’un rejet global. Les controverses ne sont admises dans les médias dominants que dans le seul système admis, c’est-à-dire l’économie de marché et sa logique à laquelle nul ne saurait échapper sous peine de désastre social. Il n’y aurait aucune alternative et l’histoire économique n’a nulle place : elle est achevée. La preuve de cette fin de l’évolution a été apportée par l’échec des autres expériences qu’il est donc absurde de vouloir reproduire « chez soi » : pas question de prendre ne compte les multiples agressions économiques et financières subies par l’URSS, Cuba, le Chili, la Corée du Nord, le Venezuela, etc.) !

Dénoncer la pénurie « ailleurs » (ou dans certains cas le succès de telle ou telle mesure qu’il faudrait prendre « chez soi ») est le moyen d’écarter les propositions des oppositions dans notre propre économie ! Y compris si les contextes étrangers sont très différents et rationnellement non transposables. Est ainsi favorisé dans les esprits le concept de « modèle » ou de modèle-repoussoir. Tous les « experts » (sélectionnés) convoqués par les rédactions en chef le confirment évidemment à toutes occasions.

Les règles suivies

L’information internationale par les médias dominants est soumise à certaines règles « d’efficacité » propagandiste, bien que les rédactions s’en défendent en se déclarant « offensées » et victimes d’un populisme inacceptable lorsqu’elles sont mises en cause.

Une courte exposition des méthodes suivies est pourtant difficilement contestable de bonne foi.

Le descriptivisme l’emporte systématiquement. Les événements du jour n’ont ni racine ni histoire. Le flash privilégié, recherchant l’émotion, exclut l’explicitation. On fait usage de l’image symbolique (par exemple, l’enfant blessé dans les ruines d’un bombardement) ou le témoignage individuel choisi, qui suffiraient à faire sens !

Le temps-long n’est pas pris en compte : la question kurde, par exemple, ne remonte-t-elle pas pourtant aux lendemains de la Première Guerre mondiale, et ne soulèverait-elle pas la responsabilité des vainqueurs de 1918 ? La question palestinienne n’aurait-elle pas près de soixante-dix ans, tout comme la question coréenne (dont la guerre dévastatrice de 1950-1953) et ces décennies écoulées n’auraient-elles aucun impact sur l’actualité ?

Chaque événement médiatiquement martelé un ou plusieurs jours consécutifs, avec une forte intensité pour imprégner les esprits, disparaît brusquement pour céder la place à un autre qui lui-même s’efface à son tour:il n’y a pas de suivi. L’objectif n’est pas de faire comprendre mais « d’impressionner » l’esprit pour fabriquer l’opinion désirée par les pouvoirs.

On peut imaginer les dégâts intellectuels qu’une telle méthode produirait dans le domaine de la pédagogie scolaire !

Chaque jour, les événements sont multiples au sein ou entre les quelques 200 États qui se partagent la planète. Les médias dominants font « leur marché », en relation avec l’ordre du jour intérieur monopolisé par les pouvoirs publics et privés, afin de peser sur l’opinion soit pour conforter une idée-reçue générale soit pour agir sur une question précise qu’il s’agit d’orienter. Seront choisis, par exemple, des événements renforçant l’hostilité à la Chine ou à la Russie ou démontrant que la police algérienne sait jouer de la matraque comme la française et que l’on ne saurait s’attarder sur les condamnations du gouvernement français prononcées par les Nations Unies ou le Parlement européen à l’occasion de la répression des Gilets Jaunes à Paris !

Les événements ne sont pas retenus au quotidien pour leur intérêt intrinsèque, leur caractère inédit, leur portée plus ou moins grande, mais pour leur « utilité » dans la bataille locale du moment (sociale, idéologique, institutionnelle, etc.). Il s’agit d’illustrer par une image internationale « significative » ce qu’il est « convenable » de penser dans l’ordre interne : l’exercice médiatique, de parfaite mauvaise foi, se veut avant tout « pédagogique » !

Dans l’ordre international, les rédactions disposent d’une grande « liberté » : les citoyens sont pour la plupart hors d’état de vérifier leurs dires, à la différence de ce qui peut être affirmé dans l’ordre interne. Dans la masse des événements survenant sur tous les continents, où les citoyens disposent de quelques moyens d’évaluation, il y en a toujours quelques-uns qu’il suffit de repérer et de développer pour légitimer n’importe quelle cause !

Aucun ne s’impose objectivement au détriment de tous les autres ! Aux journalistes « responsables » (4) d’être habiles, capables de bien choisir les faits et aux «  sachants » qui offriront une petite musique d’objectivité, de bien canaliser les débats, de déstabiliser éventuellement le mal-pensant invité par exception et tout exprès pour rendre crédible les « bien » pensants invités « réguliers » parce que leur position est connue à l’avance !

Il est évidemment exclu que les dominants soient dominés, ne serait-ce qu’accidentellement (d’où la rareté de passage télé ou radio d’un Bourdieu (dans le passé), d’un Onfray ou d’un Badie (aujourd’hui), ou plus généralement des universitaires en nombre capables (pourvu qu’ils soient sollicités) de faire front aux « abonnés » du style Minc, Finkelkraut, B-H. Lévy et autres Zémour ou Ménard et d’une cohorte de faux experts plus ou moins économistes ou politistes sortis de fondations et organismes fantômes, lorsqu’on a besoin d’eux !

La répétition est une autre règle lorsque le fait traité est potentiellement « persuasif ». L’information continue audiovisuelle permet de pratiquer un véritable « bombardement » de l’opinion qui ne peut qu’y être sensible. A cette critique de cette insistance partisane, il est répondu que d’autres informations (non « exemplaires » pour le système) ont été aussi données dans l’esprit pluraliste qui est la doctrine officielle. Mais il n’est pas précisé si ces informations « secondaires » n’ont été diffusées qu’après 23 heures, une ou deux fois, en bas d’écran, avec ou sans images, à la différence des « principales » !

Ainsi, la plus ou moins grande intensité répétitive et la maîtrise des horaires et des mises en scène créent les conditions d’un respect fictif d’une pseudo-«objectivité », dont se réclament hautement les professionnels du média mensonge ! Or, le pluralisme n’est pas cette « objectivité » inaccessible, mais une honnêteté élémentaire prenant en compte le plus grand nombre possible d’événements internationaux, en leur donnant un contenu explicatif.

Le fait que sur les différentes chaînes de télé et radio la sélection des informations internationales soit standard ne serait pas la preuve d’une volonté de formatage de l’opinion, mais au contraire du respect d’une « Vérité » unique face aux colporteurs de « fake news », est une triste plaisanterie. Il suffirait pour en faire la démonstration de faire l’historique des différentes fausses « vérités » largement diffusées et répétées, par exemple celles portant sur l’armée irakienne et « ses armes de dissuasion massive » ou sur le « massacre » de Benghazi par les mercenaires de M. Kadhafi, origine de la destruction par la France et l’OTAN de la Libye.

Les événements internationaux « préférés » par les grands médias ne sont pas les mouvements populaires lorsqu’ils sont porteurs de revendications sociales, sauf s’ils se produisent dans des pays « ennemis ». Ce qui est mis en avant, ce ne sont pas les peuples, mais leurs dirigeants qui seraient « bons » ou « mauvais » !

Cette personnalisation de la vie internationale est poursuivie à l’extrême et les affrontements se résument à des « guerres de têtes » de personnalités ayant leurs petits et grands défauts, ou au contraire leurs vertus, porteurs de hautes « valeurs » : les intérêts matériels en jeux ne font jamais la une, au profit d’une sorte de psychologisation des problèmes. Il est évidemment plus « simple » et plus convainquant de transformer les conflits internationaux en quasi-querelle de voisinage entre individus (Trump/Poutine, par exemple), susceptibles de se résorber s’il y a changement de personnages !!

Un fait n’est jamais « pur ». Il est toujours « traité » par l’informateur qui fabrique l’impression qu’en a « l’informé ». Le ton du commentateur, les mots qu’il utilise, éventuellement la musique de fond qui accompagne l’image, la proximité d’autres informations qui la contaminent, travestissent au gré des médias la réalité brute difficilement accessible. Une « bonne » rédaction est par fonction manipulatrice : les adjectifs qualificatifs sont utilisés avec opportunité (pour un dirigeant honni qu’on ne négligera pas d’appeler « dictateur »), l’ironie bienvenue (particulièrement pour les petits États du Sud dont certains aspects peuvent apparaître folkloriques), la prudence austère qui s’impose (s’il s’agit du Vatican ou d’Israël). Le style doit aller jusqu’à l’indignation (pour les violations des droits de l’homme dans un pays non occidental ou pour les guerres destructrices lorsqu’elles ne sont pas « justes », par exemple celles de la Russie (et non d’une coalition pro-occidentale comme au Yémen) dont on doit admettre les « dommages collatéraux »….

Il faut parvenir à bien dissocier comme étant de nature totalement différente les « dictatures » des « démocraties », les guerres « justes » et les autres, les interventions « humanitaires » et le recours à la force armée, les élections chez les alliés et celles (toujours contestables) des autres… Il convient d’être « simple », d’éviter la notion de contradiction, de se refuser à la complexité du réel, obstacles à une compréhension « saine » des relations internationales favorable au maintien d’un ordre établi, moindre mal grâce à un Occident travaillant sans cesse au progrès de l’Humanité !

Pour les médias dominants, un lanceur de pavé contre les forces de l’ordre à Paris, ou contre la police de Mme Park (aujourd’hui en prison) à Séoul (5) est un voyou, c’est un citoyen lucide et courageux s’il est « gazé » à Alger (6) ou à Caracas ! Un manifestant tué ou blessé à Paris n’est qu’une « bavure » fruit d’un comportement individuel dans le cadre du maintien de « l’ordre républicain », dans les pays peu appréciés comme le Venezuela c’est le résultat de la nature répressive des pouvoirs !

Ces pratiques font que les médias dominants sont nécessairement atteints d’un discrédit croissant (10% des Français leur font encore confiance), qu’il s’agisse de la Pravda de la fin de l’URSS ou de BFMTV sous la présidence Macron. Ils ont le « devoir » cependant de surmonter, par toute une gamme de diversions, leur absence de principe, l’incohérence de leurs jugements de valeur et l’affaiblissement de la culture démocratique de nombreux journalistes, souvent sélectionnés pour leur adéquation aux « normes » admises et leur servilité opportuniste (7) !

Quelques illustrations

Dans l’ordre intérieur, c’est le social qui fait l’objet de toutes les censures et autocensures : les revendications nécessairement budgétisables contredisent en effet la logique d’un capitalisme sans scrupule qui ne cède rien lorsqu’il s’agit d’argent !

Dans l’ordre international, de même, est neutralisé tout ce qui concerne les transactions financières, « l’optimisation » fiscale, les phénomènes de concentration, la concurrence jamais libre et toujours faussée ! Il convient de faire croire à une société internationale « équilibrée », grâce au « libre jeu des lois du marché », c’est-à-dire ce qu’il y a de mieux pour assurer la croissance et le progrès. Le cœur du système est donc soigneusement protégé par les médias dominants.

L’ordre de l’Union Européenne fait ainsi l’objet de toutes les « précautions » médiatiques : quels que soient les reproches que certains lui font, l’Union Européenne, la Commission et la BCE bénéficient d’une grande complaisance médiatique : on l’a constaté lorsque l’État grec s’est opposé à elle ainsi qu’à l’occasion du Brexit et des contestations italiennes. En France, l’épisode du « Non » au Référendum de 2005, malgré le soutien total et quasi-unanime des médias au « Oui », puis la manipulation parlementaire, ont été présentées de manière caricaturale.

Le traitement des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale est d’une très grande complaisance : il n’y a de critiques médiatiques qu’à l’encontre de quelques « brebis galeuses à col blanc », mais jamais le procès n’est fait au système de fraude « légale » tolérée par les États. Les affaires « Paradise papers » ou « Panama papers » ont été dépolitisées au maximum et les propositions de mesures contraignantes n’ont pas été soutenues.

Les journalistes soumis aux classes décadentes et corrompues ont, comme elles, peur de la vérité, comme disait Jaurès dès 1904 ! Ils appartiennent à cet « extrême centre », au cœur de l’idéologie rampante du système médiatique, option qui permet successivement tous les ralliements (aussi bien à Sarkozy, à Hollande et à Macron, ce dernier omniprésent sous toutes ses facettes sur toutes les chaînes, expression d’un « Nouveau » monde parfaitement analogue à l’ancien. En se parant des atours de la « modération » à propos des questions financières les plus « délicates », les médias dominants sauvegardent le libéralisme financier et sa place hors toute controverse politique !

Pour ces « honnêtes » observateurs que sont les journalistes des grands médias, le monde se divise sans nuance entre deux types d’État, deux types de système socio-économique, dirigés par deux types de dirigeants : les « Bons » (les États-Unis, même avec Trump, le capitalisme et les responsables allemands, britanniques, ….) et les « mauvais » (la Russie, la Chine, l’Iran, ainsi que Poutine, les dirigeant du P.C. Chinois, etc.). Les médias ne font pas dans la nuance : ces derniers ne réussissent jamais rien, sont en crise permanente et « nous » menacent dangereusement ! Bref, tout irait bien dans le monde s’ils n’existaient pas.

Le délire atteint parfois des sommets : pour les seules dernières décennies, on peut collecter les absurdités accumulées contre la Corée du Nord ou la Libye !

Les médias occidentaux n’ont cessé, par exemple, d’annoncer la mort du régime de Pyong Yang et de brandir la menace qu’il représentait pour la paix du monde, incarnée par le sempiternel défilé militaire, présenté sur tous les écrans, visiblement la seule activité des Nord-Coréens fanatisés. A ce spectacle édifiant, se sont ajoutés jusqu’au revirement de Trump, les commentaires télévisés et radio des « experts » les plus analphabètes sur les horreurs sans pareil du régime nord-coréen.

L’évolution des États-Unis sur le sujet a pris à contre-pied la mal-information européenne qui a donc, avec regret, changé de ton et … « d’experts », sans pour autant rappeler les dégâts économiques, politiques et humains de 70 ans d’embargo !

M. Kadhafi, assimilé à un fou dangereux, et la Jamahiriya libyenne n’ont pas été mieux traités jusqu’à la guerre de Sarkozy et B-H. Lévy détruisant tout le pays vivant toujours dans le chaos huit ans après ! Les médias préfèrent aujourd’hui le silence quasi-total sans le moindre repentir.

A l’inverse, le moindre tressaillement positif en Arabie Saoudite, comme l’autorisation de conduire pour les femmes, est salué comme un bond en avant démocratique ! Dollars et pétrole obligent !

Sur l’Afrique (notamment francophone), où se multiplient les élections présidentielles truquées, les médias occidentaux dominants font preuve de discrétion : l’indignation pour les fraudes électorales est orientée dans d’autres directions ! C’est que les médias doivent être prudents avec les Bolloré, et certains grands groupes comme Total qui ont de gros intérêts en ces terres difficiles et sont donc complaisant avec les pouvoirs locaux les plus corrompus (8).

Lorsque les troupes de l’OTAN ont détruit tout le Moyen Orient et continuent de le faire avec l’Arabie Saoudite au Yémen, il est « expliqué » que ces guerres sont menées dans le respect du droit humanitaire, ce qui n’est pas le cas des Russes en Syrie, par exemple, « allié inconditionnel » du bourreau de Damas ! Les journalistes n’ont pas à s’interroger sur le coût des « guerres justes » mais seulement sur celui des interventions russes ou iraniennes, dont la malfaisance est une évidence !

La nouvelle dictature brésilienne n’inquiète pas les journalistes spécialistes d’Amérique du Sud. Par contre, le Venezuela chaviste mérite toutes les accusations, bien que le régime bolivarien ait sorti, avant de connaître la crise actuelle largement due aux politiques étasuniennes, des milliers de Vénézueliens de la misère !

Il est clair, pour les médias dominants, qu’aucune expérience d’orientation socialiste ne doit bénéficier du moindre crédit parce qu’il va de soi qu’aucune ne « doit » réussir !

Depuis Allende jusqu’à Maduro, via le régime cubain, il a été médiatiquement proclamé que l’échec était programmé ! C’est autant de coups frappant la gauche occidentale lorsqu’elle est solidaire.

Enfin, lorsque la question est trop délicate pour être jugée sans prudence (c’est le cas par exemple du problème des migrants ou du conflit entre le Pakistan (allié des États-Unis) et l’Inde (contre-feu à la Chine), les grands médias font leur marché dans le cheptel des intellectuels occidentalo-centristes et acquis à la « culture Wall Street », même s’ils n’ont pas grand chose à dire : le bavardage branché et modéré des heureux experts élus fait gagner du temps aux journalistes à qui il est recommandé de conserver une posture « neutre » et modérée.

Plus généralement, les grandes lignes stratégiques des médias dominants satisfont les préoccupations des pouvoirs publics et privé eux aussi dominants en Occident.

Ayant besoin d’ennemis, le système médiatique cultive un esprit « guerre froide » et un monde unipolaire dont le centre est l’Occident, contre toute avancée d’une multipolarité pourtant favorable aux échanges et au maintien d’une paix équitable.

L’OTAN (à la différence des Nations Unies) n’est jamais mise en cause, malgré le premier rôle qu’y jouent les seuls États-Unis et son unilatéralisme agressif (800 bases militaires à travers le monde). Elle est au contraire médiatiquement soutenue, comme on l’a vu pour la crise ukrainienne, la réintégration de la Crimée à la Russie ainsi que pour l’agressivité polonaise ou balte vis-à-vis du Kremlin.

Quant aux droits de l’homme et à l’humanitaire, ils sont traités de manière très différenciée selon les cas.

Ils occupent parfois l’essentiel au point de subordonner tout autre problème ; ils passent aux oubliettes lorsque les pouvoirs qui les violent sont associés à l’Occident, comme c’est le cas pour la Turquie d’Erdogan, pivot de l’Alliance Atlantique, y compris lorsqu’elle massacre le peuple kurde. Il en est de même pour les droits des migrants dont on oublie qu’il s’agit d’humains, relégués derrière un sécuritarisme envahissant.

Ces orientations générales n’excluent pas des expressions ponctuelles de positions critiques faisant croire qu’il n’y a pas monolithisme, illusion ayant le « mérite » de renforcer la crédibilité d’un pensée conforme mais renouvelée, si on la compare, par exemple, à l’époque gaulliste des débuts de la V° République française. La pseudo « élite » qui exerce son hégémonie par la voie médiatique a, il faut le reconnaître, la capacité d’innover et d’offrir à l’opinion des variations qui lui permettent de durer (9).

Ainsi, au jour le jour, se développe en continu une mal-information qui formate, en usant du détour de l’international, les citoyens afin qu’ils adoptent une position « politiquement correcte » dans l’ordre interne. C’est le seul but du temps et de la place limités accordés aux relations internationales. Cette propagande intensive est à la « société dite démocratique, comme le dit Noam Chomsky, ce que la matraque est à l’État totalitaire « ! Si la matraque est douloureuse, la pratique des médias occidentaux a la « vertu » de fabriquer à la chaîne des imbéciles ignares qu’il est difficile de guérir.

En paraphrasant G. Bachelard affirmant qu’ « il n’est de science, que critique », on peut conclure « qu’il n’est d’information authentique, que critique », c’est-à-dire en rupture avec l’État et l’argent.

Mais comment y parvenir ?

Dans le cadre du système, il est évident que le réalisme interdit toute solution.

Mais « le réalisme, réplique Bernanos, est le bon sens des salauds ».

On en est là !

 

Notes :

1. On peut rappeler comment les « boatpeoples » vietnamiens et anticommunistes étaient « applaudis », à la différence des réfugiés chiliens par exemple, expulsés par Pinochet, accueillis par les communistes et les progressistes européens.

2. A. Accardo. Pour une socio-analyse du journalisme. Agone. 2017.

3. Cf. A. Lancelin. La pensée en otage. S’armer intellectuellement contre les médias dominants. Les liens qui libèrent. 2018.

4. Cette catégorie très privilégiée et très restreinte, acquise au système, est à distinguer de la masse des journalistes plus ou moins précaires qui ne peuvent pas exercer réellement leur métier (la moitié des journalistes français sont des smicards totalement dépendants de leur employeur).

5. Le mouvement populaire en Corée du Sud qui, de manière massive et pacifique, a réussi à imposer la démission de Mme Park, en 2017, a été pratiquement passé sous silence en Europe. L’ « exemple » était « dangereux » !

6. Comme il est de tradition pour les gouvernements et les médias français, la position vis-à-vis des événements en Algérie est celle des « 2 fers au feu » : on se garantit pour la suite quelle qu’elle soit en se gardant d’opter clairement pour une force ou une autre (voir la « prudence » lors de la guerre civile entre les Islamistes et l’armée dans les années 1990 ou lors des élections présidentielles d’avril 2019).

7. Lorsque les journalistes les plus « éminents » (les seuls responsables du discours dominant) sont mis en cause pour leur suivisme, leur courtisanerie et leur agressivité (y compris dans le Service Public) contre les opposants, ils ont tendance à faire bloc, profitant du silence obligé de leurs confrères plus précaires. Ils dénoncent alors le « complotisme » et le « populisme », sans en donner la moindre définition. Ce corporatisme est préfabriqué dans les écoles de journalisme où l’on enseigne surtout un certain « savoir-faire » sans exiger la culture critique nécessaire.

8. Les critiques sont beaucoup plus fermes lorsqu’il s’agit de certains pays plus distants de l’Europe, comme par exemple, le Soudan ou l’Algérie, par exemple. Il y a donc un regard très différent sur les pratiques intérieures identiques des États selon leur orientation extérieure. Voir R. Charvin. « Nouvelle « guerre froide » ou nouveau type de belligérance ? » in Relations Internationales (Paris), n° 108. Janvier-mars 2017.

9. Heureusement, « l’Histoire est un cimetière d’élites », comme l’écrit Thomas Bo Homore (Élites and Society. Londres. Watts. 1964).

 

Devons-nous « assimiler, coloniser et civiliser » la Russie ? Et même « l’affaiblir par tous les moyens », comme le recommandait le stratège US Brzezinski ?

Quels intérêts sert la campagne actuelle de diabolisation de la Russie ?

Pour le savoir, lisez  “Faut-il détester la Russie?” de Robert Charvin

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Auteur du Manuel stratégique de l’Afrique, Saïd Bouamama analyse les manifestations populaires qui secouent l’Algérie. A travers le rejet d’un cinquième mandat de Bouteflika, c’est tout un système qui est visé par le mouvement de protestation. Comment ce “système” s’est-il mis en place ? Pourquoi la révolte survient-elle maintenant ? Quelles alternatives s’offrent aux Algériens ? Saïd Bouamama analyse les enjeux de la révolte, soulignant ses forces pleines d’espoir, mais pointant aussi les dangers qui la guettent. (IGA)


Les manifestations populaires du 22 février 2019 qui se déroulent de manière simultanée dans la plupart des grandes villes algériennes mais aussi dans de très nombreuses villes moyennes  constituent indéniablement l’ouverture d’une nouvelle séquence historique dans l’histoire politique algérienne. Elles marquent l’entrée sur la scène politique d’une nouvelle génération socialisée au cours des deux dernières décennies c’est-à-dire après le traumatisme qu’a constitué la décennie noire[i]. Celles-ci se caractérisent en effet sur le plan économique par la polarisation croissante entre une minorité sociale cliente de l’Etat rentier en enrichissement scandaleux et une grande majorité en paupérisation continue du fait des politiques libérales de désindustrialisation, de privatisation et de casse du service public[ii]. Elles se caractérisent sur le plan politique par l’absence d’alternative crédible du fait de la tentative d’imposition par l’Etat algérien et les classes qu’il représente d’un jeu binaire que n’ont pas remis en cause les partis « d’opposition » en raison de leur adhésion à la libéralisation économique engagée par l’Etat à marche forcée : le chaos ou la résignation[iii].  Elles se caractérisent sur le plan « identitaire » par l’intégration du courant de « l’islam politique » au sein de l’appareil d’Etat et de la bourgeoisie compradore[iv]. Elles se caractérisent sur le plan sociologique par une urbanisation croissante, une pyramide des âges gardant une base très large, un taux de scolarisation élevé et une ouverture sur le monde par le biais des réseaux sociaux[v]. Elles se caractérisent enfin sur le plan des expériences de vie de cette jeunesse par la restriction du champ des possibles à la débrouille et la « haraga[vi] ». C’est ce cocktail explosif qui arrive à maturité avec l’annonce du cinquième mandat faisant de celui-ci le prétexte conjoncturel qui exprime une causalité systémique à l’image d’une digue qui explose après l’accumulation continue et invisible d’une pression au cours des deux dernières décennies.

Le règne des charognards

L’excellent ouvrage de l’économiste Abdelatif Rebah, Le développement national contrarié[vii], restitue l’histoire du vaste processus de « réformes économiques » qui conduira à la situation économique actuelle. Ce processus inauguré par le président Chadli  Bendjedid et poursuivi par ses successeurs est conduit avec la bénédiction des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale). Il conduit à l’émergence d’une classe de charognards[viii] sous l’action de trois procédés. Le premierest appelé officiellement la « cession des biens de l’Etat » mais est dans les faits une véritable opération de vol à grande échelle des biens de la nation. Les dignitaires du régime s’accaparent des milliers de villas de maîtres et autres résidences à des prix ridicules au regard de la valeur de ces biens. « Le différentiel entre le prix de cession par l’Etat et le prix de revente sur le marché est de 1 à 10, selon des évaluations. Dans le contexte du monopole immobilier de l’Etat, des plus-values de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de dinars vont être réalisées par des particuliers les projetant à la tête de fortunes appréciables sans aucun effort productif[ix] » résume l’économiste Abdelatif Rebah. « Le problème majeur de cette décision historique réside dans le fait que le parc de villas de maître, parfois classifiables comme monuments historiques, a été bradé à vil prix à des dignitaires du régime et à leurs proches[x] » confirme le politologue Rachid Tlemçani.

Le second procédé est celui de la privatisation du secteur public qui selon les chiffres publiés en 2003 par le ministère de la Participation et de l’Investissement a touché 1200 entreprises.  A l’image des villas et maisons de maître les entreprises publiques sont bradées à une bourgeoisie parasitaire souligne Rachid Tlemçani :

L’opération de dissolution-privatisation ne vise pas à se débarrasser des canards boiteux, souligne le ministre Mourad Benachenhou, pour ne conserver que les entreprises performantes. Mêmes les entreprises rentables et solvables seront vendues dans le futur. […] La bourgeoisie algérienne, de nature rentière et spéculative, ne sera pas intéressée à acheter des entreprises au prix du marché. D’ailleurs, le législateur a prévu cette éventualité. Au terme de deux appels à la concurrence requis par la loi, le gouvernement est autorisé à les céder de gré à gré, ouvrant ainsi la voie du bradage, tant redoutée par l’opinion publique[xi].    

Le troisième procédé fut la destruction progressive du monopole d’Etat sur le commerce extérieur avant d’être tout simplement aboli en 1989 dans le cadre des accords dit de « Stand-by » négociés et signés avec le FMI (mai 1989 et juin 1990). La loi des finances complémentaire de 1990 autorise ainsi « les concessionnaires et grossistes agréés à importer des produits de consommation, de biens d’équipement et des biens de consommation industriels pour les revendre en l’état » rappelle l’économiste Mehdi Abbas en soulignant que « cette loi est à l’origine de l’émergence d’un nouveau groupe socio-économique concentré autour des activités d’import et d’export, que nous qualifions de commercialiste[xii]. » Malgré des périodes de ré-étatisation partielle du commerce extérieur (sous le gouvernement Belaïd Abdessllam de juillet 1992 à octobre 1993 par exemple) le modèle ne changera plus et même sera renforcé par l’accord signé avec l’Union Européenne en 2002.  De nombreux acheteurs d’entreprises publiques cessent toute activité productive et se transforment en importateurs et en spéculateurs.

Ce vaste mouvement de redistribution des richesses nationales en faveur d’une minorité spéculative s’accélère au cours de la décennie noire pendant que le peuple algérien est entré sur des préoccupations de survie. Les éléments constitutifs du « système » comme disent les manifestants algériens sont réunis et peuvent se résumer comme suit :

Les positions de monopole sur les centres de décision se sont mues en sources de « rentes régalienne » impulsant par le haut un mécanisme à la fois incitatif et sélectif d’accumulation de fortunes dispensées de contrôle et de réglementation. Ce qu’on ne désigne plus désormais que par l’appellation de « système » va ainsi abriter un vaste mécanisme irrigué par les revenus pétroliers, de transfert de valeur du secteur étatique vers le secteur privé, des activités productives vers celles du commerce et la spéculation, des salariés vers les spéculateurs, du travail productif vers la contrebande et l’informel[xiii].  

C’est dans ce contexte qu’il faut situer la lutte acharnée des différentes fractions de la bourgeoisie pour le contrôle de l’Etat et en conséquence les difficultés à trouver un successeur à Bouteflika.  La guerre féroce qu’elles se livrent pour mettre chacune leur homme à la tête de l’Etat est à la hauteur des sommes faramineuses que redistribue cet Etat en faveur « des grands gagnants de l’accaparement des rentes régaliennes, de la nomenklatura civile et militaire reconvertie dans les affaires d’importation, dans l’immobilier de rente et de luxe, des patrons du secteur privé, des petits entrepreneurs de l’économie souterraine grise ou noire et des élites mondialisées dites de transition-basculement qui ont travaillé à la légitimation des nouveaux rapports sociaux[xiv] ».

C’est également ce contexte qui explique que la fraction de la bourgeoisie, encore plus libérale que le pouvoir actuel, tente d’instrumentaliser l’inédit mouvement populaire de contestation pour accéder au pouvoir. Elle compte pour ce faire sur l’absence de débouché politique à court terme pour se présenter comme une alternative face à un pouvoir détesté et à sa clientèle tout aussi honnie. C’est ce que résument les syndicalistes du bastion ouvrier de Rouïba, apportant leur soutien total au mouvement populaire contre le cinquième mandat tout en alertant sur les manœuvres des ultralibéraux, et en précisant l’orientation à donner à la rupture avec le système pour que celle-ci ne se limite pas à un changement de propriétaire pour le mieux et à une aggravation du pillage pour le pire :

Sur insistance des travailleurs et des sections syndicales, l’Union locale UGTA de la zone Industrielle Rouiba/Reghain, s’est réunie en date du 06 Mars 2019 pour débattre de la situation actuelle que traverse l’Algérie et du mouvement populaire en cours. Ne pouvant rester en marge des aspirations populaires profondes qui s’expriment, nous joignons nos voix pour dire oui à un changement de système. Un système qui préserve la propriété inaliénable du peuple sur les richesses naturelles de la nation, réhabilite le rôle de l’Etat dans le développement économique et social et la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Un système qui se démarque des oligarchies et revalorise la valeur du travail et qui place l’homme au centre du développement. Un système qui garantit les libertés individuelles, collectives et le libre exercice du droit syndical[xv]

Les slogans criés lors des manifestations populaires indiquent une réelle conscience politique  du contexte qui s’approfondie avec l’inscription dans la durée du mouvement. Au slogan initial de « non au cinquième mandat » s’ajoute désormais celui de « système dégage ». D’autres slogans dénoncent les « sérakin » (voleurs) du pouvoir. D’autres enfin répondent au chantage au chaos en clamant que « l’Algérie n’est pas la Syrie ».  Ces slogans indiquent que derrière le déclencheur qu’a été le refus du cinquième mandat, c’est bien une causalité systémique qui est visée par la colère populaire.

L’absence d’alternative à court terme

Le caractère inédit du mouvement social actuel ne doit cependant pas occulter les difficultés auxquelles les aspirations populaires sont confrontées. Les partis d’opposition ne sont pas en mesure de constituer un débouché politique à la contestation populaire. Pour les plus importants, ils partagent les choix libéraux du pouvoir et ne jurent que par l’économie de marché qu’ils promettent de réguler. En ne prenant pas en compte le combat contre les orientations économiques et sociales du pouvoir, ils se sont progressivement mis en décalage avec l’immense majorité des classes populaires. Composés essentiellement de membres des couches moyennes et intermédiaires, ils n’apparaissent pas comme une alternative crédible aux yeux de ceux qui foulent les pavés des villes algériennes.

Par ailleurs l’ampleur du pillage de ces trois dernières décennies ne pouvait se réaliser qu’en corsetant par la répression toute tentative d’émergence de nouvelles forces politiques populaires autonomes du pouvoir. Les conditions drastiques pour la création d’un parti, l’interdiction des manifestations avec la mise en avant de prétextes sécuritaires, l’instrumentalisation et la récupération de leaders de luttes sociales, la répression des mouvements sociaux, le contrôle de l’information, etc., sont autant de facteurs qui ont contribués à la production d’une carence d’expression politique en dépit d’une colère sociale populaire massive.

Le pluripartisme de façade masque la monopolisation du champ politique par les partisans du libéralisme économique qui est la véritable cause de la situation actuelle. Le rejet massif des forces politiques soutenant le pouvoir comme de celles prétendant s’y opposer se traduit dès lors dans l’abstention massive. Cette dernière ne doit pas s’interpréter comme un signe de dépolitisation mais au contraire comme un mode de contestation politique souligne pertinemment la politologue Louïsa Dris-Aït Amadouche :

L’expérience du multipartisme et des élections plurielles en Algérie est récente. Or, l’abstention qui marque de façon de plus en plus frappante les scrutins constitue un comportement électoral révélateur d’une profonde crise de confiance. L’abstention est d’abord liée à un système qui a réformé ses procédures sans changer ses logiques de fonctionnement. Il en résulte un code électoral dissuasif, des résultats officiels suspects et une présomption de culpabilité en matière de fraude électorale. L’abstention est, ensuite, directement liée à l’offre politique. Son personnel, ses propositions et ses résultats conduisent les électeurs à se désintéresser sinon de la chose politique, tout au moins de la chose électorale. L’abstention est, enfin, la conséquence d’un électorat échaudé, démobilisé, suspicieux et exigeant. En 1990, les Algériens ont massivement voté contre les symboles du régime FLN. En 1995, ils se sont massivement rendus aux urnes pour rejeter le terrorisme. Dans les deux cas, le vote était accompagné d’un espoir de changement. Depuis, les électeurs ne votent plus « contre » des idées ou « contre » des personnes, ils s’abstiennent[xvi].

Le constat est encore renforcé par la jeunesse de la population algérienne. Si toutes les générations sont présentes dans les manifestations, la part de la jeunesse y est prépondérante. Ces jeunes qui sont pour les 16-24 ans à près de 30 % au chômage n’ont connu que le pouvoir de Bouteflika et de sa clientèle.  Ils ont été les témoins de retournements, de négociations de ralliements, de créations artificielles de partis, d’instrumentalisations de leaders et de luttes, les tentatives d’achat de la paix sociale par la distribution d’aides et de subventions quand les recettes pétrolières sont à la hausse, etc., les conduisant à un rapport sceptique à l’offre politique quand ce n’est pas à un rejet radical.

Le vide politique voisine donc avec une maturation et une prise de position politique résultant à la fois d’un long héritage et de l’expérience concrète des deux dernières décennies. L’aspiration à l’égalité sociale investit par la paysannerie et les travailleurs algériens dans la lutte de libération nationale s’est transmis en dépit de l’instrumentalisation de celle-ci par les tenants du pouvoir afin de se légitimer. En témoigne la place de l’hymne national dans les manifestations. En témoigne également l’accueil fait à l’héroïne de la résistance qu’est Djamila Bouhired lorsqu’elle est venue apporter son soutien aux manifestants. La maturation est également issue de l’expérience récente marquée par la mise en évidence de l’impasse que constituent les forces se revendiquant de « l’islam politique » mais aussi par le spectacle des soubresauts des dites « révolutions arabes ».  Comme le souligne la sociologue Fatma Oussedik :

Les personnes de référence ne sont donc plus Ali Benhadj et Abassi Madani, vêtus de djellabas, se revendiquant du seul texte religieux. Depuis les années 1990, ce courant a donné naissance à une « bourgeoisie pieuse », voire une petite bourgeoisie qui a voyagé, qui n’a pas que l’Arabie Saoudite comme horizon. Avec les dérives syrienne et libyenne, les voyages en Turquie, les islamistes algériens ont connu un relooking. Ils ont des intérêts matériels sur les marchés informels d’El Eulma, de Jolie-Vue. Ils craignent des ruptures trop brutales. Certes, il demeure des courants plus plébéiens, mais les directions des partis islamistes sont tenues par ces islamistes New look. Cette évolution a signé la fin de la mosquée comme seul centre de formation à la contestation[xvii].

Cette expérience récente a trouvé ses lieux de socialisation dans la rue, dans les associations et collectifs informels, au café mais aussi dans les stades de foot comme en témoigne la reprise des airs des chants de supporters comme support des slogans des dernières manifestations. En témoigne également la présence des femmes, portant le voile ou non, jeunes ou plus âgées dans les cortèges. Cette maturation politique ne change cependant rien au fait qu’il n’existe pas de forces politiques crédibles susceptibles de servir de relais au mouvement social. Le manque d’une force politique populaire est une donne essentielle de la situation actuelle. Comme le souligne l’économiste Omar Benderra avant le déclenchement du mouvement populaire : « Face au libéralisme mafieux imposé par la dictature, la population oppose une tradition d’égalitarisme et de justice très ancrée, fort éloignée des dogmes et des idéologies. En attendant l’inévitable recomposition du champ politique, il ne reste donc « de gauche » que ce que le peuple, dans ses profondeurs, a conservé en termes de refus de l’injustice et de l’arbitraire, de résistance au diktat impérialiste en Palestine et d’opposition à l’alignement sur l’Occident[xviii]. »

Le paradoxe d’une conscientisation politique en progrès voisinant avec un vide d’offre politique crédible caractérise la situation algérienne actuelle. Si la rupture avec le système est le mot d’ordre commun de tous les manifestants, ceux-ci appartenant à des classes sociales différentes (des chômeurs à certains chefs d’entreprise en passant par la petite bourgeoisie), un des enjeux clef réside dans le contenu mis à cette rupture. Comme le souligne le journaliste Hocine Bellaloufi en se référant à la définition de Lénine[xix] sur les conditions d’une situation révolutionnaire : « Il est clair désormais que ceux d’en bas ne veulent plus. Ils l’on exprimé clairement et massivement de toutes les façons possibles, en particulier dans la rue. Mais en dépit des défections qui se multiplient et s’accélèrent à mesure que le mouvement populaire se développe, ceux d’en haut peuvent encore[xx]. »

Un contexte géostratégique à haut risque

L’enjeu algérien est également à resituer également dans son contexte international qui est celui d’une séquence historique mondiale marquée par une exacerbation sans précédent dans l’histoire récente des contradictions entre grandes puissances impérialistes pour la maîtrise des sources d’énergies et des matières premières stratégiques, pour le contrôle des zones géostratégiques et pour entraver l’accès des concurrents (et en particulier des économies émergentes) à ces ressources et zones. La fin des équilibres issus de la Seconde guerre mondiale avec la disparition de l’URSS a ouvert cette séquence qui est loin d’avoir encore montré toutes ses conséquences.

Une des conséquences les plus dramatiques pour les peuples est la multiplication des guerres entre ces puissances par pays interposés ou par intervention directe. Comme pour comprendre la situation algérienne, il convient désormais de prendre le réflexe analytique consistant à rechercher systématiquement la cause réelle qui se cache derrière le prétexte apparent. Pour les besoins de légitimation de ces guerres tous les prétextes possibles sont et seront mobilisés : défense d’une minorité opprimées, droits des femmes, lutte contre un dictateur, lutte contre le terrorisme, etc. Si nécessaire la logique du « pompier pyromane » peut même être mobilisée comme en témoigne la situation au Mali où après avoir freiné les capacités d’intervention de l’armée malienne, la France s’est présenté en sauveur face à la menace des rebelles sur la capitale. En témoigne également la situation au Venezuela où les sanctions économiques des USA tentent d’instaurer la pénurie pour pouvoir arguer de la nécessité d’une intervention militaire pour aider un peuple en danger. Des luttes et des revendications justes et légitimes peuvent ainsi faire l’objet de stratégie de récupération et d’instrumentalisation à des fins prédatrices.

L’Algérie et les richesses qu’elle représente n’échappaient pas à ce contexte dans le passé et n’y échappent pas plus aujourd’hui. Ce fut le cas lors de la décennie noire au cours de laquelle les USA comme l’Union européenne ont conforté certaines forces rebelles à certains moments puis les ont lâchées à d’autres en fonction des concessions du pouvoir et des accords avec lui.  De même les puissances occidentales tentent depuis des années d’amener l’armée algérienne (la seconde armée en Afrique du Nord après l’Egypte) à participer à ses interventions en Afrique subsaharienne. Si jusqu’à présent la réponse fut négative, la tentation d’utilisation de la crise politique actuelle pour imposer un changement de cap soit en soutenant un pouvoir plus conciliant, soit en épaulant les tenants actuels n’est pas à exclure. Nul doute que les chancelleries des grandes puissances élaborent (et modifient ceux-ci en fonction de l’évolution de la situation) les différents scénarios leur permettant de sauvegarder leurs intérêts ou de les développer en marginalisant le concurrent en place.

Sur cet aspect également la maturité des manifestants est notable comme en témoigne l’insistance des manifestants sur le caractère pacifique de leur mouvement. Sur cet aspect également ils sont appris des guerres qui ont endeuillées le monde ces dernières années. Cela étant dit personne ne peut, en l’état de la situation prédire l’avenir et la vigilance doit rester de mise.

Saïd Bouamama

 

Notes :

[i] Si les évaluations des victimes de cette décennies ne font l’objet d’aucun consensus, le caractère massif des dégâts humains est indéniable : des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de traumatisés et d’handicapés, des milliers de femmes violées, des milliers d’exilés, des milliers de disparus, des millions de déplacés. Ne pas prendre en compte le traumatisme collectif que constitue une telle expérience de vie et de mort s’est se condamner aux conclusions erronées sur les réactions populaires algériennes qui fleurissent dans la presse française : pourquoi l’Algérie n’a-t-elle pas connue de « printemps arabe » ?, la soi-disant dépolitisation de la société algérienne, la pseudo absence de contestations sociales signant une toute aussi illusoire atonie des classes populaires, etc.

[ii] Pour ne citer qu’un indicateur rappelons que 14 millions d’algérien vivent sous le seuil de pauvreté c’est-à-dire 35 % de la population et que 10 % des algériens détiennent 80 % des ressources du pays. Ces données sont fournies par une enquête de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) datant de 2015 : https://www.algerie-focus.com/2015/10/14-millions-de-pauvres-en-algerie10-dalgeriens-detiennent-80-des-ressources-du-pays/. Si les chiffres officiels indiquent un écart considérablement moindre, ils convergent néanmoins pour souligner une augmentation importante incontestable de l’écart des richesses : les données de l’Office National des Statistiques indiquent ainsi que 20 % des ménages s’accaparent 40 % des dépenses globales du peuple algérien en 2013 : https://algeria-watch.org/?p=13682.

[iii] La dernière déclaration du président Bouteflika du jeudi 7 mars indique que le pouvoir tente toujours d’imposer cette logique binaire en dépit de l’ampleur des manifestations : «   Nous nous devons d’appeler à la vigilance et à la prudence quant à une éventuelle infiltration de cette expression pacifique par une quelconque partie insidieuse, de l’intérieur ou de l’extérieur, qui pourrait (…) susciter la Fitna (discorde) et provoquer le chaos avec tout ce qu’ils peuvent entraîner comme crises et malheurs. », https://www.rtl.fr/actu/international/algerie-abdelaziz-bouteflika-met-en-garde-contre-un-risque-de-chaos-7797151460.

[iv] Le compromis qui a mis fin à la décennie noire s’est développé par l’intégration au sein du clientélisme d’Etat d’une partie des leaders « religieux » et par l’émergence d’une petite bourgeoisie et d’une bourgeoisie commerciale issues de cette origine en échange de la fameuse « réconciliation ».

[v] Dans un excellent article en date du 7 mars, la sociologue Fatma Oussedik résume comme suit les principales données caractérisant la population algérienne : 70 % de la population est urbaine, le taux de croissance de cette population reste élevé avec un taux de croissance de 2.89 % par an, les moins de 15 ans représentent 29.7 % de la population et les moins de 30 ans comptent pour 54 %. Ramenant le nombre de manifestants à la population active, elle souligne : « Les 3 millions qui ont manifesté représentent, selon nous, environ 25% de la population en âge de manifester, quelles que soient les corrections apportées en comptant les enfants et les retraités présents. », https://www.elwatan.com/edition/contributions/un-peuple-de-trois-millions-dans-les-rues-des-villes-du-pays-qui-sommes-nous-07-03-2019.

[vi] Le terme « haraga » signifie littéralement «ceux qui brulent ». Il désigne l’acte de risquer sa vie en tentant la traversée de la méditerranée sur des embarcations de fortune. Le président de la région de Sardaigne en Italie évaluait ainsi à 1106 le nombre d’algériens débarqués sur la seule côte sud-ouest de l’île en 2016, https://www.algeriepatriotique.com/2017/09/27/recrudescence-inquietante-de-migration-algeriens-vers-litalie/.

[vii] Abdelatif Rebah, Le Développement national contrarié, Alger, INAS, 2011.

[viii] Nous empruntons ce terme au politologue Rachid Tlemçani : Etat, Bazar et globalisation. L’aventure de l’Infitah en Algérie, El Hikma, Alger, 1999. 

[ix] Abdelatif Rebah, Le Développement national contrarié, op.cit., pp. 65-66.

[x] Rachid Tlemçani, : Etat, Bazar et globalisation. L’aventure de l’Infitah en Algérie, op. cit., p. 96.

[xi] Ibid, p. 95.

[xii] Mehdi Abbas, L’ouverture commerciale de l’Algérie. Apports et limites d’une approche en termes d’économie politique du protectionnisme, Revue Tiers-Monde, n° 210, avril-juin 2012, p. 60.

[xiii] Abdelatif Rebah, Le Développement national contrarié, op.cit., p. 66.

[xiv] Abdelatif Rebah, Un élan populaire pour une alternative de progrès social, El Watan du 6 mars 2019, https://www.elwatan.com/edition/contributions/un-elan-populaire-pour-une-alternative-de-progres-social-06-03-2019.

[xv] Déclaration de l’Union Locale UGTA de la zone industrielle de Rouiba/ReghaÎa du 6 mars 2019, https://www.algerie-eco.com/2019/03/06/ugta-zone-industrielle-rouiba-reghaia-soutiennent-marches-contre-5e-mandat/.

[xvi] Louïsa Dris-Aït Hamadouche, L’abstention en Algérie : un autre mode de contestation politique, L’année du Maghreb, 2009, p. 263.

[xvii] Fatma Oussedik, Un peuple de trois millions dans les rues des villes du pays : qui sommes nous ?, El Watan du 7 mars 2019, https://www.elwatan.com/edition/contributions/un-peuple-de-trois-millions-dans-les-rues-des-villes-du-pays-qui-sommes-nous-07-03-2019.

[xviii] Omar Benderra, Que reste-t-l de la gauche en Algérie, Assafirarabi du 27 novembre 2018, http://assafirarabi.com/fr/23427/2018/11/27/que-reste-t-il-de-la-gauche-en-algerie/.

[xix] Lénine, La maladie infantile du communisme (le “gauchisme”) : « La loi fondamentale de la révolution, confirmée par toutes les révolutions et notamment par les trois révolutions russes du XX° siècle, la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque “ceux d’en bas” ne veulent plus et que “ceux d’en haut” ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. »

[xx] Hocine Belalloufi, Algérie : d’une crise de régime à une crise politique, Contretemps, 7 mars 2019, https://www.contretemps.eu/algerie-crise-regime/.

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Le concept d’utilisation de la force aérienne indienne comporte à la fois des solutions intéressantes et des solutions obsolètes. Parmi les solutions intéressantes, il y en a une qui consiste en la décision de renforcer la capacité offensive, avec deux escadrilles de Rafale. Bien que le prix d’un Rafale soit à peu près équivalant à celui d’un F-35, l’avion français peut emporter 9,3 tonnes d’armes. A titre de comparaison, l’avion Jaguar, utilisé par l’Inde dans ses missions d’assaut, ne transporte que 4,5 tonnes d’armes.

L’Inde peut disposer maintenant de nouveaux bombardiers légers qui peuvent embarquer 10 tonnes d’armes, ce sont les Su-34 russes et les F-16E américains. Mais contrairement à ces deux types d’avions, le Rafale peut également être utilisé comme avion de chasse.

L’utilisation exclusive par l’Inde d’avions de chasse pour des missions défensives (défense du territoire et des objectifs militaires) s’avère être une solution qui consomme inutilement les ressources financières.

https://reseauinternational.net/le-systeme-de-defense-de-lespace-aerien-indien-presente-des-lacunes-troublantes/

C’est le cas, par exemple, de ce MiG-21 UPG bison abattu dans sa mission d’empêcher les avions pakistanais de bombarder des cibles terrestres indiennes. Cela représente une perte de plus de 20 millions de dollars, que l’Inde aurait pu mieux utiliser. Qu’aurait-elle pu acheter avec cet argent pour mieux défendre ses objectifs et aussi pour désorganiser les groupes terroristes ?

Voici quelques solutions :

Le système russe 1RL257 Krasukha-4 brouille les radars au sol ainsi que ceux des avions l’AWACS et ceux des avions de reconnaissance avec ou sans pilote. Les radars des avions de combat, leurs stations de radio ou leurs lignes de données sont également brouillés. Les missiles air-air lancés par ces avions, avec leur matériel de guidage radar sont brouillés. Le rayon de la couverture de brouillage est de 150-300 km.

Le brouilleur russe R-330ZH Zhitel a été utilisé par la Russie en Syrie pour brouiller les réseaux de communication des terroristes, en particulier pour les téléphones mobiles et satellitaires. L’équipement enregistre les coordonnées géographiques des abonnés et les brouille sélectivement.

Le R-330ZH Zhitel détecte également les avions ennemis ou les missiles et les bombes qu’ils lancent et qui utilisent le guidage par satellite dans le réseau de navigation NAVSTAR (GPS). Le R-330ZH brouille la réception des coordonnées GPS pour tout le matériel et équipements d’attaque ennemis.

Le Pakistan ne peut pas réagir face à ces contre-mesures prises par l’Inde à cause des blocages imposée sur ces avions par le fabricant, comme le font les États-Unis avec leurs systèmes d’armement qu’ils exportent.

https://reseauinternational.net/les-etats-unis-ne-peuvent-ignorer-ce-qui-sest-passe-dans-les-combats-aeriens-entre-linde-et-le-pakistan/

Valentin Vasilescu

Traduction AvicRéseau International

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Robin Philpot est un journaliste et un essayiste québécois d’origine ontarienne. Auteur de plusieurs ouvrages, il a notamment publié Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali en 2003 et Les secrets d’Option Canada, en collaboration avec Normand Lester. Il a été le candidat du Parti québécois dans la circonscription de Saint-Henri—Sainte-Anne lors de l’élection générale québécoise de 2007. Robin Philpot est un auteur, éditeur, rédacteur, traducteur, et journaliste québécois d’origine ontarienne. Il est diplômé en histoire et en lettres de l’université de Toronto. Il a vécu près de trois ans en Afrique francophone dont deux au Burkina Faso où il a enseigné l’anglais et l’histoire. Depuis l’été 1994, Robin Philpot (et son frère, Me John Philpot), fait tout ce qu’il peut pour donner la voix aux sans-voix rwandais et africains de la région des grands lacs africains, à travers des livres, des articles de presse, des conférences nationales et internationales, sans oublier bien sûr son émission sur la station de radio CKVL 100.1 FM “Le pied à Papineau” dans laquelle il donne régulièrement des entrevues inédites en rapport avec les évènements de cette région africaine. Auteur de plusieurs ouvrages témoignant de son engagement pour la recherche de la vérité des faits, Il a notamment publié “Rwanda. Crimes, mensonges et étouffement de la vérité”, Montréal, Les Intouchables. En 2013, il publie en Anglais aux éditions Baraka Books, Montréal, “Rwanda and the New Scramble for Africa: From Tragedy to Useful Imperial Fiction” livre à travers lequel il montre comment s’est organisée l’opération de déstabilisation et le remodelage de la région des grands lacs africains par les grands de ce monde.

Je tiens à d’abord à remercier le Réseau international des femmes pour la démocratie et la paix de m’avoir honoré avec ce prix qui porte le nom d’une grande patriote et combattante pour la liberté, la paix et la démocratie, Victoire Ingabire Umuhoza. Mais je tiens aussi à féliciter le Réseau pour son travail remarquable. Comme Victoire, vous et votre travail nous inspirent de poursuivre ce combat. Vous êtes contagieux et je vous en remercie.

Dans moins d’un mois, nous marquerons le 25e anniversaire de ce qui a été le pire acte terroriste des années 1990, et qui est devenu le plus grand scandale politico-médiatique du dernier quart de siècle. Un scandale qui s’aggrave chaque jour qui passe. 

Vous savez de quoi je parle : l’attentat du 6 avril 1994 où deux chefs d’État africains et leur entourage ont été tués. Sans cet attentat, nous ne serions pas ici; Victoire Ingabire Umuhoza n’aurait jamais fait de la prison; et, en toute probabilité, le Rwanda aurait pu espérer vivre ce dernier quart de siècle en paix, le Rwanda mais aussi ses voisins, en particulier le Congo et le Burundi 

On parle ici d’un triple crime : 1) l’attentat; 2) l’étouffement de la vérité et les mensonges sur cet attentat et 3) les conséquences funestes inouïes.

En tuant Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira le 6 avril 1994, les assassins ont tué tout espoir de paix et de résolution démocratique du conflit qui avait accablé le pays depuis l’invasion du 1er octobre 1990. Une paix négociée et signée sous la soi-disant bienveillance de grandes puissances. Une paix qui aurait permis d’éviter tant de morts et tant de souffrances, qui aurait permis un partage du pouvoir. 

En droit, cacher un crime est aussi un crime. Étouffer la vérité, mentir au sujet de ce premier crime est aussi dévastateur que le crime lui-même parce que cela permet aux criminels de poursuivre leurs visées meurtrières. Nombreux sont les individus, les institutions, les pays et les médias qui sont coupables de ce crime, soit d’étouffer la vérité.  

Dès les premiers jours suivant l’attentat, le New York Times, un journal qui revendique le titre ronflant de « journal de référence », a donné le ton, et je le cite : « la thèse crédible, c’est que les deux présidents ont été tués par des extrémistes hutus du Rwanda qui s’opposent à la réconciliation avec les Tutsis » (NYT, 23 avril 94). 

Figurez-vous que 25 ans plus tard, nous pataugeons toujours dans la même boue mensongère au sujet de l’attentat du 6 avril. Pourtant, tout est là, pour prouver le contraire, soit que le Front patriotique rwandais sous Paul Kagame a abattu l’avion : qu’on mentionne seulement l’équipe dite nationale de Michael Hourigan pour le Tribunal pénale internationale sur le Rwanda; l’enquête Bruguière; les documents révélés par Judi Rever; les déclarations de Carla Del Ponte et le sort qui lui a été réservé; même le TPIR a abandonné cette lubie dés le début de son mandat – il n’avait pas la moindre preuve en ce sens. 

Les vraies preuves ne laissent pas la moindre doute à savoir que l’actuel président du Rwanda, Paul Kagame et son armée en sont les auteurs. Leur but et celui de ses parrains, était, coûte que coûte,  de mettre fin pour toujours à la paix d’Arusha, d’éliminer tout partage de pouvoir prévu dans cet accord et d’établir une puissance militaire capable de dominer toute la région. Non pas pour le bien-être des Rwandais, des Burundais et des Congolais, mais pour le bien-être – ou devrais-je dire l’enrichissement – de leurs parrains et de leurs agents rwandais. Qui sont ces parrains? La meilleure indication vient de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, qui m’a dit en entrevue : « Le génocide rwandais est à 100 % la responsabilité américaine », en ajoutant que les Britanniques ont aidé.

Le troisième crime, ce sont les conséquences — le temps me manque pour les résumer. En bref, ces conséquences englobent tous les morts au Rwanda; l’exode de millions de Rwandais, surtout vers le Congo ; les tueries faites par l’actuel régime rwandais au Congo ainsi que des exécutions extraterritoriales sélectives ailleurs; la chasse implacable des réfugiés et le harcèlement incessant que ce régime continue à faire à tout rwandais qui ose contester sa version de la tragédie rwandaise. Le régime de Kigali le fait à l’intérieur du pays, mais aussi partout au monde, et particulièrement en Belgique, en France, en Suède, au Canada et aux Etats-Unis, pour ne nommer que ceux-là, avec l’aide des systèmes juridiques de chaque pays. Le prétexte chaque fois : « l’impunité ».

IMPUNITÉ : voilà un mot qui a été dans tous les médias et sur toutes les lèvres depuis l’attentat. Il ne peut avoir de paix, de réconciliation, dit-on, si les responsables de la tragédie restent impunis. 

Or à ma connaissance, jamais un mot n’a été détourné et vidé de son sens comme celui-là.  

Face à ce triple crime, quelle a été la réaction des autorités politiques du Rwanda, et des grandes puissances qui le parrainent? On accordé l’impunité totale aux vrais criminels et criminalisé mauvaises personnes. 

  • On a criminalisé et incarcéré dans des colonies pénales ceux et celles qui ont essayé de recoller les morceaux après l’attentat, de rétablir la paix afin de mettre fin aux tueries et à l’anarchie qui existait après l’attentat du 6 avril
  • On a criminalisé  celles et ceux qui, comme la grande patriote dont le prix porte le nom, souhaitent faire le deuil de toutes les personnes mortes à la suite de cet attentat 
  • On a criminalisé des enquêteurs et des témoins de la défense travaillant pour le TPIR
  • On a criminalisé celles qui, comme Victoire Ingabire Umuhoza ou Diane Rwigara, qui ont décidé, avec courage et au nom de la démocratie, de se présenter aux élections rwandaises contre le dictateur rwandais Paul Kagame. 
  • On tente de criminaliser toute une génération de Rwandais nés après 1994 de parents ayant fui le Rwanda de Kagame.
  • On harcèle et tente de criminaliser ceux et celles qui enquêtent, qui cherchent la vérité sur cet attentat et ses suites et qui en parlent. Notre amie, Judi Rever, en est un exemple remarquable.
  • On tente de criminaliser le simple fait de dire : « Un instant, Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali ».

IMPUNITÉ, dîtes-vous? Sur le compte Twitter de la Cour pénale internationale du 18 février 2019, on peut lire ceci: « Rencontre productive entre Procureur CPI Fatou Bensouda & Son Excellence Paul Kagame, Président du Rwanda, en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité. » Sous ce Tweet on voit une photo tout sourire du dictateur sanguinaire Kagame et Fatou Bensouda, soit celle-là même à qui on confié la responsabilité de mettre fin à l’impunité.

Mais le monde change rapidement; l’espoir est permis. Victoire Ingabire Umuhoza a été libérée. Diane Rwigara a été libérée. Ailleurs en Afrique et dans le monde, on voit des signes positifs : l’époque qui a permis à des criminels comme Kagame et à son principal soutien, Washington, de faire la pluie et le beau temps en Afrique et ailleurs tire à sa fin. 

Le proverbe dit : « Qui combat la vérité sera vaincu. » Or son contraire est aussi vrai. « Qui défend la vérité sera vainqueur. » De plus en plus de monde cherchent la vérité contre vents et marées, la retrouvent et la révèlent. 

Armés de cette vérité et du courage, de la détermination et de la confiance de personnes comme Victoire Ingabire Umuhoza, nous serons en mesure de vaincre. 

En quoi consistera cette victoire? La liberté, la paix et la démocratie pour le Rwanda et ses voisins. 

Merci Beaucoup.

Robin Philpot

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Alarmé par la répression féroce contre le mouvement des « gilets jaunes », le CETIM saisit le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. 

Dans sa déclaration, le CETIM demande au gouvernement français de cesser immédiatement la répression à l’égard des manifestant-e-s. Il lui demande aussi d’honorer ses engagements internationaux en matière de droits humains et de droit du travail.

En effet, le mouvement des « gilets jaunes » se heurte à la pire recrudescence de violences policières depuis la guerre d’Algérie. A titre d’exemple, le 1er décembre 2018, 7 940 grenades lacrymogènes ont été tirées, 800 grenades de désencerclement, 339 grenades de type GLI-F4 (munitions explosives), 776 cartouches de LBD, etc. Selon les chiffres provisoires, on compte plus d’une dizaine de morts accidentelles, plusieurs milliers de blessés dont une centaine grièvement, plusieurs centaines de personnes condamnées et/ou incarcérées.

Le mouvement des gilets jaunes découle des mobilisations antérieures et des grèves qui se multiplient pratiquement dans tous les secteurs (publics et privés) pour protester contre la flexibilisation du marché du travail. La réponse des autorités françaises est la répression et l’entrave des activités syndicales. Discriminations salariales contre des syndicalistes, licenciements abusifs de grévistes, pressions exercées par des menaces ou des sanctions disciplinaires, restrictions des droits syndicaux ou du droit de grève, voire criminalisation de l’action syndicale… Sans parler des récentes réformes gouvernementales du code du travail qui pénalisant encore plus les mouvements sociaux. Conseil des droits de l’homme.


Exposé écrit* présenté par le Centre Europe – tiers monde, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif général

Le Secrétaire général a reçu l’exposé écrit suivant, qui est distribué conformément à la résolution 1996/31 du Conseil économique et social. [8 février 2019]

Recul des droits humains en France : La République en marche arrière (1)

1.Depuis plusieurs mois maintenant, la France est entrée dans une zone de fortes turbulences. La virulence des conflits sociaux est, de longue date, une caractéristique majeure, marquante de la vie politique de ce pays et une donnée historique d’une nation qui s’est construite, aussi et surtout, après 1789 sur la base d’une révolution de portée universelle et dont les traces – avec celles des conquêtes sociales de 1936, de 1945 ou de 1968 –, restent encore aujourd’hui prégnantes dans la mémoire collective et dans les institutions, quelles qu’aient été les tentatives pour les effacer. Voilà pourtant bientôt 40 ans que la France – et avec elle les autres pays du Nord, sans exception – se trouve enserrée dans le carcan mortifère de politiques néolibérales déprédatrices. Ces dernières ne peuvent s’interpréter autrement que comme une extraordinaire violence sociale dirigée contre le monde du travail. Leurs effets de destruction – des individus, de la société, mais encore de l’environnement – sont propagés grâce à la complicité de l’État avec les puissants du moment. Ils sont de surcroît aggravés par la sujétion au contenu anti-social des traités de l’Union européenne dont les citoyens français avaient pourtant dit en 2005, par référendum, qu’ils ne voulaient pas, et qui leur ont été imposée par un déni de démocratie. Voilà une violence supplémentaire à l’encontre de tout un peuple. C’est dans cette perspective singulière, et dans le contexte général d’une crise systémique du capitalisme mondialisé, que s’expliquent les ondes de soulèvement populaire qui se sont amplifiées au cours des dernières décennies : grèves de 1995, émeutes de banlieues de 2005-07, manifestations des années 2000 et 2010… À l’heure actuelle, le sentiment de mal-vivre et le mécontentement sont généralisés. Commencée fin octobre 2018, la mobilisation dite des « gilets jaunes » en représente l’une des expressions, mais se heurte à la pire recrudescence de violences policières depuis la guerre d’Algérie. Face aux diverses contestations qui réclament toutes davantage de justice sociale, les autorités en place ont fait le choix de répondre par plus de répression, au point de faire régresser de façon extrêmement préoccupante les droits humains.

L’état d’urgence, point de départ de l’escalade repressive

2. Le moment de basculement vers cette escalade répressive est très clairement identifiable : c’est l’état d’urgence, décrété sur le territoire métropolitain le 14 novembre 2015 (à la suite des attentats terroristes ayant frappé le pays la veille), puis le 18 novembre dans les départements d’outre-mer. Il ne s’agit certainement pas ici de minorer les menaces que font peser les activités terroristes de l’islam politique extrême – d’Al-Qaida à Daesh. Mais il convient de souligner que la politique sécuritaire adoptée depuis 2015 a simultanément été l’occasion d’obliger le peuple français à accepter de dramatiques restrictions de ses droits civils et politiques, allant au-delà des exigences de réaction aux seuls risques terroristes. Après avoir été renouvelé cinq fois de suite, l’état d’urgence a certes été levé le 1er novembre 2017, mais l’essentiel des dispositions exceptionnelles qu’il prévoyait a désormais acquis force de loi : perquisitions et interpellations préventives, périmètres de protection, assignations individuelles à résidence, contrôles aux frontières, etc., sont dorénavant autorisés dans le cadre de la « loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » du 30 octobre 2017. Depuis lors, en France, on observe un détournement inquiétant de cet imposant arsenal juridique d’exception qui a eu pour conséquence de faire reculer les libertés publiques, spécialement les droits d’exprimer ses opinions, de se réunir librement ou de manifester pacifiquement, comme également les droits syndicaux, et s’en prendre jusqu’au droit à l’intégrité physique, lesquels sont tous aujourd’hui sérieusement mis en danger.

3. Celles et ceux qui ont récemment participé à des manifestations en France ont sans doute été les témoins de ce que dénonce depuis quelques mois des organisations de défense des droits humains françaises ou internationales : nombre d’interventions des forces de l’ordre s’avèrent disproportionnées, excessivement violentes – en recourant même parfois à des armes de guerre. Sont ainsi devenus systématiques l’usage de grenades lacrymogènes et de canons à eau à haute pression contre des protestataires pacifiques ; très fréquents, des tirs tendus à hauteur d’homme de lanceurs de balles de défense (LBD et autres armes dites « à la létalité limitée »), l’utilisation de grenades assourdissantes ou de désencerclement, la pratique « de la nasse » de confinement pour empêcher de rejoindre d’autres manifestants, des interpellations aléatoires et arbitraires, des intimidations verbales, des provocations gratuites, voire des agressions physiques. Dans les rues de la capitale ont été déployés des véhicules blindés, des policiers à cheval, des brigades cynophiles… À maintes reprises, des traitements dégradants ont été infligés à des contestataires, y compris à des mineurs. Il est fréquemment arrivé que des personnes soient matraquées ou maintenues enfermées sans que le moindre acte répréhensible n’ait été commis. Du matériel de soins a été confisqué à des « médecins de rue », bénévoles suivant les cortèges et portant secours aux blessés… Autant de faits qui ont choqué les Français. Et c’est ce qui est recherché, afin que cesse leur révolte. De telles violences policières sont absolument inacceptables et violent les normes internationales en matière de droits humains en vigueur.

Première étape : la répression des mouvements sociaux et des syndicats

4. Depuis l’élection à la présidence de la République d’Emmanuel Macron – ex-associégérant de la banque d’affaires Rothschild, puis ministre de l’Économie du président François Hollande et auteur de lois éponymes imposant la flexibilisation du marché du travail –, le monde syndical s’est remobilisé. Manifestations et grèves se sont multipliées, en particulier dans les secteurs des transports publics (SNCF, Air France…), de l’énergie (gaz et électricité), de l’automobile (Peugeot, Renault), des télécommunications (Orange), de la grande distribution (Carrefour), des services de santé (hôpitaux publics, maisons de retraites, sécurité sociale), d’éducation (lycées, universités), de la culture (musées), de la justice (avocats, magistrats), du ramassage des ordures, et même de l’audit financier et du commissariat aux comptes. Ces divers mouvements sociaux, très suivis, ont duré tout au long du printemps 2018. L’attitude du pouvoir fut d’intensifier la répression, qui affecta spectaculairement les étudiants (évacuation de campus), les militants écologistes occupant des Zones à défendre (ZAD) et, avant eux, les manifestants opposés aux lois de flexibilisation du marché du travail.

5. D’évidence, cette spirale répressive touchait déjà les syndicats depuis plusieurs années, en violation du droit du travail. En effet, les obstacles entravant les activités syndicales s’étaient démultipliés : discriminations salariales opérant contre des syndicalistes, licenciements abusifs de grévistes, pressions exercées à travers des menaces ou sanctions disciplinaires, restrictions de droits syndicaux ou du droit de grève, voire criminalisation de l’action syndicale (comme chez Goodyear, Continental ou Air France). En outre, de récentes réformes gouvernementales du code du travail pénalisent encore plus les mouvements sociaux : raccourcissement du délai de saisine des prud’hommes et plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, limitation du rôle des instances représentatives du personnel et de leurs moyens, mécanisme de rupture conventionnelle collective contournant les plans de sauvegarde de l’emploi ou favorisant les départs de seniors, inversion de la hiérarchie des normes plaçant l’accord d’entreprise au-dessus des conventions de branche et de la loi, définition du périmètre national pour le licenciement économique facilitant le renvoi de salariés de filiales françaises (alors que la maison mère fait des bénéfices à l’échelle globale).

Deuxième étape : la répression des « gilets jaunes »

6. Le président Macron a choisi de « ne pas changer de cap ». Au mépris des souffrances et des attentes des travailleurs et travailleuses, son gouvernement exacerbe les politiques néolibérales et, pour ce faire, s’enfonce toujours plus dans la voie de la violence sociale et de la répression policière. Le bilan est cauchemardesque, indigne d’un pays se prétendant démocratique et tolérant. Depuis le début de la mobilisation des gilets jaunes, on dénombre 11 morts accidentelles. Plus de 2 000 personnes ont été blessées. Au moins une centaine d’entre elles l’ont été très grièvement – des médecins faisant état de traumatismes qualifiés de « blessures de guerre » (arrachage de mains, éborgnement, défiguration, fractures multiples et mutilations diverses…), dues notamment à des tirs de LBD ou à des éclats de grenade, visant très souvent des manifestant-e-s pacifiques. Plusieurs personnes se trouvent à ce jour dans le coma. Et que dire du choc psychologique subi par de jeunes adolescents traités comme des terroristes par la police, forcés de s’agenouiller tête baissée, mains derrière la nuque, entassés dans des fourgons, des cellules ?

7. Où va donc ce pouvoir qui marche sur son peuple et déchaîne contre lui une telle violence ? Le 1er décembre, par exemple, ont été tirées 7 940 grenades lacrymogènes, 800 grenades de désencerclement et 339 grenades de type GLI-F4 (munitions explosives), 776 cartouches de LBD, mais aussi 140 000 litres d’eau par des engins lanceurs. Pour ne considérer que la période du 17 novembre 2018 au 7 janvier 2019, un décompte provisoire – et assurément non exhaustif – enregistre 6 475 interpellations et 5 339 mises en garde à vue. Sur tout le territoire national, plus d’un millier de condamnations ont été prononcées par les tribunaux. Bien que la plupart des sanctions fassent l’objet d’aménagements (tels que des travaux d’intérêt général), beaucoup sont des peines de prison. Aussi dénombre-t-on 153 mandats de dépôt (impliquant une incarcération), 519 convocations par des officiers de police judiciaire et 372 autres en audience- correctionnelle-… À Paris, 249 personnes ont été jugées en comparution immédiate, 58 condamnées à des peines de prison ferme, 63 à des peines de prison avec sursis… Dans le département français de La Réunion, les peines de prison moyennes pour les gilets jaunes locaux sont de huit mois fermes. En date du 10 janvier 2019, quelque 200 personnes liées à ces événements restaient encore emprisonnées en France.

8. Les revendications des gilets jaunes rejoignent, sous maints aspects, celles du monde du travail. Elles demandent l’amélioration immédiate et concrète des conditions de vie, la revalorisation du pouvoir d’achat des revenus (salaires, pensions, allocations…), le renforcement des services publics, la participation du peuple aux décisions concernant son devenir collectif… Autrement dit, la mise en œuvre effective, en particulier, des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le droit des peuples à décider de leur avenir. En réclamant davantage de justice sociale, de respect des droits humains et de démocratie économique et politique, ces revendications sont profondément légitimes et trouvent un large écho favorable dans la population.

9. La mère de toutes les violences, celle qui doit cesser en premier, d’urgence, et contre laquelle le peuple se trouve contraint de se défendre – comme le lui suggère la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en préambule de la Constitution française –, c’est celle que génère l’imposition de mesures néolibérales iniques, impitoyables, antisociales et antidémocratiques ; celle qui, dans le silence des ajustements de prix des marchés capitalistes, fait mourir de froid des sans domicile fixe, pousse au suicide des agriculteurs endettés, détruit des individus et leur- famille en les privant d’emplois, en leur coupant l’électricité, en les expulsant de leur foyer ; celle qui oblige, faute de moyens, des retraités à ne plus chauffer leur habitation ou des enfants à sauter un repas ; celle qui casse toutes les solidarités, ferme les écoles, les maternités ou les hôpitaux psychiatriques, plonge dans le désespoir petits commerçants et artisans croulant sous les charges, éreinte des salariés au travail sans qu’ils parviennent à boucler leur fin de mois… La vraie violence se tient là, dans ce système extraordinairement injuste, et au fond intenable. Cela dit, des casses de vitrine de banque ou de supermarché par quelques individus isolés ou désemparés, certes condamnables, ne peuvent servir de justification aux violences des forces de l’ordre.

10. Au vu de ce qui précède, le CETIM exhorte le gouvernement français à cesser immédiatement la répression à l’égard des manifestant-e-s et à honorer ses engagements internationaux en matière de droits humains et de droit du travail, notamment à :

– annuler les lois liberticides et les lois entravant le droit du travail, conformément aux deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels), ainsi qu’aux Conventions de l’OIT, ratifiés par la France ;

– renoncer à criminaliser les mouvements sociaux en général, et le mouvement des gilets jaunes en particulier ;

–  permettre une enquête indépendante sur les exactions commises par les forces de l’ordre durant les manifestations des gilets jaunes et à poursuivre en justice leurs auteurs.

11. Le CETIM demande également au Conseil des droits de l’homme d’activer ses mécanismes appropriés afin de mener une enquête dans ce pays sur les violations dont sont victimes les manifestant-e-s pacifiques.

 

(1) Cette déclaration a été élaborée en collaboration avec le Dr. Rémy Herrera, chercheur au CNRS, Paris.

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  • Commentaires fermés sur Recul des droits humains en France : La République en marche arrière

« Je mets au défi quiconque de remettre en question le féminisme de la Pakistanaise Malala Yousafzai qui se bat en faveur des droits scolaires des filles ou de la Yéménite Tawakkol Karman, Prix Nobel de la Paix, fondatrice du groupe «Femmes journalistes sans chaînes». Toutes deux portent un vêtement masquant leur cheveux, ce qui ne constitue aucunement un obstacle à leur engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes, qu’elles promeuvent au péril de leur vie ». Rokhaya Diallo  Ecrivaine et réalisatrice 

Le mois de février a vu un nième épisode de l’affaire du foulard et autre voile qui a démarré comme on le sait il y a trente ans à Creil . « La saison  10 » a trait  au crime de lèse laïcité selon les intégristes , de Décathlon d’avoir osé proposé pour les femmes musulmanes et pour toutes celles qui veulent se couvrir les cheveux un sorte de couvre chef le hudjab running . Certes on ne peut pas nier l’aspect mercantile de l’affaire. Le gisement de l’habillement des femmes musulmanes représente une manne qui est exploitée de par le monde et c’est de bonne guerre ; Business is business. Mais en tant qu’observateur externe  je n’ai pas l’impression que la république va vaciller et que la laïcité est écornée .  Doit ont  jeté  l’anathème urbi et orbi en ameutant le ban et l’arrière ban de toutes celles et ceux qui ont un problème avec l’Islam, les Arabes  les  Noirs et plus largement les anciens colonisés, s’y ajoute on l’aura compris les élites communautaristes pour qui c’est du pain béni tout ce  qui peut démonétisé l’Islam. 

L’hystérie entretenue 

D’aucun y vont de leur commentaire en resservant l’histoire de la guerre au foulard puis au voile puis à la burqua puis au burquini. et enfin au survêtement Decathlon.  Pour Laurent Sagalovitsch :

« Il aura fallu que les magasins Decathlon annoncent leur intention de commercialiser un hijab de course  pour que la France cède à une de ces crises d’hystérie dont elle est coutumière. De tous les bords de l’échiquier politique, des voix se sont élevées pour dire leur totale désapprobation: les unes pour dénoncer l’islamisme rampant à l’œuvre dans la nation française, les autres pour s’indigner au nom des droits de la femme, incompatibles par essence avec l’appropriation d’un symbole qui la présenterait comme un objet de soumission » (1) 

David Desgouilles  écrit de même  :

« Tous ceux qui relativisent la force symbolique d’un hijab en le réduisant à de l’étoffe, depuis l’affaire de Creil en 1989, ne peuvent que le constater. LREM   ne peut échapper à ce clivage.  la décision de la chaîne de magasins de sport de commercialiser un produit sous l’apellation « hijab de running » a suscité des réactions politiques.  (..)Aurore Bergé, d’un côté, appelait au boycott de Décathlon. Aurélien Taché, de l’autre, dénonçait « l’hystérie ».  Entre-temps, Décathlon avait décidé de renoncer à la commercialisation en France du « hijab de running   (…)  il est à peu près certain que tous ceux qui, dans la majorité, banalisent le hijab et dénoncent « l’islamophobie et même le racisme » de ceux qui, comme Zineb El Rhazoui ou Elisabeth Badinter, le tiennent pour ce qu’il est – un objet d’asservissement – continueront de se faire entendre. Ensuite, le président de la République,   a fait preuve de sa grande ambiguïté sur le sujet. Interrogé à Bordeaux, dans le cadre du « grand débat », par une jeune femme voilée qui lui demandait comment il était possible qu’elle soit discriminée à l’entrée de la fonction publique en raison de son voile, il a eu une réponse qui ne nous a pas rassurés. Il a préféré constater que c’était interdit dans la fonction publique et, pis encore, a tenté de la rassurer en lui disant qu’il fallait veiller en revanche qu’elle ne soit pas discriminée pour les emplois dans le secteur privé. » (2)  

A  la question Slate «Decathlon a-t-il eu raison de renoncer à commercialiser son hijab de running?», Aurore Bergé députée LREM des Yvelines  a répondu qu’elle ne contestait pas le droit d’une femme à porter le voile: «Je refuse qu’une seule femme dans notre pays soit contrainte de le porter si elle ne le souhaite pas. Et je refuse qu’une seule femme dans notre pays soit menacée parce qu’elle le porte. Je pense qu’il faut tenir ces deux discours. Pour autant moi, je me suis interrogée sur le fait qu’une marque française, une marque de sport, commercialise ce qui n’a rien d’un accessoire de sport. Mais qui est de fait un signe religieux et qui est un signe religieux particulier.» «Les femmes auraient le droit d’acheter un hijab pour marcher dans la rue, mais pas pour courir dans la rue. Quelle est la différence?» a rebondi Gilles Bornstein ». (3)

Et si on laissait les femmes musulmanes s’habiller comme elles le souhaitent?

C’est en effet le point de vue de Laurent Sagalovitsch : «  Car enfin,  écrit il qui sommes-nous pour dire à ces femmes dont un grand nombre vivent leur foi en total accord avec leurs principes philosophiques que de porter un pareil vêtement équivaut à se soumettre à leur partenaire masculin dans une régression sociétale contraire en tout point à leur émancipation? Sans parler de celles célibataires qui n’ont rien demandé à personne. Oui, qui sommes-nous pour dire à ces femmes ce qu’elles doivent porter, comment elles doivent se coiffer, leur manière d’être comme un code de bonne conduite dont nul ne saurait remettre en question ni la légitimité, ni le bien-fondé? » (1)

Laurent Sagalovitsch en appelle à la tolérance comme c’est le cas dans certains pays :   « Comme si toutes allaient porter ce vêtement dans le seul but d’obéir à une religion qui prônerait le renoncement à exister par elles-mêmes. Comme si derrière ce modeste bout de tissu, il fallait absolument voir la main scélérate de l’homme désireux de soustraire sa partenaire de vie au regard de l’autre –énoncé qui ne peut être tenu pour une généralité absolue. Vivant dans un pays où les enfants sikhs, à la suite d’une décision de la Cour suprême sont autorisés à se rendre à l’école vêtus d’un kirpan, sorte de poignard traditionnel, où chacun finalement s’habille comme bon lui semble –turban ou voile ou kippa ou chapeau melon sur la tête– sans déclencher d’émeute publique, j’avoue être de plus en plus en butte avec ce dogme de la laïcité absolue où l’on finit par empêcher les gens d’être simplement eux-mêmes » (1).

  « Si une femme a envie de porter le voile poursuit il , si un homme ressent la nécessité de porter un turban pour vivre selon des principes auxquels il est attaché, qui suis-je donc pour leur dire de ne rien en faire, au nom d’une supériorité morale qui serait celle d’un Occident tout-puissant lequel, affranchi de Dieu, au nom de valeurs progressistes entendues comme universelles, détiendrait l’alpha et l’oméga des comportements à tenir en société? Ainsi je connais des femmes très éclairées, parfaitement à l’aise dans leur sexualité et dans leur rapport aux hommes en général qui, soit par conviction religieuse, soit par respect des traditions, aiment à se vêtir d’un voile sans se sentir une seule seconde soumises à quiconque sinon à leur bon vouloir. » (1)

«  Je réalise tout à fait que pour des femmes (et des hommes) engagées dans la reconnaissance parfaitement légitime de leurs droits, pareil comportement puisse apparaître comme la négation même de leur combat –la perpétuation d’une soumission archaïque à rebours de leur mouvement d’émancipation– mais pour autant, cette volonté universelle de tirer la femme des rets de la domination masculine peut-elle, doit-elle s’accommoder d’interdits vestimentaires qui seraient vécus par d’autres comme une atteinte à leur liberté fondamentale –hormis la burqa dont la violence vestimentaire m’apparaît en tout point comme rétrograde et porteuse d’une idéologie bien trop sectaire pour être admise dans des sociétés démocratiques? Puis-je être vraiment libre si l’autre ne l’est point? Et de me demander finalement si le malheur français, cette aberration du comportement qui consiste à se considérer comme les damnés de la terre, ne tire pas sa source dans cette intransigeance philosophique, un brin sectaire, qui finirait par rendre la vie en commun impossible et où, à force de s’épier, chacun se regarderait en chiens de faïence, sans se comprendre ni même se parler » (1).

Dans le même ordre d’idées Nadia Daam écrit  en faisant l’anamnèse du traumas causé par le foulard et en rapportant les arguments fallacieux pour se donner bonne conscience :

«  Ça faisait longtemps qu’on s’était pas foutus sur la gueule à propos du voile, hein? Ça manquait, non? (…) Avec à chaque fois, l’alibi si seyant du féminisme. C’est pas qu’on a un problème avec l’islam, on veut juste que les femmes soient libres de s’habiller comme elles le veulent… enfin, comme on veut nous… Marianne, à poil! C’est fou, tout simplement fou, en 2019 que l’on en soit encore à devoir souligner cette absurdité. De mettre en vain le nez des anti-voile primaires dans leurs contradictions. Alors que l’hypocrisie et la bêtise du raisonnement sautent aux yeux. Qu’allons-nous faire? Soumettre chaque femme voilée à un interrogatoire en bonne et due forme pour tenter de savoir si elle est suffisamment libre à nos yeux? » (4)

« Faisons simple poursuit elle : tu es contre le voile car tu estimes qu’il s’agit d’un instrument d’oppression. Et tu veux donc soustraire les femmes de cette soumission en leur imposant TA vision de la liberté. Autrement dit, substituer une injonction par une autre.   «Voilà donc, Encore, la question de savoir si toutes les femmes qui se voilent y ont été forcées alors que l’on ne compte plus les témoignages de femmes qui expliquent qu’elles se sont voilées par choix, sans aucune pression ou injonction patriarcale. Est-ce si difficile à admettre?    Si les polémiques autour du voile se suivent et se ressemblent, l’affaire du hijab Decathlon a néanmoins le mérite et l’originalité de révéler une autre contradiction contenue par le discours des forcenés de l’anti-voile. L’un des arguments régulièrement brandi par celles et ceux qui veulent purement et simplement l’escamoter de l’espace public (et ce alors que la loi n’interdit pas le port du hijab) consiste à dire que les femmes voilées se soustraient de la société. (…) Disons-le tout de go: oui, c’est triste et con.  (..) Mais le hijab Decathlon  n’impose rien. Il propose. Il accommode. Il permet aux femmes voilées qui pratiquent le running d’avoir un voile adapté aux conditions de l’exercice du sport. Il faut savoir ce que vous voulez: des musulmanes qui font tout comme vous ou des musulmanes qui s’effacent et que vous pourrez alors plaindre à loisir (…)  Ce que je sais, c’est que personne ne s’est jamais plaint ou ému du voile couvrant la tête d’une femme faisant le ménage dans les tours de La Défense ou changeant les couches d’enfants. » (4) 

Pour  l’écrivaine   Rokhaya Diallo  Le voile n’est pas incompatible avec le féminisme :

«  La régression ne réside pas dans le fait de porter le voile, mais dans celui d’imposer aux femmes une norme vestimentaire. En France, des femmes ont été interdites de:- accompagner en sortie scolaire- travailler étudier- voter- se faire soigner par un médecin – aller à la plage passer des examens -faire du sport dans une salle -faire de la politique –chanter Parce qu’elles portent le voile. Rappelons le, le principe de laïcité n’interdit en rien le port de signes religieux y compris dans l’espace public. Au contraire la laïcité protège la liberté de conscience. Seuls l’État et ses représentants doivent se montrer neutres. Je suis choquée de voir à quel point les Françaises portant le hijab sont régulièrement renvoyées à la situation actuelle de femmes dans des pays tels que l’Iran ou l’Arabie saoudite » (5)

“Par ailleurs, il est important de rappeler que les femmes iraniennes ne se mobilisent pas «contre le voile», comme cela a été rapporté par de nombreux médias français, mais contre son caractère obligatoire.  .   Je crois que le voile est un marqueur de féminité qu’il ne faut pas isoler du reste des symboles qui distinguent les femmes des hommes. (.. 😉      Je suis moi-même musulmane et j’ai choisi en toute conscience de ne pas porter de hijab Je suis sans doute mieux placée que bien de ces féministes du dimanche pour témoigner de l’importance du choix.   Je regrette que, lorsqu’il s’agit du voile, la parole des femmes qui le portent ne soient jamais placée au centre du débat.  (…) » (5)

L’écrivaine cite  d’autres exemples comme nous l’avons écrit en préambule :

« La célèbre avocate iranienne Shirin Ebadi, défenseuse des droits des femmes en Iran, avait effrontément défié les extrémistes de son pays en ne portant pas de voile lors de la remise de son Prix Nobel de la Paix, malgré les menaces. Pour autant, Shirin Ebadi s’est toujours montrée critique quant aux positions anti-voile en France. Elle était opposée à son interdiction dans les écoles françaises en 2004, qui selon elle privait les jeunes femmes musulmanes des outils de leur émancipation. Et elle s’était indignée en 2016 lors de la controverse autour du burkini, du fait qu’une fois de plus «les femmes étaient montrées du doigt». Le slogan «Our bodies ourselves», «nos corps, nous mêmes», n’a de sens que s’il vaut pour toutes les femmes. »(5)

Les femmes musulmanes sont-elles forcées à porter le voile, comme on l’entend dire?

Le fantasme d’un grand remplacement par l’Islam rampant fait craindre à une invasion. Quand est il exactement ?  Pour Aude Lorriaux :

« Il n’existe aucune enquête quantitative qui aurait interrogé un échantillon représentatif de femmes voilées sur leurs motivations. (…) Documentariste et chercheuse en sciences sociales, Agnès De Feo a interviewé près de 150 femmes portant le niqab (dont le port est interdit en France au nom de la loi contre «les pratiques de dissimulation du visage dans l’espace public»), 50 femmes portant le djilbeb  et des centaines de femmes voilées : «Toutes les femmes que j’ai rencontrées n’avaient pas été forcées, je n’ai jamais rencontré de ma vie une femme forcée à porter le voile.» Dans la récente étude de l’Institut Montaigne, 6% des femmes qui portent le voile déclarent le porter «par contrainte» de leurs proches A noter aussi que, dans la même étude, 26% des hommes musulmans interrogés affirment s’opposer au port du voile, contre «seulement» 18% des femmes, chiffre qui semble apporter un démenti à «l’opinion dominante qui voudrait que les hommes soient plus conservateurs que les femmes» et qui ne cadre pas avec l’idée qu’une majorité de femmes voilées le portent à cause de pressions. «On a transformé un fantasme en une règle intangible, en considérant que s’il y a des femmes forcées de porter le voile, toutes les sont. (…) »raconte Julien Beaugé. » (6)

 «J’ai beaucoup plus souvent entendu dans mon quartier des pères de famille dire “Je ne veux pas que ma fille porte le voile” que l’inverse, confirme Nadia Henni-Moulaï,  Pour être voilée aujourd’hui il faut donc avoir le coeur bien accroché, et faire preuve d’un certain caractère. C’est ce que montrent les recherches d’Agnès De Feo sur les femmes en niqab, qui témoignent selon elle d’une véritable indépendance envers les hommes.  (…)   Presque tous les chercheurs que nous avons interrogés ont d’ailleurs souligné le caractère contre-productif des différentes lois sur le voile, et surtout des débats qui les ont entourées. «Tous ces débats vont à terme créer l’ennemi qu’ils voulaient combattre», se désole Vincent Tiberj. «Cette utopie qui vise à vouloir faire disparaître le voile ne marchera pas, et au lieu d’en faire des alliés contre l’islamisme radical, on les neutralise», estime Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’EHESS. » (-)

Aude Lorriaux  en appelle à écouter les principales concernées pour savoir ce qu’elles pensent  au lieu de les prendre pour des êtres mineures :

« Il faut écouter les porteuses de voile s’exprimer pour comprendre que ce choix, au-delà de la problématique de la coercition et des pressions, s’inscrit dans un parcours de vie et une vision de la société.  Pour certaines femmes, le foulard est donc une façon symbolique de se donner des règles, des limites, un cadre, à un moment où leur vie leur semble en manquer.»

C’est un choix personnel», résume Emmanuel Jovelin. Ce qu’un collectif de femmes musulmanes a bien résumé dans sa tribune parue dans la Libre Belgique:

«Vous affirmez souvent que nos foulards sont des signes religieux. Mais qu’en savez-vous? Certaines d’entre nous sont croyantes et pourtant ne le portent pas, ou plus. D’autres le portent dans la continuité d’un travail spirituel, ou par affirmation identitaire. D’autres encore par fidélité aux femmes de leur famille auxquelles ce foulard les relie. Souvent, toutes ces motivations s’imbriquent, s’enchaînent, évoluent dans le temps. Cette pluralité se traduit également dans les multiples manières de le porter. Pourquoi les femmes musulmanes échapperaient-elles à la diversité qui peut s’observer dans tous les groupes humains?» (6)

«Quand c’est revendiqué comme un choix libre, on va répondre qu’il y a l’influence du quartier, etc. Mais d’un strict point de vue logique, cette réponse peut être balayée, car on peut avoir le même raisonnement pour n’importe quel choix, le choix d’un métier, etc. On ne voit pas pourquoi le foulard échapperait à cette logique, pourquoi on en ferait quelque chose de spécifique», estime lui aussi le philosophe Pierre Tevanian, qui a coordonné en 2008 l’ouvrage Les Filles voilées parlent.» (6)

De la «guerre au terrorisme» à la chasse au burkini, une dérive française

Pour l’histoire et pour être dans le vent des « saisons américaines, la saison précédente qui a donné lieu à une polémique,  en aout 2016  venue écrit, Jena Christophe Moreau d’un arrêté municipal interdisant à Cannes le port de cette tenue islamique au nom de la sauvegarde de l’ordre public, du respect des bonnes mœurs, de la laïcité, des règles d’hygiène et de sécurité. (…) « De telle sorte que cette nouvelle polémique donne le désagréable sentiment d’assister, non à un véritable débat sur les droits des femmes, mais, selon les mots du philosophe Étienne Balibar, à une énième «lutte de prestige entre deux pouvoirs mâles qui tentent de (…) contrôler [les femmes de culture musulmane], l’un pour le compte de l’autorité patriarcale enveloppée de religion, l’autre pour le compte de l’autorité nationale enveloppée de laïcité». (7)

 « Mais les partisans de l’interdiction du burkini  poursuit l’auteur, ne se retranchent pas tous derrière la laïcité. Bien au contraire, d’aucuns estiment que le combat contre «l’islamisme»   nécessite une sorte de moratoire sur la loi de 1905. (…) La laïcité moderne ne se résume pas au principe de séparation des Églises et de l’État, c’est-à-dire à la consécration de l’indépendance mutuelle du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Le génie de la laïcité moderne, comme l’explique Tzvetan Todorov, est surtout d’avoir consacré l’existence d’une «troisième force», à savoir «celle de l’individu qui contrôle seul sa communication avec Dieu». Autrement dit, peu importe que le burkini –en tant que substitut du voile– soit ou non une obligation formelle en islam. Du point de vue laïque, la liberté de porter un vêtement à connotation religieuse n’est pas liée à un point de théologie mais à une question de for intérieur.  Et pour cause. Si l’État ne devait définir les frontières de la liberté d’expression confessionnelle qu’en fonction des «obligations» formellement consacrées par les autorités religieuses, notre République ne serait plus un régime laïque voué à garantir la liberté de conscience des individus, mais un Concordat de fait qui transformerait cette liberté en privilège réservé aux seuls membres d’un culte «reconnu» (7).

Nous venons de décrire le calvaire des  citoyennes françaises d’espérance musulmane qui  par cheminement personnel dans la plupart des cas, veulent porter le voile  Est-ce par exemple  un crime  de lèse laïcité que de vouloir rentrer à l’école s’enquérir des progrès pédagogiques de son enfant? Il est vrai que le problème ne se pose  pas pour les citoyennes françaises d’espérance juive, du fait que le judaîsme s’est acclimaté à la laïcité ? les mères juives qui gardent leurs foulards n’ont pas les mêmes problèmes du fait qu’il existe un enseignement privé juif financé en partie par l’Etat . 

Il en est de même   pour les citoyennes françaises catholiques ou réputées telles du fait que la laïcité et l’Eglise sont arrivés après des dizaines d’années à un modus vivendi  qui fait que la république a laîcisé certains attributs de l’Eglise, notamment concernant les fêtes (10 fêtes sur 15 chômées et payés sont d’essence chrétienne) les femmes musulmanes fêtent l’âid d’une façon clandestine  tout  juste tolérée  honteusement . Chirac – sur la base des recommandations de la Commission présidée par Bernard Stasi avait voulu légiféré en proposant deux nouveaux  jours fériés musulman et juif) il a du battre en retraite la pression conservatrice étant très forte. Le problème de l’insertion harmonieuse des citoyens français d’espérance musulmane au sein d’une République censée être équidistante des religions, reste entier d’autant qu’il est parasité par les stratégies politiciennes qui en font un fond de commerce tout azimut quand il s’agit de solliciter le suffrage des catégories qui comptent

La condition de la Femme 

Hasard du calendrier cette contribution  sur  le hidjab running télescope un autre évènement plus universel celui du 8 mars fêtée rituellement chaque année par  différents pays pour se donner bonne conscience au moins un jour dans l’année. Si comme l’écrit  Aragon le poète des « yeux d’Elsa » : «  la femme est l’avenir de l’homme » Quelle est la condition de la femme ? Encore une fois, dans un rituel bien rodé, l’humanité des femmes se rappelle au bon souvenir de l’humanité des hommes et regarde d’une façon désabusée ce non-événement la glorifiant l’espace d’une journée et l’oubliant le reste de l’année.   Faut-il pour autant aller à l’autre bout du curseur et accepter la sentence de Simone de Beauvoir niant l’existence de la « spécificité » sans préciser d’où elle vient pour devenir femme ? Il est plus juste de s’en remettre à Aragon qui voit en elle l’avenir de l’homme. 

Le mimétisme de l’Occident a amené la femme intellectuelle arabe à se révolter et faire le procès des tyrans arabes qui instrumentalisent la religion.

«Le 8 mars 2013 huit femmes, actrices des luttes pour la démocratie, ont lancé un appel pour la dignité et l’égalité dans le Monde arabe: «Nous, femmes arabes impliquées dans les luttes pour la démocratie, la dignité et l’égalité, nous, actrices au premier plan des changements exceptionnels que connaît le Monde arabe, tenons à rappeler à l’opinion publique que les femmes sont en droit de bénéficier au même titre que les hommes du souffle de liberté et de dignité qui gagne cette région du monde. Depuis toujours, les femmes mènent des luttes pour obtenir des acquis, plus ou moins importants selon les pays. Mais ces acquis demeurent en deçà de leurs aspirations et font de leur statut un des plus reculés dans le monde. Les violences demeurent répandues tant dans l’espace public que privé et très peu de mesures sont prises pour mettre fin à ce fléau. Les Codes de la famille ne sont dans la plupart des pays arabes que des textes instituant l’exclusion et la discrimination. (…)  Nous considérons que si l’égalité ne peut se réaliser sans la démocratie, la pleine jouissance de cette démocratie ne peut se réaliser sans une égalité totale entre les hommes et les femmes. Aucune démocratie en effet ne peut se construire au détriment de la moitié de la.» (8)

Qu’en est-il du 8 mars en Algérie?  

En règle générale,  le 8 mars : un jour qui représente moins de 0,3% du temps est consacré à la reconnaissance de la femme comme acteur important de la société à la fois au sein de la maison, mais au sein de la société, ce non-événement. Les femmes algériennes ont eu à lutter à la fois sur le plan de la liberté, on les trouve à chaque coin de l’histoire et curieusement la femme algérienne n’a jamais été aussi libre que pendant la Révolution de Novembre.   C’est un fait que la société algérienne a profondément évolué en profondeur, mais cependant avec des différences entre l’Algérie profonde où le poids des traditions pesant, l’homme se croit encore investi du droit de tutelle, voire de visibilité sociale de la femme réduite ce faisant à sa plus simple expression du fait de traditions rétrogrades.   Nous devons être reconnaissants envers celles et ceux qui ont des siècles durant combattu pour l’Algérie. Comment rendre hommage aux femmes? Doit-on dans un rituel bien rodé attendre le 8 mars de chaque année? Cet être qui peut être notre mère, notre soeur, notre fille ou notre épouse. Rendons-nous justice à cette «proximité» en la ghettoïsant dans une journée comme «un minimum syndical» un tribut à payer pour avoir la paix jusqu’à la prochaine fête?  L’histoire de l’Algérie est jalonnée de battantes. 

Les Algériennes de coeur, qui ont défendu l’Algérie et qui méritent mille fois d’être à l’honneur, bien que leur modestie et leur grandeur d’âme leur interdisent de faire dans le m’as-tu-vu et d’être aux premières loges pour avoir les faveurs des gouvernants et surtout à mille lieux de l’image que nous nous faisons de nos mères, humbles et discrètes.  Le combat des femmes a donné ses lettres de noblesse à l’histoire de ce pays. Aussi loin que nous plongeons notre regard dans notre histoire, nous trouvons sans difficulté comme exemple de bravoure l’Algérienne  Dans son livre Des Femmes dans la guerre d’Algérie, Danièle Djamila Amrane-Minne   cite des statistiques du ministère des Anciens Moudjahidine de 1978: «Sur les 10 949 anciennes combattantes enregistrées, seules 6 ont eu une activité politique avant la guerre.» (…) A part quelques sièges à l’Assemblée constituante (seulement 10 moudjahidate sur les 195, Aucune n’a réussi à obtenir le statut d’officier de l’Armée nationale populaire.» (9)  

Le 8 mars 2019 est à marquer d’une pierre blanche en Algérie. Dans l’expérience extraordinaire que vit le peuple algérien ( on parle de dix millions) le peuple a marché comme un seul homme et une seule femme , pour dire basta au gouvernement actuel et pour militer pour une nouvelle vision du futur,

Ce futur pour lequel la femme algérienne ( épouse, soeur, mère fille ) était au premier rang, par milliers avec ou sans voile fière d’être là et nullement « soumise » pour venir témoigner dans la joie et la détermination de la volonté de s’inscrire dans le futur, naturellement sans rien abdiquer de son espérance religieuse née de cet islam maghrébin fait d’empathie de tolérance que nous nous sommes réappropriés non pas pour en faire un fond de commerce mais comme supplément d’âme pour un parcours spirituel

Il vient que plus que jamais la femme algérienne représente la force tranquille et le barycentre de la cellule familiale. L’Algérie traverse en ces temps incertains une période cruciale de son existence en ce sens que nous devons absolument changer de fusil d’épaule et faire en sorte que l’Algérie s’en sorte par le haut.

Dans ce cadre plus que jamais l’apport de la femme est à bien des égards déterminants pour contribuer par leur empathie leur tempérance leur résilience et leur savoir faire aboutir dans le calme et la sérénité à cette utopie d’une Algérie de nos rêves, fière de ses identités multiples ancré dans son islam maghrébin fait de tolérance mais résolument tournée vers le progrès . Que cent fleurs s’épanouissent pour les Algériennes qui sont à bien des égards les Alma mater symbolique de cette belle et énigmatique Algérie.

Professeur  Chems Eddine Chitour 

Notes :

1.http://www.slate.fr/story/173925/hijab-decathlon-laisser-femmes-musulmanes-shabiller?  

2.https://www.causeur.fr/macron-schiappa-tache-serre-tete-hijab-159526  4 mars 2019

3. http://www.slate.fr/story/174006/aurore-berge-decathlon-choix-du-buzz

4.https://www.slate.fr/story/173928/decathlon-hijab-voile-polemique

5.Rokhaya Diallo https://www.slate.fr/story/158851/voile-et-feminisme 

6.Aude Lorriaux 30 09 2016, le 31 janvier 2019  https://www.slate.fr/story/124142/femmes-voilees-coercition-pressions

7.Jean-Christophe Moreau : https://www.slate.fr/story/122505/guerre-terrorisme-chasse-burkini

8.http://www.lemonde.fr/journee-de-la-femme/article/2012/03/08/l-appel-des-femmes-arabes-pour-la-dignite-et-l-egalite_1653328_1650673.html#C30i0p5hSdcPPvm0.99 

9.Tarik Hafid:  http://www.babzman.com/exrait-revue-babzman-lapport-des-femmes-dans-le-mouvement-national-de-la-revolution-edification-du-mouvement-national-algerien-les-oubliees-de-lhistoire/ 

 

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Photo : La marche blanche mercredi

Près de 2000 amis, familles, étudiants et autres travailleurs ont participé à une marche blanche mercredi après-midi à Grenoble, en l’honneur d’Adam, 17 ans, et de son ami Fatih Karakuş, 19 ans, et en solidarité avec leurs familles. Les deux amis ont été tués dans un accident de scooter le week-end dernier alors qu’ils étaient poursuivis par la police.

Les familles et les amis d’Adam et Fatih exigent des réponses quant à la raison de leur décès. Samedi soir, vers 22 h 30, alors que les deux adolescents roulaient ensemble, les policiers ont décidé de les prendre en chasse jusqu’à la rocade de la ville, malgré le fait que ni l’un ni l’autre ne portaient de casque et qu’ils conduisaient un scooter instable.

La police affirme que les garçons ont été heurtés par un bus alors qu’ils s’enfuyaient, après que le chauffeur du bus, qui transportait une équipe de football junior après leur l’entraînement, ayant vu la poursuite dans son rétroviseur et s’est écarté à droite, dans l’espoir d’éviter le scooter juste au moment où ce dernier le doublait.

Ce dernier exemple de l’indifférence de l’État vis-à-vis de la vie des travailleurs et des jeunes a provoqué une éruption de colère sociale refoulée. Samedi soir, un groupe de 40 jeunes s’est réuni devant le commissariat de Grenoble. La police anti-émeute dépêchée sur les lieux a tiré des gaz lacrymogènes et avec des lanceurs de balles de défense sur les jeunes. Un certain nombre de voitures ont également été incendiées devant le commissariat. Des affrontements ont eu lieu entre la police et des jeunes quatre soirs cette semaine.

Les immeubles locaux ont été tagué avec les messages: «La police a tué Adam et Fatih» et «Protégez les enfants, la police les tue».

Réunis à 17 heures dans le quartier du Mistral mercredi, le cortège a marché en silence vers le pont de Carane où l’incident a eu lieu. À la tête, se trouvaient la famille d’Adam et les proches parents de Fatih, portant une banderole sur laquelle était écrit: «Adam et Fatih, plus jamais ça». Les parents turcs de Fatih, n’ont pas pu assister au rassemblement en raison de leur déplacement en Turquie pour organiser les funérailles. De nombreux étudiants et amis des garçons portaient des roses blanches et portaient des t-shirts avec le message suivant: «Adam et Fatih, 02-03- 2019.»

Des élèves dans le cortège de mercredi

Mais les familles ont dû endurer non seulement la douleur de cette perte. Dès le lendemain de la tragédie, elles ont fait l’objet d’une campagne diffamatoire de la part des médias et de l’État, ternissant le caractère des deux garçons et justifiant implicitement leur mort.

Les médias ont régulièrement affirmé que les garçons avaient un casier judiciaire ou étaient «connus de la police». Lors d’une conférence de presse tenue mercredi après-midi, Florent Girault, l’avocat représentant les deux familles dans l’enquête sur les décès, a déclaré: «contrairement à ce qui a été affirmé par la police et relayé par la presse, les deux jeunes n’avaient pas de casier judiciaire. Ils n’ont jamais été jugés ni condamnés.»

Cette déclaration a été à peine citée dans les médias, qui continuent de traiter les garçons de délinquants. Des reportages biens disséminés ont fait état des allégations de la police selon lesquelles le scooter avait été volé et qu’il n’avait pas de plaque d’immatriculation.

Fatih (à gauche) et Adam

Girault a fait état de la déclaration du procureur faite à la presse au sujet «d’un scooter qui est depourvu d’eclairage. Il se trouve que les vidéos qui sont en ligne et celles auxquels ont accès pour le moment la famille, font apparaître que le scooter qui a été pris en chasse avait un éclairage en avant, arrière, et un feu de frein qui fonctionnait.»

« C’est très curieux que se soit complètement en contradiction avec les affirmations de la voix officielle. C’est d’autant plus curieux que selon, encore une fois, les informations informelles recueillies par les familles, il semblerait que la personne ayant mis cette vidéo en ligne
ce soit trouvé en garde à vue hier. »
La famille a voulu savoir ce qui «a pu conduire des services de police à prendre en chasse
un scooter avec un mineur et un jeune majeur?… Comment peuvent-ils [la police] justifier une telle prise de risque? Et ont-ils percuté ou pas le scooter?»
Les amis des deux jeunes ont fait des déclarations pour défendre leur intégrité contre la campagne publique de calomnie. Mediapart a publié hier les déclarations d’Emirhan, âgé de 16 ans, avant la marche de mercredi. «Adam était un bon élève. C’est choquant de le salir alors qu’il vient de partir et que c’est déjà tellement dur d’accepter qu’il ne soit plus là», Il a ajouté: «Les journalistes déforment tout et nous prennent pour des sauvages. Mais aujourd’hui, ils vont être déçus de nous voir marcher dans le silence, sans nous énerver. Ils vont s’ennuyer.»

Karim, l’oncle d’Adam, a publié une déclaration vidéo sur twitter: «Il y a deux jours on a perdu deux petits frères. Deux petits frères qui avaient un avenir prometteur. Donc, la police les a poursuivi jusqu’à les tuer. On essaye de leur faire endosser un rôle qui n’est pas le leur.
On salit l’honneur de la famille de ces victimes. Et donc, aujourd’hui, il faut que la vérité soit rétablie.»

«On sera déterminé à ce que justice soit faite pour Adam et Fatih […] A aucun moment la police n’a pas le droit de vie ou mort, sur qui que ce soit – bon, mauvais, français, maghrébin, noir, ce que vous voulez.»

D’autres travailleurs qui ne connaissaient ni l’un ni l’autre des jeunes ont assisté à la marche mercredi pour manifester leur solidarité avec les familles et s’opposer à la calomnie à leur égard.

Anissa, cadre de banque de 43 ans, qui à participé à la marche avec son fils de neuf ans a expliqué à Médiapart : «Au lendemain de leur décès, on a dit que c’étaient des délinquants, en sous-entendant qu’ils le méritaient. C’est d’une violence. Les journalistes ont repris mot pour mot ce que la police leur a dit, sans même vérifier.»

«Je suis venue soutenir les familles. Peu importe ce qu’ont fait ou pas les enfants, ils n’avaient pas de casque et étaient sur un scooter a priori volé. Mais est-ce une raison pour les poursuivre jusqu’à les conduire sur une rocade dangereuse et mettre ainsi leur vie en danger jusqu’au drame? N’y a-t-il pas mieux à faire pour la police que de provoquer la mort de deux jeunes? Je me pose des questions sur la police qui est censée protéger nos enfants. Ça m’inquiète pour mon fils.»

Des jeunes dans le cortège avec la banderole: «Que la justice soit faite»

Fatima, une travailleuse de 50 ans s’est expliquée à Médiapart: «Ça fait vingt ans que je me lève à 4 heures pour faire des ménages dans des bureaux. Je gagne 1200 euros par mois et je paie mes impôts et mes charges. Je suis une citoyenne comme les autres et j’ai droit d’être respectée et mes enfants d’être protégés. Mais c’est toujours le même refrain. Dans les quartiers, la justice n’existe pas.»

La mort d’Adam et Fatih fait écho aux événements qui ont déclenché les émeutes de 2005, qui ont duré trois semaines dans la banlieue de Paris et d’autres grandes villes françaises. La police a pourchassé un groupe de jeunes, dont trois se sont cachés dans un poste de transformation électrique pour éviter un interrogatoire. Deux des garçons sont morts électrocutés. Leur mort a provoqué une rébellion animée par une colère sociale plus large face au chômage, à la pauvreté et au harcèlement de la police.

À l’époque, le gouvernement du président Jacques Chirac a réagi par une répression brutale, déclarant le premier état d’urgence en France depuis la guerre d’Algérie de 1954 à 1962 et arrêtant plus de 2500 personnes.

Will Morrow

 

Article paru en anglais, WSWS, le 8 mars 2019

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Sélection d’articles :

L’inculture d’un président cache mal un racisme d’Etat

Par Daniel Vanhove, 06 mars 2019

Le sujet est trop grave pour ne le traiter que distraitement. En France, la polémique redondante autour de l’antisionisme assimilé par des responsables du gouvernement au sommet duquel le président lui-même, à une forme nouvelle d’antisémitisme, devrait pousser tout citoyen lucide et critique à mettre les points sur les « i » en rappelant le gouvernement à la raison et la retenue.

 

La tragédie vénézuélienne: les États-Unis projettent un nouveau coup d’État en Amérique latine

Par Gabriella Lima, 06 mars 2019

Washington mène une opération de grande ampleur visant à renverser le gouvernement légitime du Venezuela. Afin de promouvoir leurs intérêts dans la région, les pouvoirs étasuniens envisagent d’aller jusqu’à l’assassinat du président Maduro.

 

Pourquoi l’aboutissement des revendications des Gilets-Jaunes ne peut être que le Frexit?

Par Jean-Yves Jézéquel, 06 mars 2019

Aucune des demandes ou revendications des Gilets-jaunes ne peut être acceptée par et dans l’Union européenne telle qu’elle est actuellement. Les politiques nationales sont déterminées par le cadre intérieur du Marché unique, de la monnaie unique et des règles uniques de l’UE. Les Gouvernements de chaque pays formant l’UE, sont des exécutants dociles de ses règles, au mieux, des « fondés de pouvoir satisfaits de leur impuissance », écrit Coralie Delaume.

 

Victoire Ingabire et le 8 mars: femmes et pauvreté au Rwanda

Par Victoire Ingabire Umuhoza et Robin Philpot, 07 mars

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, Victoire Ingabire Umuhoza souligne la contradiction entre les conditions de pauvreté abjecte de la grande majorité des femmes au Rwanda et le discours officiel de ce pays. Selon cette grandes combattante pour la liberté qui a passé 8 ans au prison, « l’éradication de la pauvreté passer par le femme. » Elle ajoute que « que le rapport du bureau de Statistique au Rwanda daté d’août 2018 montre que ces femmes vivent de 0,88$ par jour. »

 

L’Empire: Mafia des Mafias. Le crime organisé à l’œuvre au Venezuela

Par Oscar Fortin, 08 mars 2019

Comment ne pas faire de liens entre l’Empire, sous la gouverne de l’état profond des États-Unis, et la Mafia qui répond à l’image qu’en donne Hollywood, dans sa série le Parrain? Tous les deux se considèrent au-dessus des lois et agissent en fonction de leurs intérêts de conquête et de domination.  L’argent et la menace leur permettent d’acheter juges, magistrats, chefs d’État, évêques, journalistes et bien d’autres encore, leur assurant tout à la fois l’immunité et l’image du bon samaritain, en tout et partout.

 

La guerre frauduleuse de l’OTAN au nom des femmes

Par George Szamuely, 08 mars 2019

Dans un récent article du Guardian intitulé « Why NATO Must Defend Women’s Rights » (Pourquoi l’OTAN doit défendre les droits des femmes), le secrétaire général de l’agence, Jens Soltenberg, et la star de cinéma Angelina Jolie affirment que « l’OTAN a la responsabilité et l’occasion d’être un défenseur de premier plan des droits des femmes ». En outre, elle « peut devenir le chef de fil militaire mondial en matière de prévention et de réponse à la violence sexuelle lors des conflits ».

 

Le président Bouteflika pris en otage, le Peuple algérien emprisonné

Par Khalida Bouredji, 09 mars 2019

L’Algérie affronte aujourd’hui une scène politique tragi-comique : d’un coté : des manifestations de masse contre la candidature illégale d’un président à moitié mort, en tous cas paralysé ; de l’autre coté, un système qui ignore les revendications populaires et insiste pour l’imposer le président Bouteflika, même si cela viole la Constitution et les lois. Pour la troisième fois, le système algérien a annoncé la candidature du président Bouteflika, pour un cinquième mandat.

 

L’aube d’un «nouveau Mexique »

Par Claude Morin, 09 mars 2019

Le 1er juillet 2018, 70 % des Mexicains sont allés voter, le meilleur taux de participation depuis des décennies. Ils ont élu Andrés Manuel López Obrador (AMLO), l’ancien maire de Mexico (2000-05), âgé de 65 ans, un politique aguerri issu du Tabasco, qui en était à sa troisième tentative d’arracher la présidence. Face à quatre autres candidats, il a obtenu une majorité absolue (53 %). Il a su gagner la confiance d’un peuple. Même les élites qui le redoutaient comme un dangereux « gauchiste » ou « populiste » n’ont pu lui opposer la fraude comme elles l’avaient fait en 2006. Sa popularité était trop grande, sa capacité de mobilisation trop évidente.

 

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Des centaines de milliers de personnes vont défiler en Algérie aujourd’hui 8 mars pour réclamer la chute du régime du président Abdelaziz Bouteflika, ce que l’on appelle une «marche de 20 millions d’hommes» sur les médias sociaux.

Depuis le 22 février, de plus petites manifestations ont eu lieu tous les jours, en particulier d’étudiants universitaires et de jeunes, la plus grande manifestation ayant eu lieu vendredi dernier, la traditionnelle journée de protestation coïncidant avec la prière hebdomadaire. Les manifestations se sont poursuivies, suite à l’annonce faite dimanche soir par le Front de libération nationale (FLN) que le président allait se présenter aux élections du 18 avril prochain, défiant toute demande de démission.

Bouteflika, 82 ans, qui est au pouvoir depuis 1999, serait dans un état critique et recevrait des soins dans un hôpital de Genève, en Suisse. Il est à toutes fins pratiques un cadavre politique, n’ayant pas pris la parole en public depuis 2013, date à laquelle il a subi un grave accident vasculaire cérébral, et est considéré comme une figure de proue symbolique pour les cercles internes du régime, qui repose sur les militaires et les services de sécurité. Ils cherchent à décider d’un successeur approprié et se sont engagés à ce que Bouteflika démissionne d’ici un an s’il est élu.

Les travailleurs commencent à intervenir par des grèves, sur lesquelles les syndicats cherchent à garder le contrôle. La fédération nationale des syndicats d’enseignants a voté mercredi, lors d’une réunion, le déclenchement d’une grève générale d’une journée à l’échelle nationale pour une semaine, le 13 mars, dans des conditions où les enseignants se joignent déjà aux étudiants pour manifester. La veille, les enseignants de l’Université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou ont organisé une réunion sur le campus et ont voté pour marcher sur la bibliothèque du campus avec les étudiants qui manifestaient.

La Confédération Syndicale Indépendante des Forces Productives (COSYPOF) a déposé mardi un avis officiel de grève de cinq jours du 10 au 14 mars, pour exiger que l’autorité électorale nationale disqualifie Bouteflika pour les élections. Le syndicat couvre les travailleurs du secteur de l’énergie ainsi que certains travailleurs de la santé. La plus grande fédération syndicale d’Algérie, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), est directement alliée au FLN et a déclaré son soutien au président.

Mardi, le chef d’état-major militaire, le général de corps d’armée Gaed Salah, a fait une déclaration à la télévision d’Ennahar, dans laquelle il a menacé que les militaires étaient prêts à intervenir. Il a déclaré que l’armée «resterait le garant» de «la sécurité et de la stabilité», et a déclaré que les actions des militaires «dans l’éradication du terrorisme… ont déplu à certaines parties qui sont mécontentes de voir l’Algérie stable et sûre». Elle «érigerait un rempart contre tout ce qui pourrait exposer l’Algérie à des menaces imprévisibles».

Salah a menacé que l’armée ne permettrait pas un retour aux «années douloureuses» de la guerre civile 1992-2002 entre l’armée et les forces islamistes, au cours de laquelle 200.000 personnes ont été tuées.

Le régime a publié jeudi une nouvelle menace, publiant une lettre au nom de Bouteflika qui met en garde contre toute agitation sociale: «La rupture de cette expression pacifique par un groupe traître interne ou étranger peut conduire à la sédition et au chaos et aux crises et malheurs qui en résultent.»

Alors que les slogans des organisations impliquées dans les manifestations sont entièrement centrés sur la demande de retrait de Bouteflika, des questions sociales beaucoup plus larges animent les travailleurs et les jeunes dans les manifestations. Les conditions sociales dans le pays sont explosives. Plus des deux tiers de la population a moins de 30 ans, l’âge médian est de 28 ans et plus du quart des jeunes sont au chômage.

Cependant, les partis et organisations qui soutiennent actuellement les manifestations anti-Bouteflika ne sont pas moins hostiles que le régime Bouteflika lui-même à l’amélioration des conditions sociales des travailleurs et des opprimés.

Ceux qui soutiennent les manifestations parlent au nom des factions dissidentes du régime et de celles de la classe moyenne supérieure et capitaliste algérienne insatisfaites du monopole du cercle restreint de Bouteflika, et qui veulent une redistribution du pouvoir et de la richesse dans la couche dirigeante.

Mouwatana, ou «Démocratie citoyenne», qui a été active dans l’organisation des manifestations via Facebook et est citée dans les médias internationaux comme un leader du «mouvement démocratique», a été fondée comme organisation faîtière en juillet 2018 par Ahmed Benbitour, ancien Premier ministre sous Bouteflika.

Le directeur national de Mouwatana est Sofiane Djilali, le président de Jil Jadid, qui est l’un des principaux partis du Mouwatana. Son programme, publié en 2017, est un appel à l’ouverture du régime. Elle manifeste clairement son hostilité à l’égard des intérêts des travailleurs, déclarant que les jeunes «ne travaillent qu’avec un minimum d’efforts pour gagner beaucoup d’argent». Il est difficile de les convaincre de s’en tenir à leur travail. Travailler peu et gagner beaucoup, c’est le slogan d’une grande partie de la jeunesse… »

Mouwatana a publié une nouvelle déclaration appelant à protester aujourd’hui pour exiger que Bouteflika et son premier ministre démissionnent.

Toutes les factions de la classe capitaliste sont terrifiées par tout mouvement dans la classe ouvrière. Un certain nombre de ministres du FLN au pouvoir ont annoncé leur démission ces derniers jours, calculant que Bouteflika devra être démis de ses fonctions afin de protéger le régime.

Les grandes puissances impérialistes surveillent de près la situation et interviennent sans aucun doute directement. Le pays est le troisième fournisseur de gaz de l’Europe, après la Norvège et la Russie, et fournit la moitié de la demande de gaz de l’Espagne. Il possède les plus grandes réserves prouvées de gaz en Afrique du Nord. Le régime Bouteflika joue un rôle crucial dans les opérations de sécurité françaises et dans les efforts de l’Union européenne pour empêcher les migrants africains de fuir en Europe pour échapper aux conditions de vie causées par les guerres et l’oppression néocoloniale de l’impérialisme européen et américain.

Ces dernières années, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Algérie, ce qui suscite des inquiétudes en France et aux États-Unis. Mardi, le porte-parole du département d’État américain Robert Palladino a déclaré aux journalistes que «nous suivons ces manifestations qui se déroulent en Algérie. Nous allons continuer à le faire. Et je dirais que les États-Unis soutiennent le peuple algérien et son droit de se réunir pacifiquement.»

Mercredi soir, le ministre français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déclaré que «la stabilité, la sécurité et le développement de l’Algérie sont tout à fait essentiels» pour la France.

Le gouvernement Macron est tout à fait conscient qu’un mouvement de la classe ouvrière algérienne pourrait rapidement s’étendre à la France même, dans des conditions d’immense colère sociale, reflétée dans les protestations des Gilets jaunes. La France compte entre quatre et cinq millions de personnes d’origine algérienne, dont environ un demi-million d’immigrés nés en Algérie.

Will Morrow

Article paru en anglais, WSWS, le 8 mars 2019

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Des documents internes de WWF parlent de sa participation à une opération de vente d’armes et d’avoir agi en tant que « centre mondial d’espionnage, organisant, finançant et gérant des réseaux d’espionnage » dans des communautés indigènes.

Les dénonciations de violations des droits de l’homme par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), l’organisation conservationniste dont la branche argentine est la Fundación Vida Silvestre, se multiplient. La version anglaise de Buzzfeed a publié cette semaine un rapport détailléqui a été repris par de grands journaux en Angleterre, aux États-Unis et en Europe, et qui révèle des abus commis par des gardes forestiers financés par WWF. Le Parlement britannique a lancé une enquête pour déterminer s’il continuait de financer l’organisation.

L’équipe anglaise de journalistes a déclaré :

« L’ONG avec le logo bien-aimé du panda finance, équipe et collabore directement avec les forces paramilitaires qui ont été accusées de battre, torturer, violer et tuer dans différentes parties du monde« .

Des documents internes de WWF parlent de sa participation à une opération de vente d’armes et d’avoir agi comme « centre mondial d’espionnage, organisant, finançant et gérant des réseaux d’espionnage » dans des communautés indigènes. La création de parcs nationaux peut parfois être un moyen d’avancer sur des territoires pas encore « conquis », un colonialisme vert.

WWF a actuellement son siège en Suisse et emploie 2500 personnes dans 80 bureaux à travers le monde. Il gère environ 150 millions d’euros. Il a été fondé en 1961 dans le but d’assurer « l’intégrité écologique des écosystèmes prioritaires ». Il a été promu par le biologiste Julian Huxley, frère d’Aldous, l’auteur de « Un Monde Heureux« .  Le premier président fut le Prince Bernard de Hollande, qui avait auparavant fait partie des SS.

Le Prince Bernard a créé un espace de magnats, « Le club des 1001″, pour financer l’organisation, dont faisaient partie les frères Rockefeller, Henry Ford ou des représentants de Barrick Gold, Nokia ou IBM. Parmi ceux qui ont dirigé l’organisation ou en ont été membres d’honneur, on trouve également le roi Juan Carlos (qui a découvert la chasse aux éléphants) et le mari de la Reine Elizabeth, le Prince Philippe de Grande-Bretagne (qui a écrit dans son livre « Si j’étais un animal » que dans une autre vie il voudrait « revenir comme un virus mortel, pour contribuer à résoudre la surpopulation« ).

En 2012, le journaliste allemand Wilfred Huismann a publié le livre « Panda Leaks« . Il y consacre un chapitre à l’Argentine : l’un des membres du club d’honneur de WWF a été l’un des fondateurs de la Fundación Vida Silvestre Argentina (FDVA), l’ancien ministre de l’économie de la dictature de José Martínez de Oz. Huismann déclare également que la FDVA est fonctionnelle à la subdivision du territoire :

« Monsanto a créé un modèle agricole prédominant en Argentine et WWF à travers la FDVA s’efforce de le rendre socialement acceptable« .

1_10La FDVA a de l’influence dans le gouvernement de Mauricio Macri. L’actuel sous-secrétaire à la politique environnementale, au changement climatique et au développement durable du portefeuille dirigé par le rabbin Sergio Bergman est Diego Moreno, ancien directeur général du FDVA. Et Javier Corcuera, un autre ancien directeur du FDVA, a été président de l’Agence de protection de l’environnement de la ville de Buenos Aires et secrétaire de l’environnement de la municipalité de Pilar. Il n’occupe actuellement aucun poste au sein du gouvernement, après avoir été dénoncé pour harcèlement et mauvais traitements.

L’une des controverses entourant WWF est son rôle dans la création du parc national de Messok Dja au Congo : un territoire ancestral habité par une tribu, le peuple Baka, qui subit les pressions des gardes forestiers financés par WWF pour quitter le parc. Plus de 200 cas de violations des droits de l’homme ont été enregistrés dans les trois pays du bassin du Congo.

Selon Stephen Corry, directeur de Survival International (une organisation dédiée à la défense des peuples indigènes), WWF a besoin d’un changement d’orientation large et radical :

« Il doit cesser de travailler dans des zones où il n’a pas le consentement de la population locale, indemniser ses victimes, renvoyer les responsables et mettre son argent et ses vastes ressources au service des peuples indigènes, qui sont les meilleurs défenseurs de la nature et de l’environnement« .

Selon l’ONU, les terres et les eaux indigènes représentent 80 % de la biodiversité mondiale.

WWF a répondu mardi qu’il ouvrirait une enquête sur les révélations selon lesquelles les gardes qu’il finance ont torturé et tué des gens, bien que Buzzfeed ait révélé que WWF avait déjà commandé une enquête similaire il y a quatre ans et qu’il avait ensuite dissimulé les résultats. Pour mener l’enquête, les conservateurs ont maintenant engagé le cabinet d’avocats de Kingsly Naply, un spécialiste de la « gestion de la réputation » qui conseille les clients :

« Répondre de manière complète aux questions n’est pas toujours la meilleure stratégie« .

WWF le sait depuis le début : son logo est une demi-vérité. Le panda qui les a inspirés n’était pas un animal libre et sauvage : il s’appelait Chi-Chi et vivait au zoo de Londres.

Article original en espagnol : Denuncian por violaciones a los DD.HH. al Fondo Mundial para la Naturaleza, WWF – Las filtraciones de la ONG del oso panda

Traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International

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Lire la première partie :

Le Lobby pro israélien au sein de l’Union Européenne: Vichy et la tétanie du débat public en France.

 

«Je veux que le CRIF soit l’atout maître d’Israël» – Richard Prasquier Juin 2010

«Je veux que le CRIF soit l’interlocuteur essentiel de l’état» – Nicolas Sarkozy, Président de la République française Juin 2010

Le CRIF, dont le dîner annuel constitue un haut lieu du rituel de la France laïque est le chef d’orchestre de ce groupe de pression. Un vrai lobby de la République. Sur jouant de sa représentativité, surfant sur la vague arabophobe et islamophobe résultant des attentats terroristes des groupements islamistes parrainés par l’OTAN, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France s’est érigé en arbitre des élégances françaises, adoubant les personnalités politiques, qu’il agrée aux agapes de son dîner annuel …

En fonction de leur allégeance à la politique israélienne et non en fonction de leur représentativité nationale, excluant ainsi de la liste de ses convives Jean Luc Mélenchon, une personnalité d’envergure nationale, de même que le Parti Communiste Français, nonobstant son glorieux passé historique dans son combat contre le nazisme. Curieux qu’un organisme dont des membres ont été exclus de la communauté nationale en raison de leur religion, recourt au même procédé de l’exclusion.

https://www.humanite.fr/avant-la-marche-pour-mireille-knoll-le-crif-sisole-en-sempetrant-dans-les-amalgames-652893

S’embourbant dans ses amalgames et ses contradictions, le CRIF, à tout le moins son président de l’époque Roger Cukierman, se félicitera de la percée de président du Front National, Jean Marie Le Pen, au 2me tour de la présidentielle française de 2002, la considérant comme une «leçon aux Arabes», tout en conviant à sa table des «rented negroes» de la communauté musulmane pour leur fonction supplétive à la politique de domestication israélienne de toute forme de contestation à leur annexion rampante de la Palestine, à l’exemple de Hassan Chalghoumi.

Un organisme qui s’autorise à organiser des levées de fonds «pour le bien être du soldat israélien» de l’armée de la puissance occupante de la Cisjordanie et de Gaza, mais qui foudroie de l’accusation de «terrorisme» toute collecte en faveur des réfugiés palestiniens, des orphelins et des familles des dizaines de milliers de prisonniers palestiniens du fait de la politique ultra répressive israélienne. Des contre feux aux aspects hideux de la politique israélienne et des passe-droits des personnalités de la communauté juive.

Tout le monde garde présent à l’esprit, la défense tous azimut de Dominique Strauss Khan embourbé dans les affres de la moquette du Sofitel à New York, dont un homonyme, Jean François Khan, ira jusqu’à assimiler son comportement à un «troussage de domestique», réhabilitant pour les besoins de la cause de son coreligionnaire, le «droit de cuissage» du code noir de l’esclavage, de même que la défense pathétique du premier époux de l’épouse bafouée, malgré la réputation de récidiviste de ce prédateur sexuel…….La meilleure façon en somme d’accréditer l’idée d’un lobby juif occulte en France. Mais là aussi, chut. Le souligner, c’est faire preuve d’antisémitisme.

Pour aller plus loin sur ce sujet
http://www.liberation.fr/societe/2010/02/17/le-crif-vrai-lobby-et-faux-pouvoir_610434

Contrairement aux pays arabes qui avancent sur la scène française en ordre dispersée, voire en rivalité, et depuis la séquence dite du «printemps arabe», en 2011, en guerre d’autodestruction, les organisations juives chassent en meute.

Le quadrillage de la communauté juive de France, de l’ordre de 500.000 personnes, s’est fait selon un déploiement arachnéen avec un maillage combinant instances religieuses, organisations socio professionnelles de nature communautariste: la section française du Congrès Juif Mondial, «bras diplomatique du peuple juif», Grand Rabinat, Consistoire de Paris, Fonds Social Juif Unifié, Appel Juif Unifié de France, Association des Jeunes Avocats Juifs de France, Association des Médecins Israélites de France, Association Européenne pour la Culture Juive, Association des Sourds Juifs de France, Association humanitaire de la Communauté Juive.

A cela s’ajoute, une kyrielle d’autres organisations: Cercle de Généalogie Juive, Association des Etudiants Juifs de France, Mémorial de la Déportation des Juifs de France, BEIT HAVERIM, GROUPE JUIF LGBT de France; Ainsi que le WISO, Organisation internationale des femmes sionistes (en anglaisWomen’s International Zionist Organization), plus connue sous le sigle WIZO;

Avec leurs vecteurs d’accompagnement médiatique, L’Arche, et Tribune Juive, pour la presse écrite, Radio J, Radio Shalom, et RCJ pour les médias audiovisuels et leur appendice «Causeur.fr» le web magazine d’Elizabeth Lévy.

Leur tête de gondole, l’empire médiatique du milliardaire franco-israélien Patrick Drahi (I24, BFM, RMC, L’EXPRESS et l’écharpe rouge de son éditorialiste Christophe Barbier réputé pour sa sempiternelle rengaine sur «Israël, bastion avancée du Monde libre», LIBERATION, et sa prise de guerre Hala Kodmani, la propre fille de l’ancien ambassadeur de Syrie en France, en charge de l’intoxication psychologique de l’opinion française dans la guerre de destruction de son pays d’origine.

Gatestone, Mossad, Sayanim.

Enfin, leurs sous-marins, la structure européenne de Gatestone composée de l’universitaire Guy Millière et d’Anne Elizabeth Moutet, deux «distinguished senior fellow» de cette instance, dont la liste des auteurs de ce groupe de pression occulte se trouvent sur ce lien

https://www.gatestoneinstitute.org/authors/

Enfin, dernier et non des moindres, la fonction de Paris de plaque tournante des opérations clandestines anti-arabes du Mossad, de l’élimination des dirigeants palestiniens et des savants, –notamment de Mahmoud Al Mabhouh, responsable des achats d’armes du Hamas, dont l’élimination à Doha a été téléguidée depuis Paris, du temps de la lune de Miel entre l’Emir du Qatar et le pro israélien Nicolas Sarkozy–, aux opérations d’intoxication psychologique, à l’aide de leurs collaborateurs bénévoles, les fameux «Sayanim», ces informateurs du Mossad, recrutés au sein des Juifs de la diaspora qui, par «patriotisme», acceptent de collaborer ponctuellement avec le Mossad, ou autres institutions sionistes, leur apportant l’aide nécessaire dans le domaine de leur compétence.

Leur nombre en France se situerait autour de trois mille, selon Jacob Cohen, auteur du livre «Le printemps des Sayanim». Ils se recrutent principalement au sein du Bnaï Brit (franc-maçonnerie juive internationale) et autres organisations juives nationales.

Pour aller plus loin sur ce thème, cf: L’ombre du Mossad plane sur Paris
https://www.lemonde.fr/series-d-ete-2018-long-format/article/2018/07/24/l-ombre-du-mossad-sur-paris_5335390_5325928.html

Le jugement de Raymond Aron sur Bernard Henry Lévy,

BHL, La Règle du jeu, ses satellites et ses groopies serviles

SOS Racisme, Licra, Urgence Darfour, Urgence Syrie, ces acronymes racoleurs constituent autant de satellites de Bernard Henry Lévy.
Des néoconservateurs français érigés, sous couverture d’expertise, en intellectuels médiatiques. Des agitateurs professionnels, des agents d’influence, voire même pour certains présomptueux, des directeurs de conscience qui piaillent dans la basse cour en attendant de graviter dans l’orbite de BHL, en autant de courtisans rétribués. Des groopies serviles.

Le signataire de ce texte laisse à un prestigieux maître le soin de porter son jugement sur celui qui était alors un «nouveau philosophe», certes, mais aux méthodes prématurément éculées. Prémonitoire, la sentence est sans appel. Raymond Aron, pointera, les défauts, nombreux, du jeune loup de la philosophie dans un texte sans concession, en date du 7 Fevrier 1981, qui demeure d’actualité 39 ans après:

«Un auteur qui emploie volontiers les adjectifs infâme ou obscène pour qualifier les hommes et les idées invite le critique à lui rendre la pareille. Je résisterai autant que possible à la tentation, bien que le livre de Bernard-Henri Lévy présente quelques-uns des défauts qui m’horripilent: la boursouflure du style, la prétention à trancher des mérites et démérites des vivants et des morts, l’ambition de rappeler à un peuple amnésique la part engloutie de son passé, les citations détachées de leur contexte et interprétées arbitrairement.

Pis encore, le doute subsiste à la fin de la lecture: la violence du ton, maintenue d’un bout à l’autre du pamphlet, révèle-t-elle une indignation authentique ou le goût du scandale et de la diffusion de masse?
«Allons plus loin: le livre ne se prête guère à une discussion objective, selon le mot consacré dans les universités. II n’apporte aucun fait, aucun document, aucun texte que l’on ne trouve dans les quelques livres dont Bernard-Henri Lévy a tiré, pour l’essentiel, la matière qu’il triture à sa manière.

«Ce qui lui appartient en propre, c’est une certaine mise en place d’un corpus de mots ou de phrases. Or, cette mise en place est à tel point commandée par le propos de l’auteur que l’on se demande s’il vaut la peine de discuter avec un «philosophe» qui s’arroge le rôle de justicier. Fin de citation.

Le texte complet est sur ce lien:
https://www.lexpress.fr/culture/livre/provocation_487366.html

Passons sur Laurent Fabius, le petit télégraphiste des Israéliens sur le nucléaire iranien; sur Meyer Habib, cet ancien du mouvement radical Betar, impliqué en 1988 dans l’attaque par l’«Organisation juive de combat» de la fête de commémoration de Jeanne d’Arc, promu désormais à la fonction de représentant du Likoud en France, siégeant au sein de la représentation nationale française au titre de la 8eme circonscription des Français établis hors de France;

Sur Meyer Habib, cf ce lien
http://www.lepoint.fr/societe/les-policiers-ne-veulent-plus-assurer-la-securite-du-depute-meyer-habib-21-10-2014-1874472_23.php

Passons sur Christian Estrosi, qui a caressé le projet de transposer au sein de la police municipale de la ville dont il est le Maire, Nice, les méthodes policières israéliennes contre les Palestiniens, alors qu’en voyage de noces en Israël, il abondera de 50.000 euros le Fonds National Juif KKL en vue de reboiser la forêt en Israël, dans une prime déguisée à la colonisation de la Cisjordanie dont cet organisme en a la charge.

Alain Finkielkraut et Eric Zemmour

Passons sur la prolifération d’une littérature arabophobe et islamophobe, sur les saillies verbales de Michel Houellebecq, jugeant «stupide» la religion musulmane; sur l’aveu d’un grand journaliste français Claude Imbert, Directeur de l’Hebdomadaire «Le Point» se déclarant ouvertement «islamophobe»; sur les dérapages répétitives d’Eric Zemmour au point d’en faire sa rente de situation.

La France au Mondial 2018 de Russie a figuré comme étant la “sixième équipe africaine” du Mondial en ce qu’elle était constituée « d’au moins 16 joueurs d’origine africaine”. Chiche Alain Finkielkraut, auriez-vous le courage de répéter votre propos méprisablement raciste, «équipe de foot black black, black, risée de l’Europe»-, qui vous a valu votre promotion à l’Académie française, alors que le Conseil d’état vient de supprimer le terme «race» de la constitution et que votre alter ego dans l’islamophobie Eric Zemmour a été privé de sa chronique matinale sur RTL ?.

Le 3 mai 2018, le journaliste avait été condamné par la cour d’appel de Paris pour provocation à la haine religieuse en raison de propos islamophobes qu’il avait tenus en 2016 dans l’émission de télévision «C à vous», sur France 5.

Récidiviste, Eric Zemmour avait déjà été condamné en 2011 pour provocation à la haine pour avoir déclaré à la télévision que «la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait».

A-t-il jamais songé ce spécialiste des statistiques ethniques, en hoquetant de rire par ses épaules, de recenser les délinquants au col blanc des autres composantes ethnico religieuses de la nation française, dont les dégâts sur l’économie française sont infiniment plus dommageables que les braquages des basanés, de Bygmalion, à la saga du couple Balkany et celle d ‘ELF Aquitaine, aux vedettes de Taiwan et aux sous-marins du Pakistan; enfin Samuel Flatton Sharton, Arcadi Gaydamak, Cyril Astruc, dont la magouille sur la taxe carbone s’est élevée à plusieurs centaines de millions d’euros. «Un pognon de dingue» jeté par la fenêtre pour le train de vie de cet escroc et soustrait aux exclus de la société.

Pour aller plus loin sur ce thème
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/07/02/kylian-mbappe-l-enfant-de-bondy-qui-renvoie-finkielkraut-et-zemour-dans-leurs-buts_5324696_3212.html

Gilad Shalit et Salah Hammouri: De la double allégeance à géométrie variable

Passons enfin sur le double standard pratiqué à l’égard, d’une part, de Gilad Shalit, ce caporal de l’armée israélienne revendiqué comme «otage français» par tapage médiatique, à la filiation française pourtant problématique, capturé alors qu’il était en opération de guerre contre un pays ami de la France, la Palestine, et, d’autre part, Salah Hammouri, citoyen français de plein droit, avocat pacifiste, arbitrairement retenu dans les geôles israéliennes, sans la moindre protestation de la cohorte des pamphlétaires, y compris la formation pro israélienne «Avocats sans frontières», dont l’un des plus illustres animateurs n’est autre que William Goldnadel, l’amuseur public de l’émission de dimanche de Thierry Ardisson.

4185 soldats en service régulier ont la citoyenneté française. Le nombre est peut-être minoré, car l’armée ne compte que les personnes qui ont déclaré leur nationalité française. La nationalité française est la deuxième nationalité étrangère la plus représentée dans les rangs de Tsahal, après la nationalité américaine. Les citoyens français ou franco-israéliens engagés dans les forces armées israéliennes représentent entre 1,7% et 3,5% des effectifs totaux

http://www.liberation.fr/checknews/2018/07/19/combien-de-francais-servent-dans-l-armee-israelienne_1661759

Passons sur le cas d’Arrno Klarsfeld, ce réserviste de l’armée israélienne, nommé conseiller du ministre de l’intérieur de l’époque Nicolas Sarkoy, en juillet 2006, en pleine offensive israélienne contre le Liban.

Le cas Arno Klarsefld sur ce lien
https://www.renenaba.com/lettre-ouverte-a-m-nicolas-sarkozy/

Surtout ne pas piper mot de la fourniture de fusils Tavor sous licence israélienne au bataillon Zazov d’Ukraine, un groupe néo nazi, de crainte de relancer le nouvel antisémitisme que les arabes et les musulmans «tête en même temps que le lait de leur mère». Pas plus que des armes à fragmentation livrées par les Israéliens aux troupes saoudiennes dans leur agression contre le Yémen.

Pour aller plus loin sur ce sujet, ce lien: Un vétéran de l’armée israélienne dirige une unité de combat de nuit dans les rues de Kiev

https://www.jta.org/2014/02/28/news-opinion/world/in-kiev-an-israeli-militia-commander-fights-in-the-streets-and-saves-lives

Non Manuel Valls, Philippe Vall, Georges Bensoussan, le nouvel antisémitisme se nourrit du comportement d’«état voyou» de celui que vous présentez comme «l’unique démocratie du Moyen orient», qui est, en fait, un état d’apartheid, pour la composante palestinienne de la population, particulièrement depuis l’adoption de la loi controversée «Israël Etat-Nation du peuple juif».

Agressions imaginaires, plagiat et impunité. Gabriel Farhi, Sylvain Saadoun, Alain Minc, Gilles Berheim, BHL.

Passons sur les agressions imaginaires et autre automutilations du Rabbin Gabriel Farhi (2003), «le Rabbin de la Paix» selon l’expression de Martine Gozlan, la «Marianne de la bonne conscience chronique de la mauvaise conscience», la fausse agression antisémite de la mythomane Marie Léonie Leblanc (RER B-2006) agressée par trois hommes de «type maghrébin»; la fausse agression d’un instituteur de Marseille, Sylvain Saadoun, le 18 novembre 2015, soit cinq jours après les attentats du Bataclan, dans une démarche de victimisation en vue de surfer sur la vague d’émotion populaire judéophile et islamophobe.

Passons sur Gilles Bernheim, Grand Rabbin de Paris, serial plagiaire (2014), sur Alain Minc, lui aussi serial plagiaire, condamné à deux reprises pour son emprunt massif au travail du philosophe Patrick Rodel sur Spinoza, en 1999, puis pour un emprunt de 47 pages au livre de Pascale Froment sur René Bousquet. Passons enfin sur l’inventeur du botulisme, condamné pour diffamation, dont tous les censeurs sont «assimilables à des nazis». En toute impunité.

Pour aller plus loin sur ce sujet
https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-04-26-BHL

Samuel Flatto-Sharon, Cyril Astruc, Gilbert Chikli, Antoine Lassarevitz

Passons enfin sur la kyrielle de vierges effarouchées: Samuel Flatto Sharon, le «Roi des Chiffonniers», le précurseur des arnaqueurs franco israéliens, recyclé dans l’honorabilité en vertu de la «Loi du retour»; passons sur l’escro du siècle, Cyril Astruc, via la taxe sur le carbone, ainsi que sur Gilbert Chikli et son associé Antoine Lassarevitz, grands arnaqueurs devant l’éternel.

Sur Cyril Astruc
https://www.vanityfair.fr/pouvoir/politique/articles/cyril-astruc-lescroc-du-siecle/27006

Sur Gilbert Chikli
http://www.lepoint.fr/faits-divers/exclusif-l-escroc-gilbert-chikli-futur-repenti-23-04-2018-2212668_2627.php

Passons enfin sur le cas de Tareq Ramadan, cas typique de la même duplicité française.
Nonobstant le fond de l’affaire, et en dépit des vives critiques de l’auteur de ce texte sur le rôle nocif de la confrérie des Frères Musulmans dans la régression du Monde arabe, il n’en demeure pas moins que la curée contre le prédicateur confrérique Tareq Ramadan, «présumé innocent» jusqu’à preuve du contraire, a quelque chose de choquant, particulièrement si elle est mise en corollaire avec la défense frénétique tant du cinéaste prédateur Roman Polansky que du journaliste communautaire Frédéric Haziza (Radio J), voire même de Dominique Strauss Khan.

Une telle défense, opérée par phénomène réflexe, a pu accréditer l’idée d’une solidarité communautaire, «une solidarité judaïque», voire «une solidarité sioniste», selon l’expression de l’extrême droite française, en ce que cette solidarité mécanique prévalant, au mépris de la justice, sur toute autre considération pourrait impulser un comportement préjudiciable à la cause que les tenants de cette ligne sont censés promouvoir. Le communautarisme à tout crin peut se révéler parfois contre-productif.

En dépit de la défense tonitruante de BHL, son parrain, Frédéric Haziza a fait l’objet d’un «Rappel à la Loi» et trappé de la grille de rentrée 2018 de «La Chaine Parlementaire» où il officiait, en même temps qu’ à Radio J. Le communautarisme à tout crin peut se révéler parfois contre-productif .

Ci joint l’«hallucinante défense» de Frédéric Haziza par BHL
http://www.liberation.fr/direct/element/lhallucinante-defense-de-frederic-haziza-par-bernard-henri-levy_73929/

Epilogue Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss Khan, Bernard Henry Lévy

A – Nicolas Sarkozy

Au terme d’une lévitation de cinq ans à la tête d’un pays qu’il a laissé en «champ de ruines», le destructeur de la Libye, le donneur de leçons à l’Afrique «pas encore entrée dans l’histoire», -désavoué par deux fois par le peuple français, en 2012 contre son rival socialiste François Hollande, en 2016 contre son ancien premier ministre François Fillon, lors des primaires présidentielles de la droite française-, a été rattrapé par la justice de son pays, dans une sorte de vengeance posthume de son bienfaiteur «Avec les compliments du guide».

A propos de Nicolas Sarkozy, un champ de ruines
https://www.renenaba.com/nicolas-sarkozy-un-champ-de-ruines/

B- Dominique Strauss Khan

Celui qui se levait tous les jours en se posant la question de savoir ce qu’il pouvait faire pour la «grandeur d’Israël», et non de la France, dont il était un membre de sa représentation nationale; celui que son épouse avait programmé pour être «le premier président juif de la République française», en une revanche du déshonneur infligé du fait de sa judéité au capitaine Alfred Dreyfus, qui a foudroyé d’un trait son collègue du Parti Socialiste Pascal Boniface pour s’être posé la question de savoir «Est il permis de critiquer Israël?», cet homme qui représente un rare cas de suicide politique au retentissement international, dont le naufrage a entrainé dans sa chute la cohorte de ses courtisans zélés, cet homme là vit sa retraite politique forcée, en convalescence auprès de sa compagne marocaine qu’elle bichonne de tajines et couscous royal, la nourriture de la terre de sa naissance qu’il n’aurait jamais dû oublier, en guise de gratitude de son hospitalité.

A propos de Dominique Strauss Khan: La déliquescence du socialisme, non sa quintessence.
https://www.renenaba.com/dominique-strauss-kahn-la-deliquescence-et-non-la-quintessence-du-socialisme-1/
https://www.renenaba.com/dominique-strauss-kahn-la-deliquescence-et-non-la-quintessence-du-socialisme-2/

C- Bernard Henry Lévy: Homme de son temps ou homme de l’OTAN?

L’enthousiasme à l’égard des fulgurances du jeune «nouveau philosophe» n’est plus ce qu’elle était, érodée par trop de plagiats, d’approximations, de mystifications. Le compte à rebours du septuagénaire flamboyant philosophe du botulisme, a commencé. Sur la pente déclinante de sa vie, ce plagiaire impénitent, falsificateur indécent, son œuvre, miroir des vanités intellectuelles de son temps, se dissipera.

En son for intérieur sa fin de parcours est déjà actée, contrecoup de ses turpitudes. Un dégagement inéluctable, sans doute, par un «nouveau philosophe», à son image, empressé de notoriété.
A n’en pas douter, le chef de file de l’offensive médiatique israélienne sur le théâtre européen subira de plein fouet la loi d’airain de la presse, la règle des 3 L (Lécher, Lâcher, Lyncher), dont son oraison funèbre en pâtira inexorablement. A ce stade de sa vie, plein de vitalité et de ressort, il en est encore au premier échelon. Sa descente aux enfers interviendra immanquablement dans une sorte de mouvement libératoire d’une trop grande révérence envers un bouffon.

Pour compléter le portrait de ce «chevalier du vide» l’analyse décapante de Jean Baptiste Botul, qui reprend par dérision le pseudonyme du journaliste du «Canard Enchainé» Frédéric Pagès auteur du canular sur le botulisme, le piège dans lequel tomba BHL: «Les preuves de l’inexistence de Bernard-Henri Lévy»:
«Tout chez toi est imaginaire (…) Ton existence morale, chevalier du vide, révèle l’inexistence sous l’armure des croisés de notre génération blanche. Et cette inexistence est inscrite en tes initiales, BHL. Tu n’as même pas de nom à toi, rien qu’un sigle, comme RATP ou SNCF».
Le texte complet de cet article qui s’apparente à une entreprise de démolition en règle est sur ce lien du site «les herbes entre les pavés» http://lherbentrelespaves.fr/index.php?post/2013/04/11/Les-preuves-de-l-inexistence-de-Bernard-Henri-Levy

L’identitarisme est la maladie du XXIe siècle», fruit de «L’alliance du républicanisme néo conservateur et du catholicisme traditionaliste pour la défense d’une Europe blanche et chrétienne», diagnostiquera à juste titre l’académicienne Danielle Sallenave. Et dans le cas particulier de la France du «Syndrome additionnel de Vichy». Une souillure indélébile.

https://www.renenaba.com/bhl-l-homme-des-ides-de-mars/

Cf à ce propos: https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/23/daniele-sallenave-l-identitarisme-est-la-maladie-du-xxie-siecle_5319970_3232.html

Son dernier ouvrage paru «L’Eglantine et le Muguet (Gallimard, 544 pages, 22,50 euros)»

Sur la nébuleuse BHL: Les nouveaux néo cons, une imposture française
https://www.madaniya.info/2017/04/18/nouveaux-neocons-une-imposture-francaise/

Pour aller plus loin sur ce thème de l’instrumentalisation de l’antisémitisme en France, ces deux liens:
https://www.madaniya.info/2017/04/07/de-l-accusation-d-antisemitisme-comme-arme-de-neutralisation-de-toute-critique-a-l-egard-d-israel/

A propos du mot d’ordre «Ne pas transposer le conflit israélo palestinien en France
https://www.renenaba.com/ne-exporter-conflit-israelo-palestinien-france/

 

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En France, la tête de liste d’un mouvement progressiste en campagne pour les européennes (Manon Aubry) a déclaré récemment dans un média que “ni Guaido ni Maduro n’ont la légitimité pour organiser de nouvelles élections au Venezuela”. Elle met ainsi sur le même pied un putschiste d’extrême droite, élu par personne, adoubé par Donald Trump, et un président démocratiquement élu lors d’un scrutin dont la transparence a été soulignée par les nombreux observateurs internationaux (parmi lesquels le respecté Conseil des Experts Electoraux Latino-Américains ou l’ex-premier ministre espagnol Rodriguez Zapatero). Les élections qui avaient permis d’élire l’Assemblée Constituante en 2017, furent organisées sur une initiative constitutionnelle de Maduro. Elles ont permis de sortir par le haut du cycle de violences de l’extrême droite qui avait déjà produit des dizaines de morts. Ce fut une nouvelle preuve de cette grande maturité politique, de cette volonté pacifiste qui caractérise la société vénézuélienne. Celle-ci a toujours su éviter la « colombianisation » vers laquelle l’Empire veut l’entraîner. Elle détient d’ailleurs un record continental : 25 scrutins en vingt ans de révolution. Enfin il n’appartient à personne de juger depuis Paris qui est capable ou non d’organiser des élections : les vénézuéliens les organisent en fonction de leur Constitution et de leur loi électorale. 

La position d’Aubry contraste avec celle du leader historique Jean-Luc Mélenchon, qui signe une analyse autocritique sur l’intervention en Libye, dénonce l’ingérence francaise au Venezuela, son “vieux fond de colonialisme” et sa soumission aux Etats-Unis. Des militants expliquent que la candidate Aubry “ne peut pas tout savoir sur tout” ou qu’elle a simplement “merdé au micro”. Mais sans doute le “ni-ni” répandu dans la génération post-moderne a-t-il une cause plus profonde : les champs politique et universitaire sont passés sous la domination du champ médiatique. Le sens commun sédimenté par l’hégémonie des médias a détaché le mot “Venezuela” du réel d’origine pour en faire un « marqueur » de respectabilité. Pour beaucoup de personnalités politiques, revues, journaux, centres de recherche, etc.. la question n’est plus “comment enquêter là-bas, comprendre, apprendre” mais “comment soigner, ici, mon image antitotalitaire dans l’opinion”. L’analyse d’Alan MacLeod montre qu’en ce domaine la France n’est que l’ombre portée de ce qui se passe aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Venezuelainfos

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BS1

Aux Etats-Unis les médias dominants ont toujours attaqué les gens de gauche pour leurs positions sur le Venezuela, systématiquement déformé et diabolisé (FAIR.org, 6/1/02, 11/1/05, 4/1/13, 2/22/19). Depuis l’aggravation des sanctions décidée par le président Trump et les indices de préparatifs d’une invasion annoncée (Fox News, 2/27/19), la campagne visant à piéger les partisans du Venezuela est passé à la vitesse supérieure. La droite de l’échiquier politique s’unit à l’establishment du parti démocrate pour dénoncer le candidat potentiel à la présidence, Bernie Sanders, pour sa position soi-disant favorable à la « dictature vénézuélienne ». Et les médias la rejoignent dans cette tâche.

BS2

Tweets de Bernie Sanders (1/24/19) sur le Venezuela.
Le gouvernement de Maduro a violemment réprimé la société civile vénézuélienne, il a violé la constitution en dissolvant l’Assemblée Nationale et a été réélu l’année dernière lors d’une élection dont nombreux observateurs ont dit qu’elle était frauduleuse. La situation économique est catastrophique et les gens émigrent par millions.
Les Etats-Unis devraient soutenir l’état de droit, des élections libres et régulières et l’auto-détermination pour le peuple vénézuélien. Nous devons condamner l’usage de la violence contre des manifestants désarmés et la répression de l’opposition.
Mais nous devons tirer les leçons du passé et ne pas nous consacrer à renverser des régimes ni à soutenir des putschs, comme nous l’avons fait au Chili, au Guatemala, au Brésil et dans la République Dominicaine.
Les Etats-Unis ont une longue histoire d’interventions à tort dans les pays d’Amérique Latine, il ne faut plus s’engager sur cette voie.

Et pourtant, les déclarations de Sanders sur la crise vénézuélienne (voir tweets ci-dessus) étaient très critiques du Président Nicolas Maduro, disant que la réélection de 2018 avait été « jugée frauduleuse par de nombreux observateurs ». Sanders avait condamné la “violente répression de la société civile vénézuélienne» et insisté pour que « l’aide humanitaire » soit autorisée dans le pays. Il s’est systématiquement opposé au Venezuela, appelant Hugo Chavez, le prédécesseur de Maduro, « un dictateur communiste mort ».

En réalité, les élections de 2018 ont été certifiées libres et régulières par plus de 150 observateurs internationaux, bien que les médias aient tu en chœur ces faits gênants. (FAIR.org, 5/23/18). Notons également que la “société civile” n’est pas un terme neutre mais lourdement connoté (FAIR.org, 1/31/19). Dans une étude de plus de 500 articles sur une période de 20 ans, j’ai conclu que le terme était exclusivement employé pour parler de l’élite blanche vénézuélienne, soutenue par les Etats-Unis, mais jamais pour se référer aux groupes de la population majoritairement noire et ouvrière qui soutiennent le gouvernement.

Les Nations Unies et la Croix-Rouge ont également rejeté l’”aide”étatsunienne exigée par Sanders du fait qu’elle était motivée politiquement, et ont longtemps travaillé en coopération avec le gouvernement vénézuélien pour apporter et distribuer une véritable aide internationale dans tout le pays. En outre, le bureau McClatchy DC (2/7/19) a déjà révélé que des armes des Etats-Unis étaient livrées clandestinement dans le pays. Par conséquent, les déclarations du sénateur appuyaient et faisaient écho à nombreux des arguments discrédités en faveur d’un changement de régime qu’avancent Trump, John Bolton et Elliott Abrams .

Mais en même temps, Sanders ne va pas jusqu’à soutenir la tentative du gouvernement Trump de renverser le gouvernement Maduro, alertant au fait que “nous devons tirer les leçons du passé et ne pas nous consacrer à renverser des régimes ni à soutenir des putschs , comme nous l’avons fait au Chili, au Guatemala, au Brésil et dans la République Dominicaine »

Les Etats-Unis ont une longue histoire d’interventions à tort dans les pays d’Amérique Latine, il ne faut plus s’engager sur cette voie.

Certains membres de l’establishment se félicitent de la position de Sanders. Dans un essai paru dans Foreign Policy, intitulé “La gauche continue de ne rien comprendre au Vénézuela” (1/28/19), l’écrivain James Bloodworth fait une distinction entre Sanders et des dirigeants politiques de gauche tels que Ilhan Olmar et Tulsi Gabbard qui seraient « partisans de dictateurs, tant que ceux-ci déclarent des platitudes anti-américaines » :

« Il est possible de s’opposer à l’interventionnisme des Etats-Unis sans trouver d’autres excuses à la dictature de Caracas. Les déclarations sans équivoque du Sénateur états-unien Bernie Sanders mettent en évidence l’absurdité de l’idée selon laquelle la gauche a quelque devoir que ce soit de protéger des dictateurs simplement parce qu’ils se prétendent socialistes. »

(Bloodworth a fait de cette traque des politiques-pro-Venezuela sa spécialité, écrivant le même article pendant des années—Spectator, 11/23/13; London Independent, 2/19/14; International Business Times, 7/4/17; New Statesman, 8/2/17; Huffington Post, 5/22/18.)

BS3

Gros titre : Bernie Sanders a tout faux sur ce qui se passe au Venezuela. Légende de la photo : Juan Guaido prend la parole lors de la présentation de son projet de gouvernement appelé « Plan pais » pour le « sauvetage du Venezuela » a la Facultad de Ciencias Economicas y Sociales de l’Université Centrale du Venezuela le 31 janvier 2019 à Caracas, Venezuela. The Washington Post (1/31/19) réprimande Bernie Sanders parce qu’il refuse de reconnaître “que les Etats-Unis relâchent leur volonté de faire tomber des régimes toxiques »

La plupart des médias dominants ont condamné la position de Sanders comme un soutien servile et honteux à une dictature. The Wall Street Journal (1/28/19) a attaqué le sénateur pour s’être inquiété du “changement de régime » : « Un changement de régime est exactement ce que veut le peuple du Venezuela. Bernie se range aux côtés du dictateur, qui survit au pouvoir seulement grâce à l’armée et aux renseignements cubains. »

Jackson Diehl, du Washington Post (1/31/19) a écrit que Sanders était “mal informé” et qu’il “avait tout faux sur le Venezuela”, puisque selon lui « les Etats-Unis ont évité un affrontement tous azimuts avec le Venezuela pendant des décennies », ignorant le soutien de Washington au renversement du gouvernement vénézuélien au moins depuis 2002, et les sanction dévastatrices qui ont paralysé l’industrie pétrolière et l’accès au crédit du pays.

Le Washington Examiner (2/21/19) a dit du sénateur que “l’immoralité l’étouffait” et “qu’il puait l’hypocrisie » parce qu’il refusait d’appeler au renversement de Maduro, alias le « boucher tueur d’enfants du Venezuela ». Le Miami Herald (2/1/19) a commencé un article par “Honte à vous, Bernie Sanders!”, affirmant que “répéter comme un perroquet la propagande du dictateur Maduro” rendait service à Trump en attirant des électeurs vers une position soi-disant plus raisonnée de la Maison Blanche.

Politico (2/21/19) accentue la pression sur Sanders, affirmant qu’il ne pouvait pas être candidat des démocrates parce qu’il cautionnait un « dictateur », prêtant le flanc à toutes les attaques vues ses remarques « révoltantes », « hors-sol » et « extrêmement ignorantes » qui prouvaient « qu’il ne sera pas le candidat du Parti Démocrate » parce qu’ « il ne comprend pas la situation ».

Politico a présenté Maduro comme un tyran isolé et la position de la Maison Blanche en faveur d’un changement de « régime » comme preuve de bon sens. En signe d’équilibre, il n’oublie pas d’ informer ses lecteurs que des pays comme la Corée du Nord, la Syrie, l’Iran et la Russie s’opposent à ce plan, sans leur dire que des gouvernements tels que ceux de la Norvège, l’Italie, la Suisse, le Mexique, l’Inde, la Chine ou l’Afrique du Sud, qui ne sont pas constamment diabolisés par les médias étatsuniens reconnaissent également le président Maduro.

BS4

Wolf Blitzer (CNN, 2/26/19) demande à Bernie Sanders pourquoi il n’emploie pas le terme validé par la propagande lorsqu’il condamne Maduro.

Pendant plus d’un mois, les médias n’ont cessé de poursuivre Sanders avec la même question. Il a été mis sur le grill en direct par Wolf Blitzer lors d’un passage sur CNN le 25 février. (CNN, 2/26/19): “Pourquoi n’avez-vous jamais dit de Maduro que c’est un dictateur ?» lui a demandé le journaliste.

En réalité 75 pour cent des pays du monde ont rejeté la position des Etats-Unis selon laquelle Juan Guaido est le président légitime du Venezuela, d’après une étude de Venezuelanalysis (2/6/19). L’ONU a officiellement condamné les sanctions des Etats-Unis. Un rapporteur spécial des Nations Unies les a comparées à un “siège médiéval” et a déclaré que les Etats-Unis étaient coupables de “crimes contre l’humanité” (London Independent, 1/26/19). Ces vérités dérangeantes sur lesquelles repose la compréhension de la situation n’ont pas été mentionnées par le New York Times, ni par CNN, MSNBC ou d’autres médias nationaux.

L’opinion internationale, qui n’est jamais en faveur des Etats-Unis, est vite en train de devenir hostile aux plans de Trump, dont la plupart sont tacitement ou explicitement entérinés par Sanders. Les Etats-Unis ont été fortement critiqués lors d’une séance du Conseil de Sécurité (2/26/19), tandis que le Groupe de Lima—un ensemble d’états latinoaméricains de droite, créé par Washington expressément pour promouvoir le changement de régime au Venezuela – est en voie de désintégration. Même le gouvernement fascisant du Brésil a retiré son soutien aux préparatifs militaires, déclarant qu’il ne participerait en aucun cas à une invasion (The Hill, 2/25/19). D’autres partenaires-clefs comme la Colombie, le Chili et le Pérou ont fait des déclarations analogues, tandis que des alliés européens importants tels que l’Espagne et l’Allemagne ont rejeté l’option militaire (Guardian, 2/25/19). Ainsi, en tentant d’isoler le Venezuela, la position extrême adoptée par les Etats-Unis ne fait-elle que les isoler eux-mêmes.

Néanmoins, alors que la politique étrangère des Etats-Unis est considérée comme trop extrémiste… même par des gouvernements d’extrême-droite comme celui du Brésil, les médias continuent de faire pression sur Sanders pour qu’il se conforme à cette politique agressive. Bien que Sanders a dénoncé Maduro et soutenu les douteuses exigences “humanitaires” des Etats-Unis, son simple rappel de l’histoire des Etats-Unis en matière « d’interventions inappropriées dans les pays latinoaméricains » semble encore être de trop pour les journalistes de la télévision et de la presse écrite.

Dans leur étude fondatrice sur les médias La Fabrique du consentement, Edward Herman et Noam Chomsky ont expliqué qu’il existait dans la presse une religion laïque antisocialiste omniprésente. Ils ont signalé que les gens de gauche aux Etats-Unis sont constamment accusés de soutenir “les atrocités” des pays “socialistes”, les mettant en permanence sur la défensive et leur exigeant d’apporter leur soutien aux politiques réactionnaires à l’étranger pour prouver leur bonne foi démocratique.

BS5

Titre: La tragédie du Venezuela montre à quel point Jeremy Corbyn et ses acolytes sont dangereux. The London Telegraph (2/4/19) démontre que le piège du Venezuela est un outil commode des deux côtés de l’Atlantique.

L’épouvantail du Venezuela est si utile, que l’on s’en sert dans le monde entier pour que les politiques de gauche soient forcés de soutenir le changement de régime sous peine de s’exposer au blâme. Tantôt, c’est le Daily Telegraph (2/4/19) qui prétend que “la tragédie du Venezuela” montre à quel point le leader du Parti Travailliste du Royaume-Uni, Jeremy Corbyn, est “dangereux”, tantôt c’est le Daily Express (2/5/19) qui accuse Corbyn de « faillite morale » parce qu’il a insuffisamment dénoncé Maduro. Pendant ce temps, le Premier Ministre grec a été condamné pour son refus de soutenir ceux qui « se battent pour un Venezuela démocratique » (Ekathimerini, 2/7/19).

Sanders a déjà été confronté à ce type de chantage, à propos de sa position sur la Russie, un autre ennemi officiel. Bien qu’il a toujours souscrit au discours sur le Russiagate et qu’il a condamné le Président Vladimir Poutine pour son ingérence dans les élections aux Etats-Unis, il a été lui-même constamment traité de marionnette de la Russie (FAIR.org, 7/27/18). Le Washington Post (11/12/17) a demandé a ses lecteurs: “Lorsque la Russie d’ingérera dans les élections de 2020 au nom du candidat à la candidature démocrate Bernie Sanders, comment les progressistes vont-ils réagir ?”

En fait, plus aucune position n’est acceptée par les médias qui ne soit la soumission intégrale à ce chantage intellectuel. Ce tir de barrage « anti-rouges » est une technique éprouvée qui consiste à faire rentrer dans le rang tout avis s’éloignant de l’opinion « respectable ». Toute personne qui ne serait pas assez enthousiaste vis-à-vis d’un changement de régime dans « l’arrière-cour » des Etats-Unis s’expose à une démolition et à une diffamation en règle. Sanders devrait le savoir, qui présenta un jour une conférence de Noam Chomsky (5/20/85) en expliquant que la déformation de l’image des pays latinoaméricains est un élément préalable à l’intervention militaire.

Alan MacLeod

 

A article original en anglais : Venezuela-Baiting: How Media Keep Anti-Imperialist Dissent in Check, FAIR, le 5 mars 2019.

Traduction et source pour la version française : venezuelainfos

Alan-MacLeod

Alan MacLeod est membre du Groupe sur les Médias de la Glasgow University. Son dernier ouvrage “Bad News From Venezuela: 20 Years of Fake News and Misreporting” (Venezuela : 20 ans de mensonges ou d’inexactitudes) a été publié par Routledge en avril 2018.

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L’aube d’un «nouveau Mexique »

mars 9th, 2019 by Claude Morin

J’ai appris à aimer le Mexique. Depuis 1969, j’y ai fait 18 séjours qui totalisent une trentaine de mois. Je lui ai consacré mon mémoire de maîtrise, ma thèse de doctorat et de nombreux écrits. Je l’ai parcouru à plusieurs reprises depuis la frontière nord jusqu’au Yucatán. Je reviens d’un séjour de trois semaines. Ce pays a occupé une grande place dans ma vie professionnelle. Mais depuis une trentaine d’années, j’accumulais déceptions et frustrations. Quatre problèmes accaparaient mon attention : 1- la pauvreté endémique et majoritaire; 2- la corruption verticale, du haut vers le bas de la pyramide sociale; 3- la violence systémique (domestique, patronale, policière, mafieuse); 4- l’impunité généralisée (une justice qui protégeait les puissants et une police incompétente et véreuse). La fraude électorale avait de plus entraîné un abstentionnisme croissant. L’horizon paraissait bouché.

Le 1er juillet 2018, 70 % des Mexicains sont allés voter, le meilleur taux de participation depuis des décennies. Ils ont élu Andrés Manuel López Obrador (AMLO), l’ancien maire de Mexico (2000-05), âgé de 65 ans, un politique aguerri issu du Tabasco, qui en était à sa troisième tentative d’arracher la présidence. Face à quatre autres candidats, il a obtenu une majorité absolue (53 %). Il a su gagner la confiance d’un peuple. Même les élites qui le redoutaient comme un dangereux « gauchiste » ou « populiste » n’ont pu lui opposer la fraude comme elles l’avaient fait en 2006. Sa popularité était trop grande, sa capacité de mobilisation trop évidente. Cette fois il a conquis la présidence à la tête d’un parti-mouvement qu’il a créé (Morena : Mouvement pour la Régénération Nationale) et d’une coalition (Ensemble nous ferons l’histoire) qui lui a assuré une majorité au Congrès. Morena doit son succès à la construction d’une base territoriale fondée sur des demandes locales, des mouvements revendicatifs et un tissu de loyautés traditionnelles ainsi qu’au grand capital de confiance dont AMLO disposait auprès de nombreux secteurs.

Homme réfléchi, d’une grande culture, auteur de six livres, modeste et pragmatique, AMLO a fait campagne au nom d’une « quatrième transformation » nécessaire. La première (1810-1821) avait abouti à l’indépendance. La seconde (1858-1861) avait réformé l’État désormais séparé de l’Église. La troisième (1910-1920) avait mis fin à la dictature et doté le pays d’une constitution avancée. La quatrième devrait mettre en place un véritable État de droit, une « vraie » démocratie et libérer le pouvoir politique de l’emprise du pouvoir économique. Et AMLO, en excellent connaisseur de l’histoire mexicaine, de citer ses modèles d’hommes publics : Juárez, Madero et Cárdenas. Le président a commandé l’élaboration d’une « Constitution morale » afin de  développer chez ses compatriotes une conscience éthique comme le proposait Alfonso Reyes dans sa Cartilla moral en 1944.

Il a proclamé l’« austérité républicaine » qu’il pratiquait déjà à l’époque où il était maire de Mexico, habitant un cottage de Tlalpan, un quartier de classe moyenne, avec sa conjointe Beatriz Gutiérrez Müller, historienne et spécialiste des communications, auteure de plusieurs ouvrages. AMLO a ainsi réduit de moitié son salaire mensuel, l’abaissant à 5 700 USD. Il a renoncé à la résidence présidentielle (Los Pinos) et en a fait un centre culturel au profit des citoyens, installant ses quartiers au Palais national sur le Zocalo. Tous les matins, à 7h, il y tient une conférence de presse afin d’informer les citoyens par l’entremise des journalistes. Il a mis en vente l’avion présidentiel et voyage sur des vols commerciaux, se soumettant aux mêmes contrôles que ses compatriotes. Désormais aucun fonctionnaire ne pourra gagner plus que lui. Dans les ministères l’écart entre le mieux payé et le moins payé ne devra pas dépasser un rapport de 12 pour 1, alors que présentement des cadres peuvent gagner 80 fois ce que gagnent les salariés les moins bien payés. Les juges ont accepté de s’imposer une baisse de traitement de 25 % ramenant leurs émoluments mensuels à 10 000 USD.

Il s’est engagé à réduire la pauvreté par la hausse du salaire et la création d’emplois. En vertu d’un pacte avec le patronat, il a décrété une hausse de 16 % du salaire minimum, la plus forte hausse en 23 ans. Le salaire minimum est ainsi passé de 88 à 102 pesos par jour (5,11 USD). Mais dans la zone frontalière nord, le salaire a été porté à 176 pesos (8,79 USD). Une étude du Coneval a établi que le pouvoir d’achat réel des ménages à faible revenu avait diminué de 20 % entre 1992 et 2016 et que 53,4 millions de Mexicains (43,6 % de la population totale) vivaient sous le seuil de pauvreté, dont 7,6 millions qui vivaient dans l’extrême pauvreté. La moitié des enfants mexicains – plus de 20 millions – vit dans la pauvreté. Le gouvernement veut développer l’économie sociale. Il prévoit doubler la valeur des prestations de retraite et accorder une pension universelle aux personnes souffrant d’un handicap. 

Il entend améliorer et étendre l’éducation en distribuant 10 millions de bourses (son slogan de campagne était : « Becarios sí, sicarios no »). Il parle de créer 100 universités publiques. Soucieux de valoriser le métier d’enseignant, il a mis fin aux évaluations arbitraires qu’avait instituées l’administration précédente. La création de deux millions de postes d’apprentis salariés en entreprise facilitera l’embauche des jeunes. Les entreprises ont déjà offert 300 000 postes. 

L’accès aux soins de santé sera amélioré pour tous. Actuellement bien des Mexicains, ceux qui travaillent dans le secteur informel, n’ont pas accès aux soins ni aux médicaments gratuits réservés aux salariés qui paient des cotisations rattachées à leur condition de syndiqués. 

Un combat sans merci sera mené contre la corruption et l’impunité. Une loi ferait de la corruption un délit grave, ce qui impliquerait que les membres du gouvernement, y compris le président, perdraient leur immunité et pourraient être jugés pour un tel délit au cours de leur mandat. Récemment AMLO s’est attaqué au vol de carburant qui afflige la rentabilité de Pemex. Ce vol a représenté des pertes de plus de 3,3 milliards USD en 2018, soit 60 % de ce que coûtera la hausse des pensions aux retraités! La « traite des oléoducs » s’est développée depuis 2000 sans que l’État ni Pemex n’interviennent. Des fortunes sont nées du détournement de carburant. En 2018, il y aurait eu 12 000 saignées. Les huachicoleros sont membres de cartels qui perforent les oléoducs, quitte à ce que de petites gens se servent ensuite, au risque de périr dans une explosion comme cela s’est produit dans l’État de Hidalgo. Les militaires ont été mobilisés pour la surveillance. Des oléoducs ont été fermés, obligeant Pemex à acheter des centaines de camions-citernes. Des pénuries de carburant en ont résulté, car le pays consomme 800 000 barils par jour.   

Le Mexique entend récupérer sa souveraineté. Il ne sera plus une «piñata » que les invités rompent pour s’approprier les friandises. Le Mexique s’est retiré du Groupe de Lima dont la seule fonction était était d’œuvrer à un changement de gouvernement au Venezuela pour le compte des États-Unis. AMLO a rappelé le principe de base de la diplomatie mexicaine : la non-ingérence dans les affaires des autres pays. Et de prôner la résolution pacifique des conflits par la médiation.  

Le commerce avec les États-Unis est un volet essentiel de l’économie mexicaine. Les échanges entre les deux pays totalisent annuellement 600 milliards USD et les investissements directs US dépassent les 100 milliards. Plus de 1,2 million d’emplois aux États-Unis reposent sur les exportations au Mexique. On doit comprendre que la construction d’un mur sur la frontière gênerait ces échanges. Il ne saurait être question que la facture soit refilée au Mexique d’aucune façon. Concernant l’émigration, le Mexique veut par la création d’emplois mieux rémunérés réduire à la source l’incitatif à l’émigration transfrontalière. Il a demandé au voisin du Nord de participer à un programme de développement pour les pays d’Amérique centrale d’où partent ces caravanes de migrants qui inquiètent tant Donald Trump et ses partisans.

AMLO devra s’attaquer à l’insécurité et à la violence, celles qui sont imputables aux cartels et celles qui proviennent des forces de sécurité, avec comme bilan plus de 100 000 morts et des dizaines de milliers de disparus depuis 2006. La disparition forcée a commencé en 1968 sous la présidence de Díaz Ordaz. D’abord occasionnelle elle est devenue une pratique courante vers 1974 et au-delà sous l’empire de la « guerre sale ». Elle a pris une grande ampleur sous Calderón à la faveur de la guerre contre les narcotrafiquants, puis a continué de plus belle sous Peña Nieto. Le nombre de disparus s’établissait en janvier 2019 à 40 180. Selon AMLO, les problèmes de sécurité publique sont liés à la décomposition des corps policiers et à la corruption qui les gangrène. Il vient d’obtenir du Congrès et des États l’aval pour la création d’une Garde nationale composée de soldats de la marine, de l’armée et de la police fédérale, sous le commandement du ministère de la Défense. La militarisation de la sécurité publique a néanmoins soulevé des objections et des inquiétudes tant il est vrai que les militaires en ont mené large sous les administrations antérieures. On peut déjà porter au crédit du gouvernement la libération de prisonniers politiques et l’annonce d’une révision d’autres détentions sans procès. Beaucoup des prisonniers libérés étaient des résistants à la réforme éducationnelle. La détermination à ne pas criminaliser la protestation sociale est aussi très encourageante. Le gouvernement a enfin créé une commission d’enquête sur la disparition (donc l’assassinat) en septembre 2014 des 43 étudiants d’Ayotzinapa et le rôle qu’a tenu le gouvernement Peña Nieto dans l’exécution et le camouflage.  

Si la « quatrième transformation » du Mexique peut soulever espoirs et enthousiasme, la tâche demeure titanesque. AMLO est pressé d’appliquer son programme, ce qui ouvre la porte à des improvisations et à des dérapages. Le président est élu pour un mandat de six ans non renouvelable. S’il n’est pas tout-puissant comme à l’époque de Porfirio Díaz, il dispose de beaucoup plus de pouvoir que le président des États-Unis, n’ayant pas à affronter une séparation des pouvoirs aussi rigide et un système de poids et de contrepoids. Il entend gouverner avec le peuple et le consulter au besoin quitte à bousculer les institutions et de gros intérêts. Déjà il a annulé le projet de construction d’un nouvel aéroport de Mexico après avoir consulté les citoyens affectés. Cette décision comme celle de relancer la production et la distribution d’électricité par l’entreprise d’État créent des remous et des résistances dans le secteur privé. Les uns en attendaient de juteux contrats de construction alors que les autres se sont enrichis de la vente de l’électricité à prix forts. La connivence entre les hautes sphères du pouvoir et les milieux d’affaires fut à l’origine d’enrichissements illicites. 

Il est évident qu’AMLO dérange : des médias puissants deviennent la voix de l’opposition à ses mesures, à ses projets. Le président se fait de nombreux ennemis, ce qui ne peut qu’inquiéter son entourage dans un pays où l’assassinat politique a pris une ampleur dramatique. La dernière campagne électorale fut la plus mortelle de l’histoire mexicaine. Nombre d’élus et de militants ont récemment payé de leur vie leur engagement pour le changement. 

Il n’empêche que la perception du public est toute autre. À près de 100 jours de son entrée en fonction, AMLO peut se targuer d’un taux d’approbation qui frise les 80 %, une situation totalement inédite dans le Mexique.  

Claude Morin

 

Claude Morin. Professeur (retraité) d’histoire de l’Amérique latine, Université de Montréal.

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Mondialisation.ca publie le témoignage d’une journaliste algérienne qui nous a envoyé son point de vue sur les grandes manifestations qui ont lieu en ce moment en Algérie.

L’Algérie affronte aujourd’hui une scène politique tragi-comique :

  • d’un coté : des manifestations de masse contre la candidature illégale d’un président à moitié mort, en tous cas paralysé ;
  • de l’autre coté, un système qui ignore les revendications populaires et insiste pour l’imposer le président Bouteflika, même si cela viole la Constitution et les lois.

Pour la troisième fois, le système algérien a annoncé la candidature du président Bouteflika, pour un cinquième mandat. Pourtant, la constitution n’autorise pas plus de deux mandats consécutifs. Les Algériens protestent depuis deux semaines, par des manifestations de masse à travers le pays, pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie.

Les citoyens algériens se posent de nombreuses questions :

– L’Algérie deviendra-t-elle une nouvelle Libye ?

– Le Pouvoir a-t-il réellement l’intention d’utiliser la force pour imposer le président Bouteflika, bien qu’il soit paralysé, que ce soit contraire à la Constitution et malgré le rejet populaire ?

– Pourquoi la France et les États-Unis sont-ils indifférents à ce qui se passe en Algérie, alors qu’ils y sont les plus avantagés ?

– Pourquoi les médias internationaux ignorent-ils le mouvement populaire en Algérie ?

– Le pays connaîtra-t-il un sort similaire à celui de Bahreïn au début du « Printemps arabe » ?

– Pourquoi les gens manifestent-ils à ce moment précis ?

– Ces manifestations sont-elles spontanées ?

– Pourquoi les élites soutiennent-elles les deux parties en même temps ?

– Pourquoi la presse se range-t-elle derrière le Pouvoir et déforme-t-elle la réalité des événements ?

– Pourquoi l’un des dirigeants du Parti islamiste dissout est-t-il soudain toléré et autorisé de parler et de blanchir son image ?

– Pourquoi l’armée est-elle neutre alors que tous les indicateurs mettent en garde contre une crise sécuritaire ?

– Pourquoi tous les partis d’opposition se retirent-ils de la compétition électorale, en faveur du Pouvoir, comme en 1999 ?

Beaucoup de questions restent sans réponses. Que se passe-t-il maintenant? Depuis presque deux semaines, les Algériens de toutes les régions descendent dans les rues afin d’empêcher le gouvernement de violer à nouveau la Constitution et de nommer un président qui ne peut ni tenir un stylo, ni répondre aux salutations. Incapable de mener une vie normale, comment peut-il assumer les fonctions d’un chef d’État ?

Un système illégitime

Le système actuel, étrangement arrivé au pouvoir en 1999, a perdu sa légitimité juridique depuis 2009, après avoir violé ouvertement la Constitution. Le président Bouteflika a passé deux mandats officiels, comme stipulé par la loi (malgré la fraude électorale qui a été avouée par vainqueur lui-même). Il aurait dû se retirer en avril 2009, mais il a duré dix ans de plus et a apporté plusieurs modifications à la Constitution pour se légaliser, même si ces modifications n’ont pas été approuvées par référendum.

Au cours des dix dernières années, le Pouvoir a été transféré de facto à Saïd Bouteflika, le frère du président élu. Après l’accident vasculaire cérébral du président, en 2013, le Pouvoir a affaibli ou détruit les institutions officielles qui pourraient constituer une menace pour lui. Ainsi le DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité) a été démantelé, puis rattaché à la présidence de la République. Il ne s’occupe plus de l’information, de la communication, de la sécurité de l’armée et de certains pouvoirs de police judiciaire.

Les agents du Renseignement qui ont enquêté sur les affaires de corruption ont été évincés d’une manière ou d’une autre. Les hauts fonctionnaires des ministères travaillant pour les services de Renseignement ont été poursuivis et emprisonnés.

Les « hommes de Bouteflika » corrompus n’ont pas été inquiétés, ceux qui étaient accusés ont tous été acquittés (Sonatrach1 et 2, Autoroute est-ouest… entre autres). La direction du Renseignement, qui était chargée d’enquêter sur la corruption et le pillage de fonds publics, a été apurée, les dossiers ont été clos, les responsables ont été acquittés.

L’armée est l’institution la plus sensible du pays : tous ceux qui ne sont pas favorables a une réélection du président Bouteflika ont été démis de leurs fonction, ou mis à la retraite, au motif qu’ils ont atteint les 60 ans. Mais, proche de Saïd Bouteflika, le général Ahmed Gaïd Salah (79 ans) a été promu chef d’état-major.

Cela explique les procès, très médiatisés, intentés à certains officiers généraux et supérieurs, puis leur acquittement. Le but de cette opération était d’intimider les opposants à une présidence à vie. C’était une mise en garde aux opposants. Le Parlement et la presse sont devenus des outils aux mains du Pouvoir.

Un président otage

La dernière fois que le président a parlé à son peuple, c’était en mai 2012. Il a alors déclaré qu’il n’était plus la personne que les gens attendaient. Abdelaziz Bouteflika savait que sa santé commençait à se dégrader. Un an plus tard, il a eu une attaque cérébrale. Il a été hospitalisé au Val-de-Grâce, l’hôpital militaire français, pendant près de 80 jours. N’étant plus apte physiquement et mentalement, l’article 88 de la Constitution stipule que la vacance doit être annoncée, qu’un intérim doit être organisé durant 45 jour, et que l’on doit procéder à l’élection de son successeur.

Des manifestation contre un quatrième mandat, exigeant l’application de l’article 88, ont été réprimées par les forces de police. Rien n’y a fait. Il a continué à occuper ses fonctions. Alors qu’il perdait ses facultés physiques et mentales, il y avait toujours quelqu’un pour parler en son nom.

Encore une fois, en 2014, la Constitution (qui interdit au président de briguer plus de deux mandats consécutifs) a été violée et Abdelaziz Bouteflika a été « élu » président pour la quatrième fois, sans le consentement du peuple. Il a prêté serment, épuisé, incapable de lire.

Depuis son AVC en 2013, les Algériens avaient remarqué que la santé de leur président —que l’on aperçoit très rarement à la télévision— se détériorait de plus en plus : il ne pouvait plus bouger les membres inférieurs, il ne peut plus désormais bouger la tête, ni les bras. Il ne peut pas bouger plus d’une main, sans pouvoir lever la tête pour voir qui le salue ou lui parle. Il est toujours accompagné. Une personne parle et signe en son nom. Au cours des deux dernières années, il s’est totalement éclipsé. Seulement quelques personnalités -dont le président français, Emmanuel Macron- se sont affichés à coté de lui, pour prendre une photo.

Le président n’est apparu que quelques fois en six ans. Il n’a eu de cesse d’annoncer que ce serait son dernier mandat et que tout autre que lui ne serait pas autorisé à exercer plus de deux mandats.

Au cours des cinq dernières années, usurpées de 2014 à 2019, le système a persisté en violant la constitution au risque de provoquer le chaos.

Tout indique que le véritable dirigeant actuel de l’Algérie est son frère, Said Bouteflika, celui qui l’avait amené à l’hôpital du Val-de-Grâce et interdit à quiconque de le voir. Depuis, il place ses hommes aux endroits stratégiques et liquide tous ceux qui ne servent pas ses objectifs.

Après cette date, personne n’a revu le président. Les ministres, les gouverneurs et les hauts fonctionnaires de l’État ont été nommés par de simples lettres portant son cachet. En ce qui concerne l’armée, Saïd a gardé le général Ahmed Gaïd Salah et s’en est servi pour dégager les généraux nationaux et tous ceux qui soutenaient la loi.

Les Algériens ne se sentent plus en sécurité et craignent une guerre civile. Gaïd Salah ne jouissait pas d’une bonne réputation au sein des armées, dont il avait déjà été expulsé. Il a été nommé chef d’état-major en remplacement du général Mohamed al-Amari, qui s’était opposé à la reconduction du président Abdelaziz Bouteflika.

Saïd s’est efforcé d’être invisible. Il n’apparaît pas dans les médias, tandis que tout ce qui arrive est attribué à son frère. Toutes les correspondances administratives et officielles sont estampillées au nom du président élu, tandis que des chaînes de télévision ont été créées pour le glorifier et tout lui attribuer.

Le Peuple emprisonné

Pourquoi le Pouvoir insiste-t-il à porter la candidature d’Abdelaziz Bouteflika malgré sa paralysie physique et mentale ? Pourquoi ne lui trouve-t-il pas de successeur ? Une lettre a certes été publiée (bien sûr au nom d’Abdelaziz Bouteflika) promettant aux Algériens de nombreuses réformes. Son langage suggère qu’il va gagner.

Le Pouvoir a tenté de paraître démocratique, ne réprimant pas les marches pacifiques contre cette mascarade. En même temps, il n’a pas oublié d’utiliser le langage de l’intimidation contre le peuple qui a souffert de la dégradation continue de son niveau de vie pendant les quatre derniers mandats. Un appel téléphonique entre deux des hommes les plus puissants du pays, a été divulgué : Abdelmalek Salal, ancien Premier ministre et directeur de campagne du président jusqu’à son limogeage la semaine dernière, s’entretient avec Ali Haddad, le milliardaire qui préside le patronat algérien, sur la possibilité de recourir de l’utilisation de Kalachnikovs.

Les observateurs estiment que cet appel a été délibérément publié pour d’intimider les manifestants qui entendent occuper la rue jusqu’au retrait de la candidature du « cadavre ».

De son coté, le Premier ministre Ahmed Ouyahia (favorable à l’arabisation du pays) a déclaré que les manifestations actuelles peuvent conduire au même scénario qu’en Libye et en Syrie… un discours enraciné par le Pouvoir depuis le début du «Printemps arabe».

Des foules de manifestants ont réagi, vendredi, lors d’un grand rassemblement dans la capitale, en scandant : « L’Algérie n’est pas la Syrie ».

Les Algériens ont beaucoup souffert depuis 1990, le terrorisme islamique a détruit la plupart des institutions et anéanti presque complètement la vie économique. Les mandats successifs d’Abdelaziz Bouteflika n’ont pas changé grand-chose.

L’exportation d’hydrocarbures, l’importation de produits essentiels et de luxe se sont développés. Mais quelques années plus tard, l’échappatoire financière a pris fin, des milliards de dinars ont disparu, les gouvernements ont annoncé la faillite et l’austérité, le pouvoir d’achat des citoyens a été réduit au minimum, les hôpitaux et les structures de base du pays ont été restreints.

Pendant le règne de Bouteflika, le taux de criminalité a atteint un niveau élevé, tout comme le nombre de toxicomanes, l’état des hôpitaux s’est détérioré, l’éducation a perdu sa valeur après un certain nombre de programmes éducatifs infructueux, ce qui s’applique au reste de la vie. En Algérie, une seule chose a réussi: la corruption sous toutes ses formes.

Aujourd’hui, le peuple ne peut plus supporter cette situation. Les médias algériens ne lui permettent pas de s’exprimer, tandis que les médias internationaux le traitent superficiellement. Le Pouvoir ignore la loi et la Constitution de manière claire et flagrante, et désigne pour la cinquième fois un «mort-vivant» sans être dénoncé par quiconque, ni à l’intérieur du pays, ni à l’extérieur.

Les détails sont pleins d’étrangetés et de contradictions : la loi stipule que le candidat doit déposer lui-même son dossier de candidature auprès du Conseil constitutionnel. Le président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Abdulouahab Darbal, a répété que les candidats à l’élection présidentielle devaient se rendre à son siège pour déposer leurs dossiers. Mais l’avion du président, qui l’a amené à Genève pour se faire soigner, est revenu vide…

Abdelmalek Sellal, directeur de campagne du président a été limogé. Le ministre des Transports, Abdelghani Zaalane, lui a succédé. Il a présenté les documents de Bouteflika au Conseil constitutionnel, bien que la loi l’interdise. Il a déclaré à la presse qu’il a déposé le dossier au nom d’Abdelaziz Bouteflika, car son état de santé l’empêche de le faire lui-même, puis a souligné sans honte qu’il a joint un certificat médical attestant que le président est en bonne santé. En outre, il a déposé au moins 3 millions de signatures pour soutenir la candidature, sans que l’on sache comment il les a obtenues.

Les Algériens n’ont pas été surpris par cette attitude : pendant 20 ans, ils ont constaté que la loi s’appliquait de manière rigoureuse aux opposants, tandis que les Bouteflika et leurs alliés faisaient ce qu’ils voulaient au grand jour, sans que personne ne les oblige à rendre de compte.

Abdelaziz Bouteflika peut-il vraiment gouverner l’Algérie pendant encore cinq ans,malgré son état de santé?

Le journal suisse La Tribune de Genève a confirmé que le président algérien était toujours présent dans le complexe hospitalier de Genève et qu’il n’y avait aucune indication qu’il se préparait à quitter la Suisse.

En cette période difficile, le médecin algérien, Hussein Bouraoui, a délivré au Conseil constitutionnel un document médical, daté du 3 mars 2019, attestant l’incapacité totale de Bouteflika à exercer ses fonctions,

Ce médecin lui a déjà fait passer des tests précis et a confirmé dans sa dernière lettre que Bouteflika est totalement inapte à gouverner.

La presse ne peut dire la vérité, elle doit toujours choisir entre les menaces ou les pots de vin… plus de 10 millions de citoyens sont descendus dans les rues de différentes villes pour réclamer le respect de la loi. Tandis que les journaux ont écrit que seulement quelques centaines de personnes sont sorties dans la rue pour exiger des réformes politiques.

Les gens échangent sur Facebook et tentent de briser le siège : ils ont appelé à un boycott définitif de la presse. Les ventes de journaux ont drastiquement diminué et les propriétaires de presse paniquent.

Khalida Bouredji

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On sait déjà que les États-Unis installent des micropuces sur les armes exportées avec lesquelles ils peuvent localiser leur position par satellite. Et si les États-Unis le veulent, ils peuvent bloquer les tirs de loin. Ces micropuces sont encapsulées et scellées, et les mécaniciens au sol ne sont pas autorisés à y toucher.

C’est le cas des avions F-16 et des systèmes anti-aériens Patriot exportés qui opéreraient contre des avions américains. Cette mesure a été initialement appliquée aux États musulmans, en particulier les États arabes, voisins d’Israël, qui est le premier allié des États-Unis.

L’allié des États-Unis pakistanais dans le cadre de la formation et de l’armement des talibans combattant les Soviétiques en Afghanistan a reçu une aide militaire de 35 milliards de dollars par an, parmi lesquels, 85 avions F-16.

De ce point de vue, l’incident aérien mettant en cause des avions indiens et pakistanais revêt une importance particulière. Les États-Unis prétendent ne pas savoir si le Pakistan utilisait des F-16 et si l’un d’entre eux avait été abattu.

L’Inde est le plus grand importateur d’armes russes, dont les avions Su-30 assemblés localement. Elle a entamé le processus de sélection du type d’avion pour remplacer les 115 MiG-21. La valeur du contrat est de 18 milliards USD.

Si l’Inde choisit le F-16, elle paierait cet argent aux Etats-Unis. Dans une éventuelle mission de bombardement au Pakistan, l’allié américain, l’Inde pourrait avoir la surprise que ses F-16 ne soient pas en mesure de détecter quoi que ce soit ou de lancer des missiles. Dans ce cas, tous les F-16 indiens envoyés à l’intercepteur seraient abattus.

Un autre avion en concurrence pour un contrat de 15 milliards USD est le JAS 39 Gripen. L’avion suédois a un radar AESA conçu par BAe Systems et fabriqué en Italie. BAe gère la cybersécurité de l’OTAN et se classe 6ème au sommet des fournisseurs d’armes américains.   Le moteur est un F414G, produit par la firme américaine General Electric. C’est tout aussi simple pour les États-Unis de faire avec le Gripen, comme avec le F-16, si l’Inde achète ces avions.

 Valentin Vasilescu

 

Traduction AvicRéseau International

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N’oublions pas les femmes autochtones

mars 8th, 2019 by Marion Buller

Le 8 mars, des femmes de toutes les régions du globe imaginent des façons originales de souligner leurs réalisations et de promouvoir un monde plus équitable dans lequel les filles du monde entier pourront s’épanouir et réaliser leur plein potentiel. Cette année, le thème privilégié de la Journée internationale des droits des femmes est l’appel à l’action pour accélérer la réalisation des objectifs d’équilibre entre les sexes. Nous souscrivons entièrement à l’objectif de cette journée mondiale que l’on célèbre depuis 1911, soit depuis plus d’un siècle : améliorer la situation sociale, économique, culturelle et politique des femmes.

Cependant, nous ne pouvons pas tendre à l’égalité tant que nous n’aurons pas reconnu et tenté d’éliminer la violence que vivent trop de femmes et de filles. Des rapports de l’Organisation mondiale de la santé indiquent qu’au cours de leur vie, 35 % des femmes dans le monde sont victimes de violence physique ou sexuelle, et ce chiffre ne représente que les cas de violence signalés.

Une autre réalité inacceptable est qu’ici même, au Canada, les femmes et les filles autochtones sont douze fois plus susceptibles d’être victimes de violence que les femmes non autochtones. La Gendarmerie royale du Canada a dénombré plus de 1200 femmes et filles autochtones portées disparues ou assassinées entre 1980 et 2012, et ce nombre continue d’augmenter. En effet, la collecte de données est incomplète et signifie que la réalité est bien pire encore.

Ces femmes et ces filles — des mères, des tantes, des soeurs, des nièces — ne sont plus. Leurs rêves, leurs talents, leurs aptitudes ne se concrétiseront jamais, et cela, c’est une perte incommensurable non seulement pour ces familles, mais pour nous tous. Aujourd’hui, nous utilisons l’expression « équilibre entre les sexes », mais comprenons-nous ce qu’elle signifie vraiment ? Créer l’équilibre, c’est créer et maintenir un réseau de relations saines, fondées sur le respect mutuel.

Rapport attendu

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées soumettra son rapport final au plus tard le 30 avril 2019. Partout au pays, 2386 personnes ont participé au processus de consignation de la vérité. Les preuves et les recommandations seront fondées sur les centaines d’heures de témoignages déchirants que les familles, les experts et les gardiens du savoir traditionnel ont généreusement livrés. Un merci sincère à toutes celles et tous ceux qui sont venus livrer leur témoignage. Ces femmes, ces hommes et ces familles qui les ont appuyés méritent toute notre reconnaissance et notre soutien.

Aujourd’hui est le premier jour du Canada de demain. On ne peut pas changer le passé, mais on peut travailler ensemble à modeler un avenir meilleur. Soyons tous porteurs et porteuses d’un souffle rassembleur pour offrir au Canada de demain le cadeau de sa diversité par les forces unies de toutes ses communautés.

Aujourd’hui sera aussi pour nous l’occasion de souligner l’extraordinaire résilience des femmes, des filles et des personnes 2SLGBTQQIA autochtones lorsqu’il s’agit de défendre leurs droits et de tracer une route pour l’avenir, une route que nous devons tous emprunter ensemble dès aujourd’hui.

Marion Buller et Michèle Audette

 

 

Marion Buller et Michèle Audette : Commissaire en chef et commissaire, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, au nom des commissaires

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Les experts du Moyen-Orient ont depuis longtemps admis que les Etats-Unis et Israël cherchent une excuse pour attaquer l’Iran. La conférence qui s’est déroulée à Varsovie allait dans ce but, clairement exprimé par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, mais elle n’a pas réussi à rallier le soutien des Etats européens ni du Moyen-Orient. L’Europe, en particulier, a montré que la normalisation des relations avec l’Iran dans le cadre des accords nucléaires multipartites de 2015 était, au contraire, la voix préférée pour éviter une guerre et la prolifération des armes nucléaires.

Certaines fondations à Washington, toutes étroitement liées à Israël et au lobby juif aux Etats-Unis, ont pour mission de monter un dossier prônant la guerre contre l’Iran. Ils cherchent tous les prétextes possibles, arguant que l’Iran triche sur son programme nucléaire, développe des missiles balistiques qui lui permettrait d’envoyer ses têtes nucléaires sur des cibles en Europe et même aux Etats-Unis , que c’est un gouvernement d’oppression et une dictature qui doit être soumis au changement de régime afin de libérer le peuple iranien et lui donner la démocratie, et, le plus criant, qu’il fomente et soutient des guerres et des menaces contre les Etats-Unis à travers tout le Moyen-Orient.

On pourrait raisonnablement contrer ces allégations en rappelant les inspections rigoureuses entreprises par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) attestant du fait que l’Iran n’a aucun programme d’armement nucléaire, une position maintenue aussi par l’ensemble des services américains de renseignement dans son rapport Worldwide Threat Assessment (n.d.t Rapport sur la menace internationale).

Qui plus est, le programme de missile iranien doit être vu comme défensif, face aux menaces constantes proférées par Israël et les Etats-Unis ; et la chute du gouvernement iranien est l’affaire des Iraniens et ne devrait pas être le résultat de l’intervention militaire d’une puissance étrangère qui étrangle économiquement le pays. Et pour ce qui est de provoquer des guerres au Moyen-Orient, comptez sur les Etats-Unis et Israël et non l’Iran.

Les vautours à Washington, à savoir le conseiller de la sécurité nationale John Bolton, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et, apparemment le président Donald Trump lui-même lorsqu’il s’agit de l’Iran, sont frustrés par l’absence de casus belli sur laquelle faire reposer leur guerre. Sans doute pressés par Netanyahu, ils ont apparemment redonné vie à une vieille histoire afin de leur donner ce qu’ils veulent, allant jusqu’à développer un argumentaire, qui pourrait justifier une attaque de l’Iran sans déclaration de guerre et sans que ce dernier ne présente une menace imminente pouvant légitimer une attaque préemptive.

Ce qui pourrait devenir la nouvelle politique iranienne a été récemment décrite dans un article du Washington Times, qui n’a malheureusement reçu que peu d’attention des médias, des experts ou des responsables politiques, peu nombreux à critiquer modérément et par intermittence la prédisposition de Washington à attaquer d’abord et réfléchir après.

L’article s’appelle “Exclusive: Iran-al Qaeda alliance May Provide Legal Rationale for U.S. military strikes”. Les arguments importants de cet article devraient être pris sérieusement par tous ceux qui s’inquiètent de ce qui pourrait arriver dans le Golfe persique car ce n’est pas le blablabla habituel provenant de divagations arrogantes de quelques penseurs, même s’il y en a un peu quand même. Il cite des sources officielles en en nommant certaines, même si ceux qui ne sont pas identifiés font clairement partie de l’administration.

En tant qu’ancien agent de la CIA qui a travaillé sur la cible iranienne de nombreuses années, j’ai été choqué en lisant l’article dans le Times essentiellement parce qu’il ressemblait aux rapports fabriqués de toute pièce utilisés contre l’Irak et l’Iran entre 2001 et 2003. Il se base sur l’idée qu’une guerre contre l’Iran est désirable pour les Etats-Unis, et pour Israël en coulisse, et qu’il faut donc trouver une bonne excuse pour la commencer. Et la menace du terrorisme est toujours un bon argument pour convaincre le public américain d’agir. C’est ce que cet article s’évertue de faire et sa lecture est particulièrement démoralisante dans la mesure où il semble refléter l’opinion de la Maison Blanche.

J’écris de façon critique depuis longtemps sur la CIA et le Moyen-Orient, et suis habitué à une réaction négative de la part de mes anciens collègues. Mais ici, les appels et e-mails que j’ai reçus d’anciens agents des services de renseignement, qui ont partagé mon expérience au Moyen-Orient et avaient lu l’article, allaient dans le sens contraire, condamnant l’utilisation d’infox et de renseignements artificiels pour déclencher une autre guerre inutile.

L’article déclare que l’Iran soutient Al-Qaida en lui fournissant une aide financière, des armes et des sanctuaires à travers le Moyen-Orient afin qu’il puisse mener ses attaques terroristes. Il le fait en dépit de leurs différences idéologiques car ils ont un ennemi commun : les Etats-Unis. Selon l’article et ses sources, cette connivence « s’est transformée en une menace sécuritaire mondiale d’un niveau inacceptable » et la Maison Blanche est bien déterminée « à trouver une possible justification légale à des frappes militaires contre l’Iran et ses intermédiaires ».

On pourrait raisonnablement se demander pourquoi les Etats-Unis se soucient de l’aide iranienne apportée à Al-Qaida dans la mesure où les deux ont la tête sur le billot américain et attendent que le couperet tombe. La raison réside dans la loi Authorization to Use Military Force, initialement rédigée après les attentats du 11 septembre, pour fournir un verni légal à la poursuite d’Al-Qaida à travers le monde, mais qui, depuis, a été remaniée afin de l’étendre à « des groupes associés ». Si l’Iran est un groupe associé potentiel, alors le président Trump et sa bande de maniaques arrogants et suffisants encouragés par Netanyahu peuvent déclarer «  explosons la tête de M. Ayatollah ».Et si Israël est impliqué, alors le Congrès et les médias donneront leur entière bénédiction. La question est donc de savoir si cette administration est à la fois capable et disposé à commencer une guerre majeure en se basant sur des conneries. Je prends les paris !

Le Times explique le fonctionnement de l’opération: « des sources légales et provenant du Congrès estiment que la loi pourrait aujourd’hui fournir un motif légal pour attaquer le territoire iranien ou des intermédiaires si le Président Trump décidait que Téhéran représente une menace imminente pour les Etats-Unis ou Israël et que les sanctions économiques ne suffisent pas à la contenir ». Le journal ne prend pas la peine d’expliquer en quoi consisterait cette « menace imminente »pour les Etats-Unis de la part d’un Iran affaibli, mais on voit qu’Israël est, comme d’habitude, mêlé à tout cela, qu’il exerce son option de victime perpétuelle, et se sent apparemment en insécurité en dépit de son arsenal nucléaire et son écrasante supériorité militaire régionale, assurée par le Congrès américain.

Curieusement, bien que de nombreux représentants de l’administration, ralliés à cette ligne dure contre l’Iran supposé être « le sponsor mondial du terrorisme », soient disposés à exprimer leurs analyses de l’axe Iran-Al Qaida, les auteurs du récent rapport Worldwide Threat Assessment publié par les services du renseignement n’en avaient eux jamais entendu parler. Pendant ce temps-là, le département d’Etat considère que l’Iran manipule les hommes et l’argent d’Al-Qaida, les déplaçant vers des cibles en Asie centrale et du sud, même si cette vision ne cadre pas avec la dernière attaque majeure attribuée à Al-Qaida, datée du 13 février dans le sud-est de l’Iran contre les Gardiens de la  Révolution, et qui s’est soldée par la mort de 27 soldats.

Le rapport sur l’évaluation sécuritaire annuelle du gouvernement condamne aussi particulièrement le financement de groupes tels que Hezbollah et le Hamas, tous les deux étant, et ce n’est pas là une coïncidence, des ennemis d’Israël, qui n’a cure des menaces contre les Etats-Unis sauf pour le fait que ces derniers sont constamment en train d’interférer au Moyen-Orient pour le compte de l’Etat juif.

Et lorsqu’un doute se profile, les auteurs de l’article en reviennent aux « vieux fondements» de la Fondation pour la défense des démocraties, le think tank néo conservateur, qui, par ailleurs, travaille en étroite collaboration avec le gouvernement israélien et n’a jamais critiqué le niveau de démocratie en Israël. Un de ses porte-paroles a été prompt à déclarer : «  l’administration Trump a raison de porter son attention sur l’ensemble des activités de l’Iran même les plus petites, ce qui inclu le soutien de longue date à Al-Qaida ».

En effet, le seul expert cité par le Times qui soit réellement un spécialiste et ait examiné les documents originaux, plutôt que de s’appuyer sur des textes gouvernementaux et des sujets de discussion de think tank, contredit cette histoire entre l’Iran et Al-Qaida. « Nelly Lahoud, un ancien analyste du terrorisme à l’U.S. Military Academy et maintenant membre de la Foundation New America, a été une des premieres à analyser les documents saisis dans la cachette de Ben Laden à Abbottabad au Pakistan. Dans une analyse pour le Conseil Atlantique écrit à l’automne dernier, elle explique que ces dossiers témoignent d’un profond scepticisme et d’une grande hostilité de la part des leaders d’Al Qaida envers le régime iranien, mais aussi de leur compréhension qu’une rupture totale avec Téhéran n’était pas souhaitable.

Dans aucun des documents, qui datent de juin 2004 à quelques jours avant sa capture, « n’ai-je trouvé de références indiquant une quelconque collaboration entre Al Qaida et l’Iran pour mener des attaques terroristes », a-t-elle conclu.

Donc, le but du jeu est bien d’attaquer l’Iran même si l’histoire d’Al-Qaida n’est pas fondée. Les enjeux sont majeurs et tous les coups sont permis quand il s’agit de produire, déduire ou fabriquer les indices qui pourraient justifier la guerre. L’Iran et le terrorisme ? Parfait. Essayons cela, parce qu’après tout, envahir l’Iran ira comme sur des roulettes et les personnes dans les rues seront là pour acclamer nos chars qui défileront. Quels problèmes pourrait-on rencontrer?

Philip Giraldi

Article original en anglais :

Attacking Iran. Fake News About a Terrorist Connection Could Serve as a Pretext for War, le 26 février 2019

Traduction et Synthèse : Z.E pour France-Irak Actualité

 

Philip Giraldi, expert en lutte anti-terroriste, est un ancien officier de la CIA et des services secrets militaires américains. Il a exercé pendant 20 ans en Europe et au Proche-Orient. Philip Giraldi dirige le Council for the National Interest (Conseil pour l’Intérêt National), une fondation chargée de promouvoir la politique américaine au Proche-Orient en dehors de toutes pressions étrangères, donc y compris – et surtout – israéliennes. Site web:  www.councilforthenationalinterest.org, E-mail : [email protected].

 

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Entretien réalisé à Montréal par Sameer Ben

Le professeur en management à HEC Montréal, Omar Aktouf, suspend ”exceptionnellement” le temps d’un entretien qu’il a accordé à El Watan son retrait volontaire de la participation à la vie publique en Algérie et qu’il avait longuement expliqué en septembre 2016 dans une contribution publiée sur nos colonnes sous le titre ” Mon testament intellectuel”.

La situation politique que vit actuellement le pays avec la candidature du président sortant à un cinquième mandat et qui fait face, lui et son système, à une contestation populaire de plus en plus grandissante, ont fini par convaincre Omar Aktouf de parler. Il a d’ailleurs participé à la grande manifestation tenue dimanche dernier devant le consulat d’Algérie à Montréal.

Il y a deux ans et demi, vous aviez décidé de ne plus vous prononcer sur ce qui se passe en Algérie. Pourquoi reprenez-vous la parole maintenant ?

J’accepte de sortir de ma réserve, de mon renoncement à me mêler des affaires algériennes depuis mon « testament  intellectuel » il y a plus de deux ans parce que la grande gravité de la situation actuelle l’exige.

Quelles seraient selon vous les raisons qui ont poussé les Algériens à sortir dans la rue ?

J’ai deux hypothèses pour ce qui est des raisons du soulèvement populaire actuel en Algérie. La première serait que la dégringolade des conditions de vie des Algériens ait provoqué un ras le bol généralisé dû aux conséquences de la chute des prix des hydrocarbures depuis 2014 et au recours à la planche à billet depuis le Gouvernement Ouyahia. Cela a provoqué inflation galopante, chute du Dinar, appauvrissement supplémentaire des gens.

La combinaison de ces éléments a fait que le pouvoir d’achat de l’Algérien a chuté sans doute comme jamais depuis l’Indépendance, en même temps que sa qualité de vie en général, qui n’était déjà pas reluisante. C’est là une goutte qui s’est ajoutée à un « vase » plus que rempli. Si on y rajoute l’insolent étalage des richesses d’une oligarchie ploutocratique qui s’affiche ostensiblement avec le pouvoir ; les révélations sur les « acquisitions » d’appartements, de biens immobiliers, de commerces… à l’étranger (par cette oligarchies et aussi par des membres des premiers cercles du pouvoir et leurs familles) ; les avalanches de scandales (importation massive de drogue,  corruptions tous azimuts, malfaçons et magouilles à la chaîne autour des autoroutes, de l’immobilier, les affaires Chekib, Sonatrach et j’en passe)…

On a là un cocktail qui a achevé de faire déborder le vase et poussé les citoyens à envahir les rues. L’annonce du 5ème mandat pour un président en évidente incapacité de gouverner a servi de facteur déclencheur. Ma seconde hypothèse – que l’on peut combiner avec la première, serait – vu l’apparente quasi absence de répression et la retenue dès le départ des forces de l’ordre- que fort certainement, il y a désaccord dans les plus hautes sphères de l’armée et du FLN quant à la succession à la présidentielle, et que donc, certains membres influents de cette sphère auraient intérêt à ce que la rue continue à interpeller le pouvoir, faisant sans doute le pari de la « récupérer et s’en servir ».

Quelles seraient, selon vous, les évolutions probables de la situation et des risques que l’Algérie peut courir ?

Je dirai que le pouvoir n’a pas beaucoup de choix, étant donné que les revendications des manifestants dépassent de loin la seule affaire du cinquième mandat. Les Algériens réclament l’éradication du « système » d’établissement et de reconduction du pouvoir, autant politique qu’économique, « système » qui sévit depuis l’Indépendance. C’est la mise hors d’état de nuire de ce que j’ai personnellement dénommé « système Algérie » en entier qui est demandée.

 Le peuple manifeste haut et fort son désir de voir cesser cette mainmise continue sur les richesses et les destinées du pays ; il n’en peut plus des jeux de « chaises musicales » de transmission à tour de rôle du pouvoir entre « clans ». Le peuple a compris depuis longtemps que « accéder à un poste de haute gouvernance » en Algérie, c’est accéder au pouvoir d’actionner tous moyens possibles pour l’enrichissement personnel. Être « commis de l’État » ou « en haute position de pouvoir » de toute nature a toujours été  – et est devenu de plus en plus- (sauf rares exceptions) synonyme de constitution de fortunes personnelles et familiales.

De cela, le peuple en a assez ! Devant pareille situation, la tentation de la répression par la force serait une pure catastrophe, parce que ce peuple qui manifeste aujourd’hui n’a plus que faire de la vulgate de « légitimité révolutionnaire », ni de celle qui a brandit l’épouvantail terrorisme-islamisme. Les deux piliers sur lesquels le pouvoir s’est trop appuyé pour pérenniser sa mainmise politique. Je pense que le mouvement populaire va se renforcer et se radicaliser.

Toute tentation de répression pourrait déboucher sur un bain de sang, autrement plus grave que celui de 1988, d’autant plus que la déposition officielle de la candidature de Bouteflika, suivie de l’annonce d’une continuation de règne d’un an… ne sont qu’insultes devant les revendications du peuple. Ce peuple en a assez d’être pris pour un troupeau de moutons imbéciles ! J’en appelle donc de toute mon énergie à ce « système Algérie » et à tout ce qui gravite avec, d’enfin accepter ce que personnellement (avec bien d’autres) je crie depuis des années : « se retirer » !

Des pistes et voies de sortie ?

En faisant l’hypothèse comme je le souhaite, que le pouvoir résistera à la tentation de la répression violente, je ne vois plus d’issues pour l’Algérie sinon, et par ordre d’urgence :

  • Annoncer immédiatement le retrait des tenants actuels du pouvoir politique ; président, armée et gouvernement compris, tout en reconnaissant qu’il y a eu des années de spoliations du peuple et que des comptes seront demandés, le temps venu à tout coupable avéré – quel qu’il soit- de détournements, subornations, corruptions, malversations, accaparements illicites de biens et de richesses…
  • Dissoudre l’assemblée nationale
  • Mettre en place un gouvernement de salut public dont les membres seraient absolument intègres, réellement compétents et indemnes de tout soupçon de connivence avec les forces du « système Algérie » passé ou en place, oligarques et ploutocrates inclus
  • Charger ce gouvernement de mettre en place les conditions d’élections crédibles (avec observateurs et journalistes étrangers, agents de l’ONU…) d’une assemblée constituante – toutes tendances et sensibilités politiques admises- en vue de l’instauration d’une seconde République, de la rédaction d’une nouvelle Constitution porteuse d’un projet de société clair, et réellement démocratique. 

Sinon ?

Eh bien, sinon hélas, je crains que rien de bon ne soit à présager pour le futur. Le mouvement populaire est déjà allé assez loin pour renoncer à ses revendications ou accepter des « mesurettes » comme le projet de garder Bouteflika encore un an au pouvoir, puis se donner le temps de continuer les magouilles et les traditionnelles chaises musicales entre les « clans ».

Le peuple n’est pas dupe de cette grossière manœuvre de « gain de temps », sa colère ira s’agrandissant et les conséquences risquent d’être incalculables. Comme je l’ai déjà écrit dans « Algérie entre l’exil et la curée » il y a de cela près de trente ans, « le peuple  fait “sa“ Révolution » ! Le pouvoir n’a que deux sorties possibles : soit le retrait total et inconditionnel, soit être responsable devant l’Histoire d’un carnage, ou d’une autre guerre civile, ou encore de scénarios à la lybienne ou à la syrienne.

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Comment ne pas faire de liens entre l’Empire, sous la gouverne de l’état profond des États-Unis, et la Mafia qui répond à l’image qu’en donne Hollywood, dans sa série le Parrain? Tous les deux se considèrent au-dessus des lois et agissent en fonction de leurs intérêts de conquête et de domination.  L’argent et la menace leur permettent d’acheter juges, magistrats, chefs d’État, évêques, journalistes et bien d’autres encore, leur assurant tout à la fois l’immunité et l’image du bon samaritain, en tout et partout. Leurs tueurs à gages et leurs armées de mercenaires feront le sale travail de destruction de ceux et celles qui osent encore résister à leurs projets macabres de tout avoir.

Ce qui s’est passé en Irak, en Libye, en Syrie, en Ukraine,  se poursuit au Venezuela. L’Empire, cette mafia qui transcende toutes les autres mafias, veut, à  tout prix, dominer sur tous les états de notre monde. Déjà,  il s’est assujetti de nombreux gouvernements par les voies de la corruption, du chantage et de la menace de représailles. Par contre, tous ceux qui lui résistent, surtout ceux qui ont de grandes richesses, comme c’est le cas pour le Venezuela, devront s’attendre à un affrontement hors de toute norme. Tous les moyens seront bons pour mettre fin à une telle résistance : campagne de désinformation à grande échelle, vandalisme, assassinats, sanctions économiques, saisies de milliards de dollars, mercenaires terroristes, menaces répétées d’invasion .

Comble de tout, il saura transformer ses crimes en de véritables œuvres de bienfaisance au service des peuples, qu’il transforme en victimes de dictateurs et de tyrans, sans âme ni conscience. Pour ce faire, il peut compter sur tous les médias et journalistes qu’il s’est asservi à travers le monde. Ces derniers sauront diffuser à grande échelle des mises en scène créées de toute pièce pour arracher les larmes aux âmes les plus sensibles et générer la colère chez les plus révoltés.  C’est bien ainsi que cette presse, assujettie à l’empire, présente le président Nicolas Maduro et son gouvernement.

Ce dont on ne dit pas, c’est que Nicolas Maduro a été élu, le 20 mai dernier, avec 68% des votes émis dans le cadre d’une élection qui s’est déroulée sous l’œil vigilant d’observateurs internationaux qui en ont reconnu la rigueur et la légitimité. Toutefois, pour le parrain de l’Empire, cette élection n’est tout simplement  pas la démocratie qui répond à ses attentes.  Par contre, qu’un député, en désobéissance avec l’État de droit du Venezuela, s’auto proclame, du jour au lendemain, président intérimaire du Venezuela,  ça c’est la démocratie qui lui plaît, car le jour même, lui et ses acolytes l’ont reconnu comme l’authentique président du Venezuela. En un mot, le vote qui compte, en démocratie impériale, c’est celui du Parrain. Que les Nations Unies et plus de 139 pays n’en disent pas autant, ça ne le dérange pas du tout. Personne n’est en mesure de lui dire ce qu’il  doit faire ou ne pas faire. Il a ses entrées dans tous les milieux et ses « pions » dans les principaux organismes de pouvoir.

L’Empire et les mafias ont ce pouvoir de décider de ce qui est bien et de décider de ce qui est mal. Ils peuvent toujours compter sur leurs « alliés soumis » pour  que ces derniers reconnaissent le bien et le mal tels que définis par eux. On se souviendra toujours de ces paroles de GW Bush, fils : « ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous ».  Ces paroles, prononcées dans le contexte d’une guerre présentée comme la lutte du bien contre le mal, prennent un sens bien particulier: les forces de l’empire représentent le bien, et les armes de destruction massive de Saddam Hussein, représentent le mal.

QUE CONCLURE ?

Pour ceux et celles qui vivent de ce que les bulletins de nouvelles, financés et voulus par le Parrain, seront, bien malgré eux, captifs d’une information erronée et trompeuse.  Par contre, ceux et celles qui ont cette opportunité de voir ce qu’il y a derrière toutes ces intrigues de la mafia impériale, ne peuvent que dénoncer sa fourberie et ses mises en scène mise en scène qui n’ont rien d’humanitaire. Le Parrain, au Venezuela,  a un objectif, celui de mettre à genoux un peuple pour en prendre le contrôle et disposer de ses richesses. Le parrain impérial n’aime pas les peuples qui se déclarent souverains et indépendants.  Pour eux, toute démocratie est impossible. Le parrain ne saurait la reconnaître. Il n’y a qu’un souverain et c’est lui.

Oscar Fortin

Québec, le 8 mars 2019

 

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Le dernier épisode de la présidence Trump est en cours au Venezuela. Quelques semaines après la prise de fonctions du Président Nicolas Maduro, Trump a officiellement reconnu Juan Guaidó, le président de 35 ans de l’Assemblée Nationale – qui n’a jamais participé à une élection présidentielle – comme chef d’Etat légitime. Une déclaration de la Maison Blanche (1/29/19) a annoncé que “le Président Trump appuie le peuple du Venezuela dans sa demande de démocratie, de droits de l’homme et de prospérité qui lui sont refusés par Maduro” notant que le “peuple” avait “courageusement protesté” et que les Etats-Unis poursuivraient leurs sanctions contre le pays.

De manière plus alarmante, Trump a continuellement menacé d’une intervention militaire le Venezuela (New York Times, 8/12/17) et son Conseiller National à la Sécurité John Bolton s’est laissé filmer en brandissant ostensiblement un bloc-notes où on pouvait lire: “5000 soldats en Colombie” (CNN, 1/29/19).

Avant tout envoi de soldats sur place, nous devrions nous demander : que veut dire exactement Trump par “peuple du Venezuela”? Une récente enquête privée locale montre que 86 % des vénézuéliens s’opposent à une intervention militaire et que 81% s’opposent aux sanctions états-uniennes.

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« Le peuple vénézuélien est rempli d’espoir », titre d’une lettre ouverte publiée dans le New York Times(1/24/19)

Pourtant, il semble que les médias ont décidé que ce que “le peuple” veut, c’est un changement de régime. PBS NewsHour (1/30/19) a interviewé un résident vénézuélien à New York qui disait parler pour la population entière : “Moi – non seulement moi – mais 30 millions de personnes, soutenons la politique états-unienne” à savoir les tentatives de Washington de remplacer le gouvernement. Le New York Times (1/24/19) a publié une lettre de quelqu’un de Boston usant de manière interchangeable l’expression “le peuple vénézuélien” et “nous”, affirmant que Guaidó est ce “dont nous avons besoin” et qui nous “remplit d’espoir”.

Sur MSNBC (1/30/19), la reporter Mariana Atencio a déclaré sur un ton détaché : “Ceci est une bataille frontale entre légitimité et pouvoir. Guaidó a la légitimité mais Maduro a les armes, c-à-d le pouvoir”.

Une tribune libre du Washington Post (1/29/19) a déclaré que nous devrions offrir plus d’appui au “peuple vénézuélien” qui manifeste dans les rues en faisant pression sur le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU pour qu’il “resserre les sanctions” sur Maduro, en présentant l’image d’un monde unifié par les Etats-Unis pour lutter contre une dictature opprimant son peuple.

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Le Sénateur démocrate Chris Murphy et le conseiller d’Obama Ben Rhodes (Washington Post1/29/19) louent la déclaration de Trump “exigeant la démocratie pour le peuple du Venezuela et appelant au renversement du Président Maduro”.

En réalité, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a formellement condamné les sanctions, notant qu’elle “affecte de manière disproportionnée les pauvres et les plus vulnérables”; celui-ci a appelé tous les états-membres à les briser et a même envisager l’hypothèse de réparations que les Etats-Unis devront payer au Venezuela. L’expert onusien qui a visité le pays a décrit les actions de Trump comme de possibles “crimes contre l’humanité” (London Independent1/27/19). Ceci n’a pas été rapporté par le New York Times, ni par le Washington Post, ni par CNN ou n’importe quel autre média national aux Etats-Unis.

Ignorant toutes ces informations, le Post (1/29/19) a noté que l’émergence de Guaidó a apporté l’espoir au “peuple du Venezuela” (ou “aux vénézuéliens qui souffrent depuis longtemps”) de “restaurer leur démocratie”. Ceci en dépit du fait que plus de 80 pour cent des vénézuéliens n’ont jamais entendu parler de Guaidó, et que le corps qu’il présidait, l’Assemblée Nationale, connaît un taux de désapprobation de près de 70 pour cent  (en gros le même taux de désapprobation que pour Maduro).

Une grande part de la couverture (CNBC1/23/19New York Times1/23/19Fox News1/23/19) du “peuple du Venezuela” montre les manifestants pour Guaidó, mais on trouve très peu d’images ou d’articles sur les contre-manifestations d’appui au gouvernement bolivarien, qui brouilleraient l’image existante. Nous sommes ici en présence d’une ligne déjà ancienne de la politique médiatique : le terme “peuple du Venezuela” désigne exclusivement “quiconque est d’accord avec la politique des Etats-Unis”.

Dans une étude portant sur plus de 500 articles parus au cours d’une période de 16 ans et que j’ai publiée cette semaine (Race & Class1/25/19), j’ai découvert que les termes “peuple vénézuélien” ou “société civile” avaient pour référence exclusive les groupes d’opposition alignés sur (ou financés par) le gouvernement états-unien. Les intentions ou activités des Etats-Unis envers ce pays sont présentées systématiquement comme démocratiques, quelles qu’en soient la nature.

Le coup d’Etat mené par l’opposition en 2002 avec l’appui des Etats-Unis visait à renverser le prédécesseur de Maduro, le président Hugo Chávez. Le Secrétaire de Presse de la Maison Blanche Ari Fleischer présenta ces événements comme “le peuple vénézuélien se soulevant pour défendre la démocratie” (Washington Post4/13/02) et la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice déclara que les “politiques de Chávez ne fonctionnent pas pour le peuple vénézuélien” (New York Times4/15/02).  Les médias ont suivi la ligne du gouvernement : le London Times a publié un article d’opinion (4/13/02) louant “le peuple du Venezuela” pour sa “mobilisation” contre le gouvernement, tandis que le Miami Herald (4/15/02) citait un observateur affirmant que le retour de Chavez au pouvoir après la déroute des putschistes signifiait que le “peuple du Venezuela avait été trahi”.

Parfois niés totalement dans leur existence, les sympathisants du gouvernement ont été constamment déshumanisés comme “bandits” (Washington Post3/29/14) ou comme “gangs” (London Times4/12/14). Le New York Times s’est référé aux contre-manifestations de travailleurs(ses) qui ont sauvé la démocratie face au coup d’Etat de 2002 comme “des bandes armées” (4/15/02), des “Dobermans” (4/12/02) ou “la pègre furieuse des sympathisants de Chávez manifestant dans la violence à travers la capitale, pillant des magasins dans des zones pauvres” (4/16/02). (Ce dernier article décrit par contre les supporters du coup d’Etat comme engagés dans “une semaine de marches pacifiques”)

En 2014, durant une nouvelle tentative de l’opposition soutenue par les Etats-Unis pour renverser violemment le gouvernement bolivarien, le comité de rédaction du Washington Post (3/29/14) insinua que la population souhaitait une intervention extérieure:

Les Vénézuéliens sont désespérés par le manque d’intérêt international pour la crise politique qui secoue leur pays. Depuis que les protestations ont commencé tôt le mois dernier, au moins 34 personnes ont été tuées, pour la plupart des sympathisants de l’opposition abattus par les forces de sécurité ou par des gangs soutenus par le gouvernement.

Faisant référence au même événement, le Miami Herald (2/26/14) a publié un article d’opinion intitulé : “Le combat est entre Nicolás Maduro et le peuple du Venezuela”.

Le Président Maduro est impopulaire, avec des taux d’approbation qui se maintiennent sous les 30 %. Cependant 31 % de l’ensemble du corps électoral a voté pour lui en 2018, un pourcentage supérieur à celui que Trump ou Obama ont reçu en 2016 et en 2012 respectivement. (Personne ne soutient, de manière réaliste, qu’Henri Falcón – le principal des candidats d’opposition et qui fut entravé par un large boycott des partis de droite – ait pu récolter plus de voix que Maduro).

Le Venezuela a certainement besoin d’un changement radical mais effacer les voix et jusqu’à l’existence du peuple, comme les médias l’ont fait, ne peut que faire obstacle à la compréhension publique de la réalité et empêcher la réconciliation.

Alan MacLeod

 

 

Article original en anglais : The ‘Venezuelan People’ Are Whoever Agrees With Donald Trump, Fair, le 31 janvier 2019.

Traduction de l’anglais: Thierry Deronne, Venezuela Infos

Alan MacLeod

Alan-MacLeodL’auteur@AlanRMacLeod est membre du Groupe sur les Médias de la Glasgow University. Son dernier ouvrage “Bad News From Venezuela: 20 Years of Fake News and Misreporting” (Venezuela : 20 ans de mensonges ou d’inexactitudes) a été publié par Routledge en avril 2018.

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Le prisonnier dit non à Big Brother

mars 8th, 2019 by John Pilger

Discours prononcé lors d’un rassemblement à Sydney pour Julian Assange, organisé par le Socialist Equality Party.

Chaque fois que je rends visite à Julian Assange, nous nous rencontrons dans une pièce qu’il connaît trop bien. Il y a une table nue et des photos de l’Equateur sur les murs. Il y a une bibliothèque où les livres ne changent jamais. Les rideaux sont toujours tirés et il n’y a pas de lumière naturelle. L’air est calme et fétide.

C’est la chambre 101.

Image © George Burchett 2019

Avant d’entrer dans la chambre 101, je dois rendre mon passeport et mon téléphone. Mes poches et mes biens sont examinés. La nourriture que j’apporte est inspectée.

L’homme qui garde la chambre 101 est assis dans ce qui ressemble à une cabine téléphonique démodée. Il observe un écran, il observe Julian. Il y en a d’autres agents de l’État, invisibles, qui observent et qui écoutent.

Les caméras sont partout dans la salle 101. Pour les éviter, Julian nous manœuvre tous les deux dans un coin, côte à côte, à plat contre le mur. C’est ainsi que échangeons les dernières nouvelles : en chuchotant et en changeant des écrits sur un bloc-notes qu’il protège des caméras. Parfois, nous rions.

J’ai un créneau horaire désigné. A son expiration, la porte de la chambre 101 s’ouvre et le garde dit : « Le temps est écoulé ! » Le soir du Nouvel An, on m’a accordé 30 minutes de plus et l’homme dans la cabine téléphonique m’a souhaité une bonne année, mais pas à Julian.

Bien sûr, la salle 101 est la salle du roman prophétique de George Orwell, 1984, où la police de la pensée observe et tourmente ses prisonniers, et pire encore, jusqu’à ce qu’ils perdent leur humanité et leurs principes et obéissent à Big Brother.

Julian Assange n’obéira jamais à Big Brother. Sa capacité de résistance et son courage sont étonnants, même si sa santé physique peine à suivre.

Julian est un Australien remarquable, qui a changé la façon dont beaucoup de gens perçoivent l’hypocrisie des gouvernements. Et pour cela, il est devenu un réfugié politique soumis à ce que les Nations Unies appellent une « détention arbitraire ».

L’ONU dit qu’il a le droit à un libre passage vers la liberté, mais cela lui est refusé. Il a droit à un traitement médical sans crainte d’être arrêté, mais cela lui est refusé. Il a droit à une indemnisation, mais cela lui est refusée.

En tant que fondateur et rédacteur en chef de WikiLeaks, son crime a été de jeter une lumière sur cette période sombre. WikiLeaks a un bilan impeccable en termes de précision et de véracité, qu’aucun journal, aucune chaîne de télévision, aucune station de radio, aucune BBC, aucun New York Times, aucun Washington Post, aucun Guardian ne peut égaler. De fait, ils en sont humiliés.

Cela explique pourquoi il est puni.

Par exemple :

La semaine dernière, la Cour internationale de Justice a statué que le gouvernement britannique n’avait aucun pouvoir légal sur les habitants des îles Chagos qui, dans les années 1960 et 1970, ont été expulsés en secret de leur terre natale sur Diego Garcia dans l’océan Indien et envoyés en exil vers la misère. D’innombrables enfants sont morts, beaucoup d’entre eux de tristesse. Ce fut un crime épique que peu de gens connaissaient.

Depuis près de 50 ans, les Britanniques refusent aux insulaires le droit de retourner dans leur pays d’origine, qu’ils avaient donné aux Américains pour y installer une base militaire importante.

En 2009, le ministère britannique des Affaires étrangères a concocté une « réserve marine » autour de l’archipel des Chagos.

Cette émouvante préoccupation pour l’environnement fut révélée comme une supercherie lorsque WikiLeaks a publié un câble secret du gouvernement britannique rassurant les Américains que « les anciens habitants auraient du mal, voire impossible, à faire valoir leur demande de réinstallation sur les îles si l’archipel des Chagos était une réserve marine ».

La vérité du complot a clairement influencé la décision capitale de la Cour internationale de Justice.

WikiLeaks a également révélé comment les États-Unis espionnent leurs alliés, comment la CIA peut vous surveiller sur votre iPhone, comment la candidate à la présidence Hillary Clinton a empoché d’énormes sommes d’argent de Wall Street pour des discours secrets qui ont rassuré les banquiers que si elle était élue, elle serait leur amie.

En 2016, WikiLeaks a révélé un lien direct entre Clinton et le jihad organisé au Moyen-Orient : en d’autres termes, les terroristes. Un courriel révélait que lorsque Mme Clinton était secrétaire d’État américaine, elle savait que l’Arabie saoudite et le Qatar finançaient l’État islamique, mais elle a accepté des dons énormes des deux gouvernements pour sa fondation.

Elle a ensuite approuvé la plus importante vente d’armes au monde jamais réalisée à ses bienfaiteurs saoudiens : des armes qui sont actuellement utilisées contre les populations du Yémen.

Cela explique pourquoi il est puni.

WikiLeaks a également publié plus de 800 000 documents secrets en provenance de Russie, y compris du Kremlin, qui en disent plus sur les machinations du pouvoir dans ce pays que l’hystérie fallacieuse de la pantomime du Russiagate à Washington.

Voilà qui est du vrai journalisme – un journalisme d’un genre désormais considéré comme exotique : l’antithèse du « journalisme de Vichy », qui parle au nom de l’ennemi du peuple et prend son sobriquet du gouvernement de Vichy qui a occupé la France au nom des nazis.

Le journalisme de Vichy est une censure par omission, comme le scandale indescriptible de la collusion entre les gouvernements australiens et les Etats-Unis pour nier à Julian Assange ses droits en tant que citoyen australien et pour le faire taire.

En 2010, le Premier ministre Julia Gillard est allée jusqu’à ordonner à la police fédérale australienne d’enquêter, et avec l’espoir, de poursuivre Assange et WikiLeaks – jusqu’à ce que l’AFP l’informe qu’aucun crime n’avait été commis.

Le week-end dernier, le Sydney Morning Herald a publié un somptueux supplément dans lequel il faisait la promotion d’une célébration de « Me Too » à l’Opéra de Sydney le 10 mars. Parmi les principaux participants, mentionnons la ministre des Affaires étrangères récemment à la retraite, Julie Bishop.

Bishop est apparue récemment dans les médias locaux, louangée comme une perte pour la classe politique : une « icône », a dit quelqu’un, faites pour être admirée.

L’accession à la célébrité féministe d’une personne aussi politiquement primitive que Bishop en dit long sur combien la soi-disant politique identitaire a subverti une vérité essentielle et objective : que ce qui compte, avant tout, ce n’est pas votre sexe mais la classe sociale que vous servez.

Avant de se lancer en politique, Julie Bishop était avocate au service du célèbre patron des mines d’amiante, James Hardie, qui s’est battu en justice contre des hommes et de leurs familles qui mouraient horriblement d’anthracose.

L’avocat Peter Gordon se souvient de Bishop qui « demandait de manière rhétorique au tribunal pourquoi les travailleurs devraient avoir le droit de faire la queue au tribunal simplement parce qu’ils étaient mourants « .

Bishop dit qu’elle a « agi selon les instructions… avec professionnalisme et éthique ».

Peut-être ne faisait-elle qu’ »agir selon les instructions » lorsqu’elle s’est rendue à Londres et à Washington l’année dernière avec son chef de cabinet ministériel, qui avait indiqué que le ministre australien des Affaires étrangères soulèverait la question de Julian et commencerait le processus diplomatique pour le ramener chez lui.

Le père de Julian avait écrit une lettre émouvante au premier ministre de l’époque, Malcolm Turnbull, demandant au gouvernement d’intervenir diplomatiquement pour faire libérer son fils. Il a dit à Turnbull qu’il craignait que Julian ne quitte pas l’ambassade vivant.

Julie Bishop a eu toutes les occasions au Royaume-Uni et aux États-Unis de présenter une solution diplomatique qui ramènerait Julian chez lui. Mais il fallait pour cela le courage d’une personne fière de représenter un État souverain et indépendant, et non un vassal.

Au lieu de cela, elle n’a pas tenté de contredire le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, lorsqu’il a déclaré de manière scandaleuse que Julian « faisait face à de graves accusations ». Quelles accusations ? Il n’y en avait aucune.
La ministre australienne des Affaires étrangères a abandonné son devoir de prendre la défense d’un citoyen australien, accusé sans rien, coupable de rien.

Est-ce que les féministes qui aduleront cette fausse icône à l’Opéra dimanche prochain se souviendront de sa collusion avec les forces étrangères pour punir un journaliste australien, dont le travail a révélé que le militarisme rapace a détruit la vie de millions de femmes ordinaires dans de nombreux pays ? Rien qu’en Irak, l’invasion américaine, à laquelle l’Australie a participé, a laissé 700.000 veuves.

Alors, que peut-on faire ? Un gouvernement australien qui était prêt à agir en réponse à une campagne publique pour sauver le footballeur réfugié, Hakeem al-Araibi, de la torture et de la persécution à Bahreïn, est capable de ramener Julian Assange chez lui.

Pourtant, le refus du ministère des Affaires étrangères à Canberra d’honorer la déclaration des Nations Unies selon laquelle Julian est victime d’une « détention arbitraire » et qu’il a un droit fondamental à la liberté, est une violation honteuse de l’esprit du droit international.

Pourquoi le gouvernement australien n’a-t-il pas sérieusement tenté de libérer Assange ? Pourquoi Julie Bishop s’est-elle pliée aux souhaits de deux puissances étrangères ? Pourquoi cette démocratie a-t-elle été pervertie par des relations serviles et une intégration à une puissance étrangère sans foi ni loi ?

La persécution de Julian Assange est une opération de conquête lancée contre notre indépendance, notre dignité, notre intelligence, notre compassion, notre politique, notre culture.

Alors arrêtez de vous défiler. Organisez-vous. Occupez. Insistez. Persistez. Faites du bruit. Passez à l’action directe. Soyez courageux. Soyez fermes. Défiez la police de la pensée.
La guerre n’est pas la paix, la liberté n’est pas l’esclavage, l’ignorance n’est pas la force. Si Julian peut tenir tête à Big Brother, alors vous aussi. Nous aussi.

John Pilger

Article original en anglais :  The prisoner says no to Big Brother, johnpilger.com, le 4 mars 2019

Traduction « par VD pour le Grand Soir

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Cet article a été publié initialement le 3 octobre 2017.

Le passage devant la Chambre des communes, le 21 septembre dernier, des commissaires de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues soulève, à notre avis, beaucoup plus d’inquiétudes qu’il ne rassure. Les propos de la commissaire en chef, Marion Buller, sont alarmants. Après une année complète d’enquête, 75 % du budget de dépensé, une équipe incomplète de presque 60 employés et un ordre du jour encore flou, les commissaires demandent deux années additionnelles et, inévitablement, une augmentation de leur budget actuel. Malgré l’imminence du dépôt d’un rapport intermédiaire, cet automne, pas un mot ne fut prononcé sur les causes de la violence coloniale que vivent les femmes autochtones. Pour rendre les choses encore plus confuses, la commissaire Buller laissa sous-entendre que les causes de cette violence sont liées aux femmes elles-mêmes, car celles-ci vivent dans « l’extrême pauvreté », loin des grands centres, et ont eu accès à une « éducation inadéquate ».

La Commissaire en chef de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, Marion Buller, à Vancouver le 6 juillet 2017. Photo : Radio-Canada Source : Ici Radio-Canada

La violence coloniale est un outil de génocide. Aujourd’hui, une femme autochtone court cinq fois plus de risques d’être victime d’une mort violente que les autres femmes au Canada. La violence coloniale est un dispositif d’anéantissement d’un groupe particulier qui se démarque de la société dominante par des caractéristiques culturelles et physiologiques différentes. Le racisme est le principal véhicule de cette violence. Ce type de violence vise les femmes autochtones parce qu’elles sont autochtones, et non parce qu’elles vivent dans la pauvreté, qu’elles habitent loin des services ou qu’elles sont moins éduquées que la moyenne des femmes. Bien au contraire, la violence coloniale est la raison principale derrière l’extrême pauvreté des communautés et la difficulté d’avoir accès à des établissements scolaires et à des soins d’urgence.

La violence sexuelle est un outil ayant historiquement été utilisé afin de hiérarchiser les relations entre les femmes et les hommes et d’assurer le règne patriarcal inspiré des sociétés européennes chrétiennes. À leur arrivée en Amérique, les Jésuites se plaignaient que les hommes autochtones ne savaient pas châtier leurs conjointes. La violence coloniale et sexuelle continue d’être orientée vers les femmes autochtones aujourd’hui. Elle se vit partout dans la société. Elle est également partie prenante des institutions qui sont censées protéger les femmes : les gouvernements provinciaux et fédéral, le système de santé, les institutions judiciaires et la police. Elle est également et en grande partie expérimentée dans les centres urbains et touche les femmes autochtones de tous les âges et de différentes conditions économiques et sociales.

Double mandat

Ces questions sont excessivement complexes et délicates. Contrairement à la Commission de vérité et réconciliation, qui étudiait spécifiquement la question des écoles résidentielles et leurs impacts intergénérationnels, la commission actuelle a un double mandat. Elle doit étudier d’un côté les causes actuelles de la violence orientée vers les femmes et les filles autochtones et, de l’autre, examiner comment les institutions les plus importantes du pays participent aux statistiques alarmantes touchant le haut taux d’assassinats et de disparitions de ces dernières.

Jusqu’à maintenant, plusieurs irrégularités ont été dénoncées par les familles, les élus, les experts et les médias. Mentionnons notamment les démissions médiatisées et celles qui sont passées sous silence, le manque de transparence, les problèmes internes au sein de la commission, l’indépendance des commissaires maintes fois soulevées et un plan de travail encore flou après un an. À ces constats, les commissaires répondaient que les problèmes administratifs et logistiques (manque d’ordinateurs et connexion Internet fuyante) étaient les principales raisons expliquant la lenteur et la désorganisation interne de la commission. Cet été, l’Association canadienne des femmes autochtones, plusieurs associations regroupant des familles et des juristes demandaient la démission des commissaires et la mise en place d’une nouvelle équipe avec un mandat plus clair et un programme défini. Le 25 septembre, c’était au tour de l’équipe éditoriale du Toronto Star de demander au gouvernement de nommer de nouveaux commissaires et de recommencer la commission sur de nouvelles bases. Au Québec, la situation est d’autant plus confuse pour les familles souhaitant témoigner qu’une autre commission, la commission Viens, mène une enquête parallèle sur le racisme systémique.

Nous croyons qu’il est temps de se rendre à l’évidence : la question de la violence coloniale au Canada est d’une rare complexité et requiert une équipe multidisciplinaire déjà familiarisée avec cette question. Les familles attendent déjà depuis longtemps de pouvoir trouver des réponses à des deuils qui n’ont jamais été faits, et la commission n’a pas été en mesure de rassurer les familles touchées ou le public sur sa capacité à mener son mandat à terme. Le constat est clair, il faut repenser le processus au complet, et ce, avec une nouvelle équipe avant de créer encore plus de souffrances et de méfiance envers les institutions canadiennes.

Nawel Hamidi et Pierrot Ross-Tremblay

Nawel Hamidi et Pierrot Ross-Tremblayrespectivement avocate et doctorante à l’Université d’Essex et professeur à l’Université Laurentienne de Sudbury

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De tous les conflits en cours, dit Samir Saul, professeur d’Histoire à l’Université de Montréal, celui du Yémen est à la fois cruel et peu suivi. La cruauté dépasse l’entendement, tout comme le silence entourant cette guerre que livre l’Arabie Saoudite au Yémen depuis près de 4 ans avec soutien logistique, fourniture de renseignements et ravitaillement en vol par les États-Unis.

Alors qu’on la présente comme une guerre sectaire : sunnites contre chiites, où le Yémen serait un nid de fanatiques à la solde de Téhéran, Samir Saul démontre qu’il n’en est rien. Il explique le grand intérêt stratégique que représente le Yémen, aujourd’hui comme à l’époque coloniale, en raison de sa situation stratégique où du détroit de Bab el-Mandeb, on peut contrôler l’accès à la mer Rouge et à la Méditerranée, 3e ou 4e passage maritime au monde.

L’objectif de Washington et de l’Arabie Saoudite: la division de ce pays, non pas l’unité. Bref, alors que les uns au Yémen luttent pour faire l’unité du pays, Riyad et Washington exploitent les divisions internes pour s’assurer qu’ils gardent le contrôle de la région.

Samir Saul termine l’entrevue en parlant des origines des grandes manifestation en Algérie et les éventuelles issues de ces événements.

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Armées privées, mercenaires légaux

mars 7th, 2019 by Marcelo Colussi

« Les entreprises de guerre ne sont pas seulement des pommes pourries : elles sont le fruit d’un arbre très toxique. Ce système dépend du mariage de l’immunité et de l’impunité. Si le gouvernement commençait à condamner les sociétés de mercenaires avec des accusations officielles de crimes de guerre, de meurtres ou de violations des droits humains (et pas seulement à titre symbolique), le risque que ces sociétés prendraient serait énorme. (…) La guerre est une affaire et l’affaire s’est très bien déroulée« . Jeremy Scahill

*

Avec l’émergence du monde moderne qui apporte le capitalisme et le renforcement des États-nations, la défense de la souveraineté, ou les guerres de conquête, ont été confiées de plus en plus à des armées régulières bien formées, professionnalisées et toujours plus spécialisées. De cette façon, les mercenaires – figure historique et légendaire qui existe depuis l’antiquité dans tous les contextes (il y a toujours eu des psychopathes) – disparaissaient peu à peu. La systématisation des armées modernes inspirées du modèle prussien du XIXe siècle s’est définitivement achevée avec les combattants mercenaires. Mais le néolibéralisme de la fin du XXe siècle les a ramenés.

Depuis la dernière décennie du siècle dernier, la prolifération de ces sociétés militaires privées a connu une augmentation exponentielle. Bien que de nombreuses puissances les possèdent, c’est aux États-Unis que l’on enregistre la plus forte croissance. On peut citer entre autres : Academi (la plus grande du monde, anciennement appelé Blackwater – un nom qui a dû être changé pour des raisons d’image lorsque la société a été dénoncée pour d’énormes excès dans les opérations auxquelles elle a participé -, « Une extension patriotique des forces armées américaines« , comme l’un de ses fondateurs le dit), DynCorp, Aegis Defence Services, G4S, CACI, Titan Corp, Triple Canopy, Unity Resources Group, Defion International. La grande majorité d’entre elles sont d’origine américaine, mais le phénomène s’est répandu dans le monde entier. Même la Russie, revenant au système capitaliste, a recours à ces « entrepreneurs ».

Plusieurs raisons expliquent cette croissance impressionnante : d’une part, le fabuleux commerce qu’elles représentent. Aujourd’hui, ces armées privées déplacent plus de 100 milliards de dollars par année. Comme le dit l’épigraphe de Scahill :

« La guerre est une affaire et l’affaire s’est très bien déroulée« .

Les guerres en Irak et en Afghanistan, officiellement déployées par des coalitions multinationales, mais véritablement dirigées par les forces armées étatsuniennes, ont marqué l’utilisation ouverte d’armées privées (mercenaires), payées avec des fonds fédéraux par Washington. Au début de 2008, il y avait plus d’entrepreneurs privés (estimés à 190 000) en Irak que de troupes de l’armée régulière. Selon un rapport du Congrès, 85 milliards de dollars ont été versés pendant la guerre du Golfe Persique entre 2003 et 2007, ce qui représente 20 % des dépenses totales des États-Unis pendant cette guerre.

blackwater-8Une autre grande raison de cette croissance est d’ordre politique : toujours en colère contre le syndrome du Vietnam (avec environ 60 000 morts), la classe dirigeante étatsunienne et son administration fédérale préfèrent cacher le nombre de victimes dans leurs aventures de guerre. Les entrepreneurs, qui ne sont pas des soldats réguliers de leurs forces armées, passent plus inaperçus dans l’opinion publique.

Il y a une autre raison, peu explicite, mais d’un grand poids : les mercenaires, parce qu’ils ne font pas partie d’une force régulière mais d’un personnel « indépendant », ne sont pas soumis aux réglementations internationales qui régissent les guerres, comme les Conventions de Genève. Bien que les États-Unis aient signé ces traités, ils ne les ont pas ratifiés, de sorte qu’ils ne s’y soumettent pas. De ce fait, les armées privées se trouvent dans un certain vide juridique, ce qui les exclut du Droit International. Ainsi, les abus et excès qu’ils peuvent commettre (et qu’en fait ils commettent) sont relativement en dehors de toute réglementation.

Les exemples sont nombreux. La célèbre société Blackwater, rebaptisée Academi pour effacer sa mauvaise image, est associée aux pires crimes de guerre, mais malgré cela, le gouvernement fédéral des États-Unis continue de lui attribuer des contrats de plusieurs millions. La corruption et l’impunité, comme on le voit, ne sont pas la propriété des pays « en retard » du Sud (à titre d’exemple, Donald Trump insiste maladivement sur la construction de la clôture à la frontière du Mexique… car il est lié aux entreprises de construction !

Les entreprises militaires se spécialisent dans toutes sortes de services liés à une guerre avancée ; sont en charge des aspects logistiques et de l’approvisionnement des troupes, des télécommunications, des tâches de liaison, de la surveillance, de la formation des combattants et, bien sûr, des combats ouverts (les actes de torture ou les actions « obscures » ne sont pas déclarés, comme ce fut le cas de la célèbre prison d’Abu Ghraib, en Irak, ou les opérations clandestines de provocation du Venezuela menées depuis le territoire colombien, auxquelles des paramilitaires d’origines diffuses participent). En matière de combat direct, l’expérience de nombreuses interventions dans différentes parties du globe montre que ces sociétés ont une grande capacité opérationnelle, puisqu’elles agissent aux côtés des forces régulières, souvent avec des véhicules blindés, des hélicoptères et des armes d’assaut de haute technologie.

Le personnel qu’elles recrutent est généralement composé d’anciens membres d’armées ayant un haut niveau d’entraînement et d’expérience au combat ; ce sont souvent des commandants spécialisés, des soldats d’élite (de nombreux corps d’unités régulières ont été affectés, étant donné que leurs membres préfèrent la rémunération des compagnies privées). Un mercenaire chez certains de ces entrepreneurs peut gagner jusqu’à 1 000 $ par jour. Le commerce de la mort paie bien, sans aucun doute. C’est le capitalisme !

A l’intérieur des frontières américaines, après la fièvre paranoïaque déclenchée par la chute des tours jumelles en 2001, ces entreprises privées ont proliféré en offrant « la sécurité ». C’est pourquoi, aujourd’hui, il est courant de les voir surveiller des ports, des aéroports, des prisons et des centrales nucléaires. Toutes proportions gardées, il se passe la même chose que dans un « pays pauvre et en retard » comme le Guatemala ; là-bas, devant la fabuleuse prolifération des agences de sécurité privées (qui ne paient pas 1000 dollars par jour leurs agents !), ce que dit un ancien membre de gang est instructif :

« Je ne suis ni un sociologue ni un politicologue mais je réalise qu’il y a une relation entre un jeune voyou que l’on charge de braquer un magasin et le député qui a une société de sécurité et qui le lendemain propose ses services« .

Le commerce de la guerre, ou si vous voulez, le commerce de la violence – qui se nourrit des peurs des gens – produit de très bons profits. Des mots retentissants comme liberté, démocratie, droits de l’homme, etc. sont percés par des coups de feu. « Là où il y a des balles, les mots sont superflus« , est inscrit sur un graphiti dans une banlieue d’Amérique Latine. Malheureusement, c’est vrai.

Marcelo Colussi

 

Article original en espagnol : Ejércitos privados, mercenarios legales, rebelión, le 6 mars 2019

Traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International

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J’étais assis dans mon appartement à Caracas, en train de lire l’édition en ligne de Time Magazine (5/19/16) qui rapportait que “même quelque chose d’aussi basique que l’aspirine reste introuvable au Venezuela”. Je me suis rendu à la pharmacie la plus proche, quatre pâtés plus loin, et j’y ai trouvé un tas d’aspirines, d’acetaminophène (générique Tylenol) et d’ibuprophène (générique Advil), parmi des rayons bien fournis, avec une équipe de professionnels experts à faire pâlir d’envie tout drugstore états-unien.

Quelques jours après l’article de Time, la chaîne CNBC (6/22/16) se fit l’écho d’une plainte selon laquelle on ne pouvait trouver d’acéminatophène nulle part : “Des produits de base comme le Tylenol ne sont même pas disponibles”. Ce qui doit avoir surpris la Pfizer Corporation puisque c’est sa filiale vénézuélienne, la Pfizer Venezuela SA, qui produit l’acéminatophène que j’ai acheté. (Ni l’auteur de l’article de Time Ian Bremer ni le commentateur de la CNBC Richard Washington ne se trouvaient au Venezuela, et il n’y a pas d’indices qu’ils y aient mis les pieds un jour, ni l’un ni l’autre.)

J’ai acheté les trois produits, plus un sirop pour la toux, et d’autres médicaments sans ordonnance, car je doutais que quiconque me croirait aux Etats-Unis si je ne pouvais montrer ces produits dans leur emballage d’origine.

Incessants tambours de mensonges

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Orchestre Juvénile du Venezuela à New York en 2016

De fait, j’aurais moi-même douté si quelqu’un m’avait dit cela sans m’en fournir la preuve concrète, vu l’intensité des tambours du mensonge. Quand l’Orchestre Juvénile du Venezuela donna un concert à New York au début de 2016, avant que je déménage à Caracas, je m’y rendis en pensant “Purée! J’espère que les membres de l’orchestre seront bien habillés et bien nourris”. Ils étaient bien habillés et bien nourris.

Quand j’ai mentionné tout ça dans un débat à l’Université du Vermont, un étudiant m’a confié qu’il avait eu la même sensation lorsqu’il assistait au championnat panaméricain de football. Ils se demandait si les joueurs vénézuéliens seraient capables de jouer vu qu’ils devraient être fort affaiblis par le manque de nourriture. En fait, a-t-il dit, l’équipe du Venezuela a joué superbement et s’est hissé à des rangs de compétition plus hauts que prévus surtout quand on sait que ce pays est traditionnellement un pays du base-ball, contrairement à ses voisins obsédés du foot que sont le Brésil et la Colombie.

Même si cela peut être dur à croire pour des usagers des médias états-uniens, le Venezuela est un pays où les gens pratiquent des sports, vont au travail, vont à l’école, vont à la plage, fréquentent les resturants et aux concerts. Ils publient et lisent des journaux de toutes les tendances poltiques (la majorité sont d’opposition, NdT), de droite centre-droit, centre, centre-gauche et gauche. Ils produisent et regardent des programes de télévision, sur des chaînes de télé elles aussi de toute couleur politique.

CNN s’est ridiculisé récemment (Redacted Tonight, 2/1/19) dans un programme sur le Venezuela dont la voix évoquait “l’utopie socialiste qui vide aujourd’hui virtuellement tous les estomacs” et fut suivie d’une image d’une manifestation de droite où chacun apparaissait bien nourri.

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Sympathisants du Président vénézuélien Nicolas Maduro (photo: TeleSur)

Certes le téléspectateur pourrait penser que cela est sûrement dû au fait que les opposants proviennent des classes moyennes supérieures. Les mobilisations de travailleurs pro-gouvernementales devraient être le fait de ventres creux… Or c’est loin d’être le cas des manifestations massives en faveur du gouvernement bolivarien du 2 février 2019: les gens ont l’air d’aller très bien (photos). Et ce malgré le fait que l’administration Trump a resserré à l’extrême l’étau économique sur le pays, une réminiscence de la stratégie du “faire crier l’économie” mise en place par l’administration Nixon et la CIA contre le gouvernement démocratique du Président Salvador Allende au Chili, et contre d’autres gouvernements démocratiquement élus.

Manifestations rivales

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Últimas Noticias sur Twitter (2/1/19): “Capriles: les partis n’appuyaient pas l’auto-proclamation de Guaidó”

Cette manifestation a révélé un appui considérable au gouvernement du Président Nicolás Maduro et un large rejet du choix du Président Donald Trump pour la présidence du Venezuela : Juan Guaidó. Guaidó, autoproclamé président du pays et reconnu quelques minutes plus tard par Trump, inconnu au bataillon pour 81 % des vénézuéliens comme l’a indiqué une enquête d’opinion menée par une firme privée, provient de la frange radicale de l’extrême droite vénézuélienne.

La manifestation pro-Maduro a suggéré sans surprise que Guaidó avait échoué dans la conquête d’un appui populaire au-delà des couches les plus riches de la société qui se réunissent dans les zones chics de l’Est de la capitale. Mais Guaidó n’a même pas réussi à gagner l’appui de nombreux riches. Le jour qui a précédé les manifestations rivales le 2 février, Henrique Capriles, le leader d’une faction d’extrême droite, a donné une interview à l’AFP parue dans le journal de centre-droit Últimas Noticias (2/1/19), le journal le plus lu au Venezuela. Capriles y déclare que la plus grande partie de l’opposition n’a pas appuyé l’autoproclamation de Guaidó comme président. Ce qui pourrait expliquer la surprenante faiblesse de la participation à la manifestation de Guaidó, organisée dans ces mêmes quartiers riches, éclipsée par la manifestation pro-gouvernementale sur l’avenue principale (avenue Bolivar) de la capitale.

Le New York Times n’a pas montré d’images de la manifestation pro-gouvernementale, se limitant aux déclarations d’ “experts” non nommés (2/2/19) pour qui la manifestation pro-gouvernementale était plus petite que celle des anti-gouvernement.

Les lecteurs peuvent observer les photos des manifestations rivales et juger par eux-mêmes. Les deux groupes ont fait de leur mieux pour mobiliser leurs fidèles, sachant que la capacité à montrer un appui populaire est un enjeu d’importance. Le strident journal de la droite vénézuélienne El Nacional (2/3/19) a publié une photo de l’opposition de droite:

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Première page de El Nacional

Si c’est la meilleure photo qu’il a pu trouver, elle est remarquablement peu expressive comparée aux photos des journaux de gauche comme Ciudad Caracas (2/2/19)….

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Article de Ciudad Caracas, Maduro s’adressant à une mobilisation révolutionnaire au coeur de Caracas (2 février 2019)

… ou le Correo del Orinoco (2/3/19), qui étaient trop heureux de publier des images de l’événement pro-gouvernemental:

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Première page du Correo del Orinoco (3 février 2019)

L’improbable “aide humanitaire”

Une manifestation géante anti-gouvernementale était supposée rendre possible un coup d’état, une manoeuvre que la CIA a utilisée fréquemment – en Iran en 1953, au Guatemala en 1954, au Brésil en 1964 et dans bien d’autres cas, jusqu’au Honduras en 2009 et en Ukraine en 2015. Mais l’affluence à la “grande mobilisation” annoncée par l’administration Trump était décevante, et le coup d’état ne s’est pas produit. Le résultat est que Trump a soudain exprimé un vif intérêt pour remettre des médicaments et de la nourriture aux vénézuéliens (FAIR.org, 2/9/19).

Que Trump, qui a laissé mourir des milliers de citoyen(ne)s à Puerto Rico et fait mettre en cage de jeunes enfants à la frontière mexicaine, se transforme soudain en champion de l’aide humanitaire aux latino-américains, a quelque chose d’irréel. Pourtant les médias privés l’assument, sans rire.

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La télévision canadienne CBC (2/15/19) a au moins eu l’honnêteté de reconnaître que le pont dépeint comme “bloqué et fermé à l’aide humanitaire par Maduro” n’avait en fait jamais été ouvert au trafic depuis des années.

La plupart des médias privés ont occulté les informations provenant de la Croix Rouge et de l’ONU – qui apportent déjà une aide humanitaire au Venezuela avec l’accord de son gouvernement – refusant d’administrer une aide états-unienne jugée par eux trop proche d’un stratagème politiqueet militaire. Ils ont même continué à construire l’image d’un Trump-champion-de-l’aide-humanitaire après les révélationsqu’un avion états-unien avait été surpris au Venezuela en rain de débarquer des armes, et même après la nomination par Trump comme “envoyé spécial et chargé des opérations au Venezuela” du criminel Elliot Abrams, imputé dans l’affaire de l’Iran/Contragate. Abrams se trouvait à la tête du Bureau des Droits de l’Homme du Département d’Etat dans les années 80, lorsque les escadrons de la mort sévissaient partout en Amérique Centrale, et quand les armes des terroristes appuyés par les Etats-Unis au Nicaragua furent convoyées comme aide “humanitaire”, dans des avions repeints aux sigles de la Croix Rouge.

La télévision canadienne CBC (2/15/19) a au moins eu l’honnêteté de reconnaître qu’elle avait repris comme vrai un mensonge du Secrétaire d’Etat Mike Pompeo selon lequel le gouvernement vénézuélien avait bloqué un pont entre la Colombie et le Venezuela pour empêcher le passage d’une aide humanitaire. Le pont construit il y a quelques années n’a en fait jamais été ouvert à la circulation, apparemment à cause des relations hostiles entre les deux pays. Cette non-ouverture date de bien avant le supposé convoi d’aliments et de médicaments du gouvernement états-unien.

L’absurdité d’une “aide” dont on dit qu’elle contient pour 20 millions de dollars de nourriture et de médicaments, pour un pays qui compte trente millions d’habitants, et alors que les Etats-Unis ont volé 30 milliards de dollars du Venezuela en revenus pétroliers et en dérobent 30 millions tous les jours, se passe de commentaires.

“Etat failli”

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Financial Times du 4/4/2016: « le Venezuela risque de sombrer dans le chaos »

Le Financial Times(4/11/16) a rapporté en 2016 que le Venezuela était un “état failli”, un “pur chaos” avec “quelque chose de semblable à une guerre civile en cours”.

La campagne de désinformation intégrale à propos du Venezuela été lancée en 2016 par le Financial Times. Ironiquement, ce journal a choisi le 14ème anniversaire du coup d’Etat manqué de 2002 contre le Président Hugo Chávez – le 11 avril 2016 – pour affirmer que le Venezuela sombrait dans le “chaos” et dans la “guerre civile” et que le Venezuela était un “état failli”. Comme pour les rapports de Time et de CNBC, le reporter du Financial Times n’était pas au Venezuela, et rien n’indique dans l’article qu’il y soit jamais allé.

J’ai demandé à des amis de droite au Venezuela s’ils étaient d’accord avec les titres du Financial Times. “Non, bien sûr que non” m’a répondu l’un d’eux, soulignant l’évidence: “il n’y a pas de chaos ni de guerre civile. Mais le Venezuela est un état failli, car il n’a pas été capable de couvrir tous les besoins en médicaments de sa population”. Si on prend ce paramètre, tout pays latino-américain est un état failli, et, à l’évidence, les Etats-Unis aussi.

Le New York Times a produit des articles (5/15/16, 10/1/16) affirmant que les conditions dans les hôpitaux vénézuéliens étaient horribles. Ces articles ont mis en rage les colombiens de New York, qui ont fait remarqué qu’un patient peut mourir au seuil d’un hôpital public en Colombie s’il n’a pas d’assurance. Au Venezuela, par contraste, les patients sont traités gratuitement.

Un Colombien résident à New York a raconté que sa mère était retournée récemment à Bogota après plusieurs années aux Etats-Unis, et qu’elle n’avait pas eu le temps d’obtenir une assurance médicale. Elle est tombée malade et s’est rendue à un hôpital public. L’hôpital l’a laissée dans la salle d’attente pendant quatre heures puis l’a envoyée vers un deuxième hôpital. Le deuxième hôpital a fait la même chose, la laissant attendre quatre heures avant de l’envoyer à un troisième hôpital. Le troisième hôpital se préparait à la r’envoyer vers un quatrième lorsqu’elle protesta, expliquant qu’elle avait une hémorragie interne et qu’elle s’affaiblissait.

Je suis désolée, Señora, mais si vous n’avez pas d’assurance médicale, aucun hôpital public dans ce pays ne vous prendra en charge” a dit la préposée à la réception. “Votre seul espoir est de vous rendre à un hôpital privé, mais préparez-vous à devoir avancer une grosse somme d’argent”. Par chance elle avait un ami fortuné, qui l’emmena à l’hôpital privé où elle dut en effet avancer une grosse somme d’argent.

De telles conditions, en Colombie comme dans d’autres régimes néo-libéraux, ne sont pas mentionnées par les médias privés états-uniens, qui ont longtemps traité le gouvernement colombien, un régime de droite qui s’appuie depuis longtemps sur des escadrons de la mort, comme un allié des Etats-Unis (Extra!, 2/09).

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“L’Hôpital Infantile Latino-américain, Caracas: c’est la faute à Chávez !” (YouTube, 3/31/11)

Très bien, admettons, mais les rapports sur les conditions dans les hôpitaux vénézuéliens sont-ils vrais ou exagérés ? “Ils sont beaucoup mieux que ce qu’ils étaient il y a dix ans” me dit un ami qui travaille dans un hôpital de Caracas. En fait, explique-t-il, l’hôpital où il travaille a été ouvert il y a dix ans, et de nouveaux hôpitaux sont inaugurés actuellement. Pae exemple récemment à El Furrial, ou à El Vigia, comme en a fait état le journal de centre-droit Últimas Noticias(3/3/17, 4/27/18). Par ailleurs le gouvernement a ajouté, ou agrandi les infrastructures d’hôpitaux existants, comme celles d’un centre pour grands brûlés à Caracas ou trois nouvelles salles d’opération à l’hôpital de Villa de Cura.

Pendant ce temps, le gouvernement étrenne une nouvelle ligne ferroviaire à haute vitesse, Le Rêve d’Hugo Chávez, en mars (Correo del Orinoco, 2/6/19). Comme les médias états-uniens n’ont jamais laissé passer d’informations sur les réussites obtenues depuis la première élection d’Hugo Chávez en 1998, et n’ont publié que des informations sur de soi-disant dysfonctionnements, exagérés ou comme nous l’avons noté, inventés de toutes pièces, il ne reste aux lecteurs qu’à consulter une histoire alternative. En voici une, publiée par un vénézuélien sur YouTube (3/31/11): “Por Culpa de Chávez” (“C’est la faute à Chavez”). Dépeignant de nouveaux hôpitaux, lignes de transit, logements publics, usines, etc.. construits par le chavisme, il peut aider à comprendre pourquoi le gouvernement de Nicolas Maduro continue à jouir d’un soutien aussi fort de la part de nombreux(ses) citoyen(ne)s.

Guerre économique

Il ne s’agit pas de minimiser les problèmes du Venezuela. Le pays a été touché, comme d’autres nations productrices de pétrole, dans les années 80 et 90, par la chute des prix du pétrole. Mais comme cela n’a pas fait tomber le gouvernement bolivarien, l’administration Trump a créé une crise artificielle basée sur une guerre économique extrême pour priver le pays de devises étrangères nécessaires à l’importation de biens de première nécessité. Les mesures de Trump semblent conçues pour empêcher toute reprise économique.

Comme dans tout pays en guerre (et l’administration Trump a placé le Venezuela dans des conditions de guerre et sous la menace d’une invasion immédiate), il y a des pénuries, avec de nombreux produits qui se retrouvent sur le marché noir. Ceci ne devrait surprendre personne: pendant la deuxième guerre mondiale aux Etats-Unis, alors que la manne n’était pas gravement menacée d’une invasion, il y eut un strict rationnement de produits tels que le sucre, le café ou le caoutchouc.

Le gouvernement du Venezuela a mis la nourriture, la médecine et les produits pharmaceutiques à de très bas prix mais beaucoup de marchandises ont été déviées vers le marché noir, ou sont sorties par la frontière de la Colombie, du Brésil et des Caraïbes, privant les vénézuéliens de provisions et ruinant les producteurs colombiens. Le gouvernement a récemment renoncé à certaines des lourdes subventions des prix, ce qui a produit une hausse des prix dans un premier temps. Ces dernières semaines, les prix ont commencé à baisser, en particulier parce que le gouvernement a unifié les taux de change et exercé un contrôle plus serré sur la frontière colombienne pour prévenir la contrebande.

Il n’y a jamais eu de discussion sérieuse sur aucun de ces thèmes dans les médias privés états-uniens, et moins encore sur la campagne de mensonges ou sur la guerre économique menée par l’administration Trump. Il n’y a pas eu de comparaison avec les conditions de vie des années 80 et 90, lorsque le gouvernement néo-libéral imposa les recettes économiques du FMI, avec pour résultat une révolte populaire : le sanglant Caracazo de 1989. La répression gouvernementale coûta la vie de centaines (selon le gouvernement de l’époque) ou de milliers de personnes (selon les critiques de ce gouvernement), sans compter les nombreuses victimes de la loi martiale qui fut alors instaurée.

Les efforts menés par l’opposition de droite pour provoquer un soulèvement semblable du type “Caracazo” qui pourrait justifier une “intervention humanitaire” étrangère, ont échoué de manière répétée. Il ne reste donc à l’administration états-unienne et aux médias privés qu’à recourir aux plus extrêmes mensonges sur l’Amérique Latine qu’on a connus depuis les guerres de l’administration Reagan dans les années 80.

Mark Cook

 

 

Article original en anglais : Venezuela Coverage Takes Us Back to Golden Age of Lying About Latin America, Fair, le 22 février 2019.

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne, Venezuela Infos

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Victoire Ingabire et le 8 mars: femmes et pauvreté au Rwanda

mars 7th, 2019 by Victoire Ingabire Umuhoza

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, Victoire Ingabire Umuhoza souligne la contradiction entre les conditions de pauvreté abjecte de la grande majorité des femmes au Rwanda et le discours officiel de ce pays. Selon cette grandes combattante pour la liberté qui a passé 8 ans au prison, « l’éradication de la pauvreté passer par le femme. » Elle ajoute que « que le rapport du bureau de Statistique au Rwanda daté d’août 2018 montre que ces femmes vivent de 0,88$ par jour. »

Ces faits tranchent nettement avec le discours officiel du gouvernement du Rwanda qui se présente comme un champion mondial des femmes en politique.

Pour illustrer le cercle vicieux de la pauvreté, Victoire Ingabire Umuhoza cite aussi un rapport accablant de la Banque mondiale selon lequel au Rwanda 38% des enfants de moins de cinq ans ont la malnutrition chronique ou le retard de croissance. « Les enfants qui souffrent d’un retard de croissance sont piégés tôt dans un cercle vicieux de pauvreté, car leur développement cérébral avait été compromis avant l’âge de deux ans et les dommages sont en grande partie irréversibles. Le retard de croissance dans l’enfance augmente le risque de transmission intergénérationnelle: les mères mal nourries sont plus susceptibles d’avoir un retard de croissance. »

En critiquant les efforts du gouvernement de cacher la vérité sur la pauvreté, elle invite celles qui détiennent des postes politiques et administratifs de devenir les porte-paroles de leurs compatriotes qui vivent dans la misère.

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Vers la réunification de la Libye?

mars 6th, 2019 by Andrew Korybko

Le général Khalifa Haftar, membre du gouvernement Est-libyen non-reconnu de Tobruk, avait annoncé le mois dernier le début de ses opérations armées contre les groupes terroristes, les rebelles étrangers, les mercenaires, et d’autres acteurs non étatiques au sud du pays. Il a parcouru ces vastes étendues de territoires très peu densément peuplées, pour enfin reprendre les plus grands champs pétroliers d’El Sharara du pays en début de semaine. Des craintes ont existé de voir une autre phase de la longue guerre civile, cette fois conventionnelle, éclater alors que l’Armée Nationale Libyenne (ANL) s’approchait de zones sous contrôle symbolique des milices loyales au « Gouvernement de Concorde Nationale », installé à Tripoli et reconnu à l’international, mais il semble que l’armée de Haftar a conclu un accord avec les défenseurs du champ pétrolier d’El Sharara pour éviter l’occurrence d’un tel scénario.

Le général renégat est à présent à la tête de la force militaire la plus puissante du pays, et dispose du contrôle le plus étendu sur la sève vitale économique de la Libye, mais il n’a pas abusé de sa position. L’homme a promis de rendre le contrôle de l’infrastructure énergétique reconquise à la National Oil Company (NOC), décision pragmatique s’il en est, au vu des sanctions internationales qui l’empêchent de vendre ses ressources sur le marché mondial. Reste qu’il peut se présenter comme libérateur du pays, et seule force unificatrice dans le chaos post-Kadhafi qui ravage le pays depuis le changement de régime mené par l’OTAN en 2011 contre la Jamahiriya ; de quoi faire monter ses chances de briguer la présidence s’il décide de se présenter aux élections qui auront lieu cette année. Saif Kadhafi pourrait être son opposant à ce scrutin : les gens qui voteront pour ce dernier le feront par nostalgie du père, alors que Haftar est en mesure de se targuer de réels accomplissements.

Tenu jusqu’ici écarté du pouvoir en raison des efforts de lobbying à l’international par le « Gouvernement de Concorde Nationale » de Tripoli, Haftar pourrait en fin de compte réussir à parvenir à un accord avec le reste de la communauté mondiale, et se voir reconnu comme force politique légitime, après le succès retentissant de son opération au sud, et le retour sans un coup de feu du champ pétrolier d’El Sharara dans le giron de la NOC. Mais en même temps, le gouvernement de Tripoli pourrait s’accrocher à l’illusion que le reste du monde restera uni contre Haftar ; chose finalement peu probable, car l’homme dispose de différents soutiens tactiques en Égypte, aux EAU, et même – se dit-il – en France et en Russie. En outre l’équipe hétéroclite qui compose le gouvernement de Tripoli, constituée de milices rivales entre elles, n’est même pas capable de contrôler Tripoli correctement, si bien que le soutien international dont elle dispose reste pour le moins superficiel.

Les choses ont pu laisser à penser que la Libye se dirigeait vers une « balkanisation », mais la soudaine montée au pouvoir de Haftar, et en particulier ses dernières victoires en date dans le sud ont montré que même le plus brisé des pays africains peut trouver une chance de se réunifier, de préférence de manière pacifique, et par la survenance d’un «compromis » politique. La Libye déchirée par la guerre civile n’a jamais été aussi proche de la réunification, mais il revient à présent aux soutiens internationaux du gouvernement de Tripoli de faire pression sur lui, pour qu’il souscrive à un accord avec Haftar, dans l’intérêt de la nation toute entière ; même si un tel accord sera difficile à négocier pour des raisons d’égo et de géopolitique. Faute d’un tel accord, Haftar pourrait continuer, lentement mais sûrement, resserrer l’étau qu’il a placé autour de Tripoli, jusqu’à obtenir la reddition des autorités. Pour l’instant, l’homme semble faire tout ce qui est en son pouvoir pour parvenir à un accord acceptable sans en parvenir à de telles extrémités.

Andrew Korybko

 

Article original en anglais : Haftar’s Sweep Of Southern Libya Might Finally Reunify The Country, Oriental Review, le 18 février 2019.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Sputnik News le vendredi 15 février 2019.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

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Photo : Marcelo Camargo / Agência Brasil. Sergio Moro a envoyé au Congrès le projet signé par le Président le mardi 19 février.

Selon le document envoyé à la Commission interaméricaine des droits humains, le projet de loi anti crime du ministre de la sécurité publique ne résout pas la crise et aggrave le génocide de la jeunesse noire et pauvre du pays. Mouvement noir dénonce ″le permis de tuer″ du ministre Moro.

Un groupe composé de 39 mouvements sociaux agissant dans le domaine de la sauvegarde des droits de la population noire s’est constitué pour demander à la CIDH (Commission Interaméricaine des Droits Humains) et à l’OEA (Organisation des Etats Américains) de prendre des mesures contre le projet anti crime élaboré par le ministre [1] Sérgio Moro. Responsable de la Justice et de la Sécurité au gouvernement de Jair Bolsonaro (PSL [2]) , celui-ci propose des modifications légales pour résoudre la crise actuelle dans le domaine de la sécurité.

Selon le document envoyé par le groupe, les changements proposés par Moro produiront un résultat inverse à celui que le ministre a annoncé. On estime que ces changements augmenteraient encore davantage les inégalités sociales et aggraveraient le nombre d’emprisonnements et le génocide dont la jeunesse noire et de la périphérie est victime.

L’ensemble de ces propositions anti crime du ministre Sérgio Moro est critiqué par certains spécialistes qui considèrent que ces mesures pourraient offrir une brèche légale permettant aux policiers en service, de tuer, leur donnant une sorte de ″permis de tuer″. Le document attire également l’attention sur l’orientation de ce projet de loi qui viserait la population noire et pauvre de la périphérie et permettrait aux féminicides de bénéficier de la partie traitant la légitime défense.

Le mouvement noir a détaillé, point par point, les critiques faites à ce projet. Elles vont de l’emprisonnement en deuxième instance [3] – mesure qui ″abandonne le droit de présomption d’innocence, ce qui va conduire à la prison un grand nombre de personnes dont le jugement est toujours en cours″ – à la ″protection supra légale″ [4] de policiers qui conduirait à une réduction des investigations concernant la mort de personnes causée par des policiers, ouvrant ainsi la possibilité d’une augmentation de la mortalité provoquée par la police.
« Cet ensemble de mesures anti crime ignore faits, évidences, recherches, études académiques et scientifiques ainsi que toute la mobilisation de la société au tour de ce thème et propose quelque chose en totale dissonance avec ce qui est discuté et défendu comme solution pour faire face au grave problème de la sécurité publique, tel qu’il est vécu au Brésil. Comment ne pas caractériser de telles initiatives [du gouvernement] comme des attaques délibérées et des violations des droits humains dans notre pays ? »

Le document présente les analyses de ces mesures réalisées par huit spécialistes, dont Paulo Sérgio Pinheiro, ancien ministre du Secrétariat aux droits humains. ″Cette proposition présente une exclusion inacceptable de criminalité. Ce projet ne va apporter aucune amélioration de la sécurité publique pour personne″. Pour Daniella Meggiolaro, avocate criminaliste et directrice de l’Institut de Défense du Droit de la Défense (IDDD), une fois ces mesures approuvées, ″les femmes noires vont être de plus en plus affectées alors qu’elles sont déjà victimes de la violence policière et sont mères de jeunes noirs tués par la police. »

Le mouvement presse le CIDH et notamment les commissaires Antonia Urrejola et Margarette May et le secrétaire général Paulo Abrão de prendre position officiellement. Il demande un suivi international des propositions envoyées au Congrès qui devra apprécier la pertinence de l’application des changements et la création d’un canal de dialogue avec le mouvement noir brésilien. Il demande également à la CIDH d’adopter des mesures qui garantissent les droits de la population noire et, finalement, la réalisation d’audiences permettant au mouvement de présenter ses demandes à la Commission [5].

Liste des mouvements signataires :

Aliança Hip Hop Taquaril – BH
Alma Preta Jornalismo
Amma Psique e Negritude – SP
AMPARAR – Associação de Amigos e Familiares de Presos – SP
Aparelha Luzia – SP
Assessoria Popular Maria Felipa – BH
Bloco Afro Ilú Oba De Min – SP
Casa do Hip Hop do Taquaril – BH
Casa do Meio do Mundo – SP
CEDECA Mônica Paião Trevisan – SP
Ceert – Centro de Estudo das Relações de Trabalho e Desigualdades – SP
Centro de Direitos Humanos de Sapopemba – SP
Coletivo Força Ativa – SP
Coletivo Negro Vozes da UFABC – SP
Comunidade Cultural Quilombaque – SP
Comunidade de Samba Maria Cursi – SP
Comunidade de Samba Pagode na Disciplina Jardim Miriam – SP
CONEN – Coordenação Nacional de Entidades Negras
Cooperifa – SP
Criola – RJ
Cursinho Popular Carolina de Jesus – SP
Desenrola e Não me Enrola
Festival da Mulher Afro-Latina-Americana e Caribenha – Latinidades – DF
Fopir – Fórum Permanente pela Igualdade Racial
Fórum Grita Baixada – RJ
Grupo de Amigos e Familiares de Pessoas em Privação de Liberdade – MG
Grupo Kilombagem – SP
IDEAS – Assessoria Popular – BA
MMN – Marcha de Mulheres Negras – SP
MNU – Movimento Negro Unificado
Movimento Independente MÃES DE MAIO
NCN – Núcleo de Consciência Negra na USP
Pretas em Movimento – BH
Rede de Mulheres Negras de Minas Gerais – MG
Rede de Proteção e Resistência Contra Genocídio – SP
Rede Urbana de Ações Socioculturais- RUAS – DF
Ubuntu Cursinhos – SP
UNEAFRO BRASIL
UNEGRO – União de Negros pela Igualdade

Article original en portugais : Movimento negro denuncia internacionalmente ‘licença para matar’ de Moro, Ponte, le 22 février 2019.

Traduction : Roger Guilloux pour Autres Brésils
Relecture : Marie-Héléne Bernadet

Notes

[1Ce ministère englobe ce qui relève en France de la Justice et du ministère de l’intérieur.

[2Parti Social Libéral auquel est affilié le Président Bolsonaro.

[3cette instance juridictionnelle ne correspond que partiellement au second degré de juridiction français, ce dernier étant d’un usage beaucoup plus restrictif. Le projet de loi de Moro autoriserait l’emprisonnement après jugement en segunda instância, ce que la loi actuelle ne permet pas.

[4Cette mesure exonèrerait de toute poursuite légale, dans certaines situations (effet de surprise, choc émotionnel, par exemple), les policiers en exercice de leur fonction, ayant blessé ou tué la/ les personnes poursuivies.

[5Avant d’être présenté et discuté par l’ensemble des élus, un projet de loi est examiné dans chaque chambre, par une commission composée de membres issus des partis de gouvernement et d’opposition.

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Aucune des demandes ou revendications des Gilets-jaunes ne peut être acceptée par et dans l’Union européenne telle qu’elle est actuellement. Les politiques nationales sont déterminées par le cadre intérieur du Marché unique, de la monnaie unique et des règles uniques de l’UE. Les Gouvernements de chaque pays formant l’UE, sont des exécutants dociles de ses règles, au mieux, des « fondés de pouvoir satisfaits de leur impuissance », écrit Coralie Delaume.

L’Union européenne n’est pas une organisation intergouvernementale mais c’est une structure supranationale. Les juristes disent que la Cour de justice des communautés a «constitutionnalisé les traités» via deux jurisprudences de 1963 et 1964, comme on l’a déjà dit dans un article de décembre 2018. Autrement dit, « la Cour de justice a fait naître un ordre juridique inédit et posé les bases d’un proto-fédéralisme sans que les peuples soient consultés – ni même avertis – de la venue au monde d’une quasi-Constitution, dès 1964, » disait Coralie Delaume, dans le FigaroVox du Mardi 26 Février 2019.

Les Français ont instinctivement voté « non » au référendum du 29 mai 2005 sur le Traité constitutionnel européen, sans même savoir que ce référendum consistait en réalité à demander aux électeurs de légitimer a posteriori une situation qui existait déjà depuis 1964. Les Français se trouvaient, sans le savoir, dans la position de devoir voter pour approuver une situation qui était en réalité « un fait accompli » et certainement pas pour la désapprouver: leur vote était purement symbolique et forcément inutile. C’est aussi la vraie raison, toute « naturelle » pour laquelle l’UE ne pouvait donc pas tenir compte ni du referendum négatif français, ni du Hollandais, ni du Irlandais. L’UE allait déguiser son refus par l’imposition à tous d’un « Traité de Lisbonne » qui était présenté comme une version soft du « projet de Constitution » rejeté massivement par les Français. L’UE ne pouvait pas reconnaître publiquement qu’elle avait mis en place un processus de « fédéralisation furtive » qu’elle voulait faire ainsi valider! Sans « rien dire à personne » elle avait déjà parcouru un très long chemin dans une direction de laquelle elle ne pouvait plus se détourner.

L’autre conséquence immédiate à cette situation de falsification, c’est que le Parlement européen n’était donc pas un Parlement. La mutation constitutionnelle des traités allait entraîner la fin de toute démocratie embryonnaire en Europe. La fin du principe de l’unanimité au sein du Conseil européen allait encore aggraver davantage le problème. Le lien naturel qui aurait dû continuer à exister entre les Nations et le Conseil Européen était rompu pour de bon, faisant des élections nationales une mascarade pitoyable, le vote des citoyens étant absolument devenu inopérant. Quelle que puisse être son issue ou son alternance vers la gauche ou vers la droite, le vote des Français ne changerait plus rien aux directions prises par des acteurs politiques inconnus, hors de portée, anonymes et non élus de Bruxelles. 

Avec la fin de l’unanimité, n’importe quel État, y compris l’Etat Français, pouvait se voir appliquer une règle de droit ayant été explicitement rejetée par l’une de ses Institutions (Sénat ou Parlement National). La volonté nationale ou la souveraineté nationale de chaque pays de l’UE était réduite à néant. Tout nous avait échappé des mains : nous n’avions plus aucun contrôle sur rien nous concernant!

Pour calmer les peuples trompés constatant avec colère leur perte abyssale de « démocratie », le Traité de Lisbonne annonçait qu’il allait « augmenter les pouvoirs du Parlement européen ». Mais il y avait un problème de taille: ce Parlement n’en était pas un! Pourquoi? Parce qu’il ne représentait pas le «peuple européen», étant donné qu’il n’y a pas un peuple européen, mais des peuples européens. Ce « Parlement » se contentait donc de faire cohabiter les représentants nationaux de vingt-huit États. De plus, le faux Parlement de l’UE n’était pas le principal législateur du droit communautaire. Ce rôle revenait en réalité, selon le Traité, à la Cour de Luxembourg, laquelle émet de la norme en continu, « de manière jurisprudentielle » et sans en référer à personne. Enfin, le Parlement européen n’avait aucune possibilité actuelle de modifier les traités, même lorsque ceux-ci contiennent des éléments de politique économique. 

Imaginons que la « Gauche » revienne en tête aux élections européennes de 2019 ; les Français doivent savoir que cela ne changerait strictement rien à la situation actuelle, puisque l’ensemble juridique composé des traités et des arrêts de la Cour Européenne continuerait d’imposer la seule politique qui est le credo de la caste au Pouvoir à Bruxelles: plus de libre-échange, plus d’austérité, plus de concurrence, plus de capitalisme sauvage des pouvoirs financiers parasitaires mondialisés, sans l’avis de personne. 

C’est une caste oligarchique faite d’une « élite » anonyme qui dirige la totalité de notre existence concrète dans cet espace européen, sans jamais nous demander notre avis!

Ce qui veut donc dire en clair, qu’il est absolument et parfaitement inutile d’aller voter pour les Européennes. Ce vote est une totale supercherie et beaucoup d’argent des contribuables est gâché pour entretenir des parlementaires qui, en réalité, ne servent à rien. La seule et unique chose réaliste, objective et nécessaire à faire en urgence, si nous voulons sortir de ce cauchemar ultra libéral actuel, c’est raisonnablement et objectivement le Frexit.

Les traités européens sont la «constitution économique» de l’Europe. La position qu’ils occupent dans l’UE explique pourquoi la politique économique menée en France est invariablement la même depuis les années 1980, bien que se soient succédés à la tête de l’État Français des dirigeants de partis opposés. C’est «l’alternance unique» disait Jean-Claude Michéa, (philosophe Français, socialiste libertaire et spécialiste de George Orwell) le « pareil qui succède au même » tout en se disant être le « changement » (F.Hollande « socialiste ultra libéral » solférinien).

Les Gouvernements des pays membres ne peuvent plus pratiquer aucune politique industrielle volontariste, puisque les traités interdisent de «fausser la concurrence» par le biais d’interventions étatiques. Aucune politique protectionniste commerciale ne leur est possible puisque la politique commerciale est une «compétence exclusive» de l’Union Européenne. Aucune politique de change n’est possible puisque dans le cadre de la monnaie unique euro, les pays ne peuvent plus dévaluer. Aucune politique monétaire n’est possible puisque c’est la BCE qui la conduit. Aucune politique budgétaire n’est possible, puisque les pays qui ont adopté la monnaie unique sont soumis à des «critères de convergence», notamment la fameuse règle – arbitraire – des 3 % de déficit public. En outre, depuis 2010 (dans le cadre d’un calendrier appelé «Semestre européen»), la Commission Européenne pilote méticuleusement l’élaboration des budgets nationaux. 

Dans ces conditions, nos Gouvernants n’ont plus que deux outils à leur disposition: la fiscalité et le «coût du travail». 

Concernant la fiscalité, ils choisissent systématiquement de diminuer celle qui pèse sur le capital facile à délocaliser et d’augmenter celle qui pèse sur les classes sociales qui ne peuvent échapper à l’impôt! La «libre circulation des personnes et des capitaux», au sein du Marché unique, entrait en vigueur en 1986. Depuis lors, le capitalisme sauvage parasitaire financier pouvait exercer sur chaque État un odieux chantage en menaçant de se délocaliser vers les États voisins. Les pays membres de l’UE se livraient aussitôt à une concurrence fiscale déloyale, certains d’entre eux comme le Luxembourg et  l’Irlande, s’étant constitués comme des « paradis fiscaux » vivant grassement et se développant grâce à l’impôt détourné massivement par les multinationales invitées chez eux pour un traitement de faveur. Pendant toutes ces années, les autres peuples pillés légalement, grâce à cette organisation mafieuse de l’UE, allaient se débattre dans le chômage de masses et le dépeçage de toutes leurs richesses nationales.

La France était la première concernée par ce chantage et la victime de la logique politique de l’UE qui protégeait, par ses règles, le renard dans le poulailler.

Concernant les revenus et le droit du travail, ceux-ci sont devenus les cibles privilégiées de l’échelon supranational. Les documents de cadrage incessant produits par la Commission européenne, le prouvent clairement. Ils donnent des «lignes directrices pour l’emploi», pour  «l’examen annuel de croissance». Il y a aussi des «recommandations du Conseil» rédigées chaque année dans le cadre du « Semestre européen ». Toutes les réformes du droit du travail qui ont été mises en place dans les pays membres, comme la loi « El Khomri » en France, ont été prescrites de façon détaillée dans ces documents. Les Gouvernants ne gouvernent plus, ils sont juste des fonctionnaires appliquant les directives de l’UE.

« Enfin, les principes de «libre circulation des personnes» et de «libre prestation de service» à l’intérieur du Marché unique favorisent la course au moins-disant social. En dépit de la grande disparité des niveaux de rémunération d’un pays à l’autre, ces «libertés» mettent en concurrence tous les salariés d’Europe les uns avec les autres. Elles favorisent toute une gamme de pratiques relevant du dumping social, la plus connue d’entre elles étant le recours au travail détaché. Pour les pays dotés de l’euro, c’est encore plus grave: ne pouvant dévaluer leur devise pour doper leur compétitivité, ils sont contraints de pratiquer la «dévaluation interne», donc de faire baisser les salaires. » (Cf., Coralie Delaume, FigaroVox, Mardi, 26 Février 2019) 

L’organisation de l’UE telle qu’elle est, ne peut que provoquer l’usure sans fin des revenus du travail et détruire tous les outils redistributifs, en particulier les services publics, sous prétexte «d’ouverture à la concurrence» d’une part, et de la «maîtrise des dépenses publiques» avec à la clé le «remboursement de la dette» d’autre part. Les Français comme les autres peuples de l’UE sont faits comme des rats: il n’y a aucun échappatoire possible, hormis le Frexit.

La soumission par la force d’une armée n’a pas été nécessaire pour réussir l’agrégation des Nations au Saint Empire Romain Germanique réactualisé dans l’UE. Cette capitulation sans conditions s’est faite, pour les Nations vassalisées, par l’économie et par le droit. Une fois l’UE installée dans sa pratique dictatoriale, les règles communautaires qu’elle avait pondues toute seule allaient tranquillement jouer leur rôle: celui de la contrainte extérieure subie comme une servitude volontaire. Si le peuple Français veut retrouver sa souveraineté nationale, comme le réclame à cris et à sang la révolte des Gilets-jaunes, il est impératif de provoquer le Frexit. Le Frexit n’est pas évitable, il est structurellement inévitable. Ce qui veut dire très clairement que toutes les revendications essentielles des Gilets-jaunes se retrouvent condensées dans la seule revendication utile et indispensable, comme la clé d’une porte de sortie du désastre social, le Frexit. 

La démission de Macron ne changerait absolument rien à la situation des Français; un « Parlement européen » passant majoritairement à « gauche » en 2019, ne changerait absolument rien à la situation des Français, puisque la Cour du Luxembourg continuerait seule à pondre ses lois et ses normes torrentielles venues de nulle part, s’imposant d’office à tous les partenaires de l’UE. 

Il s’agit bien fondamentalement de retrouver notre souveraineté nationale. Il n’y a pas d’alternative à cela si nous voulons sortir du massacre actuel qui dure depuis 40 ans déjà. Le Frexit commence par le RIC en toutes matières et se termine par le RIC en toutes matières. Là est la seule revendication nécessaire inévitable.

La fin de cette Union Européenne, ne sera pas la fin de l’Europe des Nations, mais la voie de la liberté pour sa construction telle qu’elle aurait dû être faite selon l’intuition d’origine. 

La logique de la dette, qui ruine et vise d’abord les plus modestes, peut donc être ainsi expliquée. 

Les multinationales sont plus riches que les Etats.

Le financement des politiques et de leurs acteurs se fait par les multinationales et le Pouvoir de la constellation bancaire. Ce financement doit être payé en retour par l’impôt prélevé sur les peuples.

Les industriels européens (Table Ronde des Industriels européens) sont les vrais décideurs du programme du marché commun (CEE).

Le financement de l’économie se fait habituellement par le vol des cotisations sociales placées en bourses. L’ISF a été aboli pour que les actionnaires (personnes morales en fiscalité) ne paient plus d’impôt sur la fortune et ne soient donc plus tentés, par la même occasion, de « fuir à l’étranger ».

En cas de faillite, dégradation du triple A en zéro A, ce sont donc nos comptes en banques qui seraient saisis.
La dette bancaire de 2008 était devenue une dette des Etats « pour sauver les banques » et puisqu’elle va fatalement se renouveler, cette nouvelle « crise » bancaire se transformera logiquement en dette, non plus des Etats, mais du peuple, puisque cette fois-ci tout aura été volé de fond en combles. 

La BCE a récemment mis à jour la liste des agences supranationales et parapubliques dont elle pourra acheter la dette dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif de 60 milliards d’euros par mois. Du côté des émetteurs français, Bpifrance Financement et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) font leur entrée dans la liste, de même que l’Agence française de développement et l’ACOSS, (Action des Comptes publics et des Organismes de Solidarités et de la Santé: caisse nationale du réseau des URSSAF), l’organisme qui gère la trésorerie de la Sécurité sociale. Jusqu’à présent, seule la Caisse d’amortissement de la dette sociale et l’UNEDIC figuraient en France parmi les agences éligibles au QE de la BCE. Au niveau européen, plusieurs émetteurs hollandais et la Caisse des dépôts italienne (CDP) deviennent aussi « QE-compatible ». 

Conclusion

Voilà la situation de pillage programmé sur la sueur du travail des masses populaires et les avoirs des classes moyennes. Les Gilets-jaunes ne font que révéler et manifester extérieurement la réalité d’une hémorragie qui était déjà là à l’œuvre dans l’obscurité du système dont nous étions devenues les victimes d’abord largement abusées avant de devenir conscientes de cet abus. 

Il est inutile de voter aux européennes, puisque les parlementaires européens ne sont que des « figurants » au cœur d’une comédie politique, dans laquelle ils n’ont aucun pouvoir réel déterminant.

Il est inutile de réclamer la démission de Macron, la dissolution de l’Assemblée Nationale et autres réformes, puisque le Gouvernement de la France se fait à partir d’une Instance supra nationale échappant à tout contrôle des citoyens. Toutes ces initiatives ne changeraient absolument rien à la situation actuelle des plus modestes qui survivent dans un espace devenu exterminateur pour eux.

Il est inutile de « débattre » d’autre chose que du FREXIT. Le débat est donc déjà clos: il n’y a que le RIC qui soit d’actualité, pour permettre le FREXIT, seule porte de sortie et réponse effective aux revendications des Gilets-jaunes. Si la classe dirigeante française ne veut pas entendre parler du RIC débouchant obligatoirement sur le FREXIT, alors les Français devront l’imposer par la force. La paix n’est plus dans l’air du temps, les rumeurs de guerre sont omniprésentes en Europe. Qui pourrait encore s’en étonner, les mêmes causes des guerres passées, connues de tous, ayant engendré les mêmes effets?

Jean-Yves Jézéquel

Washington mène une opération de grande ampleur visant à renverser le gouvernement légitime du Venezuela. Afin de promouvoir leurs intérêts dans la région, les pouvoirs étasuniens envisagent d’aller jusqu’à l’assassinat du président Maduro.

Lors de son intervention à CNN le 24 février, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a ouvertement annoncé l’intention de Washington de « passer aux actes » pour soutenir l’opposant Juan Guaido. Il n’a pas manqué d’ajouter que « les jours de Nicolas Maduro étaient comptés ».

Ainsi, Washington a démontré une nouvelle fois que le règlement pacifique de la question vénézuélienne n’est point sa priorité. Le scénario américain ne prévoit pas une issue à la crise.  Au fait, il repose sur les intérêts financiers et politiques étasuniens que les services spéciaux et les agents de la Maison Blanche sont prêts à défendre. Par tous les moyens et à toutes échelles. C’est notamment cela, et non pas la crise au Venezuela, qui a provoqué l’émergence de l’opposant loyal, un pantin de Washington, Juan Guaido,dont la légitimation du pouvoir garantirait aux Étas-Unis l’accès aux ressources du pays et renforcerait l’influence américaine dans la région. Voilà pourquoi le département d’ État s’est précipité à apporter son soutien à l’opposition vénézuélienne.

Soutien militaire

Les  États-Unis ont recours à leurs forces et services spéciaux pour renverser le gouvernement au Venezuela. De surcroît, ils planifient de transférer des armes aux opposants via les pays voisins.

Les déclarations menaçantes de Pompeo ont succédé à une journée de violences aux frontières colombiennes. C’est là où Guaido et ses partisans s’étaient dirigés sous prétexte de faire passer une aide humanitaire américaine. Une telle coordination des actions suscite des questions. Il est bien probable que Washington considère la Colombie comme une base de départ pour lancer une intervention militaire au Venezuela. Or, c’est là où les  États-Unis transfèrent des forces spéciales en dépit du mécontentement de la population.

Une telle coopération s’explique par le fait que le gouvernement colombien est depuis longtemps contrôlé par Washington. C’est sous l’administration de Bush que Bogota a commencé d’obtenir des financements solides en provenance des USA. Pourtant, ces investissements n’ont pas bien amélioré le paysage économique en Colombie. Les experts estiment plutôt le contraire. En effet, d‘après un économiste colombien Álvaro Pardo, la Colombie est aujourd’hui dans une situation économique pire qu’en 2003. Ainsi que Venezuela, elle subit une crise économique grave. Mais Washington ne se dépêche pas de sauver la population colombienne et renverser le gouvernement. Car les États-Unis financent seulement les projets profitables.

Soutien financier

Alors qu’elle dépense d’énormes sources pour couvrir les opérations de ses forces, la Maison Blanche a trouvé un moyen d’économie concernant le soutien aux partisans de Guaido.

En effet, les États-Unis ont gelé des avoirs vénézuéliens. Il est évident qu’ils projettent d’investir cet argent de Caracas dans l’opération visant à garantir la légitimité du président autoproclamé.

Cela confirme de plus l’intention de la Maison Blanche d’éliminer le chef d’ État actuel et la négligence des autorités américaines envers les Vénézuéliens.

Soutien informationnel

Outre le soutien militaire et financier, Washington fait circuler des messages sur la violence du gouvernement vénézuélien visant à saboter le président et semer le chaos pour promouvoir les intérêts de sa créature.

Heureusement, beaucoup d’Européens, ayant un esprit critique, analysent ces informations et n’hésitent pas à exprimer leurs préoccupations.

Certes, Washington recourt à tous les moyens pour renverser le gouvernement non grata, se justifiant toujours par de belles notions,  « liberté » et « démocratie ». L’issue d’une telle ingérence est prédicable. Car les États-Unis ont réalisé un pareil scénario à plusieurs reprises.

Gabriella Lima

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Dès le point de départ, il faut préciser que la force civique militaire a l’appui de la grande majorité du peuple vénézuélien. Cette force représente plus de deux millions de miliciens et miliciennes qui se joignent de façon organisée et structurée aux forces de l’armée bolivarienne. Il faut également savoir qu’il s’agit d’un peuple qui a intégré son histoire, qui en a lu les avenants et aboutissants, de même que ses grands libérateurs tels Bolivar, ce vainqueur des forces coloniales de son époque, et Chavez qui s’est fait le bouclier anti-impérialiste du Venezuela et de l’Amérique latine. Il a sonné l’alarme d’un impérialisme envahisseur et destructeur des peuples.

C’est lui qui a été à l’origine de ce regroupement des forces, unissant armée et peuple, de manière à ne laisser aucun espace aux envahisseurs. Aujourd’hui, 5 octobre, le peuple vénézuélien et son gouvernement légitime ont commémoré les 6 années de son décès. Un moment fort émouvant, particulièrement pertinent et significatif pour ceux et celles qui ont à repousser les attaques de toute nature d’un impérialisme, décidé à mettre la main sur le Venezuela et ses richesses. La voix de Chavez ne s’est pas éteinte avec sa mort. On a pu entendre, tout au long de cette journée, les appels répétés de Chavez, anticipant ces attaques de la part de l’empire. Le peuple, s’identifiant à Chavez, a pu s’y ressourcer et faire le plein d’énergie et de détermination pour affronter cette guerre.

Quoi qu’on dise de Maduro, surtout dans les rangs d’une opposition qui voudrait bien s’en défaire, il est l’homme de la situation. L’équipe qui l’entoure est de grande qualité et peut compter, à l’intérieur comme à l’extérieur, sur un service d’intelligence qui a ses entrées partout. De nombreux faux positifs ont pu être anticipés et démantelés grâce à ce service.

Tout aussi importantes, sont les relations internationales que le Venezuela a développées tout au long de ces années de la Révolution bolivarienne. Ce fut le cas avec la Russie de Poutine et ce fut également le cas avec la Chine, deux pays déterminants dans cette lutte à finir contre l’impérialisme. Les évènements sont de nature à suggérer que le Venezuela soit le terrain tout désigné pour cette lutte à finir entre l’impérialisme, promoteur d’un monde unipolaire sous ses ordres, et une alliance de puissances qui lutte pour le respect de l’indépendance des peuples et l’instauration d’un monde multipolaire.

Bien que la Russie et la Chine soient loin des terres du Venezuela, ces derniers y trouveront sans doute le prétexte d’installer à proximité des États-Unis des armes de nature semblables à celles que les États-Unis ont installées en Europe et en Asie, à proximité de ces deux grands pays. Nous n’en sommes plus à 1962 où la situation géopolitique des nations était bien différente et que l’éveil de la conscience des peuples n’était qu’à ses débuts.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Certains pays du Continent latino-américain ont leur propre satellite, véritable œil de Dieu pour voir ce qui se passe sur leur coin de terre. Certains, comme le Venezuela et la Colombie, disposent d’armes sophistiquées, tant au niveau des mers, des airs que sur terre. Il y a des sous-marins, des bateaux de guerre, des fusées antimissiles, des bombardiers, etc.. Nous n’en sommes plus aux muscles du plus fort, mais à la force du plus brillant. David n’avait qu’une fronde, munie d’un caillou, devant ce géant Goliath, ce vainqueur, soi-disant invincible. David, ce jeune berger, protecteur de ses brebis, a lancé avec sa fronde une pierre qui a atteint ce géant Goliath en plein front.

Cette histoire que l’on retrouve dans l’Ancien Testament est là pour rappeler qu’il ne suffit pas toujours de la force des muscles, mais également de celle de l’intelligence. Notre Goliath des temps que nous vivons n’est autre que l’Empire étasunien toujours à l’affût de nouvelles conquêtes. S’il a connu des heures de gloire dans le passé, c’est de moins en moins le cas en ce moment. De puis le début de ce siècle, ses nombreuses guerres au Moyen-Orient et en Europe de l’Est, n’ont pas toutes été d’un grand succès.

Tout ceci pour dire que l’empire, si puissant soit-il, n’a plus le monopole des conquêtes et que ses échecs s’accumulent, de façon particulière, depuis le début de ce siècle. En dépit du pouvoir énorme de la désinformation dont il dispose, la vérité rejoint de plus en plus les peuples et le voile de ses mensonges s’évaporant, se révèle son véritable visage. De grand défenseur de la démocratie, de sauveur d’humanité, il passe à grand manipulateur et menteur, assoiffé de conquêtes et de domination. Il en perd toute sa crédibilité et, du fait même, son ascendant sur les peuples.

Le Venezuela de Bolivar et de Chavez sera-t-il le champ de bataille où il devra rendre les armes et reconnaître que les peuples ont des droits et que ces droits doivent être respectés. Seuls l’ONU et les peuples concernés peuvent en assurer la sauvegarde.

Oscar Fortin

 

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Le sujet est trop grave pour ne le traiter que distraitement. En France, la polémique redondante autour de l’antisionisme assimilé par des responsables du gouvernement au sommet duquel le président lui-même, à une forme nouvelle d’antisémitisme, devrait pousser tout citoyen lucide et critique à mettre les points sur les « i » en rappelant le gouvernement à la raison et la retenue.

Il y a beaucoup à dire sur de telles déclarations que j’ai dénoncées très tôt à travers différents articles ces dernières années, ainsi que d’autres intervenants viennent encore de le rappeler. Et en conscience je me dois d’y revenir, tant le renversement des plans est manifeste, l’ineptie grossière, et lourde de sens et de conséquences. 

En effet, entre les lignes de ces propos ressort ce qui me semble être un pas de plus dans la dérive affichée d’un mépris sinon d’un rejet de certains ténors de la politique et des médias dominants de tout ce qui s’apparente à la culture arabe et donc aussi, sémite.

Les exemples de cette haine raciste envers les Arabes et les musulmans – pour ne parler que de ceux-ci dans le cas présent – sont innombrables et entretenus presque chaque semaine, à la moindre occurrence, à commencer par cette obsession devenue véritable névrose chez certains, autour du foulard islamique. A l’attention de ces idiots utiles, voici comment leur fixation sur ce voile révèle leur profond antisémitisme.

Voilà 30 ans que cela dure : la France est ‘LE’ pays où ce bout de tissu en est arrivé à déchaîner les pires passions, les plus ignobles déclarations et souvent les plus serviles décisions de la part de ceux dont le racisme maquillé, sourd de toutes parts. Tout est bon pour stigmatiser une communauté mise à mal en d’innombrables circonstances. Toutes les mauvaises excuses sont convoquées, récupérées pour illustrer ce racisme obséquieux. Et sans doute, pour ce qui est de la société française renseigne-t-il sur la rage vengeresse, consciente ou non, d’avoir dû quitter l’Algérie voilà bientôt 60 ans, cette colonie que d’aucuns considèrent encore comme un territoire français perdu ! 

A la lumière des évènements actuels, j’en profite pour ouvrir une parenthèse : cet Etat algérien qui a conquis son indépendance de haute lutte après plus de 130 ans de colonisation, donne ces derniers jours, des leçons de civisme à tout citoyen qui suit le mauvais feuilleton d’une élection rocambolesque que les caciques de la nomenklatura algérienne veulent confisquer au peuple. Et, sans être naïf, il faut espérer qu’aucun Etat étranger ne viendra s’en mêler plus encore, sachant les appétits insatiables de certaines de nos ‘démocraties’ éclairées pour les richesses de pays militairement moins puissants.

Manifestants se chiffrant par millions, défilés sans heurts ni violence, horaires de contestation publique respectés, nettoyage des artères après la fin des cortèges, etc… Quels exemples pour une population que les médias habituels ont le don de présenter comme inculte quand ce n’est pas comme barbare, voire dangereuse ! Quelle dignité dans cette foule mélangée, par les âges autant que par les origines, dans le respect de chacun et chacune, voilée ou non ! Quelle maturité dans les slogans et les prises de parole. Nos ‘éditocrates, journaleux, droits-de-l’hommistes, abonnés des plateaux-télé’ et leur parisianisme pédant devraient revoir leurs pitoyables copies, leur moraline étriquée et la multiplicité de leurs pétitions minables pour interdire un foulard qui semble leur avoir obturé la vue, enveloppé la cervelle et les ébranler dans leurs certitudes. Si vraiment ceux-là étaient animés du désir profond de respecter l’autre dans sa particularité et dans son émancipation, qu’ils commencent par foutre la paix à ces femmes et jeunes-filles et qu’ils s’interrogent plutôt sur leur ignorance pour ne pas dire leur profonde bêtise ! Je referme la parenthèse.

A plusieurs occasions ces derniers mois, des élus divers ont repris en chœur cette ineptie du président Macron affirmant que l’antisionisme était une forme renouvelée d’antisémitisme. Contre-vérité immédiatement amplifiée par certains médias et leurs ignares chroniqueurs habituels, trop heureux de pouvoir distiller à l’ombre de cet imprimatur présidentiel, leur haine de tout ce qui touche à l’arabité, désormais décomplexée.

Il conviendrait d’élever quelque peu le débat – si possible ! – et de rappeler pour commencer que l’antisionisme n’est pas le propre de militants ‘islamo-gauchistes’ et autres pro-Palestiniens qui seraient animés d’un racisme virulent envers les juifs – encore qu’ici-et-là cela puisse parfois se rencontrer, comme partout – mais que ce mouvement est né voilà bien longtemps au sein même d’une partie importante de la communauté juive farouchement opposée au sionisme. Cela démontre à quel point les déclarations péremptoires de certains sont soit le fruit de leur ignorance, soit une manipulation profitant de l’inculture du plus grand nombre sur la question pour noyer le sujet.

En conséquence, si aucune autorité supérieure ne vient contredire cette dangereuse allégation présidentielle que je qualifie de renversement des plans, l’équation à en tirer  est la suivante : si l’antisionisme est devenu la forme moderne de l’antisémitisme, alors le sionisme, qui semble approuvé, est devenu la forme moderne du colonialisme et de son racisme intrinsèque, et donc de l’antisémitisme.

La position de la caste politico-médiatique au pouvoir en France étale aux yeux de tous, son racisme indéniable envers tout ce qui est arabe et musulman – et donc aussi, sémite – dès lors qu’il soutient le sionisme à travers ses déclarations et une législation qui veut contraindre au silence celles et ceux qui luttent contre cette idéologie raciste qu’est le sionisme, que j’affirme désormais être cette forme renouvelée du colonialisme. 

Le sionisme est ainsi un antisémitisme non-avoué, dissimulé, travesti. Ce n’est donc pas l’antisionisme qui est un antisémitisme moderne, mais bien le sionisme, moteur de la politique israélienne qui s’est considérablement militarisé depuis des décennies ! Et raison pour laquelle il faut le combattre à tout prix. C’est dire l’inculture de ceux qui répètent comme des perroquets – pardon pour ces derniers – ces bêtises qu’ils ne comprennent pas. Mais, on le sait depuis M. Audiard : « Les cons ça ose tout, et c’est même à ça qu’on les reconnaît ».

Aussi, aucun observateur sérieux ne peut affirmer que l’idéologie politique sioniste qui a mené à l’Etat israélien actuel est une ‘démocratie’ qui respecte tous ses citoyens de manière équitable. C’est de la propagande. C’est un leurre qui ne tient pas la route au premier regard sur l’organisation concrète de cet Etat profondément discriminatoire envers ses populations en fonction de leur origine. En soutenant le sionisme, nos Etats se font complices d’une politique raciste qu’ils devraient au contraire condamner explicitement.

Pas plus que cet Etat qui se définit comme une ‘démocratie’ ne peut en même temps voter une loi affirmant qu’Israël est l’Etat-nation du peuple juif – et cette notion de ‘peuple’ semble historiquement fausse  – et mener une politique d’apartheid à l’encontre d’une large partie de sa population. Ce mensonge grossier, hors-la-loi et condamnable doit être dénoncé sans relâche et combattu par tout vrai démocrate. 

Si tel n’est pas le cas, ceux qui soutiennent un tel régime ne peuvent prétendre eux-mêmes appartenir à une ‘démocratie’ qui se respecte. Ce sont des imposteurs, animés encore par un esprit colonial déguisé sous forme de protection du sionisme – sous-entendu des juifs, alors que nombre de ces derniers s’y opposent – se faisant passer pour les agressés alors qu’ils sont les agresseurs.

A partir de là, et parce que le débat ne s’est pas cantonné aux militants pro ou anti sionisme, et qu’il a été porté au plus haut par le gouvernement français et son président en personne, il faut extrapoler l’analyse et se poser dorénavant la question la plus délicate, la plus difficile mais pourtant essentielle induite par cette prise de position officielle en faveur du sionisme : cette idéologie, ayant mené à la spoliation des habitants de Palestine de leurs terres, leurs biens et aujourd’hui jusqu’à leurs droits les plus élémentaires – comme le dénonce régulièrement quantité d’ONG ainsi que de multiples rapports de l’ONU – est-elle légitime, et cet Etat créé de toutes pièces lors de la partition de la Palestine historique sans l’assentiment ni même la présence d’acteurs Palestiniens au moment de ce vote, est-il légal ? 

En d’autres mots, l’Etat israélien doit-il être maintenu sous sa forme actuelle par l’Assemblée générale de l’ONU – à ce jour, plus de 20 Etats ne le reconnaissent pas – et sur quelles bases, dès lors qu’après le partage de la Palestine le 29 novembre 1947 entre un Etat arabe et un Etat juif, et la proclamation de l’indépendance de ce dernier par D. Ben Gourion le 14 mai 1948, cet Etat n’a eu de cesse de repousser ses frontières dans son obsession d’étendre son territoire tant qu’aucun gouvernement extérieur ne l’en empêchait, voire en est complice et participe parfois de manière active à son expansion ?!

Les vrais antisionistes de tous bords, y compris les juifs ‘progressistes’ ou/et ‘pour la paix’ comme ils l’annoncent régulièrement, se doivent de répondre à cette question : êtes-vous prêts à dénoncer l’actuel Etat israélien qui s’est construit sur l’idéologie sioniste et à préconiser un retour aux frontières initiales de la Palestine historique, avec une gouvernance palestinienne qui décidera des équilibres à mettre en place pour l’élaboration d’un gouvernement qui sera représentatif de tous ses citoyens, quels qu’en soient l’origine, la religion, le choix de vie, la culture, la couleur de la peau, et tout ce qui fait le terreau et la diversité d’une vraie ‘démocratie’ ? 

Le mal qu’est ce sionisme dénoncé est à la racine, et il faut avoir le courage de le voir clairement : il n’y a pas de ‘sionisme modéré’ ou de ‘moindre sionisme’ comme il n’y a pas de ‘moindre mal’ selon ce que dit très justement H. Arendt : « Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal ». Il en va de même pour le sionisme dont on voit les crimes. Il n’y a pas, il n’y a aucun sionisme acceptable.

Personnellement, la réponse me semble évidente : l’Etat israélien, bâti sur le sionisme, cette forme renouvelée du colonialisme me paraît factice et doit être démantelé dans ses formes actuelles pour le reconstruire en un Etat démocratique réel, délimité par les frontières de la Palestine historique en rendant à la Syrie et au Liban les terres qui lui ont été volées, et où tous ses citoyens bénéficieront des mêmes droits, et y auront la possibilité de vivre en paix quels que soient leur choix religieux, culturels et philosophiques. 

Certains juifs au nombre desquels les Neturei Karta (Gardiens de la Cité), radicalement antisionistes, y sont favorables, au nom d’un judaïsme strict revendiqué. Mais ils sont minoritaires. Tous les vrais antiracistes et anticoloniaux devraient y souscrire sans hésitation. Et exiger une nouvelle Résolution de l’ONU allant dans ce sens.

Qu’en disent donc ceux qui se déclarent volontiers antisionistes ? Face aux annonces des plus désinvoltes mais dangereuses du gouvernement français, le moment me semble opportun pour prendre clairement position. Et réaffirmer ainsi le droit inaliénable des Palestiniens à retrouver leurs frontières d’origine et ce pays que les grandes puissances leur ont volé pour tenter d’effacer leur antisémitisme toujours à l’œuvre, comme on peut le voir entre autres, à travers la chasse au foulard islamique dans plusieurs pays européens et particulièrement en France.

Daniel Vanhove 

06.03.19

Image en vedette : Capture d’écran à partir d’une photo d’Ariel Schalit -AP.

Source : https://fr.sputniknews.com/france/201602021021404126-sondage-choquant-france-racisme/

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La Restitution des biens culturels africains

mars 5th, 2019 by Louis-Georges Tin

Photo : CC – Flickr – PhCouve)

Louis-Georges TIN mène une campagne pour la Restitution des biens culturels pillés pendant la Colonisation. Son travail, notamment dans le cadre du CRAN (Conseil Représentatif des associations Noires de France) dont il a été le président, a abouti à la déclaration du président français, Emmanuel Macron, en faveur de la Restitution. Aujourd’hui, en tant que Premier Ministre de l’État de la Diaspora Africaine, il se bat au niveau international, en Belgique, au Royaume-Uni, au Bénin, au Congo, etc. Il prononce ici la conférence d’ouverture d’un colloque coorganisé par le Parlement Francophone Bruxellois, Bamko-Cran (Belgique) et l’État de la Diaspora Africaine. Intervenaient également la présidente du Parlement, Julie de Groote, Mireille-Tsheusi Robert, représentante de Bamko-Cran, le directeur du Musée Royal de Tervuren (Belgique), Anne Wetsi Mpoma, historienne de l’art et Didier Claes, vice-président de la BRAFTA (Brussels Art Fair).

Permettez-moi de présenter rapidement l’État de la Diaspora Africaine qui a été lancée lors du sommet de l’Union Africaine, en juillet 2018. La diaspora africaine c’est l’ensemble des personnes qui ont quitté l’Afrique, que ce soit il y a trois jours ou trois siècles, dans un cadre de migration ou de déportation. J’étais jusqu’à récemment le président du CRAN en France, et une de nos campagnes, pour ne pas dire la campagne essentielle, portait et porte encore sur la question des réparations liées à l’esclavage et à la colonisation. Or dans cet ensemble, il y a entre autres la question de la restitution. Dans le cadre de la diaspora africaine, ces questions ont une importance capitale, car si notre but est de renforcer l’Afrique par la diaspora, et la diaspora par l’Afrique, on ne peut pas se développer quand on n’a pas d’abord pris possession de ce qui nous appartient. Donc il faut déjà que nous puissions récupérer ce qui nous a été enlevé, pour que nous puissions ensuite développer ce qui doit l’être. Nous avons lancé cette campagne en France, où nous avons obtenu une victoire importante, et nous souhaitons aujourd’hui l’élargir au niveau international, d’où ma présence ici.

Mais je rappellerai un peu comment les choses se sont passées en France : j’ai lancé la campagne le 10 décembre 2013 avec une visite surprise du musée du Quai Branly. J’ai proposé à plusieurs journalistes de venir voir, notamment autour du Bénin, les objets qui sont effectivement exposés : les trônes royaux, les récades, les portes sacrées du Palais d’Abomey, les statues royales. Lorsque nous sommes arrivés devant le musée, on nous a expliqué que nous (les membres du CRAN) ne pouvions pas entrer. Les journalistes, oui, mais nous, non. J’ai demandé pourquoi, mais on ne m’a pas donné de raison. J’ai demandé si c’était en raison de notre couleur. J’ai ajouté que ce n’était pas un problème, seulement, je priais les journalistes de prendre bonne note de la situation et d’en témoigner dans leurs articles et dans leurs vidéos. Aussitôt, comme par miracle, le problème a été réglé. C’est ainsi que nous avons commencé la campagne.

Après cela, il y a eu beaucoup de rebondissements, je ne vais pas tout vous raconter ce serait un peu long. En résumé, nous avons interpellé d’abord les rois du Bénin : ce sont les héritiers des souverains qui ont été spoliés, déportés ou tués. Nous avons mobilisé le Forum des Rois et Leaders traditionnels d’Afrique, qui rassemble pas moins de 800 monarques du continent. Nous avons interpellé un certain nombre de pays : le Bénin, par exemple, a répondu à notre demande et a adressé à la France une demande officielle, en lien avec le combat qui est le nôtre. Nous avons aussi interpellé l’UNESCO, l’ONU, le Conseil des droits de l’homme, nous avons lancé des actions judiciaires, et tout cela a porté ses fruits.

Emmanuel Macron a finalement accédé à notre requête. Nous lui avons expliqué qu’il était compliqué de restituer, mais plus compliqué encore de ne pas restituer, que la France ne peut pas être « le pays des droits de l’homme », et en même temps, le pays des droits des voleurs. Et on ne peut pas fonder un dialogue interculturel sur un pillage interculturel. C’est donc l’image de la France qui est en jeu et, franchement, ai-je expliqué, les Français ne vont pas pleurer dans les chaumières parce qu’on a rendu au Bénin le trône du roi Ghézo, dont ils n’ont jamais entendu parler pour la plupart. A défaut de se fonder sur des questions morales, on peut à tout le moins se fonder sur des questions d’image. Nous avons donc obtenu, en novembre 2017, que monsieur Macron s’engage à restituer, engagement qu’il a pris lors de son discours de Ouagadougou. C’est pour nous un motif de satisfaction. Aujourd’hui, nous abordons aussi les anciennes colonies belges, mais aussi britanniques, allemandes, portugaises… Et, grâce à la diaspora africaine, nous sommes en contact avec des associations de tous ces pays, en lien avec les États et souverains africains, pour que la question puisse avancer.

La restitution, c’est d’abord un enjeu de culture. En effet plus de 90% des biens classiques africains sont en dehors de l’Afrique. Ils ont été pillés pendant la Colonisation, et se trouvent à Tervuren en Belgique, au Quai Branly à Paris, au British Museum à Londres, etc. De fait, quand monsieur Sarkozy disait que l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire, il aurait dû dire que l’homme européen a volé l’histoire de l’homme africain, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Les jeunes Africain.es n’ont pas dans leur pays la possibilité d’accéder à ces objets, cette mémoire, ces identités, qui pourtant font partie d’eux-mêmes. Je dois dire qu’il y a là une forme de cruauté puisque ces objets qui n’ont pas tant d’importance que cela pour les Européens, sont refusés aux peuples pour qui ils ont une importance cruciale. Je suis allé dans plusieurs pays et notamment au Bénin, où j’ai vu aussi bien des ministres ou des gens de la rue qui pleuraient en apprenant qu’il y avait un combat qui se menait et que, peut-être, ces objets rentreraient au pays. C’est donc la culture véritable des pays africains qui est ainsi en jeu.

La restitution, c’est aussi un enjeu de justice, car il y a eu vol. Et avant les vols, il y a eu des crimes de masse, parfois des crimes contre l’humanité. Comment pouvons-nous en Europe être les témoins inertes de cela ? Y participer, parfois même le financer, en allant dans ces musées-là. Nous devons y aller, mais non pas payer. Il faut que l’on puisse rendre justice à ces victimes d’hier et d’aujourd’hui. C’est une question de droit. Quand j’apprends que des restes humains sont entreposés à l’Université Libre de Bruxelles, je me dis que cette Université n’est pas libre pour tout le monde. Pour ces restes humains, elle est une prison. Et de fait, recelant des cadavres, l’ULB est techniquement ce qu’il convient d’appeler un charnier. Quelle image de nous le monde peut-il avoir quand nous nous rendons, de fait, complices de ces crimes ? Quand nous sommes coupables de recel de crime contre l’humanité ? Nous ne pouvons pas accepter cela.

La restitution est aussi une question spirituelle. Pour beaucoup de gens, ces objets ont une valeur sacrée, car ils participent aux rites. Prendre un objet sacré et l’exposer de la sorte chose est aussi quelque chose d’insupportable. Et Il existe enfin un enjeu économique ; en France par exemple, le tourisme et tous ses débouchés représentent 15% du PIB. Le musée du Louvre, par exemple, est un joyau de la république, et du monde entier, chaque année, des millions de touristes viennent voir la Joconde, prennent des billets sur Air France, paient des chambres d’hôtel dans le groupe Accor, mangent dans nos restaurants, prennent le taxi, autant de ressources financières et d’emplois non délocalisables. Les pays africains sont évidemment privés de ces ressources, qui devraient leur appartenir.

Il faut absolument que nous sortions de cette histoire indigne de nous-même pour rentrer dans une histoire véritablement équitable. Je crois qu’il y a aujourd’hui une conscience internationale, car par exemple, les Afro-descendants, qui sont 350 millions dans le monde, ont acquis une certaine force. Si le combat de nos parents était la décolonisation (achevée en partie seulement), nous devons le poursuivre. Il faut décoloniser les arts, les esprits, les musées, les manuels, … Et c’est tout ce travail auquel nous sommes aujourd’hui attachés. La diaspora actuelle a des moyens et des alliés.

Nous avons par conséquent le devoir de poser ces questions essentielles : celle du rapport Nord-Sud, celle du monde que nous voulons construire pour demain. Voulons-nous fonder ce monde sur la prédation et le crime ? Ou sur le dialogue et la justice ? Voilà la question qui est posée. Elle se pose à partir des œuvres d’art, des restes humains, c’est la question des savoirs, de l’économie, de la politique, et plus généralement des rapports Nord-Sud. La colonisation n’était pas seulement une question artistique, et il y a bien d’autres aspects de la réparation à mettre en œuvre – nous y travaillons activement. Mais l’avantage avec ces objets culturels, c’est qu’ils sont là, concrets, sous nos yeux. Ils permettent de montrer que l’on peut réparer. C’est pourquoi je suis sûr qu’un dialogue est possible, car je pense que tous les partenaires ici sont à leur place, légitimes, car nous sommes toutes et tous dans le même camp, le camp de l’art, de la culture, de la justice, du respect, de l’humanité.

Louis-Georges Tin

 

La prochaine revue du CADTM AVP – Les autres voix de la planète est consacrée aux Dettes coloniales et aux réparations. Pour vous abonner et ainsi la recevoir : http://www.cadtm.org/Revue-Les-autres-voix-de-la-planete

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Sélection d’articles :

L’Empire, voleur des peuples

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J’appartiens à cette génération qui aura, sans nul doute, connu cette façon inédite de voler des milliards de dollars au nom de la démocratie et du mieux-être de l’humanité. Ces vols se réalisent au su et à la vue de tout le monde sans que les bonnes âmes s’élèvent pour crier au scandale. Le silence de nos chefs d’État, associés à celui de nos Églises, de nos juges, donne bien le niveau moral auquel nous en sommes arrivés.  Ce NOUS comprend tous ceux et toutes celles qui se font soutiens et promoteurs de cet Empire dont la seule ambition est de dominer le monde.

Qui sont les dictateurs brutaux?

Par Mark Taliano, 03 mars 2019

Les présidents Assad et Maduro ne sont pas des dictateurs brutaux.  Nous sommes les brutes (dictateurs brutaux). Nous sommes les dictateurs qui imposent la guerre économique et les guerres ainsi que les changements de régime contre des pays paisibles.  C’est nous qui soutenons des terroristes. C’est nous qui imposons la  » peine de mort  » en tuant  des centaines de milliers de personnes avec nos armes, nos mercenaires, nos avions de guerre, et nos bombardements terroristes.

«Diplomatie assassine». Mike Pompeo a-t-il saboté le sommet Kim-Trump?

Par Prof Michel Chossudovsky, 04 mars 2019

« Si Kim Jong-Un meurt soudainement, ne m’en parlez pas (…) Vu l’historique de la CIA, je n’aurai rien à dire » (Pompeo, octobre 2017). Comment la RPDC peut-elle faire confiance au négociateur en chef de Washington après cela? Diplomatie courtoise au dîner. Sourires aux lèvres des deux côtés. Un beau dîner privé. « Tous passent du bon temps. Du moins, je l’espère », a dit Trump. (…) En fin de compte, cependant, il n’y a pas eu de déclaration officielle ou de communiqué conjoint. Mais que s’est-il passé? Qu’est-ce qui a mal tourné?

Irak : Le projet de création d’un Chiistan, d’un Sunnistan et d’un Kurdistan tient toujours

Par Elijah J. Magnier, 04 mars 2019

En 2003, quand les USA ont proclamé leur occupation de l’Irak, les journalistes entraient dans le pays par voie aérienne ou à partir du Koweït en étant intégrés aux forces d’occupation. N’ayant pas droit à ce luxe, j’ai pris un taxi de Beyrouth à Damas, puis un autre de la capitale syrienne à Bagdad. La route était longue et je ne savais rien sur la façon de me déplacer seul dans un pays que je n’avais jamais visité jusque-là. Mais j’avais déjà vécu ce genre d’expérience.

Au Yémen, guerre locale, enjeux internationaux

Par Samir Saul, 04 mars 2019

De tous les conflits en cours, celui au Yémen est à la fois cruel et peu suivi. Il a fallu le meurtre sordide de Jamal Khashoggi en octobre 2018 pour qu’un tant soit peu d’attention soit porté sur d’autres activités saoudiennes, entre autres au Yémen. Comme justification de son entrée en guerre, Riyad invoque l’affrontement contre l’Iran et assimile les forces yéménites qu’il combat à des prolongements de Téhéran.

Canada – L’ange SNC-Lavalin ou le Diable dans l’eau bénite

Par Philippe Giroul, 04 mars 2019

Dans la tourmente entourant la saga SNC-Lavalin vs le gouvernement Trudeau, il ne faut pas ignorer que SNC-Lavalin reçoit des aides financières gouvernementales pour tenter de trouver des solutions acceptables à la gestion des tonnes de déchets nucléaires dont le gouvernement du Canada est le propriétaire.

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La nouvelle n’est pas officielle mais on en parle déjà : à partir d’octobre le tricolore (drapeau italien, ndt) flottera sur Camp Darby. Les États-Unis sont-ils sur le point de fermer leur plus grand arsenal dans le monde en dehors de la mère-patrie, en rendant à l’Italie les environ 1000 hectares de territoire qu’ils occupent entre Pise et Livourne ? Pas du tout. Ils ne sont pas en train de fermer…

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Photo : Elliott Abrams, à gauche, écoute le secrétaire d’État Mike Pompeo parler du Venezuela au Département d’État à Washington, DC, le 25 janvier 2019. Photo: Manuel Balce Ceneta / AP

Le 11 décembre 1981, au Salvador, un escadron militaire salvadorien entreprit de massacrer jusqu’au dernier les habitants d’un village isolé, appelé El Mozote. Avant de les mettre à mort, les soldats violèrent à de multiples reprises les femmes et les filles, dont certaines n’avaient que dix ans, tout en riant de leur préférence pour celles âgées de douze ans. Un témoin décrivit un soldat qui jetait en l’air un enfant de trois ans pour qu’il s’empale sur sa baïonnette. Le bilan final s’éleva à plus de 800 morts.

Le lendemain, 12 décembre, Elliott Abrams commençait son travail en tant que secrétaire d’État adjoint à la démocratie, aux droits humains, et au travail, de l’administration Reagan. Abrams passa aussitôt à l’action, au sein de l’équipe dirigeante chargée d’étouffer le massacre. Devant le Sénat, Abrams affirma que les bulletins d’informations relatifs aux évènements n’étaient « pas crédibles », et que les guérillas anti-gouvernementales avaient « outrageusement dévoyé » toute l’affaire à des fins de propagande.

Vendredi dernier, le Secrétaire d’État Mike Pompeo nommait Elliott Abrams au poste d’envoyé spécial du gouvernement des EU, en charge du Venezuela. Selon Pompeo, Abrams « aura la responsabilité de tout ce qui a trait à nos efforts pour restaurer la démocratie », dans la nation riche en ressources pétrolières.

Le choix d’Abrams est un message clair, envoyé au Venezuela, mais aussi au reste du monde : l’administration Trump a bien l’intention de brutaliser le Venezuela, tout en déversant un flot de rhétorique onctueuse à base d’amour de l’Amérique pour la démocratie, et les droits de l’homme. La combinaison de ces deux facteurs – la brutalité, l’onctuosité – constitue la compétence principale d’Abrams.

Auparavant, Abrams a occupé, au sein des administrations Ronald Reagan, puis George W. Bush, une multitude de postes, dont les intitulés mentionnaient souvent leur objectif moral. Il fut d’abord secrétaire d’État adjoint aux organisations internationales (en 1981) ; puis il occupa le poste « droits de l’homme » du Secrétariat d’État, mentionné plus avant (1981-1985) ; celui de secrétaire d’État adjoint aux affaires inter-américaines (1985-1989) ; de directeur principal en charge de la démocratie, des droits humains, et des opérations internationales, pour le Conseil National de Sécurité (2001-2005), avant de finir conseiller délégué à la sécurité nationale, responsable de la stratégie pour la démocratie dans le monde, de George W. Bush (2005-2009).

Chacun de ces postes permit à Abrams de jouer un rôle dans certaines des plus épouvantables opérations étasuniennes de politique étrangère des 40 dernières années, période au cours de laquelle il ne cessa de déclarer à quel point il se préoccupait du sort de ces étrangers que lui et ses amis assassinaient. Avec le recul, la présence quasi-systématique d’Abrams lors des interventions étasuniennes les plus sordides, a quelque chose d’inouï.

Abrams fut d’abord diplômé du premier cycle de la Faculté des arts et sciences de Harvard, puis de la Faculté de droit de la même université, avant de rejoindre l’administration Reagan en 1981, à l’âge de 33 ans. Il bénéficia rapidement d’une promotion, suite à un coup de chance : Reagan voulait nommer Ernest Lefevere au poste de secrétaire d’État adjoint aux droits de l’homme et aux affaires humanitaires, mais la nomination de Lefever se fracassa contre les révélations de deux de ses propres frères, selon lesquels il était convaincu de « l’infériorité, sur le plan intellectuel », des Afro-Américains. Déçu, Reagan se retrouva dans l’obligation de faire appel à Abrams, sa solution de remplacement.

À l’époque, l’Amérique Centrale était au centre des préoccupations de l’administration Reagan – notamment quatre nations voisines : le Guatemala, le Salvador, le Honduras, et le Nicaragua. Depuis leur fondation, toutes subissaient la domination cruelle d’une élite blanche ultra-minoritaire, soutenue depuis un siècle par l’interventionnisme étasunien. Dans tous ces pays, les familles au pouvoir considéraient les autres habitants de la société comme des animaux à forme humaine, qu’elles pouvaient exploiter, voire tuer, en fonction de leurs besoins.

Mais lorsque Reagan entra en fonction, une révolution socialiste venait de renverser Anastasio Somoza, dictateur du Nicaragua et allié des États-Unis. En toute logique, les partisans de Reagan interprétèrent ce renversement comme une menace pour les gouvernements des voisins du Nicaragua. Dans tous ces pays, les populations étaient nombreuses et, tout comme celle du Nicaragua, supportaient mal leur destin d’ouvriers agricoles exploités jusqu’à la mort sur les plantations de café, et de parents, dont les enfants succombaient sous leurs yeux à des maladies auxquelles un traitement simple aurait dû leur permettre de survivre. Certains prendraient les armes, d’autres se contenteraient de faire profil bas, mais, du point de vue des soldats de la Guerre Froide en place à la Maison Blanche, tous étaient des « communistes » potentiels, obéissant à des ordres en provenance de Moscou. Il convenait de leur donner une leçon.

El Salvador

L’extermination des villageois de El Mozote fut une simple goutte, dans le fleuve des événements qui eurent lieu au Salvador pendant les années 80. Environ 75000 Salvadoriens périrent au cours de ce que l’on appelle une « guerre civile », même si c’est bien le gouvernement qui – avec la complicité d’escadrons de la mort – perpétra la quasi-totalité des crimes.

Mais les chiffres seuls ne racontent pas toute l’histoire. Le Salvador est un petit pays, dont la taille est comparable à celle du New Jersey. À l’échelle de la population des États-Unis, ce chiffre correspond à un total de 5 millions de morts. Par ailleurs, le régime en place au Salvador s’engagea dans une série ininterrompue d’actes de barbarie, dont le degré d’atrocité n’a pas d’équivalent contemporain, à l’exception peut-être de celui des crimes perpétrés par l’état islamique. Un prêtre catholique fit le récit de l’un d’entre eux : afin de pouvoir s’absenter quelques instants, une paysanne avait confié la garde de ses enfants à sa mère et sa sœur ; à son retour elle découvrit les cinq corps, que la Garde Nationale du Salvador avait décapités. On les avait assis autour d’une table, et leurs mains reposaient sur leurs têtes placées face à eux, « comme si chaque corps caressait sa propre tête ». La main d’une enfant, très jeune, n’avait semble-t-il pu tenir en place sur sa petite tête, de sorte qu’on avait fini par la clouer dessus. Au centre de la table, il y avait un grand bol, rempli de sang.

À l’époque, les critiques de la politique étasunienne ne provenaient pas uniquement de la gauche. C’est au cours de cette période que Charles Maechling Jr., qui avait travaillé au Département d’État dans les années 60, en tant que responsable de la planification des contre-insurrections, écrivit dans le Los Angeles Timesque les États-Unis soutenaient des « oligarchies mafieuses » au Salvador et ailleurs, et se rendaient coupables de complicité active « envers des méthodes dignes des escadrons d’extermination de Himmler ».

Abrams fut l’un des architectes de la politique de soutien inconditionnel au gouvernement salvadorien, menée par l’administration Reagan. Il était dépourvu de tout scrupule à ce sujet, et n’éprouvait pas la moindre pitié pour quiconque réussissait à s’évader de l’abattoir salvadorien. En 1984, il tint des propos – dont l’écho retentit aujourd’hui lors des prises de parole des membres de l’équipe Trump – visant à expliquer que les Salvadoriens entrés illégalement aux États-Unis, ne sauraient bénéficier d’un statut exceptionnel. Devant la Chambre des Représentants, il déclara : « Certains groupes prétendent que lorsque nous renvoyons les immigrés clandestins salvadoriens chez eux, ils y font l’objet de persécutions, et deviennent souvent la cible d’assassinats. Si nous accordions le moindre crédit à ces affirmations, nous ne les expulserions pas, cela semble évident ».

Même après avoir quitté ses fonctions, alors que 10 ans s’étaient écoulés depuis le massacre de El Mozote, Abrams continuait à mettre en doute la survenue là-bas du moindre événement fâcheux. En 1993, année où une Commission des Nation-Unies pour la Vérité conclut que 95 pour cent des actes de violence commis au Salvador depuis 1980, l’avaient été par les amis d’Abrams au sein du gouvernement salvadorien, il qualifia ce que lui et ses collègues de l’administration Reagan avaient accompli, de « réussite fabuleuse ».

Guatemala

Au cours des années 80, la situation au Guatemala était très semblable, et les initiatives d’Abrams le furent également. Après que les États-Unis eurent orchestré, en 1954, le renversement du président élu démocratiquement, le pays vécut un cauchemar, dans lequel des dictatures militaires se succédaient comme dans un jeu de chaises musicales. Entre 1960 et 1996, au cours d’une « guerre civile » de plus, 200 000 Guatémaltèques furent assassinés, soit 8 millions de morts, à l’échelle des EU. Par la suite, une commission des Nations-Unies conclut à la responsabilité de l’état guatémaltèque, dans 93 pour cent des cas de violations des droits de l’homme.

En 2013, Efraín Ríos Montt, qui présida le Guatemala au début des années 80, fut reconnu coupable, par la justice de son pays, du génocide de la population maya indigène. Pendant le mandat de Ríos Montt, Abrams demanda la levée de l’embargo sur les livraisons d’armes des États-Unis au Guatemala, au nom des « progrès considérables » auxquels Ríos Montt avait « contribué ». Selon Abrams, il était du devoir des États-Unis de soutenir le gouvernement du Guatemala, car « si nous adoptons la posture ‘ne nous approchez pas avant d’avoir atteint la perfection, nous ne traiterons pas le problème avant que le Guatemala ne présente un bilan immaculé en matière de droits de l’homme’, cela signifie que nous allons laisser en plan celles et ceux qui, là-bas, cherchent à améliorer les choses ». D’après lui, Ríos Montt était l’un de ceux qui ne ménageaient pas leurs efforts. Grâce à Ríos Montt, « un changement spectaculaire s’est produit, que l’on constate en particulier dans l’attitude du gouvernement vis-à-vis de la population indienne ». (Par la suite, la plus haute cour civile du Guatemala annula la condamnation de Ríos Montt, qui mourut avant la conclusion de son nouveau procès.)

Nicaragua

Mais c’est sa participation enthousiaste aux efforts entrepris par l’administration Reagan pour renverser le gouvernement sandiniste révolutionnaire, qui fit accéder Abrams à la notoriété. En 1983, juste après l’assaut victorieux des États-Unis contre le micro-état insulaire de la Grenade, il plaida pour une invasion totale du Nicaragua. Lorsque le Congrès mit fin au financement des Contras, un corps de guérilleros anti-sandinistes, que les États-Unis avaient créé, Abrams réussit à persuader le sultan de Brunei, de se délester de 10 millions de dollars pour leur cause. Abrams opérait sous le nom de code « Kenilworth », mais malheureusement pour lui, le numéro de compte bancaire en Suisse qu’il communiqua au sultan n’était pas le bon – la chance venait de sourire à l’heureux bénéficiaire de ce dépôt du hasard.

Abrams fut l’objet de questions du Congrès sur le sujet des Contras, auxquelles il répondit par une montagne de mensonges. Par la suite, il plaida coupable pour deux chefs d’accusation de rétention d’informations. L’un concernait le sultan et son argent, l’autre reprochait à Abrams d’avoir eu connaissance de l’existence d’un avion de ravitaillement des Contras, un C-123 abattu en 1986. Comme s’il avait préparé une jolie rime historique pour sa nouvelle fonction au sein de l’administration Trump, Abrams avait négocié auparavant avec l’armée vénézuélienne la fourniture de deux C-123, destinés aux Contras.

Abrams fut condamné à une peine de 100 heures de travaux d’intérêt général, mais éprouva le sentiment d’avoir été, dans toute cette histoire, la victime d’une immense injustice. Il ne tarda pas à écrire un livre, dans lequel il s’adressait à ses accusateurs sous forme de monologue intérieur, ce qui donnait à peu près ceci : « propres à rien, salauds, dégueulasses, parasites ! ». Il bénéficia ensuite du pardon du président George H.W. Bush, au moment où celui-ci prenait la porte, après sa défaite aux élections de 1992.

Panama

Bien que cela soit aujourd’hui tombé dans l’oubli, Manuel Noriega avait été un allié proche des États-Unis, avant qu’ils n’envahissent Panama en 1989 pour l’évincer du pouvoir – et ce en dépit du fait que l’administration Reagan n’ignorait rien de ses activités de baron de la drogue.

En 1985, Hugo Spadafora, personnalité appréciée au Panama dont il fut un temps vice-ministre de la santé, crut détenir la preuve de l’implication de Noriega dans la contrebande de cocaïne. Il était à bord d’un bus, en route vers Panama City où il devait faire une allocution publique sur le sujet, lorsqu’il fut capturé par les hommes de main de Noriega.

Si l’on en croit le livre Renversement, de l’ancien correspondant du New York Times Stephen Kinder, les renseignements étasuniens enregistrèrent le moment où Noriega donnait à ses sous-fifres le feu vert pour abattre Spadafora, comme « un chien enragé ». Ils le torturèrent pendant toute une nuit, avant de le décapiter, à la scie, alors qu’il vivait encore. Lorsque le corps de Spadafora fut découvert, le sang qu’il avait avalé remplissait son estomac.

Une telle horreur finit par attirer l’attention. Mais Abrams s’empressa de prendre la défense de Noriega, et fit barrage à l’ambassadeur au Panama, l’empêchant d’accentuer la pression sur le dirigeant panaméen. Lorsque le frère de Spadafora persuada Jesse Helms, sénateur républicain hyper-conservateur de Caroline du Nord, de tenir des audiences sur le Panama, Abrams fit savoir à Helms que Noriega leur était « d’une grande utilité », et ne posait pas « un problème si grave. … Les Panaméens ont promis de nous aider à combattre les Contras. Si vous organisez ces audiences, ils nous deviendront hostiles. »

… mais ce n’est pas tout

Abrams fut également l’auteur de méfaits gratuits, sans autre raison apparente que le désir de se maintenir en forme. En 1986, les États-Unis invitèrent Patricia Lara, une journaliste colombienne, à un dîner en l’honneur des écrivains qui avaient contribué aux progrès de « l’entente entre nations du continent américain, ainsi que de la liberté d’informer ». À son arrivée à l’aéroport de New York, Lara fut placée en garde à vue, avant d’être renvoyée chez elle par le premier avion. Peu de temps après, Abrams participa à l’émission « 60 minutes », au cours de laquelle il prétendit que Lara était membre des « comités directeurs » du M-19, un mouvement de guérilleros colombiens. Toujours selon Abrams, elle était par ailleurs un « agent de liaison actif » entre le M-19 et la « police secrète cubaine ».

Étant donnée la fréquence à laquelle les journalistes colombiens sont victimes de la violence des organisations paramilitaires d’extrême-droite, proférer ces accusations revenait à tracer une cible dans le dos de Lara. Rien ne prouvait alors la véracité des allégations de Abrams – en fait, le gouvernement conservateur colombien les démentit – et rien n’est venu la prouver depuis.

La longue litanie des mensonges éhontés de Abrams vint à bout de la patience les journalistes étasuniens. « Ils affirmaient que noir, c’était blanc », ainsi que l’expliqua par la suite Joanne Omang, du Washington Post, en évoquant Abrams et Robert McFarlane, son collègue à la Maison Blanche. « J’avais fait appel à toutes mes compétences professionnelles, mais malgré cela, j’avais induit mes lecteurs en erreur ». L’expérience épuisa Omang, jusqu’à la faire changer de métier ; elle essaya de mettre en mots, non plus le monde réel, mais un univers de fiction.

Après sa condamnation, beaucoup considérèrent Abrams comme une marchandise avariée, dont le retour au gouvernement était inenvisageable. Ils le sous-estimaient. En 1989, un affrontement violent opposa Abrams à l’amiral William J. Crowe Jr. – qui fut un temps Chef d’État-Major des armées, avec pour objet la conduite à tenir par les États-Unis envers Noriega, qui avait perdu toute valeur à leurs yeux, pour devenir une source d’ennuis. Crowe s’opposa avec force à l’idée lumineuse que soumettait Abrams : il s’agissait pour les États-Unis d’installer un gouvernement en exil sur le sol panaméen, sous la protection de milliers de soldats étasuniens. Crowe fit remarquer la stupidité vertigineuse d’une telle proposition, mais Abrams n’en tint aucun compte. Crowe exprima sur Abrams une opinion, qui fait aujourd’hui figure d’avertissement prémonitoire : « Ce serpent a la peau dure ».

Dès l’entrée de George W. Bush à la Maison Blanche, Abrams revint aux affaires, ce qui eut le don de surprendre les plus naïves des personnes en place à Washington. Obtenir du Sénat qu’il ratifie la nomination d’un parjure – devant le Congrès – n’aurait sans doute pas été chose aisée, raison pour laquelle Bush lui trouva une niche au Conseil National de Sécurité – où les nominations ne nécessitent la ratification d’aucune branche législative. Tout comme 20 ans auparavant, Abrams hérita d’un portefeuille dont l’intitulé mentionnait « la démocratie » et « les droits de l’homme ».

Venezuela

Au début de l’année 2002, Hugo Chavez, président du Venezuela, était déjà devenu un motif d’agacement profond pour la Maison Blanche de Bush, peuplée d’anciens combattants des guerres des années 80. En avril de cette année-là, un coup d’état soudain, venu de nulle part, évinça Chavez du pouvoir. On ne sait toujours pas aujourd’hui si les États-Unis furent impliqués, ni sous quelle forme ; il faudra pour cela attendre la déclassification des documents pertinents, qui n’interviendra sans doute pas avant quelques dizaines d’années. Mais si l’on se fie au siècle précédent, apprendre que l’Amérique ne joua aucun rôle en coulisses, constituerait une surprise de taille. Chacun en pensera ce qu’il voudra, mais à l’époque, l’Observer de Londres affirma que « À la périphérie du coup d’état, Abrams était le personnage principal, », celui qui « avait donné le feu vert aux conspirateurs » . Quoi qu’il en soit, le soutien populaire permit à Chavez de se ressaisir, et de reprendre ses fonctions au bout de quelques jours.

Iran

Par contre, lorsque l’Iran fit une offre de paix en 2003, peu après l’invasion de l’Irak par les États-Unis, il semble bien qu’Abrams ait joué un rôle dans l’histoire de son étouffement. Le fax de la proposition était destiné à Condoleeza Rice, qui conseillait alors Bush en matière de sécurité nationale, mais il devait d’abord passer par Abrams. Pour une raison ou pour une autre, il n’atterrit jamais sur le bureau de Rice. À une question qui lui fut posée plus tard le sujet, le porte-parole d’Abrams répondit qu’il « n’avait pas le moindre souvenir d’un fax de cette nature ». (Nombreux sont ceux qui, comme Abrams, évoluent comme des poissons dans l’eau aux échelons les plus élevés du monde politique, mais souffrent d’une mémoire labile pour tout ce qui touche à la politique. En 1984, Abrams affirma devant Ted Koppel qu’il ne pouvait se rappeler avec certitude si les États-Unis avaient déclenché des enquêtes, à la suite des rapports faisant état de massacres au Salvador. En 1986, la Commission Sénatoriale Permanente sur le Renseignement, qui l’interrogeait sur la levée de fonds destinés aux Contras, lui demanda s’il avait eu des discussions à ce sujet, avec un membre quelconque du Conseil National de Sécurité. Là encore, sa mémoire lui fit défaut.)

Israel et la Palestine

En 2006, Abrams se retrouva à nouveau au centre d’une nième tentative de remise en cause du résultat d’une élection démocratique. Bush avait fait pression pour la tenue d’élections législatives en Cisjordanie et à Gaza, afin que le Fatah, l’organisation palestinienne corrompue jusqu’à la moelle du président Mahmoud Abbas, successeur de Yasser Arafat, en retire la légitimité qui lui faisait cruellement défaut. À la surprise générale, la victoire revint à l’adversaire du Fatah, le Hamas, ce qui lui donna le droit de former un gouvernement.

L’administration Bush, au premier rang de laquelle se trouvaient Rice et Abrams, ne pouvait accepter cette irruption malvenue de démocratie. Le plan qu’ils élaborèrent prévoyait la formation d’une milice du Fatah chargée de prendre le contrôle de la Bande de Gaza, en écrasant le Hamas sur son propre territoire. D’après un reportage de Vanity Fair, un usage abondant de la torture et des exécutions était envisagé. Mais le Hamas eut lui-même recours à l’ultraviolence, et prit le Fatah de vitesse. David Wurmser, un néo-conservateur qui travaillait alors pour Dick Cheney, confia au magazine : « Il me semble que ce qui eut lieu ne fut pas tant un coup d’état du Hamas, qu’une tentative de coup du Fatah, mise en échec de manière préventive. Ce qui n’empêche pas les médias étasuniens de publier depuis des récits alternatifs de ces événements, dans lesquels ils font jouer au Hamas le rôle de l’agresseur ».

Le plan des États-Unis ne fut sans doute pas couronné du succès espéré, mais du point de vue américano-israélien, il n’échoua pas non plus sur toute la ligne. La guerre civile entre Palestiniens fit de la Cisjordanie et de Gaza deux entités distinctes, gouvernées par des rivaux. Depuis 13 ans, rares furent les signes annonciateurs de l’unité politique dont les Palestiniens ont besoin, s’ils veulent se donner les moyens d’accéder un jour à des conditions de vie décentes.

Abrams quitta ses fonctions un peu plus tard, lorsque Bush fit sa sortie. Mais aujourd’hui il revient, pour effectuer un troisième tour le long des allée du pouvoir – prêt aux mêmes machinations que celles mises à exécution lors des deux premiers.

 

Avec le recul, la vie d’Abrams semble être un tissu de mensonges et d’actes de cruauté, dont on se demande bien comment il pourrait les justifier. C’est pourtant ce qu’il fait – à l’aide d’une stratégie de défense efficace.— Allen Haim (@senor_pez) 25 janvier 2019

 C’était en 1995. Le jeune Elliott Abrams nous donna une leçon de rire. Hystérique. Lorsque Allan Nairn aborda le sujet de son rôle dans le massacre et les tortures dont furent victimes les peuples indigènes du Guatemala.
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— Allen Haim (@senor_pez) January 25, 2019

 

En 1995, Abrams fit une apparition sur le plateau du « Charlie Rose Show », face à Allan Nairn, l’un des journalistes américains les plus au fait de la politique étrangère des États-Unis. Nairn fit remarquer que Bush avait un jour émis l’hypothèse de faire passer Saddam Hussein en jugement pour crimes contre l’humanité. D’après Nairn, il s’agissait d’une bonne idée, mais « pour être pris au sérieux, il faut faire preuve d’équité » – à savoir poursuivre également en justice des hauts fonctionnaires comme Abrams.

Le ridicule d’une telle suggestion fit glousser Abrams. D’après lui, cela reviendrait à « placer sur le banc des accusés, tous les hauts fonctionnaires américains ayant contribué à gagner la Guerre Froide ».

Abrams avait en grande partie raison. Aussi dérangeante soit-elle, la vérité oblige à dire qu’il n’a rien d’un franc-tireur marginal ; il est au contraire un membre honorable, respecté, du centre-droit de l’élite de la politique étrangère des États-Unis. Avant d’entrer dans le gouvernement Reagan, il commença par occuper deux postes, au service de deux sénateurs démocrates, Henry Jackson puis Daniel Moynihan. Il fut senior fellow au CFR , classé au centre. Il est membre de la Commission des États-Unis sur la Liberté Religieuse dans le Monde, et siège depuis peu au conseil d’administration de la Fondation Nationale pour la Démocratie. Il donne des cours à la future génération de hauts fonctionnaires en politique étrangère, à l’École de Diplomatie de l’université de Georgetown. Ni Reagan, ni Bush, ne furent ses dupes, en aucune manière – ils recherchaient exactement ce qu’Abrams était en mesure de leur fournir.

Peu importent, en fin de compte, les détails sordides de la carrière d’Abrams, ce qu’il faut garder à l’esprit – au moment où les serres acérées de l’aigle étasunien accentuent leur pression sur un pays latino-américain de plus – c’est qu’Abrams n’a rien d’exceptionnel. Il n’est qu’un des rouages d’une machine. Le problème, ne vient pas des pièces malveillantes qui la composent, mais bien de la machine elle-même.

Jon Schwarz

 

Article original en anglais : Elliott Abrams, Trump’s Pick to Bring “Democracy” to Venezuela, Has Spent His Life Crushing Democracy, The Intercept, le 30 janvier 2019.

Traduction d’Hervé Le Gall pour Le Grand Soir

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Abdelaziz Bouteflika ne cède pas. Sourd à la contestation de la rue, il se porte officiellement candidat à un cinquième mandat après vingt années passées au pouvoir en Algérie.

Annoncé candidat à un cinquième mandat, le président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui fêtait samedi 2 mars son 82eanniversaire, est quelque part hospitalisé dans une clinique en Suisse depuis le dimanche 24 février. Le chef de l’État algérien, on ne peut plus silencieux depuis qu’il a été victime en avril 2013 d’un grave accident vasculaire cérébral (AVC), s’était déjà fait réélire sans intervenir publiquement durant la campagne en 2014. Depuis lors, comme l’explique le journaliste du média en ligne Algériepart Abdou Semmar, dans un entretien réalisé par Le Média, la mise hors-jeu de Bouteflika, au pouvoir en Algérie depuis 1999, a fait sombrer les institutions du régime dans des luttes claniques pour sa succession.

En attendant, l’exaspération du peuple algérien semble à son comble face à une énième farce électorale dont le scrutin est fixé au 18 avril prochain. Suite à un texte posté sur internet où il affiche une pancarte sur laquelle est écrit « Non à un cinquième mandat », Hadj Ghermoul, membre de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) et du Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC), a été arrêté le 29 janvier, puis condamné le 7 février à 6 mois de prison ferme à Mascara (ouest du pays), officiellement pour « outrage à corps constitué ». La tentative d’étouffer dans l’œuf une contestation contre un nouveau mandat de Bouteflika qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis lors, semble avoir échoué.

Le 2 février, le président de l’Assemblée nationale, Moad Bouchareb, vient annoncer ce que tout le monde pressentait : le Front de libération nationale (FLN) choisi Abdelaziz Bouteflika comme son candidat. Le communiqué publié à l’issue d’une réunion des dirigeants des quatre formations politiques de la coalition gouvernementale [1] lâche : « Les partis de l’alliance présidentielle présentent Abdelaziz Bouteflika comme candidat à la prochaine élection présidentielle. » Dans un tel contexte, l’annonce officielle de la candidature Bouteflika pour son maintien au pouvoir soulève l’indignation, mais personne ne s’attendait à l’incroyable irruption populaire qui allait en découler. Élu pour la première fois chef de l’État en 1999, puis réélu au premier tour en 2004 (85 % des voix), en 2009 (90 %) et en 2014 (81 %), après la suppression de la limitation constitutionnelle à deux mandats présidentiels, Bouteflika, n’a fait que baliser le terrain pour une présidence à vie. Il est désormais devenu objet de convoitise de la mafia au pouvoir et de sa propre famille, qui tient les rênes de l’Algérie, le plus grand pays d’Afrique.

Le vendredi 22 février, une multitude de mobilisations se déroulent un peu partout. C’est la première grande manifestation dans la capitale, Alger, où manifester est strictement interdit depuis la grande marche du 14 juin 2001 lorsque des centaines de milliers de manifestants venus de Kabylie convergeaient sur la capitale. Le mur de la peur vient d’être franchi. « Ni Bouteflika, ni Saïd [le frère du président algérien] ! », « Système, dégage ! » « Le peuple veut la chute du régime », « Pouvoir assassin », pouvait-on entendre dans les rues. Des slogans qui n’apparaissent pas dans les médias publics où les manifestations du vendredi 22 février dernier sont passées inaperçues, relayées tardivement et vidées de leur contenu. Pourtant, une page de l’histoire est en train de s’écrire et il y aura bien un avant et un après 22 février 2019 en Algérie. Quelques jours plus tard, le mardi 26 février, le monde étudiant se mobilise massivement contre la réélection annoncée d’Abdelaziz Bouteflika au grand dam des responsables de la plupart des organisations estudiantines, proches du pouvoir. Les journalistes dénoncent la collusion des grands médias avec le régime qui les empêche d’informer sur le soulèvement en cours, des connexions internet ralenties, voire coupées par les autorités ainsi que des refus de visa aux journalistes étrangers désireux de couvrir le soulèvement.

Le vendredi suivant, 1er mars, à deux jours de la date limite de dépôt des candidatures à la présidentielle, c’est un raz-de-marée qui inonde les rues dans tout le pays. Ce sont maintenant des centaines de milliers, voire des millions de personnes qui ont défilé contre « le mandat de la honte » du président Bouteflika. Jamais depuis la guerre de Libération, les Algériens ne s’étaient soulevés de la sorte pour fédérer tout le peuple autour d’un objectif commun. À Oran, la deuxième ville d’Algérie, quelque 10 000 personnes ont participé à la marche pour « la dignité ». « Si on marche, ce n’est pas contre la personne de Bouteflika, mais contre un clan qui est autour de lui, contre un système », explique Youssef, 22 ans. À Tlemcen, supposée être le fief de Bouteflika, la marche est dense. Les médias ne peuvent plus passer sous silence le soulèvement et Canal Algérie ouvre son JT de 19h00 avec les marches sans toutefois évoquer le principal slogan des manifestants « Non au 5e mandat ».

La réponse de Bouteflika attise la colère

Le lendemain, dimanche 3 mars, les manifestations se poursuivent, notamment à Alger où le métro est fermé et les principales artères bouclées. Ce jour, Abdelaziz Bouteflika, un homme malade qui n’a pas prononcé un seul discours depuis 2013, s’adresse pour la première fois depuis le début de la contestation populaire qui agite le pays au peuple algérien. Dans une lettre qui lui est adressée, il dit avoir « écouté et entendu le cri du cœur des manifestants », mais y réaffirme cependant son statut de « candidat à la prochaine élection présidentielle ». En cas d’élection, le chef de l’État algérien s’engage à ne pas aller au bout de son mandat et à se retirer à l’issue d’une présidentielle anticipée, dont la date n’est pas encore fixée. Il faudrait de la sorte élire Bouteflika pour espérer en sortir via une présidentielle anticipée à laquelle il ne se porterait pas candidat…

Dans le même temps, le dossier de candidature de Bouteflika a bien été déposé ce même jour, dernier délai légal pour postuler aux présidentielles du 18 avril 2019, au Conseil constitutionnel par son tout nouveau directeur de campagne électorale, l’actuel ministre des Transports Abdelghani Zaâlane. Ce dernier remplace au pied levé l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, limogé samedi après avoir animé les trois précédentes campagnes victorieuses du président Bouteflika de 2004, 2009 et 2014.

La réponse servie au peuple algérien qui manifeste haut et fort depuis le 22 février contre un cinquième mandat brigué par Abdelaziz Bouteflika a de quoi raviver la contestation. Le soir même, des manifestations spontanées éclatent dans plusieurs villes. La blague qui circule « Nous avons deux plans : le plan A, comme Abdelaziz. Et le plan B, comme Bouteflika ! » résume bien l’intransigeance du pouvoir et face à cette intransigeance, l’Algérie se prépare à une nouvelle explosion de colère. Le soir même, des milliers de jeunes sortis depuis le début de la nuit dans les rues d’Alger marchent vers le palais présidentiel d’El-Mouradia avant d’être bloqués par un dispositif policier. Le lundi 4 mars, les étudiants ont déserté les cours de Bab Ezzouar, la plus grande université du pays. Plusieurs autres campus des facultés de la capitale étaient également déserts. Dans d’autres villes des marches s’organisent, l’Algérie retient son souffle, la responsabilité du pouvoir en place est énorme.

Jérôme Duval

Article publié sur le blog Un monde sans dette du journal Politis.

Notes :

[1Ces quatre formations sont le Front de libération nationale (FLN), parti présidentiel représenté par le président de l’Assemblée, Mouad Bouchareb ; le Rassemblement national démocratique (RND) représenté par le Premier ministre Ahmed Ouyahia ; le Rassemblement de l’espoir de l’Algérie (Tadjamoue Amel El-Djazair, TAJ) de Amar Ghoul et le Mouvement populaire algérien (MPA) dont le président est Amara Benyounes.

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Les forces spéciales italiennes à Camp Darby

mars 5th, 2019 by Manlio Dinucci

La nouvelle n’est pas officielle mais on en parle déjà : à partir d’octobre le tricolore (drapeau italien, ndt) flottera sur Camp Darby. Les États-Unis sont-ils sur le point de fermer leur plus grand arsenal dans le monde en dehors de la mère-patrie, en rendant à l’Italie les environ 1000 hectares de territoire qu’ils occupent entre Pise et Livourne ?

Pas du tout. Ils ne sont pas en train de fermer, mais de restructurer la base pour pouvoir y stocker encore plus d’armes et pour augmenter les liaisons avec le port de Livourne et l’aéroport de Pise.

Dans la restructuration restait inutilisée une petite portion de l’aire de détente : 34 hectares, à peine plus de 3% de la totalité du Camp. C’est elle que le U.S. Army Europe a décidé de restituer à l’Italie, plus précisément au Ministère italien de la Défense, pour en faire le meilleur usage. Ainsi a-t-il été stipulé un accord qui prévoit le transfert dans cette aire du Commandement des forces spéciales de l’armée italienne (Comfose) actuellement hébergé dans la Caserne Gamerra de Pise, siège du Centre d’entraînement parachutiste. Ce ont les forces de plus en plus employées dans les opérations secrètes : elles s’infiltrent de nuit en territoire étranger, repèrent les objectifs à frapper, les éliminent par une action foudroyante en se parachutant des avions ou en sautant des hélicoptères, puis se retirent sans laisser de traces sauf les morts et les destructions.

L’Italie, qui les avait surtout utilisées en Afghanistan, a accompli un pas décisif dans leur potentialisation quand, en 2014, elle a rendu opérationnel le Comfose qui réunit sous un commandement unifié quatre régiments : le 9ème Régiment d’Assaut Col. Moschin et le 185ème Régiment acquisition objectifs Folgore, le 28ème Régiment communications Pavie et le 4ème Régiment parachutistes Rangers.

Dans la cérémonie d’inauguration en 2014 on annonça que le Comfose allait garder une “liaison constante avec le U.S. Army Special Operation Command”, le plus important commandement étasunien pour les opérations spéciales composé d’environ 30 mille spécialistes employés surtout au Moyen-Orient.

À Camp Darby -a spécifié l’an dernier le colonel Erik Berdy, commandant du US Army Italy- se déroulent déjà des entraînements conjoints de militaires étasuniens et italiens. Le transfert du Comfose dans une aire de Camp Darby, appartenant formellement à l’Italie, permettra d’intégrer complètement les forces spéciales italiennes avec les étasuniennes, en les utilisant dans des opérations secrètes sous commandement USA. Le tout sous la chape du secret militaire.

Difficile alors de ne pas penser à l’histoire des opérations secrètes de Camp Darby : les enquêtes des juges Casson et Mastelloni ont révélé que Camp Darby a joué depuis les années Soixante la fonction de base du réseau putschiste constitué par la CIA et par le Sifar dans le cadre du plan secret Gladio. Les bases USA/Otan -écrivait Ferdinando Imposimato, président honoraire de la Cour Suprême de Cassation- ont fourni les explosifs pour les massacres de Piazza Fontana, Capaci et Via d’Amelio. Dans ces bases “se réunissaient des terroristes d’extrême-droite, des officiers de l’Otan, des mafieux, des hommes politiques italiens et des franc-maçons, à la veille des attentats”.

Personne cependant, ni au parlement ni dans les collectivités locales, ne se préoccupe des implications du transfert des forces spéciales italiennes de fait à l’intérieur de Camp Darby sous commandement USA.

Les municipalités de Pise et Livourne, passées respectivement du Pd à la Lega et au M5S, ont continué à promouvoir, avec la Région Toscane, “l’intégration de la base militaire USA de Camp Darby avec la communauté qui l’entoure”.

Il y a quelques jours a été décidée l’intégration des sites Web des administrations locales avec ceux de Camp Darby. Le réseau de Camp Darby s’étend de plus en plus sur le territoire.

Manlio Dinucci

Article original en italien :

A Camp Darby le forze speciali italiane

Édition de mardi 5 mars 2019 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio.

Zarif revient en politique et Soleimani à ses cartes

mars 5th, 2019 by Elijah J. Magnier

Il n’y a rien d’inhabituel de constater que le ministre des Affaires étrangères de l’Iran, Jawad Zarif, n’est pas le seul décideur en matière de politique étrangère, quand on sait que la République islamique est en état de guerre permanente avec les pays du Moyen-Orient qui l’entoure et l’Occident.

La décision du prince héritier de l’Arabie saoudite Mohammed Salmane de porter la bataille en Iran et l’embargo incisif des USA ont mis le pays sur un pied de guerre continuel. En outre, la constitution iranienne appelle le pays à soutenir toutes les populations et tous les groupes opprimés du monde. Ce dernier rôle incombe à une branche du Corps des gardiens de la Révolution islamique, la brigade Al-Qods, sous le commandement du brigadier général Qassem Soleimani. C’est cette brigade qui est chargée de transiger avec tous les groupes étrangers (peu importe leur croyance ou leur religion) qui partagent l’objectif de l’Iran de mettre fin à l’hégémonie et à la présence des USA au Moyen-Orient.

Par ailleurs, le commandement général du Corps des gardiens de la Révolution islamique est chargé de protéger les valeurs de la révolution et de soutenir et de compléter le rôle de l’armée et des forces de sécurité iraniennes contre tout danger éventuel à l’intérieur du pays ou provenant de l’étranger.

Aujourd’hui, les guerres en Irak, en Syrie et au Yémen, la situation instable au Bahreïn, le danger constant d’une guerre israélienne possible planant au-dessus du Liban, le niveau de tension élevé avec l’Arabie saoudite et l’embargo américain ont forcé le Corps des gardiens de la Révolution islamique à jouer un rôle de premier plan. La fonction du ministère des Affaires étrangères s’est ainsi limitée à contribuer à la formulation de la politique étrangère du pays et à représenter les intérêts du pays. La situation personnelle du ministre des Affaires étrangères Jawad Zarif est toutefois différente.

Le ministre Jawad Zarif est perçu comme l’un des piliers de la diplomatie iranienne qui défend vigoureusement l’Iran sur la scène internationale. Il est considéré comme un diplomate accompli, qui a joué un rôle important en faveur de l’Iran en parvenant à conclure l’accord sur le nucléaire pendant la présidence d’Obama et en contribuant à faire dérailler le récent sommet de Trump à Varsovie. Zarif est très proche d’Ali Akbar Velayati, le conseiller de Sayyed Ali Khamenei, et est très apprécié du leader de la révolution. Des sources en Iran croient que Zarif pourrait fort bien devenir le prochain président de l’Iran, notamment depuis que sa cote de popularité au pays a augmenté à la suite de sa démission subite.

Zarif a remis sa démission à la suite de la visite du président Assad à Téhéran. Qassem Soleimani avait pris en main cette visite en fonction des dangers qui menacent la vie d’Assad. Il a gardé le secret sur les détails s’y rapportant même au président Rouhani, qui n’en a été informé qu’à peine une heure avant l’arrivée d’Assad. Seules quelques personnes étaient au courant de la visite et il n’était pas possible de rejoindre Zarif à temps pour qu’il revienne en Iran. Pour Soleimani, la situation en Syrie relève des fonctions de la brigade Al-Qods, puisque c’est lui qui a supervisé le financement du gouvernement syrien et le soutien de la Syrie en y dépêchant des conseillers militaires et des alliés du Liban, de l’Irak, du Pakistan, de l’Afghanistan et d’autres pays pour contrecarrer le plan de changement de régime élaboré par les USA.

Le soutien financier est accordé à même le budget annuel du gouvernement iranien. Même le budget du Corps des gardiens de la révolution islamique relève de la compétence du président Rouhani. Il est déjà arrivé que Rouhani refuse d’augmenter le budget consacré au Corps, notamment quand de nouveaux événements se produisaient. Ce fut notamment le cas lorsque Rouhani a refusé d’obtempérer à une demande du Hezbollah libanais qui voulait des fonds supplémentaires pour pouvoir consolider ses forces en Syrie en raison de la situation opérationnelle sur le terrain, qui imposait d’insuffler plus de fonds, de logistique, de munitions et d’aliments, ainsi qu’une plus grosses enveloppe budgétaire pour ses militants sur une période prolongée.

Cela indique que le pouvoir décisionnel en Iran est centralisé, à quelques exceptions près, comme en Irak, au Yémen et en Syrie, où les compétences du ministre des Affaires extérieures et du commandant de la brigade Al-Qods s’enchevêtrent.

Certains en Iran croient que Zarif a franchi une limite en présentant sa démission, parce que l’Iran est pratiquement en état de guerre, ce qui fait en sorte que les décisions militaires ont souvent préséance sur le protocole. Il a oublié que Soleimani est un soldat faisant partie d’un système et qu’il n’aspire pas à devenir ministre des Affaires étrangères. Soleimani a vu en Assad un homme qui représente la résistance, avec qui il a des prises de contact régulières sans égard au protocole. Son but n’était pas d’affaiblir ou de court-circuiter Zarif qui, croit-on, y a vu une occasion de réaffirmer sa propre position.

Le geste de Zarif n’est pas seulement dû à la visite d’Assad, qui n’était que la dernière goutte ayant fait déborder le vase. Rouhani et son équipe ont été durement critiqués pour la révocation par Trump de l’accord sur le nucléaire. L’opposition iranienne soutient que l’accord n’a fait qu’apporter de nouvelles sanctions contre l’Iran en échange de l’arrêt de la production nucléaire. Elle se plaint aussi de l’absence de mesures prises par les Européens pour augmenter leurs échanges économiques avec l’Iran, parce qu’ils n’osent pas s’opposer aux sanctions américaines. L’opposition rappelle à Rouhani l’avertissement continuel de Sayed Ali Khamenei, qui est de ne jamais faire confiance aux USA et qui remonte bien avant la décision de Trump de mettre fin à l’engagement de son pays.

Ceux qui s’opposent à Rouhani croient fermement que le monde n’écoute et craint que les pays puissants et que la capacité nucléaire aurait fait de l’Iran un pays plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui.

L’Iran va tout de même de l’avant et Zarif est rentré dans le rang après en être sorti. Assad l’a invité à Damas, où il sera reçu par son homologue Moallem et par Assad pour discuter de questions politiques. Dans l’intervalle, tous regagnent leurs postes. Soleimani se retrouvera ainsi de nouveau avec Assad pour consulter les cartes d’Idlib et de Dei Ezzor, puisque la guerre n’est pas encore terminée.

Elijah J Magnier

 

Traduction de l’anglais par Daniel G.

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Les journalistes étatsuniens Anya Parampil @anyaparampil et Max Blumenthal @MaxBlumenthal (photo) ont passé deux semaines à parcourir la capitale vénézuéienne, afin de savoir ce qui se passe réellement à Caracas.

Parampil, connue pour avoir été présentatrice sur la chaîne RT Amérique pendant cinq ans, et Blumenthal, auteur de plusieurs livres et réalisateur du documentaire Killing Gaza, ont largement diffusé le résultat de leur enquête par le biais des réseaux sociaux et sur le site The Grayzone consacré au journalisme d’investigation.

Selon ces journalistes, ce qu’ils ont pu voir au Venezuela est “une guerre médiatique plus qu’autre chose”, et non “la dystopie qui nous est dénoncée”.

Pourquoi sont-ils venus au Venezuela ? Que cherchez-vous à découvrir en tant que journalistes ?

AP – Je suis depuis longtemps ce qui se passe au Venezuela depuis que Chavez est arrivé au pouvoir. Le fait que les médias se contentaient de répéter qu’il s’agissait d’un dictateur et que le communisme était en train de détruire le pays m’a toujours interpelé. C’est à cause de journalistes comme John Pilger et Oliver Stone, qui ont montré une autre version de l’histoire, que j’ai voulu venir constater les choses par moi-même.

Nous avons pu voir que les Etats-Unis sont en train de mettre au point leur plan final visant à faire tomber le Gouvernement. L’administration Trump provoqué cette absurdité consistant à proclamer le président de l’Assemblée Nationale Président du pays et ce à quoi nous assistons est une guerre médiatique plus qu’autre chose. En tant que citoyenne nord-américaine, je me sens la responsabilité de rapporter le contexte et de révéler ce qui s’y passe réellement, afin de contrer ce que le gouvernement de mon pays essaie de faire subir au peuple vénézuélien.

MB – J’ai travaillé pendant vingt ans comme journaliste et j’ai pu constater comment, depuis le 11-Septembre, les médias présentent à l’opinion publique étatsunienne une narrative qui tente d’empêcher toute tentative de réflexion critique.

Les médias sont devenus toujours plus militaristes et soutiennent chaque jour davantage l’interventionnisme. Je pense qu’il est de mon devoir de me rendre sur les lieux menacés et de montrer les faits tels qu’ils se déroulent sur le terrain, car nous sommes en pleine guerre médiatique ; l’autre camp ne se bat pas avec les faits, c’est ce qui fait notre force. Ils disposent d’argent, de larges audiences, mais nous, nous disposons des faits. Il nous faut juste les divulguer.

Comment recoupez-vous ce que vous avez entendu sur le Venezuela et ce que vous en avez vu ?

MB – Il existe sans aucun doute une crise économique. Les médias et les hommes politiques de notre pays ont des difficultés à en expliquer les causes et à nous donner des détails précis. C’est pour cela que je suis venu, afin d’en savoir davantage. Et j’ai été surpris de découvrir – et quiconque viendrait ici en le serait aussi- que les gens y mènent des vies normales et qu’il s’y trouve beaucoup de richesse. Pourtant ce sont les plus riches qui sont favorables à une intervention, ce qui est paradoxal.

Mais le plus important à mes yeux est le constat qu’il ne s’agit pas en réalité de la dystopie qu’on nous a dénoncée. Aux Etats-Unis par exemple, les gens croient réellement que tous les Vénézuéliens vivent dans un taudis.

AP – Aux Etats-Unis, on nous dit que le Venezuela vit une crise humanitaire causée par le socialisme. Tous mes interlocuteurs, qui ne font pas partie de la classe supérieure, comprennent que la cause profonde de la crise n’est pas la révolution, mais le résultat d’une longue guerre que les Etats-Unis ont menée contre l’économie vénézuélienne ; ils comprennent aussi comment les sanctions des Etats-Unis ont empêché le Gouvernement de répartir les richesses du pays de la manière dont il l’aurait voulu. Ils comprennent que le problème n’est pas le socialisme et que d’ailleurs il n’y a même pas suffisamment de socialisme. Le Gouvernement n’a pas pu mener à terme le programme que le peuple soutient depuis le début de la Révolution.

L’obstacle a été la dollarisation et la capacité de nuisance des Etats-Unis à l’encontre du pouvoir d’achat des citoyens ordinaires. Au lieu de voir à l’oeuvre un socialisme destructeur, j’ai pu me rendre compte de quelle manière le système socialiste a réussi à maintenir la population à flot.

Que pensez-vous de la narrative sur la crise humanitaire ?

MB – Il s’agit d’un show médiatique destiné à discréditer Maduro au niveau international et à provoquer une déstabilisation à l’intérieur du Venezuela.

En attendant, nous vivons à Washington DC et là une aide humanitaire est autrement nécessaire, car beaucoup de familles y vivent dans l’insécurité alimentaire. Dans notre voisinage proche, les fusillades sont fréquentes et quand nous sommes arrivés dans le quartier, deux personnes ont été assassinées dans notre rue, comme conséquence de la pauvreté.

AP – La narrative de la crise humanitaire a été créée par les Etats-Unis non seulement pour disposer d’un prétexte à une intervention destinée à contrôler les ressources naturelles du pays, mais aussi pour en finir avec l’idée qu’une forme de socialisme démocratique puisse y exister. Les élites des Etats-Unis ne veulent pas de ces changements au Venezuela et encore moins que la population de leur pays pensent qu’un tel système puisse fonctionner à leur profit et ne le réclament.

En tant que citoyens des Etats-Unis, pouvez-vous dire aux Vénézuéliens qui est Marco Rubio ?

MB – C’est avant tout quelqu’un qui s’est montré très malhonnête dans sa manière de se présenter personnellement face aux Américains. Il dit que sa famille a fui Cuba à cause de Fidel Castro et de sa persécution politique. En réalité, elle est partie en raison de problèmes économiques créés par Fulgencio Batista. A l’Université c’était un party boy, connu pour se saoûler et aller aux « fêtes à la crème à raser », où personne ne peut regarsder au-dessous de la ceinture. C’est un loser de la haute société. L’un de ses principaux financeurs est Paul Singer, un capitaliste qui a racheté la dette de l’Argentine et a mené l’économie du pays à la faillite. Quelqu’un qui soutient résolument le lobby israélien. De même que ce sont le lobby israélien à Washington et les Cubains de Miami qui maintiennent Rubio au pouvoir. C’est un personnage médiocre sous contrôle de ces puissants intérêts pour lesquels la mainmise sur le Venezuela est un enjeu de taille.

Que pouvez-vous dire sur la manière dont la Venezuela se bat contre cette guerre médiatique internationale ?

AP – Je suis d’avis qu’il est important d’établir des liens entre les journalises étatsuniens qui tiennent à rétablir la vérité des faits. Beaucoup d’entre eux ne sont pas que des journalistes, mais des citoyens actifs politiquement qui cherchent à se mettre en relation.

Je crois que si ceux d’en face possèdent l’argent et les médias, nous pouvons contre attaquer à plus petite échelle. Il n’y a aucun doute que nous sommes en train de nous battre dans le cadre d’une guerre médiatique, mais dans la réalité -je me réfère à la réalité vécue ici à Caracas et ailleurs dans le monde- le public n’avale pas ce que les Etats-Unis leur débitent.

Ce que les Etats-Unis ont promis pour le 23 février, qui était avant tout une invasion, n’a pas eu lieu. Et ceci, pour une raison : nous sommes en train de gagner, sans doute pas la guerre médiatique, mais celle qui se déroule dans la réalité concrète.

MB – La mort de Hugo Chavez a eu pour résultat un déficit de relations publiques pour le Venezuela. Depuis lors, et ce n’est pas une critique contre Maduro, l’appareil de propagande médiatique s’est focalisé sur Maduro comme si à lui seul il représentait tout le pays, en le diabolisant et en le qualifiant de dictateur. Il est donc important de mettre en avant d’autres personnes impliquées dans la gouvernance et qui exercent des responsabilités comme, par exemple, le leadership des femmes, d’envoyer des délégations aux Etats-Unis et vice-versa et de s’efforcer de montrer la diversité et la pluralité que présente le pays.

Il est important aussi de relater les choses en anglais, pas seulement dans les grands médias mais aussi via Twitter, Facebook. Je ne suis pas vraiment inquiet de ce que fait le Venezuela dans les médias, je pense que le Venezuela s’en sort beaucoup mieux que la Syrie, par exemple, dans ce type de guerre.

Anya, tu as twitté récemment que tu es certaine que le peuple et le gouvernement vénézuéliens survivront aux menaces du gouvernement des Etats-Unis. Pourquoi crois-tu cela ?

AP – Ce que Chavez a réalisé en termes de communication avec la base, avec les gens, les vrais, et de leur apprendre ce qu’est l’impérialisme représente une formation politique qui ne peut être éliminée. Et au-delà de cela, un dispositif qui met en place des choses comme les CLAP (Comités Locaux d’Approvisionnement qui distribuent chaque mois ou deux fois par mois des caisses d’aliments quasi gratuits à six millions de familles, NdT), qui ne doivent pas leur existence à un appareil bureaucratique qui serait derrière, mais au fait que chaque communauté est basée sur un système démocratique qui crée des réseaux, eh bien une telle structure ne peut pas être détruite du jour au lendemain.

Les Etats-Unis ont voulu y parvenir en proclamant Guaido Président, mais je suis assise ici, au Venezuela, et l’opposition elle-même ne doute pas un seul instant du fait que c’est le Gouvernement de Maduro qui contrôle le pays. Ce qui me dit que les Etats-Unis subiront un échec.

Il y a aussi la communauté internationale. L’Administration Trump a commis une violation flagrante au droit international et à la souveraineté d’une manière encore jamais vue. L’ONU s’y est opposée. Ce que le chancelier Jorge ARREAZA a tenté de faire en regroupant des pays prenant résolument position en faveur des principes de souveraineté et d’autodétermination au sein de l’ONU est très instructif.

Max, tu as beaucoup de matériel d’information sur la réalité vénézuélienne. As-tu l’intention de t’en servir pour écrire un livre ou réaliser un film ?

MB – Je suis en train de travailler à un documentaire sur le Nicaragua, pour faire comprendre la notion de “coups en douce”. J’y inclurai un passage sur le Venezuela et la guerre économique. Je pense que plus tard j’écrirai un livre sur ce qui se passe ici.

Pour le moment nous nous consacrons à dévoiler au grand public nos données sur le Venezuela, avec l’équipe de The Grayzone.

Parle-moi un peu du projet de Grayzone.

MBGrayzone a été créée en 2015 pour donner une autre version du rôle que jouent les Etats-Unis dans le monde et de la manière dont ils provoquent une crise économique et sociale dans un pays.

Nous avons de nombreux collaborateurs et nous nous engageons à présenter les faits réels. Nous avons causé pas mal de dégâts à la narrative de la guerre permanente à l’aide d’une toute petite action. La réaction au travail que nous réalisons m’a beaucoup surpris : on nous a démonisé et accusé mensongèrement d’être contrôlés par la Russie.

Nous sommes impatients d’étendre nos activités au cours des prochaines années et de lancer quelques programmes en ligne. Nous espérons donc revenir bientôt au Venezuela.

 

Article original en espagnol : Documentalistas estadounidenses en Caracas: Venezuela la tiene mucho más fácil que Sirias, Supuesto negado, le 26 février 2019.

Traduction : Frédérique Buhl, Venezuela Infos

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Dans la tourmente entourant la saga SNC-Lavalin vs le gouvernement Trudeau, il ne faut pas ignorer que SNC-Lavalin reçoit des aides financières gouvernementales pour tenter de trouver des solutions acceptables à la gestion des tonnes de déchets nucléaires dont le gouvernement du Canada est le propriétaire.

Cette multinationale canado-québécoise, qui s’est associé en consortium avec de multiples autres entreprises, fait partie des Laboratoires Nucléaires Canadiens (LNC), une création du gouvernement Harper, il y a 5 ans. Les quatre entreprises suivantes accompagnent SNC-Lavalin pour « s’occuper » de la gestion des déchets nucléaires hérités du Canada : CH2M HILL Canada Ltd., Fluor Government Group Canada Inc., EnergySolutions Canada Group Ltd et Rolls-Royce Civil Nuclear Canada Ltd., dont plusieurs ont ou ont eu des démêlés avec la justice. 

Les LNC ont obtenu dernièrement l’aval béni de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour les dix prochaines années et reçoivent ainsi l’aide financière fédérale à raison de quelques 500 millions $ par an. En 10 ans, pour SNC-Lavalin cela fait un bon pognon d’un milliard $ d’argent public, si le partage est équitable entre les associés.

Pour faire quoi ?

  1. Construire, rapidement, un énorme dépotoir de déchets radioactifs à Chalk River, à côté de la rivière des Outaouais, sans tenir compte des mises en garde de nombreux intervenants qui ont déposé, lors du dévoilement de l’ébauche d’étude d’impact environnemental, plus de deux cents mémoires dénonçant les dangers pour la santé et l’environnement.
  2. Bétonner sur place, rapidement, les réacteurs nucléaires de Rolphton en Ontario et éventuellement ceux de Gentilly-1 au Québec et de Whiteshell au Manitoba, en contravention des normes internationales en vigueur, à cause des probabilités de fuites radioactives.

Rapidement et à un à coût minimal ? Oui!  Après avoir « nettoyé » le site de Chalk River, les LNC planchent sur leur projet rêvé de développer rapidement des petits réacteurs nucléaires modulaires qu’ils souhaitent disperser à tout vent à travers le monde. Et cela, sans trop se préoccuper de la gestion des déchets radioactifs que cela va produire et dont certains ont des durées de vie de centaines de milliers d’années.

Notons que SNC-Lavalin a annoncé dernièrement un partenariat avec la société américaine Koltec qui devrait être intéressée à obtenir ces contrats très lucratifs en nous faisant miroiter des solutions rapides pour la gestion des déchets nucléaires canadiens.

En 2006, SNC Lavalin a vendu sa division SNC TEC Lavalin à l’américaine General Dynamics, qui continue de fabriquer et expérimenter des quantités énormes de munitions de toutes sortes (500 000/an) à Le Gardeur, Nicolet et St-Augustin.

Lors de la saga de Gentilly-2 (2007- 2012) SNC Lavalin était en attente de la décision du gouvernement Marois pour ramasser le contrat de rénovation de la centrale nucléaire Candu à bout de souffle. Fort heureusement, la centrale vétuste a été fermée en décembre 2012 et le rêve de quelques 2 milliards se sont envolés. SNC a dû se contenter des quelques 2 milliards pour la rénovation du réacteur de Point Lepreau au Nouveau-Brunswick.

Tout cela pour dire que le gouvernement fédéral transige avec une entreprise qui est loin de l’angélisme environnemental. Le gouvernement est-il bien avisé de faire affaire avec ce genre d’ange endiablé pour tenter de gérer adéquatement et de façon éco-responsable les déchets nucléaires canadiens hérités, en tenant compte de la santé publique et de l’environnement?  

Que cache le premier ministre pour tant « couvrir » son protégé SNC-Lavalin? 

Le gouvernement fédéral devrait plutôt s’occuper rapidement d’élaborer une politique cadre en définissant et légiférant avec précision les règles de gestion des déchets radioactifs canadiens autre que le combustible irradié.

Philippe Giroul

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De tous les conflits en cours, celui au Yémen est à la fois cruel et peu suivi. Il a fallu le meurtre sordide de Jamal Khashoggi en octobre 2018 pour qu’un tant soit peu d’attention soit porté sur d’autres activités saoudiennes, entre autres au Yémen. Comme justification de son entrée en guerre, Riyad invoque l’affrontement contre l’Iran et assimile les forces yéménites qu’il combat à des prolongements de Téhéran. Revient aussi l’affirmation d’un antagonisme voulu séculaire entre sunnites et chiites, alibi prisé par les néoconservateurs occidentaux responsables des guerres sans fin au Proche-Orient.

Il n’en est rien : l’Iran n’est pas un belligérant au Yémen et la religion est étrangère au conflit. Ce différend interne sur la décentralisation de l’État est envenimé par une ingérence externe. Typique des guerres « hybrides » déclenchées au Proche-Orient, il consiste en une transformation d’une situation locale en un conflit international par l’entrée en scène de forces étrangères poursuivant leurs propres objectifs.

Désastreux en Libye et en Syrie, le bilan est catastrophique pour la population civile yéménite, cible première des forces saoudiennes. Elle est déjà l’une des plus pauvres du monde : 160e sur 186 à l’indice de développement humain de l’ONU. Pilonnage, bombardements de civils, destruction d’infrastructures, blocus, malnutrition et épidémies (choléra) s’ensuivent. Le nombre de morts atteindrait 150 000, dont 8000 enfants tués et 85 000 morts de famine et de maladie. Un enfant meurt toutes les dix minutes de malnutrition et la moitié de la population de 28 millions risque le même sort.

À l’origine, une affaire interne

Ses terres fertiles, sa bonne pluviosité et son système d’irrigation ont jadis permis une agriculture qui a soutenu une population importante. Qu’on pense au royaume de Saba et à l’Arabia Felix des Romains. Parallèlement, l’intérieur montagneux entretient et abrite une structure sociale faite de tribus jalouses de leur autonomie. Délicate, la gouvernance du pays passe par la gestion des rapports entre les clans. Les luttes pour le pouvoir sont chose courante et les Yéménites ne se font pas faute de porter une arme personnelle.

Durant les années 1980, une régénération du zaïdisme, branche du chiisme propre au Yémen, s’opère sous l’impulsion de la famille al-Houthi. La milice populaire Ansarullah (les « Houthistes ») est en état de rébellion contre le pouvoir central à Sanaa. Lors du « Printemps » arabe de 2011, Ali Abdallah Saleh abandonne la présidence, mais le soulèvement finit par être englobé dans les anciennes luttes pour le pouvoir entre diverses factions du régime. Les vieilles élites restent en place et conservent les mêmes pratiques.

Successeur de Saleh, Abd Rabbo Mansour Hadi parraine un projet de constitution qui découpe le Yémen en six régions. En juillet 2014, les Houthis, partisans de l’unité du pays, entrent en conflit avec le gouvernement, alliés à Saleh et à l’armée qui lui est restée fidèle. Les Ansar prennent la capitale Sanaa le 21 septembre 2014 et Hadi s’exile à Riyad. Le 25 mars 2015, conjointement avec les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite intervient militairement, avec appui logistique, fourniture de renseignements et ravitaillement en vol par les États-Unis.

Internationalisation du conflit

Une étape est franchie. Riyad entre en scène sous couvert de son opposition à l’Iran « chiite ». Or, le chiisme de l’Iran n’indisposait pas l’Arabie saoudite à l’époque du chah, pas plus que son zaïdisme ne l’a empêchée de soutenir les royalistes yéménites dans la guerre civile de 1962 à 1970. Le mouvement houthi est politique, pas confessionnel, et l’Iran n’est qu’un spectateur, certes intéressé, mais non impliqué. Les ressorts de la rébellion sont nationaux et ses causes, endogènes. Son objectif est un pays unifié et indépendant, alors que l’Arabie saoudite et les États-Unis visent son découpage.

On est en présence d’une des guerres civiles internationalisées de notre époque, soit un conflit local exacerbé par des acteurs extérieurs mettant en oeuvre des desseins à l’échelle mondiale. Lesquels ? La position géographique du Yémen procure la réponse.

Le détroit stratégique de Bab el-Mandeb est convoité comme clé pour le contrôle de la mer Rouge et goulot d’étranglement du commerce Asie-Europe. C’est le 3e ou 4e passage maritime au monde pour les approvisionnements énergétiques, et celui par lequel transite la majeure partie des exportations chinoises vers l’Europe.

Pour les États-Unis et l’Arabie saoudite, un Yémen unifié et échappant à leur influence leur retirerait l’usage du détroit de Bab el-Mandeb comme point de pression contre leurs adversaires et rivaux. Mieux vaut le démembrement du pays insoumis. N’a-t-on pas vu cette « logique » néoconservatrice en Irak, en Libye, en Syrie et ailleurs ? N’est-ce pas un exemple de la division actuelle du monde entre le camp des déstabilisateurs des États et celui de la défense des indépendances et des souverainetés nationales ?

Samir Saul

 

Samir Saul est professeur d’histoire à l’université de Montréal, Québec, Canada.

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-Entretien du 26 février 2019 avec Antoine Charpentier, spécialiste du Moyen-Orient. Il intervient pour RT France au sujet de treize djihadistes français qui seront jugés en Irak selon la loi irakienne, pour terrorisme après avoir rejoint l’État islamique.

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Lettre ouverte au président français : J’abjure!

mars 4th, 2019 by Pierre Stambul

Je croyais , comme le disent tous les historiens, qu’il y avait eu en 1948-49 un nettoyage ethnique prémédité de 800 000 Palestiniens, avec de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Je croyais qu’Israël avait sciemment violé la résolution 194 de l’ONU sur le retour des réfugiés palestiniens chez eux et avait détruit des centaines de villages pour effacer les traces de la Palestine.

Grâce à vous, je sais qu’une telle pensée est antisémite. D’abord les Palestiniens, ça n’existe pas. Dieu a donné cette terre au peuple juif qui rentre chez lui après 2000 ans d’exil. Ce pays était une terre sans peuple pour un peuple sans terre, les Arabes sont partis d’eux-mêmes et Tsahal est l’armée la plus morale du monde. Quant aux réfugiés, souhaiter leur retour mettrait en doute la légitimité de l’État juif et est donc antisémite. J’abjure !

Je croyais naïvement que la colonisation était illégale, que la présence de colons violents à Hébron déversant leurs ordures dans la rue palestinienne et dressant leurs enfants à caillasser les écoliers palestiniens sous l’oeil débonnaire des soldats qui les protègent était une infamie. Je croyais que le mur qui balafre la Cisjordanie avait été condamné par la justice internationale. Je croyais que 850 000 Palestiniens avaient connu la prison depuis 50 ans, que des enfants très jeunes y croupissaient et que la torture y était pratiquée.

Merci, monsieur Macron de m’avoir fait comprendre que de telles pensées sont antisémites. Israël est la seule démocratie du Proche-Orient. Elle a le droit de se défendre, puisque ce sont des terroristes qui l’entourent et souhaiteraient que la Cisjordanie soit « judenrein ». D’ailleurs, comme l’expliquait très justement Monsieur Goldnadel, les Juifs sont chez eux en Judée-Samarie. C’est en Seine-Saint-Denis qu’il y a des colonies de peuplement.
J’abjure !

Je croyais bêtement que Gaza était une cage hermétique, par terre, par mer et par air, où deux millions de personnes étaient retirées du monde. Je pensais que le blocus de Gaza et ses conséquences (manque dramatique d’eau, d’électricité, de médicaments, de produits de première nécessité) était un crime. Il me semblait que les grandes vagues de massacres contre la population de Gaza étaient des horreurs et que les images de soldats poussant des cris de joie après avoir touché mortellement des civils désarmés méritaient des sanctions.

Vous m’avez fait comprendre que de telles pensées sont antisémites. Gaza est dirigée à l’évidence par d’affreux barbus terroristes qui veulent jeter les Juifs à la mer. À Gaza, les gens utilisent les enfants comme boucliers humains. Les soldats sont obligés de tirer pour empêcher une invasion et ils ne font que se défendre. D’ailleurs la France a manifesté en toute occasion son soutien à Israël. Ce sont les Israéliens les victimes et les roquettes qui partent de Gaza sont antisémites.

Merci monsieur Macron, même s’il n’est pas toujours facile de vous comprendre.

J’abjure !

Je croyais superficiellement qu’avec la loi sur « Israël-État-nation du peuple juif », l’apartheid qui existait depuis 1948 avait été légalisé. Entre la Mer et le Jourdain, il y a autant de Juifs israéliens que de Palestiniens. Il me semblait que le fait que les premiers aient tout (les richesses, le pouvoir politique et militaire, la terre …) et que les autres aient été fragmentés en différents statuts de domination relevait de l’apartheid. Il me semblait que l’apartheid était considéré comme un crime et que, contre lui, le boycott était prôné.

Vous m’avez aidé à comprendre le caractère antisémite d’une telle assertion. Si on détruit les villages des Bédouins du Néguev, c’est bien sûr pour les aider à avoir des maisons en dur. Ailleurs. On leur apporte le progrès. Si l’Arabe n’est plus langue officielle, c’est pour que, dans un État juif, les Arabes parlent la langue du pays, c’est progressiste.

Comment n’y avais-je pas pensé ?

Merci monsieur Macron, j’abjure.

Je croyais profondément que les amitiés racistes, fascistes et antisémites de Monsieur Nétanyahou avec les Chrétiens sionistes ou avec Monsieur Orban traduisaient la vraie nature de la direction israélienne. Ces fréquentations me rappelaient des événements anciens : Theodor Herzl expliquant aux dirigeants antisémites de l’Europe qu’il avait le même but qu’eux, faire partir les Juifs d’Europe. Ben Gourion signant en 1933 avec l’Allemagne nazie les accords de Haavara (transfert des Juifs allemands en Palestine) ou Yitzhak Shamir collaborant pendant la deuxième guerre mondiale en faisant assassiner des soldats britanniques.

Vous m’avez fait comprendre que de telles pensées sont antisémites puisque vous-mêmes avez pour ami un ancien du Bétar, monsieur Kalifat (président du CRIF) et que vous donnez du « cher Bibi » à Monsieur Nétanyahou, même quand il vient d’affirmer qu’« Hitler ne voulait pas tuer les Juifs, et c’est le grand mufti de Jérusalem qui lui a soufflé l’idée ». Ces gens-là font tout pour sauver le sionisme, il est antisémite de les critiquer.
J’abjure !

Fils d’un résistant du groupe Manouchian torturé par la police française, je n’avais pas bien compris ce qu’est l’antisémitisme.

Merci encore monsieur Macron de me l’avoir expliqué.

J’abjure !

Pierre Stambul
mardi 26 février 2019
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